Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (SON EXISTENCE) I. Démonstrabilité de l'existence de Dieu

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 445-478).

fondements. Car il faut ici marcher entre deux écueils. Depuis que Descartes a misa la mode les idées claires, un très grand nomhre d’auteurs admettent que nous n’avons pas d’idée réelle de Dieu à moins qu’explicitement nous ne saisissions la note d’infini té. Cf. Janet, Principes de métaphysique, Paris, 1897, t. ri, p. 8(i ; Desbuts, Annales de philosophie chrétienne, juin 11)08, p. 258. De là, les préjugés très répandus contre l’universalité de la connaissance de Dieu, contre ladémonstrabilité de cette existence ; dé> là aussi, les essais très nombreux de se passer des preuves rationnelles de l’existence de Dieu : le traditionalisme, l’intuitionisme, le sentimentalisme ont dû une grande partie de leurs succès à cette préoccupation. A l’opposé du cartésianisme, nous rencontrons l’agnosticisme moderne. L’universalité du fait religieux s’est imposée aux esprits, et la critique de la connaissance a ruiné l’intellectualisme outré des idées claires cartésiennes : idea clara, dit la Philosophie de Lyon, ea est quee objectum sunm ila représentât ut quid et quale sit bene intelligatur. Philosophia Lugdunensis, Lyon, 1807, t. I, p. 31. On s’est enfin aperçu que nous pouvons désigner Dieu par des dénominations extrinsèques : ce dont convient toute l’École. Mais, sous l’influence du nominalisme, empiriste ou idéaliste, on a avec Hobbes, Pascal, Locke, Kant et Spencer limité notre pouvoir de connaître Dieu à ce mode de connaissance. Il en est résulté la théorie de « l’unité des religions sous la diversité des théologies, » chère d’abord aux protestants libéraux, T. Parker, Discourse of mallers pertaining lo religion, 1816, p. 14, puis aux positivistes et aux historiens des religions, Spencer, Principes de sociologie, 1876-1882 ; Frazer, Golden Bougli, Londres, 1890 ; Salomon Reinach, Cultes, mythes et religions, Paris, 1906 ; Chantepie de la Saussa je, Manuel d’histoire des religions, trad. Hubert et Lévy, Paris, 1904 ; Morris Jastrow, The study of religion, Londres, 1901 ; enfin aux positivistes orthodoxes, comme F. Harrison, The plûlosopliy of common sensé, Londres, 1907 ; et aux modernistes. Cf. Tyrrell, Through Scylla and Cltarybdis, Londres, 1907, p. 272 sq. VoirMackintosh, Christian theology and comparative religion, dans YExpositor, septembre 1907 ; Toutain, Éludes de mythologie, Paris, 1909 ; G. Foucart, La métlwde comparative dans l’histoire des religions, Paris, 1909. La vérité se trouve entre ces deux extrêmes. On peut avoir l’idée valable du vrai Dieu sans avoir l’idée claire de l’infini, que se donnent les cartésiens ; la connaissance spontanée de Dieu va plus loin qu’une simple désignation de Dieu par de pures dénominations extrinsèques.

Comme, depuis Descartes, beaucoup de termes dont nous avons ici besoin ont changé de sens, il est nécessaire de rappeler la terminologie de l’École. On y oppose l’idée claire à l’idée obscure. On définit l’idée claire, celle qui distingue son objet de tout autre objet, l’idée obscure, celle qui ne le dislingue pas ainsi. L’idée claire est ou bien confuse, ou bien distincte. L’idée claire est dite confuse, si l’objet y est distingué de tout autre par des dénominations extrinsèques, sans que l’esprit porte de jugement déterminé sur la nature intime de l’objet ; cela peut se faire de deux façons, suivant que la nature intime de l’objet échappe totalement à l’esprit (pures dénominations extrinsèques), ou suivant que l’esprit atteint quelques notes ou propriétés caractéristiques intrinsèques de l’objet, mais sans les distinguer expressément (connaissance implicite, interprétative, virtuelle, etc.). Enfin l’idée claire est dite distincte, expresse, explicite, si elle atteint d’une façon nette la nature intrinsèque de l’objet. Plus on atteint, mieux on distingue les notes de l’objet, plus la connaissance est parfaite, bien que, s’il s’agit de Dieu, la connaissance la plus parfaite soit celle qui se rapproche davantage de la divine simplicité. Nous emploierons

cette terminologie classique, parce qu’elle est plus précise et beaucoup plus psychologique que le langage d’origine cartésienne.

Universalité de la connaissance spontanée de Dieu.

— Les Pères ont beaucoup insisté sur la connaissance spontanée, naturelle, commune à tous les hommes, même aux païens. Cf. Tertullien, Adversus Marcionem, c. x, xiii, P. L., t. il, col-. 257, 260 ; De testimonio animas, 1. 1, col. 609 sq. ; Apologeticus, c. xvii, col. : voir Xourry, ibid., col. 804 ; S. Irénée, Cont. hær., l. II, c. «, P. G., t. vii, col. 724 ; S. Cyprien. De idolorum vanilate, n. 9, P. L., t. IV, col. 577 ; Clément d’Alexandrie, Cohortatio ad génies, c. vi-ix. P. G., t. viii, col. 174 ; Strom., Y, c. XIH sq., ibid., t. ix, col. 127 ; S. Augustin, In Joa., P. L., t. xxxv, col. 1910 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Contra Julianum, l. ii, P. G., t. lxxvi, col. 580 ; S..lérôme, Comment. inEpist. ad Gal., l. I, c. i, 15. P. L., t. xxvi, col. 326 ; Cornn, , in Epist. ad TH., c. I, 10, ibid., col. 570. On sait que l’auteur du De vocatione gentium met en relief cette connaissance spontanée de Dieu, comme premier moyen de salut donné par la bonté divine à tous les hommes. Saint François-Xavier eut recours à la même pensée lorsque, pour répondre aux Japonais qui lui objectaient qu’un Dieu bon ne les eût pas laissés tant de siècles sans moyen de salut, il leur répondit qu’ils l’avaient toujours connu par la loi morale. Lettres de saint François-Xavier, trad. Pages, Paris, 1855, t. ii, p. 225, lettre de Cochin, 29 janvier 1552. Bossuet n’a donc fait que résumer l’enseignement traditionnel, lorsqu’il a parlé de l’étincelle du feu céleste qui brille dans nos âmes, du secret instinct qui élève nos yeux au ciel vers l’arbitre des choses humaines dans toutes les nécessités de la vie : « c’est une adoration que les païens même rendent, sans y penser, au vrai Dieu ; c’est le christianisme de la nature ou, comme l’appelle Tertullien, le témoignage de l’âme naturellement chrétienne. » Premier sermon pour la Circoncision, édit. Lebarq, Lille, 1890, t. i, p. 251 sq.

L’École, avant et après Bossuet, est restée fidèle à la tradition sur le fait de l’universalité de la connaissance de l’existence de Dieu, mais sans nier, comme les cartésiens, toute possibilité de l’athéisme négatif, et sans prétendre que tous les hommes ont l’idée claire de l’infini. Cf. Hontheim, Inslitutiones theodiceæ, Fribourgen-Brisgau, 1893, n. 615 ; Bœdder, Theologia naturalis, ibid., 1895, n. 147 ; Kleutgen, Philosophie scolastique, n. 225-232, 432 sq., 929 ; Dublin review, 1869, t. n. Explicit and implicit thought, p. 421-442 ; 1871, t. i. Certitude in rcligious assenl, p. 253-275, à propos de la Grammar of assent de Newman.

Connaissance spontanée et obscure de Dieu.

Tous les anciens scolasliques, disent les savants commentateurs desaint Bonaventure. Quaracchi, 1882, t. i. p. 156, tiennent que l’existence de Dieu nous est » er se nota, s’il s’agit d’une connaissance obscure : non sub ratione propria, sed communi. nempe cutis, unius, veri, boni, beatiludinis, etc. Laissons de côté les nombreuses controverses verbales sur l’expression perse nota ; elle signifie que la vérité de la proposition dont il s’agit apparait évidente, dos qu’on en comprend les termes. Par exemple, le tout est plus grand que « a partie, est une proposition per se >wla, parce que, les termes saisis, l’esprit perçoit nécessairement, sans réflexion ultérieure, et sans aucun discours, la vérité de la proposition. Cf. Jean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, In /"", dis]). III, q. ii, a. I ; Frassen. Seotut academicus, Home. 1900. p. 108. Voici comment Alexandre de llalés explique la connaissance obscure de Dieu : Cognitio alicujus potest esse duobus modis, in ratione communi et in ratione propria. Potest igitur aliquid cognosci in ratione communi, et tami’ii ignorarisub ratione propria, sicut cum aliquis cognoscit mel sub ratio ne communi, videlicet quod est corpus molle, rubeum, ignorât autem sub ratione propria ; et ideo cuni videt fel esse corpus molle, rubeum, deceptus crédit ipsum esse mel. Simililer cognilio beatitudinis et appetitus ipsius nobis innalus est ralione communi, quod est status omnium bonorum aggregatione perfectus ; tamen in ralione propria ab aliquibus ignoralur… Similiter dicendum quodidololatræ Deum in ralione communi non ignorant, quod est ens, principium… tamen sub ratione propria ignorant. Summa, part. I, q. iii, m. ii, ad 3 am. Albert le Grand a repris la comparaison du miel et du fiel d’Alexandre. Summa, part. I, tr. III, q. xix, m. H, édit. Vives, t. xxxi, p. 128. Saint Conaventure enseigne expressément que l’idée de l’unité de Dieu est connue de tous comme les premiers principes d’une façon implicite. De mysterio Trinitatis, q. il, a. 1, Quaracchi, t. v, p. 61 ; cf. llinerarium mentis in Deum, c. v, ibid., p. 309. Saint Thomas n’est pas moins affirmatif : nos facultés sont ordonnées à Dieu, et le principe est général : omnia cognosccnlia cognoscunt implicite Deum in quolibet cognilo, De vcritate, q. XXII, a. 2, ad l, lra ; car rien n’est connaissable sinon par ressemblance avec la première vérité. On reconnaît l’influence du célèbre passage de saint Augustin sur la première vérité. De Trinilate, l. VIII, c. n sq., P. L., t. XLII, col. 918. Voir Duns Scot, In IV Sent., l. I, dist. III. q. ni, n. 26 ; Lodigerius, Disput. theolog., Home, 1698, t. i, p. 67. C’est surtout à propos de la volonté, de nos appétits naturels et de nos actes libres que les scolastiques ont parlé de cette connaissance obscure de Dieu, naturelle à tous. Saint Thomas y revient souvent. L’homme veut nécessairement sa béatitude. Sum. theol., I", q. i.xxxii, a. 1 ; Ia-IIæ, q. v, a. 8 ; q. x, a. 1, 2 ; De malo, q. ni, a. 3. Cf. Suarez, Disp. metaphys., disp. XIX, sect. viii, n. 8. Or, l’objet de cette béatitude, l’idéal du bonheur que nous nous formons, n’est autre que Dieu obscurément conçu. Sum. theol., I », q. ii, a. I, ad 1um et 3° m ; Contra génies, l.I, c. Kl, ad i "" ; l. III, c. XXXVIII ; De vcritate, q. XXII, a. 2 ; //i / V Sent., I. I, dist. III, q. I, a. 2. De nouveau, on reconnaît l’inlluence de saint Augustin, de Denys et des néoplatoniciens. Cf. Rousselot, Pour l’/iistoire du problème de l’amour au moyen âge, Munster ; 1908, dans Beitrâge de Bæumker, t. vi, p. 32, et pas" sini. Bien plus, Scol ne craini pas de dire : Cognotquodeumque eus, ut / « »’ent est, indistinctisDeu ii, i V Sent., 1. I. disp. III, q. ii, n. 3. Henri de Gand, Summa, a. 24, a même prétendu que la première notion de l’être que i sacquerons l’être divin. Les ontol >nt, mais à tort, attribué cette opinion d’Henri de Gand à saint Bonavi nture < I 0) ra, Quaracchi, t. v, p. 313 ; t. i. p. Tu. -’liolion in I. I, dist. III. p. i. q. i. Ludovicus a iplanio, Sei aphu. Home. 1874 ; h79. Voir S. Bonaventure, / « IV Sent., l. II, dist. III, p. II. a. "2, q. il. ad 2°"’sq. ; dist. XXIII. a. 2, q. III, n l.i retrouve pi ut-étre ch< / Richard, rmn i llgimut ens in commut ndendo ad eus Uum, intelligimus /v<<. t$ima, In I V Sent., I. I, dist. III, q, m ; remeni chez les néoplatoniciens de la renaissance. m. Theologise plalonicæ, I. XII, c. vu. l< non i i ipte’le cette opinion d’Henri de Gand qui la critique de -’-, , i avail ébranlée, /" tV Sent., i i, dist. Ml. q. n. m. et que Suarei a ru in melaphyê., disp. II. sect. u. n. 8 ;

NW Ml. - i I m. n. 17. il reste que l< i.e n

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cières, ou si l’on veut de nos besoins intellectuels et eudémoniques, surgit un idéal d’être, d’unité, de vrai et de bien, qui n’est pas encore déterminément Dieu lui-même, mais qui nous oriente vers lui ; cet idéal, d’après saint Thomas, s’inspirant de Boèce, De veritate, q. x, a. 12, ad 3um, n’est autre chose qu’une similitude de Dieu. Notre esprit la forme malgré lui et se refuse à la traiter de vaine, comme le montrent les dires des athées qui croient encore à « la catégorie de l’idéal » ou de « la justice immanente des choses ». Ne désignant Dieu qu’en fonction de nos tendances subjectives les plus générales, cette connaissance ne l’exprime que par de pures périphrases et par des dénominations extrinsèques, comme saint Paul décrit les biens célestes : nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit. D’où il suit que cette connaissance reste obscure, c’est-à-dire ne parvient pas, si l’on ne va pas plus loin, à une idée précise qui distingue Dieu du reste des êtres. Elle n’exclut donc pas, par elle-même, le monisme, le panthéisme, le po ythéisme, etc. ; et, de soi, elle ne nous apprend rien de Dieu considéré en lui-même, non pas même sous un concept qui le désigne exclusivement, son existence. Survienne l’idée claire, confuse ou distincte, de Dieu, par laquelle nous concevons la divinité comme excedens sua causata, non lalis qualis ejfectus, S. Thomas, De anima, q. ii, a. 16 ; Sum. theol., I «, q. XII, a. 12 ; cet idéal nous servira beaucoup pour passer par jugements catégoriques à l’exclusion de ce qui ne convient pas à Dieu ; cette similitude nous aidera à porter des affirmations nettes et de plus en plus précises sur l’original. Cf. Wieser. Die natùrliche Goliescrkenlniss, dans Zeitschrift fur kalholische Théologie, Inspruck, 1879, p. 7 18 sq.

Un exemple fera comprendre combien il est important de ne pas concéder que toute notre connaissance naturelle de Dieu se réduit à l’idée obscure dont nous parlons. D’après le positiviste orthodoxe Harrison. l’amour, le respect, le dévouement, le culte et l’abnégation sont aussi essentiels à l’animal humain que le protoplasme ou l’appareil digestif. Dans toutes les croyances que l’on nomme religions, dit-il, il y a un élément commun. « Cet élément commun est : 1. la croyance à quelque pouvoir considère comme plus grand que l’individu ou la communauté, comme capable de faire du bien ou du mal et comme s’intéressanl aux actes de l’individu et de la communauté ; -. un sentiment de respect, ou d’amour et de gratitude, pour ce pouvoir, non sans quelque manière de manifester ce sentiment ; 3. certaines pratiques, ou ligne et règle de conduite et de vie. que l’on pense être agréables à ce pouvoir et capables d’assurer sa faveur. » Les descriptions analogue s du fait religieux sont aujourd’hui très fréquentes chez les écrivains qui s’occupent de religions comparées. Elles peuvent rendre trois sens fort diffi renls. Si l’on accorde quelque valeur objective aux représentations qu’impliquent les termes % pouvoir, intérêt, faveur » que l’on y rencontre, elles expriment I idie distincte de Dieu. Si l’on met l’accent sur la’lité du pouvoir dont on parle et sur la valeur morale des pratiques employées pour lui i’" agréable, elles expriment l’idée confuse de Dieu, telle qui l’ont reconnu.’nui jhei les pâli ns. Mais plngieurs des historiens des religions et M. Harrison les entendent dan un en absolument relatif, de (’.non a rdani l’indétermination absolue l’objet religieux, m par nos états sul formules eipriment la connaissance obai dont nous parloi que plus d’un êcrl vain, Bprès avoir restreint notre connaissance de Dleo e l’objet relia ; eux parmi li - pro i notn r i onnalité dans le champ de lin Feuerbach, Dm H Chrwtenthunu, Optra,

t. vii, p. 62 ; t. vin. p. 809. qui’<l’.. lient l’athéisme déclaré, comme Faust interrogé par Margue riir, Gœthe, Faust, Berlin, 1873, p. 137, que pour tomber dans un vague panthéisme, Loisy, Quelques lettres, 1908, p. 44 ; que d’autres reprennent la vieille thèse de l’âme du monde, William James, Principles, t. i, p. 370 ; Denzinger, 10e édit., n. 2109, sauf à nous proposer aussi le polythéisme, V ariettes <>{ religious expérience, Londres, 1902, p. 526 ; que d’autres s’en tiennent à la religion de l’Inconnaissable, Spencer, Premiers principes, c. v ; Principes de sociologie, d’où il suit que d’autres enfin ne voient aucune difficulté à proposer aux agnostiques, comme planche de salut, « l’émotion cosmique en face de l’énergie du système sidéral » ou la religion de l’Humanité. Fortnightly Review, février 1885. La religion de l’Humanité, pense M. Harrison, op. cit., faite d’un sentiment de gratitude pour les services passés de l’organisme social et d’un sentiment de bienveillant dévouementpour les services futurs du même organisme, remplit toutes les conditions de la vraie religion. Ces conclusions et d’autres du même genre montrent assez quels écueils n’évitent pas les écrivains qui concèdent que toute notre idée naturelle de Dieu se réduit à celle d’un « idéal » et « à la conscience que nous prenons de notre élan pour aller au delà. » Cf. Desbuts, loc. cit., p. 253 sq. Cette intuition de l’idéal désigne Dieu, mais sub rations communi, non sub ratione propria, pour parler avec les anciens scolastiques, en ce point fidèles rapporteurs de la pensée des Pères

Saint Augustin a écrit : Sicut ergo mentibus nostris impressa est nolio beatitatis, itætiam sapientiæ notionem Itabemus impressam. De libero arbitrio, l. II, c. xiii, P. L., t. xxxii, col. 1254. Boèce a dit de même : Inserta est mentibus hominum, veri bonique cupiditas. De consolations, pliilosophise, I. III, prosa ii, ix-xl, P. L., t. lxiii, col. 724, 768. Ces tendances natives de notre esprit et de notre cœur posent bien le problème de l’au-delà et ne nous permettent pas de l’oublier complètement, de rester froids devant la solution, quand elle nous est proposée ; elles sont à la racine de notre inquiétude religieuse : Fecisli nus ad te, et irrequietum est cor noslrum donec requiescat in te. Et c’est pourquoi on peut les prendre pour base d’une argumentation en faveur de l’existence de Dieu. Cf. Hettinger, Apologie du christianisme, t. I, c. ni, p. 162. Mais par elles-mêmes elles ne résolvent pas la question qu’elles soulèvent. Les raisonnements de saint Augustin lui-même, quand il y a recours, le montrent assez. Cf. Jean de Saint-Thomas, In i ai ", q. II, disp. III, a. 1, n. Il j d’Aguirre, Theologia sancti Anselmi, tr. I, disp. VI, sect. iv, n. 31, Rome, 1688, t. I, p. 142.

Connaissance spontanée et confuse de Dieu.

La connaissance confuse est celle qui distingue son objet de tout autre par des dénominations extrinsèques, sans que l’esprit porte de jugement déterminé sur la nature intime de cet objet. C’est le mininum de connaissance de Dieu que les théologiens requièrent pour que l’homme puisse commencer sa vie morale et religieuse. Omnes, natura duce, co vehimur, deos esse, avait dit Cicéron. De natura deorum, l. I, c. i. Or les anciens donnaient à leur Dieu principal le nom d’Optimus, Maximus. C’est donc que la divinité était conçue par eux, même dans le paganisme, comme une nature supérieure. Cf. Cicéron, ibid., l. II, c. vi. Les platoniciens désignaient volontiers Dieu par l’excellence et la bonté. Saint Augustin, qui connaissait le passage de saint Luc, xviii, 19, remarque que pour tous le nom de Dieu signifie en latin une nature supérieure : Omnes latinae linguae socios, quum aures sonus iste tetigerit, movet ad cogitandum excellenlissimam quamdam immortalemque naturam. De doclrina christ., l. I, c. vi sq., P. L., t. xxxiv, col. 21. Hune plane falebor Deum, quo nihil superius esse constiterit, phrase qui probablement inspira plus tard saint Anselme. De libero arbitrio, l. II, c. VI, P. L., t. xxxii, col. 1248. I.n second lieu, rien n’était [il us fréquent dans la littérature de l’antiquité païenne, grecque et romaine, que la désignation de Dieu sous les noms de principe des choses, d’architecte de l’univers ; les beaux développements de l’argument de l’ordre du monde de Socrate, cf. Xénophon, Memorabilia, l. I, c. iv, 4 ; l. IV, c. iii, 3, de Platon, De legibus, l. X, XII, et de Cicéron, sont connus de tous. Les Pires y reviennent fréquemment, plus souvent qu’à l’argument de contingence, quand il s’agit de prouver aux païens qu’ils ont l’idée du vrai Dieu. Minucius Félix, Octavius, c. XVII sq., P. L., t. m. col. 286 ; S. Théophile Ad Autolgcum, l. I, 5, P. G., t. vi, col. 1031 ; à rapprocher de Maimonide, Guide des égarés, trad. Munk, Paris, 1856, t. i, p. 157 ; S. Athanase, Oratw contra génies, n. 27, 43. P. G., t. xxv, col. 54, 86 ; S. Augustin, De civilate Dei, l. XI, c. IV, 2, P. L., t. xli, col. 319 ; Confessiones, 1. XI. c. iv, t. xxxii, col. 811 ; S. Grégoire de NaLianze, Oral., xxviii, n. 6. P. G., t. xxxvi, col. 32 ; S. Grégoire de Nysse, Oratio catechetica, P. G., t. xlv, col. Il ; S. Jean Damascène, De (ide orlhodo.ca, l. I, c. iii, P. G., t. xciv, col. 796. Le monde tout entier est une école où par les choses visibles Dieu nous montre les choses invisibles. Voir col. 842. S. Basile, In Hexæmeron, hornil. I, n. 6, P. G., t. xxix.col. 15. Bien entendu, la considération de l’âme humaine, faite à l’image de Dieu, n’est pas exclue. S. Athanase, ibid., n. 30, col. 59 sq. ; S. Basile, Homil. Attende, P. G., t. xxxi, col. 196 ; S. Augustin, De doclrina christiana, 1. 1, c. vin sq., P. L., t.xxxiv, col. 22 ; De Trinitate, l. VIII, c. v sq., t. xlii, col. 952 ; l. IX, c. m-vi, ibid., col. 962 ; De Genesi ad lit ter am, l. X, c. xxiv, t. xxxiv, col. 426 ; S. Thomas, Sum. theol., I 1, q. lxxxviii, a. 1, ad l am ; q. lxxxiv, a. 7, ad3 unt ; Contra génies, I. I, c. iii, n. 2 ; c. xxxi. Et cela inclut la présence et l’action de Dieu dans l’âme. Minucius Félix. Octavius, c. xxxii, P. L., t. iii, col. 341 ; S. Thomas, Contra génies, l. I, c. XXVI, à la fin ; De veritate, q. x. a. 9, contra, ad 7 l, m ; a. 11, ad lluu> ; hi Boeth. de Trinitate, q. i, a. 1.

Enfin, bien que l’antiquité classique ait eu des systèmes de philosophie et de morale sans Dieu, la philosophie populaire et la littérature des païens n’avaient pas séparé l’idée de Dieu de celle de la loi morale et religieuse. Les discours de Socrate dans sa prison sont présents à tous les esprits ; on sait aussi que les Érynnies poursuivaient le coupable, que les païens, même dans le bonheur, n’ignoraient point que l’impie n’a point la paix. Job, xv, 21. Les Pères se servirent de ces faits indéniables pour convaincre les païens qu’ils avaient quelque connaissance d’un Dieu unique et provident ou rémunérateur. C’est le sens de Tertullien, lorsqu’il raisonne sur les exclamations, qui, en certaines circonstances, échappaient aux païens, au singulier : Deus videt omnia r et Deo commendo, et Deus in ter nos judicabit. Vnde hoc tibi non christiana :’De testimonio animas, c. il, P. L., 1. 1, col. 612. Cf. S. Hilaire, /v Trinitate, L I. 2-11, P. L., t. x, col. 27. Les Pères entrèrent d’autant plus facilement dans cette voie que leurs expériences personnelles du monde et du cœur païens se trouvaient confirmées par l’Écriture. Celle-ci, en effet, suggère les arguments dont ils se servaient. Yoircol.812.851. Elle ne laisse d’ailleurs aucun doute sur la culpabilité de ceux qui errent sur Dieu, Rom.. I, 20, ita ut sint inexcusabiles ; Sap., xiii. 8 : nec liis débet ignosci. On n’est tombé dans ces erreurs que par un juste châtiment de Dieu qui, connu, n’a pas été honoré et remercié. Principale crime » generis humani, dit Tertullien, summus sxculi reatus, tola causa judicii, idololatria. De idololatria, P. L., t. i, col. 663. Merilo igitur omnis anima rea et testis est, in tantum et rea erroris in quantum testis verilatis. Ibid., col. 618. Cf. S. Athanase,

Oratio contra gentes, n. 11, 14, 35, P. G., t. xxv, col. 23, 30, 70. Comparer le n. 8, col. 15, avec saint Basile, Homilia in ps. xxxiii, n. 3 ; in ps. xxxir, n. 3, P. G., t. xxix, col. 357, 329 ; Homil. Attende, n. 7, ibid., t. xxxi, col. 214. Saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxviii, c. xiv, P. G., t. xxxvi, col. 43 ; saint Augustin, De vera religione, c. xxxv, n. 67, P. L., t. xxxiv, col. 152 ; Lactance, De origine erroris, P. L., t. vi, col. 254, assignent la même origine au paganisme. Et cette observation donne la clef d’une grande partie de ce que les Pères ont écrit sur les dispositions morales nécessaires pour connaître Dieu. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, Bruxelles, 1858, 1. 1, l. II, n. 1, p. 95 ; llettinger, Apologie des Christenthums, Fribourg, 1875, t. I, p. 30-51 ; trad. Felcourt et Jeannin, 3e édit., t. i, p. 29 ; Hontheim, op. cit., n. 615, a. 3.

4° Elaboration scolastique de la doctrine traditionnelle. — Les scolastiques ont remarqué de bonne heure que l’idée spontanée de Dieu ne s’exprime pas chez les Pères en une formule unique et fixe. Voici, distribuées en trois groupes, les différentes formules que l’on rencontre chez les Pères ou chez les théologiens. — 1. Nalura excellentissima, ens realissimum, ens enlium, ens quo majus cogitari nequit, ens necessarium. L’idée d’être y e3t déterminée à signifier Dieu par un superlatif, qui le distingue de tout ce qui n’est pas lui et le met a part. — 2. Principium omnium rerum, causa hujus mundi, supremus artifex, gubernalor hujus mundi. Dieu est conçu comme la cause du monde et de l’ordre du monde. — 3. Auclor et vindex legis moralis, remunerator, summum bonum, ens imprseferibile, ens ab omnibus colendum, Dominus, etc. De même que, dans le second groupe, l’idée d’être est déterminée à signifier Dieu par l’adjonction de la dépendance physique des choses, dans le troisième la même idée signifie déterminément Dieu et lui seul grâce à la considération de notre dépendance morale et religieuse, manifestée par les tendances spéciales à l’animal qui est l’homme ; car personne ne prendra au sérieux ce que l’on a écrit < sur le sentiment religieux des chiens qui aboient à la lune. Il est d’ailleurs facile de voir que tontes ces notions sont connexes et s’impliquent mutuellement les unes les autres.

— trois groupes de formules et leurs équivalents

nent bien Dieu il lui seul, comme distinct de tous les autres êtres, puisqu’elles le caractérisent par une propriété qui lui convient et ne convient qu’à lui, pi catum converlibile uni Deo. Cajetan, Commmlarii i « / Sunimm, q. il. a.’'>. Cf. Dictionnaire apologétique de la foi p Paris, 1909, 1. 1, col. 13, 59 ; Hontheim, op. cit., p. 10, n. Hi ; Boed li i op. cit., a. 6. Mais on peut 1rs entendre en des si ne forl différents. — L On peut 1rs entendre au sens absolu, ou de droit. En ce sens, ens ijiui, igilari nequit, principium omnium,

muni bonum di signent i xpliciternent l’être infini, li Ire le plus grand (superlatif absolu), la cause de iln. ii de loutes choses, notre cause finale nécessaire S. Thomas, In IV Sent., I. I. dist. XVIII, q, i.., ..".. De telles notions de Dieu sont 1res relevées, difficiles à acquérir, mais elles sont de soi exclusives de toute erreur sur la nature divine : dès que l’esprit les a for . H juge avec la (dus grande facilité que l’être à qui elles con iennent est unique, éternel, omniprésent, ut, intelligent, libre et loul puissant, i n d’autres termi les conclusions de la plus sublime théo % sont données. -- 2. On peut les entendre au tem relatif ><n iir fait. Ainsi comprises elles signifient : Dieu est l’être qu il nous est impossible de pi n i i meilleur ou ini li tant Dli a I de fail le plus grand

très (superlatif relatif) ; Dieu est la cause de fait l" cel anivi rs ; Dieu est « le fait l’objet qui tout notre désii <b’bonheur ou, comme dit M. Tyrrell, « tous nos besoins spirituels, nui et mystiqui

Op. cit., p. 274. Nous n’avons pas à discuter ici le sens historique de saint Anselme, cf. Piccirelli, De Deo disputationes metaphysicæ, Paris, 1885, p. 511-544 ; Adloch, dans le Pliilosopliisches Jahrbucli, Fulda, 1895, 1896, 1897 ; Pesch, Prselectioncs théologien, Fribourg, 1899, t. ii, p. 19 ; Bæumker, Witelo, dans Beiti-âge, Munster, 1908, t. iii, p. 304 ; ni la valeur de cet argument. Voir ANSELME, t. I, col. 1350. Il nous suffit de noter que celui qui conçoit l’être qu’il nous est impossible de penser meilleur ou inexistant conçoit en réalité Dieu, quoi qu’il en soit de la question de savoir si cette idée est spontanée et naturelle à tous ou s’il est possible de passer de cette idée à un jugement existentiel certain. Il en est de même du superlatif relatif, le plus grand des êtres, et aussi de la formule, cause de fait et arbitre de fail du monde. De même, Dieu conçu en fonctions de nos tendances morales et religieuses, est bien le vrai Dieu. S’il est vrai que nos tendances générales à l’unité, au vrai, au bien ne peuvent par elles-mêmes et sans réflexion et discours ultérieurs ne nous donner qu’une idée obscure de Dieu, comme nous l’avons dit, il est certain que nous pouvons désigner Dieu distinct du monde par les idées de législateur, d’objet du culte universel, etc. On sait que les sceptiques modernes ont essayé, à la suite des anciens athées, deos fecil timor, et de certains protestants anciens comme Flaccus Illyricus, voir col. 766, d’expliquer la genèse de l’idée de Dieu par divers sentiments, par exemple la crainte en présence des grands phénomènes de la nature, la terreur de l’esprit des morts et des fantômes vus en rêve, etc. Voir Marillier, art. lieligion, dans la Grande encyclopédie, p. 346. Notre intention n’est pas de nier que les phénomènes de la nature, ces apparitions, etc., puissent concourir à aider l’homme à former les concepts de pouvoir supérieur, de puissance invisible, immatérielle, etc., qui enlrent dans les concepts corrects quo nous avons de Dieu. Cf. Sap., xiv, et la dissertation de dom Calmet « sur l’origine de l’idolâtrie ». jointe à son commentaire de ce livre. Sans aller aussi loin que quelques écrivains récents qui regardent le spiritisme comme un acheminement vers la vérité, Vasque/, fai-t cette remarque à propos de la France et de l’Angleterre de son temps : Testantur riii gravissimi eontagis hominesabatheismo detineri quo avidius magicis artibus student.’quod nisi inler hæreticos Deus permisisset, pêne omnes jam in atlieismo versarcntur. In /". disp. XX, n. 10. Cl. hu l’Iessis Mornay, De la vérité de lu religion chrétienne, Anvers, 1581, c. i ; Spizelius, De atlieismo eradicando. Augsbourg, 1669, p. 36-42. Mais les athées el les sceptiques modernes ne trompent qu’eux-mêmes, lorsqu’ils confondent avec l’idée spontanée il Dieu les représentations issues des répercussions en nous des orages, des fantômes, etc. L’idée de Dieu est tout

autre, parce qu’elle est mêlée de respect, jointe à l’idée de bonté : « Si lu es dieu, disaient les Scythi Alexandre, C’est en faisant du bien et non du mal aux

hommes que tu dois le témoigner, « Quince-Curce, mi.

8 ; enfin, elle ne va pas Bans l’idée du devoir et du châtiment. Hettinger, Apologie’lu christianisme, t. i,

p. 118-121. Nous pouvons dont c dure que le troi s groupe des formules que nous étudions désigna

bien le vrai Dieu et lui seul : il le désigne comme

l’être dont l’idée excite en nous des retentissements d’ordre moral et religieux très profonds qu. n’excite aucune sutn idée.

Les icolasliquea ont ensuite remarqué que l’idée de Dieu, telle que fis Pères i.i découvraient naturelle et spontanée chei fis paons, était moini parfaite que l’Idée qu’en ont les chrétiens par la révi lation, "n ne voit pas que le. Péri aient jamais prétendu que la ni m i ld< i préi ise de Dieu qu’i n donnent nos catéchismi Dieu i t un esprit souverai

nement parfait, infini, éternel, omniprésent, créateur et maître de toutes choses. Au contraire, c’est un lieu commun de l’apologétique patristique d’insister sur la grande supériorité de la notion révélée et chrétienne de Dieu. D’où l’Ecole a conclu que les formules par lesquelles les Pères ont exprimé la connaissance spontanée que nous avons naturellement de Dieu ne doivent pas se prendre au sensahsolu, mais bien au sens relatif. Ce n’est que depuis Descartes qu’on a imaginé des sauvages, remplis de l’idée explicite d’infini. On ne veut pas insinuer par là que la philosophie païenne ne pouvait pas s'élever à la notion d’infini et l’appliquer à Dieu, mais seulement que rien n’est moins conforme à l’observation et à la tradition chrétienne que de prétendre que l’infinité de Dieu est une idée spontanée, qui s’impose clairement à tout homme venant en ce monde dès le début de sa vie morale.

D’un autre côté, les Pères supposent chez les païens plus et mieux que l’idée obscure de Dieu dont nous avons parlé. En effet, pour affirmer que les païens connaissaient Dieu, les Pères s’appuyaient non seulement sur leur expérience personnelle du monde et du cœur païens, mais encore sur l'Écriture. Or on ne peut pas douter que saint Paul, Rom., i, II, et l’auteur de la Sagesse, xiii, xiv, aient parlé d’une connaissance de Dieu qui le distinguât du reste des êtres : invisibilia conspiciuntur, creator horum videri. Jl est vrai que saint Augustin a quelquefois pris pour point de départ dans son argumentation la connaissance obscure de Dieu ; mais un don médiocre d’observation psychologique suffit pour se rendre compte que la masse de l’humanité n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais capable de découvrir spontanément les déductions que saint Augustin a appuyées sur cette base. D’ailleurs, saint Augustin dans ses démonstrations psychologiques, qu’il ne donnait pas non plus comme spontanées ou possibles sans quelque maïeutique, prétendait bien s'élever au-dessus de l’idée obscure de Dieu. La plupart des Pères, sans remonter comme saint Augustin jusqu'à la racine profonde de l’inquiétude religieuse de l’homme, se contentaient de partir du fait de l’idée de la divinité distincte du monde. Qu’on lise par exemple le Discours contre les gentils de saint Athanase, on y remarque vite que le but de l’auteur est moins de prouver l’existence de la divinité que de faire reconnaître et avouer le vrai Dieu. Le grand docteur était donc convaincu que l’idée de Dieu était tellement présente à la pensée des païens qu’il suffisait de la rapprocher des notions qu’ils se faisaient soit du double principe soit des dieux anthropomorphes, etc., pour les amener à reconnaître la contradiction entre leur pensée intime et la religion ou le culte qu’ils professaient. Saint Grégoire de Nysse nous a donné un bon résumé de la méthode apologétique des Pères. Si l’infidèle ne croit pas à l’existence de la divinité, on la lui prouvera par l’ordre du monde ; s’il admet cette existence, mais erre sur la nature divine, on lui fera remarquer que, même dans sa pensée, les dieux sont excellents (superlatif relatif) : o-j yàp av '£-<. Œôtt, to ; tiç cy_o ; ï] ûït^X »)<plv, ou y) toO yîîpovo ; oûx arceem irpoTY)Y P'- a ' Et par ce moyen terme on lui fera avouer que la divinité n’est pas multipliée, qu’elle est intelligente, etc. Oralio catechetica, P. G., t. xlv, col. 12. Mais cette méthode suppose évidemment plus qu’une idée obscure de Dieu au début ; et, si celle-ci seulement est présente, l’emploi de l’argument de l’ordre du monde, en même temps qu’il prouve l’existence de la divinité, amène à la concevoir comme distincte de tous les autres êtres.

Si la connaissance initiale, spontanée et universelle de Dieu n’est ni la connaissance développée et de soi exclusive des erreurs sur Dieu, ni seulement la connaissance obscure, il reste qu’elle est ou une connaissance distincte ou au moins une connaissance confuse. Or

elle n’est pas une connaissance distincte, c’est-à-dire une connaissance qui exprime d’une façon nette et explicite la nature intime de Dieu. Si, en effet, les païens eussent eu la connaissance distincte de Dieu, ils n’eussent pas honoré les idoles ; de plus, toute l’argumentation des Pères eût été inutile, puisqu’elle n’a pas d’autre but que d’amener les païens à cette connaissance distincte. Il reste donc que la connaissance spontanée de Dieu est une connaissance confuse.

Que la connaissance confuse exprimée par les trois groupes de formules précédemment rapportés soit une connaissance par dénominations extrinsèques, la chose est facile à prouver. Car, si Dieu n’avait rien créé, il serait en lui-même exactement ce qu’il est, puisqu’il est absolument immuable, éternel et indépendant. Dans cette hypothèse, il ne serait donc pas relativement le meilleur des êtres existants, la cause de fait de cet univers, la fin à laquelle de fait nous sommes ordonnés. D’où il suit que celui qui conçoit Dieu simplement et rigoureusement comme le meilleur de tous les êtres existants, comme la cause de fait du monde, comme l'être dont la non-existence est pour nous inadmissible et dont l’idée excite en nous certains états affectifs d’ordre moral et religieux très spéciaux, 1. distingue bien Dieu des autres êtres, mais 2. ne conçoit directement et explicitement rien des constitutifs intrinsèques de la nature divine. Cette dernière conséquence est évidente, car la nature divine considérée en soi serait exactement ce qu’elle est dans une hypothèse où de fait rien de ce que cet homme affirme ne serait exact. C’est dans ce sens que Cajetan, parlant de la conclusion directe et explicite des cinq preuves de l’existence de Dieu proposées par saint Thomas, remarque que ces preuves ne prouvent pas Dieu, ut Deus est, mais seulement l’existence d’un être à qui conviennent certains prédicats, qui objectivement ne se trouvent réalisés qu’en Dieu : prsedicata quædam inveniri in rerum natura, quæ secundum veritatem sunt propria Dei. In Sum., I », q. il, a. 3. Cette simple remarque suffit à résoudre les neuf dixièmes des difficultés proposées par et depuis Kant contre la démonstrabilité de l’existence de Dieu. Cf. Tolet, In P iii, Rome, 1869, t. I, p. 69, n. 3 : Jean de Saint-Thomas, lu 1. q. il, disp. III, a. 2, n. 1 ; Gayraud, dans la Revue de philosophie, juillet 1908. Cette doctrine n’est pas d’ailleurs particulière à Cajetan, comme le montre la thèse classique suivante, tirée de saint Anselme, Monologium, c. xiv, P. L., t. CLVIH, col. 162, et de saint Thomas, Sum. theol., I a, q. XIII, a. 2, ~, ad l'"> : .4/tribula contingenter relaliva ad creaturas, fomialiter considerata, nihil rcale in Dco exprimunt ; quanijuam malerialiler et fundamentaliter considerata divinam ipsam substantiam désignant. Cf. Urraburu. Institulionès philos., Valladolid. 1899, t. vu. p. 299 ; d’Aguirre, Theologiasancti Anselmi, tr. III. disp. XX III. sect. ii, Rome, 1688, 1. 1, p. 411. Cf. Tertullien, Advenu » Hermogenem, c. ni, P. L., t. n. col. L 79 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxviii, n. 9. P. G., t. XXXVI, col. 55. Or, celui qui conçoit Dieu rigoureusement en fonction, soit de la dépendance des créatures à leur auteur, soit de ses tendances morales et subjectives, n’atteint que les attributs relatifs de Dieu ; il ne porte donc par là, si sa pensée ne va pas plus avant, aucun jugement déterminé sur la nature de Dieu considéré' en soi, puisqu’il le désigne seulement par des dénominations extrinsèques tirées de ses œuvres.

Ici un très grave problème se pose. Nous avons dit que la cgnnaissance confuse se rencontre de deux façons : ou bien la nature intrinsèque de l’objet nous échappe totalement, et alors l’objet est désigné par de pitres dénominations extrinsèques ; ou bien la nature de l’objet, désigné par des dénominations extrinsèques, ne nous échappe pas totalement, mais l’esprit ne dis

tingue pas explicitement les propriétés caractéristiques de l’objet. A laquelle de ces deux sortes de connaissance confuse faut-il rapporter la connaissance spontanée de Dieu, commune à tous les hommes ?

On sait que beaucoup de nos contemporains opinent en faveur de la connaissance par pures dénominations extrinsèques : tous les agnostiques croyants ou dogmatiques en sont là. Cette manière de voir est loin d'être nouvelle. Plusieurs philosophes arabes et juifs, entre autres Avicenne et Maimonide, l’ont soutenue au moyen âge. Il est impossible de rapporter ici tous les arguments, voir Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, 1. 1, col. 30(><> ; voici le fond de leur raisonnement. Les preuves ordinaires de l’existence de Dieu sont valables, mais, si elles prouvent le fait brut de l’existence de Dieu, elles ne nous apprennent rien de sa nature. Car tous lis noms de Dieu expriment un rapport causal ; or, d’une part, un rapport causal ne nous renseigne pas nécessairement sur la nature de la cause, puisque par exemple on peut dire « c’est Zéid qui a charpenté cette porte, sans penser à la capacité artistique de Zéid ; » d’autre part, nous pensons toujours Dieu relativement : cum Deus dicitur primus, non intelligitur nisi relatio essenlix ejus ad esse alterius ; et cum dicitur polens, non intelligitur per hoc nisi quod esse, quod est realiler necetse esse, est ad aliquid quod potest haberc esse ab eo, Avicenne, VIII Metaphys. ; cf..1. Bacon. In IV Sent., l. I, dist. II, q. i, a. 1, Venise, 1527, fol. 22 ; mais il ne peut y avoir en Dieu aucun rapport réi 1. non pas même de similitude, entre Dieu et la créature. Maimonide, Cuide des égares, Paris, 1856, t. i, p. 201, 203, 227. Donc toute notre connaissance de Dieu se réduit à de pures dénominations extrinsèques et nous ne saurions porter aucun jugement affirmatif sur Dieu considéré en soi. Kant est arrivé

an mé résultat. Poussant plus loin le nominalisme

que ne l’avait fait Maimonide, il rejette les preuves classiques de l’existence de Dieu par voie de causalité et cherche à s’expliquer ou plutôt à se légitimer l’idée de Dieu par la loi morale. Voir col. TS-J. Là où Avicenne et Maimonide désignaient Dieu par de pures dénominations extrinsèques fondées sur la causalité, Kanl recourt lui aussi à de semblables dénominations, mais fondées sur la moralité : Dieu devient le postulai de notre vie morale et la condition de notre bonheur. Depuis Kant un grand n bre de philosophes sont entrés

dans cette voie et ne conçoivent Dieu <|u’en « fonction du i i nt de la réalité divine dans l’homme. »

Le le el critique, p. 134 ; Tyrrell, T/nougli

Sri//' arybdis, Londres, 1907, p, 289, I ncorc

li iii i ra il ipassent-ils ici les juifs et les arabes du moyen âge i t Kant. En effet, Maimonide n'écrivail que pour les esprits cultivés, Kant composait ses fameux Prolé pour une métaphysique future : ions

accordaient que la masse pi nse autrement que la phi phie nominaliste. Depuis Spi ncer et Ritschl, beauns des religions, les proies ta ni s libéraux lernistes considi n ni que la connaissance par dénomination ; extrinsèques est une loi de nature, ef. I.e Roy, l, , c. cit., p, 133 ; Tyrrell, op. cit.,

M 11  » ponU nt l’humanité pi nsi i e

Maimonide comme chez Kant, 1

pn sente que comme une attitude com idie par la réllexion philosophique ; pour les n

litial. Noti ince ipontam e

de Dieu i n duirail dont < ne. di i. nation de I

-ii pul’altitude que l’idée de Dieu i ommande ou pai 'efficcu ité a 't’in mil m-, que de l’obji I di d’il" tationi doui échapperai ! tota ut

que notn atanée ds Dieu

ill-dessiis d’uni

dénominations extrinsèques ? Non, pour des raisons théologiques, et aussi pour des raisons philosophiques. Saint Paul déclare les païens inexcusables, parce que, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas honoré et ne lui ont pas rendu grâces. Rom., i, 20. Il ne s’agit pas seulement, comme l’a soutenu Calvin, de la connaissance de « quelque Dieu », ni comme l’a imaginé Flaccus Illyricus, de la connaissance i des faux dieux ». Voir col. 765 sq., 773sq. Car saint Paul parle du vrai Dieu. Les païens ont donc connu le vrai Dieu, et de telle façon que le devoir du culte et de l’action de grâces s’imposait. Mais pour qu’il y ait culte, il faut que l’homme tienne pour certain que l’objet de son culte lui est supérieur, et du moment que nous sommes des êtres intelligents et libres, cette supériorité ne va pas sans quelque connaissance au moins implicite d’un Dieu personnel. Voir col. 837, 857 sq. ; Dictionnaire apologétique, 1. 1, col. 7, 21 sq. Kant a vu juste lorsque, dans son système agnostique, il a conclu à l’impossibilité de toute relation intime enlrc Dieu et l’homme et rejeté la prière. Cf. Herzog, Realencyclopàdie, art. Theismus, p. 592. Que devient en effet la prière, si Dieu n’est pas personnel, provident ? Si l’on objecte que les Athéniens honoraient « le Dieu inconnu », il faut remarquer qu’ils sacrifiaient à un être qu’ils pouvaient croire supérieur à ses adorateurs, ce que ne peuvent pas logiquement faire nos contradicteurs, et que saint Paul n’a pas considéré que les Athéniens aient en cela suivi la nature. Ensuite, il est certain que les Pères ont admis chez les païens une connaissance spontanée de Dieu telle que, suffisante pour commencer la vie morale et religieuse, elle était capable de progrès et renfermait implicitement diverses aflirmations catégoriques sur la nature intrinsèque de la divinité. Toute l’argumentation des Pères contre les païens montre que telle était leur pensée. Ils supposent, en effet, toujours que les païens ont avec eux de la divinité un concept naturel commun. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xiii, a. 10. Cf. Vasquez, in loe. ; Lossada, Summulæ, Barcelone, 1882, disp. VI. c. v sq., p. 132, et noter le mot singulcu’is, Denzinger, n. 1631 ; voir Acta concilii Vaticani, col. 99, emend. 13 ; col. 106. Ils supposent ensuite que c ? concept est explicitahle. Donc, dans la pensée des Pères, l’idée spontanée de Dieu chez les païens ne se bornait pas à de pures dénominations extrinsèques. In effet, si elle est réduite a de telles dénominations, d’une part, aucun concept commun sur Dieu n’eut existé chez lis fidèles i i i Ife2 les païens, puisque les païens n’eussent jamais pensé Dieu que par ce que l’Ecole appelle terminus indiffèrent ad Deum verum oui ftclum, ce que ne font pas les chrétiens ; d’autre pari, l’idée sponi de Dieu des païens n’eût jamais pu se développer en affirmations catégoriques. M. William.lames, un fervent des nouvelles doctrines, aboutit à penser que, si l’on prend rigoureusement pour bise les états religieux subjectifs dans la détermination de l’objet religieux, le polythéisme satisfait au^sj bien que le monotin sine aux données duproblé.Varieties of religions

e, Londres, 1902, p, 526. En rigueur logique, conclusion est exacte ; et cette exactitude pi invinciblement que les l’eus qui montraient aux païens que le monothéisme seul répondait !  !

aspirations religieuses, a leur idée naturelle de la divinité, ne partageaient pas lepréjugés nominalistes

de M. V..lames. D’où il f.iul COncl |Ue d

la tradition, par l.i connais ance religieuse naturelle el spontanée, l’homme ne distingue pas Dieu du resta dea par de purei dénominal n èqui

A i lues, ajoutons un -n gument

pnn ne m philosophique. Le nominalisme, emp ou idéaliste, ail le résultai dune savante et difficile réflexion de |, itioni qui

fera -i N87

DIEU (SON EXISTENCE)

888

humain soient nominalistes ? Autant vaudrait soutenir que l’homme commence par douter de la réalité du monde extérieur, que les enfants qu’on vient de sevrer se livrent au doute méthodique, etc. Soit une abstraction dégagée de l’expérience, par exemple celle de la série des espèces botaniques ; c’est déjà une grave faute de méthode de proposer cette abstraction comme une formule rationnelle, objective et nécessaire du développement du monde végétal. Que faut-il penser de l’acribie logique de ceux qui transportent dans le monde des réalités humaines et donnent pour des faits universels, leurs attitudes intellectuelles les plus artificiellement acquises, des vues abstraites qui n’ont d’autre fondement que des réllexions de l’esprit sur sa propre activité, après qu’on s’est mis par système et préjugé d'école dans l’hypothèse contre nature de la subjectivité des relations de cause à effet, de substance à propriété?

Solution scolaslique.

1. L’idée obscure de Dieu n’est pas le résultat d’une inférence ; 2. comme l’est l’idée spontanée, personnelle, mais confuse de Dieu ; 3. la première certitude rationnelle et personnelle de l’existence de Dieu confusément conçu est le résultat d’une inférence ; 4. dont on admet généralement trois procédés.

Bien que l’idée de Dieu ne nous vienne pas de l’enseignement social comme le prétendaient les traditionalistes ; bien que « le Dieu de la religion ne soit pas posé par l’imagination collective spontanée, » comme l’a sans preuves affirmé M. Belot au troisième congrès international de philosophie, cf. Revue de métaphysique et de morale, novembre 1908, p. 718 ; nous reconnaissons que la plupart des hommes acquièrent en fait leurs premières idées religieuses par l'éducation aussi bien parmi les infidèles que parmi les chrétiens. De là vient l’extrême importance de la première éducation. Mais nous ne nous occupons pas ici de l’idée de Dieu acquise par cette voie de l’enseignement social ni des retards et des déformations que l'école neutre, la morale sans Dieu, ou l’enseignement polythéiste peuvent apporter à la connaissance spontanée de Dieu. Cf. Hontheim, op. cit., n. 615, a. 3. Voici, en court, comment les scolastiques expliquent la genèse de cette connaissance.

1. L’idée obscure deDieu n’est pas le résultat d’une inférence, c’est plutôt une simple appréhension, issue d’une réllexion spontanée de l’esprit sur ses tendances fondamentales. C’est ce que signifie Jean de Saint-Thomas, quand, par opposition à l’idée confuse de Dieu acquise par inférence, il parle du concept quidditatif de l'être in commuai. In l 3 -'", q. il, disp. III, a. I, n. 10. Cela suit du moyen terme qu’emploie saint Thomas pour montrer l’universalité de l’idée obscure de Dieu : l’homme connaît d’abord Dieu in communi, ut scilicet appelât naturaliler se esse coniplelum in bonitate. De veritate, q. xxii, a. 7. Ce qui est vrai de l’idée de bien, l’est également de celle d'être, d’unité, de vérité, comme il est facile de s’en rendre compte. Cf. pour l’unité, S. Augustin, De libero arbilrio, l. II, c. viii, P. L., t. xxxii, col. 1251 ; De vera religione, c. xxxii-xxxiv, t. xxxiv, col. 149 ; pour la vérité, De libero arbilrio, ibid., c. ix sq. ; pour le bonheur, Confessioncs, l. X, c. xxi sq., t. xxxii, col. 792 ; De Trinitate, l. VIII, c. vi sq., t. xlii, col. 953. On a dit plus haut, col. 855, que M. Mallet a raison de penser que les données fondamentales de la philosophie del’Action sont identiquesà quelques-unes des données de la scolastique ; on a montré aussi, col. 820, que les scolastiques n’ont pas ignoré ce que M. Mallet appelle cognitum ex aclione et volitionc elicilum, sans pour cela tomber dans le sentimentalisme. Il leur suffisait d’avoir lu saint Augustin pour en être instruits ; et saint Thomas en fait expressément la remarque à propos du passage des Confessions auquel nous venons de renvoyer le lecteur. Saint Augustin

dit-il, parle d’un triple mode de connaissance : Terlius modus est eorum quæ pertinent ad partent affectivam, quorum ratio cognoscendi non est in intellectu sed in ajfeclu ; et ideo non per sui prsesentiam, quæ in affecta, sed per ejus notitiam vel rationem quæ est in intellectu, cognoscuntur, sicut per immedialum principium, etc. De veritate, q. x, a. 9, contra, ad 1°'", 3 ii, n ; a. 11, ad 6 U '".

2. L’idée spontanée, personnelle, mais confuse de Dieu est le résultat d’une inférence. — Nous n’avons pas à répéter ici ce que nous avons dit, d’une part, contre les nominalistes qui nient la possibilité d’une vraie connaissance de Dieu par inférence, col. 782, d’autre part, contre les pseudo-mystiques qui ne connaissent pas d’autre origine à notre idée valable de Dieu que le sentiment ou l’expérience intérieure, col. 797, 816. Hontheim, op. cit., n. 72. Rappelons seulement que dans l'École l’innéisme cartésien est écarté, soit parce que contre l’expérience il se donne l’idée d’infini et la prête à tous, soit parce que le petit fait du sauvage alliée par ignorance le contredit, col. 840 sq. Les doctrines strictement intuitionistes sont écartées, parce que la vision naturelle immédiate de Dieu est impossible. Voir Ontologisme, et col. 839. On écarte également les théories diverses d’après lesquelles le concept spontané et premier d'être in communi nous représenterait Dieu sans inférence aucune, d’abord et surtout parce que Dieu n’est pas l'être en général, mais la plénitude de l'être, S. Thomas, Contra gentes, l. I, c. xxvi ; d’où il suit que l'être en général ne signifie pas déterminément Dieu, mais seulement in communi. Que si l’on prétend que la plénitude de l'être au concret est l’objet de notre première intuition, on répond que l’observation psychologique récuse cette assertion, de même que celle des panthéistes qui prétendent que la totalité de l'être, l’Absolu, est le contenu de notre concept abstrait d'être. De veritate, q. i, a. 1 ; q. x, a. 11, ad 10 u °> ; Sum. llieol., . q. lxxxviii, a. 3. Cf. Franzelin, De Deo uno, Rome, 1883, th. xxiv. En d’autres termes, l’idée de la plénitude concrète de l'être aussi bien que celle de la collection totale des êtres sont des idées élaborées et non pas le concept primitif et spontané de l'èlre en général. Voir col. 787. Ces exclusions faites, on conclut que l’idée confuse de Dieu s’acquiert par inférence et qu’elle est par conséquent ce que les logiciens appellent un concept discursif. Cf. Hontheim, op. cit., n. 29, 39.

Le rôle du discours, du syllogisme proprement dit, peut être très saillant. Supposons un homme instruit, mais ignorant Dieu, qui se pose la question philosophique suivante : la série des causes subordonnées peut-elle être infinie ? Si au bout de ses déductions, il conclut à la négative, la conclusion à laquelle il parvient lui fournit l’idée de la cause première. L’inférence peut être d’un autre ordre. Qu-on reprenne les trois groupes de formules par lesquelles les théologiens ont l’habitude d’exprimer l’idée confuse de Dieu : il s’agit, une fois qu’on a les idées simples d'être, de cause et de maître, de passer à l'être de fait et relativement le plus grand, à la cause de fait du monde et de l’ordre du monde, à l’auteur et au vengeur de la loi morale, ou sous des termes plus abstraits au bien à qui tout doit être sacrifié et qui doit être préféré à tout le reste, etc. Or, rien n’est plus facile que le passage des idées simples d'être, de cause, de maître, aux suivantes. Ajoutons que rien n’est plus spontané qu’une telle démarche de l’esprit. Et cette spontanéité s’explique fort bien par les tendances de notre raison spéculative et de notre raison pratique, vers l’unité, et par notre besoin de nous expliquer à nous-mêmes le monde, notre faculté de connaître et plus encore nos facultés, indigences et aspirations morales et religieuses. Telle est en peu de mots la genèse psychologique de

notre première idée confuse de Dieu. Cf. VVieser, Die natùrïiche Gotteserkenntniss, dans Zeilschrift fur kat/tolische Théologie, Inspruck, 1879, p. 725 sq.

3. La première certitude de l’existence de Dieu dépend d’une inférence. — L’idée de Dieu sans la certitude de son existence ne servirait pas au but pour lequel Dieu nous a faits à son image ; et il faut que nous ayons une certitude rationnelle de l’existence de Dieu ; sinon, l’idée confuse dont nous venons d’expliquer avec l'École l’origine ne nous mettrait en présence que d’une simple hypothèse. Voyons donc les raisons qui ont amené presque toute l'École à soutenir que c’est par une inférence, par un raisonnement, que l’homme arrive naturellement à la première certitude de l’existence de Dieu.

On pose le problème en ces termes : utrum Deuni esse sit per se notum ? Cf. S. Thomas, Sum. theol., I », q. il, a. 1 ; In IV Sent., l. I, dist. III, q. i, a. 2 ; Contra génies, l. I, c. x sq. ; De veritate, q. x, a. 12. Le sens de la question est le suivant. On ne cherche pas d’où nous vient l’idée de Dieu : de même que si on dit que la proposition homo est rationalis est évidente, on ne met pas en question qu’on a formé cette proposition par induction. Il n’est pas davantage question de savoir si certaines propositions qui impliquent une hypothèse de la part de Dieu sont évidentes ; car tout le monde concède comme évidentes : Si Deus conservât mundum, e.cistil ; si Deits existil, est colendus, etc. Mais on demande si nous arrivons spontanément à nous faire de Dieu une idée telle que la connexion qui existe réellement entre l’objet représenté par cette idée et L’existence de cet objet nous devienne manifeste par le seul énoncé des termes, sans réflexion ultérieure et sans l’aide d’aucun raisonnement. Cf. d’Aguirre, Theologia sancti Ansehni, tr. I, disp. VI, Rome, 1688, t. i, p. 133-152. Les termes natura excellentissima, principium omnium rerum, auctor et vindex legis moralis, summum bonum, étant saisis par l’esprit, l’assentiment à l’existence de cette nature supérieure, de ce principe, etc., s’impose-t-il avec avec évidence à notre esprit ?

I (eus opinions se sont partagé les théologiens. Albert le Grand, l.iher de causis, c. vin sq., édit. Vives, t. x, p. 377 ; Su, mini theol., I », li-. III. q. XVII, t. xxxi, p. 116 ; li. IV, q. xix, m. il. p. 127 ; Gilles de Rome, h, IV Sent., I. I. dist. III, q. il sq. ; Thomas de Strasbourg, In IV s, —, , t., |. I, dist. III, q. i, a. 3, Venise, 1564, fui. 33 sq. ; Denys le Chartreux, il, ni., <[. il, a. 3, Cologne, 1535, <. 101-104 ; Nicolas de Lyre, lu postUla, Exod., v, 2, Biblia sacra cum (/hissa et lia Lirani de Strabo. Anvers, 1031, t. i, col. 534 ; ', v. 2, Opéra, Cologne, 1613, t. ii, p. 53 ; Michel Palacios, lu IV Sent. I. I. prologi q. v, pour ne citer que des auteurs anlérieurs à Descartes, ont soutenu qu’on peut arriver et qu’on arrive de fui i avoir de Dieu une idée ti Ile que, sans aucun raisonnement, la réalité de l’existence de Dieu appai nettement.< l’intelligence. Il y a parmi ces auteurs quelques divergences, par exemple Albert le Grand pense que l tisii h.. de Dieu reste démontrable, bien qu'évidente, tandis que Gilles de Rome soutient le contraire parce que l'évident inse prouve pas ; quelques uni accord eut que seuls les hommes instruits arrivent à se former idée, les autres affirment qu’une telle Idée est ipontame ch< / tou Maitous s’accordent a dire que, jdie donm b dam i esprit, l’intelligente poi le ir Diea un jugement existentiel i ertain, sans réflexion, ni discoui lie opinion.. contra elle l’ensemble de i i D’abord lalnl i in.>n.i~. i i., longui thomistes,

ndanl quelques néothomistes, qui ont

" de la philosophie chi

I hypothèse de la distinction réelle de IV ence et d<

l’existence, réfutée par saint Thomas chez Avicenne, et une thèse de l'épistéinologie d’Averroès dont Cajetan s’est un jour servi. Scot et toute l'école scotiste partagent sur le fond l’opinion de saint Thomas, In IV Sent., l. I, dist. II, q. ii, ainsi que l'école nominaliste d’Occam, cf. Biel, In IV Sent., l. I, dist. III, q. iv, Brescia, 1574, p. 110. Les jésuites Suarez, Dispulaliones metaph., disp. XXX, sect. iii, n. 33-37 ; Valenlia, In J am, q. il, disp. II, p. i, Lyon, 1603, t. i, col. 61 ; Molina, Comment, in 7°, ii, q. ii, a. 1, Venise, 1602, t. i, p. 33 ; Vasquez, In P< », disp. XIX ; les sorbonistes Ysambert, Disputaliones in / am, q. il, disp. I, a. 1, Paris, 1643, t. i, p. 30 ; Gamache, Summa theologica, q. ii, a. 1, Paris, 1627, p. 36 ; Grandin, De Deo, q. ii, a. 1, Opéra, Paris, 1710, t. i, p. 38, ne sont pas d’un autre avis.

Ces auteurs s’accordent à ne point donner de « note théologique » à la première opinion ; saint Thomas avait donné l’exemple de cette abstention. Contra génies, l. III, c. xxxvin. Voir col. 848. Ils s’accordent aussi à rejeter cette même opinion comme « moins vraie, moins bonne, fausse ; » et chose remarquable leur principal argument est qu’elle est contraire à l’expérience. Si l’existence de Dieu nous était connue à la façon des premiers principes, nul ne pourrait la mettre en doute, ni la nier ; or, l’expérience montre qu’il en est autrement. Donc, s’il est vrai que l’hypothèse Dieu confusément conçu se présente naturellement à l’esprit, la vérité de cette hypothèse ne s’impose pas à nous comme celle des axiomes. D’ailleurs, les arguments d’autorité qu’apportent les adversaires sont de nulle valeur. Ils s’appuient sur saint Augustin et Boèce ; mais l’un et l’autre n’ont considéré comme per se nota que la connaissance obscure de Dieu, in communi ; tous deux pour passer de cette idée obscure de Dieu à l’idée confuse, puis distincte de Dieu, ont proposé des raisonnements variés et souvent compliqués, comme l’a fait plus tard saint Anselme ; ni l’un ni l’autre n’ont cru à la spontanéité de ces raisonnements, puisqu’ils requièrent pour passer de l’idée du bonheur, etc., à celle du bonheur en Dieu une grande élévation d'âme, des dispositions morales qui sont rares ; n’est-ce pas saint Augustin qui s'écrierO animée pervicacet, date mini <jit< videat sine ulla imaginatione visorum carnalium ; date milii qui videat omnis unius principium non esse niai unum solum, a quo sit omne unum. De vera religione, c. xxxiv, /'. L., t. xxxiv, col. 150. Quelques-uns des adversaires se retranchent derrière la distinction per se notum sapientibus et soutiennent que du moins les hommes instruits arrivent à saisir avec évidence la connexion entre l’idée de Dieu et l’existence. C’est une illusion dont rendent compte 1 éducation, l’habitude et aussi la culture philosophique. Quand Boèce dit que les voient avec évidence que les êtres immatériels ne sont pas dans le lieu, cela ne signifie pas qu’il ne leur a

fallu aucun raisonnement pour se faire à cette manière de concevoir les choses, qvasi >ion indiguerint ibus aliquilms assentibus, quitus rus propositiones sibi persuadèrent, sed dicuntur ipsis per se natte, quia consuetu 'uni illis tueentiri soient

immédiate sine pressenti diseur su ; memores nimirum argumentorum saltem in confuso, 'imbus cas aliquando sibi i uni, Valentia, ioc.cif., ad !

Suarez, lor. rit., n. 37 ; s. Thomas, ('.unira gentes,

I. I. r. i. n. I.

Enfin m l’on étudie à la lumière de la métaphysique

la façon dont en fail l’idée de Dieu s. à la

lui que "mmi. rence nous ne ponvon pa noir l'évidence naturelle dr la réalité objective de Dieu, i o effet, quand nous peu on à Dieu, bien que, considén en soi, il soit absolu, nous ne poui pas penser à lui sans quelque

relation à la créature, comme l’expérience le prouve. Significatum nominis Deus relata concipitur ad universuni, vel per modum excedentis, vel per modum causai vel donùni, etc. Nom, dit VasqueL, non possumus audita voce Deus, ut ipsam rem intelligamus, non appréhende re aliqidd aliud, cujus instar Deus ipse a nobis cognoscatur : quod nullus scholaslicorum negare potest. In 7°", disp. LVIII, n. 6. D’un autre côté, bien que nous puissions arriver à porter sur la nature divine considérée en soi des jugements valables, subslanlialiter dicuntur, cf. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xiii, a. 2 ; S. Anselme, Monologium, c. xiv, et en particulier ce jugement que l’existence est du concept de l’essence de la divinité, cependant nous ne pouvons pas penser celle identité elle-même autrement que par deux concepts distincts. Il en est ici comme de la simplicité divine ; celle-ci, nous le savons, est la substance même de Dieu, cependant nous la concevons comme une propriété de cette substance. Vasquez, ibid., disp. XLI, n. 6. Donc, bien que nous concevions l’Absolu et l’Ktre nécessaire considéré en soi, n’en ayant pas la vision intellectuelle immédiate, nous ne pouvons pas en former un concept absolu et totalement simple. Si thcis : Deus est terminus absolulus, et volo quod sic acclpiatur in nostra proposilione, Deus est. Dicendum quod illa vox Deus… in quantum subordinatur conceptui quem solum format vialor non est absolula, sed vel complexa vel connolativa. Biel, loc. cit., et q. il, a. 2. Concept connotatif, nam aliud a Deo concurrit in ratione objecti ; concept complexe, parce qu’il est formé de plusieurs concepts abstraits simples, dont chacun en particulier s’applique à Dieu et à la créature. De là, conclut Vasquez, ibid., disp. XIX, n. 10 sq., l’impossibilité pour nous de jamais passer de l’idée de Dieu à l’affirmation de son existence objective sans inférence. Cf. Jean de SaintThomas, ramenant l’argument de saint Thomas à celui de Vasquez, In I* u ', q. ii, disp. III, a. 1, n. 7, et d’Aguirre cherchant à sauver l'évidence immédiate de Dieu pour les sages. Theologia sancti Anselmi, t. i, tr. I, disp. VI, n. 21 sq.

En effet, ou bien, comme le remarque finement Haunold, T/teologise speculalivse libri IV, Ingolstadt, 1670, l. I, cont. il, n. 27, on considère l’idée de Dieu pris en soi indépendamment de l’existence des créatures, comme l’a fait saint Anselme très probablement, et comme ont essayé de le faire plusieurs théologiens espagnols et allemands au xviie siècle, entre autres A. Ferez, Derkennis, Spiznagl, qui partaient de l’idée ens carens omni defeclu, ou de cette autre ens habens cumulum omnium perfectionum ; ou bien, on considère Dieu conçu sous un prédicat qui lui convient et ne convient qu'à lui, mais qui n’a pas la prétention d’exprimer la quiddité divine. Ibid., cont. i, n. 1 sq.

Si l’on considère la nature divine en soi, par exemple comme existant de droit : Deuni nempe esse ex se delerminatum ut existât minimeque indifferentem ut non existât, on ne peut pas sans inférence passer à l’existence réelle de Dieu. Car pour penser cette existence de droit nous nous servons fatalement de notre concept d’existence, qui convient et à l’existence objective réelle et à l’existence pensée ou même simplement possible. De là vient que la liaison de Dieu considéré en soi et de l’existence n’est pas immédiatement évidente pour nous ; car la liaison du prédicat et du sujet ne peut pas nous être évidente, si la cohérence des concepts par lesquels nous pensons le sujet ne l’est pas. Scot, remarque Platel, Synopsis cursus theologici, xvii, n. 7, Douai, 1706, a fort bien dit : Quod dicitur de subjccto complexo non est magis notion quam nolum sit partes subjecti inler se uniri. Or, la cohérence des concepts par lesquels nous pensons Dieu considéré en soi n’est pas immédiatement évidente.

Donc, et sans entrer dans la question de l’analogie de l'être afin d'éviter tout cercle vicieux, cf. de Rhodes, Uisput. theol., Lyon, 1661, t. I, De Deo, disp. I, q. i, sect. i, S 2, ad 2 [ "", la liaison de Dieu considéré en soi e de l’existence ne peut se faire qu'à l’aide de quelque discours, conclut Vasquez, partisan de l’argument de saint Anselme ; pour passer de l’idée d’ens quo nia jus cogitari nequil à celle d’existence réelle, il faut au moins une deductio ad absurdum. Le passage pourrait se faire correctement, si la possibilité de l'être existant était prouvée, pense avec beaucoup d’autres Esparza, Cursus theologicus, Lyon, 1685, t. i, l. I, q. i. a. 5, ad 2um : formule empruntée aux théologiens par Leibniz, mais avec une nuance qui dépend de sa conception des possibles. Perez, Derkennis, etc., pensaient pouvoir légitimer le passage et trancher la question de possibilité par un appel à la finalité interne ; si Dieu est le bien, il doit avoir réalisé son existence. Voir col. 820. Mais il reste cette grosse difficulté qui vient de la singularité du cas de Dieu et qu’a soulignée Christophe Cil, Commentationum theolog. de essentia alque unitale Dei libri duo, Lyon, 1610, 1. I. tr. VIII, c. ni, à savoir : lorsque la connexion du sujet et du prédicat, y compris celui d’existence, ne dépend pas de la nature du sujet lui-même, nous pouvons voir immédiatement cette connexion à l’aide d’un principe universel sans pénétrer la nature du sujet ; car la convenance du prédicat au sujet dépend dans ce cas d’autre chose que de la nature du sujet, et par suite on conçoit que cette convenance puisse être connue en vertu d’un principe commun à tous les êtres ou à certaines catégories d'êtres. Mais lorsque la connexion du prédicat et du sujet n’a pas d’autre fondement que la nature intrinsèque du sujet, et tel est le cas pour l’existence divine, celui qui par hypothèse s’est interdit de considérer les créatures et le fait de leur existence, ne saurait voir immédiatement que Dieu existe, s’il ne pénètre pas la nature même de Dieu. De plus, dans la même hypothèse, aucune inférence ne peut aboutir à la réalité de l’existence divine ; car cette existence n’ayant pas d’autre raison immédiate que Dieu luimême, rien ne peut la manifester à celui qui, d’une part, n’a pas la vision intuitive de Dieu et qui, d’autre part, s’est interdit la considération des œuvres divines. Donc saint Thomas a fort bien conclu : In ralionibus in quibus demonslratur Deum esse, non oportet assumi pro medio divinam esse71tiam seu quidditatem. Contra génies, l. I, c. xii, ad l um, 2 U, U ; De potentia, q. vii, a. 2, ad l m ". Aucune inférence non causale ne peut donc suffire à légitimer un jugement existentiel sur Dieu, concluent tous les adversaires de l’argument de saint Anselme. Cf. Kleutgen. Théologie der Vorxeit, t. v, n. 423 ; P/iilosophie scolastique, t. iv. n. 939. Il est d’autant moins utile d’insister que de nos jours le débat ne porte guère sur la valeur do l’argument de saint Anselme, spécialement quand il est question de la connaissance spontanée de Dieu. Avertissons seulement le lecteur qu’il ne faut pas confondre les discussions sur l’argument de saint Anselme, avec cette autre question : L’existence de Dieu étant supposée connue par le moyen des créatures, le métaphysicien peut-il arriver à se démontrer a priori, positive, sed logice l’existence divine ? Cf. Suarez, Disp. metaphys., disp. XXIX, sect. m ; Godoy, De Deo, tr. I, disp. 111, p. ii, n. 31 ; Borrull, Tractatus duo de essentia, attribulis et visione Dei, tr. I, disp. II, sect. iv sq., Lyon. 1661, p. S7-102.

Si, abandonnant la voie de la preuve de l’existence de Dieu qui prend pour point de départ l’essence divine considérée en soi, on considère Dieu, non plus en soi, mais au sens relatif— et, comme le remarquait déjà saint Grégoire de Xazianze. Orat., XXUl, n. li.P.C-. t. XXXVI, col. 42, on n’arrive jamais ici-bas à se dégager

complètement de ce point de vue — il est de nouveau aisé de voir que sans inférence on ne peut pas passer de l’idée des attributs relatifs et de l’existence objective niais idéale, qu’on leur donne comme à tous les objets de la pensée, à l’existence objective et réelle de Dieu. La raison en est que l’existence de Dieu n’a rien de relatif, mais est totalement absolue. Mais, remarque saint Anselme, de relativis nulli dubium, quia nullum connu substantielle est Mi, de qtto relative dicitur. Quare si quid de summa natura dicitur relative, non est ejus signi/îcativum substantiæ. Unde hoc ipsum, quod summa est omnium, sive major omnibus, quæ ab Ma facla sunt, vel aliquid aliud, quod similiter relative dici potest, non ejus naturalem désignât esseuliam. Si enim nulla earum rerum unquam esset, quaruni relatione summa et major dicitur ipsa ; nec summa nec major intelligeretur ; nec tamen ideirco minus bona esset, aut essentialis suse magniludinis in aliquo detrimentum pateretur. Quod ex eo manifeste cognoscitur, quoniam ipsa, quidquid boni vel magni est, non est per aliud quam per se ipsam. Si igitur summa natura sic potest intelligi non summa, ut tamen nequaquam sit major aut minor quam cum intelligitur summa omnium ; manifestum est quoniam summum non simpliciler significat summam i liant essentiam, quas omnino major aut ntelior est, quam quidquid non est, </uod ipsa. Quod autem ratio docet de summo, non dissimililer invenitur in similiter relativis. Monologium, c. Xiv. Donc. Dieu conçu par les attributs relatifs, Dieu désigné par des dénominations extrinsèques, et d’une manière plus générale, pour parler comme les modernes, l’bypothèse Dieu, est ce sans quoi Dieu serait Dieu ; l’existence réelle de Dieu est au contraire « ce sans quoi Dieu ne serait pas Dieu et son culte anéanti. « Personne n’admet comme légitime le passage immédiat d’une hypothèse abstraite .1 l’affirmation catégorique de l’existence concrète, mettons par exemple de î'éther. A plus forte raison, ce passage doit-il cire tenu pour incorrect, quand il s’agit rie l’hypothèse Dieu, parce qu’il y faudrait passer de ce sans quoi Dieu serait Dieu à ce sans quoi Dieu ne il pas Dieu. Si donc, en général, l’intelligence d’une hypothèse m sert à rien pour donner la certitude rationnelle d’un jugement d’existence sur l’objet hypothétique considéré, et s’il y faut une preuve ; le

ingulier de l’hypothèse Dieu, où l’objet hypothétique nVsi désigné que par des dénominations extrinsèques, loin de nous dispenser de la preuve, l’exige absolument. Soutenir que l’intelligence peut porter un

juge ni existentiel cei tain, Bans autre appui que l’idée

de l’hypothèse Dieu, reviendrait, en effet, à dire qu’on peut avoir l'évidence de cette absurdité « pie ce sans quoi Dieu sérail Dieu est identiquement ce sans quoi Dieu)// sérail pas Dieu, Denzinger, n. 428, ou du moins que ce sans quoi Dieu sérail Dieu nous mani imrnédiatement ce par quoi Mien est Dieu. Il faut ici, sans prétendre exclure en détail toutes les bypotl. mentionner les principales ;

car actuellemeul une grande partie du débal sur l idée

leuse se déroule sur ce terrain, comme l’ont fort bien u MM. Moisant, Dieu, , , en métaphy sique, Paris, 1907 ; Piat, Insuffisance de » théorie » de

ition, Paris, l908 ; Michelet, Dieuetl’agnosti oonteniporain, Paris, 1909 Laissant di côté ! as, ou l’intuition sensible de Dieu, inventé ou plutôt réédité par Max Huiler, Origine » et développement de ! " Paris, 1879, p. 32 sq., il nous reste, après les exclu. liminer ce qui

li - hypothi n imi talogique, psychologique, morali.

logique et m< I iphysique. "

" ' ni n

onl 1 1 ption ! Ii coni ibs traite Immi

diau del i m-', ii, .1- i L’amei rda.nl l'être uni,

monde ou âme, voit, par contraste et par regrès, dans ce fini l’existence nécessaire de l’infini. » Gratry, Connaissance de Dieu, l. II, c. viii, Paris, 1854, p. 100 ; Logique, t. ii, p. 42. — Critique. — a. Victor Cousin d’une part s’est donné l’intuition du fini, de l’infini et de leur rapport et a professé le panthéisme ; Spencer voyant l’absolu dans le relatif ne dépasse pas l’agnosticisme. Toute doctrine dont l’emploi est si dangereux demande à être précisée. — b. Gratry voyait juste, lorsqu’il disait que c’est par le fini que nous nous élevons à l’infini ; la chose n’est pas douteuse. Cf. Urraburu, Instilulioncs p/tilosophicx, Valladolid, 1891, t. il, n. 193. Mais la conscience nous révèle que penser au fini, ce n’est pas nécessairement penser à l’infini, et encore inoins saisir l’infini existant de fait. Cf. Hontheim, op. cit., n. 101 ; Urraburu, op. cit., t. vii, p. 79 ; Kleutgen, Philosophie scolastique, t. IV, n. 926. Gratry pensait qu’il faut que la philosophie débute par la théodicée, parce que l’idée d’infini éclaire tout pour le chrétien. Connaissance de Dieu, 2e édit., 1851, t. i, p. 51, 71. Il est vrai, et saint Thomas en a fait la remarque, Contra gentes, l. II, c. IV, que, la certitude de l’existence de Dieu acquise, l'âme chrétienne éclairée par la foi envisage le fini en fonction de l’infini ; mais cette association est contingente et n’est pas une loi de l’esprit : quod aliter considérât de creaturis theologus, aliter philosophas. Ce fait d’expérience quotidienne détruit à lui seul la théorie de la connaissance abstraite immédiate. Cf. ibid., c. il sq., sur l’utilité réelle de l'élude des créatures ; voir l’application de ces principes dans saint Ignace, K.vercitia spiritualia, Fundamentum, Conlemplatio ad amorem.

b) Hypothèse psychologique. — Au xviie siècle, quelques théologiens espagnols ont essayé le raisonnement suivant pour soutenir que la proposition Deus est peut être immédiatement évidente. Existentia Dei, prout relucens in existentia créatures, codent judicio immédiate affirmatur, sicut audita mec Pétri, nobis bette nota, immédiate judicamus existere Pelrum, ut connexum cum voce quant audimus, el af/irmantus existere. Cette opinion a été reprise et développée par Julius Millier. pie christliche Le lire von der Sûnde,

: i édit., Brestau, 1849, t. i. 1. I. c. ii, et par John

Tulloch, Theisnt, Edimbourg, 1855, p. 265, Dans cette théorie, l’idée de I lieu est le nilet lumineux, (/<>. ! bglanz, de notre propre personnalité ; on le montre d’abord par l'Écriture, der Mensch ist der Abglant der Gottheit ; puis parla représentation Imaginative de la grande barbe du Père éternel ; » par le « tu », qui s'échappe naturellement de nos lèvres quand nous implorons grâce ou secours ; par le sentiment que dans les Centres les plus profonds de noire vie, un Autre, tout |ires de chacun de nous, se trouve, in qno riiimus, minemurcl sumiis. Act., xvii. JTsq. <in reconnaît la réalisation Imaginative et affective qui Berl de base au sens illatif de Newman. — Critique, — a. Si l’on voulait réfuter cette hypothèse par ses conséquences, il suffirai ! de remarquer que la plupart des théories athées modernes prennent pour accordé que le théisme n’a pis d’autre fondement que cette bypoi hologique : les ailées affectent de prendre .m sérieux cette doctrine, puis n’ayant pas de peine à la démolir par l’hypothèse des projections subjei li du double, etc., ilconcluent < leurs philosophiea ..es. — ii. M. us voici la position de la théol que. Nous ne contestons nullement le faii psychologique observé, à savoir que noua avons une n

ion Imaginative et aussi une représentation Intel* lectuellede Di< ii, On peut mémeconci d< i avi c Haunold, Théo lativa, Ingolstad, 1670, 1, I, c. I, cont. i,

que lorsque nonentendons la voix connut d< Pien ace de Pierre ou sa pi

sence tant Infi n n<

effet, pouvoir suffire, sans même que nous fassions cette simple réflexion, hxc vox est connexa cuni exislenlia Pétri. De la sorte nous pouvons concéder que, pour celui qui a l’habitude de la vie chrétienne, la réalisation imaginative ou intellectuelle de Dieu suflit pour que, sans inférence, il juge que Dieu existe. Mais il ne suit nullement de là que l’idée confuse de Dieu dont nous étudions la genèse soit ou puisse être naturellement telle qu’elle nous manifeste avec évidence l’existence réelle de son objet. Ne prêtons pas nos habitudes acquises à la nature. C’est pour l’avoir fait qu’on reste sans réponse devant ceux qui assignent pour tout fondement aux religions « des émotions puissantes et vagues, unies par un lien fort lâche à des images confuses et instables, qui prêtaient à l’objet religieux pour un instant une forme objective. » Marillier, art. Religion, dans la Grande encyclopédie, p. 347.

c) Hypothèse morale. — On a essayé de suppléer à l’insuffisance évidente de l’hypothèse psychologique par l’adjonction de considérations morales. On attribue aujourd’hui, en France, à Kant l’honneur d’avoir introduit en théodicée la morale pour expliquer la genèse de l’idée de Dieu. En réalité, Kant pensait que le ciel étoile, l’ordre du monde, nous donne la première idée de Dieu, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, 1. II, c. iii, sect. VI, et que la loi morale seule nous donne la certitude subjective de son existence. Cf. Caird, The critical philosophy of Kant, Glasgow, -1889, t. ii, 1. II, c. v, p. 289 ; 1. III, c. v, p. 507. Avant Kant, l'école écossaise avait beaucoup étudié les relations entre l’idée de Dieu et la morale ; et c’est aux Sermons on human nature de Butler que le Royaume-Uni doit la" vulgarisation de cet ordre d'études. Vulgarisation, car les moralistes protestants, les jansénistes et aussi les théologiens catholiques avaient beaucoup écrit sur ce sujet avant Butler. Voir Péché philosophique ; Denzinger, n. 1156-1159. Les théologiens catholiques et avec eux Butler et plus récemment le théologien écossais Chalmers, Natural theology, Opéra, Glasgow, 1836, t. i, p. 331, considèrent la conscience morale comme un pouvoir délégué, c’est-à-dire en langage augustinien comme une participation de la loi éternelle, et en ce sens comme la voix de Dieu. Le fait des impératifs nous donne, en effet, le sentiment d’une autorité et nous suggère ainsi puissamment et immédiatement la notion d’un législateur et d’un juge souverain : comme cette autorité ne s’est pas constituée d’elle-même en nous, par une inférence causale très rapide nous passons à l’affirmation d’un législateur, extérieur et supérieur à nous. Rien n’est plus classique. Mais on a cherché à se passer de cette inférence ; dans cette vue on a conçu la conscience morale, non pas comme un pouvoir délégué, comme un guide intérieur, mais bien comme la perception d’un pouvoir directeur dans un autre que nous ; et on a dit que le fait des impératifs est une intuition de la volonté divine et que l’autorité avec laquelle la conscience nous parle est l’expression directe, et par conséquent littéralement, la voix de Dieu en nous. Cf. Tullocb, op. cit., p. 273. Nevvman s’est approprié cette doctrine, qui, se donnant l’audition d’une parole étrangère dans la conscience morale, supprime toute inférence dans la connaissance spontanée de l’existence de Dieu. Cf. Baudin, La philosophie de la foi chez Neivman, dans la Revue de philosophie, octobre 1906, p. 377. M. Le Roy se déclare prêt à accepter la preuve de l’existence de Dieu parles aspirations de l'âme, à la condition toutefois que l’on parvienne » à établir que les données dont elle part, je ne dis pas entraînent, mais constituent l’affirmation de Dieu, » c’est-à-dire à la condition que cette preuve ne soit plus une preuve, mais se réduise à une intuition. Le Boy, Comment se pose le problème de Dieu, dans la Revue de métaphysique et de morale,

mars 1907, p. 156. — Critique. — a. On a vu plus haut, col. 841, que Suarez admet que dans une révélation privée l’homme peut apprendre de Dieu lui-rnéme l’existence de la divinité. Cf. Ulloi, Theologia scolastica, Augsbourg, 1719, t. i, disp. I, c. il. Mais nous nous occupons ici de la connaissance naturelle, et donc sans révélation proprement dite ; et personne ne soutiendra que l’expérience nous donne ce que requiert Suarez pour qu’une telle ré vélation soit rationnellement certai in Saint Augustin, Confessiones, I. VII, c. x, P. I.., t. xxxii, col. 732, parlant de la révélation du nom de Dieu, écrit : El clamasli de longinquo : Imo vero : Ego sum qui sum. Et audivi sicut auditur in corde et non erat prorsus unde dubitarem ; faciliusque dubilarem vivere me, quant non esse veritatem, quee per ea quse facta sunt, intellecta conspicitur. Donc saint Augustin, parvenu à la connaissance de Dieu par la voie de causalité, superior quia ipse fecit me, et ego inferior, quia faclus sum ab eo, compare à la parole et à l’audition intérieure l’action divine et sa répercussion en son âme : le cas n’est pas chimérique, cela s’appelle en scolastique apprehensio suasira, vi cujus absque ulla alia suadente ac probante ratione certi omnino sumus. Mais le phénomène est rare ; et le texte de saint Augustin n’attribue pas à cette audition la première certitude de l’existence de Dieu, mais seulement une connaissance plus parfaite de la nature divine. D’ailleurs, les protestants qui ont si souvent cité les Confessions, 1. XI, c. iii, P. L., t. xxxii, col. 811, en faveur de l’inspiration privée, de la parole intérieure. n’ont pas remarqué qu’après s'être adressé à la vérité pour être instruit, saint Augustin nous en donne la réponse : Ecce sunt cselum et terra, clamant quod facla sint. — b. Enfin, l'âme chrétienne habituée à recevoir avec respect la parole révélée de l'Écriture et de l’enseignement de l'Église, habituée aussi, puisque le décalogue est révélé, à regarder comme exprimant la volonté divine révélée la voix de sa conscience, n’a pas de peine à ne plus considérer dans les impératifs le diclamen, comme un fruit de son propre esprit ; elle le conçoit comme la voix du législateur suprême. Mais peut-on soutenir que tout homme réalise spontanément la loi morale comme le font les chrétiens fervents et même comme l'éducation a formé nos athées modernes à le faire ? Non, parce que les faits sont là, brutaux, indéniables. La conscience n’est jamais absente, mais elle s’impose chez les athées « comme le dictamen de leur propre esprit et rien de plus. » C’est Newman luimême qui reconnaît le fait, ldea of a Universily, dise, viii, n. 5, 3e édit., Londres, 1873, p. 192. « La conscience n’est pas pour eux, dit-il, comme elle le devrait, la voix d’un législateur. » Mais, s’il dépend de nous de ne pas entendre l’affirmation de l’existence de Dieu dans le dictamen, c’est donc que le fait de l’impératif n’est pas lié pour notre esprit à l’existence de Dieu comme 2 et 2 sont pour lui liés à i.

d) Hypothèse épistémologique. — On sait que du cartésianisme on a déduit l’idéalisme, c’est-à-dire la doctrine d’après laquelle nos idées sont le fruit de notre propre activité, de notre raison ; il est historiquement certain que de bonne heure les cartésiens, sans beaucoup se préoccuper des arguments de Descartes, ont fait l’assomption d’une connaissance immédiate de Dieu. On commença avec Fénelon par parler de « la merveilleuse représentation de l’infini, qui tient de l’infini même et qui ne ressemble à rien de fini. > : De l’existence et des attributs de Dieu, c. H. Mais Fénelon, comme plus tard Louis Racine, La religion, c. I, de cette idée remontait à Dieu par la causalité. « Ouelle main, quel pinceau, dans mon âme a tracé, d’un objet infini, l’image incomparable ?, » Mais déjà Saguens. De perfectionibus divinis, Cologne, 1718, t. i. p. 363, soutenait que l’idée innée de Dieu précède la connais

sance de tous les premiers principes, parce que nous avons veram speciem divinilatis, unius, simplicis, immenses, omnipotentis, etc.

A côté du courant cartésien il faut signaler le courant mystique. Un capucin originaire de Milan, Yalérianus Magnus, mort en 1601, avait écrit un opuscule mystique De luce menlium et ejus imagine, où par quarante degrés il conduisait son lecteur à la plus haute contemplation. Un capucin tyrolien, Juvenalis Ananiensis, dans un ouvrage du même genre, Solis intelligenlise, cui non succedit no.r, lumen indeficiens ac inextinguibile, illuminons omnem hominem venienteni in hune mundum, seu immediatum Christi crucifixi internum magisterium, Augsbourg, 1186, réimprimé en 1876, imagina d’appliquer à la connaissance spontanée de Dieu, une théorie familière à certains mystiques. Plusieurs des mystiques qui admettent la possibilité d’un acte surnaturel d’amour de Dieu sans connaissance antécédente ou concomitante, mais avec connaissance de Dieu subséquente, voir col. 78 !), expliquent que par cet amour mystique l'âme connait Dieu, et sait que c’est Dieu qu’elle aime, parce qu’elle saisit intellectuellement la relation transcendanlale du don infus de l’amour à Dieu son auteur, Cerson revient assez souvent à cette explication. Le P. Juvénal exploite cette veine on alléguant Yltinerarium de saint Bonaventure. Si je vois, dit-il, les traces d’un lièvre sur la neige, il faut une inférence pour passer des traces au lièvre, parce que le lièvre n’est en aucun sens contenu dans la neige. Si, au contraire, je vois le soleil ou la tête de César dans un miroir, je n’ai qu'à bien regarder, et je passe sans inférence de l’image à la réalité, parce que dans ce cas la réalité est d’une certaine façon dans le miroir. De même, deux procédés pour connaître Dieu ; en tant que Dieu est cause efliciente et finale des choses, il faut un discours pour le connaître ; mais Dieu est en tout per essenliam, prsesentiam et potentiam, et en particulier dans l'âme intelligente et dans les actes de sa raison, il suffit donc de se contempler soi-même pour connaître Dieu sans inférence. Cependant on ne tombe point par là dans l’erreur de la vision intuitive naturelle, parce qu’on ne connaît pas Dieu ut in se est, mais seulement in aller o. En effet, Dieu est en nous ut principium et terminus, el donc comme terme d’une relation. Porro relativa sunt cognii ognoscuntur per discursum ;

qui intuetur relalivum, et ejus terniinum intuetur, mosci specificatum sine suc speci ! i, i tan a-, moscitur lermi olum sub hoc solo extrinseco mus illius artus. Op. cit., 1876, p. : iî'i Cf. Scheeben, La dogmatique, t. ii, n. 17, 19.

L’alliance du mysticisme et du cartési tnisme se lit par l’intermédiaire d’une Ihéorie néoplatonicienne el

I i jetan. De celle

alliance naquit ce qu’on a appelé la philosophie éclectique au xviir siècle. Les initiateurs de ce système ient proposés d'éviter à la fois le cartésianisme el la vision en Dii n de Malebranche et de sauvi r ce qu’ils prenaient pour le péripatétisme. Cajetan assez tard, il l’avoue lui même, avait emprunté aui averrofsles leur opinion que no onl la similitude formelli

iar les idées îonl unies à notre

par manière de cause f telle. Jn /, q.xit, a 2, ad

l ont volonipinion de Cajetan, moins pour expliquer ossibilité de la vision intuitive que pour dont quelques text< an ient i onfi ;

leurs princip nu sur l’activité des ca

n ni i ~ aucun pai mi le anciens qui iur expliqui i notre i onnaissance de Dieu li au xviiie siècle, I usèbe

ndamentale l’opinion d’Avi

DICT. ri nu 01. ' ITHOL.

et de Cajetan. Nos idées sont la représentation exacte des choses, et les choses connues font un avec notre esprit : similitude inler mundum inlcllectualem et realem est perfeclissima ; et ex intelleclu et specie fit magis iinum quani ex materia et forma ; car, a dit Aristote, anima est quodam modo om>iia. Donc, en contemplant nos idées, nous voyons le monde spirituel per species proprias ut sunt in scijisis. Amort est fier de son invention ; elle sauve, pense-t-il, toutes les entités de la scolastique, /on » as, accid en l ia, relationcs, modos, puisqu’elle nous donne des idées claires de tout, aussi bien de Dieu que de la chaleur, de la lumière et des ubications. Cependant par elle on ne tombe ni dans la doctrine de Doscartes, de Locke, de Malebranche, de Leibniz ou de Wolf, puisqu’on rejette les idées innées et que l’on garde les entités réellement distinctes : à chaque idée, la sienne. Philosophia Pollingana, Augsbourg, 1730, p. 480-506. Cette philosophie eut beaucoup de succès, et plut aux mystiques qui n’y virent qu’une extension de la doctrine en vertu de laquelle ils se flattaient de connaître sans inférence l’existence de Dieu par la contemplation de la similitude formelle qu’ils pensaient en avoir dans leur âme raisonnable ou dans quelques-uns de ses dons ou actes. On a beaucoup parlé ces derniers temps de l’action divine et de la motion de Dieu ; poussant l’analyse de ce que nous avons vu chez Juvénal, que Dieu peut être immédiatement connu parce qu’il nous est intimement présent, les éclectiques en vinrentà expliquer l’origine de nos idées de Dieu et des premiers principes par l’action immédiate de Dieu. Quare qitod ad rei funiliini, licet maximum idearum partent acquisitam esse aul medilalione parlant dicamus ; mentis tamen ef/icaciam et motionés quasdam animæ a Deo inditas, quibui anima ipsaad Dei et primnrum principiorum cognitionem perveniat, tenemus. Utrum vero motionés illse humants mentibus ab illo inditx, qui illuminai omnem hominem venientem in hune mundum, appellentur a te idese neene, nihil moror. Philosophia eclectica, 1770, Ars crilica, part. I, lect. iii, annot. hist., n. '10. Cf. le platonicien Philippe Mocenicus, l niversales institutiones ail hominum perfeclionem, Venise, 1581. En d’autres termes, comme on peut le voir dans Para du Phanjas, Théorie des êtres insensibles ou cours complet de métaphysique, Paris, 1779. t. i, p. 516 ; Philosophie de la religion, dans les Démonstrations évangéliquei de Migne, t. ix, col. 41, 53, la philosophie éclectique, rejetant les idées innées, la vision en Dieu, l’acquisition de nos idées par l’expérience, concluait que Dieu <> es ! l’unique cause efficiente de toutes nos idées primordiales » , que de ces idées celle de Dieu est la première, qu’elle nous maniimmédiatetnent l’existence de Dieu, et que nous sommes sûrs de sa valeur par le « sentiment intime qui donne toujours une certitude infaillible de son objet, par le témoignage des idées claires et par le consentement généi

D’autres prirent une autre voie. J’ai sous les < ui un essai d’apologétique mystique par Udalric a Gablii Imago Dei sive anima rationalis ad exprestionem rùt œternm facla, Verceil, 177-J. qui pourrait servir i prouver que l’histoire est quelquefois un recommencement. L’auteur s’adn sse a i i cli ctique et lui

.o de l’origine di a idéi inadéquate, bien qu’exacte en ci qu’elle affirme i naissance de Dieu sans aucune Inférence. Admettez,

ilit-il.i - Ainoi’l, que noire.une COOnOScendO fit

a, p. 10, el que nos Idées sont la similitude formelle des choses comme notre ai si l’image expi

île Dieu, p. li sq. Puisque nous, i, , iis l’idée de Dieu,

us onl appi ii le faire li i

capucins Juvénal et Valetianus Ma mme cette

Idéi ie i" ul venir que de Pieu qui nous Illumine tous,

l. - »

consequitur Henni Ter Optimum Maximum esse onmi homini ralione ulenti per se ac immédiate anle m, Dion illationem, demonstrationem et argumenlationem aliquo modo nolum, el neeessario ante omnem aclum rationis sive perceptivum, sire judicathum aut illativum, ipsum Deum sub ralione Enlis perfectissimi, scu Entis qua ens, velut œternum, immulabile et incircumscriptum motivum cidem menti naturaliter lucere, p. 65. Udalric fait ensuite, valoir que sa doctrine a le grand avantage de mettre l’existence de Dieu hors de question, p. 66, et de dispenser de l'étude du problème des critères de la vérité, p. 108sq. Ce qui advint est connu du lecteur. Kant se trouva en présence d’apologistes qui avaient renoncé à l’usage du principe de causalité et même à celui de (inalité, pour se réfugier dans la connaissance immédiate de l’existence de Dieu. Il ramena la question à cet unique point et n’eut pas de peine, dans sa critique de la preuve ontologique, à monlrer qu’elle ne fournissait pas la connaissance immédiate dont on se flattait : ce qui ne peut pas faire de doute même pour les scolastiques qui défendent cet argument. Alors la philosophie éclectique se disloqua. Jacobi et Schleiermacher restèrent fidèles au sentimentintime, à l’expérience pseudomystique, voir col. 793, tout en renonçant à l’idée claire de Dieu. Lamennais garda la connaissance immédiate de Dieu, mais la justifia par la révélation attestée par fe consentement général : la connaissance immédiate est impossible, cependant l’humanité l’a, donc elle a été révélée. Voir col. 807. Gerdil, Gioberti, puis les ontologistes français et Rosmini pensèrent sauver la connaissance immédiate en recourant à la vision en Dieu de Malebranche et de Berkeley. Un thomiste moderne signale les rapports que la philosophie spéculative allemande eut avec l’hypothèse averroïste de Cajetan et d’Amort et avec certaine mystique. Quidquidest realitatis divines, etiamillud minimum (tiostro modo concipiendi) quod est « reprsesenlari » est idenlicum cum toto esse divino, cum totali « Ipsum esse ». Et sic Itabemus ut profundissimum pronuntialum thomislicte philosophiæ aliquam asserlionem, quam perverse extendens Hegel — une note avertit le lecteur que Fichte a devancé Hegel et Schelling dans cette voie — assumpsit ut primum siti si/slemalis fundamentum ; quæque forte coincidit cum assertionibus quibusdam omnino mysteriosis mysticorum. DeMunnynck, Prselecliones de existentia Dei, p. 13, 20. Je ne contredirai pas le P. de Munnynck ; la ressemblance des doctrines n’est pas niable, Hegel disant pour cette vie ce que Cajetan imagine pour l’autre ; mais la filiation directe ne me paraît pas sûre, parce que, sans avoir à recourir à la grossière équivoque des formules anima fit omnia, exobjecto et intellectu fit unum, entendues au sens averroïste, plotinien et pseudo-mystique, Hegel avaitdes ancêtres dans Boehme et Spinoza. Voir col. 786. Mais c’est bien en partant de la même doctrine néoplatonicienne de l’identité de la connaissance et de l'être que M. Bergson aboutit à l’espèce de monisme idéaliste qu’il professe ; il avoue d’ailleurs cette filiation et cite à son tour le mot d’Aristote voOç 7(7> uàv-a yfveaOat, qu’il interprète dans le sens de Plotin. Evolution créatrice, Paris, 1907, p. 348, 229. C’est du mélange de toutes ces données pseudo-épistémologiques et des plus larges concessions faites au nominalisme, positiviste ou idéaliste, que sont sorties les diverses théories courantes de l’origine des idées religieuses et en particulier la doctrine d’immanence. L’encyclique Pascendi fait remarquer que le protestantisme libéral et le modernisme attribuent la connaissance religieuse à l’action divine et que dans cetle connaissance qui, chez eux, ne dépasse pas l’agnosticisme, l’expérience et le sentiment ont remplacé la raison. Denzinger, 10e édit., n. 2071, 2081 ; voir

col. 805. Sans qu’il soil nécessaire d’insister, le lecteur à l’aide de ce que nous venons d’exposer pourra facilement juger à quelles préoccupations sont dues certaines doctrines épistémologiques à la mode chez certains néo-scolastiques et aussi d’où sont venues certaines concessions qui peut-être l’ont surpris.

Critique. — Il n’est rien en tout ceci dont les causes profondes et les conclusions n’aient été indiquées et discutées au cours de l’article sur la connaissance naturelle de Dieu, sauf cependant deux points dont il faut dire un mot. — a. La théorie de Cajetan, d'à] laquelle nos idées sont la similitude formelle des choses, tandis cjue les choses nous sont d’abord unies par manière de causes formelles pour que l’intelleclion soit produite, est plus que douteuse. Ce n’est pas du tout, quoi qu’en puissent dire quelques néo-thomistes, une vérité acquise en philosophie scolastique ; le nombre des théologiens qui la rejettent et pour cette vie et aussi pour l’autre est immense. Cf. Lossada, Cursus pliilosophicus, Barcelone, 1883, Animatlica, disp. VI, c. ii, n. 15, t. ix, p. 13. Ensuite confondre la doctrine de Cajetan et des thomistes qui l’ont ici véritablement suivi, avec celle d’Amort, de certains mystiques et néo-thomistes, de Hegel et de M. Bergson, qui tous prétendent en cette vie atteindre immédiatement l’absolu, est profondément injuste et inexact. Cajetan, en effet, maintient expressément que l’idée est produite par l’objet et que l’idée et l’intelligence concourent comme deux causes partielles à l’intellection ; à cela il ajoute, il est vrai, ce qu’il emprunte à Averroès et aux néoplatoniciens, à savoir qu’avant de féconder l’esprit comme cause efficiente l’objet s’unit à lui natura prias comme cause formelle. Je n’admets en aucune façon la probabilité intrinsèque de cette hypothèse, cf.- S. Thomas, De verilale, q. x, a. 7 ; mais il faut reconnaître qu’en ce qui concerne le point qui nous occupe, la doctrine de Cajetan et de tous les thomistes qui lui sont fidèles est absolument correcte et conforme à l’enseignement commun de l'École. Ils admettent, en effet, que notre idée de Dieu ici-bas est acquise par inférence, grâce à notre activité sous Faction causale des éléments de notre expérience intérieure et extérieure ; cette idée, comme toutes les autres dans leur système, nous identifie à l’objet qu’elle représente à la manière des causes formelles ; comme cependant, vu son origine, elle est adéquatement distincte de Dieu, le péril du panthéisme et du monisme est écarté ; comme en vertu de la même origine elle ne représente aucunement Dieu per speciem propriam ex propriis, mais seulement per speciem propriam ex communions, la connaissance sans inférence de l’existence de Dieu que se donnent Aniort, les pseudo-mystiques et certains néo-thomistes est impossible, puisque l’esprit n’est informé et fécondé que par une similitude déficiente. Cf. Thomas. De teritale, q.x, a. 12. ad 10'"" ; De potentia, q. vii, a. 7, ad 6um ; a. 9, ad6" m ; a. 2, ad l" m ; Sum. theol., I », q. i.xxxviii, a..' ! , ad 3um ; q. m. a. i. ad -J : Contra génies, 1. I. c. xii ; voir les commentaires de Cajetan et du l’orrai ionsis sur ces deux derniers passages. Bref, les anciens thomistes qui ont accepté l’opinion de Cajetan. afin de pouvoir se passer de toute similitude formelle de Dieu en l’autre vie, étaient trop bons logiciens pour admettre en celle-ci ce qu’ils prétendaient démontrer impossible pour l’autre. — b. L’hypothèse du P. Ju vénal survient ici. Ne peut-on pas concevoir une connaissance de Dieu comme terme et principe de nos états subjectifs, naturels et surtout surnaturels, sans inférence et pourtant sans vision intuitive ? Les anciens théologiens ont longuement discuté ces sortes de possibilités, soit à propos des anges, soit à propos d’Adam avant la chute, soit aussi à propos de quelques faits mystiques. Mais nous ne sommes ni des anges, ni des enfants d’Adam avant la chute, ni tous dans les voies mystiques. On

fait aujourd’hui de la psychologie comparée avec les animaux ; les scolastiques en ont fait à leur manière à propos des anges et d’Adam ; et l'étude de ce qu’ils en ont dit est utile pour connaître toute leur pensée sur notre propre psychologie. Mais, prendre pour des faits toutes leurs hypothèses en ces matières serait de la naïveté ; transporter ces faits à notre cas serait un défaut radical de méthode. Je sais bien qu’on le commet souvent de nos jours pour rapprocher, croit-on, l'École de la pensée moderne ; mais ce souci ne saurait autoriser la construction d’une apologétique sans solides fondements. De même pour les états mystiques ; ils sont dits mystiques, parce qu’ils sont en marge de la psychologie de tout le monde. Quand même les choses se passeraient dans les états mystiques comme le prétend le P. Ju vénal, quand il serait prouvé qu’il ne répugne pas que par l’intuition de notre âme, de nos dons surnaturels infus ou actuels, de nos actes el états affectifs religieux, on peut arriver à une connaissance abstraite mais immédiate de Dieu existant et présent, la solution du problème que nous étudions ne serait pas avancée d’une ligne. Tout cela ne nous donnerait pas la certitude rationnelle de l’existence de Dieu que nous cherchons ; etqui dira que tout homme venu en ce monde a expérimenté ce que décrivent les mystiques ? Que notre Ame est faite à l’image de Dieu, nous n’y pensons pas toujours, et beaucoup n’y pensent jamais. Cf. S. Thomas, De veritate, q. x, a. 11, ad 11 » 1 ". — c. On a répondu que l’on peut supposer un secours (h' Dieu tel que notre attention soit dirigée sur cette similitude, qu’il est possible que le secours de Dieu lui-même nous la manifeste. Le lecteur a déjà vii, col. 859 sq., combien ce recours à une action spéciale de hieu, soit naturelle, soit surnaturelle, est délicat ; ensuite, on arrive par cette voie à exclure le monde extérieur du nombre des moyens par lesquels nous pouvons naturellement connaître Dieu, col. 812, 853. Inutile d’insister.

Hypothèse métaphysique. — Le lecteur sait que plusieurs de nos conlemporains onl essayé île trouver une voie raccourcie pour parvenir à l’existence de Dieu m moyen de nos tendances naturelles. Accordant comme acquis les résultais de la critique kantienne et spencérienne, ils se sont demandés s’il ne serait pas possible de trouver Dieu sans passer par la causalité, efficiente ou finale. Comme ces auteurs Faisaient des emprunt'- assez luges aux doctrines issues des quatre hypothèses pr ! ment à la doctrine

il immanence, on a donné à leur méthode le nom de méthode d’immanence. Le détail de la gamme des nuances entre ceux qui de près ou de loin se sont ralliés à cette méthode serait infini et ne saurait trouver place ici. Quelques théologiens espagnols et romains du xvir siècle se sont |i isé exactement le même problème ontre de nos apologistes actuels, en rei tant dans les limites de la plus -tricle orthodoxii tuteurs, i h effet, d’une part admettaient la valeur démonstrativi d"> preuves classiques de l’existence de Dieu, d’autre part ilne mêlaient a leur hypothèse [lie. i in trouve donc chez eux i l'étal pur tout ce qui peut faire l’intérêt du probli mi traité par les philosophie ! de l’action, du dogmatisme

moral, du pragmatic Si après avoir eu un moment « le vogue, leui ont onl été abandi

M et intén -- mi.1 en donner les raila critiqui dei philosophiei de l’immani n tte discussion four n de dire pourquoi non seulement l « méthode d’immanence, mus encore lei quatre I

iboutir.i nous donner une certitude rationnelle de I di Dieu. < »  ».mi qu Ani mPerez a<

saint Anselme, en partant de l’idée de Dieu considéré en soi, à prouver son existence, et cela par la finalité interne. Mirabilis theologi Antonii Père : … in i am parlem tractalus quinque, opus posthumum, Rome, 1656, 1. 1, disp. I, c. iv sq. Le même auteur avait aussi essayé de prouver Dieu considéré en soi directement par nos tendances ou comme on dit aujourd’hui par l’action et par nos jugements de valeur. Cette voie avait été ouverte par Scot, dont l’esprit subtil s'était un jour amusé à « colorer », comme il dit, l’argument de saint Anselme. Ver illud potest colorari ratio Anselmi de sumnio cogitabili. Intclligenda est descriptio ejus sic : Deus est quo, cogitato sine contradiclione, majus cogilari non potest sine contradiclione… Sequitur autan laie gamme cogilabile esse in re, per quod describitur Deus. Quo oslendi tur primo de esse quiddilativo : quia in tali cogitabili summo summe quiescit intelleclus ; ergo est in ipso ratio primi objecti intelleclus, scilicet enlis, et in summo. Ultra de esse existentiæ : summum cogitabile non est tantum intelleclu cogitante, quia tune possel esse quia cogitabile ; et non possel esse, quia ralioni ejus répugnât esse ab alio. Scot, De primo rerum omnium principio, c. iv, n. 24, édit. Vives, t. iv, p. 778. Voir In IV Sent., l. I, dist. II, q. ii, n. 32. Perez reprit le procédé indiqué par Scot : demander la concession d’une idée de Dieu correspondant à nos tendances naturelles : in summo cogitabili summe quiescit intellectus, et de cette tendance conclure, par un appel implicite au principe de finalité interne, que la réalité correspondant à cette idée existe ; il prétend même que cette manière d’argumenter est facile et populaire et, d’après lui, c’est à cet argument que se réduit le raisonnement fameux d’Aristote : non est bona multitudo principum : entia volunt bette gubernari ; uno ergo principe. Ibid '., n. 57 sq. D’après beaucoup de scolastiques l’argument île saint Anselme vaudrait si la possibilité de l’essence divine était prouvée. Sylvester Maurus essaya de montrer cette possibilité à l’aide du procédé de Scot et de Perez. Quia cenlrum ad quod impelus et volutitas summo impetu feruntur ut in co quiescanl non est ./ impossibile ; il le montre parce que si le centre ('tait impossible les graves n’y tendraient pas. datur aliquod ens carens defeclu in quo quiescat intellectus cnntemplans et volunlas amans, eo quodnihil in ipso displiceat, ac per displicentiam stimule/ a<l quærendum melius. Qussstiones philosophicæ, q. xii, phytico-nietaphysica, Rome, 1670, édit. Liberatore, Paris, 1876, t. iii, p. 349. On se lama dans ces sortes d’argumentations, qui n’ont pas encore complètement disparu de nos jours. Cf. Lepidi, cité par de Munnynck,

L, p. 19 ; Cuevas, allégué par Urraburu, op, t. vii, p. 63. Et l’on pensa prouver l’existenci de Dieu en déduisant directement de nos tendances naturelles son éternité, sa nécessité, son infinité. Par exemple, nouspercevons le principe de contradiction comme permanent : mais il faut un vérificatif à toute proposition vraie ; donc un éternel existe. Ou bien, la >

île nous donne l’idée d’un impraferibile, d’un

qui ne peut déplaire 4 nul non sensé ; mais seul

unet re peut être impraferibile, ou quodnulli

sapienlidù semery, Friennium phi'

bicum, R 1688, t. m. p. ils. Ou encore, la conscience morale nous donne l’idée d’un être non hos

', uni fugibile ub aliquo ; ted omne habeni defec aliquem vel imperfectionem est honeste odibile nul fugibile ab aliquo ; donc l’objet que non conscience moi i omble de la perfection,

infini ; doue il existe. Esparza, Cwiut th I, I. q. ii, .i- 7, Lyon, 1666, t. i. I lison nemi nta -ont Indiqués dans tous les manuels qui dîscutent -i foml l’argument de..uni Anselme, 1 1 faciles à découvrir. D’ailleurs, bien qu’on n

encore solennellement le contraire dans plusieurs lycées de France, ils n’ont jamais été les seuls arguments que l'École ait employés pour prouver l’existence de Dieu.

Ceux-là même qui les proposent maintiennent les preuves a posteriori classiques.

A côté de ce vernissage de l’argument de saint Anselme, les théologiens que nous venons de citer, Espar/a, Pallavicini, Semery, Maurus, avaient un autre procédé qui leur était davantage personnel et qui se distingue du précédent, bien que souvent ils les aient entremêlés, pour rendre la solution de leur argumentation plus difficile. Ils connaissaient la thèse classique qu’en vertu de nos tendances les plus générales, Dieu nous est connu in communi : Deum esse in communi est per se notum. Voici l’interprétation qu’ils en donnèrent. Nous désignons Dieu en soi et Dieu en fonction des créatures : prsedicata absohtta et relativeL, et ils reproduisaient les trois groupes de formules données plus haut, et qui peuvent s’entendre soit au sens absolu, soit au sens relatif. Or, ajoute Esparza, op. cit., l. I, q. I, a. 3 ; q. il, a. 4, 7, certwn est esse per se notant respect » vostri existenliam Dei sub multiplici conceptu reipsa converlibili cum iis prædicatis quai modo enumerala sunt, licet non sit per se nota convertibilitas cum iisdem. Voici comment on montre ce fait.

Une tendance spontanée de notre esprit nous impose le principe de contradiction, et bien que ce principe soit disjonclif, il nous est absolument impossible de penser que rien n’existe. Qu’il est impossible que rien n’existe n’est pas seulement une vérité d’expérience, contingente ; mais c’est une vérité nécessaire, immédiatement fournie par la conscience. Or, lorsque nous réfléchissons à ce fait subjectif que nous ne pouvons pas penser que rien n’existe, l’objet de notre pensée directe est en réalité Dieu, fondement des possibles, principe des existences, bien qu'à ce stade notre pensée ne démêle pas encore que ces propriétés désignent Dieu et ne conviennent qu'à lui. Pallavicini, Assertiones theologicæ, l. VIII, c. ii, n. 5, Rome, 1652. Nous avons donc sans aucune inférence l’existence actuelle de la raison de la possibilité des choses et du principe de leur existence. D’un autre côté, dit Esparza, cum omnes absque discursu necessario retint esse beali, alque assequi suum fincm ultimum bonumque suum bealificum, quod fieri non potest absque prvevio assensu ex sola lerminorum apprehensione concepto, quod detur bonum bealificum et ullimus finis, sequitur esse per se notum dari aliquem finem hominis et bonum bealificum respectu ejusdem. Donc de nouveau sans inférence nos tendances nous donnent un jugement existentiel sur Dieu ; car dans la réalité, c’est Dieu qui est notre béatitude.

Cependant la conscience qui nous fournit immédiatement l’existence de Dieu per prsedicatum identificatum cum Deo et cum ipso converlibile, cujus lixc identitas et convertibililas ignoratur a nobis, ne nous donne pas sans quelque discours la connaissance de cette identité et de cette convertibilité. Licet non sil per se notum dari Deum sub conceptu Dei, tamen est perse notum dari sub conceptu converlibili cum Deo, itaul hœc convertibililas non sit per senota sed debeat demonstrari. Nam est per se notum necessc esse ut quodlibel sit velnon sit ; dari sufficientiam ad hoc ut sint omnia quæ sunt, etc. ; sed hæc nécessitas et htec sufficientia identificantur cum Deo, licet nobis non s’il per se nota lisec identitas ideoque a multis negetur. Dum igitur cognoscimus et affirmamus Deum sub conceptu veritatis necessariæ, sub conceptu beatitudinis, etc., cognoscimus et Deumquasi per accidens, eo paclo quo videns venientem qui est Petrus sed nontinm discernens Muni esse Pelrum, cognoscit Petrum per accidens, Maurus, Opus theologicum, Rome, 1083, l. i, 1.1, q. xiv, n. S, p. 39. Le lecteur remarquera que

.Maurus dans cette dernière phrase interprète saint Thomas, Sum. t heol., [, q. n t a.l, ad I ". dans le sen

précisions formelles de l'école d’Occam, tandis qu’il est certain que saint Thomas, tous les thomistes, scotistes et suaréziens admettent les précisions objectives.

Après avoir trouvé dans les données immédiates de leur conscience l’existence de Dieu en soi. per / il catum identifieatum cum Deo, restait à prendre une conscience distincte du donné de la spontanéité. L’activité de notre intelligence nous impose le principe de contradiction et sa valeur objective ; elle nous fournit aussi l’idée de la possibilité des choses, comme quodlibel esse tel non esse, et de l’impossibilité, comme simul esse et non esse. Donc, puisque ce principe est disjonctif. indépendamment de toute considération des choses existantes et des conditions de leur existence, par le seul principe de contradiction, nous connaissons la détermination absolue des choses à être ou à n'être pas, raison suffisante de la possibilité des possibles et de l’impossibilité des impossibles, racine dernière, si de fait quelque chose existe, de l’existence des unes et de la non-existence des autres. On se souvient que Leibniz avait lu Perez et les écrivains de son école et que l’on retrouve chez lui sur les êtres contingents des idées analogues à celles-ci ; mais les théologiens rejettent les vues de Leibniz parce qu’inconciliables avec la liberté absolue de la création. De même pour la volonté, poursuivaient les théologiens que nous éludions. La conscience morale nous présente certains objets comme absolument inéligibles : mais cette idée ne va pas sans la notion corrélative d’un objet impræferibile ; per cujus oppositionem malum morale est taie ; quod nullisapientidisplicerepotest, etc. Nous voilà donc sans aucune inférence causale, par la simple analyse des notions fournies par l’activité de nos facultés intellectuelles et morales, en possession des idées suivantes : nécessitas quam res habent ad alterulram parlent contradiclionis, possibilitas possibilium et impossibilitas impossibilium, sufficientia omnium quæ sunt vel esse possunt, primm régula' synderesis, ultimi finis quo a natura ducimur.

Ces notions acquises, il serait facile de passer à l’affirmation de l’existence objective de l’objet qu’elles représentent : 1° par le principe de causalité, efficiente ou finale, à la manière de l’Ecole ; 2° par le principe platonicien, qui n’est qu’une forme déguisée du principe de finalité, d’après lequel l’ordre objectif correspond à l’ordre subjectif de nos pensées : 3° par les procédés de vernissage de l’argument de saint Anselme rapportés plus haut. Mais on peut arriver au même résultat par une autre voie sans inférence causale d’aucune sorte. En effet, nous avons, d’une part, Vexistence du fondement des possibles, du principe des existences, du bien béatilique ; d’autre part, nous avons la notion de la détermination absolue des choses à être ou à n'être pas, de la raison suffisante des possibles, de la racine dernière de l'être, du bien dont le respect et l’estime s’imposent à la conscience morale, du but auquel la nature nous pousse impérieusement. Si nous pouvons montrer l’identité du premier objet et du second, le premier étant connu comme existant, le second sera donc connu comme existant. Or. le second indubitablement est Dieu connu comme Dieu. Donc.

L’identité de ces deux objets ne fait aucun doute, dit Pallavicini, toc cit., n. 7. si l’on fait une hypothèse. niée par beaucoup de théologiens avant Vasquez, par Vasquez et depuis pur quelques rares auteurs, mais que l’on peut d’ailleurs démontrer. Supposila veriore sententia inferius probanda, quod entitas Dei non sil aliquid intrinsece preescindens a possibilitate aliisque prœdicatis necessariis creaturarum, Deum ex parle objecti identi/icari palet exempli gratia in conce/ tu necessitatis quam res habent ad alterulram partent

contradiclionis, item in eonceptu exislentise quant habent res in aliqua causa, in eonceptu primée reguix synderesis, in eonceptu ullinti finis quo ducimur a natura et similibus. Hi enim omnes conceptus objectivi reipsa idem sunt ac Deus, quse lamen identitas non constat nobis nisi per discursum.

Quel est enfin ce raisonnement ? Le voici, ramené à ses termes généraux. Quand l’esprit saisit un des termes d’une connexion logique, physique ou métaphysique comme connexe, il saisit nécessairement du même coup l’autre terme de la connexion. Or, si on rejette la doctrine de Vasquez sur l'être absolu de Dieu, In I 3m, disp. CIV, Dieu est connexe avec la détermination absolue des choses à être ou à n'être pas, avec la possibilité des possibles et l’impossibilité des impossibles, avec la raison suffisante des existences, avec la conscience morale et la tendance à la fin dernière. De plus, tous ces objets nous sont présentés par la conscience comme connexes avec quelque chose : en effet, toutes les notions dérivées de l'étude du principe de contradiction sont vraies et nécessairement vraies, donc liées avec quelque chose d’objectif, puisqu’il faut un vérificatif à toute proposition vraie, comme le démontrent les thomistes qui soutiennent la présentialité éternelle des existants ; ou du moins comme le pensent saint Augustin et saint Thomas. De veritale, q. i. a. ô ; quant aux notions fournies par la conscience morale, celle-ci nous les présente toujours en fonction d’un être supérieur, et donc comme connexes avec lui. D’où il suit enfin qu’il esf un moyen d’avoir la certitude rationnelle de l’exisfence de Dieu sans aucune inféfi n i par voie de causalité, soit efficiente, soit finale. Cf. L’Iloa, Prodromus, disp. Y, c. viii, Rome, 1711, p, 17.").

Critique. — Notre but n'étant pas de faire un cours de haute métaphysique, mais seulement de dire pourquoi cette méthode est insuffisante, nous nous bornerons à quatre observations, après avoir signalé au passage sur la genèse du principe de contradiction et sur la notion de vérité, Blondel, Principe élémentaire logique de la vie morale, dans la Bibliotlu ngrè » international de ; le de 1900, t. H,

p..">l ; Royce. The probien i of truth, dans la lierur de métaphysique et de morale, novembre 1908, p. 930. Comparer avec saint Thomas, lu IVSent., 1. I, dist. XXXV, theol., [ « Il | ([. i.xxii. a. 0 ; De quatuor itis ; avec Scot. /// metaphys., 1. VII, q. xill ; Ix IVSent., !. II. dist. III. Minges explique les ti de Scot et montre leur accord avec Suarez, c’est-à-dire li. dans le fascicule I 'lu t. vu des Jleitrâge eumker. Le même auteur a préci demment réduit à leur jusle valeur les accusations de volontarisme outré' portées contre Se, , t. au fascicule i" du t. v de [g m. !.. ii. intitulé : ht Dons Scotus Indéter miné

". Les faits psychologiques qui servent toute I argumentation sont mal interpn tés, comme le montre finement saint Thomas, De veritate, q. X, a. 12, d 5°, 8 De & que nous ne pou ons pas penser que rien n’existe, on conclut que l’objet de notre Ins est d m : Heu. maicette formule peu)

nifiei qui ci Lui <<- co>> bien qu’il nous

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n’a qu’une nécessité hypothétique et non absolue ; donc la conséquence ne suit pas, à moins que l’on ne passe par le principe de causalité. Si l’on fait totalement abstraction de toutes les existences, il ne reste qu’un principe purement formel auquel ne répond qu’une vérité purement logique, d’où rien ne suit dans l’ordre des réalités, quia de ente et non ente contingit verum dicere. Esparza n’observe pas mieux à propos du désir du bonheur. Nous voulons, dit-il, être heureux ; cela suppose l’idée antécédente du bonheur et un jugement d’existence..Mais ou bien on nous parle de la tendance innée à Dieu dont il est question dans saint Thomas, Sum. theol., D, q. LX, a. 3 ; F II 1 ', q. cix, a. 3 ; IIa-IIæ , q. xxvi, a. 3 ; Maslrius, In IV Sent., I. III, disp. YI, q. xxv ; Tolet, Comment, in liiii, Rome, 1869, 1. 1, p. 488 ; et cette tendance, qui n’est pas un acle mais un fait et la racine métaphysique de notre liberté, n’inclut aucune appréhension antécédente ; et, pour en déduire quoi que ce soit, il faut recourir à la (inalité interne. Voir le procédé dans Schiffini, Dispulationes meta/Jnjsicse specialis, Turin, 1888, t. ii, th. iii, n. 395 ; Hontheim, op. cit., n..">(>7, el à un autre point de vue dans Cafhrein, Philosophia moralis, Fribourg, 1893, th. i, n. 10. Ou bien on nous parle de l’appétit élicile, du désir actuel du bonheur, qui naît de l’appétit naturel quo quodlibet appétit naturaliter se esse completum in bonitate, comme parle saint Thomas, De veritale, q. XXII, a. 7. Celui-ci, en saine philosophie, suppose quelque connaissance de son objet : nihil volitum, nisi prsecognilum. Mais Esparza devrait prouver que l’objet d’un tel acte ne pouf pas être impossible, ou que la simple idée de la possibilité du bonheur ne suffit pas à provoquer un acle de ce genre. Or, ces exclusions ne sont possibles qu'à l’aide de la causalité efficiente ou finale. El lorsqu’elles sont faites, on n’a pas encore l’existence du bien béatifique, à moins de faire un nouvel appel au discours causal. Voir le procédé dans saint Thomas, Sum. theol., F II- 1 ', q. I, a. 4 ; Contrit génies, 1. III, c. il, n. 2 sq., bien différent de celui de Kant, cf. Frins, De actibus humanis, Fribourg-en-Brisgau, 1897, i. i, p. 07-8.") ; et pour se persuader qu’on n’a pas attendu Kant pour entrer en plein dans cette voie, lire Bagot, Apologeticus fidei, part. ii, I. II. disp. I. c. m-vi, in-fol.', Paris, 1645, I. il, p. 99-118.

b. Quand bien même on devrait au point de vue de

rvation psychologique concéder à Esparza, comme

il le veut, que nous percevons immédiatement l’exis lu vrai et du bien, il ne suivrait pas du tout que ce soit là concevoir Dieu considéré eu soi, per prsedicalum inlrinsecum Deo, Tous les anciens scolastiques concèdent une connaissance spontanée mais obscure de Dieu, sub rations unius, veri, boni, beatutidinis ; mais cette connaissance obscure ne distingue pas Dieu,

ils. du resté des êtres ; elle ne le saisit donc i soi. per prædicatum identi/icatum, mais seulement à l’aide d’un concept abstrait, præscindens << creatura, « Deo vero et ficto. A s’en tenir là, c’est donc une désignation de Dieu par dénominations extrinsèques, convenant de rail exclusivement i Dieu.

mais dont la COUVI -natice exclusive à Dieu échappe a

Uum non identiflealum cum De converlibile, sed cujus hsn convertibilitas ig nobis. Esparza, au contraire, prétend que cette première notion atteint Dieu en soi etque le seul proj

a faire eSl de le Con-lalel. ; „/- /or, /o, , I, , lu ull’U 1 1 /Iffl luni cum Deo et converlibile, sed njus htec identitas ri convertibiliti l « r. Di ne, d

nied. - donni et immédiates de i île

(bndi ment de droi I la cause efficiente

et finale di ou nous

.ii ommes, l’homme ignore que ce donné est Dieu lui* même ; mail il est hoi d< doute que l’objet 'font la

i en réalité Dieu, et Dieu

considéré on soi. Car la doctrine de Vasquez est fausse. I ! est vrai, dirons-nous, que la doctrine de Vasquez sur l'être absolu de Dieu est communément abandonnée par les théologiens ; mais elle reste probable, et donc le procédé d’Esparza ne peut pas aboutir, comme il le prétend, à nous donner une certitude rationnelle de l’existence de Dieu : debiliorem sequitur conclusio partent. Si l’on répond qu’on peut prouver la fausseté do la thèse de Vasquez, ceux qui ont étudié la question du médium de la science des futurs conditionnels avoueront qu’on ne se débarrasse pas très facilement de la formule vasquézienne : si par impossible une mouche possible devenait impossible, rien ne serait changé en Dieu. Quoi qu’il en soit de cette question et de la question voisine du constitutif de la liberté de Dieu ad extra où Vasquez suit l’opinion des thomistes antérieurs à Godoy et à Jean de Saint-Thomas— Cajetan excepté, dont tous aujourd’hui rejettent l’opinion — il est certain que l’opinion dont a besoin Esparza ne se prouve qu’en faisant un large usage du principe de causalité et de raison suffisante. Voilà donc que, sans recourir à l’inférence causale, on ne parvient pas à échafauder le système dont l’originalité consiste à vouloir se passer de ce moyen.

Et il faut ici remarquer que si ce dernier argument n’a pas beaucoup de force contre Esparza et son école, il est insurmontable contre les modernes qui ont renouvelé leur tentative. Il n’a pas beaucoup de force contre Esparza ; car celui-ci pourrait répondre non sans logique : Il y a dans l’Ecole seize essais de solution du difficile problème des relations de l’infini et du fini, que l’on a l’habitude de ramener à quatre types dans la question de la conciliation de l’immutabilité divine et des actes libres de Dieu ad extra. Nos actes spontanés se font indépendamment de la connaissance de ces spéculations, tout le monde en convient. Je les étudie donc tels que la conscience me les révèle, je suis amené à penser que l’une des seize solutions classiques est explicative des faits observés ; et je conclus que, si cette hypothèse est admise, l’existence de Dieu considéré en soi est donnée par la conscience. Ensuite, pour résoudre les difficultés que l’on soulève, j’ai recours aux principes de causalité et de raison suffisante ; ce que j’ai le droit de faire, puisque je ne les mets nulle part en question et que je concède qu’avec leur emploi on prouve l’existence de Dieu et que je soutiens qu’on démontre celle des seize solutions que suit la conscience. Mais les philosophes modernes qui font quelque concession au kantisme ne peuvent pas éviter le cercle vicieux, comme faisaient les anciens théologiens dont nous parlons. Us concèdent, en effet, la valeur de la critique kantienne, ou tout au moins, ils cherchent à persuader de l’existence de Dieu ceux qui admettenteette valeur et qui, par suite, rejettent l’usage transcendantal du principe de causalité. Or, Kantdans la troisième et dans la quatrième antinomie prétend démontrer qu’aucune des seize solutions classiques dont nous venons de parler et qu’il ramène à deux n’est recevable : si donc l’on admet soi-même la valeur du kantisme, ou si l’on a la prétention d’argumenter contre un kantiste, on ne pourra pas supposer comme Esparza que nos actes spontanés se font suivant une de ces solutions, et si on le suppose il restera à démontrer que cette solution est valable. Or, on s’est enlevé le moyen de faire cette démonstration, soit avant la connaissance certaine de l’existence de Dieu, soit après, puisqu’on a renoncé à l’usage transcendantal du principe de causalité. M. Blondel conclura : cela montre que le kantisme est contre nature. C’est ce dont je conviens, sans accorder qu’il en suive que Dieu existe ou que l’existence de Dieu considéré en soi soit une donnée immédiate de ma conscience, comme le veut Esparza. C’est aussi ce dont ne conviendra pas le kantiste que

l’on veut persuader ; pour peu qu’il ait pénétré le sens des deux dernières antinomies et ce que la méthode d’immanence lui demande d’accorder, il répondra : mais l’acte que vous supposez que je fais ou que vous m’invitez à faire implique précisément la solution dans un sens très déterminé des antinomies. Esparza, s’il eût connu Kant, n’eût pas nié le fait ; et je pense que tous les théologiens seraient ici de son avis. Cf. sur les antinomies, Dictionnaire apologétique, t. i, col. 33, 36 sq. D’où l’on conclut à l’inefficacité spéciale de la méthode d’immanence contre les kantistes intelligents et convaincus. On a beaucoup exploité pour l’aire de la réclame à la méthode d’immanence la « colère » de certains universitaires et athées en présence de V Action ; c’est qu'élevés dans la mentalité cartésienne ces professeurs concédaient sans examen critique que notre idée de Dieu est toujours per prsedicatum idenlificatum cum Deo ; or, c’est précisément ce que nie Kant qui la réduit toute entière à de pures dénominations extrinsèques ; M. Le Roy a vu plus juste quand, tout en se réclamant de la méthode d’immanence, il a conclu à l’agnosticisme sous le nom de pragmatisme. C’est, nous allons le voir, tout ce qu’on peut tirer de la méthode, si l’on s’y "obstine à se défier du principe de causalité et de la finalité interne.

c. Esparza et Pallavicini admettaient un discours pour légitimer dans leur système tous les passages d’idée à idée, d’objet à objet, et toutes les conversions de propositions dont ils avaient besoin. Ce discours reposait tout entier sur la thèse épistémologique suivante : L’esprit qui connaît un des termes d’une connexion comme connexe connaît du même coup l’autre terme de la connexion. Cette thèse, il faut le remarquer, fait le fond réel des quatre hypothèses précédemment rejetées. Gratry fait l’assomption du fini et par contraste ou regrès, Gûnther disait par contraposition, de l’infini : creatura connexa rjua connexa. L’hypothèse psychologique imagine la personnalité et son prolongement ou son objectivation, c’est encore une connexion. L’hypothèse morale postule une locution intérieure et son origine : encore une chose finie expérimentée et son lien avec autre chose. Les diverses hypothèses épistémologiques font de même, en insistant soit sur les similitudes dans les choses ou dans les espèces et images intentionnelles, soit sur quelque autre donnée ; il en faut dire autant de ceux qui ont essayé de résoudre tout le débat par la notion de vérité, à laquelle appelait d’ailleurs Esparza. Voir les textes cités par Esparza, sagement interprétés par Suarez, Disp. metaphys., disp. VIII. sect. vii, n. 21, La petite école dont nous parlons, qui eut en Espagne, à Rome et en Allemagne ses jours de gloire, sans se hasarder dans des thèses discutables, posait simplement le problème en termes généraux, comme la logique l’exige quand on a la prétention d’arriver à une conclusion certaine.

Quoi qu’il en soit de la question de savoir s’il v intervient deux idées ou une seule, il est incontestable et incontesté dans l'École que l’esprit qui perçoit un des termes d’une relation comme connexe, saisit l’autre terme de la relation. Tout irait donc bien si Esparza montrait, indépendamment de toute liaison ou dépendance causale, que subjectivement nous percevons creaturam connexam cum Deo ut connexam. M ; ii< l’expérience montre qu’il n’en est rien. Tous les êtres, en effet, sont connexes avec les décrets divins dont ils dépendent ; or la conscience psychologique ne nous dit rien de ce rapport. C’est la raison pour laquelle Esparza choisit des cas où la conscience psychologique ou morale, surtout cette dernière, nous avertit d’un rapport, d’une dépendance, etc. Mais il suffit pour vérifier le principe de la simultanéité de la connaissance des connexes que le terme non directement saisi soit

appréhendé abslracte, genericc et in eommuni ; il n’est pas du tout nécessaire, en vertu du principe général invoqué, qu’il le soit determinate, privai im et in individuo. C’est, par exemple, ce qui se fait en physique quand on y définit l'électricité, la cause des phénomènes suivants. De vcritate, q. x, a. 1, ad 6 ii, n. Cela ne veut pas dire que nous ne savons rien de l'électricité, hors le fait brut de l’existence, et qu’elle soit une cause totalement inconnue. Elle est totalement inconnue dans l’hypothèse nominaliste qui refuse de remonter des effets aux causes par le principe de raison suffisante. Voir col. 784. Elle ne l’est pas, si l’on rejette, comme il faut absolument la rejeter, la subjectivité des relations de cause à effet, de substance à propriété, etc. Aussi a-ton cherché à déterminer, dans la question qui nous occupe, la nature de la connexion donnée par la conscience, afin de pouvoir atteindre Dieu considéré en soi. C’est de ce souci que procèdent les appels aux similitudes, aux espèces intentionnelles, à la nature de la vérité, a la thèse du vérificatif des jugements, etc., que nous avons rapportés ou omis. Le mouvement est bon, mais il ne peut pas aboutir.

Sans avoir à discuter la valeur des différents moyens auxquels on a eu recours, sans même faire remarquer qu'étant systématiques ils empêcheraient d’arriver à une conclusion certaine, voici pourquoi ils sont vains. — a. Avant de savoir avec certitude que Dieu existe, nous ignorons absolument si les créatures lui sont semblables ; quia quamvis finita sint quodamnwdo spéculum et imago Dei, liane tamen rationcm imaginis non deprehendes in ente finito donec cognoveris hoc esse illiuse effetum. Cf. Urraburu, op. cit., t. vii, p. 81. Que les créatures soient semblables à Dieu cela vient, en effet, de ce qu’il est leur cause. Mais que Dieu soit la cause des effets considérés n’est pas immédiatement donné par la conscience avec certitude, ni par conséquent qu’une relation de similitude intervient : est per se nolum veritatem esse, dit d’une façon absolument raie saint Thomas, non autem est per se nolum noliis esse aliquod primum ens quod sit causa omnis entis, quousque Itoc vel fides accipiat vel demonstratio probet. De vcritate, q. x, a. 12, ad.' ! ""'. On objectera : mais les principes généraux sur la similitude formelle des espèces, sur la théorie de la vérité, adxqualio rei et intellectus, etc. D’abord, tout cela n’est pas sûr ; car beaucoup de théologiens nient la susdite similitude formelle ; et jamais dans l’Ecole, avant ces dernières années, on n’a pressé le mot adxquatio comme on l’a fait récemment, du tique pour conclure que

nous ne connaissons pas Dieu en soi, du côté catholique pour réfuter l’agnosticisme tout en se donnant le plaisir de soutenir un système préféré el ordinairement décoré du nom de saint Thomas. Suarez se contente de dire : Supponimusde ralione intellectionit imo el cognitionis esse ut per’quamdani assimilationem intra mentent intelligentis fiai. De angelis, I. II, c. ni. n. 7. Cf. Kleutgen, Philosoplu <que> '. n - 23 Bq.

Mais, connue les constructeurs de systèmes ne se rendront pas devant ci de simple bon sens et de logique, voici la raison " priori de l’inutilité de ' '" Ile -e tire de la nature I de du pariicnliei don) il a agit, b, Juxta hanc do

uod agnoscatur fundamentum ut

i i go, e jnoicatur lie, , s. non cognoteitur

Intel ligitur i, atut a ut 1 1 nnei

l ii, u$ est i omlitutivum

Deo, Sed hoc ett falt

Deo lantummodo redupli "" Di. ont) - juate

uipote idenlij cala adéquat* '<" n n' ; i i h n dam ie i lisonnement qui ne

soit admis par les thomistes anciens, par les scotistes et par Suarez. Seuls ceux qu’on a appelés les Connolatoves pourraient se plaindre qu’on y introduise l’argument forgé contre eux par Lugo, omne, quo solo non intellecto, non intelligitur aliud, aut est Iota essentia aut est pars essentix illius alius. Mais cet argument est solide et fait toucher du doigt le danger de panthéisme. Si l’on en fait d’ailleurs abstraction, il reste que, lorsque nous pensons à Dieu ici-bas et à la dépendance, ressemblance…, connexion des créatures avec lui, ce qui nous sert pour nous élever à lui est toujours adéquatement distinct de l’objet de notre pensée. Car si les créatures sont semblables à Dieu, Dieu ne leur est pas semblable. Et c’est la raison pour laquelle, toute révélation mise à part, nous ne saisissons avec certitude rien de Dieu considéré en soi, per prxdicatuni idenlificatum cuni Deo, sans passer par le lien causal.

L'école d’Esparza l’avait bien senti ; aussi avait-elle enchevêtré son argumentation dans celle de saint Anselme, comme nous l’avons rapporté, ce qui signifie qu’elle se donnait directement l’idée d’infini et par suite l’existence intrinsèque de Dieu. Tout revient là ; ou bien, on se donne l’idée de l’infini proprement dit, l’idée de l'être dont l’essence se définit par l’existence actuelle, et alors on n’a pas besoin de passer par la causalité ; ou bien, on constate, quoique la phrase ens necessarium est ens necessarium et par suite aussi celle-ci ensnecessarium est ens necessario existais soient évidentes, que cette évidence n’entraîne pas l’existence réelle de l'être nécessaire, soit parce qu’une proposition tautologique peut impliquer quelque contradiction dans son sujet, soit parce que dans ces propositions l'être nécessaire n’est pris qu’au sens abstrait et nullement au sens d’un être positivement réel ; et le seul moyen de lever le doute sur la possibilité de passer de l’abstrait au réel, est de passer par la causalité. Cf. d’Aguirre, Theologia tancti Anselmi, tr. I, disp. VI, sect. iv, n. 33 sq. C’est ce que dit saint Thomas : Ratio illa procederet, si hoc esset nobis }>er se notion quod deilas sit esse Dei, quod guident nunc nobis non est notuni per se cum Deuni peressentiani non videauius, sed indigemus ad hoc tenendum vel ilemonstratione vel l’ide. lbid., ad i" m.

d. Esparza ne semble avoir traité toute la question que d’une façon spéculative. Un de ses élèves, composant une apologétique, pensa qu’il pouvait utiliser la théorie pour la réfutation des athées et aussi pour l’explication au concret de notre permière connaissance de Dieu. Iionc, Michel de Elizalde, Forma verse religionis quærendse et inveniendæ, Naples, 1672, ii. 85, écril Deus est primum nolum, et universale et transcendais omnium principiorum principium, unicuni et sufficiens, et omnium probationum probatio, rationum rotin et conclvsio ac omnium verilatum veritas et conclusio. Séries t"ia verilatum ad priresolvitur, quse demum omnes éditâtes verificet et qua sublata, um ta, ut vocant, neutra, ambigua, net falsa nec vera et injudicabilia. Tout cela pourrait se concéder de l’ordre ontologique des êtres, mais le mol nolum du début et toul le discours qui précède nous force à le prendre de l’ordre même de nos connaissances. L’auteui - souvient cependant du fameux aziome d’Ariatole que les princi| i i ne doivent pas se démontrer ; il répond lestement. Quid , i, ini ArittoteU et de tummis rebut docuil

tUSI Ci I I apottolut.1 1 bruis ih kct., X II. In, , , prope enim adest ' ! qui se </ tua tanlitj tiderare velit, tul a I originem et genut. Vbi omilto alla. Au paragraphi suivant, Elizalde nous apprend que par I idée de tin dernii i nnallre 1 [dus < Il

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de chut ; mais il renvoie â un autre ouvrage ce développement, quia hoc de Deo fine hominis unico multa infert non recepta communiter. A défaut des vues morales d’Elizalde, nous avons aujourd’hui, sur le même sujet, une littérature assez abondante écrite du même point de vue.

Remarquons d’abord que dans son « apologétique nouvelle » Elizalde introduisait deux éléments, la priorité de la connaissance de Dieu et l’appel à la présence intime de Dieu dans l'âme, dont le premier était positivement exclu et dont le second n'était pas einplové par Esparza et Pallavicini. Saint Thomas avaitdéjà remarqué qu’une conception inexacte de l’omniprésence divine conduit au panthéisme, non intelligentes rjuod Deus non sic est in rébus quasi aliijuid rei, sed sieut rei causa, qux nullo modo sui effectui deest. Contra génies, 1. I, c. xxvt, à la lin. Et ailleurs il avait expliqué que, hien que Dieu soit présent à notre intelligence, il ne lui est pas uni comme une forme intelligible, non est tamen ei conjuncla, td forma intelligibilis, quam intclligere possit quandiu lumine glorise non perficitur. Car autre chose est l’union par essence, présence et puissance, autre chose l’union par manière de forme intelligible. De veritate, q. x, a. 11, ad 8 lliii, ll um. Nos habilus sont pour nous intelligibles et Dieu ne l’est pas immédiatement, hien qu’il soit plus présent à notre âme que nos habitas, quia habitas saut proportionali ipsis objectis et actibus et sunt proxima eorum principia, quod de Deo dici non pot est, ibid., a. 9, ad 7, lm ; ce qui donne l’exégèse de Sum. l/ieol., h 1, q. xii, a. 2, et fait de saint Thomas un excellent moliniste au lieu d’en faire un averroïste comme le veut Cajetan. Elizalde se réfugie derrière le texte de saint Paul. Act., xvii, 28. Mais, fait très bien remarquer Yasquez, saint Paul ne parle pas directement dans ce passage de l’omniprésence de Dieu, il exprime simplement que nous pouvons facilement connaître Dieu par ses œuvres, par l’action de sa providence en nous. In 7 am, disp. XXVIII, c. iv, n. 17. Et cette interprétation, outre qu’elle enlève toute base à l’abus que Spinoza a fait de ce passade a l’avantage d'être conforme aux données patristiques. Corneille de la Pierre, Comme71t. in Acta apostolorum, loc. cit. ; Verhoer, In Actus, dans le Cursus conipletus Scripluræ de Migne, t. xxiii, col. 1289 ; Beelen Comment, in Acta aposlolorum, Louvain, 1864, p. 435Patrizzi, In Actus, Rome, 1867, pensent comme Yasquez ; et Chase observe que si saint Paul cite un poète stoïcien, partisan de l’immanence panthéistique du Portique, il a grand soin de maintenir la transcendance divine, cseli et terræ cum sit dominas. Chase The credibilily oft/ie book of llte Acts of the Aposiles Londres, 1902, p. 227. Sur la doctrine chrétienne dé l’immanence divine, consulter Scheeben, La dogmatique, t. ii, n. 234, 24-0, 360. Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi un appel à l’immanence divine, ou, pour parler correctement et sans équivoque, à l’omniprésence de Dieu, ne sert â rien pour expliquer la connaissance que nous avons de lui.

Elizalde commet une autre faute. Il suppose que notre première connaissance certaine est celle de l’existence de Dieu. Pallavicini avait expressément rejeté cette opinion. Rejicimus sententiam Henrici asserentis Deum esse id quod primo concipitur in cognitione en lis indéterminable. Kl la raison qu’il apportait est curieuse à noter, si l’on se soinient qu’il écrivait avant Spinoza, en 1652 : Nom primo falsum est quod assumitur, essentiam Dei consistore in hoc quoi ! sit ens et nihil aliud, hoc. est nullam habens dijferentiam ex iis lier i/iius limitatur esse creatum. Ex hoc enim sequeretur Dcum differre a créât urispersolam negationem se tenentem ex parle Dei, aeproinde sequeretur différencias positivas creaturarum qualenus positivas

esse pura mala, et per illas (quæ tamen ut po$iti procedunt a D<o nullam dari aimililudinem in en turis i-iim Dr, , , Confirmatur, quia conceptu$ négation nis non est conceptus entis, adeoque non est < boni, quod est proprielas entis ; sed différentiel ! iront differl a créa turis, est tenta. Ergo. Op. cit., c. iv, n. 29 sq. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. 1. disl. XXIV, q. i, a. 1, ad 3°'" ; De veritate, q. x, a. 1. ail.">"'".

Laissons donc de côté l’apologétique dangereuse et lidéiste d’Elizalde et voyons si la doctrine d’Espai/.i. de Pallavicini, etc. telle qu’ils l’ont exposée, est susceptible d’utilisation en apologétique. Deux de leurs contemporains montrèrent clairement qu’elle ne l’est pas, â savoir Izquierdo, Pharus sciei disp. ii,

q. iii, n. 135 sq. : disp. X, q. 1, n. 39, Lyon, 1659 ; 0 theologicum… de Deo uno, Rome, 1664, t. i, tr. I, disp. I, q. viii, n. 155 ; t. il, disp. XXIII, q. VI, n. I et Haunold, Theologia speculativa, Ingoldstadt, 1670. 1. I. tr. I, c. i, cont. i sq. En effet, disent-ils, l’at ! quand on lui fait remarquer qu’il ne peut pas penser que rien n’existe, et que l’idée du bonheur s’impose à lui, concédera l’observation ; mais de cette nécessité il refusera de conclure â Dieu. Car quand on lui parle des vérificatifs objectifs nécessaires de ces sortes d’idi il répondra qu’il convient de l’existence éternelle île quelque chose et que cela suffit à vérifier la nécessité du principe de contradiction ; il pourra ajouter que les nécessités subjectives et objectives dont on lui parle ont leur raison suffisante dans la collection totale de tous les êtres qui se succèdent, que l’apparition â un instant donné aussi bien que la possibilité de chacun de ces êtres dépend de l’ensemble de la collection ; et ainsi on ne pourra jamais le forcer à s'élever au-dessus de l’idée d’une nature universîlle ; il restera matérialiste ou panthéiste tant que par un appel au principe de causalité on ne lui montrera pas que l’ensemble de la collection des êtres de l’univers dépend d’une cause supérieure. Deus ergo nonnisi per illationem ex creaturis rimenlaliler cognilis certo cognosci potest /telle est la conclusion fort sage de l’Ecole.

4. Preuves qui de fait produisent la première certitude rationnelle et personnelle de l’existence de Dieu. — Dans la détermination de ces preuves le problème â résoudre est le suivant. Tenir compte de l’inlluence de nos tendances générales et particulières qui nous inclinent à l’idée de Dieu et à l’admission de son existence ; assigner cependant un moyen non purement subjectif, mais rationnellement valable, qui remplisse les conditions suivantes : qu’il soit facile, à la portée de tous ; qu’il aboutisse à une connaissance qui distingue réellement Dieu de tous les autres êtres, de façon â ce que l’homme puisse commencer sa vie morale et religieuse, mais de manière aussi à ce que la possibilité de toute erreur sur Dieu ne soit pas exclue. tout en laissant la voie ouverte au progrès dans la connaissance religieuse. Ces conditions sont requises par la nature même du cas envisagé, et aussi pour rester en harmonie avec l’ensemble des données scripturaires et patristiques. Yoici les preuves que l’on pense y satisfaire.

L’action de la providence divine dirige toutes nos tendances et puissances actives â leuractes conformément aux vues du créateur. Prseter operalionem enim t/ua Deus naturas rerum iustiluil, singulis formas cl virtutes proprias tribuens, quibus possent suas valûmes exercer e, operatur etiam in rébus opéra pro}idenlim, omnium rerum virtutes propriis actibus dirigendo. S. Thomas, In Boethium de Trinitate, q. i. a. 1. Sans même faire avec Vasquez l’hypothèse d’une faveur spéciale de Dieu, lu 1*">, disp. XCI, c. xiv ; disp. XCY1I. c. v. n. 33 ; cf. col. 856, sans recourir à une grâce surnaturelle avec quelques thomistes, Sal913

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maticenses, De vitiis, disp. XX, dub. i, n. 29 sq., saint Thomas par cette remarque qui implique la permanence après la chute de toutes nos lendances naturelles actives à la vérité et au hien, In IV Sent., l. III, dist. XXIII, q. i, a. 4, ad 3°"' ; Sum. Iheol., IIa-IIæ, q. x, a. 4, explique assez ce que manifeste l’introspection, à savoir, comme dit Kleutgen, que « sans beaucoup de réflexions, nous sommes excités et contraints, non seulement par une inclination spontanée du cœur, mais encore par une puissante nécessité de l’esprit à reconnaître l’existence d’un être suprême et

lu, cause et maître souverain de toutes choses. » Kleutgen, Philosophie scolastique, t. iv, n. 929, p. 318. Telle est la raison profonde pour laquelle tout homme arrive à se former d’abord l’idée obscure de Dieu en vertu de ses tendances les plus foncières, puis, comme cette connaissance de Dieu in communi ne suffit pas, vu qu’elle ne distingue pas Dieu du reste des êtres, l’idée confuse ou distincte de Dieu. De veritale, q. xxii, a. 7, a. 2.

La connaissance de Dieu inspectai ! s 'acquiert probablement parla considération de l’ordre du monde, pense saint Thomas. Cseli enarrant gloriam Dei. Ps.xviii, 2. testimonio semelipsum reliquit, benefaciens decœlo, dans plumas, etc. Acl.. xv. 16 ; xvii, 26. Vit lentes enim hommes res naturelles secundum ordinem certum currere, cum ordinatio absqueordinatorenon sit, percipiunt, ut in pluribus, aliquem esse ordinatorem rerum quas videmus. Contra génies, l. III, c. xxwin. C’est l’argument de la montre et de l’horloger. Raisonnement facile, tout à fait rationnel, employé chaque jour dans la vie courante et aussi dans les sciences physiques, naturelles et morales. Le cas du fils de l'écossais. Beattie, raconté par Paul Janet dans son excellent ouvrage : Les causes finales, Paris, 1870, l. II, c. I, p. 129, montre d’ailleurs que ce procédé est tout à fait dans la psychologie infantile. F.t qu’on ne s’y trompe pas. Kepler ou Newton s’inclinant religieusement devant la sagesse ordonnatrice du cours des astres ne faisaient pas d’autre raisonnement, au point de vue purement logique, que le jeune fils du philosophe Beattie, concluant du fait que son nom se trouvait formé par les pousses d’une plate-bande de cresson alénois à l’existence de quelqu’un qui en avait disposé les r i

al II - admet aussi que les païens arrivent â

la connaissance de Dieu par la causalité proprement dite Sum. theol., I a, q. xiii, a. 10, ad 5° ; q. xii, a. 12, Quel est l’auteur des choses, est une question qui se pose spontanément à l’esprit, tout aussi hien que celle de l’auteur de l’ordre. Souvent même les deux n’en font qu’une. L’application naturelle du principe de

dite nous amène à répondre par l’affirmation d une eau lire au monde et à nous-mi

tentem sua eau ala - Chômas, Queestiones disp'., / « anima, a. 16. Il a quarante ans, disait lord Kelvin, en Khi :  ; , m promenant dans la campa

Liebig, je lui demandais s’il croyait que I herl t les

(leurs que nous voyions autour de nous poussaient

] action di - si uli 3 forces chimiques. Il me répondit ti Non, pat plus que je ne pourrais croire qu’un re de botanique qui les décrit peut être produit par i I, ..que acte de la libre ai 1 un miracle pour la cieno chimique thématique, ma le Speclalor, 21 dé

ceiul. i 1907 l. lément d 1 ippi é< ' : ion, le coi d’idi l mi. renct. la vue

de la n

i aient tout auti - que chez lord Kelvin et Lieb ni qui arriverait par

d" Dieu ; mais lit identique et ni a lahle. la il Ii d< p ndanl pa

de l'étude de la philosophie, a magnitudine enim speciei et créatures cognoscibiliter poterit creator horum videri, Sap., xiii, 5, et l'étude des sciences et de la philosophie ne faisant qu’augmenter notre culpabilité, si nous venons à ignorer Dieu : si enim lantum poluerunt scire « t ssstimarent sseculum, quomodo /nijus Dominum non facilitas invenerunt ? lbid., 9. C’est dans ce sens que les Pères entendent ce texte et aussi très souvent Rom., i, 20. Cf. S. Jean Chrysostome, In Rom., homil. ni, n. 2, P. G., t. lx, col. 412 ; s. Augustin, Serm., cxli, 2, /'. L., t. xxxviii, col. 776 ; In.loa., tr. II, n. 4, P. L., t. xxxv, col. 1390. Saint Grégoire expliquant Job, xxxvi, 25. omnes homines vident eum, écrit : Omnis homo eo ipso quo rationalis est condilus, débet ex rations colligere eum qui se condidit Deuni esse. Quem nimirum jam videre est dominationem illius ratiocinando conspicere… quem videre est transcendentem omnia ejus essenliam ex ratione colligere. Moral., l. XXVII, c. v, n. 8, /'. L., t. lxxvi, col. 403.

Tous les théologiens concèdent que la connaissance de Dieu acquise par les deux voies indiquées suffit pour que l’homme soit en état de commencer sa vie morale et religieuse. Dieu j est, en effet, conçu comme existant, et comme cause et chef, ut prineipium et capot, ce qui entraîne au moins implicitement la personnalité divine et, outre le souverain domaine de Dieu et notre dépendance, la volonté divine comme règle de notre conduite. Cf. Suarez, De bonilate et malilia, disp. I, sect. II. Il n’est donc pas nécessaire de recourir à l’obligation morale pour expliquer la possihilité de la connaissance de Dieu, ('.( « pendant on ne peut pas nier que les faits de conscience morale ne nous servent grandement à prendre conscience de ce qu’est Dieu. Indépendamment de toute preuve de l’existence de Dieu par la conscience morale, il est certain, remarque judicieusement Mac Cosh, que la conscience nous manifeste avec évidence que Dieu connu existant se comptait à la rectitude morale. Nous soi s contraints de penser, dit-il, que celui qui a

mis dans nos Cieurs la conscience, aime la vertu qu’elle

nous recommande, et déteste le crime dont elle nous inspire la répulsion. Par l’analogie de l’intention humaine, nous inférons un ordonnateur plus puissant que l’homme ; par l’analogie de noire conscience et de notre activité psychologique, nous inférons une cause mnelle dont nous dépendons ; par l’analogie de nos

idées morales, nonconcluons que l’auteur de l’univers

ne manque pas des qualités morales qui font de lui le juste gouverneur du monde et le juge di nos actionsThe methodof the divine governmeni, r édit., Edim1855, p 9. Suarez a d’un mol profond expliqué l 'quoi et co ent morales nous instrui

sur la perfection divine. Toutes les créatures tendent

a Dieu, dit saint Thomas, mais les i tri ^ raisonnables j tendent autrement que les animaux et les êtres inanimés ; car srulles êtres doués il" raison sont capables de réflexion sur celle tendance et par suite de tendre

a Dieu explicitement connu, ce en quoi consiste leur

lion morale. Ile veritate, q. XXII, a. 2. Mais,

ajoute Suarez pénétrant la pensée de saint rhomas,

Dieu n’est pas le bien de la piern comme il est le bien

de Thon parce que l’homme a par rapport Dieu

d’autreaptitudes naturelles que la matière inanimée. bonum et /mis hominis et aliter Infodis, quia m eo est a lit in lapide, l

en deu » ts fort simples et non métaphoriques le

fond métaphysique de la célèbre doctrine il

séminales que M. I ni i

d, —, nion de la doctrini ut de la méthode

d’immani n

lient, a, Lille, 1905. Voici la conséquence qui nou

signiflcat in Deo perfectionem et connolat in homme capacitateni. Convenienlia ergo nihil aliud essepotest quant denominalio orla ex Itujusmodi rébus et eorum coexistentia seu connexione.- lllud ergo objectum hanestum est taie quale exigil dignilas seu capacilas naturne hunianx secanduni propriam inclin a tionem naturalem. lbid., disp. II, sect. ii, n. 17. C’est donc une perfection intrinsèque de Dieu d'être tel que seul il soit le bien qui peut satisfaire nos tendances foncières et aussi nos tendances morales et religieuses. Cette perfection de Dieu ne nous est pas manifestée directement non plus que l’existence divine. Mais, pour parler avec saint Thomas qui a fait l’emprunt de cette terminologie à lioèce, l’idéal d’unité, de vérité, de bonté, de justice, de perfection morale qui jaillit de l’activité de nos puissances, n’est autre chose qu’une certaine similitude de Dieu, un de ses effets plusexpressifsque d’autres de ce qu’il est en lui-même. Le lecteur sait pourquoi de cette similitude on ne peut pas sans inférence causale ou téléologique remonter avec certitude à l’existence de Dieu. Mais dès que nous sommes assurés de son existence par une autre voie, comme la preuve même qui nous amène à reconnaître cette existence nous le découvre supérieur à nous et à ses œuvres, nous ne pouvons avoir aucun doute sur son excellence. Cette excellence perçue par l’esprit, mise en face de notre misère, des besoins de notre intelligence et de notre cœur, nous amène par l’application spontanée du principe de finalité interne à comprendre qu’il est objectivement et en soi notre idéal. Ce sont des jugements de nature, dont n’arrivent à se débarrasser ni les impies ni même les athées. Ils gardent, en effet, si bien cette idée que Dieu ne peut être que d’une souveraine élévation morale et ils sont si persuadés que tout le monde en juge ainsi, que leurs blasphèmes et leurs arguties tirées de l’existence du mal n’ont pas d’autre but que de chasser en eux ou dans les autres cette obsédante idée, qui malgré tout survit. Bien plus, une application spontanée du principe de causalité nous apprend très vite que Dieu est bien supérieur à tout notre idéal ; car l’idée même que nous nous formons de la vérité, de la bonté, de l’excellence morale est, comme tout le reste, une des choses qu’il a faites.

Sans doute, l’enfant qui arriverait par lui-même à la connaissance de l’existence de Dieu serait absolument incapable de démêler l'écheveau complexe des procédés logiques impliqués dans ses actes directs ; il n’est d’ailleurs pas probable ni nécessaire que tous les actes indiqués dans cette analyse se produisent tout d’un coup. Mais on voit que l’analyse des scolastiques rend bien compte de la possibilité d’arriver à connaître rationnellement Dieu de manière à commencer la vie morale et religieuse. Elle tient compte aussi de ce que les Pères ont si souvent répété sur le rôle des dispositions morales dans la connaissance religieuse. On a souvent dans les récentes controverses interprété les Pères comme s’ils faisaient dépendre la première idée de Dieu des dispositions morales. C’est une erreur. Les Pères supposent Dieu spontanément connu ; leur but est plus de dégager l’idée de Dieu de la gangue où elle gît dans l'âme de leurs contemporains infidèles, que de la faire naître. Unusquisque judicat secundum quod af/icitur, dit Aristote. Cela est surtout vrai en matière morale, comme le remarque saint Thomas. Étant donc donné le grand rôle que jouent nos idées morales dans le développement de notre idée de Dieu, il n’est pas surprenant que les Pères aient souvent attribué les erreurs des païens à leur mauvaise vie. Cela toutefois ne veut pas dire que les dispositions morales soient l’unique moyen d’arriver à connaître avec certitude l’existence de Dieu. Voir t. i, col. 2333, 2336.

Cependant, bien qu’aucun argument par la moralité ne soit nécessaire pour expliquer la connaissance spon tanée de Dieu et comprendre comment par un pr< i très simple l’homme se trouve mis à même de tendre par son activité libre a sa fin dernière, les théologiens se sont demandé s’il n'était pas possible que l’homme arrive à connaître rationnellement Dieu par le seul fait de la conscience morale. Ils ne sont pas du même avis à ce sujet. Leur désaccord ne porte pas précisément sur la possibilité de remonter à Dieu d’une mai ; réfléchie par les faits moraux, mais sur l’ordre logique de cette démarche. Donc, beaucoup de théologiens pensent que par le texte, Rom., ii, 14 sq., on peut prouver que d’après saint Paul les païens ont connu Dieu ; car, disent-ils, ils ont connu la loi et la loi coiniieles obligeant ; mais une telle connaissance de la loi suppose la connaissance antérieure du législateur ; don-c ils avaient cette connaissance. Cf. Franzelin, De ! uno, th. ni, n. 3. Les autres théologiens, au contraire, soutiennent que le même texte permet de raisonner ainsi : les païens ont connu Dieu par le fait même du dictamen ; car le diclamen manifeste Dieu implicitement et un raisonnement très facile permet de remonter par lui à Dieu explicitement. Cf. Hontheim, op. cit., n. 38. Cette question a été grandement étudiée au xvii c siècle à propos du péché philosophique. Voir ce mot.

J’emprunte, en me bornant à notre sujet actuel, l’exposé de la question au P. Le Tellier, dans un opuscule anonyme, L’erreur du péché philosophique combattue par les jésuites, Liège, 1692, p. 234. On distingue deux idées différentes sous lesquelles Dieu peut être connu : celle de premier principe qui a fait toutes choses, et celle de juge des actions humaines, témoin et vengeur des péchés les plus secrets. Or, quoi qu’il en soit de cette vérité qu’il y a un créateur de l’univers ; soit que des barbares la puissent ignorer longtemps invinciblement ou non ; on s’occupe ici de celle-ci, qu’il y a un souverain juge qui défend le mal et qui doit le punir. On imagine donc un jeune sauvage qui. étant parvenu à l'âge de raison, est déjà assez éclairé pour savoir que le parricide ou l’inceste par exemple est un grand péché, mais qui faute d’esprit ou d’instruction, et d’ailleurs tout occupé du soin des nécessités de la vie au milieu des forêts, n’a encore fait aucune réllexion qu’il existe une divinité. On suppose d’ailleurs que. n’ayant jusque-là commis aucun crime, il se trouve sur le point d’en commettre un avec autant d’advertance et de liberté qu’il lui en faut pour être coupable d’un péché grave. Cela supposé, voici comment ce sauvage pensera alors à Dieu pour le moins confusément et implicitement. Comme il n’est pas encore endurci par une habitude criminelle, il ne saurait manquer de sentir à la vue du crime un reproche intérieur de sa conscience et une secrète appréhension de quelque châtiment. Or ce reproche et cette appréhension qu’il ressent malgré lui, lors même qu’il n’a rien à craindre du colé des hommes, d’où lui peuvent-ils venir que d’un sentiment occulte, par lequel il entrevoit, pour ainsi dire, qu’il y a quelqu’un au-dessus de lui qui sait son crime, qui le défend et qui est en état de le punir ? S^r.s doute que si l’on interrogeait alors ce barbare et que, rentrant en lui-même, il développât ce qui se passe dans son cœur, il avouerait que c’est de là que procède le remords qui le détourne du mal avant qu’il le commette et qui lui en fait sentir la peine après qu’il l’a commis. Le barbare ne commet donc point ce crime sans avoir quelque notion et quelque pensée d’un Dieu, au moins confuse et implicite, qui suffit pour exclure l’ignorance invincible et pour faire que le péché soit une vraie offense de Dieu. Et si le premier crime est un péché théologique, il est impossible que tous les suivants ne le soient aussi. Cf. Viva, Cursus théologiens, De Deo uno, part. I, q. i, a. 1, n. 6.

Les thomistes expliquent généralement d’une autre

façon pourquoi tout péché est théologique. On sait que saint Thomas, contre l’opinion la plus commune des théologiens, parle d’un devoir strict pour l’homme parvenant à l'âge de raison de se tourner ou convertir à Dieu, le souverain bien. Sum. theoh, Ia-IIæ, q. lxxxix, a. 6. Nous n’avons pas à discuter ici cette opinion, ni les interprétations divergentes que l’on a essayé de donner au texte. Cf. Vasquez, In l jm 11 3 —, disp. CXL1X ; d’Aguirre, Theologia sancti Anselmi, t. i, tr. I, disp. VI, sect. iv, n. 40-44 ; Salmanticenses, De vitiisetpeccatis, disp. XX, dub. i, n. 17, édit. Palmé, t. viii, p. 498. Il nous suffit de rappeler l’interprétation donnée par Cajet.m, 7/i Il' m II x, q. x, a. 4 ; Médina, Jn7 am JJ B, q. lxxxix, a. 6, concl. 1 ; Jean de Suint-Thomas, In 7 am, q. ii, disp. III, a. 1, n. 19, édit. Vives, t. i, p. 537. Ces auteurs pensent que pour remplir cette prétendue obligation il suffit de connaître Dieu in communi et confuse ; et que la conversion totale à Dieu que demande saint Thomas se fait suffisamment, si l’on adhère à Dieu en tant que Dieu est renfermé dans l’idée générale du bien conforme à la raison. Communior sententia, disent les carmes de Salamanque, tenet sufficere amorem Dei /mis naturalis implicilum, contentant in ipso amoreet eleclioneboni honesti et in proposito virendi secunclum reclani ralioncm. Cf. Zumel, /, , ; » m Hx t q. lxxi, a. 6, p. 174. Donc, pour reprendre la psychologie du jeune barbare de Le Tellier, l’inquiétude et l’avidité insatiable du cœur humain, qui le porte toujours à souhaiter plus qu’il ne possède, à aspirer à un état plus heureux, supposent en lui nécessairement quelque idée d’un bien souverain et capable de contenter tous ses désirs. Et il faut le noter, l’idée du souverain bien ne doit pas être ici disjointe, dans l’opinion des thomistes que nous rapportons, de celle d’un législateur souverain. « On ne doit point accorder, disent les carmes déjà cités, que personne puisse commettre un péché sans connaître au moins implicitement qu’il y a quelqu’un au-dessus de lui qui a droit de lui commander par la loi et qu’il est obligé de lui obéir ; ce qui renferme une connaissance au moins virtuelle et implicite de Dieu en tant que législateur ; de sorte qu’il sait ou peut savoir qu’en violant la loi il agit contre cet être supérieur et qu’il l’offense. » Tr. XIII, De peccatis, disp. VII, dub. iii, n. 18.

Noua n’avons pas à discuter les diverses et graves questions morales qui se présentent ici, soit dans l’hypothèse de Le Tellier, soit dans celles des thomistes cités. Cf. Lacroix, Theologia moralis, 1. Y, q. vi, n.25 ; q. xii, n. 19. Nous constatons seulement qu’ils admettent tous une connaissance implicite de Dieu contenue soit dans le dictamen de la conscience, soit dans le désir du souverain bien et dans la conscience de l’obligation. Peul on de cette connaissance implicite passera un jugement orique sur l’existence de Dieu ? Oui, répondent beaucoup d’auteurs catholiques. Il est peu probable que dans la fjenèsi de la connaissance spontanée île l’existence de Dieu les choses se passent comme le supposent c.i-u des thomistes qui suivent ici Cajetan. SI toutefois on l’admet, la connai sance certaine de 'nci' de Dieu pourraite déduire de l'étal décrit ide du principe de causalité et de finalité', exactement comme dans l- as du barbare de Le Tellier. Un trouvera le procédé di loppé a ec des nuancée dans Hontheim, ii, titutionei theodiceæ, i ribourg, 1893, n. 387-399 ; Schiffini Ditp lalione » metaph

. Turin. 1888, i. n. p. il. n. 397 ; de Broglie, La

mora Heu, Pari 1886, p. 307 ; d’Hulst, Confé Notre-Danu. Pari - 1892, p S q.. Sertil Dieu t fond du raisonnement revient à dire ; L’Imp ires ! donné parla i onsi ieni i

Dieu, il ne - explique paa, n i p i an te ; donc le vrai Di< u i Isti I

raisonnement, remarque Ms r d’Hulst avec bon droit, est fort différent de celui de Kant dans la Critique de la raison pratique, parce qu’on ne s’est pas confiné comme lui dans le cercle infranchissable des conceptions subjectives. Voir, sur les défauts de l’argumentation de Kant. Naville, ies philosophies nrgatives, Paris, 1900, p. 159.

Il résulte assez clairement, pensons-nous, de cet exposé que la solution scolastique du problème de la connaissance spontanée de Dieu satisfait bien à toutes les conditions que nous avons énumérées. Sans nier l'élan subjectif qui nous porte à l’affirmation de Dieu, elle assigne des moyens faciles, rationnels qui, le principe de causalité intervenant toujours, distinguent Dieu de ses œuvres et le manifestent de telle sorte que le devoir du culte s’impose en même temps que le respect de la loi morale. Mais il faut préciser le contenu de cette connaissance.

D’après les agnostiques croyants ou dogmatiques, quel que soit d’ailleurs le moyen qu’ils assignent à la genèse de l’idée de Dieu, toute notre connaissance de Dieu, et par conséquent notre connaissance spontanée de la divinité, se réduit au fait brut de l’existence, sans que nous puissions jamais parvenir à porter sur Dieu considéré en lui-même, sur sa nature intrinsèque, prxdicalum identification, aucun jugement objectivement valable. Quelques-uns, comme Avicenne et Maimonide, admettent que l’existence de Dieu nous est connue par la causalité, et donnent des arguments péripatéticiens ; mais, disent-ils, la causalité ne nous apprend rien <le Dieu considéré en soi, hors le fait de son existence, pas plus que la phrase : « c’est Zéid qui a charpenté cette porte, » ne nous renseigne de soi sur la capacité artistique de Zéid. Beaucoup d’autres, surtout parmi les modernes, conçoivent que nous désignons Dieu par de pures dénominations extrinsèques fondées sur nos états subjectifs et non sur la causalité. Si nous écrivons à un ami dont la correspondance avec nous est en retard : Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? nous exprimons notre état subjectif d’attente par une pure dénomination extrinsèque ; l’existence de cet état, c’est toutee que peut, par notre lettre, connaître avec certitude notre correspondant, mais les modalités intrinsèques de notre désir de recevoir des nouvelles lui échappent. Le langage lui-même est souvent construitsur de telles dénominations, comme saint Thomas en fait la remarque. In IV Sent., I. III. dist. XXVI, a. I, ad 3° 1 ". Celui qui attend, dit-il, a coutume de regarder souvenl si l’objet de son désir intérieur arrive, et ideo d sitio prædicta quielis cum niotu appctilus expectatio dicitur. Nous ne nions pas que souvent nous ne pensions ainsi et désignions les existences de fait à l’aide dépures dénominations extrinsèques. Saint Thomas le concède explicitement a Maimonide. De veritate, q. ii, a. 1. Mais pensons-nous toujours ainsi '.'et quand il s’agit de Dieu, sommes-nous réduits à ce mode de peu D’abord, bien que nous signifions le rail | gique

de l’attente par des dénominations extrinsèques, il est faux que nous n’en connaissions rien de plus : la conscience psychologique noua en dit bien davant et tout autre chose. Quand donc nou m Anne,

m' Inné, ne vois-tu rien venir ? noua-même el notre > intellectuellement autn

chose qu’une pure dénomination extrinsèque. Hume, dont le nominalisme allait jusqu'à confondre l'éti la coi site est percipi, n. sera jamais suivi

par le bon sens. Kant va moins loin, mais il est induit n nominalisme, quand il prétend que

|-| unie lit rien de

leur sujet, linon l’existence d’ut i ice

.n m ne lit qui faisait dire â Ma iiiiniiiile qu

non ! i i rien de di miné concernant la cause, el que par consi qui ni l’i

tence de I)ioti elle-même n’est exprimée par nous qu’en fonclion de l’impossibilité subjective où nous sommes de penser qu’il n’existe pas. Il est assez facile de montrer et à Maimonide et à Kant qu’il en est autrement. L’un et l’autre concèdent que nous concevons Dieu en relation avec le monde. « De même, dit Kant dans ses Prolégomènes, S 57. qu’une horloge, un vaisseau, un régiment se rapportent à un horloger, à un ingénieur, à un colonel, de même le monde sensible se rapportf à un inconnu. » Cf. Maimonide, Le guide des égarés, t. i, p. 247. Si la thèse de l’agnosticisme croyant est vraie, pourquoi Kant ne dit-il pas qu’une horloge se rapporte à un colonel, un vaisseau à un horloger, etc.? C’est que le bon sens réclamerait ; c’est qu’en remontant de la montre à l’horloger, de l’existence de l’une à l’existence de l’autre, par la causalité nous ne faisons pas totalement abstraction de la « capacité artistique » de l’ouvrier. Quand donc, par l’emploi du principe de causalité, nous inférons de l’elfet l’existence de la cause, nous ne concevons pas dans la conclusion la cause par une pure dénomination extrinsèque tirée de l’effet. Ainsi en est-il dans la question de l’existence de Dieu. Les raisonnements spontanés que nous étudions mettent en relief le fait de l’existence et par là nous font atteindre ce qu’on appelle la nature physique de Dieu, quelque chose sans quoi Dieu ne serait pas Dieu, cf. Theoîogia Wirceburgensis, De Deo uno, n.15 : Secundum aliquod prædicatum essentielle cognoscitur Dei essenlia præsertim physica. Et en même temps les dénominations extrinsèques tirées de ses œuvres, par lesquelles nous concevons cette cause existante, nous donnent d’elle une notion qui ne pourrait pas s’appliquera quelque autre cause que ce soit, per prxdicata converlibilia.

Les vues des cartésiens sur le sens de la conclusion dans les preuves de l’existence de Dieu sont à l’extrême opposé de celles des agnostiques croyants. Le passage suivant du P. Gratry les résume fidèlement. « Il est clair que, comme le dit Descartes, ce procédé donne du même coup la démonstration de l’existence de Dieu et la connaissance de ses attributs. Car Dieu ne peut être démontré qu’autant qu’il est démontré comme doué de ses attributs essentiels, sans quoi on aurait démontré l’existence de quelque autre chose, non celle de Dieu. La démonstration de l’existence de Dieu nous donne tout en même temps. » De la connaissance de Dieu, Paris, 1854, t. ii, p. 100. Mais, s’il en est ainsi, comment les païens ont-ils pu errer aussi grossièrement sur la nature de Dieu ; et pourtant, d’après saint Paul, ils ont assez connu Dieu pour être tenus de l’adorer, et pas assez pour éviter toute erreur sur Dieu. Le P. Gratry est ici victime du préjugé de « l’idée claire », au sens cartésien. La doctrine traditionnelle est que tous, moralement parlant, non seulement ont le pouvoir de produire, mais encore produisent l’acte de connaître Dieu ; et pourtant cette même doctrine enseigne aussi que la révélation est moralement nécessaire pour que tous arrivent sans mélange d’erreur, nullo admixlo errore, à connaître de Dieu, ce qui n’est pas de soi inaccessible à la raison. D’après les cartésiens, au contraire, Dieu prouvé, tout ce qu’on peut savoir de Dieu est connu, donné dans la conscience. On nous dit que si l’on ne démontre pas Dieu, comme doué de ses attributs essentiels, on ne démontre pas l’existence de Dieu, mais celle de quelque autre chose. Nous accordons qu’il faut que la preuve atteigne quelque chose d’essentiel. d’intrinsèque à Dieu, sinon Dieu ne sérail pas distingué suffisamment du reste des êtres ; et nous avons dit que ce que la preuve spontanée par la causalité atteint de la sorte est précisément et directement le fait de l’existence divine. Quis auteni, vel qualis sit, vel si unus iiiiihiiii est ordinator natures, nondum slaiim ex hac communi consideraliune habetur.

Contra génies, l. III, c. xxxviii. El ailleurs le même docteur explique que la preuve nous apprend d’abord de Dieu an est, quod scilicet omnium est causa et par conséquent qu’il est distinct du monde ; mais il reste à chercher ca qux necesse est

quod est prima omnium eau ns omnia sua

causala. Sum. llteol., I a, q. XII, a. 12. En d’autres termes, nous connaissons Dieu d’abord par ses attributs relatifs, qui nous servent à le désigner comme existant à l’aide de dénominations extrinsèques ; reste à le connaître au sens absolu, comme la cause de droit de tout ce qui n’est pas lui, comme l’existence nécessaire et par suite comme l’infini, etc. On a vu que nous ne voulons pas des pures dénominations extrinsèques des agnostiques ; c’est une hérésie. L’Ecole rejette aussi le cartésianisme en tant qu’engoué d’idées claires il nie la valeur de toute connaissance par dénominations extrinsèques.

On objecte à la fois, dans des intentions différentes, du côté agnostique et du côté cartésien, que nous tombons dans l’agnosticisme. La réponse est facile. Quand nous affirmons l’existence objective de Dieu, per praidicalum identificatum, ce que n’arrivent pas logiquement à faire les agnostiques croyants, et que nous disons que cette existence est affirmée d’abord du sujet Dieu, désigné par des dénominations extrinsèques, per relaliva, per prædicatum convertibile, nous avouons que dès le premier raisonnement par lequel l’esprit infère l’existence de Dieu, il ne porte pas de jugement déterminé sur la nature intrinsèque de la divinité. Mais il y a plus qu’une nuance entre ne pas distinguer des éléments objectifs du connu et ne pas les atteindre du tout. Nous reconnaissons avec saint Thomas qu’en vertu du premier raisonnement spontané, l’esprit ne distingue pas par exemple la personnalité divine ; cela ne veut nullement dire qu’il ne la perçoive pas implicitement. Ceux-là seuls peuvent confondre ces propositions, « Dieu n’est pas perçu d’une façon distincte comme personnel, infini ; Dieu n’est pas personnel, infini, » qui ignorent ce qu’est la différence entre la connaissance pênes implicitum et explicitum. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol., I », q. xiii, a. 2, 7, ad l um. Autre chose est de dire : la conclusion du premier raisonnement par lequel on arrive à la première connaissance certaine et personnelle de Dieu ne se présente pas sous la forme de ce jugement : Dieu est personnel, infini ; autre chose est de dire, il n’est ni l’un ni l’autre. Quamvis Deus cogitari possit sine hoc quod bonitas ejus cogitetur, non tamen potest cogitari quod sit Deus et non sit bonus. D’un autre côté, dato quod ab aliquo non cognoscatur ut jus/us, non sequitur quod nullo modo cognoscatur. De veritate, q. x, a. 12, ad 9'"" sq. Cf. De potentia, q. vii, a. 5, ad 8 anl. L'Église a depuis longtemps condamné comme hérétique la doctrine d’après laquelle nos jugements sur Dieu sont indifférents. Denziuger, n. iôô. D’ailleurs, un examen attentif du contenu réel de cette conclusion : « un ordonnateur, une cause de l’univers, existe o, découvre qu’obtenue par inférence causale et par le procédé même qui nous manifeste l’existence de son objet, l’idée du sujet de la phrase implique la personnalité, etc., soit à cause que l’esprit le saisit comme supérieur à nous, soit en vertu du principe de raison suffisante que l’esprit applique en même temps que celui de causalité, sans avoir une conscience nette du procédé qu’il emploie. D’ailleurs, rien de plus facile que de passer de l’implicite à l’explicite, de la connaissance confuse qui atteint mais ne distingue pas les notes intrinsèques de Dieu à une connaissance distincte. Nous pensons Dieu à ce stade par exemple comme cause ; s’il esi cause, il a le pouvoir de produire, est un raisonnement facile. Ensuite, dès que Dieu est connu exister sous le concept de cause de fait des

choses, de la nature de l’effet, il est facile aussi de remonter à celle de la cause, en vertu du principe que toute cause produit son effet par un principe qui est antérieur a l’effet et intrinsèque à la cause. Qui finxil oculum, non considérai ? Ps. xciii, 9. Voir col. 784. Cf. De veritate, q. H, a. 3 ; In IV Sent., l. I, dist. XXXV, q. i. a. 2. Si donc la conclusion du premier raisonnement par lequel on arrive à affirmer rationnellement l’existence de Dieu n’est qu’un simple jugement existentiel, le sujet de ce jugement n’est pas conçu par de pures dénominations extrinsèques ; et des inférences très simples permettent d’expliciter vite le contenu de la première idée de Dieu et de passer de la connaissance confuse à des jugements déterminés objectivement valables sur sa nature intrinsèque. Si l’homme fait son devoir, le progrès ne manquera pas de se réaliser et le secours de la providence ne fera pas défaut. Ainsi l’agnosticisme est écarté, mais de telle sorte que, d’une part, les dogmes de l’absolue incompréhensibilité de Dieu et de l’invisibilité naturelle de Dieu et la doctrine patristique de l’impossibilité d’une connaissance quidditative de l’essence divine soient hors de toute atteinte, et que, d’autre part, l’imperfection de notre connaissance de Dieu reçoive une explication, qui rende intelligible le fait des erreurs sur Dieu chez les païens et la possibilité du progrès dans la connaissance naturelle de Dieu. Dieu est incompréhensible, naturellement invisible, de plus nous ne pouvons pas ici-bas connaître de Dieu quidest, ut est in se, on pour parler avec les Pères nous savons de Dieu seulement quia est et non qttiil sit. La doctrine de l'École rend compte de toutes ces thèses. Car puisque, d’un côté, nous ne pensons Dieu qu'à l’aide de concepts tirés des créatures, et puisque, d’un autre côté, certains attributs de Dieu sont absolument incommunicables, il est évident que nous ne pouvons avoir ni la compréhension, ni la vision intuitive naturelle, ni une connaissance qui nous représente l’essence divine comme elle est en soi. Cf. S. Jean Damascène, ! >< fide orthodoxa, l. I, c. il, iv, /'. (', ., I. m : iv, col. 791, 800. Une représentation de cette dernière espèce serait quidditative et se défini !  : cognoscere de re omnia prædicata quidditativa usque ad differenfiam vel quasi differentiam ullimam, eam

Ipiendo proprioet positivo conceplu. L’impossibilité d 'm iif connaissance abstraite de ce genre relativement divine suil immédiatement du fait que les œuvres de Dieu n'épuiseni pas son pouvoir. Cf. S. mas, Sum. theol., I », q. xti, a, Il sq. Mais ces mêmes œuvres nous permettent d’avoir quelque connais de la quidditédivim ère quodeumque prsedi le, ce que Bossnel traduit o connaître les i" - 1 1 1 — lesquelles Dieu neserail pis Dieu.

Saint Thomas pour signifier la même d lit que

nous | nnaitrcDieu secundum eubslanliam, oi

ndum ijti., 1, , se est, Sum. theol., l.q. xiii. a. 2 ;

ad - '" ; et Suarez précise : cognoscere de re qûid licatum quidditalivum

..nu tantum ut commune n utproprium.

aph., 'li i'. sect. xii, n. 9. Cf. S. ThoDe verilale, q. ii, a. I, ad 9um sq. Mais, en vertu même du procédé p ; ir lequel cette connaissant

nue, elle i si d’abord confuse et mêlée d'élémi nts i confuse, p ; irce qu’elle pri

i I Dieu coi aliquid supi

m ab omnl Thomas, Sum. theol., I q. xiii. d - ' un léi d éli menti in. car |*ex lîvine n’est

muni. pi S qui implique |., tu. ii «, n.i, i, i, '. comme l’a forl bii n en n lief lllingworth, I. and

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Bossuet, « des images grossières, indignes de la pure essence » divine. Œuvres oratoires, édit. Lebarq, t. v, p. lOi. On a beaucoup abusé de ce fait psychologique pour essayer de montrer que nous n’avons le choix qu’entre l’agnosticisme à la façon de M. Le Roy et l’anthropomorphisme. Mais c'était oublier, d’abord que toute notre connaissance de Dieu n’est pas symbolique, ensuite que le procédé rationnel par lequel nous l’obtenons nous permet de distinguer ce qui convient à Dieu et ce qui tient à l’imperfection du symbole, enfin comme le remarque saint Thomas : hoc quod in modo significandi (metaphorice) importetur aliqua imperfeclio non facit prsedicationem esse faisant vel impropriam, sed impèrfectam. In IV Sent., 1. 1, dist. XXII, q. I, a. 2, ad i'"" ; De veritate, q. x, a. 7, ad 10'"". Suarez explique avec son habituelle exactitude et profondeur la même doctrine. Disp. metaph., disp. XXX, sect. xii, n. 12 ; De anima, l. IV, c. iv, n. i ; c. v. Cf. Mayr, Philosophia peripatelica, part. IV, disp. IV, q. ii, a. i, Ingoldstadt, 17 :  !  ! ). I. iv, p. 424. Ce que disent saint Thomas, Suarez et après eux Bossuet se trouve d’ailleurs clairement dans saint Augustin, à propos de Josué, xxiv, 23. Queestiones in Heptateuchum, l. VI, c. xxix, P. L., t. xxxiv, col. 790. Cf. De Trinitate, l. I, c. i, n. 1, t. xlii, col. 819-820.

Si l’on a eu tort de conclure de la confusion de notre première idée de Dieu à l’agnosticisme, et des images grossières qui l’accompagnent à l’anthropomorphisme ; s’il est totalement faux qu’un païen et un chrétien parlant de Dieu ne s’entendent que par la fonction religieuse dont la représentation que le nom de Dieu désigne serait le symbole, dételle sorte qu’abstraction faite du contenu de cette représentation le païen parlant de Jupiter et le chrétien du vrai Dieu n’attacheraient à la divinité aucun autre sens que celui de l’identité des rôles que Jupiter et Jahvé jouent par rapport à différentes dénominations religieuses, cf. Belot, Note sur la triple origine de Vidée de Dieu, dans la Bévue de)i>< : t<ipl<ijsi</ue et de morale, novembre 1908, p. 717, il reste vrai que l’imperfection de cette idée primitive de Dieu rend possibles les erreurs sur la nature divine et que la doctrine scolastique rend compte de cette possibilité. Saint Augustin, De vera religions, c. xxxvii. /'. L., t. xxxiv, col. 132, énumère les diverses créatures que l’on a confondues avec le créateur, l'âme, les puissances génitales, divers animaux, les astres, le ciel, le m on de conçu connue animé etc., et l’on s, lit ; isse/ que les pi iriis avaient multiplié les dieux anthropomorphes. Deux passages de saint Iîonaventure donnent l’explication des faits. Quæst. dispul, île mysterio Trinilatis, q. i, a. I, ad 3 in ; q. ii, a. 1. Le païen, dit-il, ne conçoit pis Dieu connue le bien absolu (superlatif absolu), mais plutôt par voie de comparaison (superlatif relatif), ut 0/17110/ païens, quod homo non potes t. ('.< superlatif relatil di bien le Mai Dieu, et ainsi c’est bien le vrai Dieu que uvre au païen l’instinct naturel ; mais, comme b' fait remarquer Lossada, Summulæ, Barcelone, i' 138, Dieu ainsi connu ne se présente pas à l’esprit

l’unicité ; leexclamations rel par Tertullien montrent que s, m-- la croûte des ei reura du polythéisme sommeillai ! l’idée de l’unité de Dieu, mais les païens peu Instruits n j prenaient pas gardi i ne se ie nil.i ien i pas compte de la contradiction de leurs propri Idéi sur la divinité. Aussi, dit saint Bonaventure, (/nia homines tunt opinait illud esse Deum ip"tti, , iti humanum lut hutnemum

teire, et hoc viderunt / lide runt que dit saint Bonaventure du

n’ile d. di ne 1 puisque saint

Paul a écril : qua immolant ger im molant, et non Deo 1 < "i.. J" d cuit* di . ' ! 1 la, d 'i' 1.1 nalui. 1

plique donc par la confusion de l’idée spontanée de Dieu et aussi par les dénominations extrinsèques à l’aide desquelles à ce stade Dieu se trouve désigné. Cependant le livre de la Sagesse et saint Paul nous apprennent que l’erreur des païens était coupable. La doctrine classique rend compte de cette culpabilité, puisqu’elle explique comment ils ont un vrai pouvoir physique de connaître Dieu ; bien plus, en ajoutant que ce pouvoir est personnel, qu’il passe facilement à l’acte, elle nous permet aussi, même dans l’affreux châtiment qu’est le paganisme ou l’athéisme spéculatif, d’admirer la suavité de la providence divine, qui a si bien ordonné toute chose à notre salut que l’idée de Dieu est toujours prête à jaillir de nouveau, surtout si l’homme ne néglige pas de suivre la voix de sa conscience morale et ne corrompt pas violemment sa nature. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 4. Observons en finissant que la solution scolastique du problème de la connaissance spontanée de Dieu, tout en mettant en relief la nécessité morale de la révélation, voir col. 824 sq., et la grande différence qui existe entre la connaissance spontanée de Dieu et celle qui nous vient de la révélation ou de la spéculation philosophique, cf. S. Thomas, Cont. gent., 1. I, c. iv ; Sum. theol., Il a II æ, q. il, a. 4, a le grand avantage d’assurer l’homogénéité de l’idée de Dieu à tous les stades de son développement naturel. Le lecteur remarquera, en effet, dans ce qui va suivre, que le même principe de causalité, efficiente ou finale, par lequel l’homme peut d’après les Pères et les scolastiques arriver par luimême à l’affirmation de l’existence de Dieu confusément conçu, cgmmande toutes les démonstrations scientifiques de l’existence de Dieu dont les conclusions contiennent implicitement toute la théodicée.

Dans tout cet exposé nous avons procédé en théologien. On nous permettra pourtant de mentionner ici que l'étude directe des faits, au grand émoi des historiens athées et évolutionnistes des religions, confirme l’enseignement traditionnel. Malgré les indéniables difficultés de l’observation en pareille matière, malgré aussi la chance de mal interpréter les faits observés, il devient de jour en jour expérimentalement plus manifeste que la religion de tous les peuples contient quelque idée de la divinité, conçue comme un être relativement supérieur : c’est la formule des scolastiques, c’est la pensée des Pères, et M. Lang l’a retrouvée. Cf. Christian Pesch, Der Gollesbegriff in den heidnischen Beligionen des Alterthums, der Neuzeit, 3 fascicules, Fribourg-en-Brisgau, 1888 ; Lang, The making of religion, 2e édit., Londres, 1900 ; Schmidt, enquête poursuivie méthodiquement dans Anthropos ; Mo' Le Roy, La religion des primitifs, Paris, 1909, p. 170-198 ; Bugnicourt, art. Animisme ; Condamin, art. Babylone et la Bible, VI, dans le Dictionnaire apologétique, Paris, 1909. Neque enim erant ab initio. Sap., xiv, 13.

Outre les ouvrages cités dans le corps de l’article, voir Petau, Theol. dogmata, t. i, De Deo, 1. I, c. i-iv ; Thomassin, Dogmata theologica, t. i, 1. 1 ; Staht, Die naturliche Gotteserkenntniss aus der Lehre der Vàter dargestellt, dans Der Katholik, 1861, t. 1, p. 9, 129 ; Franzelin, De Deo uno, sect. i, ii, surtout th. vi, x ; Heinrich, Dogmalische Théologie, Mayence, 1883, t. iii, p. 35-113.

II. CONNAISSANCE RÉFLÉCHIE El SCIENTIFIQUE DE

l’existence de dieu. — La connaissance infléchie de l’existence de Dieu est celle où l’esprit prend nettement conscience des procédés par lesquels cette existence est connue avec certitude. Cette conscience suppose qu’on est en possession de l’idée de Dieu ou, comme dit saint Thomas, qu’on en connaît au moins la définition nominale. Les théologiens appellent scientifique la connaissance de Dieu, soit en raison de la Valeur des preuves qui l’appuient ; soit en raison du

dispositif où ils les présentent. Ils ne veulent pas dire que c’est aux sciences, telles que les modernes les entendent, qu’il revient de prouver l’existence de Dieu. Mais, pour eux, 1° l’existence de Dieu est une vérité scientifique en ce sens que, sans avoir l'évidence immédiate des premiers principes ou des données de l’expérience, elle a l'évidence médiate d’une conclusion correctement déduite. C’est là le sens large du mot scientifique, qu’on retrouve dans la vieille définition : l’ropositio scibilis scioitia proprie dicta est propositio necessaria, dubitabilis, nala fieri evidens per proposiliones necessarias ecidenter)>er discursum syllogislicum ad eam applicatas. 2° La théologie naturelle ou théodicée tient à présenter ses preuves de l’existence de Dieu dans un ordre naturel et scientifique, qui permet à la connaissance de progresser du connu à l’inconnu, et d’appuyer constamment les conséquences sur les principes : dispositif qui vaut à la théologie à la fois son unité d’exposition, la ferm » té de ses constructions doctrinales, et qui donne à ses thèses l’aspect élégant et solide de théorèmes à la façon d’Kuclide.

Pour enlever ici toute équivoque, il ne s’agit donc point d’une démonstration mathématique. En effet, par démonstration mathématique, ou bien on entend un raisonnement qui va du même au même ou à l'équivalent, et nous avons déjà expliqué, col. 770, pourquoi le procédé mathématique ne démontre pas Dieu ; ou bien on entend une preuve qui arrache l’assentiment et produit la conviction dans n’importe quel esprit, comme le font par exemple les premiers théorèmes d’Euclide. Jamais l’ancienne tradition ni les théologiens, en soutenant la démonslrabilité de Dieu, n’ont prétendu que toutes les preuves de l’existence de Dieu s’imposent à l’esprit de chacun avec cette force. Clément d’Alexandrie en donne déjà la raison. Il distingue la connaissance confuse de Dieu qui s’impose à tous, et la connaissance moins imparfaite qu’en ont eue les philosophes grecs, Strom., V, c. i, xiv, P. G., t. ix, col. 15, 196 ; de l’une et de l’autre de ces connaissances il reconnaît qu’on les met en question, soit à cause de leurs conséquences morales, soit à cause de la difficulté intrinsèque du sujet, lbid., c. mi. col. 121 sq. Le même auteur avertit aussi que Dieu n’est pas connu lmavi^.i t/j <x-oZi : x-r/.?, , ce qui signifie exactement ce que les scolastiques expriment en écartant du problème actuel toute démonstration propter quid. Car Dieu n’a point de cause. Il n’est donc question que d’une démonstration a posteriori, ex effeclibus.

Toute démonstration, pour être légitime, suppose des prémisses vraies, ab eo quod res est aut non est oralio dicitur vera vel falsa, et dont la vérité est saisie par l’esprit. Mais la vérité des prémisses d’un raisonnement peut être intuitive et tellement manifeste qu’elle frappe tous les esprits ; il en est ainsi de la vérité des propositions qui énoncent des faits d’expérience commune ou des inductions spontanées sur ces faits ; dans les cas où la vérité des prémisses apparaît ainsi à l’esprit, l'évidence des prémisses rejaillit sur la conclusion, qui est elle-même déclarée non seulement certaine, mais évidente pour tous. Quand on dit que l’existence de Dieu est démontrable, on ne prétend point que les prémisses et la conclusion y soient nécessairement et pour tous évidentes à ce degré. Cf. Suarez. De dirina substantiel, 1. I, c. i, n. 20 ; d’Aguirre, Theologia sancti Anselmi, tr. II, disp. XII, sect. i. n. 11, Rome, 1688, t. 1, p. 251. Aussi Vasque/, écrit-il, en transcrivant presque Bannez, Commentaria in l li <", q. ii, a. 3, Venise, 1587, col. 227. advertendum est talis natures esse eas demonstrationes ut in eis ea vis et evidentia requirenda non sit qux in mathemalicis reperitur, sed quam naturalis, aut melaphysica, vel moralis scienlia exposcit : ad /< ; « enim tria capita

omnes, quas subinde adducemus, refcruntur. In 7 aul, disp. XX, c. iii, n. 9. Ces nuances n'étonneront que ceux qui ne connaîtraient qu’une seule espèce d'évidence, la fulgurante, et une seule espèce de certitude, celle qui exclut la possibilité cie tout doute, même sophistique. Voir Croyancf., t. iii, col. 2388.

Ces équivoques dissipées, et c’est pour les éviter que dans notre langue nous parlons plutôt des preuves que des démonstrations de l’existence de Dieu, quand on dit que Dieu est démontrable, cela signifie que son existence se prouve par un syllogisme, pariens scienliam. Cf. Frassen, Scotus academicus, 1. 1, tr. I, a. 1, q. ni, Rome, 1900, 1. 1, p. 116. On sait qu’Aristote définit la démonstration : syllogismus conslans ex veris, priet immediatis notionibus, causisque conclusionis. Anabjt. post., l. I, c. n. Cette définition convient spécialement à la démonstration désignée sous le nom de propter cjuid, dans laquelle les prémisses doivent contenir les causes de la conclusion dans l’ordre ontologique. Les logiciens expliquent comment la même définition s’applique à la preuve a posteriori, mutatis mutandis. Kans cette dernière, les prémisses ne sont plus les causes de la conclusion que dans l’ordre logique. Prsemissse, dit Lossada, sint causée conclusionis saltem in cognoscendo, licet non in essendo, ita scilicel ut objectum præmissarum, quamvis non sil causa vel radix ohjccti conclusionis, sil lamen tilulo neccssariæ connexionis efficaxmotivum et ratio cur assentiamur ><*iniiis objecto. Cursus philosophions, Logica, tr. VI, disp. II, c. ii, n. 6, Barcelone, 1883, t. iii, p. 252. Quand donc on se demande dans l'École si Dieu est démontrable, le sens revient à ceci : l’esprit humain peut-il d’une façon réfléchie, artificiellement, être déterminé à un jugement existentiel certain sur Dieu, par le moyen d’une connexion nécessaire saisie entre lui et ses œuvres ?

A la question ainsi posée, depuis le maître des Sentences jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, lous les théologiens, sauf Pierre d’Ailly et Nicolas d’Aulrecourt, col. 769, ont répondu par l’affirmative et très catégoriquement. Pierre Lombard, Sent., l. I, dist. 111, appuyé sur Rom., l, 20, sur saint Ambroise et saint Augustin, avait montré comment par les créatures le créateur Ire connu, et indiqué brièvement les raisonnements par lesquels nous arrivons à voir intellectuellement d’une façon réfléchie les perfections invisiblesde Dieu. L'École entière l’a suivi. Ces dernières années <>n ; i cherchée mettre en doute l’accord des scolastiques sur ce point ; le 1'. Fox, pauliste américain, a déterré un opuscule de Scot. d’authenticité d’ailleurs douteuse, pour insinuer, plutôt que pour conclure net lemi nt. '[' ! ' Scol rejetait la doctrine commune, Seotus redivivus, dans The New Yorh Revicw, juin 1905, p, :  ; .">. d’autres ont mis en avant dans le même sens [et noms de quelques nominalisles comme llolcolt, etc. Mais quand on étudie les textes, on remarque vite que le mot démonstration a bien que durant la

! ' en(  de logique formelle des xiv el

, on raffina beaucoup, surtout parmi les nominaliatea, sur les différentes i pèces de démonstration, t qu’en aorome b rares auteurs qui énoncer* ni la thèse que Dieu n’est pas démontrable, entendaient

snn|il nt qu’elle n’est pas <i genre des preuves

mathématiques, ni une démonstration polissima, ni

une démonstration quia, ea effeclu, m.iis seulement

lilanti, etc., louti façon étranges pour

ner. mais qui i <. iennent exactement <

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I, In I V Sent., I. I. prologut, q. ii-vi, lu. 15" i. i' 15-W i n - qui ' ont i n< Si ol l ra> tat

dit. iv 38, M. on

n’a pas remarqué qu’il ne s’agit nullement dans cet opuscule de la démonstrabililé de l’existence de Dieu, mais seulement de la démonstrabilité de certains attributs de Dieu, vivus, sapiens, volons, unions, ce qui est fort différent. Le P. Fox aurait pu noter aussi que Scot ne se demande pas simplement si l’unité et la personnalité divines peuvent se démontrer, mais qu’il examine si lelsou tels arguments les démontrent d’une manière rigoureuse ; les arguments dont il entreprend l’examen critique sont du genre de ceux qui emploient ce qu’on appelle un médium physicum. Scot paraît ne pas les accepter, comme plus tard Suarez les rejettera ; de ce fait conclure que Scot n’a pas enseigné la thèse de la démonstrabilité de Dieu, ou même l’a mise un instant en doute, c’est raisonner à peu près comme si du fait que l’auteur de cet article tient pour inefficace la méthode d’immanence on concluait qu’il n’admet pas la démonstrabilité de l’existence de Dieu ; la mentalité de Scot dans son examen critique est la même que celle de Suarez : plus un théologien est convaincu que Dieu est démontrable, plus il est sévère dans l’examen des preuve-. Cf. Scot, In IV Sent., l. I, dist. ii, q. iii, n. C, à la lin. Il peut se tromper dans ses appréciations, et peut proposer comme valable une démonstration défectueuse, ce que ses contemporains ou la postérité ne manqueront pas de remarquer ; mais son effort même, quoique malheureux, est une preuve de son adhésion à la thèse de la démonstrabilité. Ajoutons d’ailleurs que Scot est dans le reste de ses ouvrages très catégorique en faveur de la thèse traditionnelle, et que le prince des nominalisles Occam ne l’est pas moins, bien qu’il hésite sur la rigoureuse démonstrabilité de l’unité divine, comme plus tard Molina, partisan déclaré de la démonstrabilité de l’existence, sera moins affirmatif sur la démonstrabilité de l’infinité. Molina, Coniment. in /" », q. vii, a. 1, Venise, 1602, p. 60. Cf. Occam, In IV Sent., l. I, dist. II, q. x, a.*l ; Biel, ibid., p. 93.

L’accord des scolastiques va plus loin. Ils donnent une note théologique à l’opinion qui nie la démonstrabilité de l’existence de Dieu. Saint Thomas la qualifie d’erreur, Cont. genl., l. I, c. xii ; ailleurs, De veritate, q. x, a. 12, il la déclare manifestement fausse, invenitur

hoc quod est Deum esse rationibus irrefragabilibus ctiam a philosophie probatum. Cf. Scot, In IV Sont., 1. I. dist. II, q. ni, n. 7. Iiannez, parlant de l’opinion de Pierre d’Ailly, écrit : H sec sententia est temeraria et ut quibusdam videtur erronea. Sed nihilominus mihi distinguendum videtur. Si enim quia neget naturaliter posse cognosci quantum sat est ad obligandum Iwmincs ad cultum Dci, negare Deum esso demonstrari posse est hæresis ; si qui autem dicunt non demonstrari secundum artem ar.slotelicam, <<"// est error in fuie, sed in physica aut melap/n/sica, et temerarium in fide. Quapropler sil nobis cerla conclusio. Sententia sancti Thomas in secunda sua eonclusione (Dcmonslrabile est Deum esse démons ! rat urne quia, id est ea e/Jectibus) est certissima et oppositum ejut est temerarium. Scola commentaria m /"", q. il, a. 9, Venise, 1587, p. 216. Molina est plut aflinnatif encore que Bannezj il cite l'Écriture, Rom., 1, 20 ; Sap., xiii ; Pa. xviii, 2, et l’interprétation des Père a et il conclut : Ex his palet non solum temerarium, sed in ftde minime lutum esso, ne ampliui ti> iars lecundam

propositani. "/ ». cit., q. ii, > 2, p. 35. Suarei danc n métaphysique constate que les thi traitent d’erreur l’opinion de Pierre d’Ailly melaphyt., disp. X, tect. n. n. 8, dans son ou théologique mr Dieu on lit Dieu oalde consentant naturali d iemonstrai /

>l hOC nrgarc tenu « Trac tatus de divinu subit antia, . I, e. t, n.l3j

c. vi, n. 7. Cf. Valentia, In [<" » , disp. I, q.ii, p.ii, a. 2 sq. Vasquez attaqua non pas, comme on l’a prétendu, la démonstrabilité de Dieu, mais la rigueur des censures

que l’on donnait ordinairement à l’opinion de Pierre d’Ailly. In l iiii, disp. XX, c. III, n. 8. Il opinait que les textes scripturaires et patristiques n’exigeaient pas la possibilité d’une démonstration qui donnât la certitude ; car, disait-il, on prétend que la certitude est nécessaire pour expliquer comment ceux qui nient Dieu sont inexcusables ; mais ad hoc ut non possentexcusari, satis est si probabilissimam quamdam et prudente » ! nol’Uiam habere po unissent. Quelques scotistes se rangèrent du côté de Vasquez ; tels Smising, tr. I. disp. I, n. 00 ; Ilerincx, Sum. theol., part. I, disp. I, q. il, a. 3, Anvers, 1680, t. I, p. 22. Sylvius, In i ai ", q. il, a. 2, concède à Vasque/, que l'Écriture ne décide pas la question, mais se retranche derrière les Pères. Suarez montra la « frivolité » des raisons de Vasquez, parce que l’Ecriture et les Pères insistent sur l'évidence de la connaissance discursive de Dieu obtenue par le moyen des créatures, et aussi parce qu’il fallait bien pour l'état de nature pure en venir à une certitude rationnelle absolue et par conséquent à la possibilité d’une preuve évidente au moins pour quelques individus ; et donc aussi pour notre état. Op. cit., c. i, n. 1522. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Il" D>, q. i, a. 5, ad 3um. Le sorboniste Cxamache se rallia à Suarez et soutint la démonstrabilité évidente jusqu'à la certitude comme une donnée de la tradition. In I am, q. il, c. il. Le grave Ysambert enchérit même sur Suarez contre Vasquez. Comme Valentia et Molina, de ce que ni l'Écriture ni les Pères ne parlent d’une très grande probabilité, mais bien d’une certitude de l’existence de Dieu produite en nous par le moyen des créatures, Ysambert conclut que la démonstrabilité de l’existence de Dieu par les œuvres divines paraît être une doctrine révélée, videatur de fide. Dispululiones in I*"', q. ii, disp. I, a. 3, Paris, 1643, p. 34.

Nous nous trouvons donc en présence d’un accord moralement unanime de l'École durant plusieurs siècles en faveur de la thèse de la démonstrabilité de l’existence de Dieu. Si les scolastiques, comme nous l’avons dit, n’ont pas censuré ceux qui soutenaient la proposition Deum esse est per se notum, ils ont considéré comme hérétiques, ou comme errants, ou comme téméraires, ceux qui excluaient toute preuve de l’existence de Dieu par le moyen des créatures. Vasquez et quelques autres ont mis en question la solidité de cette censure ; mais leur opinion n’a pas ébranlé l’ensemble des maîtres, et il est inutile de la discuter, puisque le concile du Vatican a défini que nous pouvons connaître Dieu avec certitude et enseigné que la raison « démontre les fondements de la foi, » dont l’existence de Dieu est le principal. Denzinger, n. 1656. Cf. Heinrich, Dogmatische Théologie, Mayence, 1881. t. i, p. 134 sq. Et cet enseignement officiel exclut le moyen terme imaginé par Vasquez pour laver de toute censure Pierre d’Ailly, dont il ne partageait d’ailleurs pas l’opinion. D’ailleurs, cet accord des théologiens ne s’explique pas par des préjugés philosophiques, puisque des auteurs qui, par exemple, n’admettent aucun des arguments de saint Thomas en faveur de l’existence de Dieu, comme Aurioli ou Lherminier, affirment la démonstrabilité aussi bien que l’ensemble des nominalistes et les autres écoles. Enfin tous en appelaient à l'Écriture et aux Pères sur ce point. Hujusmodi autem sententise falsitas ostenditur… tuni etiam apostolica veritate asscrente, Hom., i, 20, Invisibilia, etc., disait déjà saint Thomas. Cont. gent., 1. I, c. xii. Or, on sait que dans ces conditions l’accord des Écoles constitue un argument théologique valable. Cf. Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, th. xvii, Rome, 187"), p. 2U0. D’où l’on conclut qu’il est au moins témé de nier la démonslrabilité de l’existence de Dieu. Telle est la conclusion minimiste de Bannez, de Suarez el à leur suite du P. Pesch, Prselecliones degma ticæ, t. il, n. 29. Kleutgen propose la conclusion i n ces termes : Si quelqu’un reconnaît que Dieu peut être connu avec certitude par le moven des créatures, comme l’a défini le concile du Vatican, et nie qu’on puisse démontrer strictement, c’est-à-dire jusqu'à l'évidence, l’existence de Dieu, son assertion, bien que non hérétique, est néanmoins peu sure dans la foi. De ipso Ben, Ralisbonne, 1881, n. 156.

Si, laissant de côté- l’argument tiré de l’autorité de l’Ecole, on étudie la question en elle-même, on se trouve en face des faits suivants. D’après l’ensemble de l’Ecriture et de la tradition, entre Dieu, les créatures et la position par notre esprit d’un jugement existentiel certain sur Dieu, il y a une relation telle que la position de ce jugement découle de la connaissance des créatures. Voir col. 842. Tel est sans conteste le contenu de la révélation. C’est équivalemment dire que Dieu est démontrable a posteriori, dira-t-on ; et ainsi en jugent de fait les théologiens qui, avec Molina, Valentia, Ysambert, disent que la thèse que nous étudions est de foi divine. Non, disent les autres, il y a une nuance. Car l'Écriture ne dit pas explicitement tout ce que signifie la thèse que Dieu est démontrable. Cette thèse, en effet, dit que la relation entre les créatures et l’affirmation certaine de l’existence de Dieu est celle des prémisses à la conclusion ; elle dit aussi qu’il intervient dans le procédé suivi par l’esprit la connexion entre un terme plus connu et un terme moins connu, que cette connexion non seulement est perçue par l’acte direct de l’esprit, mais que l’esprit a la conscience réfléchie du procédé qu’il emploie pour conclure. Or, toutes ces précisions ne sont pas dans les textes scripturaires explicitement. Mais, ajoutent-ils avec Suarez, elles s’y trouvent à l'état implicite, loc. ci t., n. 13. L'Écriture, en elfet, nous propose de vrais arguments en faveur de l’existence de Dieu et nous invite par là à faire intellectuellement les actes que fait tout homme qui suit une démonstration : si ergo demonstratur, denwnslrabile est ; et si ratione naturali scitur Deum esse, etiam scimus nos hoc scire et demonstrare. Ces conséquences sont si naturelles, et les réflexions de l’esprit qu’importe le terme démonstrabilité sont dans l’espèce si faciles, qu’on en conclut à la note de témérité dans la foi contre l’opinion deXicolas d’AutreCourt et de Pierre d’Ailly. On ne voit pas, en effet, comment le contenu de la révélation reste intact, sj l’on nie la démonstrabilité de Dieu au sens où ce terme est pris dans l’Ecole. Voir col. 853 sq.

La même conclusion se déduit de la formule définie parle concile du Vatican. Denzinger, n. 1653. Quelquesuns font cette déduction par le raisonnement suivant. Le concile définit que l’homme peut connaître l’existence de Dieu avec certitude par le moyen des créatures. Or, il n’y a pas de certitude si l’assentissenient n’est pas fourni en vertu d’un motif qui exclut la possibilité' du contraire, el si l’esprit ne connaît pas clairement que toute possibilité d’erreur est exclue. Mais seule une démonstration proprement dite peut déterminer un assentiment de ce genre. Donc. Cf. Stentrup, De Deo uno, Inspruck, 1879, th. iv. p. 76 ; Hontheim, Institutions theodicex, n. 79 ; Frick, Logica, n. 210. 131. p. 133, 291. Ce raisonnement est fallacieux ; d’abord, parce qu’il s’ensuivrait que jamais la connaissance spontanée de Dieu ne pourrait donner la certitude ; ensuite, parce que dans la mineure on prend pour accordé que le concile en employant le mot certo a nécessairement fait sienne celle des diverses théories classiques sur la certitude et sur le critérium de la vérité que l’on adopte soi-même. Voir Ci'.uvanci :. t. m. col. 2389 sq. Il faut donc, si l’on veut déduire avec cer

titude du texte conciliaire la thèse de la démonstrabilité de Dieu, procéder autrement.

Le concile a défini que par la raison naturelle au moyen des créatures on peut arriver à connaître Dieu avec certitude ; mais, ou bien on reconnaît que notre connaissance spontanée de Dieu s’obtient par inférence causale, ou bien on ne le veut pas reconnaître. Or, dans les deux cas. pour satisfaire au concile, il faut admettre la thèse de la démonstrabilité. Dans le premier cas, la conséquence est évidente ; car dire que Dieu est démontrable quand on reconnaît d’ailleurs que c’est par une inférence causale qu’on obtient la certitude de son existence, ce n’est ajouter à ce que l’on concède déjà que la possibilité d’un retour réfléchi de la pensée sur son opération de façon à en constater la légitimité ; et, remarque Kleutgen, op. cit., n. 157, bien que ce retour réfléchi de la pensée ne soit pas nécessaire avant l’acte de foi à celui qui a la certitude spontanée de l’existence de Dieu, ni même, avait dil saint Thomas, Sum. theol., H » II », q. r, a. 5, ad 3um, à celui qui ne connaîtrait Dieu que par la foi humaine, on ne peut pas nier qu’il est souvent nécessaire soit avant soit même après l’acte de foi proprement dit. Si l’on opte pour l’hypothèse que notre première connaissance de Dieu n’est pas le résultat d’une inférence causale, ou bien on en explique la se par l’argument de saint Anselme, ou bien on a recours à quelque élément subjectif indémontrable. Hais l’argument de saint Anselme ne donne pas la certitude ; et l’expérience aussi bien que l’histoire de la philosophie et de la théologie nous apprennent qu’il l, i plan' à des doutes raisonnables sur la légitimité de la conclusion qu’il prétend imposer à l’athée. A plus forle raison en faut-il dire autant de tous les aystèmes qui fonl dépendre la certitude de la première connaissance de Dieu d’un élément subjectif indémontré et indémontrable et dont les titres ne peuvent pas s’expliciter à la raison. Cf. Pesch. op. cit., n. 25.

Sur ce point la pensée du i ordinaire n’est

ni douteuse ni équivoque. Le moyen âge condamna Xicolas d’Autrecouri. Voir col. 770. En 1835, 1 Irégoire VI reprochait à Hermès de ne pas rester fidèle a la doctrine catholique en ce qui concerne les argun par lesqui Is on a coutume d'établir et de confirmer l’existence de Dieu. Denzinger, a. 1620. La même année, on demanda à Bautain de signer que le raisonnement peut prouver rtitude l’existence de Dieu, i Voir Bautain. Cf. Denzinger, 10e édit., n. 1622. In 1843, la S. C. de l’Index demanda diverses correction, a (Jbaghs. En particulier l baghs ayant écrit :

ad quandam (idem, nul fundari in hac fide, i"i non tam videmu » quanx

jeu pet suasum » ooi est, ideam fidelem, id qui d > iden 'ia mete il

. l’Index observait : Qua ; verba signij ntur potius credi quam demonstrari Dei existen*

: quod quidem « vero omnino dislat. Cf. les détail* singuliers de l’affaire dan ? Dec Kalholik, 1865, l. i.

p, 210 ; 1866 i ii. p. 191. toutes les pièces ont été publiées par V Annuaire <lr l’université de Louvain pour 1876, el réimpi imées par Bouix, dans la H

miens, 1876, p. ô.Vi «. En Pie I rappela danune encyclique que la r

ils de la f., i. Denzinger, n 1635 ; el n inl ur ce ujel à propos des erreurs de rimer, en faisant mi ntion expre se de :

>. n. 1670. I n 1855, Bonnettj

la même proposition qu’on avait pro

1650. Les con

mon rent danle même

oir, p ir exemple, I" concili

d" i 1873,

i- ! ' Bordi aui en 1856, ibid,

col. f.'.'l. autrichien di

nui. i.t. t m i ot ( ITHOL

Vienne en 1858, ibid., t. v, col. 130 ; celui de Cologne en 1860, col. 27 1, 294, 300 ; celui de Kalocsa en 1862, ibid., col. 612 ; celui d’Utrechten 18(55, ibid., col. 746. On a vu plus haut, col. Si" sq., pourquoi le concile du Vatican n’a pas voulu employer le mot demonstrare dans la définition dogmatique qu’il a proposée à la foi de l'Église ; mais en se tenant sur la réserve, parce qu’il importait surtout de décider du pouvoir naturel que nous avons de parvenir à la première connaissance certaine de Dieu, le concile ne désavoua ni le saint-siège ni les conciles provinciaux que nous venons de citer. Certo cognoscere et demonstrare, dit le rapporteur, aliquatenus est unum idemque, et le concile eut soin de recommander à tous les fidèles de suivre les décisions du saint-siège. Voir col. 836. Depuis le concile, la direction du magistère n’a pas varié'. On sait que Léon XIII a donné une vigoureuse impulsion au retour à la philosophie de l'École, spécialement da saint Thomas. Or, dans une encyclique au clergé' de France, 8 septembre 1899, il expliquait que son but en poussant à l'étude de la scolaslique était surtout d’enrayer le nominalisme moderne, qui rend impossible la preuve des préambules de la foi. Acta l. rouis XIII, Rome, 1900, t. xix, p. 168. C'était redire après vingt ans ce que Kleutgen avait écrit dans l’encyclique JEtemi Patris, dont la rédaction lui avait été confiée : Et rêvera divinse Sapientise eloquiis graviter reprehenditur eorum hominum stullitia qui de. his quai videntur bona non poluerunt intelligere cum qui est, ne que operibus altendentes, agnoverunt quis esscl artifex. Tgitur primo loco magnus hic et prxclarus ex hu~ riiana ratione fructus capitur, quod illa. Deum esse demonstret : a magnitudine enim speciei et creaturæ cognoscibiliter poterit creatùr horion videri. Acta Leonis XIII. Home, 1881, t. I, p. 268. Ceux donc qui parmi les catholiques pensent que la question de la démonstrabilité de Dieu est une question libre, font preuve d’une connaissance peu ('tendue de la littérature officielle de leur Église ; il en faut dire autant d’un grand nombre d’autres qui prétendent être tout à fait en règle avec l’orthodoxie, parce qu’ils admettent une inférence causale dans la genèse de noire pren idée de Dieu, sauf a nier, pour excuser l’athéisme spéculatif, toute démonstrabilité proprement dite de I tence divine.

II. Exposé sommairi des preuves di l’existence de Dieu. — < » n peut étudier les preuves de l’existence de Dieu à un triple point de vue. qu’il imp de distinguer, I i « pie souvent il soit confondu parles auteurs qui traitent de ces questions : le vue historique, le point de vue pratique ou apoli tique, le point de vue scientifique.

Point de vue historique.

Placé a ce point de vue. on ne cherche à convaincre personne de l’existence de Dieu ni même à faire la critique des preuves qui ont été proposées dans le cours des lg< s, Ie but poursuivi est d< dresser un catalogue exact et coi

des ai. m n axant, d’en indiquer les nuai

les filiation'- el d en découvrir les relations avi doctrines soit des auteurs qui les ont employés, s oil de leur milieu Ces recherches ne vonl pas sans quelque danger de dilettantisme ou même de positivisme ; qui s’y livrent exclusivement et sans une lorte éducation philosophique, Unissent par opini r avec Ri nan i qu’il est plus important de savoir ce que l’espril humain i n problème, que d’avoir un ais hhceproi.i' m i i 1866, p. IX.

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IV. - 30

la période palrislique, Der Gottesbeweis in der patrislischen Zcit, Fribourg-en-Brisgau, 1869. Beaucoup de monographies sur différents Pères ou ( ; crivains ecclésiastiques contribuent à cette enquête ; elles ont été ou seront indiquées aux différents articles de ce dictionnaire. L’attention des érudits juifs et chrétiens s’est en Allemagne beaucoup occupée des arguments donnés par les grands docteurs du moyen âge, spécialement par saint Thomas. On a surtout étudié l’origine de l’argument du premier moteur, tel qu’il se lit au Contra génies, 1. I, c. xiii. On trouvera le matériel des résultats obtenus et des controverses pendantes dansRolfes, Die Gotlesbeweise beim Thomas von Aquin und Aristoteles, Cologne, 1898 ; Bæumker, Witelo, dans Beitrâge zur Geschichle der Philosophie des Mittelallers, t. iii, p. 288-343 ; Weber, Der Gottesbeweis ans der Beivegung bei Thomas von Aquin, Fribourg, 1902 ; Grunwald ; Geschichte der Gollesbeweise im Mitlelalter bis zum Ausgang der Hochscholastik, Munster, 1907, dans les Beitrâge, t. vi.

Ces essais sont encore très imparfaits pour bien des raisons qu’il serait fort long d’exposer. Qu’il suffise en général de mentionner que la critique actuelle des sources de saint Thomas dépend beaucoup trop du préjugé mis ù la mode par Renan, à savoir que saint Thomas fut surtout un adversaire d’Averroès et s’inspira principalement d’Avicenne. Les emprunts à Avicenne surtout par l’intermédiaire de Mairnonide ne sont pas niables ; il est certain, par exemple, que la terminologie du troisième argument de saint Thomas dans la Somme, I a, q. ii, a. 3, est d’Avicenne. Cf. Mairnonide, Guide des égarés, trad. Munk, Paris, 1861, t. ii, p. 19. Mais il n’est pas douteux que chez saint Thomas cet argument a un sens tout différent de celui que lui donnait Avicenne, puisque saint Thomas a constamment rejeté avec Averroès la distinction réelle de l’essence et de l’existence qu’admettait Avicenne. Cf. S. Thomas, In metaph., 1. IV, lect. il, n. 3 ; 1. X, lect. iii, n. 8 ; De ente et essentia, c. iv, voir le commentaire de Cajetan, q. v, x. On n’a pas assez remarqué aussi qu’en théodicée saint Thomas emprunte a Averroès ses arguments décisifs contre l’agnosticisme d’Avicenne et de Mairnonide et qu’en physique il modifie la théorie du mouvement d’Avicenne. Malgré tous ces défauts, les travaux publiés ont remis en lumière un fait que l’on avait perdu de vue depuis Cajetan et depuis Suarez, à savoir que saint Thomas à la suite d’Albert le Grand, Summa tlieol., part. I, tr. III, q. xviii, m. I, édit. Vives, t. xxxi, p. 119, mais avec beaucoup plus de sens critique, s’est grandement inspiré des philosophes arabes et du juif Mairnonide dans l’exposé qu’il nous a laissé des preuves de l’existence de Dieu. Il nous en avertit d’ailleurs luimême, Contra génies, 1. 1, c. xiii, procedamus ad ponendum raliones quibus tam philosophi quam doctores catholici Deum esse probaverimt.

Il faut donc distinguer dans saint Thomas deux sources : la tradition chrétienne qu’il reçoit du Mailre des Sentences, et la tradition péripatéticienne qu’il reçoit des philosophes arabes et juifs. Ce qui provient de ces derniers nous intéresse seul ici, et on peut le ramener à deux points. D’abord, saint Thomas emprunte à la philosophie arabe l’argument du premier moteur tel qu’il le développe dans le Contra génies, loc. cit. L’idée foncière de cet argument est la suivante : le changement est un passage de la puissance à l’acte ; c’est la définition du mouvement métaphysique et celle-ci n’est pas discutée ; mais, pense saint Thomas, aucun passage de la puissance à l’acte ne se fait dans le monde de notre expérience sans qu’un mouvement de translation, motus localis, moins physicus, n’ait précédé. Ce que Mairnonide exprime en ces termes : « Le mouvement de translation est antérieur à tous les mouvements et en est le premier selon la nature ; car même la nais sance et la corruption sont précédées d’une transformation ; et la transformation à son tour est préct

d’un rapprochement entre ce qui transforme et ce qui doit être transformé ; enfin il n’y a ni croissance ni décroissement sans qu’il y ait d’abord naissance et corruption. » Loc. cit., p. 13. Si donc on constate un changement, il y a eu mouvement local : Omne molum movetur ab alio ; mais cela ne peut pas se continuer à l’infini. Donc. Voir le développement du raisonnement dans Mairnonide, loc. cit., p. 29, et remarquer que saint Thomas emprunte au rabbin jusqu'à ses exemples : « cette pierre qui se meut, c’est le bâton qui l’a mise en mouvement ; le bâton a été mû par la main, » ] etc. Le second emprunt de saint Thomas consiste à dire que la non-éternité du monde ne se démontre pas ; proposition qui excila beaucoup de murmures, comme nous l’apprend saint Thomas lui-même dans son opuscule De xlernitate mundi contra murmurantes, et l’on sait que parmi ceux-ci se trouvait saint lionaventure. Voir t. iii, col. 2174. De là saint Thomas concluait que les preuves de l’existence de Dieu doivent être indépendantes de la question de la création proprement dite ou tout au moins du dogme de la création dans le temps. Cette position fut empruntée par lui à Mairnonide. Cf. Worms, Die Lehre von der Anfanglosigkeit der Welt, etc., dans les Beitrâge de Dæumker, t. m ; Raymond Martin, Pugio fidei, part. I, c. vi sq. ; Guttmann, Moses ben Maimon, Leipzig, 1908, t. i. p. 189.

Ces deux emprunts de saint Thomas à la spéculation orientale n’ont pas eu la même fortune dans les écoles. Bien qu’on trouve encore jusqu’au XVIIIe siècle cette question discutée par les auteurs, an eœistenlia Dei possil demonslrari permisso progressu in infinitum, bien que ce problème ait encore une grande utilité pédagogique, il semble que l’accord est fait pour le résoudre dans le sens de saint Thomas. Cf. l’exposé de la question dans Sertillanges, La preuve de Dieu et V éternité du monde, Paris, 1897 ; Les sources de la croyance en Dieu, Paris, 1905, p. 69 sq. ; Hontheim, Institutiones theodicese, Fribourg-en-Brisgau, 1893, n. 198. Ce qui ne veut pas dire qu’on s’interdise le droit de chercher à montrer directement la répugnance du progrès à l’infini, soit qu’on admette les nombres infinis, soit qu’on les rejette. Quant à l’argument du premier moteur tel que saint Thomas l’a compris, il y a longtemps qu’il ne s’enseigne plus, même dans l'École thomiste. L’histoire en serait fort curieuse, mais longue ; voici quelques points de repère sans discussion.

Pour Scot comme pour saint Thomas, les corps ont un lieuet un appétit naturel pour ce lieu. Cf. Sum. theol., I a, q. vii, a. 3. Ils l’atteignent ou y tendent par divers changements qui se font sous l’action des sphères célestes, celles-ci se communiquant de degré en degré le mouvement de la première sphère. Celle-là est mue par le premier moteur. Mais, observe Scot. dans ces conditions l’argument tiré de l’impossibilité du progrès à l’infini du mouvement local ne prouve pas l’existence de Dieu. En effet, 1. le principe quod movetur, ab alio movetur, entendu dans ce sens qu’un mouvement local précède tout changement, n’est pas un principe universel et nécessaire ; car il admet bien des exceptions, spécialement dans les êtres libres et vivants. L’induction ne prouve ce principe que dans les limites suivantes : quod movetur, ab alio etiam movetur, c’est-àdire rien dans notre expérience n’est la cause adéquate de son mouvement, cf. Suarez, Disp. melaphys., disp. XXII, sect. il, n. 23, 17 : si on l'étend davantage, il est faux, quia aliquid potest esse pi actu virtuali et i » potentia formali. In IV Sent., 1. I, dist. III, q. vii, n. 28 sq. Ce qui peut se traduire familièrement : dans le monde, il n’y a pas que des toupies à fouet, mais aus>i des toupies à ressort. — 2. D’ailleurs, si l’on adme ! l’hy

pothèse des Arabes sur le mouvement de translation cause de tous les changements, l’argument ne conclut pas à Dieu, vu qu’il ne conclut qu'à un moteur qui n’est pas mû par un autre et non pas à un moteur absolument immobile. Saint Thomas avait cru pouvoir passer d’un tel moteur à Dieu en s’appuyant sur « l’assomplion » d’Aristote, Physic, I. VI, c. x, édit. Bekker, t. i, p. 210, que les êtres simples ne peuvent être mus que par accident ; théorie qui suppose que tous les mouvements locaux sont des mouvements absolus, qu’il n’y a pas et nepeut pas y avoir de mouvements relatifs. Scot continue à penser, comme tout le monde jusqu'à Copernic, que de fait les mouvements de l’univers sont des mouvements absolus, bien qu’il entende ce mot dans un sens moins strict que ses contemporains ; mais son génie lui a fait remarquer qu’il n’est pas du concept de mouvement de translation qu’il y ait application d’un quantum sur un quantum ; il suflit, dil-il à propos desanges, de considérer l’espace parcouru ; c’est, en effet, ce que nous faisons tous aujourd’hui en mécanique dans les problèmes de composition des mouvements. In IV Sent., l. II, dist. II, q. ix. Donc, conclut-il, le premier moteur non mû par un autre, auquel aboutit l’argument emprunté par saint Thomas aux Arabes et à Maimonide, serait en réalité un moteur non immobile ; il ne serait pas plus immobile que notre âme : Ibid., q.u. —3. Dans ses Theoreniata, Scot attaqua d’une autre façon encore la preuve de l’existence de Dieu par un moyen terme physique ; mais dans ce passage l’argumentation du docteur subtil vise plus Albert le Grand que saint Thomas et déborde l’argument du premier moteur. Cf. Suarez, Dispul. metaphys., disp. XXIX, sect. i, n. 18.

Iles trois observations de Scot, les scotistes développai eut surtout la première ; les nominalistes. à fini leur occasionalisme ne permettait pas de suivre en ce point Scot, développèrent les deux autres. Voir les arguments d’Aurioli dansCapreolus, Defensiones théologies tancli Thomee, I. I. dist. III, q. i. Tours, 1900, t. i, p. 164. Cf. Occam, ibid. Les thomistes firent preuve pour défendre le texte et la pensée de saint Thomas d’une ingéniosité rare. Cf. Ferrariensis, Contra génies, 1. 1, c. xiii. Mais la subtilité des scotistes triompha, aidée Bans aucun doute par tout le mouvement scientifique qui devait aboutir à Galilée et : i l’application de l.i mathématique.i l'étude des mouvements réels. Aussi, après ; ioir vivement lutté spécialement contre le scoliste Trombetta, qui avait dédié Léon X son opuscule : De effleienlia primi principii… quid senserinl Aritlolelet <H Commentator Averroès) de effleienlia primi principii inftnitate inten , Venise, 1313, Cajetan >- signait ; i avouer dans la compilation qu’il écrivait sur la Somme de saint Thomas que l’argument du premier moteur ne conclut pas à un moteur pluimmobile que n’est l’Ame humaine. - /" l* iii, q. ii, a. : 1.. Suarez ne dit guère antre - 1598, lorsqu il i iul ! débat el

lut que lene. s, ntei mes physiques ne sufl

-n infinité. Disp. metaphys., disp. XXI) t ; disp. X. sect. n. On pouvait

croire la question vida Il n’en fui rien. Bannei prit la

position suivante.Sinomine motus solum intelligatui

nwlut physicut, b< mut quod per

solum de enilui a I i molorem i » i quidenx per se, per accident lamen potetl mobilis. En d’autres termes, li « m prend I

ment dans le - ni où bistoi iqui m » nt - uni Thon

runlé aux Irabi - il m conclut pas, el la critique me/ ajoute de ion cru :

8a d non débet iti, ., ehendal


ipplu oh, , potentiel i elUÛn motut metaphi

qualis est modo finis. El tune ratio ista sic débet disponi. Omne quod movetur quoeumque motu, sive spiritual), sire melaphysico, sive morali propter appelilum alicujus (i)iis superioris, ab alio movetur, el in islis motibus non datur processus in infinitum. Ergo deveniendum est ad unum motorem qui islis motibus est omnino immobilis, qualis est Deus. Scolaslica commentaria in 7 a "<, q. ii, a. 3, Venise, 1387, p. 230.

Depuis Bannez, on n’est, pour son école, thomiste que si l’on admet l’argument du premier moteur en transférant au concours divin ce qui fut écrit de l’action de la première sphère. Goudin prononce sans hésiter : Qui negant præmotioncin negare soient lioc axioma, quod movetur, abalio movetur, sicque expedilissimam scalam subruunt qua philosophi anliqui ad cognilionem Dei ascendebant. I’hysica, part. I, disp. III, q. vi, t. ii, p. 389. De nos jours, le P. de Munnynck pense de même : « Si Suarez n’admet pas l’argument du premier moteur de saint Thomas, c’est que cet argument favorise trop la prémotion physique. » Prælecliones de Dei existenlia, Louvain, 1904, p. 64. Les thomistes bannéziens font donc de l’argument du premier moteur un argument métaphysique, ex ratione metaphysica, non ex medio plujsico. Il en est de même des différentes espèces de néo-thomistes, qui ne sont pas bannéziens ; ils ont recours pour soutenir cet argument à diverses notions sur la limitation des êtres finis, sur la composition des êtres, sur l’acte et la puissance, etc., dont se servaient, il est vrai, les thomistes anciens à l'époque où ils défendaient encore contre les scotistes la valeur de l’argument de saint Thomas pris au sens de l’antériorité du mouvement de translation, mais qui n’ont aucun rapport telles qu’elles sont entendues par les néo-thomistes avec l’argument ex medio physico. Cette intervention récente du néo-thomisme a fait de cette question le carrefour le plus systématique de tonte la théologie, et on s’j querelle aujourd’hui en pleine obscurité. Du moins les bannéziens anciens sont-ils toujours restés fidèles au principe qu’on ne doit pas prouver les choses certaines par des opinions controversées ; c’est ainsi que Jean de Saint-Thomas refuse de se servir de la distinction i

de l’essena t de l’existence pour prouver l’infinité de

Dieu, parce que, dit-il. ce n’est là qu’une opinion controversée. /// / q. vii, disp. Vil, a. 1, n. 7, édit. Vives.

t. i, p. 696. De lie nie. le P. Lepidi considère avec D. Soto comme une question secondaire dans le thomisme l’existence distincte de cette entité'. Cité par Reinstadler, Elementa philosophie ! scolasticæ, Fribourg-en-Brisgau, 1907, t. i, p. 256. Les néo-thom ont abandonné cette Bage méthode et procèdent ainsi.

S.iinl Thomas a dit que l’argument du premier moteur

est le pins manifeste ; or, pour qu’il soit valable, au métaphysique où nous l’entendons, telles et telles hypothèses métaphysiques, telles entités, telles distinctions réelles oie., nous sont nécessaires ; c’est donc que d après saint Thomas ces hypothèses sont évidentes, D’où il suit que l’argument, que les néothon déclarent à l< le meilleur pour démontrer

l’existi nce de Dieu, est finalement basé' chez eux sur un appel à l’autorité du docteur angélique, interprété à sens. Sans discuter la question de fond, nous constaton qui l< néo-thomistes, par le moyen de considérations métaphysiques qu’Us déclarent très fondes, fondamental ! ibandonnent en réalité comme

tout le reste de l'École l’argument physique du pre t

moteur, tel que saint Thomas le reçnl di - < ib « Cf. Honll op. 'L, n

si. pour les raisons et de la mania reque noua n non »

d’indiquer, l’argument tindu mouvement de transi a

lion.i disparu de l l cole depuis pluaieu. il >

écu dans la ei quelques

philo i chez quelques apologistes de I

volonté. De nos jours, nous assistons au mouvement de réaction suivant. Beaucoup île philosophes ayant réduit au sentiment tout le fondement de la croyance en Dieu, les positivistes se sont mis à attaquer la légitimité de la connaissance sentimentale ; AI. Ribot, par exemple, a t'-cri t La logique <ics sentiments, en prenant pour accordé que la connaissance religieuse n’a pas d’autres origines que l'émotion, sauf à montrer dans tout son ouvrage qu’il n’y a là aucun moyen valable de connaître. Or, nous avons vu une levée de boucliers contre M. Jlibot : on croit rendre grand service à la religion en défendant contre lui « la logique des sentiments, » et on ne se rend pas compte qu’une telle apologétique est de nature à confirmer les positivistes dans leur erreur et, comme dit l’encyclique Pascendi, que jamais « le bon sens n’admettra que l'émotion soit un moyen sûr de découvrir la vérité. » Denzinger, 10e édit., n. 2106. Il s’est passé pour l’argument du mouvement local quelque chose de semblable. Hobbes, voir col. 776, Pascal, voir col. 805, et de nos jours Stuart M i 1 1 ont allecté de prendre cette preuve pour la seule valable ; puis, ils ont montré ou affirmé qu’elle n’est pas concluante ; et depuis Hobbes jusqu'à nos jours, il s’est trouvé des théologiens protestants, des philosophes et des apologistes pour réfuter Hobbes d’abord, puis Toland, lorsque celui-ci riposta que le mouvement, c’està-dire l’effort que fait un corps pour se transporter d’un lieu à un autre, est essentiel à toute matière. Cf. Samuel Parker, De Deo et providentiel, Londres, 1678, disp. I, c. xxviii ; Abbadie, Traité de la vérité de la religion chrétienne, sect. i, c. IV, Rotterdam, 1684 ; Samuel Clarke, Démonstration de l’existence et des attributs de Dieu, dans la Défense de la religion de Burnet, La Haye, 1740, t. iii, p. 13, 33 sq. ; Buddeus, Traité de l’atliéisnte, Amsterdam, 1740, p. 179. La polémique contre Stuart Mill, même après l’hypothèse de la nébuleuse, a rajeuni le zèle de quelques écrivains d’ailleurs bien pensants, qu’il vaut mieux ne pas nommer et dont il suffit de dire ici qu’ils eussent bien fait de se demander si leurs prétendues démonstrations, tirées de la physique et des mathématiques, n'étaient pas de nature à fournir une excuse aux athées bien informés. Cf. par exemple Keyser, The message of modem mathemalics to theology, dans Hibbert Journal, janvier 1909. Saint Thomas faisait déjà de son temps la remarque que le fidéisme doit son origine à la faiblesse des raisons que l’on apporte quelquefois en faveur de l’existence de Dieu. Contra génies, l. I, c. xii.

2° Point de vue 'pratique ou apologétique. — Quand on se place à ce point de vue dans l’exposé des preuves de l’existence de Dieu, on a pour but ou bien d’amener quelqu’un à la croyance au vrai Dieu, ou bien de lui montrer que la croyance en Dieu qu’il professe est raisonnable, ou enfin de résoudre certaines difficultés qui se sont élevées dans l’esprit d’un croyant ou d’un homme qui a cru en Dieu mais a cessé d’y croire pour diverses raisons. Dans l’ordre de providence où nous sommes placés, la méthode apologétique est en cette matière dominée par les faits suivants.

1. Tout homme est personnellement capable de parvenir à la connaissance certaine de Dieu de façon à pouvoir commencer sa vie morale et religieuse. Voir col. 831. Nous avons dit par quel procédé logique il y aboutit. L’apologiste n’a donc rien de mieux à faire que de développer et de présenter d’une façon adapté'e à l’intelligence de ses lecteurs probables l’argument tiré de l’ordre de l’univers, celui de causalih', enfin les arguments muraux dont nous avons parlé. Dans la pratique, c est bien ce que donnent, en effet, les apologistes les plus autorisés, protestants aussi bien que catholiques. La littérature de ce genre, spécialement en ce qui concerne l’argument de l’ordre du monde, est immense depuis trois siècles. Il est â

remarquer que souvent les apologistes dont nous parlons n’excluent pas < ni dans leur manière de présenter leurs preuves le matérialisme ou le panthéisme ; ils supposent que l’on admet par exemple l’existence et la spiritualité de lune, la distinction deDieu et du monde et autres vérités de même espèce qui ne font communément aucun doute parmi les chrétiens. Ils ne donnent donc pas une démonstration rigoureusement complète. Par exemple, la célèbre preuve tirée de l’existence de notre pensée et de notre âme, indiquée par Hugues de Saint-Victor, De sacraruenlis, l. I, part. III, c. vu sq. ; Erudilio didascalica, l. VII, c. xvii, P. L., t. CLXXVI, col. 219, 8-25. reprise par les cartésiens, cf. Fabri, Summa theologica, tr. I, c. i, n. 6, Lyon, 1669, et de nouveau remise en honneur par Illingworth, Personalily hum an and dix 1894, et par l’abbé de Broglie, Preuves psychologiques de l’existence de Dieu, Paris. 1905, prend pour accordées bien des choses que l’athée mettrait en question. Il est vrai que dans ses négations l’athée se mettrait en marge du sens commun. On peut donc, si l’on écrit pour des hommes qui ne sont pas décidés à faire ce mauvais pas, leur épargner les dédales d’une démonstration complète et argumenter ex concessi*.

2. Cependant, la plupart des hommes, surtout dans nos sociétés chrétiennes, n’acquièrent pas par euxmêmes la première idée de Dieu, mais la reçoivent en fait de l’enseignement social. Voir col. 835. De là, au point de vue pratique, l’importance de l’argument tiré du consentement universel des peuples. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II » IIe, q. i, a. 5. ad 3° m. C’est donc avec raison que les apologistes lui donnent souvent la première place dans leurs traités. Cf. Hettinger. Apologie du christianisme, t. 1, p. 117 ; Crafer. Apologelics, dans Y Encgclopædia of religion and ethics de Ilastings, Edimbourg, 1908, p. 613, 620 ; Sertillanges, Les sources de la croyance en Dieu, c. 1, Paris, HHJ5. Cette preuve morale est d’ailleurs solide ; car, remarque Cicéron, De natura deorum, 1. I. c. xvii. « une opinion qui a pour elle le témoignage positif de tout le genre humain ne peut pas ne pas être vraie. » Quand on se sert dans la question qui nous occupe de cet adage, il est à noter que l’on n’invoque pas le sens commun comme autorité. Car, remarque justement Mgr Mercier, « son témoignage commande des réserves. L’humanité n’a-t-elle pas cru unanimement à la solidité des cieux, au mouvement du soleil autour de la terre ? » Critériologie générale. 5e édit., Louvain. 1906, p. 153. On ne considère pas davantage le consentement universel comme le véhicule de la révélation, ou comme le résultat d’un instinct aveugle, ainsi que le faisaient Reid et les traditionalistes. On le prend comme sigtie d’une tendance de la nature intelligente à adhérer à certaines propositions, connue résultat de l’usage normal des facultés de connaître de l’espèce humaine. Cf. Farges, La crise de la certitude, Paris, L907, p. 216. Ainsi envisagé, le consentement universel ou le sens commun est un critère de vérité, mais fondé sur l’induction. Si, en effet, dans un c ; is déterminé, on peut faire voir que la rencontre de toutes les intelligences en une même affirmation n’est pas explicable par des causes accidentelles, il est permis de conclure qu’elle a pour cause une même perception chez toutes d’un même objet. Il est facile de se rendre compte que c’est bien de la sorte que procèdent les apologistes et les philosophes qui développent l’argument du consentement universel. Cf. Tongiorgi, histitutiones philosophas, '.y édit., Bruxelles, 1864, t. iii, p.343-3ôi ; Palmieri, Instil. philos., Rome, 1876. t. ni.]). 77-83 ; Hontheim, op. cit.. n. 405-417 ; Boedder, Theologia naturalis, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 76-87. Quant au degré de certitude que donne cet argument, les auteurs sont partagés. Tous ceux qui n’admettent pas la valeur apodictique

de la preuve de l’existence de Dieu par la finalité interne, soutiennent ici que l’argument du consentement universel ne peut produire qu’une certitude morale ou même une très haute probabilité. Cf. par exemple Buonpensiere. In 7 ", Rome, 1902, p. 130 : Hoc argumentum quia innilitur consensui humani generis, qui consensus prxbet solam certitudinem moralem, non habet nisi certitudinem moralem ; Sertillanges, op. cit., p. 31, juge « qu’il est capable, si on l’examine à son vrai point de vue, d’emporter la conviction de l’homme prudent. » Sans partager la même défiance contre la réduction de cet argument à celui de la finalité interne, d’autres auteurs ne font pas cette réduction ; d’où il suit que pour eux cet argument ne donne également qu’une certitude morale ; ainsi pensent Tongiorgi, Palmieri, Hontheim et Boedder, loc. cit. Quelques philosophes vont plus loin avec Kleutgen, J'/iilosop/tie scolas tique, t. iv, n. 931, et cherchent à montrer par le moyen du consentement universel que nous sommes en présence « d’une loi de notre esprit, en vertu de laquelle l’homme doit reconnaître la réalité de l’idée de Dieu. » Car, si la raison est une faculté de connaître, il faut aussi que ses pensées et ses jugements, conformes aux lois qui la régissent, possèdent la vérité. Iniis, dit Heinstadlcr, quæ ratio naturali motu ut verum admit tit, non potest esse error. Elementa p/iilosopltiæ scliolaslicæ, 3e édit., Fribourg-enBrisgau, 1907, t. i, p. 202 ; t. ii, p. 238. Le protestant Crafer fait dans le même sens, loc. cit., la remarque suivante : Sans doute, la croyance en Dieu est dans un individu donné un fait subjectif ; mais quand on considère que ce fait se reproduit chez, tous les individus de l’espèce el quels sont les caractères singuliers qui distinguent l’idée de Dieu d « -loule autre, le fait subjectif constitue un fait nouveau, objectif, dont en vertu du principe de raison suffisante ri de finalité interne l’existence réelle de Dieu fournit seule l’explication. Cf. S. Thomas, Contra génies, l. ii, c. xxxiv. n. I.

>. Un dernier fait dont l’apologiste doit tenir compte est que l’athéisme spéculatif absolu est relativement rare, bien que les doutes ou même les défaillances dans la crovance en Dieu soient chose fréquente surtout depuis que l’impiété jouit de la funeste liberté de répandre partout les sophismes dont elle s’autorise. La fermeté dans la foi est sûrement le meilleur conseil à donner, d’autant que pour le croyant qui prie et observe les préceptes bien des difficultés s'évanouissent, par exemple celle de l existence do mal dans le monde. Cependant, au point de vue apologétique, on peut tris utilement recourir à certains arguments, qui par euxmêmes ne prouvent pas l’existence de Dieu, mais qui d’une part font sentir à celui qui fait parade u’incrédulité qui -ons de ne pas croi ;

sont pas solidi —, el qui d’autre part suffisent pour écarter li il du croyant que des (toutes ébranlent ou inquiètent. L’emploi de tels moyens est parfaitement ] ar il moduire la croyance, qui m fond de l'âme, mais seulement de chasser un brouillard qui obscurcit la lumière donm ede la raison naturelle ou de la foi. si donc, et h pas i him i ique, en rencontre une ou même niant Dieu par suite d’une difficulté d’ordn | bien détermiii peut i in' il. utile, après avoir expliqué comment la méthode des scieni n’est pas 'oui.- la méthode, cf. s. Tho ntes, I, II. 'ii.nl/', jue de la

1909, I i. i.1. 27. 39, de discuter de près 1 1 "due difl alfa P n temple, on sait qui vieilles difficultés de Lucrèce sur les atomes ctei produisant le monde tonl fréquemment reprises, el que pour expliquer la vie dans ie monde venu.i l’hypothi - de la de universelle qui si and ilisa

si fort le xvi c siècle, lorsque Césalpin et Cardan la proposèrent en s’appuyant sur les générations spontanées. Cf. Andréas Cæsalpinus Aretinus, Qusestionum peripaleticarum libri V, Venise, 1593, l. V, q. i. On répondit longtemps que « l’origine toute récente des états, des lois, des arts et des sciences sont des preuves incontestables de la nouveauté du monde ; et que ces preuves se confirment par la découverte de diverses choses utiles que font les modernes, étant impossible qu’on eût fait ces découvertes si tard, si le monde eût été éternellement ce qu’il est. » Cf. Gastrell, dans Ilurnet, op. cit., t. i, p. 417. Pour éluder cette réponse, l’incrédulité eut recours à l’hypothèse de la réversibilité, « le spectacle actuel du monde n'étant que l’une des répétitions sans nombre d’un même ensemble de phénomènes périodiques. » Mais le principe d’entropie admis par la science montre que toutes les modifications dans l’univers matériel ne sont que des pas vers un équilibre final, vers une répartition uniforme de la température de l’espace et vers le repos des masses de matière pondérable. L’argument ad homineni qu’on déduit de ce principe pour montrer que le monde n’est pas éternel et a une cause n’est donc pas à dédaigner. Cf. Hontheim, op. cit., n. 336 ; Dressel, dans Stimmen ans Maria-Laach, février 1909 ; Reinsladler, Elemenla pliilosopliise scolaslicse, Fribourg-en-Brisgau, 1907, t. ii, p. 232. De même, on attaque l’athéisme et on résout certains doutes en partant des découvertes de Pasteur a propos des prétendues générations spontanées. S’il n' a pas de générations spontanées, d’où vient la vie ? Et la difficulté croit dans l’hypothèse de la nébuleuse, que généralement l’on admet. Cf. Hontheim, op. cit., n. 346. Ces arguments, j’en conviens, ne constituent pas plus une preuve apodictique de Dieu que l’argument des Arabes tiré du mouvement de translation. Mais entre les mains d’un théologien, initié aux théories et aux méthodes scientifiques modernes, ils sont d’un merveilleux effet pour montrer que l’athéisme spéculatif se repaît d'évidences purement subjectives, et pour débarrasser l’esprit des croyants des doutes que les affirmations de vulgarisateurs, comme Bùchner, etc., jettent dans les esprits.

l’oim de vue scientifique.

L'étude scientifique des preuves de l’existence de Dieu n’est pas à proprement parler œuvre de théologien, si par théologie on entend la science des choses divines dont les principes sont les articles de notre foi ; et c’est la raison pour laquelle ces preuves sont omises ou très sommairement dans beaucoup de traités théologiques. Cependant les travaux de l'École sur ce point sont considérables. Tour en faciliter l'étude directe que rien ne saurait suppléer, nous indiquerons : t. les principes directeurs des théologii us dans leur exposé des preuves nies ; 2. le si nel la mai élu 1 de la démonstration

dans les cinq preuves données par saint Thomas

1. Princ’i leurs de i ficole dans l'élaboration

technique des — si l’on étudie attentive ment l’ensemble des travaux de l'École sur notre sujet. on remarque que leur développement a éb commandé par les préoccupations suivantes - » Le théologien qui i les preuve-.1" l’existence de Dieu n’a pas la prétention de produire la première conviction relin en donm l.i raison : La preuve Mie" | "m acquêt ir une plein* i titude est si facile si si claiie qu’on It a peine

du procédé logique qu’elle implique, et qi pi uvee

scientifiquemi nt développées, bien loin de donn l’homme la prei tude de l’existence de Dieu,

et consolider celle qui existe déjà.

De plu-, comme la preuve, dans sa for iriginelli

il., en qui Iqui uni d< monslration

lepinprol

'i.' la nature raisonnable de l’homme, 'lie i..> à ce litre, une conviction plus forte et plus inébranlable que n’importe quelle conviction artificiellement

obtenue et ne peut être ébranlée p ; ir aucune objection scientifique. » La dogmatique, t. ii, p. 21, n. 29. Cf. Schanz, Apoloyic, 3e édit., Fribourg, 1903, t. i, p. 499. Cela ne veut pas dire que les preuves classiques ne sont pas de soi capables de produire la certitude de l’existence de Dieu ou de ramener à la croyance en Dieu celui qui l’a perdue ; car nous ne concédons en aucune façon à M. Le Dantec, L’athéisme, Paris, 1906, p. 24, que ces preuves sont « bonnes pour ceux qui croient » à l’exclusion de ceux qui ne croient pas, ou que leur insuffisance excuse l’incrédulité. Elles sont de soi valables et suffisantes pour tous ; mais, comme pour en saisir intellectuellement toute la force, il faut « beaucoup de pénétration et de profondes éludes dont peu d’hommes sont capables, » S. Thomas, Contra gentes, I. I, c. iv, il est comme impossible d’avoir de fait à les présenter à un homme assez cultivé pour les entendre pleinement et qui ne soit pas déjà arrivé à la certitude spontanée et réfléchie de l’existence de Dieu, nécessaire et suffisante pour commencer sa vie morale et religieuse et, si la révélation extérieure lui est proposée, pour faire l’acte de foi. D’où il suit que le fidèle qui ne saisirait pas la force démonstrative de ces preuves, ne saurait trouver dans ce fait, qui résulte de l’opacité naturelle ou du manque de culture de son esprit, un motif raisonnable de mettre en suspicion sa foi, et que l’athée ne saurait être excusé de ne pas se servir des lumières qu’il a eues ou qu’il a, sous le prétexte que d’autres sont mieux partagés que lui. Cf. Badet, Le péché d’incroyance, Paris, 1899 ; Gardeil, La crédibilité et l’apologétique, Paris, 1908, p. 237 sq. Les prétendues insuffisances que l’athéisme ou l’agnosticisme pensent découvrir dans les preuves scientifiquement exposées de l’existence de Dieu, de même que les nombreuses erreurs sur Dieu dans lesquelles nous voyons tomber les rationalistes qui ont rejeté la foi chrétienne, loin de le troubler constituent aux yeux du théologien une excellente preuve expérimentale de la nécessité inorale de la révélation pour que tous puissent connaître sans erreur l’ensemble des vérités religieuses que la raison peut démontrer. Cf. conciles de Reims en 1858, d’Avignon en 1849, de Bordeaux en 1856 et 1868. Colleclio Lacensis, t. iv, col. 187, 360, 692, 843.

Les autres principes directeurs de l’École sont :

b) Respect de la tradition scripturaire, patristique et même philosophique. Ce souci part d’une idée très juste, à savoir que les preuves scientifiques ne diffèrent pas essentiellement des arguments par lesquels on parvient à la connaissance confuse, spontanée, puis réfléchie de l’existence de Dieu. — c) Recherche de la rigueur logique dans la démonstration ; ce qui inclut le rejet de toutes prémisses qui ne seraient pas absolument certaines, c’est-à-dire qui dépendraient d’une hypothèse non évidente et non démontrée, et la réduction au "minimum des principes invoqués. — d) Recherche de moyens termes qui amènent à une conclusion telle que les principales thèses de la théodicée chrétienne puissent facilement en être déduites. C’est ainsi par exemple, remarque Jean de Saint-Thomas, que le docteur angélique démontre l’existence d’un premier moteur immobile, d’une première cause efficiente, d’un être nécessaire, d’un être parfait et d’un souverain gouverneur du monde, ex his nolis quinque conditionibus pendent omnia alia allributa, quæ in hoc opère de Deo démons Iran tur. In 7e "", q. il, disp. III, a.- 2, n. 1. De même Duns Scot réduit toutes les preuves à la démonstration de ce qu’il appelle « trois primautés ». Datur primum efjectivunt, quod non sil effeclibile, nec effectivum virtute altérais, sed a se ; datur primum fînitivum, seu aliquod simpliciter primum in ratione finis, quo nullum aliud sil jirius, seu ita primum in finibus ut adnullum aliud nt ordinabile> datur aliquod simpliciter primum secundum eminentiam. De l’existence de ces trois primautés Scot déduit toute la théodicée : quod est /// imum secundum unam primilalem, idem est primum secundum duat alias ; et liœc triplex primilas uni soli naturx convenu, et hase est Deus infini tus. In IV Sent., l. I, dist. 11. q. n ; De primo principio, c. i sq. Cf. Seeberg, Die Théologie des Jo/tanncs Scotus, Leipzig, 1900, p. I i.’1152 ; .Montefortino, Summa Iheolagica Yen. Duns Scott, Rome, 19C0, t. I, p. 82-92 ; Belmond, L’existence de Dieu d’après Duns Scol, dans la Revue de jiltilosophie, septembre 1908. — Enfin on ne comprendra jamais l’ordonnance des preuves de l’existence de Dieu et de la théodicée chez les grands docteurs scolastiques. -i l’on néglige d’observer que leurs démonstrations sont à deux degrés.

Après avoir prouvé l’existence de Dieu par la c efficiente, là où un esprit non rigoureux, un cartésien, concluraient à Dieu considéré en soi, Albert le Grand fait cette remarque, qui paraît obscure à.M. Grunuald. mais qui est fort claire : et hsce ratio non probal mu quod Deus est per modum causx. Summa theol., part. I », tr. III, q. xviii, édit. Vives, t. xxxi, p. 118. En d’autres termes, cette preuve conclut à l’existence de Dieu, conçu par un attribut relatif, sans entraîner par elle-même d’affirmation sur la nature intrinsèque, sur les attributs négatifs et absolus, de la divinité. Scot procède de même. Il veut prouver l’existence d’un être infini, bien loin de conclure directement à cette propriété intrinsèque, qui n’est pas immédiatement accessible à notre esprit, il remarque que nos raisonnements sur Dieu ne concluent immédiatement qu’aux attributs relatifs : nam immédiate ex esse unius relativi sequitur esse sui correlalivi ; ideo primo declarabo esse de proprietatibus relativis entis in finiti ; et secundo ex his declarabo esse de ente inftnilo, quia istse proprietales relativse soli euti infinito conveniunt. In IV Sent., 1. I. dist. ii, q. ii, n. 10. Si l’on met ici de côté l’effort de Scot pour passer directement de ses trois primautés à l’idée positive de l’infini et par l’infini à tous les attributs négatifs et absolus de Dieu, la méthode est exactement celle que suit saint Thomas. Celui-ci distingue, en eflet, soigneusement deux degrés dans sa démonstration. Par les effets de Dieu nous pouvons conclure démonslrativement qu’il existe, scire an est ; cette conclusion ne nous donne qu’une connaissance pour ainsi dire toute négative de Dieu, quid non sit, parce qu’elle n’atteint directement que les attributs relatifs de Dieu qui suffisent à le distinguer du monde dont il est la cause, mais sans nous renseigner fur sa nature : habiludinem ipsius ad creaturas, seupotius creatttrarum ad ipsum. Reste à chercher les attributs intrinsèques de Dieu, qui lui appartiennent nécessairement ; ca quæ necesse est ei convenire secundum quod est prima omnium causa excedens omnia sua causata. Sum. theol., I. q. XII, a. 12 ; Contra gentes, 1. 1, c. xiv, xxx sq. Or. prima, causa, excedens, autant de dénominations extrinsèques, mais choisies de telle sorte qu’elles sont prégnantes de toute la théodicée. Kant dans ses antinomies prétend qu’il a un saut de génère ad genus et par conséqent un so> phisme dans le passage des causes conditionnées à la cause inconditionnée et que par suite, bien que logiquement valable, la déduction des attributs métaphysiques de Dieu est aine et ne peut rien nous apprendre sur Dieu en soi. Il en serait de fait ainsi, si d’une part l’iispothèse nominalisle était la vérité, voir col. 782. et si d’autre part quand on conclut à la cause première, on aboutissait, comme Kant affecte de le croire, à la cause première dans le loups, et non à la cause qui causalement ne dépend pas. Cf. Dictionnaire apologétique, t. i, col. 38, 48. Les preuves scientifiques de l’existence de Dieu concluent directement à l’existence