Dictionnaire de théologie catholique/IMMACULÉE CONCEPTION IV. Dans l'Eglise latine après le concile d'Ephèse. V.Après la définition : amis et ennemis

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 612-616).

V. Après la DÉnNixioN : adversaires et défenseurs. —

Pour les enfants dévoués de l’Église catholique, la promulgation oITicielle du glorieux privilège fut une cause de joie comparable à celle qui s’était manifestée jadis à Éphèse quand la maternité divine avait été solennellement revendiquée contre les dénégations de Nestorius. Les Alli racontent, dans une dernière partie, ce que les fêtes furent à Rome et quel accueil l’acte pontifical reçut de la part des catholiques ; parmi les instructions pastorales faites à cette occasion et rapportées p. 535, 627, on est heureux de rencontrer, en France, celles des archevêques et évêques de Paris, Lyon, Reims, Chambéry, Poitiers, Orléans, Belley et Marseille. Une autre note devait nécessairement se faire ouïr.

I. LES ADTERSAIRBa ET LEURS ATTJ.QUE3. — S’il

fallait s’attendre à des protestations de la part de ceux qui, séparés de l’Église romaine, ne reconnaissent ni l’autorité du magistère souverain ni les principes dogmatiques que la définition du 8 décembre 1854 supposait, on aurait pu espérer que, chez les catholiques, tous seraient dociles à la voix du pasteur ; il n’en fut malheureusement pas ainsi.

1* L’opposition chez les catholiques. — Si regrettables qu’aient été les défections survenues alors, il s’en faut de beaucoup que, parleur nombre ou par leur importance, elles aient justifié les craintes excessives que la

I perspective d’une définition avait fait concevoir aux pessimistes et aux timides. Quand on examine la liste, donnée par Reusch et par Roskovâny, des écrits publiés contre l’acte pontifical, on n’en trouve qu’un petit nombre sortis de plumes catholiques, et leurs auteurs trahissent presque toujours des tendances jansénistes ou gallicanes. En France, ces opposants sont représentés surtout par deux prêtres, les abbés Laborde et Guettée. Le premier († 1855) avait commencé dès 1850 une campagne acharnée contre la définition ; en novembre 1854, il n’avait pas craint d’adresser à Pie IX une Lettre sur l’impossibilité d’un nouveau dogme relativement à la conception de la bienheureuse vierge Marie, en latin et eu français. Atti, t. ii, p. 250. La définition prononcée, il soutint son rôle dans un nouvel écrit : Relation et mémoire des opposants, etc. L’abbé Guettée, qui passa plus tard à l’Église russe, publia dans L’Observateur catholique, qu’il dirigeait, les Observations d’un théologien contre la bulle et ouvrit largement à d’autres adversaires les colonnes de cette feuille, fondée contre l’ultramontanisme. Quelques attaques parurent aussi en Allemagne, en Italie et en Espagne.

Plus retentissante fut la protestation des trois prélats jansénistes de Hollande, Jean Van Santen, archevêque d’Utrecht, Henri Jean Van Buul, évêque d’Haarlem, et Hermann Heykamp, évêque de Daventrie. Dans une instruction pastorale en langue vulgaire sur l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, 9 juillet 1856, ils affirmèrent que Pie IX avait injustement fait appel, dans l’encyclique Ineffabilis, à la sainte Écriture, à la tradition, à la doctrine constante de l’Église, au consentement des pasteurs et des fidèles, aux actes et aux constitutions des papes. Ils envoyèrent cette instruction au souverain pontife avec une lettre, publiée dans l’Observateur catholique, Paris, 1856, t. ii, p. 281, où ils protestaient formellement contre la définition, se plaignaient de ce que l’ordre épiscopal tout entier n’avait pas été appelé à donner son jugement et se réservaient d’interjeter appel en temps et lieu contre l’acte pontifical. L’instruction pastorale de ces évoques schismatiques fut condamnée, le S décembre, par décret du saint-oflice. Atti, t. II, p. 705 sq.

Parmi les adversaires que le dogme de l’immaculée conception rencontra dans l’Église catholique, il faut encore compter Dœllinger, sur la fin de sa vie. Qu’il n’ait pas été, en 1854, favorable à la définition, on le voit nettement par une lettre, assez embarrassée et pleine d’un sourd mécontentement, qu’il adressa, le 31 janvier de cette année, à Fr. Michelis. J. Friedrich, Ignaz von Dœllinger, Munich, 1901, t. iii, p. 132 sq. Personnellement, il considérait la conception sans tache comme, « une question sur laquelle rien n’avait été révélé ni transmis à l’Église. Cependant, après comme avant le 8 décembre il garda publiquement le silence. En 1863, il fit même à Munich une leçon, où il présenta le privilège de l’immaculée conception comme une conséquence légitime du dogme de l’incarnation : « Si jamais, ajouta-t-il, les formalités requises pour la définition d’un dogme ont été gardées elles l’ont été aussi pour celui-là, so bei diesem », Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 564, d’après Scheeben, Periodische Rlûtler, zur wissenschaitlichen Bespreschung der grossen religiosen Fragen dsr Gegenwarl, Ratisbonne, 1874, t. iii, p. 567 sq. Sans doute, ilfaut se rappeler ici la théorie des « dogmes canoniques, » exposée par le biographe de Dœllinger, op. cit., p. 145 ; dogmes requérant « une certaine obéissance, mais non pas une pleine et ferme soumission de l’esprit. En tout cas, après sa défection provoquée par la définition de l’infaillibilité pontificale en 1870, Dœllinger changea complètement d’attitude et de langage. Dans le congrès pour

l’union des Églises, tenu à Bonn en septembre 1874 et qu’il présida, il proposa et soutint, de concert avec les vieux-catholiques et la majorité des délégués d’Églises anglicanes et gréco-russes, la résolution suivante : Nous rejetons la nouvelle doctrine romaine de l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, comme étant contraire à la tradition des treize premiers siècles, d’après laquelle le Christ seul a été conçu sans péché. Le caractère absolu de l’opposition est relevé par cette circonstance, que cette formule fut acceptée à l’exclusion d’une autre, plus modérée, qu’un certain nombre, notamment H. Liddon, doyen anglican de Saint-Paul de Londres auraient préférée : Nous rejetons comme dogme de foi la nouvelle doctrine romaine, etc. » ou bien : « Nous maintenons que le nouveau dogme romain de l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie n’esl pas un article de la foi catholique, ce qui laissait la porte ouverte à l’acceptation du privilège à titre de pieuse croyance. Rien de plus instructif que la raison apportée par Dœllinger lui-même contre cet amendement : « Nous autres théologiens allemands, nous avons un double motif de nous prononcer résolument contre la nouvelle doctrine. D’abord, l’histoire montre qu’elle doit son introduction dans l’Église à une chaîne d’intrigues et de falsifications. Ensuite, la définition dogmatique de cette doctrine par le pape eut indubitablement pour but de préparer la définition de l’infaillibilité pontificale elle-même. Cette doctrine est devenue pour nous une source et une cause de maux, /uns et origo malorum. 1 H. Rcusch, Berichl ûber die Unions-Konferenzen, p. 38 sq. Cette déclaration de principes montre clairement sous l’empire de quelles préoccupations Dœllinger devint l’adversaire, non seulement de la définition, mais encore de la croyance. Voir t. iv, col. 1516, 1, 518 sq.

L’opposition en dehors de l’Église catholique.

Les

diverses communions chrétiennes ne pouvaient pas rester indifférentes à l’acte pontifical du 8 décembre 1854. Comme il fallait s’y attendre, toutes crièrent au scandale d’ « un dogme nouveau. » Exemple, en Grèce, un article paru dans y^ùayyzliy.bç KîjpuÇ, Athènes, 1857, sous ce titre : Histoire du NOUVEAU DOGME LATIN de l’immaculée conception de sainte Anne ; titre qui, d’ailleurs, fausse la doctrine de l’Église romaine, en laissant entendre de la conception active de sainte Anne ce que cette Église entend seulement de la conception passive de Marie. Malheureusement, cette méprise n’est pas un fait isolé. Voir col. 964, C’est encore le reproche d’innovation doctrinale, que le patriarche Anthime de Constantinopic a lancé contre l’Église romaine dans sa Lettre encyclique de 1895, n. 13 : « L’Église des sept conciles œcuméniques, une, sainte, catholique et apostolique, a pour dogme que l’incarnation surnaturelle de l’unique Fils et Verbe de Dieu par le Saint-Esprit et la vierge Marie est la seule qui soit pure et immaculée. Mais l’Église papale a encore innové, il y a quarante ans à peine, en établissant, au sujet de la conception immaculée de la vierge Marie, la mère de Dieu, un dogme nouveau qui était inconnu dans l’ancienne Église. » Comment la même opposition se retrouve chez les théologiens russes, mêlée à de fausses idées sur la réelle doctrine de l’Église romaine et sur l’exacte notion du péché originel ou du développement des vérités révélées, on l’a vu ci-dessus, col. 972 sq.

Si de l’Église gréco-russe nous passons aux communions protestantes, ce sont des protestations plus bruyantes et plus étendues, mais dont le thème principal ne varie point. Avant comme après la définition, le pasteur calviniste A. Coquerel prêche contre le « dogme nouveau. » A. Stap fait des « études sur le nouveau dogme. » E. de Pressensé donne à un article

de la Revue chrétienne sur l’immaculée conception, en 1855, ce sous-titre : Histoire d’un dogme catholique romain, et comment l’hérésie devient un dogme. Ce qui permet à un autre pasteur calviniste, L. Durand, de proclamer la faillite avérée de l’infaillibilité pontificale. Mêmes attaques chez les protestants d’Allemagne, qu’ils soient libéraux, comme Hase dans son Manuel de polémique protestante, ou conservateurs, comme Graul dans son ouvrage sur les divergences de doctrine.

En Angleterre, l’évêque anglican d’Oxford, Samuel Wilberforce, attaqua bruyamment le nouveau dogme » dans un sermon prêché devant l’université à l’église de Sainte-Marie. Il dénonçait dans la doctrine de l’immaculée conception « des tendances hérétiques, pour dire le moins possible. » Ce qu’il justifiait par ce principe, emprunté à la Réforme : « Depuis que le canon de la sainte Écriture a été complété, nul point de doctrine ne saurait jamais être inséré dans les symboles de foi sans qu’on en puisse montrer l’accord avec cette parole de Dieu écrite. » Il concluait que le premier devoir d’un bon anglican était « de protester de nouveau contre ce monstrueux effort tendant à corrompre par des additions humaines la parole divine révélée. Rome, her new Dogme, p. 17, 24 sq. Ce fut apparemment pour remplir ce devoir qu’après l’apparition à Berlin, en 1865, de l’ouvrage d’Edouard Preuss, alors protestant, contre la doctrine romaine de l’immaculée conception, George Gladstone en publia une traduction anglaise : The Romish Doctrine of ihe Immaculate Conception, Londres, 1867.

Pusey fut aussi, mais à sa façon, un adversaire du dogme proclamé par Pie IX. Ce qu’il critiqua pardessus tout, ce fut la définition ; il y voyait « un obstacle de plus mis sur la voie de la réunion de la chrétienté, un nouveau sujet de discorde entre l’Église romaine et l’Église grecque, un point de divergence irréductible entre l’ancienne Église et l’Église romaine moderne. » The Church of England, p. 121. Cette attaque et d’autres qui l’accompagnaient suscitèrent de vigoureuses réponses de la part des catholiques anglais, en particulier de Newman et du P. Th. Harper, S. J. Les explications données purent faire comprendre à Pusey qu’il s’était engagé dans une controverse délicate sans avoir une idée nette ni de la doctrine catholique ni de la réelle portée de la définition émise par Pie IX. Il fit même cet aveu dans une lettre adressée à Newman, le 10 juin 1869 : t Je n’ai pas de prévention contre l’hypothèse d’une infusion de la grâce, faite par le Dieu tout-puissant dans l’âme de la bienheureuse Vierge au premier instant de son existence. Au contraire, considérant ce qu’il a fait pour Jérémie et pour saint Jean-Baptiste, la chose me semble ce qu’il y a de plus vraisemblable. Ma seule difficulté vient de la tradition contraire. » H. P. Liddon, Life of Edward Bouverie Pusey, Londres, 1897, t. iv, p. 164. Si conciliante de ton qu’elles fussent, ces paroles ne contenaient pas d’adhésion positive à la pieuse croyance. Dans la seconde partie de l’Eirenicon publiée en 1869, sous le titre de : First letter to the vert) Rev. J. H. Newman, Pusey reprit, p. 10, son grief principal contre la définition. Pour l’appuyer, il ramena les objections des anciens adversaires et fit, en outre, réimprimer la même année, le Tractatus de oeritate conceotionis, du cardinal Jean de Torquémada, en dédiant le volume aux membres du prochain concile : Concilio Romano mox habendo. Espérait-il faire revenir les pères sur l’acte pontifical de 1854 ? S’il eut cette illusion, la définition de l’infaillibilité personnelle du souverain pontife dut lui ouvrir les yeux, en même temps qu’elle détruisit ses rêves sur la réunion des Églises.

Cette dernière controverse eut l’avantage de fournir

aux catholiques anglais l’occasion d’expliquer à leurs compalrioles ce qu’était réellement la doctrine de l’immaculée conception, d’après l’enseignement catholique. La leçon n’a pas été complètement perdue, à en juger par des livres écrits depuis lors par des ritualistes, par exemple celui que le D’George Lee a consacré formellement à la défense du glorieux privilège, The sinless Conception of the Mother 0/ God, Londres, 1891, ou encore celui où Spencer Jones parle occasionnellement de la question, England and the Holg See. An essay lowards Reunion, Londres, 1902, p. 304308.

Aug. de Roskovâny, op. cit., t. vi, p. 556 sq., passim ; H. Reusch, Der Index der verbotenen Biicher, Bonn, 1883, t. ii, p. 1153 ; F. Escard, Bibliographie de l’immaculée conception, dans le Polgbiblion, partie littéraire, Paris, décembre 187’.), janvier 1880, p. 165 sq. (ouvrages opposés), 167 (réfutations) ; H. Reusch, Berictti iiber die am 14, 15, und 16 seplember zu Bonn gehallenen Unions-Conferenzen, Bonn, 1874, p. 38 sq. ; cf. Roskovâny, t. vii, p. 629 sq.

Attaques diverses, venant d’auteurs à tendances jansénistes ou s^allicanes, précurseurs des vieux-catholiques : Grand dictionnaire du xixe siècle, art.Concep(ion.-abbéJ.-J.Laborde, La croyance à l’immaculée conception de la sainte Vierge ne peut devenir dogme de foi, 3° éd., Paris, 1854 ; Id., Relation tl Mémoire des opposants au nouveau dogme de l’immaculée conception et à la bulle Ineffabilis, Paris, 1855 ; (abbé Guettée), Observations d’un théologien sur la bulle de Pie IX, relative à la conception de la sainte Vierge, Paris, 1855 ; J.-B. Bordas-Demoulin et J. Huet, Essais sur la réforme catholique, part. III, p. 479 ; Lettres sur l’immaculée conception, p. 539 ; Étude sur la bulle Ineffabilis Deus, Paris, 1856 ; E. Secrétan, Réfutation d’un ouvrage intitulé : La croyance générale et constante de V Église touchant V immaculée conception de la sainte vierge Marie, etc., par l’Eme. et Rme. cardinal Gousset, archev. de Reims, dans L’Observateur catholique, Paris, 1856, t. i et ii, série d’articles ; Poulain et E. Secrétan, Lettres à Mgr Malou, évéque de Bruges, sur son livre intitulé : L’immaculée conception considérée comme dogme de foi, dans la même revue, 1857-59, t. iv-ix, série d’articles,

.ttaque gréco-russe : ’IdTopîa toû itapà.Varivo ;  ; véo-j oôy j-ïro ; rf, ; iTTc’Lo’j « ruX^il/Eii) ; t ?, ; àyia ; ".vvri ;, dans EJaY ; ’£ ;..Lo ; K^oj ;. Athènes, 1857, t.’i, p. 262 ; Les réflexions d’un orthodoxe sur le nouveau dogme de l’Église romaine concernant l’immaculée conception de Marie (en rusie), dans Khristiansl<oe Tchtenic (Lecture chrétienne) Saint-Pétersbourg, 1857, t. ii, p. 3 ; 1858, t. I, p. 73, 184, 221 ; A. Mouravied, Question religieuse d’Orient et d’Occident, Moscou et Saint-Pétersbourg, 1856. 1858-59, p. 345 ; Le nouiieau dogme latin de l’imn^aculée conception au point de vue orthodoxe (trad. angl. par J. M. Neale, dans Voices from Ihe East, iv, Londres, 1859), p. 411 ; Réponse à deux lettres adressées à une dame russe sur l’immaculée conception : A. Lebedev, Divergences entre les Églises orientale et occidentale dans la doctrine sur la très sainte vierge Marie, mère de Dieu. L’immaculée conception (en russe), Varsovie. 1881. 2’édit. Saint-Pétersbourg, 1903. Sur ce dernier ouvrage, voir col. 973 et.. Spaldak, dans Zeitschrift fur kniholische Théologie, Inspruck, 1904. t. xxviii. p. 767 : Die Stellung der griechisch-russischen Kirche zur Lehre der unbefleckten Empfàngnis.

Attaque protestante : A. Coquerel. Un nouveau dogme concernant la vierge Marie, Paris, 1854 ; A. Stap, Éludes sur te nouveau dogme de l’immaculée conception, Paris, 1857 ; L. Durand, L’infaillibilité pontificale prise en manifeste et flagrant délit de mensonge, ou le dogme de l’immaculée conception cité et condamné au tribunal de l’histoire et des Pères, Brunelles, 18.'>9 ; A. Réville, art. Conception immaculée, dans Encyclopédie des sciences religieuses, de Lichtenberger, t. m ; E. H. VoUet, art. Marie, dans la Grande Encyclopédie (Paris, Lamirault), t. xxiii. p. 95 ; Sam. Wilberforce. Rome, her new Dogma andourduties, Oxford. 1855 ; Ed. Preuss (avant sa conversion). De immaculato conceptu b. Mariir Virginis, dans son édition de Cheinnitz : Examen conrilii Tridenlini, Berlin, 1861, Append.. p. 965 ; puis, en allemand. Die rômische Lrhre der unbefleckten Empfàngniss, Berlin. 1865 ;.). Graul, Die Unterscheidunglehrcn, Leipzig. 1865, p. 47 sq. ; E. B. Pusey. An Eirenicnn, in a Letter In the author of The Christian year, Oxford. 1866 ; Id., Firtt leller (o the Rev. Newman in explanalion rhiefly

in regard to the reverential love due to the everblessed Theolokos and the dévotion of the immaculate conception, Oxford, 1869 ; Karl von Hase, Handbuch der Protestantischen Polemik gegen die Rômisch-Katholische Kirche, 4’édit., Leipzig, 1878, p. 331 sq.

// LES DÉFENSEURS DU DOGME. — Un double progrès restait possible après le 8 décembre 1854 : un progrès cultuel et un progrès doctrinal, l’un et l’autre accidentel, c’est-à-dire portant non sur l’objet propre du culte et de la croyance désormais fixé, mais sur l’extension ou la solennité du culte et sur la défense ou l’explication scientifique de la croyance.

1 » Progrès cultuel. — Pie IX fit préparer et publia, le 25 septembre 1863, un nouvel ofHce et une nouvelle messe pour la fête de l’immaculée conception, ofïlce et messe qui devaient remplacer tous les autres. Roskovâny, op. cit., t. vi, p. 411. Les formules seraient désormais aussi explicites que possible. Tel l’invitaloire : Immaculatam conceptionem Virginis Maria ? celebremus, Christumeius FiliumudoremusDominum.Telle, la collecte, empruntée à l’ofRce de Léonard de Nogarole : Dcus, qui per immaculatam Virginis conceptionem dignum Filio luo habitaculum præparasli, etc. La bulle Ineffabilis Deus, divisée en segments, fournit les leçons du second nocturne pour le jour de la fête et durant l’octave. L’œuvre fut complétée par Léon XIII qui, le 30 novembre 1879, à l’occasion du 25 « anniversaire de la définition, éleva la fête de l’immaculée conception au degré solennel de fête de l" classe.

Mais la controverse relative à ce point : Le 8 décembre, célèbre-t-on la sanctification de Marie, comme faite en ce jour ou seulement par anticipation, n’a pas été tranchée. Voir col. 846. D’après la définition, le culte tombe sur la personne de la bienheureuse Vierge, à l’instant même où cette personne fut constituée par l’union de l’âme et du corps ; mais quand eut lieu cette union ? Dans l’hypothèse signalée col. 1163 et soutenue maintenant par le plus grand nombre, où l’embryon est vivifié dés le début par une âme humaine, rien ne s’oppose à ce qu’on considère et vénère la sanctification de la mère de Dieu comme accomplie le jour même où se célèbre la fête de sa conception. On remarquera d’ailleurs que cette idée suppose encore que nous sommes renseignés exactement sur la date de la naissance de Marie et sur le nombre exact de jours écoulés entre sa conception et sa naissance. Ces observations suffisent à montrer que la fête du 8 décembre n’est pas un anniversaire au sens strict du mot.

Moins de quatre ans après la définition du dogme, un événement était survenu qui contribua d’une façon extraordinaire à l’extension et à la popularité du culte. Du Il février au 16 juillet 1858. la bienheureuse Vierge apparut dix-huit fois à l’humble enfant de Lourdes qu’on appelle maintenant la Vénérable Bernadette Soubirous ; le 25 mars, en la fête de l’Annonciation, sur la demande qui lui fut adressée, de se faire connaître, elle répondit : Je suis V ImmacuUe Conception. C’était comme une reprise de l’apparition dont la Vierge avait gratifié sœur Catherine Labouré, et comme une réponse céleste à la proclamation du dogme par le Vicaire de Jésus-Christ. Rome ne pouvait se désintéresser de faits que des prodiges sans nombre semblaient authentiquer ; elle les examina longueinent et attentivement. Un premier résultat fut, en 1876, le couronnement de la Vierge de Lourdes ; un autre, plus important, suivit en 1891 et en 1907 : ce fut d’aliord la concession privilégiée, puis l’extension à ritglisc universelle d’un office et d’une messe en l’honneur de l’Apparition de Lourdes. Une fète>de la Manifestation de la médaille miraculeuse fut aussi concédée en 1894, mais d’une façon restreinte. Dans les deux cas.

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IMMACULEE CONCEPTION

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le titre de la fête et l’objet propre du culte se distinguent nettement : le titre, c’est l’Apparition ou la Manifestation de la Vierge immaculée, source de joie, de reconnaissance et d’espérance ; l’objet propre du culte, c’est le privilège même de la bienheureusc Vierge, comme on le voit par l’invitatoire des deux offices, emprunté à la fête du 8 décembre : Immaculatam Virginis conceptionem celebremus… Immaculatam conceplionem virginis Mariæ celebremus.

Progrès doctrinal.

Bien que la définition du

8 décembre 1854 fiit un acte définitif et irréformable, une chose restait possilile : c’était que les évoques catholiques, réunis au Vatican en concile œcuménique, unissent leurs voix à celle du pasteur suprême en adhérant d’une façon collective et solennelle à l’acte pontifical. Il en aurait été de la sorte, si les membres du concile avaient eu le temps d’acliever leur œuvre. Dans les deux schèmes de la constitution De doclrina catholica, au chapitre concernant le péché originel, c. xvii du primum schéma, etc. m du scliema eformatum, on lit, après l’affirmation de la loi générale, le rappel du privilège propre à la mère de Dieu et défini par Pie IX : Ab omnibus tamen ftdelibus firmiter credendum constanterque profltendum est, Dei maircm beatissimam virginem Mariam in primo instanti suie conceplinnis, etc., prout per aposlolicam nostram constitutionem, quie incipit INEFFABILIS Devs, a Nobis declaratum iam ac deftnitum est. Collectio Lacensis, t. VII, col. 558 ; cf. p. 516 sq., 550.

S’il convient au magistère suprême de déclarer la vraie doctrine, il ne lui appartient pas moins d’en rejeter les fausses interprétations. Léon XI II a rempli ce rôle, quand il a confirmé la condamnation portée par le saint-office, le 14 décembre 1887, contre une singulière assertion d’Antoine Rosmini sur la manière d’entendre et d’expliquer le privilège de l’immaculée conception. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1924.

34. Ad præservandam bea tam virginem Mariam a labe

originis, satis erat ut incor ruptum mancret minimum

semen in homine, neglectum

forte ab ipso dæmone, et quo

incorrupto semine de gene ratione in generationem

transfuse, suo tempore ori retur virgo Maria.

Pour préserver la bienheu reuse vierge Marie de la

tache originelle, il suITisait

qu’en Adam une toute petite

parcelle de semence, négligée

peut-être par le démon, res tât intacte, et que de cette

parcelle intacte, transmise

de génération en génération,

sortît en son temps la vierge

Marie.

Cette proposition, contenue dans l’/n/rorfuz/one del Vangelo seconda Giovanni, lez. 64, p. 193. est intimement liée à une autre qui la précède dans le document pontifical et qui se trouve dans le même ouvrage, lez. 63, p. 191. Rosmini suppose qu’au paradis terrestre le démon avait pris possession du fruit défendu et qu’en portant le premier homme à en manger, il entra dans sa partie animale et la corrompit. Rêverie bizarre, qui ne renouvelait pas seulement l’erreur de la particula sana, soutenue par quelques-uns au moyen âge, mais qui la compliquait d’erreurs plus graves par cette hypothèse d’une possession diabolique, s’étendant d’abord au fruit défendu, puis à la partie animale de l’homme, avec nombre de conséquences erronées sur la nature, le mode de propagation et les effets du péché originel. "Voir Rosminianarum propositionum, quas S. R. U. Inquisilio approbante S. P. Leone XIII reprobavit, proscripsit, damnavit, Trutina theologica, Rome, 1892, p. 331, 353.

De leur côté, les théologiens, ne se sont pas désintéressés du dogme proclamé par Pie IX. Le doulde rôle, qui leur convient : défendre la doctrine de l’Église et l’expliquer de leur mieux, gardait sa raison d’être après comme avant l’acte pontifical du 8 décembre 1854. Qu’ils n’aient pas failli à la tâche, les

ouvrages cités et utilisés au cours de cet article suffisent à le montrer, car beaucoup, et des plus importants, ont paru après la définition. Aux traités d’allure classique, des écrivains distingués ont ajouté des études en langue vulgaire, tendant à mieux faire connaître aux fidèles les fondements du dogme et la faiblesse des raisons opposées ; tels, en Belgique et en France, Mgr Malou et le cardinal Gousset ; en Angleterre, Mgr Ullalhorne, Newman et le P. Harper ; en Allemagne, Scheeben et, pour n’en citer qu’un autre. Ed. Preuss, converti au catholicisme et rendant publiquement à la Vierge immaculée le tribut de vénération et d’amour qu’il lui avait d’abord refusé. Les fêtes du vingt-cinquième, et surtout du cinquantième anniversaire de la définition, les congrès mariaux, n’ont pas seulement donné lieu à de splendides manifestations de piété, ils ont provoqué des travaux d’une grande portée, comme l’édition des Attie dncumenti par Mgr Sardi et la composition de monographies, générales ou particulières, d’un intérêt capital pour l’histoire du culte et de la croyance. La publication en divers pays, Allemagne, France, Amérique, de grands dictionnaires ou encyclopédies catholiques, ont permis aux défenseurs de l’Église et de la foi romaine d’ouvrir les yeux du grand public sur la juste valeur d’assertions imperturltablement émises, dans des œuvres du morne genre, par les adversaires de cette Église et de cette foi, rationalistes, protestants, jansénistes ou vieux-calholiques.

Signalons quelques points notables. Grâce au nombre considérable et à l’importance des documents nouveaux qui ont été découverts et publiés depuis un demi-siècle, l’hislolre du culte de l’immaculée conception et de la croyance correspondante a été virtuellement renouvelée pour certaines périodes, soit de l’Église grecque byzantine, soit de l’Église latine, du IX » au xiiie siècles. Qui oserait parler maintenant du glorieux privilège comme totalement inconnu dans les treize premiers siècles chrétiens et créé au début du xiv par Duns Scol ?

D’un autre point de vue, l’absence de textes scripturaires explicites et de témoignages primitifs formels en faveur de l’immaculée conception n’a pas peu contribué à faire étudier de plus près cette question délicate : Quel minimum de donné révélé est nécessaire pour qu’une proposition puisse être définie comme de foi divine, et de quelles manières, sous l’assistance du Saint-Ksprit, ce donné primitif peut-il en quelque sorte prendre vie, croître et s’épanouir au cours des siècles, jusqu’à devenir dogme au sens rigoureux de vérité doctrinale solennellement sanctionnée par le magistère suprême ?’oir t. iv, col. 1575, 1610 sq., 1616 sq., 1642 ; H. Pinard, art. Dogme, dans le Dictionnaire apoldç/f tique de lu foi catholique, Paris, 1911, t. I, col. 1150 sq.. 1162. 1174 ; J.-V. Bainvel et Léonce de Grandtnaisoii, cités plus loin.

Enfin, inspirés par la devise anselmienne : Fides quærens intelleclum, les théologiens de nos jours se sont gardés de traiter l’immaculée conception de Marie comme une vérité isolée ; ils l’ont, au contraire, envisagée dans le tout dont elle fait partie, c’est-à-dire la maternité divine, considérée pleinement dans sa notion physique et dans son être moral. En particulier, ils l’ont étudiée dans ses harmonieux rapports avec le dogme de l’incarnation et la rédemption. Ils ont insisté sur le rôle de la bienheureuse Vierge, nouvelle Eve que son fils, le nouvel Adam, a daigné s’associer, comme un instrument subordonné, dans son œuvre rédemptrice et sa victoire complète sur le démon. En ce sens, le cardinal Dechamps a pu dire, La nouvelle È : >e, p. 60 : « Si la conception de Marie était exceptioinielle par rapport aux autres hommes, elle était au contraire en harmonie parfaite avec l’ensemble 1217 IMMACULÉE CONCEPTION — IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES 1218

des desseins de Dieu sur la femme bénie qu’il est déraisonnable de confondre avec le reste de l’humanité. » De nouveau, les théologiens ont redit et développé avec complaisance, avec le P. Jean-Baptiste Terrien, les raisons fondamentales pour lesquelles une Mère de Dieu devait être immaculée dans sa conception. Tel encore Newman, Du culte de la sainte Vierge, p. 95 : « Est-il une dignité trop grande pour être attribuée à celle qui est aussi intimement liée à l’Être éternel, aussi étroitement unie à Lui qu’une mère l’est à son fils ? Quel don de sainteté, quelle plénitude, quelle surabondance de grâce, quels trésors de mérites durent être les siens, si nous supposons, comme la tradition l’autorise, que son créateur les pesa et les prit en considération, quand il n’eut pas « horreur du sein de cette Vierge ? » Est-il alors surprenant, que, d’une part, elle soit immaculée dans sa conception ; que, de l’autre, elle soit exaltée dans son Assomption, et honorée comme une reine d’une couronne de douze étoiles, avec des messagers de nuit et de jour à son service ? »

Un auteur calviniste écrivit, après la définition du glorieux privilège : « L’histoire du culte de Marie offre un parallèle des plus instructifs à celle de la divinité de son fils. De nos jours, et malgré les très puissantes raisons que l’ancienne orthodoxie catholique pouvait alléguer, la grande majorité des catholiques fervents s’est déclarée pour le dogme de l’immaculée conception, sans bien savoir au juste ce dont il s’agissait, mais avant tout parce que la dévotion profonde â Marie trouve plus de satisfaction à proclamer cette doctrine qu’à la nier. La divinisation graduelle de Marie suit au sein de l’Église romaine une marche analogue, bien que beaucoup plus lente, à celle que l’Église des premiers siècles a suivie en élaborant la divinité de Jésus. Chez presque tous les auteurs catholiques de nos jours, Marie est la médiatrice universelle tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre. Que dis-je ? Plus d’une tentative sérieuse a déjà été faite dans le camp ultramontain pour adjoindre d’une façon quelconque Marie à la Trinité, et si la mariolatrie dure longtemps encore, cela viendra. » A. Réville, Histoire du dogme de la divinité de Jésus-Christ, Paris, 1869, p. 94. — Non, cela ne viendra pas, car tout ce passage fourmille d’erreurs capitales et le catéchisme le plus élémentaire enjoint à tout catholique de vénérer Marie, comme mère de Dieu, mais non pas de l’adorer.

Dans sa seconde homélie. In dormit. B. Mariæ, n. 15, P. G., t. xcvi, col. 7M, saint Jean Damascène disait à ses auditeurs : Nous honorons cette Vierge, mère de Dieu, et nous fêtons le jour où elle s’est endormie ; nous n’en faisons pas une déesse (arrière ces fables de la jonglerie hellénique I), car nous proclamons qu’elle est morte, mais nous reconnaissons en elle la mère du Verbe incarné. » Là se trouve, en réalité, le dernier mot du problème. L’auteur cité tout A l’heure n’admettait pas la divinité de Jésus-Christ ; pour lui et pour ceux de la même école, que pouvait et que peut signifier ce titre de Mère de Dieu, principe et raison d’être de tous les privilèges exceptionnels de Marie, de son immaculée conception en particulier ? Nous autres, catholiques, frères par la loi des auditeurs de saint Jean Damascène, nous reconnaissons en elle la mère du Verbe incarné, et c’est pour cela qu’il nous est facile de croire en son immaculée conception. Ainsi parle une illustre convertie de l’anglicanisme. Miss B. Anthime Baker, Vers la Maison de lumière, ouvrage traduit de l’anglais, Paris, 1912, p. 270 : Lorsqu’une fois j’eus acquis la conviction quc le Christ était Dieu, la seule supposition d’une faute chez elle (.Marie) nie semblait rejaillir sur lui comme un outrage, lui dont elle tient toutes ses perfections et qui n’a pas rougi de

DICT. DE THÈOL. CATHOL.

l’appeler sa mère ; les termes de la plus brûlante dévotion n’étaient pas même capables, à mon sens, d’exprimer l’amour qu’il nous demandait pour cette Mère immaculée. » Ainsi avait pensé et parlé, huit siècles plus tôt, le moine anglo-saxon Eadmer.

Mgr Ullathorne, The immaculaie conception of the Mother of God, Londres, 1855 ; 2’édit., Westminster, 1904 ; Cardinal Gousset, La croyance générale et constante de l’Église touchant l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, Paris, 1855 ; Mgr Malou, L’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie considérée comme dogme de foi, Bruxelles, 1857 ; Cardinal Dechamps, La nouwei/* Eve ou la Mère de la vie, dans Œuvres complètes, Malines, t. v ; Newman, A Letter addressed to the Rev. E. B. Pusey, D. D., on occasion of his Eirenicon, Londres, 1864 ; en français. Du culte de la sainte Vierge dans l’Église catholique, Paris, 1908 ; Th. Harper, S. J., Peace through the Truth, i" série, 4’essai, Londres, 1866 ; Edm. Waterton, Pietas Mariana britannica, Londres, 1879 ; Ed. Preuss (après sa conversion), Zum lobe der unbefleckten empfàngniss der allerseligstenJungfrau, von eincm der sic vormals gieMsfer* /laf, Fribourg-en-Brisgau, 1879 ; Hilaire de Paris, capucin, ^^otre-Dame de Lourdes et V immaculée conception, Lyon, 1880 ; Le Bachelet, L’immaculée conception, Paris, 1902 ; A. Lehmkuhl, Bedeutung der dogmatisierung der unbefleckten empfàngniss fur unsere Zeit, dans Marianisches congress-bericht, août 1902, Fribourg-en-Suisse, 1903, p. 15-27.

Aiti del congresso Mariano mondiale tenuto in Roma l’anno 1904 cinquantesimo anniversario délia definizionc dogmatica delV immacolaio concepimento di Maria, Rome, 1905 ; J.V. Bainvel, L’histoire d’un dogme, dans les Études, Paris, 1904, t. ci, p. 612-632 ; J.-B. Terrien, L’immaculée conception, Paris, 1904 (extrait de La Mare de Dieu, 1. 1) ; Conego Manuel Anaquim, O Genio Portuguez aos pies de Maria, Lisbonne, 1904 ; L. Kôsters, Maria, die unhefleckte empfangene, Ratisbonne, 1905 ; L. de Grandmaison, Le développement du dogme chrétien, IV » partie, dans la Revue pratique d’apologétique, Paris, 190R, t. vi, p. 896-898.

X. Le Bachelet.