Dictionnaire de théologie catholique/DONS DU SAINT-ESPRIT II. Partie documentaire et historique

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 240-258).

II. Partie documentaire et historique.

I. écriture sainte.

Ancien Testament.

L’Ancien Testament a été souvent utilisé par les Pères et les théologiens pour établir ou illustrer la doctrine des dons du Saint-Esprit. Le commentaire du teste d’Isaïe, xi, 2, 3, a une importance capitale dans l’histoire de cette doctrine. Cependant nous estimons que, s’il y a dépendance réelle de la théologie des dons vis-à-vis

de l’Ancien Testament, c’est moins par le fait de quelques textes — dont la plupart sont pris au sens spirituel ou allégorique, comme nous le verrons bientôt — que par l’ensemble des témoignages qui, dans l’Ancien Testament, établissent une relation entre la communication de « l’Esprit divin » et notre connaissance de Dieu et des choses religieuses, ou encore, la pratique de la religion et la piété.

Nous avons recueilli quelques-uns de ces textes, et l’on verra, à leur lumière, qu’avec le développement de la révélation, le caractère de moralité religieuse que l’on reconnaît au don de l’Esprit de Dieu, de l’Esprit-Saint de Dieu, va s’accentuant. D’abord, il n’est communiqué qu’un don de prophétie, ou même des connaissances profanes encore que leur but soit sacré ; c’est, par exemple, dans la Genèse, xli, 38, 39, l’interprétation du songe de Pharaon par Joseph, qui fait donner à celui-ci la qualification d’homme spiritu Dei plenus. Dans l’Exode, Dieu déclare avoir rempli de l’esprit d’habileté ceux qui doivent confectionner les vêtements d’Aaron, xxviii, 3, et, plus loin, Beseleel et les orfèvres chargés d’exécuter les objets du culte, xxxi, 3. Citons les termes de cette dernière déclaration qui semblent déjà un prototype partiel d’Isaïe, xi, 2 : Et implevi eum (Beseleel) spiritu Dei, sapientia, et intelligentia, et scientia in omni opere. Cf. xxxv, 31, où est ajouté : et omni doctrina. Dans les Nombres, xi, 17, 25, nous voyons Dieu adjoindre à Moïse 70 anciens, auferens de spiritu qui erat in Moyse et dans septuagiuta viris. Cumque requievisset (autre prototype partiel d’Isaïe, xi, 2) in eis spiritus, prophetaverunt, nec ultra cessaverunt. De Josué il est dit : repletus est spiritu sapientiae. Dent., xxxiv, 9. L’Esprit du Seigneur est sur Othoniel, Jud., iii, 10 ; sur Gédéon, vi, 34 ; sur Jephté, xi, 29 ; sur Samson, xiii, 25, qui lui doit ses actions d'éclat, xiv, 6, 19 ; XV, 14 ; sur Saül, dont il fait un autre homme, I Reg., x, 6, et qui prophétise aussitôt, x, 10 ; auquel il inspire une juste colère, xi, 6. Il dirige David oint par Samuel, xvi, 13, et quitte Saül aux prises avec l’esprit de Dieu mauvais, 14, 23 ; il produit, xix. 20, 24, une véritable contagion de prophétie ; il revêt Zacharie, fils de Joïada, qui s'écrie : Hæc dicit Dominus quare transgredimini, etc. Tous ces textes et d’autres attribuent à l’Esprit de Dieu une action d’illumination prophétique, artistique, morale, intellectuelle ou prudentielle. — Avec les psaumes et les livres sapientiaux le caractère de discipline morale du don de l’Esprit passe définitivement au premier plan. Le contexte montre que c’est l’interprétation qu’il faut donner des appels à l’Esprit-Saint, à l’Esprit principal du ps. l, 13, 14. Si le verset si souvent utilisé par les Pères, la liturgie, les théologiens : Emitte spiritum tuum et creabuntur, Ps. ciii, 30. a besoin d'être pris au sens spirituel, ainsi peut-être que le verset, Spiritus tuus bonus deducet me in terram rectam, Ps. cxlii, 10, les textes de la Sagesse sont formels : Spiritus enim sanctus disciplinae effugiet fictum, 1, 5 ; Venit in me Spiritus sapientiae, vii, 7 ; Est enim in illo Spiritus intelligentiæ, sanctus, unicus, etc., 22 ; Sensum autem tuum quis sciet nisi tu dederis sapientiam et miseris spiritum sanctum tuum de altissimis, ix, 17. Cf. Eccli., i, 9, Ipse creavit sapientiam in Spiritu sancto ; XV, 5, Et adimplebit eum spiritu sapientiae et intellectus, xxxix, 8, Spiritu intelligentisae replebit illum.

Tous ces textes montrent que le texte d’Isaïe, xi, 2, n’est rien moins qu’isolé et font valoir l’origine divine autant que l’efficacité des effets spirituels de l’Esprit de Dieu. Sans doute, il ne s’agit pas ici, explicitement, de l’Esprit-Saint, troisième personne de la Trinité, voir Dictionnaire de la Bible, art. Esprit-Saint ; cependant, théologiquement parlant, tout porte à croire que la notion de cet Esprit de Dieu, dont l’intervention est constante dans l’Ancien Testament, n’est pas étrangère à la notion de l’Esprit-Saint. Cf. Petau, De Trinitate, l. II, c. vii. Les Pères, en effet, n’hésitaient pas à puiser dans ces textes de l’Ancien Testament les preuves nécessaires à l'établissement de la divinité du Saint-Esprit. On cite une seule note discordante, celle de Théodore de Mopsueste. In Joelem, ii, 28, P. G., t. lxvi, col. 222 ; cf. note, et col. 483. D’autre part, il appert que de nombreuses caractéristiques des effets de l’Esprit de Dieu, nommées dans l’Ancien Testament, à savoir la sagesse, la science, le conseil, la piété, la force, sont celles-là même qui appartiendront dans la théologie aux dons du Saint-Esprit. Il serait étrange que cette rencontre ne supposât pas une coïncidence plus foncière.

L’accentuation de cette valeur morale et religieuse des dons de l’Esprit est si nette et trouve dans la tradition juive immédiatement antérieure aux débuts du christianisme, contemporaine encore et postérieure, de si forts appuis que W. Bousset, Die Religion des Judentums im neutestamentlichen Zeitalter, 2e édit., Berlin, 1906, p. 452 sq., termine une enquête consciencieuse et minutieuse des documents de cette période par cette constatation que, dès les temps anciens, et surtout dans le temps environnant le Nouveau Testament, la piété est conçue comme étant dans une relation intime avec l’esprit de Dieu, le Saint-Esprit. A l’entendre, il y aurait plus de traces de cette conception que certaines théories dogmatiques ne l’acceptent et que la tradition elle-même ne l’a cru. Dans la jeune génération chrétienne « ces expériences pneumatiques » n’ont certainement pas été plus fréquentes que dans le judaïsme. seulement la croyance que Dieu, dans les derniers jours, avait déversé son esprit sur toute chair, y a pris une signification extraordinaire et développé des forces enthousiastes, p. 458.

A l’appui de ces déclarations on peut citer, sans sortir de la Patrologie de Migne, l'œuvre juive intitulée : Testamenta XII patriarcharum, postérieure à 70 et vraisemblablement de la fin du 1er  siècle. Cf. Kautzsch, Die Pseudepigraphen des Alten Testaments, Tubingue, 1900, t. ii, p. 460. Lire en particulier les bénédictions de Lévi, P. G., t. ii, col. 1051-1054 ; de Juda, col. 1067-1082 ; d’Issachar, col. 1083. On pourrait citer aussi le ꝟ. 37 du ps. xvii, parmi les Psaumes de Salomon, vers 48 avant Jésus-Christ, où se rencontre une nomenclature des dons du Saint-Esprit attribués au Messie, qui, dit le P. Lagrange, sont à peu près les mêmes que dans le texte d’Isaïe, xi, 2. Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 234. L’opinion commune du judaïsme pharisaïque de la même époque regardait les six premiers dons comme ayant été accordés à six descendants de Ruth, David, Daniel, Anania, Mikaël, Azaria et le Messie : ce dernier devait avoir d’ailleurs en propre le septième, le don de juger par un flair surnaturel, indiqué dans le texte : « Et il respirera dans la crainte de Jahvé. » Ibid., p. 229.

Avant de quitter l’Ancien Testament, il convient d'étudier de plus près le texte d’Isaïe, xi, 2, 3, dans lequel la tradition chrétienne a canalisé, pour ainsi parler, tant cette tradition juive que les données de même signification du Nouveau Testament. La question qui se pose, en effet, est de savoir si le texte même se prête à cette explication. Elle a été récemment approfondie par M. Touzard, Isaïe, xi, 2, 3 et les sept dons du Saint-Esprit, dans la Revue biblique, avril 1899, p. 232 sq. Le texte hébreu, on le sait, mentionne la crainte de Dieu à la place de la piété, et au lieu de la finale : et replebit eum spiritus timoris Domini, a cette leçon : Et il respirera dans la crainte de Jahvé. Il n’y a donc dans le texte original de ce passage que six caractéristiques au lieu des sept que recensent les Septante et la Vulgate. M. Touzard fait ressortir la permanence des dons qu’implique l’idée de

repos de l’esprit. Il fait remarquer aussi, très à propos que, malgré l’absence de l’une des caractéristiques traditionnelle^ ce n’est pas sans raison qu’il y a sepl membres, d’après l’hébreu, dans l’énumération des dons messianiques. C’est l’indication non équivoque et voulue de la plénitude de l’esprit. A rencontre du D r Bickell, de M. Duhin et de M. Cheyne, suivisdepuis par le P. Condamin, Le livre d’J saie, Paris, 1905, p. 90, M. Touzard pense en conséquence que l’inutilité du septième attribut, répétition du sixième, ne doit pas le faire exclure, comme glose interpolée, du texte primitif, et il cherche à en justifier la présence. Quoi qu’il en soit, c’est à la traduction des Septante et à la Vulgate que l’on doit l’introduction d’eÙTeêei’a, pietas, d’ailleurs quelque peu synonyme de crainte de Dieu, à la sixième place, et du irvsûfj. » p6"ou ®eoC à la septième, particularité qui, selon notre auteur, devait fatalement amener les lecteurs qui ignoraient l’hébreu à distinguer sept dons. Il y aurait donc eu erreur de fait, bien qu’en soi, le chiffre sept demeure acquis. Allant plus loin dans cette voie, le P. Knabenhauer n’admet pas que l’on affirme absolument avec dom Calmet que dans le texte hébreu il n’y a que six dons d’énumérés. Il se hase sur l’amplitude du concept de crainte de Dieu dans l’Ancien Testament, lequel s’entend de la religion, du culte, de la piété, et, de cette remarque jointe à la certitude, admise, dit-il, par les protestants (DelitLsch, Nœgelsbach, Bade), que le chiffre sept est voulu, il conclut que le septénaire traditionnel n’est pas destitué de fondement même dans le texte hébreu. Comment, in haiam, Paris, 1887, t. i, p. 273.

Nouveau Testament.

A lire les Pères, ce serait l’Apocalypse qui aurait influencé le plus directement la doctrine des sept dons du Saint-Esprit. Elle le doit aux divers septénaires qui y sont utilisés comme symboles. Ce sont les sepl esprils de Dieu, i, i ; v, 6 ; les sept chandeliers d’or, I, 12 ; les sept étoiles, i, 16 ; les sept flambeaux ardents, IV, 5 ; les sept sceaux, v, 1, 5 ; les sept yeux et les sept cornes de l’Agneau, v, 6. Sommes-nous en présence d’un sens spirituel réel, ou d’allégories, ou encore d’accommodations gratuites ? La question n’est pas facile à résoudre. Lioussel estime avec raison que les sept esprits et les sept anges sont plutôt en relation avec les sept anges du livre deTobie, xii, 15, et du livre d’IIénoch, xx, qu’avec les sept esprits d’Isaïe, xi, 2, 3. W. Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 215. Voir.l. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 373, 507-510. Sur les autres identifications, nous ne saurions apporter de solution uniforme non plus que décisive, à ne regarder que le sens littéral du texte. Nous inclinerions pour une simple accommodation, mais certains passages des Pères que nous citerons semblent demander davantage. Il reste que l’Apocalypse a fourni d’abondantes données à la mise en évidence de la doctrine palristique des sept dons.

.Mais, comme pour l’Ancien Testament, c’est moins par quelques textes matériels, que par un ensemble de témoignages concernant l’action du Saint-Esprit sur la moralité religieuse et surnaturelle que le Nouveau Testament influence la théologie des dons. On sait l’importance que le mot Esprit de Dieu, Esprit saint, etc., a dans la langue de saint Paul, l’opposition continuelle, déjà explicite dans l’Ancien Testament, dans laquelle cet Esprit divin se trouve, selon l’apôtre, avec l’esprit du mal, par exemple, Cal., ni, 3 ; v, l(i, 17 ; I Cor., Il, 12, les effets de religion et de sanctification qu’il attribue au Saint-Esprit, par exemple, Gal., iii, 5 ; iv, 6 ; xv, 18, 22, 25 ; Eph.. i, 13, 17 ; iii, 1(5 ; IV, 30 ; v, 18 ; II Tim., i, 7, [4, etc. Parmi ces effets nous devons signaler comme offrant de nombreux contacts avec les dons du Saint-Esprit, les dons spirituels, plus tard distingués à part sous le nom de grâces gratis datte, I Cor., xii, dont certaines caractéristiques analogues à

celles des dons : sermo sapienliw, scienliiv, operalio virtutum, discrelio spiriluum, ont souvent été employées par les Pères, en concurrence avec les esprits énumérés par Isaïe, pour développer la doctrine des dons proprement dits. Dans les Actes des apôtres, nous rencontrons les effets merveilleux de conversion et de dons spirituels produits par la descente du Saint-Esprit, à la Pentecôte, et, plus tard, dans des manifestations spéciales. L’Evangile de saint Jean, à son tour, met dans une relation étroite la sanctification, la foi et l’amour de Dieu avec la demeure intime du Saint-Esprit dans les justes, par exemple, xiv, 16, 17, 26 ; xvi, 13, 14. Cf. II. II. Swete, The Holy Spirit in the New Testament, Londres, 1909, c. ii, I il ; J. Lebreton, op. cit., p. 283-288, 325 sq. Même suite de pensées dans I.loa., spécialement IV, 1-3, 6, 13. Cf. I Pet., I, 2.

L’ensemble des témoignages du Nouveau Testament manifeste qu’il a existé, dès la première apparition du christianisme, une doctrine très affirmative touchant l’influence normale, continue, efficace du Saint-Esprit sur les âmes justes, louchant le don que le Saint-Esprit leur fait de lui-même, de ses lumières, de ses secours pour la lutte contre le mal, en vue de promouvoir leur sanctification surnaturelle et d’assurer leur salut. Cf. H. D. Swete, op. cit., c. vi, The Spirit and the Personal life, p. 340 sq. Le Nouveau Testament ne nous fournit explicitement que cette donnée générale, mais on comprend qu’elle est un terrain d’éclosion tout préparé pour la doctrine plus élaborée des sept dons, qu’il suffira que l’un des premiers croyants ait l’idée de subsumer, sous le dogme de l’action de l’Esprit de Dieu pris comme majeure, le texte d’Isaïe énumérant les sept dons du Messie, pour que le développement théologique se déclanche de lui-même. A la rapidité avec laquelle ce développement s’est produit effectivement, on est même conduit a se demander si la fusion des deux idées n’a pas existé dès la toute première génération chrétienne ; et, dès lors, il n’y a plus qu’un pas à faire pour regarder cette doctrine, contemporaine des traditions divines apostoliques, comme faisant, au moins implicitement, partie du dépôt révélé. Ce n’est là, à la vérité, qu’une conjecture.

II. SOURCES LATÉRALES PISOYESAST DES AUTEL US

PROFANES. — 1° Parmi les documents profanes dont se sont inspirés certains Pères grecs et saint Augustin, pour développer la doctrine des dons du Saint-Esprit, il semble très probable que l’on puisse citer les idées platoniciennes sur l’inspiration divine, celles qui se manifestent par exemple dans le Mcnon. Ces idées subissent plus tard le contre-coup des idées chrétiennes, et réciproquement ; d’où la théorie de la communication directe avec Dieu, si accentuée dans les Ennéades de Plolin et dans les œuvres néoplatoniciennes en général. — Lue contribution plus certaine et plus efficace, du moins sur la théologie scolastique, esteonsli t née parle passage de la Morale à Eudènie (ou d’Eudème), où le pseudo-Aristote traite île la fortune : il est des hommes à qui tout réussit. Comment expliquer ce fait ? C’est demander, répond l’auteur de ce livre, quel est dans l’âme le principe du mouvement. C’est quelque chose de mieux que la raison, quelque chose de divin. Mor. Endem., l. VII, c. xiv, Opéra Arislotelis, édit. Didot, t. ii, p. 210, n. 17-23. Cette source avouée explicitement par saint Thomas, tant pour son concept de la grâce opérante que pour les dons, a eu une inlluence décisive sur la conception thomiste de ces deux doctrines.

Comme sources contemporaines du développemenl de la doctrine des dons dans la tradition, on peut citer les idées répandues chez certains philosophes païens. C’est Cicéron qui dit : Nemo igitur vir magnus sine aliijuo af/lalu divino unquam fuit… Que ratio poêlas, maximeque Ilomerum, impulit ut principibus lie

ronm, Ulyssi, Diomedi, Agamemnoni, Achilli, cerlos deos discriminum et periculomm comités adjungeret. Oratio pro Q. Ligario. C’est Sénèque : Prope est a te Dcus, tccuni est, intus est ! lta d’ico, Lucili ; sacer intra nos spiritus sedet. An potest aliquis supra fortunam, nisi ab illo ad jutus, exsurgere ?’llle dat consilia magnifica et erecla. Epist., xli, ad Lucilium. Et ailleurs : Hac itur ad astra… Miraris hominem ad deos ire ? Deus ad liomines venit… Nulla sine Deo mens bona est. Epist., LXXIII, ad Lucilium. Mais la pensée philosophique qui a le plus profondément pénétré le développement de la doctrine des dons, c’est celle du grand contemporain de Jésus, Philon.

2° Philon le Juif (entre 20 avant Jésus-Christ et 50 après). L’idée de considérer la vertu comme un don de Dieu est familière à Philon. Cf. De temulentia. p. 258 ; De profugis, § Plus vobis panes de cselo, Opéra, Francfort, 1691, p. 470. Mais c’est surtout par le De gigantibus que ce philosophe, si lu des Pères grecs, a dû exercer une influence sur la doctrine des dons du Saint-Esprit. Cet ouvrage a pour thème le lexte connu de la Genèse, vi, 4 ; mais l’interprétation allégorique a bientôt fait de transformer, entre les mains de Philon, les géants de la Bible en ce que l’on appelle de nos jours les surhommes ou les héros. Il s’agit bien entendu de géants dans l’ordre moral. Vuici la suite des idées de ce traité’. Le point de départ de Philon, c’est cette observation psychologique dont l’origine platonicienne n’est pas douteuse, cf. le Ménon, qu’il faut être vraiment sans raison ou sans âme, i’/ryo ; r, a’l/j//j :, pour n’avoir jamais senti l’influence du Meilleur faire irruption en soi et vous pénétrer, que vous le vouliez ou non. Les scélérats eux-mêmes l’expérimentent..Mais en eux l’inspiration ne demeure pas ; elle ne fait que les traverser, le temps de leur reprocher de préférer la honte du mal aux sublimités de l’honnête. Or, c’est l’Esprit de Dieu qui opère cela, non pas ce souffle matériel qui était porté sur les eaux, Gen., i, 2 ; mais cet esprit de sagesse, d’intelligence, de science qui remplissait Beseleel, Exod., xxxi, ’6 ; xxxv, 31, et lui inspirait ses chefs-d’œuvre. C’est l’esprit de Moïse qui visitait les 70 vieillards pour les rendre meilleurs que tous, esprit très sage sans lequel il n’est pas de presbytres, selon la parole : « J’enlèverai de ton esprit et je le mettrai sur les 70 vieillards. » Mais, continue Philon, ce transfert s’est fait sans division, comme un foyer allume d’innombrables flambeaux sans ressentir en lui-même de diminution, comme la science du maître se communique à de nombreux disciples, sans que cette distribution l’amoindrisse. Or, si l’esprit personnel de Moïse, comme de toute créature, eût dû être partagé ainsi, qu’en fùt-il resté ? Il s’agit donc de l’Esprit de sagesse, qui, tout en étant immanent à l’homme, est divin, insécable, indivisible, probe, remplissant tout, utile à l’un sans détriment pour les autres, tel donc qu’à aucun esprit ne puisse manquer ni intelligence, ni science, ni sagesse. C’est pourquoi, s’il est possible à un tel Esprit de se poser sur l’âme, il ne saurait s’y reposer, uivesv |iiv ojVïtov èv’J/u-/- ?, , SiajjivE’.v 8è àSuvaTOv. Quoi d’étonnant ! toutes choses ne sont-elles pas en nous à l’état de changement perpétuel ? Ici-bas pas de possession ferme. La cause en est dans la chair et dans ses familiarités : Mon esprit ne demeurera pas éternellement dans l’homme parce qu’il est chair. Gen., VI, 3. C’est pourquoi le législateur a dit : « Homme, homme, ne t’approche pas de tes proches selon la chair. Je suis le Seigneur. » Lev., xviii, 6. Quiconque est vraiment homme, renoncera à la chair et s’appliquera à la vertu. C’est la signification de ce redoublement : homme, homme. Et ces paroles : Ego Dominus renferment aussi cette belle leçon : Les plaisirs charnels ne sont que brutales voluptés. Le bien de l’âme, au contraire,

tient de l’Esprit universel et divin qui régit toutes choses. Le Dieu qui remplit tout est tout près de nous ; si nous craignons sa sévérité inévitable, nous nous contiendrons en face du mal, afin que l’esprit de sagesse ne s’éloigne pas, mais reste en nous longtemps, comme il demeura en Moïse. Dieu lui dit : Toi, tienstoi ici avec moi. Il est, en effet, dans l’ordre que celui qui s’appuie à la règle soit droit. Regardez donc Moïse, sa tente fixée hors des camps, l’esprit en haut, commençant à adorer Dieu, entrant dans la nuée qui le dérobe, initié là aux mystères… Nous pouvons maintenant revenir à notre texte : Il y avait alors des géants sur la terre. Ce n’est pas une fable : c’est une leçon. C’est nous dire qu’autre chose sont les hommes de la terre, les hommes du ciel, et les hommes de Dieu, à savoir les voluptueux (grands de chair), les savants et les artistes (grands d’esprit), les prêtres et les prophètes (grands dans l’ordre divin). Ceux-ci sont trop grands pour être citoyens du monde, ils ont fixé leurs domiciles dans les régions de l’incorruptible et de l’incorporel. Tel Abraham qui, tant qu’il demeure en Chaldée, s’appelle Abram, l’homme sublime, le scrutateur de la nature céleste, mais reçoit un nom meilleur, quand il est devenu homme de Dieu, marchant dans la voie royale du roi unique et tout-puissant, tandis que les lils de la terre, creusant leurs puits dans cet élément immobile et sans âme, ont trahi par leurs adultères le Bien suprême, avec Nemrod le transfuge, le premier des géants.

Cette citation très longue, mais combien topique, est comme le frontispice de la théologie grecque des dons du Saint-Esprit. Elle forme la transition entre les vues du platonisme des anciens et celles du platonisme chrétien, touchant l’inspiration divine immédiate des vertus, qui constitue le surhomme divin. On y rencontre l’idée de la plénitude de l’Esprit divin se déversant sans diminution, l’idée du caractère transitoire des influences divines (différence du fjiéveiv et du o.au. îvstv capitale dans l’histoire des dons), la conception de l’Esprit de Dieu regardé comme règle immédiate de l’action vertueuse, etc. C’est un thème tout préparé pour les théologiens chrétiens platonisants.

/II. PÈRES GRECS. — Les premiers Pères apostoliques ne nous donnent sur les dons du Saint-Esprit que des indications communes, celles-là même que l’on trouve dans le Nouveau Testament. Encore ne signifient-elles quelque chose pour nous que si nous nous plaçons au point de vue de la continuité homogène des moments successifs du développement de la révélation. Il est clair que s’il fallait s’en tenir au point de vue du phénoménisme historique et admettre avec Harnack, que la notion même du Saint-Esprit oscille jusqu’au IIIe siècle entre divers concepts, force de Dieu, être personnel, identique avec le Christ préexistant ou distinct de ce Christ, don de Dieu déversé sur les croyants, fils éternel de Dieu, Dogmengeschichte, ’.V édit., p. 188, note 1, les textes qui suivent ne sauraient avoir la portée que nous leur attribuons. Pour nous, théologien catholique, nous suivons dans cet exposé le principe de « logique de croyant » qu’énonçait Newman : « On devrait logiquement interpréter l’état primitif de chaque doctrine à l’aide de la doctrine elle-même qui a été fixée en dernier lieu. » Histoire du développement de la doctrine chrétienne, Paris, 1848, p. 161 ; édit. lirémond, sur l° édition de 1878, Paris, 1905, p. 156 sq.

SaintClément(vers 96), I Cor., il, rappelle aux Corinthiens le temps où la pleine effusion du Saint-Esprit se répandait sur tous, P. G., t. i, col. 209 ; cf. xlvi, col. 304, texte où le Saint-Esprit est nommé HvEÛjj.a rfj « yipiTo ;. Le pseudo-Barnabe (vers 100) mentionne la grâce du don spirituel, ttjç ôwpeâç 7rvevp. « THtT|ç x^P’- insérée, ïy.z-j-ov, en ceux à qui il s’adresse, c. i, P. G.,

t. ii, col. 7-27 ; édit. Funk, Tubingue, 1881, p. 2. Le contexte qui suit montre qu’il s’agit de la foi, de l’espérance et de la charité. Peut être faut-il adjoindre la sagesse et l’intelligence mentionnées, c. ii, col. 729.

Il faut venir à saint Justin (f vers 135) pour assister au désenveloppemrnt de ce don spirituel. Dans le Dialogue avec Tryphon, 39, P. G., t. VI, col. 560, il décrit en ces termes l’initiation des chrétiens : Ils reçoivent les dons, ôôuaïa, selon qu’ils en sont dignes. Celui-ci reçoit l’esprit de sagesse, celui-là du conseil, cet autre de force, un autre de guérison, un autre de connaissance du futur, un autre de doctrine, un autre de crainte de Dieu. A noter que les sept termes de cette énuinération ne coïncident pas tous avec les titres traditionnels. A cette réplique de Tryphon : « Savez-vous que vous dites des insanités ? » Non, répond Justin, je ne suis pas fou. Mais il est prédit que le Christ, après être monté au ciel, doit nous envoyer ses dons : Ascenditinaltum. .. dédit dona hominibus.Vs. lxvii, "19. Nous donc, ayant reçu ces dons du Christ monté au ciel, nous vous démontrons par les prophéties que c’est vous qui êtes insensés. Notons un passage ultérieur, 82, col. 669, où sont mentionnés, comme distincts des précédents à ce qu’il semhle, les dons prophétiques, yaotapaTa, qui ont été, dit Justin, transférés des Juifs aux chrétiens. Mais le texte le plus remarquable, déjà signalé par Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., t. I, p. 183 (161-163), se trouve un peu plus loin, 87, col. 681 sq. Tryphon vient d’objecter contre la préexistence divine du Christ le texte d’Isaïe, xi, 2-3, K gredietur virga de radiée Jcsse, etc. ; Justin s’en empare et l’interprète ainsi : Ces vertus de l’Esprit, Uveûij.aTo ; 6-jvausi ; , l’Écriture ne dit pas que le Christ en avait besoin, mais qu’elles devaient se reposer en lui, c’est-à-dire trouver en lui leur terme final, de telle sorte que dans votre race il n’y eût plus de prophètes comme par le passé. Ouvrez les yeux. Depuis qu’il est là, il n’y a plus chez vous de prophètes… Salomon avait l’esprit de sagesse, Daniel l’esprit d’intelligence et de conseil, Moïse, de force et de piété, Élie, de crainte, Isaïe, de science, et ainsi de suite… C’est donc qu’il s’est reposé, c’est-à-dire qu’il a cessé (d’agir sur les Juifs), depuis que Celui-là a paru… qui a répandu les dons, qui se sont reposés sur lui par la grâce de son esprit, SôaaTa, à ànb rrjî jfâpiToç r/jç 8uvâu, eajç toO tïvï-Jiiato ; éLec’vo’j ; cf. Epis t. Barnab., citée plus haut, sur tous ceux qui croient en lui, selon qu’il les juge dignes. Cela avait été prédit, poursuit saintJustin, et il le prouve par les textes : Dédit donahominibus, Ps. LXVII, 1 ! ), etc. ; Effunilam spiritum meum, Joël, il, 28. Et, de fait, ajoute-t-il, on peut voir parmi nous des femmes et des hommes qui ont les dons du Saint-Esprit, /ap ! ?|j.aTa àreb toQ 71v£Û|j.aTo ; xoO WeoC Ainsi est-il démontré que ce n’est pas à cause de son indigence, mais pour trouver leur terme final, que sont venus se reposer sur le Christ les dons, 8-jvti|j.eit ; , prédits par Isaïe. lbid., 88, col. 685.

Ce passage, on le voit, est capital. D’abord, parce que c’est lui et non pas le texte cité’à ce propos par M. Touzard, Revue biblique, 1899, p. 252, qui marque historiquement la toute première incorporation du fameux texte d’Isaïe, xi, 1-3, à la théologie patristique des dons. La spontanéité de la réponse de Justin est d’ailleurs remarquable. Il semble que l’on ait affaire à une doctrine déjà élaborée et formée. Ensuite, malgré une intervention du mot ya.çl(jxaxa., 88, qui s’entend ordinairement des grâces gratis datæ, il semble que les mots 6jv vu si ; , Sou.ata, y désignent bien un groupe spécifique, distinct du groupe des charismes. Enfin, c’est sur le Christ que ces dons se reposent, dans un sens que l’hilon croyait impossible, et qu’il faut retenir, car Origène lui donnera un relief définitif, mais de telle favon cependant qu’ils se déversent ensuite par la grâce de l’Esprit sur les fidèles.

Les ouvrages dont les noms suivent, jusqu’à saint Irénée, n’ont pas en vue explicitement les sept dons, mais les influences ou dons du Saint-Esprit, de l’Esprit de Dieu en général.

Le Pasteur d’Hermas (vers 150) ne nous apporte aucune notion précise nouvelle. Mais il a de bonnes indications sur la lutte du don du Saint-Esprit et de l’esprit mauvais. L’homme est comme un vase. Si l’Esprit-Saint y habite, il a les vertus ; s’il se vide de l’Esprit-Saint, il se remplit de l’esprit malin. Mand., y, P. G., t. ii, col. 922, 926 ; cf. Neutestamentliche Apocryplii’n, édit. Hennecke, p. 247. Même thème, Mand., x, col. 910 sq., etsurtout Mand., xi, col.941sq., toutentier consacré à opposer la 6uvau.iv 7r/e-Ju.a-ro< ; ôsio’j à l’esprit terrestre. Il semble bien qu’à l’Esprit de Dieu sont rapportés non seulement des cliarismata ou grâces gratis datæ, Mand., XI, 9, mais aussi des dons moraux personnels : celui qui a l’esprit divin est doux, tranquille, humble, exempt de malice et de la corruption du siècle. Ibid., 9, I’. G., t. ii, col. 913 ; édit. Funk, 1881, t. i, p. 121. Citons, au même titre d’indications, dans Tatien (y vers 167), Oralio adversus græcos, n. 13, 15, 16, P. G., t. vi, col. 836, 839, 841 ; dans Alhénagore († 177), qui parle surtout de l’inspiration prophétique. Legatio pro cliristianis, n. 7, 9, col. 901, 908. Même observation pour saint Théophile d’Antioche (vers 181). Ad Autol., l. II, n. 9, 10, col. 1061-1065.

Saint Irénée reprend, où l’avait laissée saint Justin, la notion des dons proprement dits, en divers livres du Contra hæreses, composé de 175 à 189. Passage principal, l. III, c. XVII, P. G., t. vii, col. 929 sq. Il s’agit de réfuter, par le témoignage des apôtres, l’opinion qui disait que le Christ est descendu sur Jésus à son baptême. Ce que les apôtres ont dit, déclare saint Irénée, c’est que le Saint-Esprit est descendu sur lui sous forme de colombe, cet Esprit dont Isaïe parle ainsi : El requiescit, etc. Les contextes de ce passage manifestent que, dans la pensée d’Irénée, cet Espritdevait se déverser sur tous les fidèles, n. 1, que le Christ, de fait, nous a promis le Saint-Esprit, pour nous adapter à Dieu, et qu’en l’envoyant il a fait participer toute la terre au don qu’il avait reçu du Père, n. 3, col. 930. Puis le saint docteur reprend l’idée émise par saint Justin, à savoir que le don de l’esprit a été enlevé aux Juifs pour être donné aux chrétiens, en avançant que cette dispensation de la grâce avait été prédite par Gédéon, lorsque celui-ci changea sa prière et, au lieu de demander à Dieu, comme une première fois, que la laine se couvrit de rosée, la terre d’alentour restant sèche, il demanda qu’elle restât sèche et que la terre fût mouillée. Jud., vi, 36-40. « C’était dire que lepeuplede Dieu n’aurait plus l’Esprit-Saint… et que sur la terre descendrait la rosée, à savoir l’Esprit de Dieu qui descendit sur le Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science et de piété, de crainte de Dieu, que le Seigneur a donné à l’Eglise, etc. », n. 3, col. 930. La même doctrine se trouvait déjà, l. III, c. ix, n. 3, col. 871, mêlée à cette idée particulière, renouvelée de Justin. que le Verbe incarné et oint par le Père, est devenu Jésus-Christ, c’est-à-dîre l’Oint, lors de son baptême. A l’appui les textes d’Isaïe, XI, 2 sq. ; i.xi, 1 sq. D’ailleurs Irénée connaît aussi le don de l’Esprit qui nous rend semblables à Dieu (la grâce sanctifiante), Contra hxr., l. V, c. viii, n. 1, P. G., I. vii, col. 1112, et les charismata (grâces gratis daltr), l. III, c. XXIV, n. 1, col. 966 ; I. IV, c. xx, n. 6, col. 103$1-$2037, etc. Il semble bien que, pour lui, les sept dons d’Isaïe forment un groupe spécial.

Notons en passant cette idée du Pseudo-Justin (f vers 20 »), que Platon, dans le Ménon, aurait emprunté aux prophètes, en la démarquant, l’idée d’un don donné d’en haut par Dieu aux saints, l’Esprit-Saint. A l’en 758

tendre, la concordance se poursuivrait jusque dans la division de l’Esprit en sept esprits par les prophètes, qui serait imitée par la division platonique de la vertu, « pet »), en quatre vertus. Ce passage semble bien une allusion à Isaïe, xi, 2. Cohort. ad Grsecos, n. 32, P. G., t. vi, col. 300.

Clément d’Alexandrie (y vers 215) termine une description du candi-labre à sept branches, imitée ou plutôt transcrite de Philon, Vita Mosis, p. C>69, en déclarant que c’est là une figure du Christ qui lui aussi mullifariam multisque modis envoie sa lumière à ceux qui croient et espèrent en lui. Ne dit-on pas, ajoute-t-il, les sept yeux du Seigneur, et les sept esjirits qui se reposent sur la lige qui fleurit sur la racine de Jessé. Strom., V, c. vi, P. G., t. ix, col. 61. En dehors de cette mention formelle, nous n’avons trouvé chez Clément qu’une allusion aux sept dons, un texte où il est dit qu'à partir du septième jour, jour du repos, la Sagesse nous éclaire : lumière de la vérité, lumière vraie et sans ombre. Esprit du Seigneur, qui sans division est divisée, cf. l’bilon, De giganlibus, entre ceux qui sont sanctiliés par la foi. Strotn., VI, c. xvi, P. G., t. ix, col. 36't. Cf. S. Justin, cité col. 1755. D’ailleurs, Clément appelle dons de Dieu les arts humains et lu science des choses divines, Strom., I, c. iv P. G., t. viii, col. 716-717 ; VI, c. xvii, P. G., t. ix, col. 385-388, et parle séparément des charismes, IV, c. xxi, t. viii, col. 1344. — Sur les mêmes charismes, saint Hippolyte (vers 235) a tout un traité, P. G., t. x, col. 870, reproduit vers 430 dans les Constitutions apostoliques, l. VIII, P. G., t. r, col. 1066 ; mais les textes formels pour sa doctrine du don du Saint-Esprit, trop généraux d’ailleurs pour servir de contribution à notre sujets se trouvent dans le Sermo in S. Theophania, n. 9, P. G., t. x, col. 859.

Origène († 254). — La contribution d’Origène à la théologie des dons du Saint-Esprit entendus dans leur acception gémi raie est considérable. Voici les textes principaux : De princ, I. I, c. i, n. 3, P. G., t. xi, col. 122 : On participe au Saint-Esprit, sans qu’il soit divisé, en recevant sa grâce, comme on participe à la science, à l’art : idée empruntée à Philon, voir col. 1753. On reçoit l'énergie de l’esprit bon, lorsque l’on est mû et provoqué au bien, lorsque l’on reçoit l’inspiration des choses célestes et divines. Ibid., l. III, c. iii, /'. G., t. xi, col. 317. Descriptions diverses de l’activité de l’Esprit, ibid., col. 154, 374, 415 ; Contra Celsum, I. I, n. 46, col. 745 ; l. VII, col. 1432 ; lu V s. il, 9, P. G., t. xii, col. 1108-1109 ; In ps. lxvii, H », col. 1507, ubi prophela doua vocat Spiritus Sanctt gratias ; In ps. cxyiii, 131, col. 1615, attraxi Spirituni intellectus, gratiæ et sapientise ; In Ezech., homil. ii, P. G., t. xiii, col. 683 sq. ; In Mat th., tom. xiii, P. G., t. xiii, col. I091-1096 ; citation formelle du texte d’Isaïe, tom. xiv, n.6, col. 1197 ; In Luc, homil. xxvii, col. 1871 ; In Joa., tom. il, P. G., t. XIV, col. 130 ; tom. x, col. 357 ; tom. xi, col. 438 ; tom. xiii, col. 498 ; In Epist. ad Rom., l. VI, P. G., t. xiv, col. 1098-1100, 1103, très complet.

En ce qui concerne les sept dons proprement dits, notons l’expression : virtutem Spiritus Sancti septemplicem, In Lev., homil. ix, P. G., t. xii, col. 507 ; la mention du texte d’Isaïe, xi, 2, avec cette glose : quorum thesauri Christus, in quo thesauri sapientise absconditi : inde igitur émanant ac dislribuuntur, dans Selecta in Jeremiam, P. G., t. xiii, col. 550 ; le commentaire du même texte, en harmonie avec l’idée de Philon, de l’incompatibilité de la demeure fixe de l’Esprit-Saint et de l’esprit mauvais, In Num., homil. vi, n. 3, P. G., t. xii, col. 668 ; et l’exception faite pour le Sauveur, sur lequel l’Esprit s’est reposé à demeure, ibid., et col. 669. A propos de ce texte, noter, avec .M. Touzard, art. cit., p. 254, l’addition de trois dons

à la liste ordinaire des sepl. Mais le texte d’Origène, qui a eu la plus grande répercussion sur la théologie des sept dons, car je ne crois pas pouvoir me rendre à la sentence que porte sur l’influence d’Origène M. Touzard, Revue biblique, 1899, p. 256, est le commentaire allégorique qu’il fait dans l’homélie in in Jsaiam, De septem mulieribus, sur le mot d’Isaïe, iv, 1, septem mulieres apprehenderunt virum, P. G., t. xiii, col. 227 sq. Cf. P. L., t. xxiv, col. 910, la traduction de saint Jérôme. Ces sept femmes sont, à l’entendre, les sept vertus de sagesse, d’intelligence, etc. Is., xi, 2, qui ne rencontrent qu’opprobre parmi les hommes. Il n’y a qu’un homme qui puisse enlever cet opprobre. Ce n’est ni Moïse, ni Isaïe. Il est venu en eux, mais n’a pu s’y reposer. Ici rappel presque littéral des textes et idées du De giganlibus, de l’bilon. C’est celui qui était signalé à saint Jean-Iîaptiste : Super quem vider is Spiritum… manentem. Joa., i, 33. C’est celui dont Isaïe a dit : El requiescet super eum spiritus Dei, spiritus sapientise. Jésus est donc requis par les sept vertus d’enlever leur opprobre et de leur donner son nom. Il l’a fait. Prions-le donc ut et nobis iste liomo tribuat communionem harum mulierum, ut assumenles eas /ïamus sapienles, intelligentes, etc., col. 230. On voit par cette finale que l’opinion qui nie li participation des fidèles aux dons du Christ, attribuée à Origène par Suarez, De incarnat., disp. XX, sect. ii, n. 5, n’est pas plus d’Origène que de saint Justin ou de saint Irénée.

Saint Méthode († 315)a quelques indications dans le Convivium decem virginum, P. G., t. xviii. Dans une interprétation allégorique du sommeil d’Adam, c. viii, col. 74, il dit du Saint-Esprit : 7s enim proprie Verbi costa dicitur, septiformis scilicet Spiritus veritatis juxla prophetam, Is., xi, 2. Cf. col. 202-203, 216-217. Eusèbe de Césarée (vers 310) a d’intéressantes descriptions générales de l’activité du Saint-Esprit, Præp. evang., l. VII, c. xiv, P. G., t. xxi, col.519 ; Deeccles. tlteologia, l. III, c. v, col. 1010 ; et des distributions des dons du Saint-Esprit, De theophania, V2, P. G., l.xxiv. col. 685 ; mais dans son commentaire d’Isaïe l’interprétation du texte consacré ne provoque aucune réflexion de sa part. In Is., c. xi, 2-3, I'. G., t. xxiv, col. 170. Saint Athanase (y 373) mentionne également à propos du même texte le repos de l’Itsprit-Saint et de ses sept esprils sur le Christ, sans s’expliquer davantage. De ïrinilale et Spirilu Sancto, P. G., t. XXVI, col. 1204.

Avec saint Basile (y 379), nous sommes en présence d’une véritable somme des dons du Saint-Esprit, mais rien ne nous autorise à appliquer au septénaire traditionnel ce qui en est dit. Dans le Liber de Spirilu Sancto, P. G., t. XXXII, le Saint-Esprit est considéré comme source universelle de sanctification, c. IX, col. 109. Il n’y a pas de dons spirituels, dit-il, Swpeà, sans le Saint-Esprit, c. xxiv, coE 172, 173. Même idée, Homil. de fide, P. G., t. xxxi, col. 469. Notons cette sentence : ce n’est pas en ministre que le Saint-Esprit communique ses dons, o-J XsiTOupyixû ; Siaxoves : à ; îiopsàç, mais c’est par sa propre autorité, col. '(72. Il s’agit, au fond, en ce dernier passage, des charisme*, ainsi que dans le Liber deSpiritu Sancto, c. xvi, P. G., t. xxxii, col. 134 ; c. xxvi, col. 181. Dans le 1. V du Contra Eunomium, n. 2, qui très vraisemblablement n’est pas de saint Basile, mais de Didyme l’aveugle, cf. Bardenhewer, Patrologie, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 241, on trouve un texte formel pour les sept dons désignés dans Is., xi, 2, et dans le texte de Zacharie sur les sept yeux du Seigneur qui regardaient la terre. P. G., t. xxix, col. 741. Cf. col. 761, ce passage : S’il dit : Et egredietur radix, etc., Is., xi, 2, comment peut-on séparer l’Esprit du Christ Dieu ? Le saint docteur, ou plutôt l’auteur du commentaire sur

Isaïe attribut’à saint Basile, reproduit l’exégèse allégorique d’Origène sur Is., tv. I, Septem mulieres apprehendent virum, P. G., t. xxx, col. 33C, et s’appuie sur le texte Is., xi, 2, pour prouver que toute sagesse humaine et divine vient du Saint-Esprit. Jbid., col. 415.

— Saint Cyrille de Jérusalem voit, dans le même texte d’Isaie, l’affirmation de l’indivisibilité du Saint-Esprit dans la diversité de ses inlluences. Cat., xvi, P. G., t. xxxiii, col. 960, cf. col. 950, 953.

Saint Grégoire de Nazianze († 390), Orat., xii, in Pentecosten, l’.G., . xxxvi. donne un tableau d’ensemble de l’opération du Saint-Esprit. Au n. 13, col. 446, la recension des texles scripturaires débute par le rappel du texte d’Isaïe, xi, 2, déjà cité, n. 3, col. 431, avec celle glose : Isaïe, à mon avis, appelle ordinairement du nom de 7cve-j(j.a7a les opérations, èvepYsfa ; , de l’Esprit-Saint. Ailleurs, l’Esprit de Dieu est nommé… Esprit de sagesse, de prudence, de conseil, de force, de science, de piété, de crainte de Dieu, parce qu’il produit tout cela, tioiyiti"Lôv wjtmv. Orat., xi, n. 29, P. G.. t. xxxvi, col. 166, cf. col. 442. Tous ces textes indiquent une activité efficiente efficace, que saint Grégoire a d’ailleurs caractérisée d’un mot bien significatif, lorsqu’il se dépeint lui-même devenant, à la lecture des œuvres de saint Rasile, opravov xpourfu « vov IIveJu.aTi. Oral., xi. iii, col. 585.

Saint Grégoire de Nysse (-Jvers 394) conclut de ce que les Macédoniens reconnaissent au Saint-Esprit le pouvoir de donner les charismes, qu’il faut lui rendre un culte. Adc. Macedonianos, P. G., t. xi.v, col. 13291331. Les homélies de saint Macaire (y 390) constituent un véritable monument à la gloire des dons du Saint-Esprit en général, sans cependant que ies sept dons y soient une seule fois nommément désignés. P. G., t. xx xiv, 1 loin i l. ix, col. 535 ; homil.x, col.543 ; homil. xxx, col. 719 sq., etc. Il en est de même du Liber de S/tiritii Sancto de Didyme d’Alexandrie, vers 395, qui attribue au Saint-Esprit la plénitude des dons de Dieu. P. G., t. nxxix, col. 1035 ; cf. col. 1043, 1049, 1061. Par contre, le même auteur, De Trinilate, l. II, cile le texte d’Isaïe, xi, 2, pour prouver la divinité du Saint-Esprit, P. G., t. xxxix, col. 467, cf. col. 702. Ce second livre est un éloge des dons du Saint-Esprit, spécialement le c. vii, col. 559 ; du pouvoir du Saint-Esprit, distribuant les dons comme il l’entend. Didyme en conclut qu’il est l’égal du Père et du Fils. Saint Epipbane, dans l’Ancoratus, parle surtout des charismes, auxquels cependant il entremêle trois des dons nommés par Isaïe : la sagesse, la science et la force. P. G., I. xliii, n. 7, col. 27 ; n. 70, col. 148 ; n. 72, col. 152. Dans le traité Des mystères îles nombres, ouvrage.attribué à saint Épiphane, mais d’un auteur et d’une date inconnus, il est fait allusion à propos du nombre sept aux sept esprits, aux sept dons (charismata), énumérés par Isaïe, P. G., t. xliii, col. 514.

Saint Jean Chrysostome († 407), dans son Exposition sur leps. m. iv, oit la preuve que le Saint-Esprit n’est pas donné au Christ in mensura dans le texte d’Isaïe, xi, 2. En lui, ajoute-t-il, se trouve l’intégrité et l’universalité de la grâce : dans les hommes, une goutte seulement. C’est pourquoi il est dit : Eflundam île Spirilu meo. Joël, il, 28. Suit la description de cette distribution des dons, parmi lesquels la science, le pardon des péchés, les grâces gratis datte, P. G., i. i.v. col. 185. D’autres textes parlent des dons du Saint-Esprit, mais en général ou en tant qu’ils comprennent les charismes, par exemple, In Epis t. 1 ail Cor., homil. xxix, P. G., t. i.xi, col. 2’13sq. ; De S. Pentecoste, n. 4, t. l, col. 458. Une mention formelle des sept dons, De Sanclo Spiritu, P. G., t. i.n, col. 817, doit être attribuée à un pseudo-Cbrysostome presque contemporain du Père de l’Eglise. Ilésycbius (y 133 ; , In Lev., l. I, à propos de l’expression septuagies sep lies, Mattli.. xvill, 25, émet l’idée que ce multiple de sept correspond aux opérations du Saint-Esprit, et il cite Is., xi, 2. P. G., t. xciii, col. 823. Vers la même époque, saint Cyrille d’Alexandrie (y 444), In îsaiam, . I, orat. iii, interprète littéralement Is., iv, I, et déclare inexacte l’interprétation donnée par Origène touchant esseptem mulieres, en tant qu’interprétation littérale du moins, car il en loue la doctrine. De fait, il s’étend un peu plus loin sur cette doctrine, interprétant des sept dons le texte d’Isaïe, xi, 2. Il réédite à ce propos l’idée en circulation depuis Pbilon, de l’impossibilité pour l’Esprit de se reposer sur les hommes, à cause du conllit du péclié. Dans le seul Verbe fait homme, le Saint-Esprit s’est reposé sur la nature humaine, comme sur de secondes prémices du genre humain, et depuis, il se repose et demeure en nous… C’est à un seul Esprit que se rapporte toute cette multiple efficacité : l’esprit de sagesse, d’intelligence… ne sont qu’un même esprit, témoin le texte de saint Paul : Heec omnia operatur unus et idem spirilus. P. G., t. lxx, col. 314-315. Il semble que chez Cyrille, comme chez plus d’un de ses prédécesseurs grecs, les sept dons s’identifient substantiellement avec les charismes paulioiens. Cf. In Joelem, tom. ii, n. 35, P. G., t. lxxi, col. 377 sq. Cette identification est encore plus apparente dans le De adoratione in spirilu et veritate, l. IX, / G ?., t. i.xvin, col. 608, où la doctrine de la plénitude des dons exprimée par le nombre sept est nerveusement saisie, à propos d’un commentaire sur le chandelier à sept branches où se trouvent des réminiscences de Clément d’Alexandrie, voir col. 1757, et sans doute de Philon.

Théodoret (-{ 458) remarque que dans la sainte Ecriture nous lisons non seulement TT/cCy-a, mais 71vej(j.a-a, et il cile [Cor., xiv, 32. Le Christ en tant qu’hommeæu tous ces charismata. In Cantic, I. III, P. G., t.i.xxxi. col. 160. Cette observation, visant la plénitude des charismes du Christ, est reproduite à propos du texte d’Isaïe. xi, 2. In lsaiam, P. G., t. i.xxxi, col. 313. Il semble d’ailleurs que Théodoret entende par là, lui aussi, les charismes prophétiques. Cf. In Episl. ad Rom., viii, 15, P. G., t. i. xxxii, col. 134 ; In E/iist. 1 ad Cor., xi, 3, col. 322.

Le Commentaire d’André de Césarée sur l’Apocalypse, vers 490, à propos des sept esprits, des sept étoiles, des sept yeux de l’Agneau, fait intervenir à plusieurs reprises les sept dons mentionnés par Isaïe. P. G., t. c.vi, col. 223, 243, 256. Cette explication n’est pas admise pour Apoc, i, 4, mais seulement pour les sept llambeaux, iv, 5, et pour les sept esprits, v, 6, par Aréthas de Césarée. In Apoealypsim, P. G., ibid., col. 506, 569, 580.

Procope de Gaza (f528), à propos du texte d’Isaïe, xi, 2, remarque que le Christ n’a pas été simplement touché par l’Esprit comme le commun des hommes. Ceux-ci n’ont pas les dons ù domicile comme lui, mais les reçoivent de Dieu. D’ailleurs, ces dons, ce n’est pas pour lui-même, qui est Dieu, qu’il les possède, mais pour nous. In lsaiam, il, 2. P. G., t. i.xxxvii, col. 2042. Cf. col. 2284, un essai de rattachement des béatitudes évangéliques aux reveû{ji. « T «, idée d’ailleurs mise en circulation depuis un siècle déjà chez les Latins par saint Augustin.

Saint Maxime (-j-662), Quxstiones ad Thalassium, P. G., t. xc, col. 365, enseigne que ce ne sont pas sept esprits, mais sept opérations d’un seul Esprit, qui se sont reposées sur le Sauveur. Ces opérations diverses d’un même Esprit, l’apôtre les appelle des dons, cltarismala, divers… Ile même donc que l’un reçoit la parole de sagesse, l’autre celle de science ou de foi, recensées par le grand apôtre ; ainsi celui-ci le don de la parfaite charité, l’autre le don de la charité parfaite envers le prochain, un autre quelque chose selon le même Esprit. Celui qui avec Isaïe appelle ces dons

esprits, TtveûjvaTa, à mon avis ne se (rompe pas. Car dans tout don, petit ou grand, tout le Saint-Esprit se trouve agissant et inspirant. Un peu plus loin, la q. liv donne lieu à un petit traité des sept dons. Il débute avec le texte d’Isaïe, col. 521 ; on y trouve une description de chacun des dons, col. 521, 521, et une sorte de dialectique, qui rappelle la manière de Denys l’Aréopagite, pour passer du don de crainte aux illustrations de la sagesse ; cf. col. 534, où la question de l’ordre des dons est résolue dans le sens de l’ordre ascendant. Au n. 38 de la troisième centurie du Livre des 500 chapitres, se rencontre une réplique de ce même traité qui n’ajoute rien de nouveau. /'. G., t. xc, col. 1276-1277.

Il n’est pas nécessaire de pousser plus loin nos investigations. Saint Damascène, par exemple, ne nous fournirait aucune indication. D’ailleurs, saint Augustin, dès le commencement du Ve siècle, a donné a la doctrine des dons du Saint-Esprit tout le développement qu’elle pouvait comporter avant l’introduction des problèmes scolastiques. Avant de nous retourner vers la patristique latine, il est cependant utile de récapituler les notions, d’ailleurs peu nombreuses, que nous ont livrées les Pères grecs. 1° Le texte d’Isaïe, xi, 2-3, est conçu dès saint Justin comme exprimant la plénitude des dons ou des vertus spirituelles descendues sur le Christ, spécialement à son baptême. Sur ce point la tradition grecque forme une suite ininterrompue et imposante de témoignages. Seul saint Justin change deux vocables dans une des listes qu’il donne, substituant prophétie à intelligence et guérison à pieté'. 2° Le nom de dons (Sonata, saint Justin), Zmoix, est employé de très bonne heure, concurremment avec celui de vertus, ô-jvijj.etç, et de 7tvsJ[xxra pour exprimer les sept dons spéciaux du Saint-Esprit. — 3° Le chiffre sept est consacré dès l’origine. La seule exception est le texte mentionné d’Origène, qui énumère dix dons. Aussi, bien que nous admettions avec M. Touzard, loc. cit., l’ayant rencontrée dans Philon déjà et dans de nombreux passages de l'ères, que le nombre sept désigne avant tout ici un plérôme, nous ne croyons pas exacte l’affirmation du même auteur, à savoir qu’aucun des Pères grecs « ne fait mention du nombre des dons. » Revue biblique, 1899, p. 250. La continuité d’une formule septénaire constitue, à sa manière, une numération. D’ailleurs, la documentation sur laquelle s’appuie cette assertion est trop limitée pour fournir une base d’opinion à l’abri de toute revision. — 1° La distinction des sept dons d’avec les dons du Saint-Esprit en général et surtout d’avec les charismes pauliniens n’est pas suffisamment nette, du moins chez beaucoup de Pères, pour que l’on puisse affirmer absolument qu’ils forment déjà un groupe spécifique définitivement distinct. M. Touzard, loc. cit., semble avoir raison sur ce point. Je n’oserais cependant conclure, comme lui, ibid., que « ce n’est pas chez les Pères grecs que la théorie des sept dons du Saint-Esprit a été mise en relation avec le texte d’Isaïe. » Ou plutôt je dislinguerais la théorie, qui est, en effet, à venir, et la notion, qui, malgré certaines confusions avec celle des charismes, se dégage nettement avec plusieurs de ses attributs, nombre des dons, dépendance immédiate du Saint-Esprit, permanence dans le Christ, dérivation sanctificatrice vers les fidèles. — 5° Le problème qui a fait la principale préoccupation des Pères grecs, est celui de la permanence, du repos, des sept dons dans Je Christ, de la plénitude avec laquelle le Christ les a possédés, par opposition aux anciens prophètes et aussi aux justes. La relation des sept dons conférés aux justes avec les esprits descendus sur le Christ a été très nettement indiquée dès saint Justin. C'était la réponse donnée par le christianisme naissant à la thèse de Philon niant la possibilité de la demeure des dons

DICT. DE THÉOL. CATÎiOL.

de l’Esprit dans l’homme. L’exception revendiquée par les Pères pour le Christ est une confirmation de la divinité ou, tout au moins, de la surhumanité du Messie.

iv. pères latins. — Comme dans la patristique grecque, la doctrine des dons du Saint-Esprit se dessine spontanément chez les Pères lalins dès l’origine. Tertullien (fvers 250) : Meus erit Christus in quo requievit, secundum Isaiam, spirilus sapientise et intellectus, etc. Neque enini ulli hominum diversitas spiritualium documentorum competebat, nisi inChristum, jlori quidem ob gratiam spiritus adxqualum. Adv. Marcionem, 1. III, c. xvii, /'. L., t. ii, col. 341. Cf. Adv. Judeeos, c. ix, col. 623. Novatien (fvers 270), décrivant l’activité du Saint-Esprit : Hic est qui inmodum columbse habitons in solo Cltristo, plenus et totus… cum lnla sua redundantia cumulate distribulus et missus, ut ex illo delibatiouem quamdam gratiarum ceeteri consequi possint… Hoc etenim jam per Isaiam prophetam aiebat : Et requiescel, etc. De Trinitate, c. xxix, P. L., t. iii, col. 944. Saint Victorin (vers 303), Scholia in Apocalypsim, voit les sept dons du Saint-Esprit dans les sept esprits d’Apoc, I, i, P. L., t. v, col. 317, dans les sept coups de tonnerre, x, 3, col. 332. Au sujet des sept (lambeaux, iv, 5, il s’exprime ainsi : Faces ignis ardentes donum Spirilus Sancti quod in ligno passionis est reddilum, col. 326. Dans le fragment De fabrica mundi, il inaugure la comparaison, plus tard reprise parErnald de Bonneval, de la création du monde en sept jours avec la création spirituelle par les sept souflles du Saint-Esprit d’Isaïe : Et spiritu oris ejus omnis virtus eorum, Ps.xxxii, 6 ; lli 7 spiritus noniinasuni eorum spiritus qui supra Christum l>ei requieverunt. Summum ergo cœlum sapientia, secundum intellectus… Hocverbum cum luceni facit, sapientia vocatur, etc. /'. L., t. v, col. 310. Lactance, en mentionnant que Jésus est (ils de Jessé, cite Isaïe, xi, 2, sans autre commentaire. Devera sapientia et religione, LIV, c. xiii, /'. L., t. vi, col. 485. Saint llilaire (vers 366) allégorise les sept pains de la multiplication miraculeuse, Matth., XV, 10. l’er gratiam spiritus vivuut cu/us septi forme, ut perEsaiam traditur, munus est… Quæ in terram recumbunt… ad donum spiritus septiformis vocantur. Indefinitus piscium numerus diversorum donorum et charismaluni partiliones.. signi/icat… sed quod septem sportse replentur redundans et multiplicata septiformis spi>itus copia indicatur. Comment, in Matth., P. L., t. ix, col. 1007. Ailleurs, le premier, il indique l’ordre ascendant des dons, mettant la crainte à la base des autres. In ps. cxviii, 38, col. 341.

Le prologue de Y Explanalio /idei, dite du concile de Rome, 382, sous le pape Damase, cf. P. L., t. xix, Prol., n. 150, col. 494 ; Monitum, col. 787, débute ainsi : Uiclum est : jnius agendum est de spiritu sepliformi i/ui in Christo requiescit, spiritus sapientise, Christus Dei virtus et Dei sapientia, etc. A chaque don est annexé un texte de l'Écriture qui l’applique au Christ, P.L., t. xiii, col. 373 ; cf. t. xix, col. 787 ; DenzingerBannvart, n. 83.

Saint Ambroise († 395), à propos du même texte du Ps. cxviii, 38, reprend et développe l’idée déjà exprimée par saint llilaire de l’ordre des dons, montant de la crainte à la sagesse, n. 36, 37, et esquisse une idée personnelle de la connexion des dons, originale e* ceci que tous seraient des auxiliaires de la crainte de Dieu, n. 38, P. L., t. xv, col. 1264-1265. Une contribution des plus importantes se rencontre dans le De Spiritu Sancto, 1. I, c. xvi, n. 158. L’Esprit-Saint y est comparé à un lleuve sortant de la fontaine de vie : icibas une goutte de ce lleuve nous suffit, cujus nos brevi satiamur hausto ; mais, dans la céleste Jérusalem, il se répand plus abondamment sur les trônes, les domi IV. - 56

nations, etc., pleno septem virtutum spiritualium fervens mealu. C’estce texte, repris par saint Grégoire le Grand, qui guidera saint Thomas d’Aquin dans son article sur les dons au ciel. Suni. theol., I a II æ, q.LXvm, a. 6, sed contra. Un peu plus loin, n. 159, est affirmée l’unité de ['Esprit sous la multiplicité des sept dons spirituels. Le nombre sept signifie la plénitude des vertus. P. L., t. xvi, col. 740. Le Pseudo-Ambroise, Xicétas de Romatiana († 485), selon dorn Morin, dans le De sacrameutis, l. III, n. 8-10, texte que nous avons par méprise attribué à saint Ambroise, voir CARDINAL, donne aux sept dons le nom de vertus cardinales, ou principales. P. L., t. xvi, col. 431. Saint Jérôme (y 420) donne l’explication littérale d’Isaïe, iv, 1, puis reproduit et adopte l’explication allégorique d’Origène : Septem mulieres, id eut, septem gratise Spirilus Sancli appréhendent Jesnm quem multo tempare desideraverunt, quia nullum alium poluerant invenire in quo œterna statione requiescerent, Joa., i, 33. In Isaiam, l. II, c. v, P. L., t. xxiv, col. 74-75. Au passage classique, Is., xi, 2, il appuie à son tour sur la permanence du Saint-Esprit dans le Sauveur, et cite, à ce propos, une glose de l'Évangile des Hébreux, col. li.j ; cf. Ilennecke, NeutestamentUchevpucryphen, ïubingue, 1904, p. 19 ; il note aussi l’unité des sept dons dans une même source, à savoir le Christ, sans lequel personne n’est sage, ni intelligent, etc. Ibid., col. 145. Dans le commentaire sur Joël, il, 28, il insiste sur la diffusion universelle, sans acception des personnes, des dons de l’Esprit, mais il s’agit ici, semble-t-il, des charismes prophétiques, P. L., t. xxv, col. 978. Est-il le premier parmi les Latins à avoir lixé le nombre des dons d’une manière voulue et réflexe, comme le pense M. Touzard ? Revue biblique, art. cit., p. 261. Il semble bien que saint Hilaire tout au moins a la priorité.

Résumons, avant de passer à saint Augustin, les principales acquisitions de cette première période. 1° Est acquise, dès Tertullien, l’application des textes d’Isaïe, xi, 2, 3, à la plénitude de la grâce du Christ. — 2° Les dons sont des documenta spiritalia (Tertullien), des grâces (Novatien), des mimera (saint Hilaire qui les distingue nettement des dons surnaturels communs et des charismes), des souffles de l’Esprit-Saint. — 3° Le Christ les a possédés d’une manière spéciale, permanente (Tertullien, Novatien, S. Victorin, Explanalio fidei, S. Jérôme), maisils se trouventaussi dans les fidèles (Novatien, S. Hilaire, S. Jérôme). —4° L’idée d’un ordre ascendant, opposé à l’ordre de l'énumération d’Isaïe, se fait jour chez saint Hilaire, est développée chez saint Ambroise, qui le premier esquisse sur ce thème une synthèse de leur organisme. — 5° L’unité et la connexion des dons de l’Esprit septiforme sont affirmées par saint Ambroise et saint Jérôme, leur existence au ciel par saint Ambroise. —6° Le chiffre sept semble bien fixé à partir de saint Hilaire.

Saint Augustin. Le nombre sept a éveillé souvent la subtilité de saint Augustin. Pro cujusque rci universitate poni solet. Propter hoc codent siepenumero significatur Spirilus Sanctus. De civilale Dei, l. XI, c.xxxi, P.L., t. XLi, col. 311.Cf. Contra Faustum, . XII, e. xv, P. L., t. XLH, col. 263. Spécialement dans Isaïe et dans l’Apocalypse, ubi apertissime septem Spiritus Dei perhibentur proj.ler operationem septenariam unius ejusdemque Spirilus. Enarr. in ps. CL, P. L., t. xxxvii, col. 1960-1961. Et un peu plus loin, à propos de la capture des 153 poissons : In décent autem 1er ; in septem vero gratia siyni/icatur : quia legem >m>t implet nisi charitas diffusa in cordibus no s tris per Spiritum Sanctum, qui seplenario numéro tignificatur. Ibid. Cf. Serm., ccxlviii, ccxi.ix, P. L., t. xxxviii, col. 1161 sq., où ces idées sont appuyées sur le texte d’Isaïe, xi, 2-3, avec ce commentaire : Istee septem operaliones commendant seplenario numéro Spiritum

Sanctum, qui quasi descendens ad nos, incipit a sapientia, finit ad limorem. Nos autem ascendenles meipimus a timoré, perficimur in sapientia. Comme le remarque M. Touzard, art. cit., p. 263, ce qu’il faut noter dans ce passage, c’est tout d’abord l’application des dons au fidèle ; et cela, ajoutons-nous, non seulement pour l’ordre ascendant, mais aussi pour l’ordre descendant, ordinairement interprété des dons dans le Christ. C’est ensuite une sorte d’essai de synthèse doctrinale dans laquelle sont marquées les étapes de l’ascension spirituelle du chrétien, synthèse que le saint docteur développe complètement dans le Serm., cccxlvii, P. L., t. xxxviii, col. 1524-1525 ; dans le De doctrina christiana, l. II, c. vii, P. L., l. xxxiv, col. 39, ainsi que dans le Sermo Domini in monte, l. I, c. IV, P. L., t. xxxiv, col. 1234. Elle forme comme une sorte de dialectique divine : Ille (Isaias) cum privposuisset sapientiam, lumen scilicet mentis indeficiens, adjunxit intelleclum : lanquam quærenlibus unde ad sapientiam veniretur, responderet : ab intelleclu ; unde ad intellectum ? a consilio ; unde ad consilium ? a scientia ; unde ad scienliam’i' a pietate ; unde ad pielatem ? a timoré. Ergo ad sapientiam a timoré ; quia initium sapienliee timor Domini. Serm., cccxi.vn, c. ii, P. L., t. xxxviii, col. 1525. Mais ce qu’il y a de plus nouveau etde plus original dans ce sermon ceexi. vu. et surtout dans le Sermo Domini in monte, c’est la synthèse des dons du Saint-Esprit, ainsi gradués de bas en haut, avec les béatitudes que saint Thomas a largement mise à contribution. Nous nous en sommes expliqués ailleurs. Voir Béatitudes. En résumé, saint Augustin fournit quatre solides contributions à la doctrine des dons : 1° un septénaire de grâces spéciales bien distinct ; 2° une organisation de ce septénaire ; 3° une description des activités spéciales de chacun des dons, désormais identifiées avec les vertus décrites dans les béatitudes de saint Matthieu ; 4° la distinction très nette des dons qui relèvent de la charité et des charismes qui sont compatibles avec le péché. Cf. De divers, quæstad Simplicianum, l. ii, q. I, n. 8 sq., P. L., t. xli, col. 135-136.

Fauste de Riez (-[-vers 480), dans son traité De Spiritu Sancto, autrefois attribué à Paschase le Diacre, pour montrer que le Saint-Esprit est bien une personne distincte du Père, allègue le texte d’Isaïe, xi, 2, et le commente ainsi : De hoc itaque spiritu Domini qui super Salvatorem sacro descendit illapsu, per Isaiam Filins dicit : Spiritus Domini super me, Is., L, 1, 1. 1, c., P.L., t. lxii, col. 15. Cet ouvrage fait l'éloge du Saint-Esprit comme distributeur des charismes dans le sens large de dons surnaturels, c. IX sq. ; et aussi dans le sens précis, 1. U.c. x, de grâces gratis dutse, dans le but de conclure sa divinité. Cf. Pseudo-Vigile, Contra Varimadicm, .U, P. L., t. lxii, col. 400 sq. Sur l’attribution du De Spiritu Sancto de Paschase à Fauste, cf. Bardenhewer, Patrologie, trad. franc., 1899, t. iii, p. 96. — Eugippius (511), dans son Thésaurus, c. cccxv, ne fait que reproduire l’enseignement de saint Augustin sur la correspondance des dons, des béatitudes et des sept demandes de l’oraison dominicale, P. L., t. LXII, col. 1031. — Saint Fulgence (533) admet que, dans l’Apocalypse, ubicumque seplent spiritus nominantur septem doua unius Spiritus Sancti agnoscantur ; et il réfute vivement toute autre interprétation. Son long commentaire à ce sujet n’est pas de notre ressort. Contra Fabianum, fragmentum XXIX, P. L., t. Lxv, col. 795. — Cassiodore (f575) est probablement le premier qui ait vu dans la septuple répétition du mot vox Domini, au Ps. xxvill, une allégorie des sept dons. Son commentaire très étendu, d’une grande variété d’aspects, d’une haute élévation, caractérise chacun des spiritus d’Isaïe, xi, 2. Il suit l’ordre descendant dans son énumération. Cette belle interprétation fera école dans la suite. Ex

positio in Psallerium, ps. xxviii, P. L., t. lxx, col. 199 sq. — Primasius (vers 660), In Apocalypsini, I. I, à propos des sept esprits, remarque : propter septenariam operalioncm Spiritus Sancli sepliforntis spiritule dicitur, id est sapientix et intelleclus, etc. ; unius enini spiritus dona legaliler comniendantur t/uando a septem spirilibus pax et gratia devolis optatur, P. L., t. lxvii, col. 798. Cꝟ. l. II, col. 82't, 831, 832.

Xous arrivons à saint Grégoire le Grand (f601), la principale source de documentation des scolastiques avec saint Augustin. Première indication, préface des Moralia, c. vin. L’allégorie commence au c. xxvii du 1. 1 des Morales où les sept fils de Job figurent les sept dons et leurs trois sœurs, les vertus théologales, P. L., t. lxxv, col. 544. Au l. II, c. xlix, n. 78, P. L., t. lxxv, col. 592, le rôle des dons est discuté en détail ; nous avons déjà cité ce texte dans la première partie de cet article, col. 1748. Même livre, c. i.vi, col. 597, rappel de l’idée, devenue le bien commun de tous les théologiens, que lademeurepermanente du Saint-Esprit est un privilège du Christ, p. 90. Les charismes prophétiques nous sont retirés parfois en vue de notre bien, n. 89. Cf.n.78. Il faut bien distinguer ici ces dons qui sont pour l’utilité des autres, de ceux qui sont nécessaires à la vie spirituelle, douceur, humilité…, foi, espérance, charité. L’esprit demeure avec ces derniers dans ses élus, quoi qu’il en soit de leur va-et-vient, n. 78. Au l.XXX, c. xxxii, nouvelle et originale mise en œuvre de l’impossibilité pour l’homme de réunir les opérations des sept dons à propos du texte de.lob : Numquid conjungere valebis micantes stellas Pléiades ? Job, xxxviii, 31. En ce passage, saint Grégoire passe des dons aux charismala pauliniens, d’une manière qui marque, qu’en cet endroit du moins, il les identifie. Cela n’a rien d'étonnant, puisque pour lui, cꝟ. l. XXXV, n. 15, col. 758, le nombre sept désigne avant tout une plénitude, et que l’Esprit septiforme, en nous touchant, nous donne en même temps l’exercice des quatre vertus morales. Ibid. Mais le texte des Morales de saint Grégoire le plus intéressant, parce qu’il offre un point de vue neuf, est celui qui vise la connexion des dons, à propos de Job, i, 4 : Ibant /ilii ejus et faciebant conviviutn unusquisque in die suo, valde enini singula quxlibel virtus destituitur si non una alii virtus virtuti suflragatur, l. I, n. 45, P. L., t. lxxv, col. 547. A noter les activités spéciales que saint Grégoire attribue dans ce chapitre à chacun des dons. Dans les homélies sur Ézéchiel, à propos de l’escalier du Temple, saint Grégoire aborde un autre point important, l’ordre de rénumération des dons du Saint-Esprit, l. II, homil. vu. Il la résout grâce au texte : Initium sapienliæ limor Domini, dans le sens déjà rencontré, à savoir qu’il s’agit, dans l'énurnération qui débute par la crainte, de l’ordre des dons tel qu’il est en nous. P. L., I. LXX VI, col. 1015. M. Touzard a bien fait valoir ce dernier texte en montrant que, pour saint Grégoire, le texte d’Isaïe renferme une analyse complète de la grâce septiforme en nous et dans le Christ. Art. cit., p. 265.

Saint Bède(f735) voitdans les sept lumières ducandélabre sacré les sept dons du Saint-Esprit énumérés par Isaïe. De tabernaculo et vasis ejus, l. I, c. ix, /'. L., t. xci, col. 419. De même, dans les sept yeux et les sept cornes de l’Agneau, dont il est parlé dans l’Apocalypse. Ibid. et Explan. Apoc., l. I, c. v, P. L., t. xciii, col. 145. Paul Diacre, à la fin du viiie siècle, à propos du texte symbolique : Sapientia… exciditcolumnas septem, qu’il joint au texte : Kgredietur virga de radiée Jesse, a la pieuse pensée de considérer, le premier peut-être, les sept dons du Saint-Esprit dans la sainte Vierge, Homil., i, in Assumptione È. M. Y., P. L., t. xcv, col. 1567. Le pseudo-Ambroise (Berengaudus, IXe siècle ?) interprète, lui aussi, les sym boles classiques de l’Apocalypse, dans le sens de la doctrine des dons. Expositio super septem visiones lsaise, P. L., t. xvii, col. 766, 797. —Paschase Radbert (860), dans son exposition In Mallhseum, préface, se livre à de pieuses considérations sur les sept dons dans le Christ, mais il est difficile d’en extraire une doctrine précise. P. L., t. cxx, col. 39 sq. — Raban Maur († 858) interprète le passage des Nombres relatif à l’esprit de Moïse communiqué aux soixante-dix vieillards, et émet la remarque que, si l’Esprit se repose sur les prophètes, il ne s’est reposé sur aucun d’eux comme sur le Christ ; il le prouve par Is., xi, 2, 3, et par un parallèle, renouvelé des Pères grecs, des principaux prophètes de l’Ancien Testament avec le Sauveur. Enarrat. in lib. Numeroruni, 1. 11, c. vii, P. L., t. cviii, col. 658 sq. On voit combien la préoccupation de la thèse posée parPhilon de la nonpermanence de la plénitude de l’Esprit de Dieu dans l’homme et la revendication de ce privilège pour le Messie, grâce au texte d’Isaïe, xi, 2, opposé au texte favori de Philon, Gen., VI, 3, ont tenu de place, jusqu’au bout, dans la tradition.

Conclusion. — Étant donnée cette documentation, peut-on admettre la thèse que l’idée spécifique du septénaire des dons du Saint-ksprit n’est pas donnée dans la tradition grecque ni dans la tradition latine antérieure à saint Jérôme ? Au point de vue de l’histoire critique nous aurions des motifs d’hésiter. M. Touzard dans l’article cité, qui a le mérite d'être le premier en son genre et le seul que nous connaissions sur ce sujet, s’est prononcé dans le sens de l’absence du septénaire proprement dit dans la tradition grecque et latine primitive. Mais il est facile de voir, par les documents réunis ici pour la première fois, que sa documentation est trop restreinte pour que sa solution puisse prétendre échapper à toute revision. Au point de vue theologique, il n’est pas nécessaire que les Pères, qui ont parlé des dons, aient eu la conscience parfaite de cette doctrine : il suffit qu’ils aient plus ou moins explicitement témoigné en sa faveur. Leur témoignage vaut en tant qu’expression de la tradition dont ils sont les organes et dont le Saint-Esprit dirige le développement. A ce point de vue de l’analogie de la foi, les différents moments historiques de l’expression d’une virile traditionnelle doivent être considérés, non pas seulement en eux-mêmes etdans la signification imparfaite qu’ils ont actuellement pour telle génération, mais en fonction de l’aboutissant qu’ils préparent, de la vérité explicite ou du dogme vers lesquels le Saint-Esprit achemine l’intelligence chrétienne. Ainsi envisagés, les linéaments de doctrine touchant les donsdéposés tout le long des deux patristiques, doivent être regardés, selon la conception de Newman, comme exprimant le développement continu et ordonné d’une pensée d’avenir, quelque chose comme le déroulement successif des parties d’un discours, dont le Saint-Esprit dirige l’achèvement. Ce point de vue est le nôtre dans ce Dictionnaire de théologie. Nous ne pouvons admettre que la doctrine des sept dons, aujourd’hui commune dans toute l'Église et officiellement enseignée, catholique en un mot, soit une pure construction de la spéculation théologique, brodant sur un fond de données vaguement révélées. La suite des témoignages que nous avons enregistrés, semble bien plutôt nous faire assister au développement d’une doctrine, secondaire à la vérité, mais appartenant à la tradition primitive au moins implicitement, qu'à la construction d’une théorie théologique. C’est avec les scolastiques que la construction théologique, dont quelques points cependant ont été indiqués par saint Augustin et saint Grégoire le Grand, va prendre une consistance théorique.

V. PREMIEBS TUÉOLOG1ESS SCOLASTIQUES. — Dans

la période particulièrement ingrate qui va du ix « au

XIe siècle, la théologie des dons subit une éclipse, mais avec la renaissance théologique du xue siècle commence une phase nouvelle de la question des dons du Saint-Esprit. Saint Anselme (-j-1109) ouvre la marche par cette réflexion sur l’ordre des dons, à propos des béatitudes évangéliques : Dis igitur septeni prsediclis virtutum gradibus congru.it sep ti for mis operalio S/iiriius Sancti de quo : Requiescet, etc. Is., XI, 2. Sed Ule a summo incipit, hic autem ab imo. Honiil., il, in Malth., v, I, P. L., t. ci.viii, col. 596. Dans son Serrn., iv, De sacramentis dedicationis, saint Yves de Chartres (y I 1 16), décrivant les cérémonies de la dédicace d’une église : Inde venit an te altare et aspergil illud septeni vicibus. Quo numéro signi/icatur plenitudo Spiritus Sancti, Spiritus sapientix et intelleclus, etc. P. L., t. ci.xii, col. 532. Saint Bruno d’Asti (y 1123), commentant le verset de saint Matthieu : Tune assumit septeni alios spiritus secum nequiores se, se demande : Quare septeni ? Quare nequiores’.' Quia enim septeni sunt gratix Spiritus Sancti, quibus oninis anima ad /idem convertitur et conversa defendiiur, ideoiniquusiste…. pponens videlicel spiritum stultitix spirilui sapienlise, etc., In Matin., part. III, c. xiii. P. L., t. ci.xv, col. 185. Honoré d’Autun (1135), Spéculum Ecclesix. In Pentecosten : Hxc festivilas per septeni dics celebratur quia Spiritus Sanctus in septeni donis reneralur… Spiritus sapientix, etc. Hsec sunt septeni mulieres quæ unum viruin appréhender uni quia septeni dona Spiritus Sancti Christum cor poraliler posséder un t. P. L., . CLXXII, col. 960. Il décrit ensuite l’échelle des sept dons que gravissent ceux qui craignent Dieu, et caractérise chacune de leurs activités ici-bas et dans la béatitude, col. 961. Plus loin, un rappel des symboles bibliques des dons, le candélabre à sept lumières, Exod., xxv, les sept colonnes, Prov., ix, les sept yeux et les sept cornes de l’Agneau, Apoc, v, vi, enfin, dans une très curieuse dissertation, les « sept natures de la colombe », col. 962 sq.

Rupert (1135). Le De divinis officiis, P. L., t. ci.xx, col. 219, contient le passage classique : Quid enim sunt septeni Spiritus Dei quibus doniinicus homo requietionis locus unicus est, nisi septeni vocitm spiritualium discrimina quibus omnis ejusdem contexitur doctrina. .. Pour l’ordre de l’énumération il suit saint Grégoire. Ihid., col. 221. Mais le document principal et qui classe Rupert parmi les docteurs attitrés des dons du Saint-Esprit, est fourni par les neuf livres, De operibus Spiritus Sancti, qui terminent le De Trinitate et operibus ejus libri XLII, P. L., t. cxi.vn, col. 1571. A noter spécialement dans le l. I, c. xxi et xxii, la double description des dons dans le Christ, col. 15911594. Cf. In Tsaiam, l. II, c. vi, P. L., t. cxlvii, col. 1319 ; Comment, in Joa., l. II, P. L., t. CLXIX, col. 254 sq. Au c. xxv du même livre on rencontre l’idée de l’ordre descendant des dons dans le Christ opposé à l’ordre ascendant des dons dans le pécheur qui fait pénitence, cf. col. 1628 ; t. cxlvii, col. 1597, et c. xxxi, col. 1603-1601. Les sept livres suivants sont consacrés chacun à un don du Saint-Esprit, en commençant par le don de sagesse. Le don de sagesse s’est surtout manifesté selon lui dans la passion du Christ, I. II, c. I, il, col. 1605-1606, cf. un texte de saint Viclorin, martyr, cité col. 1762 ; et c’est peut-être ici l’une des sources de l’opinion rapportée par les scolastiques, voir col. 177V, qui énonce que les dons du Saint-Esprit nous configurent au Christ dans sa passion. Rupert ne le dit pas expressément, que nous sachions, mais sa double doctrine du baptême qui nous assimile à la mort du Christ, l. III, c. iv, col. 1644, et du baptême conférant les sept dons, c. x, col. 1650, et de nombreuses indications du même genre, invitent à le penser. La richesse des idées contenues dans ces sept livres

délie l’analyse. C’est la première somme des dons du Saint-Esprit. On trouvera d’ailleurs des indications éparses dans de nombreux passages des œuvres de Rupert. Notons In Zacliar. propli., l. III, P. L., t. clxviii, col. 768.

Hugues de Saint-Victor (Mil) est dans la théologie scolastiquele patron’principal del’opinion, voircol. 1767. Ilruno d’Asti, qui explique la diversité spécifique des dons du Saint-Esprit par leur opposition à certains vices, singula vilia singulas medicinas habent ; septeni vitia, se}item spiritus ; quoi morbi, tôt medicinx. Quid sunt septeni spiritus ? septem sunt dona Spiritus et dona sunt spirilus, et spiritus sunt dona. De quinque seplenis, c. v, P. L., t. CLXXV, col. 411. Dans leur recension il suit l’ordre ascendant. Sa conception originale des dons fait partie d’une synthèse, bien à lui, de la psychologie du surnaturel, que nous trouvons exposée dans un passage du De sacramentis : Virlules in Scriplura sacra plurimx numerantur, maxime rero quæ in Evangelio, quasi quxdam anlidota vel sanitates contra septeni vitiorum corruptionem sub eodem numéro disponuntur. Prima est humililas, secunda mansueludo, etc. Homo igitur, in peccalis jacens, xgrotus est totus, vilia sunt vulnera, Deus medicus, dona Spirilus Sancti antidola, virtutes sanitates, beatitudincs gaudia : per dona enim Spirilus Sancti vitia sanantur. Sanitas vitiorum est operalio virtutum. Sanus operatur ; opéra rémunérant nr, I. II, part. XIII, c. ii, P. L., t. ci.xxvi, col. 527. Aux vertus évangéliques énumérées dans les béatitudes de saint Matthieu est dévolu le rôle actif, positif : les dons ont un rôle négatif qui est de guérir le malade. Comment cela’.' L’auteur de la Summa sententiarum va nous l’apprendre : Contra illa septem vilia (les péchés capitaux) sunt virtutes quas pariunt septeni dona. lnter dona autem et virtutes hxc est dijferenlia quod dona sunt primi motus in corde, quasi quxdam semina virtutum jaclata super terrant cordis noslri ; virtutes quasi segetes quæ ex ipsis consurgunt. Sunt enim efjectus donorum habitus quidam confirmais jam boni. Et dicuntur 7 dona Spirilus. Undr in Apoc. : Vidit Juannes septeni spirilus, discurrentes ante thronum Dei. Spirilus dicuntur, id est aspirantes vel aspirationes, quæ præcedunt virtutes ; et sunt dona solummodo et non mérita. Yirtutes sunt et dona et mérita. In illis operatur Deus sine nobis ; in istis operatur nobiscum. Ex timoré, qui est initium sapientix {Ps. c), nascitur humililas ; ex spiritu pietatis mansueluilo nascitur : et ita per singula quæ numerantur ibi : Beati pauperes spiritu. Summa sententiarum, tr. III. c. XVII, P. L., t. ci.xxvi, col. lli.

On sait que l’opinion qui fait des dons /primi motus in corde </uasi semina virtutum, a été cataloguée dans la théologie poslérieure comme identifiant les dons et la grâce actuelle. Cf. Chr. Pesch, Prælecliones, t. vin. n. 100.

A ces citations qui ne laissent aucune obscurité sur la pensée maîtresse de Hugues, on peut joindre un passage des Allegorix in Novum Testamentum, I. II, ouvrage douteux, qui reproduit la même doctrine et, de plus, la division des sept dons comme correspondante aux sept demandes du Pater, petilio septiforma, P. L., t. ci. xxv, col. 777, idée de saint Augustin reprise par saint Thomas d’Aquin, Voir col. 1777. On y trouve aussi une réminiscence de l’interprétation de saint Ililaire sur le miracle des sept pains. Ibid., col. 806.

A noter que le traité des dons mentionné parmi les Tractatus theologici, c. xxxix, de Hildebert du Mans (1133), P. L., t. CLXXI, col. 1143, est une reproduction textuelle de la Summa sententiarum. On y trouve, col. 1145, des développements importants sur le don de crainte dans le Christ.

Abélard (y 1142) est à mentionner pour son Hym

narium paraclitense. De l’hymne pour la fête de la Pentecôte, P. L., t. CLXXVili, col. 1798, nous extrayons :

Tu tibi templa dedica

Illa septiformi quam habet gratia

Contra septem illa dajmonia.

C’est la notion des dons opposés aux sept esprits mauvais, que nous avons déjà rencontrée. Dans le détail de leur énumération Abélard suit l’ordre ascendant. Il en est de même chez Hervé de Bourg-Dieu (1149), In lsaiam, 1. II, c. xi, 2, P. L., t. clxxxi, col. 140. Mentionnons le Traité spécial des sept dons du Saint-Esprit de Pothon de Prusse (1153), dans la Bibliotheca Patrum, de Paris, t. IX, que nous n’avons pu rencontrer.

Saint Bernard († 1153) traite ex professo De septiformi Spirituin Christo, In Annunt. B. M. I*., serm. il, P. L., t. CLXXXIH, col. 590, se basant sur ce principe que rien de ce qui était nécessaire pour sauver les peuples ne devait manquer au Christ, n. 5. Le texte d’Isaïe, xi, 2, vient à l’appui. Dans le sermon xiv, De septem donis, il développe l’opposition des sept dons aux sept vices principaux. Sermones de diversis, P. L., t. clxxxiii, col. 574. On peut regarder le magnifique commentaire du texte du Cantique, Traite nie, post te curremus, Sernt., JL, in Cant., n. 4, comme une mise en œuvre de cette idée. Dans le Serni., iii, in lent pore resarrectionis, n. 6, nous rencontrons une curieuse adaptation des apparilions du Christ ressuscité aux sept dons. Ibid., co. 292. L’opuscule Quinque septena, où les dons sont mis en relation avec les sept demandes de l’oraison dominicale, n’est vraisemblablement pas de saint Bernard.

Ernald de Bonneval († 1156), dans le Liber de cardinalibus operibus Christi, attribué à saint Cyprien par Suarez, De incarnalione, q. vii, a. 6, disp. XX, sect. il, rattache les sept dons à l’onclion du saint chrême. C’est un des plus anciens témoignages, en faveur de cette adaptation si courante aujourd’hui, c. viii, P. L., t. clxxxix, col. 1655. Son Libellus de ilonis Spirilus Sancli, P. L., ibid., col. 1589, renferme d’abord une description des dons en nous et dans le Christ, c. i-x. A partir du c. xi s’ouvre un beau parallèle avec l’œuvre des sept jours que l’auteur a seulement le tort de croire une nouveauté, col. 1608. v’oir, col. 1762, saint Victorin.

Pierre Lombard († 1160) emprunte à Cassiodore son commentaire sur le Ps. xxviii, qui décrit la fondation de l’Église par les vertus du Saint-Esprit. Mais il intervertit l’ordre de ce commentaire. Isaïe, dit-il, avait commencé par le haut ; quia ayit de Christi incarnalione in qua, se exinanivit : hic autent ab imo ascendit ad summum, quia agit de Ecclesiaa constitulione qua ; a timoré qui est inilium tapientise incipit. P. L., t. cxci, col. 285. D’où cette curieuse anomalie que les sept expressions : vox Domitti, sont interprétées en sens inverse par Cassiodore et par Pierre Lombard, la première par exemple : vox Domini super aquas, signifiant le don de crainte pour Pierre Lombard, le don de sagesse pour Cassiodore, la seconde : vox Domini in virtute, signifiant, respectivement, les dons de piété et d’intelligence, etc. Cf. Cassiodore, lu ps. XXVIII, P. L., t. lxx, col. 199. Dans le 1. III des Sentences, dist. XXXIV, P. L., t. cxcii, col. 1086, Pierre Lombard cite ce texte : His sancti/icationibus signatur plenitudo septem spiritualium virtutunt qua* enumerat Isaias… Cf. le De sacramentis du pseudo-Ambroise. Godfroy, abbéd’Admont(1165), a une curieuse adaptation mystique des sept dons du Saint-Esprit aux livres de l’Ancien Testament. A la Genèse correspond le don de crainte, à l’Exode la piété, au Lévitique la science, etc. Homil., il, in Script., P. L., t. clxxiv, col. 1064. Gerhoch de Reichenberg (1169), dans l’expli cation du Ps. xxviii, a la même interprétation que Pierre Lombard, qu’il lui a sans doute empruntée à moins que ce ne soit le contraire. Le Nomenclator literarius de Hurter, t. ii, col. 118, signale comme étant de lui un traité inédit De ordine donorunt Spiritus Sancli, qui semble lui conférer une compétence spéciale sur notre sujet et par suite autoriser la seconde hypothèse. Garnier, chanoine de Saint-Victor (1170), résume dans son Gregorianum, 1. XV, c. VI, De septenario, divers passages de saint Grégoire le Grand, P. L., t. cxciii, col. 449. Geoffroy d’Auxerre († 1180), cité souvent sous le nom de Bède, reproduit l’idée des dons dans les patriarches dont l’origine première est à chercher chez saint Justin et peut-être chez Philon. Son De septem donis Spirilus Sancti se trouve parmi les œuvres de Bède, P. L., t. xciv, col. 553. Jean de Salisbury († 1180) est à compter parmi les patrons de l’opinion, reprise par Hugues de Saint-Victor, qui fait des dons la semence des vertus. De septem septenis, sect. v, P. L., t. cxcix, col. 954. Philippe de Harweng (1182), De silenlio clericorunt, c. cxvi, cite les symboles classiques des sept dons, Apoc, iii, iv, v ; Zacharie, ni, iv, P. L., t. cciii, col. 1200. Pierre de Blois (1200) a une belle allégorie sur la musique céleste, la cithare du Seigneur et ses sept notes fondamentales. Prima cltorda est spirilus timoris, gravent sonunt reddit, secunda spirilus pietalis, dulcissintus sonus, etc. Sernt., xxiv, P. L., t. ccvi, col. 632, si toutefois ces serinons ne sont pas de Pierre Comestor. Alain de Lille (1202) donne comme le sens propre du mot don, anto.iomastice, son interprétation par les sept dons du Saint-Esprit. Distinctiones dictionum theol., P. L., t. ccx, col. 774. L’augustin Absalon (1203) a de belles élévations mystiques sur les dons du Saint-Esprit et les béatitudes évangéliques. Sernt., xxxv, in die Penlec, P. L., t. ccxi, col. 201 ; cf. Sernt., xxxvi, col. 214. Pierre de Poitiers (1205) traite de la connexion des vertus et de leur division en vertus théologales, cardinales et dons. Les dons ne sont pas les facultés naturelles que leurs noms semblent indiquer, mais des principes gratuitement surajoutés pour les réformer, les vivifier, et sans faire savoir ou comprendre plus de choses, faire mieux savoir et mieux comprendre ce que l’on sait. Il s’étend, développant saint Ambroise, sur l’activité des dons au ciel et sur le don de crainte. Sent., 1. III, c. xvi, xviii, col. 1079 sq.

Simon de Tournai (1216) tient pour l’opinion qui fait des dons des semences de vertus, déjà émise par Hugues de Saint-Victor, P. L., t. clxxvi, col. 114 : Dona non suni virtutes nec ejfeclus virtutum sed seminaria earumdem, quibus muudatur anima et prœparatur ad suscipiendas virtutes. Je cite ce texte d’après Denys le Chartreux, In IV Sent., 1. III, dist. XXXIV, a. 9, Tournai, 1904, t. xxiii, p. 539. Guillaume d’Auxerre (1230) tient que les dons ne sont pas distincts réellement des vertus cardinales. Les vertus sont nommées dons entant qu’elles purifient l’âme des sept vices capitaux. Sumnta, part. III, tr. XIV, q. i-m. Guillaume d’Auvergne ou de Paris (1249), lui aussi, professe la non-distinction et rétracte l’opinion contraire qu’il dit avoir tenue pour vraie auparavant. Opéra, t. I, De virlntibus, c. xi, Orléans, 1674, p. 143, col. 1. Quod si quis qusesierit, unde usus Me inoleverit quod septem dicuntur esse dona Spiritus Sancti, et cum de donis Spirilus Sancli sermo est sacri doctores et scltolares de hujusmodi donis solummodo agi intelligunt ; respondemus quia aliquando visum est nobis septem illa dona magis in recipiendo consistere, quant in efj’luendo, seu emanando : cum enim virtutes in eo quod virtutes, principia videantur esse quaruntdam voluntariarunt operationunt, ut ssepe dixintus, isla septem dona magis videbantur nobis principia esse quodammodo pas

sionum, hoc est aptiludines receptionunt a fonte gratise in mentent humanam descendentium, ac defiuentiiim ; sapere enim et tleguslare spiriluales delicias, ne sapores, magis est recipere, ac infini, quant effitii : similiter et intelligere spiritualia, ac divina, intelligere inquam intellectu, qui est donum, niagis videtur nobis illuminari, sive lumen recipere, quam lumen hujusmodi intelleclus agere vel effluere… Suit une application semblable aux autre ? dons.

Pour lui, il n’y a qu’une distinction de noms : ne decipias animant tuant in Jtis quæ grammaticalia sunt, ibid., entre les vertus, les dons, les fruits et les béatitudes. Ibid., col. 1. Il établit sa thèse par divers témoignages des Pères, par des exemples de réduction de certains dons à certaines vertus, du don de crainle par exemple à l’espérance, par ce motif qu’à une môme vertu appartient Vacccssus et le recessits, p. 143, 144 ; enfin par cette sortie virulente, qui est comme la charte du futur nominalisme en matière de dons du Saint-Esprit et qui va provoquer la réaction des grands scolastiques : Esse donum est nominalio, seu denontinatio a foris, et ab accidente tantum nominans sive denominans : manifestum est enim prselcr essenliam rei cujuscumque quæ donabilis est, esse dari sive donari ; quarc et fieri, et esse donum, accidunt rébus hujusmodi post complétant earum essenliam : t/uare manifestant est quod cuicumque accidil dari sive donari, accidit esse et fieri donum, sicut et omni virtuti. Nihil igitur habet quxslionis isla distinctio donorum et virtutunt, circa quant tanla cttriositate laboranl, et tanla imbecillitate intellcrttts crratttr, nisi hoc solam videlicet : quare Isaias pro/ilieta loquens de Domino Saleatore, expresse et nominalim dixit deillis, quod requiescerent super eunt sex illorum ; de ultinio vero, ici est, de spirilu timoris expresse, quod repleret ipsum. Cum igitur alia dona sint non minora, intmo eliam quædam majora, ut charilas, quare de aliis tacuit prophela, et isla sola expressit inlaudem redemptoris ?… Quia ista minus in eodem appariasse videntur opinione Judseorum, etetiam spectanlium, et de eo secundum hontinent solummodo cogilantium, p. 144, col. 2 ; p. 145, col. 1 et 2.

Conclusion. — On voit, parlasimple inspection decetle période intermédiaire, que si, « du dernier des Pères de l’Église à l’Ange de l’école il n’y a pas loin, » comme le conclut de son enquête M. Touzard, art. cit., cette courte distance est cependant assez remplie. Nous ne voulons pas revenir sur le détail des travaux que les mystiques ont poussés en tous sens, et parfois si curieusement, autour de la théologie des dons. Pour l’histoire de notre question, nous devons seulement noter ceci. Les premiers théologiens scolastiques, forts des résultats déjà acquis par les Pères latins, se sont appliqués surtout à rendre raison de la nature spécifique des sept dons, de leur, s relations avec les vertus cardinales, avec les béatitudes. Il semble que ce labeur ait abouli à une opinion commune, dans laquelle la contemplation mystique trouvait son aliment, et qui, en harmonie avec les dires de saint Grégoire le Grand, faisait des dons un groupe de vertus supérieures. C’est contre elle que réagissent les deux Guillaume, et c’est elle que vont reprendre en l’établissant sur des bases définitives, Alexandre de Halès, le bienheureux Albert le Grand, saint Fîonaventure et saint Thomas.

VI. LES FOND ITEURS 1>E LA THÉOLOGIE SYSl’ÉMATISÉE ni s /in s. — Tout est prêt pour une synthèse. Aussi les quatre grands docteurs du XIIIe siècle font-ils précéder leur opinion personnelle d’une récapitulation des opinions (’mises avant eux sur la nature du don.

Alexandre de Halès (j- 1245) énumère quatre opinions et se range à la dernière. La première prenait occasion du commentaire spirituel de saint Bède sur le bon Sama ritain, qui voit dans l’homme blessé par les voleurs, le pécheur dépouillé en Adam des perfections gratuilesde la grâce et blessé dans ses perfections naturelles, spolialtts qratuitis, vulneralus in nalttralibus. Les vertus se distingueraient des dons en ce qu’elles restituent la perfection surnaturelle, in restilutionem spoliorum, landis que les dons réparent les blessures faites à la nature. La seconde considère les dons et les vertus comme dirigés contra singula tenlamenla, voir col. 1765, saint Grégoire ; les dons sont à proprement parler des remèdes ad remolionem impedimentorttm ; les vertus sont ordonnées ad direclionem vtriunt. La troisièiri’opinion considère les dons comme ordonnés ad paliendum, car savoir pâtir est le grand don ; landis que les vertus regardent l’agir : à une grande vertu correspond en effet une grande action. Alexandre de Halès déclare que cette troisième opinion : aliqutd rerilatis habet, mais il lui préfère la quatrième qui considère les vertus, les dons, les fruits et les béatitudes, comme marquant les quatre moments de l’expansion en nous du surnaturel. Aux vertus correspondent les actes de fond, par exemple, pour la foi, adhérer, assenlire ; les dons suivent avec une modalité plus accentuée, par exemple, dans la ligne de la foi, videre et gustare ; les fruits complètent l’opération, ils comportent la délectation actuelle qui l’accompagne. Enfin les béatitudes l’achèvent. Avec eux la délectation d’actuelle passe à l’état d’état, deleclalio in facto esse. Primos actus, aclus sequentes, actus contpleliorr*, actus completissimos, telles sont donc les caractéristiques de notre mouvement d’ascension surnaturelle. Summa theol., part. 111, q. i.xii, t. il, p. 2C9. On voit qu’Alexandre a un sentiment très vif de l’unité organique et dynamique de la psychologie surnaturelle, maison ne voit pas au même degré le genre de distinction qu’il admettait entre ces actes dont il parle. Il distingue bien les dons des grâces gratis dalæ, p. 270, chose acquise depuis saint Augustin, mais admettait-il qu’ils formassent des principes d’activité spécifique’.' C’est là un mystère qu’aurait sans doute éclairci la Summa de virtutibus, dans laquelle il se propose, en finissant, de donner une suite à la présente élucubration. On sait que cette Somme des vertus, si elle a été composée, n’a pas été retrouvée.

Saint Oonaventure († 1274). Le mystère s’éclaircil avec saint Bonaventure, qui tient nettement que les dons sont des habitudes, habilus, touteomme les vertus. C’est même, en les considérant comme habitudes, qu’il entreprend de classer systématiquement les opinions qui se sont fait jour avant lui sur les dons. Puisqu’il s’agit i’habitus, dit-il, il doit y avoir quatre manières. via quadrintembris, dedislinguer les dons : 1° par leurs sujets d’inhérence, a subjectis ; 2° par leurs contraires ab opposilis ; 3° par leurs fins prochaines ; ï° par leurs actes propres. 1° D’après leur sujet : étant donné que tout habilus, puisqu’il est cause d’opérations méritoires, a pour sujet la liberté, faculté faite de raison et de volonté, on peut dire que les dons se distinguent des vertus en ce qu’ils ont trait davantage aux perfectionnements de la partie rationnelle, tandis que les vertus regardent la volonté. Saint Bonaventure critique celle distinction, qui n’est pas prise, dit-il, des raisons propres des éléments en présence, puisque la crainle, la force et la piété, dons, sont dans la volonté, la foi et la prudence, vertus, dans l’intelligence. — 2° D’après leurs contraires, à savoir les péchés et les vices opposés. C’est l’opinion déjà rencontrée : virtus contra peccalum in quantum lollit rertitttdittem justitise ; dona contra ruinera derelicta. Saint Donaventure concède qu’elle est per propria, mais, dit-il, elle est per posteriora, non per priora. —3° La troisième opinion se l’apporte à la fin prochaine des habilus surnaturels : conforitiari Christo, in agenda, vir lûtes ; in patiendo, dona. Bonne

justification, per propria, et priora, mais qui n’a sa raison d’être que dans l’état de la vie présente, recte assignatur sccundum stalum in quo nunc sumus. — 4° Aux actes propres des habitus surnaturels se rattache l’opinion d’Alexandre, qui divise ces actes en primi, medii, ultimi, à savoir : credere, intelligere, videre, les premiers correspondant aux vertus, les seconds aux dons, les troisièmes aux béatitudes. Les vertus donnent d’agir recte, dans l’ordre surnaturel s’entend, les dons, d’agir cxpedite, les béatitudes, d’agir perfecte. C’est ici la vérité, déclare saint Donaventure. La division est per propria, per priora, secundum oninem slatum.In IV Sent., 1. III, dist. XXXIV, a. 1, Opéra, Quaracchi, t. iii, p. 739. Cf. Breviloquium, part. V, c.v, t. v, p. 257 ; Collationes, ix, De donis, c. i, n. 17, t. v, p. 461 ; enfin, l’opuscule De donis Spiritus Sancti, attribué à saint Donaventure par l° édition Valicane de ses œuvres, mais en réalité du mineur Rodolphe de fiibraco, cf. Disserl. I in scripta S. Bonaventuræ, n. 29, édit. Quaracchi, t. x, p. 23. Remarquons la portée de cette opinion. Elle fait des dons des habitus qui perfectionnent les habitus des vertus, regardés comme des sortes de puissances surnaturelles, puisqu’elles constituent une source fondamentale d’activité dans cet ordre, comme les vertus naturelles dans le leur. Sa i ut Thomas dira équivalem ment des vertus théologales : habent vim potentise. C’est donc à saint Bonaventure que pourrait se rattacher l’opinion, aujourd’hui encore défendue, cf. Dubois, Revue du clerg/’français, 15 août 1907, p. 381, en note, qui assimile la grâce sanctifiante à la nature, les vertus aux facultés naturelles, les dons aux habitudes qui perfectionnent ces facultés. Cette opinion diffère du tout au tout de celle de saint Thomas d’Aquin, comme on le verra dans la suite.

Albert le Grand († 1280) recense cinq opinions, qu’il critique sans trop de ménagement, y compris celle d’Alexandre qu’il finit par adopter en l’expliquant. 1° La première opinion tient que les dons ne diffèrent des vertus qu’accidentellement, et nonnisi secundum ralionem : virtutes ad agendum, dona ad resistendu ))> lenialionibus. C’est faux, dit Albert, car la force elle aussi est agissante et la charité sait résister à ses contraires, 2° La seconde, emendalio subtilior prioris, prend la distinction du côté des sujets d’inhérence. < l’est ridicule, dit Albert, ce qui veut dire qu’elle heurle les faits. 3° La troisième, que nous n’avons pas encore rencontrée, prétend que les dons correspondent à l’action divine sur la partie supérieure de l’âme, la raison, tandis que les vertus concernent des œuvres spéciales, in inferiori parte. Critique : Kiliil est qund dicunt. i" La quatrième, magnum partem multitudinis habel sequentem, valde celebris fuit et est. Les vertus y sont destinées à nous faire agir droitement et supporter les soullrances, passioncs, secundum vitam quse unicuique sufficit. Les dons ont pour office, ut patiamur conformiler Christo. Pour cela, trois choses sont principalement requises : révérer Dieu, aimer les hommes, agir intrépidement ; trois dons correspondants, crainte, piété, force. D’autres choses sont requises concomitant er : c’est la science qui dirige la piété ; le conseil qui dirige la force ; l’intelligence et la sagesse qui éclairent notre mouvement vers Dieu. Albert n’a qu’une objection : Si l’homme n’avait pas péché, le Christ ne se serait pas incarné, et cependant dona data fuissent. C’est donc ici une différenciation accidentelle, qui regarde l’état du péché. 5° La cinquième opinion habuit mullos defensores. D’un mot Albert la résume ainsi : dona sunt expeditiones virtutum. C’est celle d’Alexandre de Halès. Il lui objecte que la délectation, caractéristique des béatitudes selon Alexandre, accompagne déjà l’exercice des vertus ; et de plus, qu’il fait perfectionner une vertu par une vertu, virtutis eril virlus, reproche grave, entre scolastiques, puisqu’une vertu est la perfec tion propre et ultime d’une puissance. Mais il résout lui-même l’objection en déclarant que l’imperfection de la vertu qu’il s’agit de faire disparaître par le don, ne vient pas d’une imperfection de la faculté qui persisterait sous la vertu, mais d’une imperfection intrinsèque à Yhabilus même de la vertu. C’est, d’avance, l’esquisse de la solution de saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxviii, a. 2. Albert adopte cette dernière opinion ainsi rectifiée, sine præjudicio, dit-il, et cela à cause de l’autorité de saint Grégoire. Et ideo quidam doclor tenet eam. C’est sans doute encore Alexandre : ce ne peut guère être saint Bonaventure, qui débutait, et le commentaire de saint Thomas In Sententias est postérieur.

Saint Thomas d’Aquin (-[- 1274). Nous examinerons : I" les opinions qu’il recense et critique, en essayant d’indiquer quelques-unes de leurs sources ; 2° à quels antécédents se rattache sa doctrine propre et de quels éléments originaux elle est constituée.

1° Les recensions d’opinions sont au nombre de deux. Dans la première, In IV Sent., 1. III, dist. XXX1Y, q. i, a. 1, saint Thomas mentionne deux opinions qu’il omettra plus tard, celle citée en troisième lieu par Albert le Grand, qui mettait les dons dans la partie supérieure de l’àme et celle citée en second lieu par saint Bonaventure (la première dans la liste d’Alexandre de Halès, dona surit contra sequelas peccali). Dans la Somme, I" II", q. LXVIII, a. 1, il suit cette gradation : 1. pas de distinction réelle : c’est l’opinion de Guillaume d’Auxerre et de Guillaume de Paris, fondée chez ce dernier, sur ce que les raisons de vertu et de don ne sont pas opposées, l’une disant l’ordre à l’opération, l’autre l’ordre à une cause, ce qui peut convenir à un seul et même principe d’activité. Sed eis non remanet minor difficultas ut scilicet rationem assignent, quare quædam virtutes dicantur dona et non omne*, et quare quædam computentur inter dona quse non computantur inter virtutes, ut palet de timoré, i. Distinction prise du côté des sujets d’inhérence, t’ne source de cette opinion est dans Hugues de Saint-Cher († 1263), In ps. XXVIII, Opéra omnia, Lyon, 1669, t. ii, p. 67, recto, col. 1, mais il a dû l’emprunter ailleurs. Oporlerel autem si hœc distinctio essel convenions, dit saint Thomas, quod omnes virtutes essent in parte a[lectiva, et omnia dona pi ratione. 3. La troisième opinion est celle qui ordonne les vertus ad beue agendum, les dons ad resistendum tentationibus. Saint Thomas marque lui-même l’origine de cette opinion : c’est saint Grégoire, qui à son tour a pu s’appuver sur le texte de saint Augustin, De qusestionibus Evangelii, 1. I, c. viii, P. L., t. xxxiv, col. 1325, rappelé dans la seconde objection du présent article. Nous l’avons rencontrée chez saint Bruno d’Asti, Hugues de Saint-Victor, Abélard, saint Bernard, Guillaume d’Auxerre. Voir plus haut. Saint Thomas trouve insuffisant le principe de cette distinction, quia ctiam virtutes resistunt inducentibus ad peccata. 4. La quatrième opinion, prenant acte de l’exemplarité des dons du Christ vis-à-vis des nôtres, met le formel des dons dans la ressemblance au Christ, præcipue quantum ad ea quse passus est. Nous avons vu la toute première insinuation de cette idée dans saint Victorin, nous avons estimé la retrouver chez Rupert ; peut-être y trouve-t-on une allusion dans Pierre Lombard, lu ps. XXVIII, V. L., t. CXCI, col. 286 ; elle était et demeure célèbre, dit Albert le Grand. Un texte de saint Martin de Léon, P. L., t. cevm, col. 1216, semble nous mettre sur la voie de quelque commentaire sur Job qui développerait en ce sens celui de saint Grégoire. Voici ce texte : Isli (les dons) sunt seplem filii qui bealo Job, id est, Jesu Christo nati sunt, cujus ille vulneratus ac /lagellatus Job typum tenuit. Job namque dulens inlerpretalur… In septenario enim numéro, ut ait Gregorius ; suit le texte de

saint Grégoire sur les sept dons identifiés aux sept fils de.lob. — Critique : Fondement insuffisant, dit saint Thomas, car les vertus, l’humilité, la douceur, cf. Matlh., xi, 29, nous configurent au Christ ; également, la charité, cf..loa., xv, 12. Et lue eliam virtutes prœcipue in passimie Christi resplenduerunt. 5. La cinquième opinion est simplement indiquée par ces mots de la fin de l’art 1 er, par lesquels saint Thomas s’efforce de l’englober dans celle qu’il professe. El hoc est quod quidam dicunt, quod doua per/iciunt hominem adaltiores acliis quant sint aclus viilutum. C’est évidemment celle que saint lionaventure attribuait déjà à un certain docteur, quidam doctor, ailleurs, quidam magnus doctor, et de même Albert le Grand. C’est évidemment l’opinion d’Alexandre de Ilalès : virtutes recli/icant, doua expédiant, bealiludines perficiunt, professée aussi par Pierre de Tarentaise. 6. La sixième et dernière opinion est celle qu’admet saint Thomas ; c’est une reprise originale de l’opinion combattue par Guillaume de Paris et déjà réhabilitée par Alexandre.

La doctrine de saint Thomas sur les dons.


1. Sa première préoccupation est de raffermir ex propriis l’idée du don que Guillaume de Paris avait ébranlée, comme on l’a vii, en s’appuyant sur ce que la dénomination de don, étant accidentelle, n’exigeait pas une réalité distincte de celle des vertus surnaturelles. Pans ce but, saint Thomas abandonne le mot de don, qui n’est pas d’usage dans la langue de l’Ecriture, pour désigner ce dont il s’agit : l’Écriture se sert plutôt, magis, du mot spirilus, TivEJfj.ara ; témoin 1s., xi, 2-3. La répétition du mot spirilus dans ce texte donne à entendre manifestement, quod isla septem enunierantur ibi SECUNDUM QUOD sunt in nobis ah inspiralione divina. On sait la valeur de ce mot secundum quod dans la langue scolastique. C’est l’affirmation de l’essence ou d’une propriété essentielle immédiate et nécessaire, et donc finalement encore de l’essence. Enumerantur lui, quoi qu’il en soit d’autres énumérations faites ailleurs dans l’Ecriture, les Pères, la théologie. Saint Thomas ne s’occupe que des esprits décrits par Isaïe, commentés dès l’origine par les Pères, comme on l’a vii, considérés déplus en plus nettement par la tradition à mesure qu’elle se précise, voir plus haut, comme un groupe spécial. C’est de ces esprits de sagesse, d’intelligence, etc., qu’il prononce que, selon le sens littéral, ils sont présentés par la sainte Ecriture (nous pouvons ajouter parla plus grande partie de la tradition), rednplicativeutab inspiralione divina. Voilà, par cet argument théologique ex propriis, le raisonnement ex communibus de Guillaume à vau-l’eau.

2. Il s’agit maintenant de déterminer le sens de ce mol ab inspiralione divina. Saint Thomas le fait en recourant à sa doctrine universelle des motions divines actuellement opérantes, c’est-à-dire de ces touches premières, instinctus, par lesquels Dieu met en branle l’organisme psychologique humain, soit en regard de la fin de toute la vie humaine, cf. Suni. llieol., I » II’, q. IX, a. 6 et ad’M m ; soit en regard de la fin surnaturelle, ibid., q. cix, a. 6 ; cf. Qusest. de veritate, q. xxiv, a. 15 ; soit en regard d’une œuvre divine spéciale ; Sum. lheol., l< II », q. ix, a. (J, ad II 1 "" ; q. cix, passim ; q. exi, a. 2. Dans l’ordre surnaturel, ces motions sont appelées d’un nom commun grâces actuelles opérantes ; mais il faut remarquer que la grâce actuelle opérante précède quelquefois l’infusion de la grâce, comme ces touches divines qui excitent le pécheur à se convertir, et, danscecas, leursinspirations, données totiet quolies prout Deux vult, n’ont aucune permanence, et ne supposent dans le sujet sur lequel eiles agissent aucune disposition positive préexistante. Cf. ibid., q. cix, a. 6. Il n’y B que la pure puissance ol.rdienlielle, laquelle est

indifférente pour tout ce qui n’implique pas contradic tion. D’autres fois, elles sont conférées au juste possédant déjà la grâce et la charité, et c’est pour ce second cas seulement que le raisonnement de saint Thomas a l’intention de conclure : Mani/estum est quod omne quod movetur necesse est esse proportionalum niotori. Et li sec est PERFECTIO mobilis in quantum est mobile, dispositio qua disponitur ad hoc quod bene moveatuiii SVO niotore. Quanto igitur movens est altior, tanlonecesse est quod mobile perfection dispositione ei proportionetur… Oporlel igitur inesse lion, ini alliores perfeclioncs secundum quassit dis/iositus ad hoc quod divinilus moveatur. El istse perfectiones vocantur dona. Ibid., q. LXVin, a. 1. Seul, en effet, le juste a droit à la perfection que requiert un instrument très spécial de l’action divine surnaturelle ; du juste seul on peut dire que Dieu est son moteur propre. Seul donc, il aura les dons. Les dons ont cela de commun avec les vertus surnaturelles qu’ils sont infus, mais ils en difl’èrent en ce que leur raison d’être formelle est de correspondre aux inspirations divines, de mettre l’homme en disponibilité vis-à-vis d’elles, semblables en cela à 1 1 vertu héroïque dont parle quelque part Aristote, cf. q. t.xvin, a. 1, ad 2° iii, qui procède de ces instincts divins que mentionne l’auteur de la Morale d’Eudeme. Ibid. C’est ramener la théologie des dons à l’une de ses origines premières, au traité De giganlibus de Philon. Saint Thomas ferme le cercle ouvert par le juif alexandrin qu’il ignore pourtant. C’est en harmonie avec ses idées qu’il interprète esaltioresactusd’Alexandre de Ilalès et de saint Bonaventure. Mais il a pris soin, dans son commentaire sur Isaïe, xi, 2, Opéra, Parme, t. xiv, p. 47.j ; é’dit. crit. d’Uccelli, Rome, 1880, p. 79, de dire à quelles conditions les dons peuvent être ainsi considérés comme auxiliaires des vertus, in adjutorium virtutuni. Il ne s’agit pas, dit-il, complétant ce qu’avait dit à ce sujet Albert le Grand, voir col. 1774 r de remédier à l’imperfection de la vertu qui vient des dispositions contraires de son sujet d’inhérence : c’est à l’augmentation connaturelle de la vertu de les faire disparaître ; il s’agit des imperfections inhérentes perse à Vhabitus des vertus, par exemple à l’imperfection de la foi qui fait que son objet est obscur, senigma. Le don les supprime et, par exemple, facit aliquo modo limpide inlueri ea quæ sunt fidei. D’où l’opération qui sort de la vertu ainsi perfectionnée est dite béatitude, étant une opération secundum virtutem perfectam. La délectation conséquente correspond aux fruits, dicitur fruclus. Cf. In Epist. ad Gal., c. v, lect. vi. C’est, on le voit, la synthèse d’Alexandre et de saint Bonaventure déjà approuvée, sous le bénéfice du même éclaircissement, par Albert le Grand.

Ces quatre grands théologiens sont donc bien, in solidum, les fondateurs de la théologie définitive des dons. Réagissant contre Guillaume de Paris, ils ont consacré au fond la doctrine ancienne qui les distinguait des vertus en les considérant comme des primi -motus in corde, voir plus haut les textes de l’auteur de la Summa sententiarum, de Jean de Salisbury, etc. ; mais, au lieu d’identifier dons et grâces actuelles, ils ont vu dans le don, du moins saint Thomas, la disposition subjective à recevoir les plus sublimes parmi cesdernières. Saint Thomas, de plus, avec une magnificence de synthèse incomparable, a rattaché ce coin de doctrine à ce que la philosophie d’Aristote et sa propre théologie ont de plus élevé, de plus profondément vrai, touchant la primauté de l’agir divin. Il l’a ramené ainsi aux tout premiers principes qui tant en philosophie qu’en théologie régissent les questions de l’action divine comme telle, c’est-à-dire se développant conformément a la loi intime de l’Être divin, et lui a assuré, par cette systématisation, la solidité indestructible detoute doctrine rattachée aux principes premiers, évidents par eux-mêmes ou premièrement révélés. A. Gardeil,

Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910, p. 246 sq., 273 sq., 3Il sq.

Comme nous avons exposé la substance de la doctrine de saint Thomas dans notre partie dogmatique, nous n’insisterons pas sur les divers articles de la q. lxviii, qui suivent l’art. 1 er. Nous ne nous occupons présentement que de l’histoire de la doctrine.

Pour compléter la doctrine et la bibliographie de la question nous devons cependant signaler l’opuscule de saint Thomas, In oralionem dominicain, où les sept demandes du Pater sont mises en correspondance avec les sept dons, idée qui vient en droite ligne de saint Augustin, De sernwnc Doniini in monte, l. II, c. XI, P. L., t. xxxiv, col. 1286, et qui est en relation avec la correspondance des béatitudes évangéliques aux dons. Cf. Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxxxiii, a. 9, ad 3um, un texte où se trouve résumé le détail de cette triple correspondance.

YIl. SCOLASTIQUES POSTÉRIEURS.1 SAINT TBOMAS.

— L’histoire de la théologie des dons du Saint-Esprit n’a plus le même intérêt après saint Thomas. La synthèse du saint docteur a en quelque sorte immobilisé cette doctrine dans un état voisin de la perfection. Les objections qu’on lui fait désormais sont des retours à des points de vue anciens ou portent sur des chicanes de détail. Des scolastiques de première taille, comme Henri de Gand, Quodlibel IV, q. xxiii, et plus tard Richard de Middlelown entrent d’emblée dans le sillon tracé par le maître angélique. Son opinion, dans ses traits principaux, devient commune. Spécialement, l’école théologique de l’ordre de saint Dominique la commente avec fidélité, et c’est précisément ce qui en diminue l’intérêt et nous dissuade de dresser la nomenclature de ces commentaires qui ne font que répéter avec des variantes ce qu’a dit saint Thomas. Nous ferons exception pour le traité de Jean de Saint-Thomas, In i am ll x, q. lxviii, le dernier traité de son cours théologique qu’il ait rédigé lui-même. C’est un chef-d’œuvre de théologie scolastique et mystique, où toutes les données de saint Thomas sont l’amenées à leurs principes, enrichies de belles allégories tirées de l’Ecriture sainte et d’élévations dont l’accent profondément religieux fait excuser l’exubérance qui se montre en certains endroits. Nous en recommandons instamment la lecture comme celle du plus instruisant et du plus édiliant commentaire de la théologie de saint Thomas sur cette question.

En dehors de l’école thomiste, nous rencontrons des mouvements de pensée réagissant contre la conception des dons de saint Thomas. Scot (y 1308) revient purement aux positions nominalisles qu’avait cependant combattues saint Bonaventure : De donis dieu quod ibi enumerantur quatuor virtutes cardinales. Voilà pour les dons de force, de conseil, de piété et de crainte. Quant au don de sagesse il est idenlique à la charité ; les dons de science et d’intelligence se ramènent à la foi. C’est bref et péremptoire. Cf. In IV tient., l. III, dist. XXXIV, q. unie, Paris, 1894, t. XV, p. 516 sq. Durand ({ 1331), dominicain, mais maître indépendant de saint Thomas, se place surtout au point de vue positif. Ni le donné révélé ou traditionnel, ni le raisonnement ne lui semblent suffisants pour établir avec objectivité la distinction des dons et des sept vertus surnaturelles. Il émet donc cette résolution dilatoire : Nescio an est alwui noluni per cerliludinem. In IV Sent., l. III, dist. XXXIV, q. i, Lyon, 1556, p. 238. Cette sentence est devenue la devise ralliant tous ceux qui cherchent à ramener les envolées scolastiques du ciel sur la terre. Elle semblera cependant quelque peu injuste et légère à ceux qui auront parcouru la vaste suite de documents scripturaires et patristiques que nous avons rapportée. Il est vrai que Durand l’ignorait. Gabriel Biel (1495 ; , In IV Sent., l. III, dist. XXXIV,

q. i, tient comme Ockam et tous les nominalistes du reste pour une simple distinction de raison. Vasquez, († 1604), InSum. theol., MI*, q. XXI, disp. LXXXIX, c. il, n. 6, 7, expose l’opinion de saint Thomas et l’opinion contraire qui a pour patron, à l’entendre, Guillaume d’Auxerre, et refuse de se prononcer. Non video, ut recte dicit Durandus, utra hartim opinionum sit vera, Venise, 1608, p. 504. Dans son commentaire sur la Illa, q. VIIi a. 6, disp. XLIV, c. i, il traite des dons dans le Christ et au ciel, spécialement du don de crainte, c. il, , qu’il y admet uniquement, selon l’opinion commune, comme crainte révérentielle. Suarez († 1617) rapporte lui aussi les deux opinions en conllit et déclare communior l’opinion de saintThomas pour la distinction réelle des dons. De gratia, l. II, c. xvii, n. 9. Cette déclaration a son prix dans la bouche du théologien qui donne les plus abondantes références patristiques sur les dons que l’on rencontre chez les scolastiques, ibid., et De incarnatione, disp. XX, secl. ii, avant M. TouLard et le présent travail. Cette documentation contient d’ailleurs des citations inexactes ou apocryphes comme celle d’un texte attribué à saint Cyprien au lieu d’Ernaldus Bonœvallensis, De graha, loc. cit., n. 6, Paris, t. vii, p. 671. Dans le De incarnatione, loc. cit., Suarez établit solidement, au point de vue de la théologie positive, l’existence des dons dans le Christ, spécialement du don de crainte de Dieu. Dans le De gratia, loc. cit., il a particulièrement réfuté l’opinion qu’il prête à certains Pères, Origène en particulier, loc. cit., n. 5, voir col. 1758, de limiter les dons au Christ. Ce qui donne à Suarez une place spéciale dans l’histoire des dons, c’est que, tout en déclarant communior l’opinion de saint Thomas, il estime que l’angélique docteur n’a pas donné la différence spécifique manifeste des dons, à savoir ce mode spécial de dépendance vis-à-vis du Saint-Esprit qui ne conviendrait pas aux vertus surnaturelles. Il estime même qu’on ne peut en donner une raison générale. Et c est pourquoi il entreprend de montrer par induction, en analysant les divers dons, qu’ils ne peuvent se ramener aux vertus. Degratia, loc. cit., n. Kl sq. L’idée n’estpas nouvelle et nous l’avons rencontrer dans les réfutations des doctrines opposées aux leurs, faites par les fondateurs de la théorie ; mais la réalisation est assez originale. La critique, d’ailleurs, n’a de valeur qu’au point de vue suarézien, car l’on ne rencontre rien dans son système qui corresponde à l’idée chère à saint Thomas de grâce actuelle opérante, entendue dans le sens de motion instrumentale prévenante et prédéterminante, par laquelle le docteur angélique a caractérisé la nature spéciale des dons du Saint-Esprit. Aussi, il est fort probable que Suarez n’a pas pu ou voulu voir le vrai principe thomiste de la distinction des vertus et des dons. Il s’est rallié à cette idée que ce qui distingue les dons des vertus selon saint Thomas, c’est l’héroïcité des opérations, llli aclus donorum extraordinarii et rari sunt… ergo propter illos actus non oportet habitus ponere. De gratia, I. VI, c. x, n. 4. Mais, c’est mal comprendre l’héroïcité des actes, telle que la conçoit saint Thomas, laquelle ne constitue pas une spécification objective supérieure, mais un mode spécial d’opérer les actes même ordinaires, communs, de la vie chrétienne, à savoir par le fait d’une inspiration directe, immédiate. C’est pour saint Thomas, comme pour Aristote, cette relation immédiate de l’agir humain à l’influence divine qui constitue le héros. Cf. l’art. 2, de la q. lxviii, ad l um, où saint Thomas déclare quod dona excedwit communeni perfectionem virtutum, non quantum ad genus operum… sed quantum ad nwdum operandi secundum quod movetur homo ah altiori principio. De nos jours, le débat existe encore entre théologiens sur la distinction des vertus infuses et des dons. Par exemple, Chr. Pesch argue de ce que vertus et dons ont

la même définition et ne se distinguent que ex parte movenlis, pour conclure que les dons, tout en étant distincts des vertus infuses, ne sont pas nécessairement des habitas distincts. Pr&lect., I. viii, De virtut. infusis, n. 414. Au contraire, le P. Billot embrasse sans réticence l’opinion de saint Thomas, qu’il ramène à son véritable principe, à savoir, la grâce actuelle opérante. De virtutibus infusis, Home, 1901, p. 168 sq. A signaler spécialement le De modo quo dona in exercitium veniuntf p. 185 sq. Mii r Perriot, dans L’ami du clergé, 1892, 1898, 1900, et le P. Froget, 0. P., dans son ouvrage sur L’habitation du Saint-Esprit, etc., suivent (idèlent saint Thomas, avec une variante dont nous parlerons plus loin. M. l’abbé de Belle vue, à l’extrême opposé, revient à l’opinion nominaliste, dans son petit ouvrage, L’œuvre du Saint-Esprit ou la sanctification de l’âme, Paris, 1902. Il a engagé sur ce point une discussion avec le P. Froget, Revue thomiste, 1902, p. 245, 336, 504.

Ces quelques indications suffisent pour jalonner l’histoire de la théologie des dons après saint Thomas. Il serait intéressant d’en suivre le contre-coup chez les théologiens mystiques, chanoines réguliers, chartreux, carmes, dominicains, jésuites, etc. Mais c’est l’infini à Iraverser. Le P. Meynard, 0. P., dans son Traité de la vie intérieure, spécialement t. ii, c. II, a donné un résumé des principaux témoignages de ces théologiens louchant l’action des dons dans la vie spirituelle. Nous renvoyons à son ouvrage, ne pouvant dans ce diction naire entreprendre une œuvre si considérable et encore moins suivre, comme il le faudrait pour être complet, le retentissement de notre doctrine dans les vies des saints. Sur ce sujet, voir Les grâces d’oraison, par le P. Poulain, S. J., qui s’est placé précisément au point de vue de la description positive pour illustrer in concreto les données théologiques. La littérature mystique contemporaine possède de nombreux petits ouvrages de spiritualité sur les dons du Saint-Esprit, mais beaucoup sont dénués de doctrine théologique sérieuse et profonde et consistent en amplifications édifiantes, d’inspiration subjective et personnelle, sans valeur pour la théologie. Faisons une exception (il en est sans doute d’autres) pour le petit catéchisme sur le Saint-Esprit, que nous a conservé du bienheureux curé d’Ars, M. Monnin, Esprit du curé d’Ars, Paris, 1864, p. 82 sq., d’une intensité d’inspiration surnaturelle souvent admirable.

vm. UNE RÉCENTS DISCUSSION. — Une controverse a eu lieu, il y a quelques années, entre deux théologiens que leurs travaux antérieurs désignent comme des spécialistes dans la question des dons du Saint-Esprit, Mi’Perriot qui a publié sur les dons un article remarquable dans l’ami du clergé, 23 juin 1892, p. 389, et le P. B. Froget, auteur de L’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, dans la Revue thomiste, mai 1896-mai 1898, tous deux disciples de saint Thomas. Le sujet a son importance, car il s’agit de savoir si le Saint-Esprit intervient par ses dons dans chacun de nos actes surnaturels. Le P. Froget soutient qu’il n’intervient pas ainsi dans chacun de nos actes surnaturels, que nombre de ces actes sont l’œuvre propre des vertus morales infuses agissant sous l’inspiration des seules vertus théologales, c’est-à-dire sous l’inspiration commune et à forme humaine du Saint-Esprit, et non des inspirations des dons qui sont spéciales et à forme divine. Op. cit., p. 378 sq. M i’Perriot ne nie pas ces deux sortes d’inspirations, mais, conformément à ce qu’il avait tenu en 1892, il trouve que la distinction n’a pas son application dans le débat. C’est sans distinction que saint Thomas affirme la nécessité de l’inspiration du Saint-Esprit là’m ne suffit pas l’initiative rationnelle. Sum. theol., I II’, q. i.xviii, a. 2. Et donc, tout acte des vertus in fuses suppose l’inspiration à forme divine des dons, et réciproquement aucune inspiration à forme divine n’exclut totalement la forme humaine, délibérée, des actes surnaturels. L’ami du clergé, I er septembre 1898, p. 772 sq. ; 23 décembre 1898, p. 1163 sq. Le P. Froget a répondu dans la Revue thomiste, novembre 1899, p. 530 sq., et, dans sa 2e édition revue et augmentée de L’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes, in-12, Paris, 1900, p. 378, il a introduit des compléments relatifs à cette controverse. M<J r Perriot a répliqué dans L’Ami, le Il janvier 1900, en 23 colonnes. Le P. Froget n’a pas répondu et, de fait, il n’aurait pu que reproduire ce qu’il avait déjà dit.

Nous ne pouvons entrer, on le comprendra, dans le détail de cette magistrale discussion. Mais, puisqu’il s’agit du sens d’un texte capital de saint Thomas, l’art. 2 de la q. i.xviii de la Somme théologiqxie, l’on nous permettra, en dehors de tout parti pris, et en faveur de l’importance de cette question, d’introduire ici une exégèse de ce texte à laquelle il semble que l’on n’ait point pensé. Voici d’abord les expressions mêmes du docteur Angélique : In his in quibus non sufficil instinclus rationis, sed est necessarius Spiritus Sancli instinctus, per consequens est necessarium donum.., sed in ordine ad finem ullimum supernaturalem, ad quem ratio movet secundum quodest aliqualiler et imperfecte in formata per virtutes theologicas, non sufficit ipsa molio rationis, nisi desuper adsit instinctus Spiritus Sancti… El ideo ad illum finem consequendum necessarium est homini habere donum Spiritus Sancti. Mfl r Perriot glose ces mots de la mineure : non sufficil ipsa molio rationis nisi desuper adsit instinctus Spiritus Sancli, par ces mots de la réponse ad 2°, n : per virtutes theologicas et morales non ila perficitur homo in ordine ad ullimum finem quin semper indigeat moveri quodam superiori instinctu Spiritus Sancti, ralione jam dicta (in corp.).

Le mot semper lui semble décisif en faveur de la nécessité de l’intervention des dons dans chaque acte de vertu. L’est-il cependant ? car, suivant la distinction usitée dans la question de l’obligation des préceptes aflirmatifs et négatifs, le mot semper peut vouloir dire deux choses : toujours et pour chaque instant, semper et pro semper ; ou bien simplement toujours, sans que ce soit à chaque instant. En d’autres termes, saint Thomas a pu vouloir dire que toujours, c’est-à-dire pour chaque acte surnaturel, la motion directe du Saint-Esprit est nécessaire, et par conséquent l’exercice des dons qui lui servent de point d’appui. Ou bien, il a pu tout simplement vouloir dire que toujours, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il arrive à la vie éternelle, l’homme, déjà perfectionné par les vertus théologales, peut avoir besoin de l’instinct direct du Saint-Esprit, et donedes dons.

Or, cette deuxième explication, salvo meliori judicio, semble plus littérale : a) parce qu’il ne s’agit pas dans cet article de savoir si l’intervention des dons est requise toujours, c’est-à-dire en tout acte surnaturel, mais de savoir si les dons sont nécessaires.m salut. C’est le titre même de l’article. Or, pour répondre affirmativement, il n’est pas nécessaire qu’ils interviennent en tout acte de vertu, mais seulement que l’ensemble de la vie surnaturelle, jusqu’à son terme le salut, ne puisse normalement s’écouler, sans faire appel à leur aide. — b) Au lieu d’expliquer les mots de la mineure : non suf/icit ipsa motio rationis, nisi, etc., par la réponse ad 2° iii, c’est celle-ci que saint Thomas nous invite à comprendre à l’aide du corps de l’article, par ces mots : ut dictum est. Or. l’insuffisance pour le salut des vertus théologales et de la raison informée par elles est une insuffisance d’ordre général, prise du terme final et des exigences de l’ensemble de la vie humaine. Il est nécessaire qu’il

y ait des dons pour parvenir à ce terme le salut, non pour chacun des pas à faire en particulier. Que ce soit là le sens de l’insuffisance en question, c’est ce qu’établissent les textes (Rom., vin ; Ps. CXLIl) par lesquels saint Thomas la prouve et la glose par laquelle il les accompagne : quia scilicet in hereditatem illius terrée beatorum nullus potest pervenire, nisi moveatur et deducatur a Spiritu Sancto. Nous n’irons pas au ciel sans l’intervention des dons, c’est entendu, mais il n’est pas dit que les dons interviennent dans chaque acte de vertu. — c) Et c’est cette nécessité, absolue vis-à-vis du but final, mais relative vis-à-vis de quelques-uns des actes par lesquels on s’y achemine, que met en scène la réponse ad 3° nl du même article. Rationi humanee non surit omnia cognita, neque omnia possibilia… etiam ut perfecta theologicis virtutibus. Unde non potest quantum ad omnia repellere stultitiam et hujusmodi… Et ideo dona… dicuntur contra hujusmodi defectus dari. On peut dire sans doute, parlant d’expérience, cf. II a II’, q. viii, a. 4, ad 3 l, ni, que ces défaillances sont incessantes, et par suite, en fait, demandent de continuelles interventions directes. Soit, mais de cette nécessité a posteriori à une nécessité a priori et de droit il y a une différence. — d) Enfin, il est bien certain que les vertus théologales nous ordonnent suffisamment au point de vue de l’intention au salut éternel, et qu’avec les vertus morales infuses elles peuvent produire dans l’ordre d’exécution, malgré l’imperfection de la raison informée par elles, quelques actes méritoires de la vie éternelle, en présupposant bien entendu la motion opérante et coopérante du Saint-Esprit, agissant par ces vertus comme par des causes secondes. Nier cela, serait nier l’efficacité, et, dans une certaine mesure, la raison d’èlre des vertus infuses.

.le conclus que si le Saint-Esprit est le seul principe proportionné à la sanctification surnaturelle, le maître du but et de la route qui y mène, qu’il est aussi le maître de l’heure, il peut agir parfois et efficacement parles causes secondes que sont les vertus théologales et morales infuses, sans plus, d’autres fois aider et stimuler celles-ci en regard des actes ordinaires de la vie chrétienne par les dons, soit que les défaillances de la nature le requièrent, ou qu’il s’agisse de leur faire produire des actes plus parfaits, e.rpedi lius ; enfin, qu’il peut agir par les dons, sans les vertus, réglant directement notre agir, et cela pour des œuvres ordinaires aussi bien que pour des actes héroïques.

A. Gardeii..


DORISY Jean, né à Mouzon (Ardennes), le 26 mars 1586, entra dans la Compagnie de Jésus en 1606, enseigna plusieurs années la philosophie et la théologie morale, et mourut à Paris, le 12 mars 1657. Il écrivit -contre le Catéchisme de la grâce du fameux janséniste Matthieu Feydeau, d’abord sous le voile de l’anonyme : Responses catholiques aux questions proposées dans le prétendu Catéchisme de la grâce, in-12, Paris, 1650 ; puis, en y mettant son nom : Réfutation du prétendu Catéchisme de la grâce, par la seule doctrine de S. Augustin, in-12, Paris, 1651. Le catéchisme de Feydeau a été condamné par le Saint-Office, le 6 octobre 1650. Le P. Dorisy publia encore : Défense de S. Augustin contre le faux Augustin de Jansénius, in-4 », Paris, 1651, et en latin, Vindiciæ S. Augustini adversus pseudo-Auguslinum Cornelii Janscnii episcopi Iprensis. Traclalus in singulos libros et singula librorum capita tomi primi de hecresi pelagiana, in-4o, Paris, 1656 ; enfin, Pratique de la confession sacramentelle, tirée de S. Augustin, in-12, Paris, 1652.

De Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Cde Jésus, t. iii, col. 145-146 ; Reusch, Der Index, t. ii, p. 471 ; [Gei’beron, ] .Histoire générale du jansénisme, t. ii, p. 83-85, 202.

J. Brucker.


DORLAND Pierre, Belge, écrivain ascétique, était vicaire de la chartreuse de Zeelhem, près de Diest, dans le Brabant, où il mourut le 25 du mois d’août 1507, à l’âge de 53 ans. Cf. Le Mire, Origines cartus. monasterior., Cologne, 1609, p. 24. C’est avec beaucoup de raison, que l’on a surnommé ce chartreux « un inconnu célèbre ! *> puisqu’en dehors de sa profession et de sa mort, on sait à peine qu’il était très pieux et humble, et avait supporté une longue maladie a’ec une grande patience. Mais plusieurs de ses ouvrages livrés à la publicité lui ont procuré une estime méritée. Dans sa Ribliullieca cartusiana, dom Théodore Petrejus énumère jusqu’à soixante titres de livres laissés par Borland. Voici d’abord ceux qui ont été imprimés : 1° Viola animée per modum Dyalogi inter Raymun ! dum Sebundium, artium, medicine, atque sacre [ théologie professorem eximium, et dominum Dominicum seminiverbium. De liominis natura (propter quem omnia facta sunt) tractans. Ad cognoscendum I se, Deum et hominem. Au premier feuillet on a imprimé des distiques latins, dont le dernier fait connaître que Borland est le véritable auteur de cet abrégé de la Théologie naturelle de Raymond Sébonde. Voici le distique :

(i quotiens dices : Valeas bene candide Doi’lant Qui primus doctis tradidit Auctor opus.

A la fin du livre il y a cette souscription : Finit dyalogus de mysleriis sacre passionis christi : et per conséquent talus liber iste [qui viola anime inscribitur) in septem distinetns dyalogos. Colonie impensis honesti viri llenrici Quentell fauslissime jam prima Impressus. Anno natalicij saluatoris noslri M. ceci. XCIX. Die. niensis Maij, in-i° (du temps). Cf. Bain. Repertorium, n. 11070 ; Panzer, Annales typogr., t. I, p. 319, n. 321. Une autre édition, sans aucune marque, in-4o (cf. Bain, n. 11071) ; in-4o, Cologne, 1500 (cf. Panzer, t. I, p. 324, n. 367) ; Tolède. 1500 ; Cologne, 1501 ; Milan, 1517 ; in-12, Anvers, 1533 et 1531 ; in-8o, Lyon, 1511 ; in-6°, 1550, avec deux autres dialogues « de cognitione sui ipsius », qui ne sont pas de Dorland ; Lyon, 1568 ; in-12, Cologne, 1700 ; l" trad. franc, faite par Jean Martin, secrétaire du cardinal de Lenoncourt, in-8", Paris, 1551 ; in-4o, 1566. La ressemblance du titre de cette traduction : Théologie naturelle de P. Raymond de Sébonde, avec le titre de la traduction du grand ouvrage du même auteur faite par Montaigne, a fait souvent confondre ces deux livres. La 2e trad. franc, faite par dom Charles Blendecq, religieux de l’abbaxe de Marchiennes, en Flandre : La violette de l’âme par Raymond Sébonde, in-12, Arras, 1600 et 1617 ; trad. espagnole par le franciscain Antoine Ares : Los Dialogos de la naturaleza del H ombre del mæstro Raymundo Sebunde, in-4o, Madrid, 1616. La Viola animée comprend sept dialogues, dont le dernier, De mysteriis passionis Christi, est de Borland. Les six premiers sont l’abrégé de l’ouvrage de Raymond de Sébonde. Une étude sur la Viola animée par M. le chanoine Reulet, parue d’abord dans la Revue du monde catholique, avril, août et septembre 1885, fut ensuile tirée à part sous le titre : Vu inconnu célèbre. Recherches historiques et critiques sur Raymond de Sébonde, in-12, Paris, 1875. — 2° Une Passio ?i de Notre-Seigneur n l’aurore de la Renaissance. Dorland le Chartreux. Les Mystères de la Passion. Dialogue entre la Vierge Marie et Dominique, traduit du latin par l’abbé D. Reulet, in-8o, Paris, 1876 et 1878. — 3° Explicatio mystica habitus carthusiensis, in-8o, Louvain, 1513 (cf. Migne, Dictionnaire de bibliog. catholique, t. iii, col. 822) ; Tractatus… de mysterio seu spiritual ! habitus carthusiensis significatia (sic) cum remedio circa carualem delectalionem, in-4o, Louvain, 1511 (selon Panzer), in-8° (selon Petrejus et

V. André) ; Tractatulus seu Sermo, etc., imprimé dans la chartreuse mémo de Cologne, par Jean Landen, vers 1515, avec la vie de saint Bruno par dom Pierre Blôemenvenna, sans aucune marque, et peut-être même séparément, in-12. Réimprimé à Cologne, en 1534, el à Munich, en 1603, dans un recueil d’opuscules de I)cn s le Chartreux sur la vie religieuse. — i" Dialogus de vilio proprielalis monachorum, in-4o, Louvain, 1512 (cf. Migne, op. cit., t. iii, col. 799) ; Doclissimi Palris… de enormi proprielalis monachorum vicio dialogus cultissimus…, in-4o, Louvain, 1513.

— 5° D. Pétri Dorlandi… Chronicon Cartusiense, in’/no de viris sut ordinis illustribus, rebusque ineodem prœrlare gestis, nec non et admiranila plurimarum Cartusiarum consiructione scite pertractatur… studio F. Throdori Pelrwi, Carlusiæ Coloniensis ahmini, in-8o, Cologne, 1008. L° éditeur y a joint un recueil de notes : Notir seu elucidaliones brèves in lias septem Pelri Dorlandi Chronici Carlusiensis libros, auctore F. Theodoro Petrœo, Campensi, etc., in-8°, Cologne, IG08. Trad. française : Chronique ou histoire générale de l’Ordre sacré des chartreux… le tout augmenté el orné de belles et curieuses annotalù-ns par l’estude de dom Théodore Petrteus… traduit du latin par Maistre Adrien Driscart, Pasteur de Nostre-Dame en Tournay, in-8o, Tournay, 1611. Dom Pélneus a donné le titre de Chronique à l’ouvrage qui n’est ni une histoire, ni une chronique, mais un simple recueil de faits édifiants, divisé en huit livres, et portant le titre de Corona Cartutiana. C’est sous ce titre qu’il s’était propagé, en manuscrit, dans plusieurs maisons ir l’ordre. Un exemplaire ms. in-4o se trouvait encore naguère à la bibliothèque du baronnet anglais, sir Philipps, à Middlehill (cf. Migne, Diclionn. des manuscrits, t. il, col. 170, n. 638), un autre exemplaire ms. a été vendu, en 1883, avec la bibliothèque de la chartreuse de Buxheim, en Souabe. L’exemplaire ms. du xv siècle provenant de la maison de Bruxelles et actuellement conservé parmi les ms. de la bibliothèque de cette ville, sous le n. 11929, est marqué dans le catalogue avec ce litre également inexact : Historia Ordinis Carthusiensis. Les quatre premiers livres de l’ouvrage de Borland sont en forme de dialogue. Le 1. VIII a été supprimé par l° éditeur, parce qu’il n’était qu’un résumé de l’opuscule du carme Arnold Boslius († 1499), sur les principaux (37) chartreux célèbres, et que dom Théodore Petrejus se proposait déjà de publier, comme il le lit effectivement, Cologne, 1609. — 6° Devotissimi l’atris Pétri Dorlandi… de nativitale, conversione el vita invictissimse martyris bealissiniteque virginis Kallterinæ oratione soluta non inelegans libellas, in-4", Louvain, 1513 ; M. Keruslen a donné des extraits dans Geschichte der Legenden der heiligen Kal. von Alexandrien, Halle, 1892, p. 89-92. — 7° Vita ac res gestæ B. Annie libris quinque, dont il y a une traduction flamande par dom Walter Iiorm, chartreux hollandais d’Arnheim, in- 16, Anvers, 1621 ; et une traduction allemande. Le fameux Josso Badius, qui imprima celleci à Paris, composa en latin une Vie abrégée de sainte Anne, qui a été très souvent annexée comme complément, à la célèbre Vita Christi de Ludolphe le Chartreux. — 8° Miracula (antiquiora de S. Anna) collecta a Petro Dorlando Carlusiano. Ex Mss. Cartusise Coloniensis, ouvrage divisé en sept chapitres avec une préface et un épilogue, souvent cité dans les légendes populaires de sainte Anne, qui, au besoin, en rapportaient des extraits. Les bollandisles publièrent le texte entier, au 26 juillet, avec le titre ri-dessus. — 9° Vita cl res g est se Christiparse Virginis Mariée, usque ad .1 nnuntiationem, Anvers, 1017. Cf. Marraccio, Biblioth. Mariana, t. ii, p. 2’i(i. — 10° Dialogus de opère amoris el passione Christi, Louvain, 1018. Dom Pierre Dorland corrigea le traité de l’institution de la Fête Dieu de Jean Bher, de Diest, publié dans le Magnum spéculum exemplorum, par le R. P. Jean Major, jésuite, à Douai, 1603, 1601, etc. ; in-4o, Brescia, 1601, etc. Dom Gérard Zurle, abbé de Saint-Laurent-lez-Liége, avait recueilli toutes les œuvres du P. Dorland et voulait en faire une édition complète. Malheureusement les troubles des Pays-Bas, au xvie siècle, ne lui permirent pas d’ellectuer cette publication. Cf. la lettre dédicatoire de la Summa vitiorum et virtutuni de Denys le Chartreux, Cologne, 1533. Voici plusieurs manuscrits existant encore : 1° Le recueil de 25 opuscules mss. du xvi c siècle conservé à la Bibliothèque publique de Bruxelles, sous le n. 15013, renferme plusieurs traités de Dorland ; la Chronique de la chartreuse de Louvain (1486-1521), qui se trouve aussi dans ce recueil, a été faussement attribuée à Dorland ; elle a été rédigée par dom Jean Vekestyl, religieux de la même maison. — 2° Dorland a laissé un livre intitulé : De laudibus S. Joa finis evangelistse, qui, selon Morozzo, se trouvait, au xvii c siècle, dans la bibliothèque de M. Georges Calvener. Un des deux manuscrits suivants correspond peut-être à cette indication : Liber actuum Johannis aposloli et evangelistse, auctore P. D., ms. sur papier du xvie siècle, petit in-8o, 24 feuillets, n. 845 de la bibliothèque de la ville de Douai (cf. Analecla Bollandiana, t. xx, p. 401) ; Traclus mirificos B. Joannis Aposloli et Evangelistse, ms. du xvie siècle, n. 15038 de la bibliothèque royale de Bruxelles. — 3° Dans la liste des œuvres inédiles de P. Dorland on a marqué : Duse coronse rosacese B. Mariée, versibus heroicis, et plus loin : Rosacea Corona. Or, une de ces Couronnes, peut-être même toutes les deux, se trouvent dans les manuscrits suivants : Devotissimus Tractalus corone mistice gloriose Virginis, Genitricis Dei, Marie, dans le recueil ms. in-8 ii, du XVIe siècle, n. 240 de la bibliothèque de la ville d’Avignon, du feuillet 26 au feuillet 65. Le même Devotissimus Tractalus, avec la qualification de l’auteur a quodam carlhusiano, est conservé en manuscrit du xvie siècle, sous le n. 241, à la bibliothèque publique de Metz. Une autre copie : Corona mistica béate Marie virginis, ms. du xvr siècle, sur papier, in-12, 61 feuillets, est marquée du n. 358 dans le catalogue des mss. de la bibliothèque d’Avignon. — 1° Plusieurs Sermons de Dorland sur les vœux des chartreux, pour le jour de la profession, sur la milice spirituelle, sur la dignité sacerdotale, etc., font partie d’un recueil ms. de 1548, in-8o, noté sous le n. 348 dans le même catalogue. — Sermo historiens de B. Laurentio. Inilium : De magno martyre Laurenlio, etc., se trouve dans le ms. du XVIe siècle, n. 15027, de la bibliothèque royale de Bruxelles. Il est probable qu’à la suite il y a aussi les Sermones ralde célèbres de S. Laurentio marqués dans la liste des œuvres inédites de Dorland. — 5° De variis S. Antonii abbatis lentalionibus, dans le ms. du XVIe siècle, n. 15015 de la bibliothèque royale de Bruxelles. — Translalio S. Antonii de C. P. ad Viennam, auct. P. D., dans le ms. du xvi c siècle, n. 15016, de la même bibliothèque. — Dialogus inter Christum el Franciscum super charilate procuralrice salulis nostræ. Selon la Bibliotheca llelgica de Valère André, ce dialogue existait en ms., au XVIIe siècle, aux archives de l’Académie de Louvain.

Les titres desautres œuvres inédites de Dorland nous apprennent qu’il composa une Vie de saint Romain, soldat et martyr, un grand Psautier de la très sainte Vierge, un autre Psautier de Notre-Dame, plus petit, un dialogue sur les sept douleurs de Marie, un autre dialogue sur la confrérie de la Compassion, un livre de prières à la sainte Trinité, un traité du Saint-Esprit à l’usage des prédicateurs, un diadème de sainte Anne, beaucoup de sermons pour les dimanches et les fêtes de l’année, un livre de lettres, un éloge de