Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). X et XI . Erreurs sur la possibilité de la connaissance certaine de Dieu ; le concile du Vatican

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 420-444).

Huic divinæ revelationi tribuendum quiilem est, ut ea, quae in rébus divinis humanae rationi per se impervia non sunt, in præsenli quoque generis humani conditione ab omnibus expedite, firma certitudine et nullo admixlo errore cognosci possint. Non hac tamen de causa revelatio absolute necessaria dicenda est, sed quia Deus ex infinita bonitate sua ordinavit bominem ad finem supernaturalem, ad participanda scilicet bona divina, quaj humanæ mentis intelligentiam omnino superant : siquidem oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ preparavit Deus illis qui diligunt illum. Oonst. Dei Filius, en, De revelatione, Acta concilii Vaticani, col. 250 ; Denzinger, n. 1634, 1635.

parlé autrefois à nos pères à plusieurs reprises et de plusieurs manières par lesproplwtes : pour la dernière fois. Dieu nous a parlé de nos jours par son Fils.

On doit, il est vrai, attribuer à cette divine révélation que les points, qui dans les choses divines ne sont pas par euxmêmes inaccessibles à la raison humaine, puissent aussi dans la condition présente du genre humain être connus de tous, sans difficulté, avec une ferme certitude et à l’exclusion de toute erreur. Ce n’est pas pourtant pour cette cause que la révélation doit être déclarée absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans son infinie bonté, a ordonné l’homme à la fin surnaturelle, c’est-àdire à la participation de biens divins qui dépassent tout à fait l’intelligence de l’esprit humain ; car l'œil n’a point vii, ni l’oreille entendu, ni le coeur de l’homme conçu les choses que Dieu a préparées à ceux qui l’aiment. (Traduction de l. Vacant.)

Après une série d’anathémes où sont rejetés l’athéisme, le matérialisme, toutes les formes du panthéisme, etc., vient le canon suivant :

Si quis dixerit Deum unum et verum, creatorem ei Dominiini nostrum, per ea qu ; e facta sunt. naturali rationis humanse luminc certo cognosci non posse, anathema sit. A cta, col. 25r> : 1 lenzinger, n. 1653.

Si quelqu’un dit que le Dieu unique et véritable, notre créateur et Seigneur, ne peut pas èlre connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des i très Cl -. qu’il soit ana 1 l, e concile a défini que l’homme a le pouvoir physique de s'élever à la connaissance de Dieu. — L’accent doit être mis mit le mot posse dans le canon cité. Il ne s’agit donc pas du fait. En d’autres t< on n’a pas voulu définir que chacun des hommes tire en fait la première connaissance qu’il a de Dieu, de la manifestation naturelle de Dieu par les créatures, mais bien que la r ; i is<, n humaine possède en elle-même des ce auxquelles elle peut connaître Dieu par le moyen de cette manifestation. Acta, col. 127. (580, 79 ; emend. 51 el 98, col. 224, 228, 238. Établir ce on, c'était poser un principe qui excluait à lui seul toutes les erreurs que l’on voulait atteindre et spécialement le traditionalisme rigide. M rsi notre but, disait le rapporteur de la commission de la foi ; el ce principe est le suivant : in homi otentiam esse Deum p< loi cei in idi. Acta, col. 79, 127. 130.

Cette puissance n’est pas affirmée indistinctement de chacun d<s individus de l’espèce humaine, col. 2 :  ! <>. mais on veut dire 'i'"' l’homme qui a l’usage de la n. col. 520, quelles que soient d’ailleurs les conditioni pour qu’il parvienne ; i cel état, col. 520, 79, di la bu ce de remonter à on auteur, p

i aide des lumièn - naturelles

de ol. 7 ! t. 150 : te formule n’exclut

directement tout traditionalisme mitigé, mais elle

mi ni opposée au di Luther, La et( A i emarquei le ' fo i

1 imennais n avait p.is nié toute pui

i puisque d’api es lui l’homme

li recevoir la vérité, On ni ttement dan le i on< ile que le pouvoir qu’on

délinissait, est un pouvoir physique, actif. Acta, col. 127 230, 521.

La solution donnée au concile de quelques difficultés qui peuvent se présenter à l’esprit, fera mieux saisir la portée réelle de ce que nous venons d’exposer. On objectait : Mais les païens n’ont pas connu Dieu, principe et fin de toutes choses. On répondit : Nous ne définissons pas le fait, mais la puissance. Acta, col. 236. Un autre répliquait : Mais le sourd-muet, l’homme des bois ne connaissent pas Dieu, n’ont pas la faculté de le connaître. On répondit : Nous ne parlons pas de chaque individu, mais de la nature humaine. Ibid. On reprenait : Mais pas de religion, pas de morale, sans vie sociale. La réponse fut que l’on ne délinissait rien sur les conditions du développement des facultés humaines, mais seulement l’existence en nous d’un moyen naturel d’atteindre les vérités morales et religieuses, col. 239. L’adversaire ajoutait que si, de fait, les païens ont connu Dieu, ils ne l’ont pas connu indépendamment de toute tradition. Le rapporteur, après avoir répété que l’on ne définissait rien sur les conditions de l’exercice des facultés de l’homme, refusa d’entrer dans la controverse de la question historique que l’on soulevait, parce que saint Paul, qui affirme que les païens ont connu Dieu, dérive cette connaissance non de la révélation primitive, mais bien du miroir des créatures, per ea qux facta sunt, liom., 1, 20, col. 238. Enfin, un dernier amendementopposait — et nous avons souvent retrouvé cette objection chez les modernistes — que l’on ne pouvait pas parler dans le canon de la lumière naturelle de la raison, puisque, de fait, l’homme n’a jamais été dans l'état purement naturel : Adam était dans l'état de justice originelle, nous sommes déchus, mais relevés. La réponse fui que la difficulté ne portait pas, puisque le concile parlait seulement des principes de la raison, sans parler de ['exercice de la raison : nos solummodo loquimur de principiis rationis, quod Deus e.r principiis rationis certo cognosci possit ; quidquid sit de exercitio ralionis. S’il était question de l’exercice de la raison, évidemment le problème de la nécessité de la grâce se poserait et il faudrait entrer dans des questions d'écoles ; maison ne parlait que des principes de la raison. Or, nonobstant le l’ait de l'élévation de l’homme à l'état surnaturel, l’expression lumière naturelle de la raison pour désigner notre faculté de connaître, en tant que distincte de la foi, avait un sens net admis par tous les théologiens et par tout le monde sans exception. Acta, col. 238 ; Denzinger, n. 1643 sq.

2 » Le pouvoir physique de connaître Dieu par la raison naturelle, défini par le concile, ne se réduit pus à uur impossibilité morale, bien moins encore à muimpossibilité absolue. — Il pourrait paraître au premier abord que le pouvoir physique de connaître Dieu, défini par le concile, doit s’entendre d’un pouvoir physique a né d’une impossibilité morale de

jamais parvenir naturellement à cette connaissance En d’antres termes, le pouvoir physique affirmé' sérail , i peu près de la même espèce que le pouvoir physique impliqué dans la phrase suivante : Archimède i I ses contemporains avaient le pouvoir physique de connaître notre télégraphie sans fil. Quelques modernistes ont

pr tendu se mettn d’i I a ei le concile par cette

interprétation, dont les sophismes j sur l’immorale constituent toul le fond. Voici leur nnement, Après avoir défini la possibilité pour l’homme de connaître Dieu, le concile admet implicitement la n raie de la révélation proprement

dite. dm. col. 136, 1672. D’ailleurs, qui dit n

site morale d’an sec i et admet comme

corrélatif une impossibilité morale. Acta, col. 524, n. il. Or, parmi los idijois pour lesquels le concile t que la révélation est moralement né<

trouve l’existence de Dion. Donc, concluent-ils, le concile, tout en définissant que l’homme a le pouvoir physique de connaître Dieu, a admis que ce pouvoir est environné de telles difficultés qu’en fait il ne s’exerce jamais : ce qui est, sinon la définition essentielle, du moins la description caractéristique de l’impossibilité morale. D’où il suit que, si avec les jansénistes on étudie bien le problème, on peut concéder que les individus sont dans l’impuissance morale absolue de connaître Dieu par la raison naturelle et que cette impuissance absolue provient d’une sorte d’impuissance physique. Acta, col. 236.

Rien de plus fallacieux que ce raisonnement, rien de plus contraire à la pensée certaine du concile quécette jonglerie de mots. En effet, même en supposant pour un instant que du fait d’impuissance morale on puisse jamais conclure à une impossibilité absolue ou même à une impuissance physique, eneore faudrait-il, pour que l’inférence fût correcte, que la proposition où est impliquée l’impuissance morale et celle où est affirmé le pouvoir physique de connaître Dieu par la raison naturelle fussent de eodem et sub eodem respectu. Or, nousallons montrer que cette condition essentielle n’est pas vérifiée ; nous dirons ensuite d’une manière plus générale pourquoi le passage de l’impuissance morale à l’impuissance absolue ou physique est illégitime dans la question qui nous occupe.

1. L’objet pour lequel le concile admet un pouvoir physique de connaissance rationnelle est différent de l’objet pour lequel il admet la nécessité morale de la révélation. L’objet de connaissance assigné aux forces naturelles de la raison est Dieu et les principales obligations morales et religieuses. Acia, col. 133. Au contraire, l’objet de connaissance pour lequel on déclare la révélation moralement nécessaire est beaucoup plus étendu, in rébus divinis. La dill'érence des formules n’est due ni au hasard ni à un caprice de style. A un amendement qui proposait de remplacer les mots choses divines par ceux-ci : Dieu et la loi naturelle, Acta, col. 509, 122, emend. 19, on répondit que la formule à sens moins restreint avait été intentionnellement choisie, col. 136, 239, 1652, 1672. Donc, même en négligeant les raisons de ce choix, il est certain que, lorsque le concile enseigne équivalemment que l’homme se trouve dans l’impuissance morale de connaître les choses divines, bien que dans cet objet l’existence de Dieu et les premiers principes de la morale et de la religion naturelle soient sûrement compris, cependant l’impuissance morale implicitement admise ne porte pas directement sur cet objet restreint, mais bien sur un ensemble de vérités plus étendu. On ne peut donc pas légitimement et de bonne foi conclure du texte voté par le concile qu’il admet dans l’homme une impuissance morale à connaître précisément Dieu et ses principaux devoirs. Cf. Granderath, p. 78, n. 1.

Dans le paragraphe où il est traité de la connaissance de Dieu, le concile parle du pouvoir de connaître ; dans la phrase où est impliquée la nécessité morale de la révélation, il s’agit de la connaissance actuelle des choses divines. De plus, l’impuissance morale supposée parle texte conciliaire n’est implicitement affirmée que par rapport à une connaissance universellement répandue, prompte, sans mélange d’incertitude et d’erreurs. Acta, col. 135, 524, n. 11 ; voir Granderath, p. 78, n. 3 ; Fran/.elin, De Scriptura et traditione, 2e édit., p. 617. Si je constate l’impuissance où se trouvent nos paysans de suivre l’exposé des fondements des géométries non euclidiennes, si je reconnais qu’Archimède était dans l’impuissance morale de découvrir la télégraphie sans fil, il ne suit nullement de ces impuissances relatives que le pouvoir physique d’enlendre Lobatchefsky ou de devancer MM. liranly et Marconi ait été refusé à l’humanité, ni même à nos paysans et

aux savants anciens. La raison en est que le pouvoir nu de poser un acte est différent du pouvoir prochain de le poser, ou encore que le pouvoir physique de connaître un objet n’est pas du tout le pouvoir de la connaissance actuelle de cet objet. Il y a loin de la coupe aux lèvres, c’est-à-dire qu’entre la faculté et son exercice s’intercale toute une série de circonstances, de conditions, de causes variables et variées, qui peuvent être favorables à l’activité de la faculté et à la perfection de son acte, qui peuvent aussi leur être nuisibles. Or, en théologie, quand on parle de l’impuissance morale où se trouve un agent par rapport à une action, on veut dire que le pouvoir physique, faculté ou inclination naturelle à l’acte, subsistant intact, les circonstances, conditions et causes, extérieures à ce pouvoir, mais requises à son exercice, sont défavorables ou empêchent l’acte de se produire. Passer de l’impuissance morale, comme les théologiens l’entendent, à l’absence du pouvoir physique serait donc une parfaite ignoratio elenchi. Le sophisme est différent d’espèce, mais reste un sophisme classé, si l’on passe de l’impuissance morale, concédée relativement à la connaissance actuelle, à une impuissance morale affectant le pouvoir même de connaître. Les jansénistes, malgré toule leur subtilité, n’ont pas réussi à persuader le contraire aux théologiens dans la question analogue de la nécessité de la grâce pour l’observation prolongée de toute la loi.

Une troisième différence entre les deux passages que nous comparons est que, c’est de V /tontine en général, de la nature philosophique de l’homme, qu’on affirme le pouvoir physique de connaître rationnellement Dieu ; c’est au contraire des individus qu’on admet l’impuissance morale dont il s’agit. Le texte du concile suffit à lui seul à prouver cette différence : dans le canon le mot homme est absent ; on lit seulement ces mots : naturali rationis /tum a nselumine (supposition absolue) ; la nécessité morale de la révélation est au contraire enseignée ut ab omnibus (supposition relative). La première rédaction du canon portait ces mots : ab homine. Un membre du concile en demanda la suppression « de peur que le concile ne parût définir comme un dogme de foi qu’il ne saurait jamais se rencontrer d’adulte qui ignore Dieu invinciblement, » conséquence qui suivait du texte proposé, si l’on y prenait les mots ab /tontine au sens de la supposition relative. L’observation parut exacte et l’amendement fut accepté. Acta, col. 126, emend. 49, 149. Voir Vacant, n. 273 sq.

Enfin, dans le canon, il s’agit de la nature philosophique de l’homme et non de l’homme dans l'état historique ; la nécessité morale de la révélation est affirmée au contraire, non pour l’homme en général, mais pour l’homme dans l'état où il se trouve de fait. Le rédacteur du projet de canon, M « ' Martin, s'était placé au point de vue historique, et il avait écrit : ab fcontine lapso cognosci posse. Acta, col. 1631, 131, 1672. La commission chargée d'étudier ce projet biffa le mot lapso qui ne se trouve pas dans le texte soumis aux délibérations du concile. Acta, col. 76, 1655. Dans le cours des discussions, plusieurs amendements furent proposés, qui tendaient de diverses manières à reprendre ce point de vue : ab homine in societate adulto, ab homine prouli nuncest. Acta, col. 1652, 120, emend. 3, i.."> : col. 125, emend. 51, 52,."> ; > ; col. 224, emend. 51, 52 ; col. 228. emend. 98. Un de ces amendements demandait qu’on omît le mol naturali, parce que l’homme n’ayant jamais été dans un étal purement naturel, on ne pouvait pas parler d’une connaissance de Dieu naturelle. Ces amendements ollraient une issue au traditionalisme mitigé et extirpaient moins radicalement le traditionalisme rigide. Car l'école de Louvain aurait pu dire que ce pouvoir de l’homme déchu n’aurait jamais été ce

qu’il est, sans la révélation faite à Adam ; Lamennais ou ses héritiers auraient pu essayer de retrouver un acte de foi dans l’exercice de ce pouvoir ; en tout cas, les uns et les autres n’auraient pas manqué de dire que ce pouvoir n'était pas simplement naturel, puisqu’il n’aurait été défini que pour un état de l’humanité qui ne l’est pas. D’un autre côté, comme les expressions prouti mine est, ab homme lapso, etc., rappellent non seulement la chute, mais aussi l'état antérieur, la rédemption et tout l’ordre de providence surnaturel où nous vivons, c'était s’exposer à voir remettre en question à propos du texte conciliaire la gratuité absolue de notre élévation à l’ordre surnaturel, la possibilité de l'état de nature pure ou, ce qui revient au même, la distinction réelle entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel ; et il devenait ainsi nécessaire de s’engager à fond dès le début dans diverses questions délicates touchant le traité de la grâce, que le concile devait examiner plus tard et sur lesquelles il n’a pas eu le temps de statuer.

Ces amendements qui tendaient à ne définir que pour l’homme historique la possibilité naturelle de connaître Dieu furent tous rejetés sur la demande du rapporteur de la commission. Acta, co. 130 sq., 150, 236, 238, 243. Celui-ci sous dill'éren tes formes répéta que, si l’on voulait porter le remède à la racine du mal, il fallait définir une proposition universelle, s’appliquant â l’homme en général, non pas seulement à des hommes existant dans un état particulier, réel ou hypothétique : Agitur i » génère île conditione naturse humanse, col. 150 ; et la raison de cette insistance se trouve formulée en quelques mots : cum eaquæ in ista doctrina docentur, generatim vera habenda sinl, sive sumatur homo in statu naturse purée, sive in statu naturæ lapsx, col. 131. Quant à l’argutie tirée de la grâce de l’ordre où nous sommes, on répondit que la question de la grâce se posait relativement à l’exercice de la faculté, et que le concile ne disait rien de cet exercice, se contentant d’affirmer que l’homme a les principes naturels de ht connaissance de Dieu, col. 238.

Au contraire, dans le passage où le concile parle de la nécessité morale de la révélation, il s’agit de l’homme historique : in prsesenti quoque gencris humant conditione. Bien que les modernistes aient fait les plus grands efforts pour persuader au public, qui lias théologien, que le mot naturel, dans l’expression « lumières naturelles de la raison », doit s’entendre au sens composé de l'état où nous sommes qui est surnaturel — ce qui ruine tous les fondements rationnels de la religion, puisque la valeur de la raison est niée ou grandement mis.., n suspicion — il est certain qu’en adoptant la formule du canon que nous éludions le concile lit aux rationalistes un.' grande roncession, celle précisément que les traditionalistes leur déniaient.' Rome, a diverses reprises dans le cours du siècle.

; iv : i ' » r ". Il ne le rationalisme et aussi le semi-rationalisme de quelques Vllemands. Les traditionalistes franivaient affecté de prendn. ou pi ut-é(re

simplement pris, ces condamnations pour une approbation de leurs doctrines. Quand Rome exigea des rétractations ( ! - Bautain et de Bonnetty.les semi-rationalistes

1 ur tour triomphé de I autre côté du Lin Religion naturelle de lui. Simon, ouvrage nettement rationaliste, fui un- à l’Index. Les traditionalistes, à 'I'" ' « le* Simon a ail '.ni remarquer A bon droit, dans " » v m daté du 10 août 1856, V édît., |

M"" u r th( liqui idmel la valeur de la raiBon el

qu’ils n'étaient dan qui.1. g dl idi nui el

, l " s ' di rent ou dirent que l’Index

' '"' l " 1 " " ur. La nécessité di mettre fin a cel im tail pas un pour li -"" itanl que le Syllabus, très clair r

'"~ " n pourceuiquioun’avaienl

aucune théologie ou avaient plus de zèle pseudo-apologétique que de doctrine. Sur ce point, le concile donna raison au rationaliste Jules Simon : l'Église admet la valeur de la raison en matière morale et religieuse ; mais en même temps il eut soin de tracer une ligne nette de démarcation entre la doctrine catholique, le rationalisme qui exagère les forces de la raison, et le traditionalisme qui. à la suite de Luther et de Jansénius, les déprimait à l’excès. Tel est le but du paragraphe qui nous occupe en ce moment.

La théologie juive et arabe avait eu au xile siècle sa crise de rationalisme. Cette crise fournit â saint Thomas l’occasion de poser les principes qui ont triomphé au concile du Vatican, après une étude de la question qui n’avait pas duré moins de six siècles. Le concile du Vatican se trouvait en face de trois solutions : a) Celle de ceux qui se déliaient de la raison naturelle pour des raisons soi-disant théologiques (doctrine de la chute, pseudo-mysticisme), ou philosophiques (scepticisme, nominalisme, impossibilité de découvrir le langage, etc.), et qui de la nécessité morale de la révélation concluaient à la nécessité absolue de la même révélation, b) Celle des rationalistes qui, niant le dogme de la chute dont les précédents exagéraient les suites, soutenaient que le pouvoir de connaitre Dieu et de mener une vie religieuse et morale digne de ce nom est un des constitutifs de l’esprit humain, et concluaient de là que la révélation positive, loin d'être nécessaire, soit relativement, soit absolument, est inutile ou même nuisible, puisque naturellement et nécessairement l’homme à tout le pouvoir de connaitre Dieu dont il est susceptible, c) Celle des semi-rationalistes, Ces derniers admettaient le principe du rationalisme, que la religion tout entière n’est et ne peut être que le développement complet de l’esprit humain ; mais ils se flattaient de rester dans l’orthodoxie en maintenant le dogme de la chute originelle. La conception baianiste du surnaturel leur servait â réaliser ce prodige d'équilibre. D’après (Jùnther, comme d’après Raius et Jansénius, I étal de justice primitive était nécessaire et par conséquent naturel..Mais, par suite du péché originel, l’homme sans un secours d’en haut ne peut plus atteindre à son développement religieux normal. Les rationalistes, concluaient-ils, ont donc tort de rejeter toute grâce (révélation) de Dieu, puisque l’homme défini et non relevé ne pourrait rien dans l’ordre religieux sans la rédemption. Cependant, le secours requis n’est point nécessairement pour l’homme déchu el relevé celui de la révélation proprement dite ou manifestation de vérités ; car la raison humaine est capable de comprendre toutes les vérités religieuses ; de son côté, la grâce n’a point pour rôle de constituer notre être dans un étal supérieur à l'état naturel el normal de l’humanité. Grâce et révélation ne servent qu'à nous rendre la facilité perdue de mener la vie religieuse et morale qui est « le l’essence de notre nature unable ; et c’est en ce sens seulement qu’elles sont

Surnaturelles. De là à ré', luire toul h' dogmi i une philosophie purement déiste ou même â un symhol moral et métaphysique, il n’j avait qu’un pas.

Pour extirper d’un seul coup toutes ces erreurs, le concile proposa la doctrine traditionnelle sur la ni site de la révélation, qui avail servi de hase aux diversi —,

mm ns renfermées dans le Syllabut.a) C’eaté la

révélation qu’il (aut attribuer que, même dansl’ordi nous tous puissent sans difficulté, sans in

litude ei sans erreur connaître les pointa qui. dan

ni pas par eux mêmes Inai la raison humain ormule condamnait le rat

lisme en affirmant la néi ib morale di la révi lation, pour l’homme tel qu’il est. Elle condamnait le rationaliame qui, ionien accordant la nécessité morale d’un n b. mi. ur lalaait pas eonal

dans la révélation proprement dite : huic divinæ revelatiom tribuendum, dit le concile, et donc à la révélation extérieure, et non pas précisément à la grâce, à la

foi du cœur, à la foi-amour, etc. Le semi-rationalisme attribuait la nécessité morale de la révélation uniquement à la chute. In pnvsenti quoque generis humant condition ?, répond le concile. En d’autres termes, il est vrai qu’historiquement l’impuissance morale où gît l’humanité est la suite du péché d’Adam ; mais la faiblesse qui affecte l’ensemble de notre race dans l'état actuel, est de telle nature que, bien que dépendant en fait du péché d’Adam, elle eût pu se rencontrer dans une autre hypothèse : c’est ce qu’exprime le mot quoque. Acta, col. 122, emend. 20-21, col. 136. Le semirationalisme niait la distinction entre les vérités religieuses accessibles à la raison et celles qui ne le sont pas, le concile avait soin de la maintenir. Enfin, la même formule condamnait le traditionalisme et tous les hétérodoxes qui dépriment outre mesure la raison : car la phrase même qui constatait la nécessité morale de la révélation, affirmait implicitement que nos facultés naturelles nous sont restées après la chute, puisque certaines vérités religieuses ne nous sont pas d’ellesmêmes inaccessibles, même dans l'état où nous sommes.

b) Le concile déclare ensuite que la révélation n’est pas, absolument parlant, nécessaire. On ne peut la dire absolument nécessaire, que si l’on envisage notre destinée actuelle qui est surnaturelle, puisque notre fin est la vision intuitive. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 1 ; Visio intuiliva tolius ordinis supernatu}'alis origo et radie (Suarez). Voir Appétit, Surnaturel. Cette doctrine du concile était un dernier coup contre le rationalisme : la révélation est nécessaire, étant donnée la fin gratuite, mystérieuse et au-dessus de nos forces et des exigences de notre nature, que la bonté divine nous a librement assignée. Le semi-rationalisme, qui n’admettait la nécessité, soit morale, soit absolue, de la révélation que pour remédier à une impuissance accidentelle provenant de la chute originelle, était par là également de nouveau condamné. Le concile, en enseignant que la nécessité absolue de la révélation provient d’une impuissance radicale de l’homme dans l’ordre surnaturel, indiquait en même temps contre les protestants pseudo*-mystiques pourquoi l’expérience intérieure, sans révélation proprement dite, ne permet pas de retrouver tout le contenu vrai et réel du Credo et des formules ecclésiastiques ni d’en déterminer le sens.

Le concile mettait ainsi fin à la confusion entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel introduite dans le monde chrétien à la suite du dogme luthérien de la chute. Le traditionalisme même le plus mitigé était atteint, j4cta, col. 136, en même temps que le baianisme et le jansénisme recevaient la condamnation la plus radicale qu’ils aient jamais subie. Depuis trois cents ans, les théologiens s'étaient servis contre Baius et Jansénius, pour expliquer saint Paul et saint Augustin, de la distinction entre la nature philosophique et la nature historique de l’homme, entre le surnaturel absolu et le surnaturel relatif : le concile, en assignant la vision intuitive comme raison de la nécessité absolue de la révélation, faisait sienne la substance de cette doctrine. Acta, col. 547, n. 38. De là, en grande partie, les criailleries des modernistes contre les théologiens, fidèles à la pensée du concile du Vatican ; de là aussi, l’inutilité des efforts d'érudition de certains modernistes, pour déterrer, chez quelques théologiens traditionalistes ou anciens, des opinions moins opposées au baianisme et au jansénisme : la question est de savoir si ce que l’on a pu dire avant le concile du Vatican, peut correctement et loyalement se dire ou se soutenir après.

c) Que, par exemple, il y ail eu des théologiens qui

de l’impuissance morale aient pensé pouvoir conclure à une impuissance absolue ou même physique, qu importe, puisque le concile du Vatican dit expressément que de la nécessité morale de la révélation on ne doit pas conclure à une nécessité absolue : non hac tamen de causa rerelalio absolute necessaria dicenda est. C’est ce qui nous reste à expliquer, avec d’autant plus de soin que les modernistes, qui parlent tant du progrès de la théologie, ont comme pris plaisir de n ter sur ce point les sophismes des jansénistes et les à-peu-près des traditionalistes.

2. Le concile enseigne implicitement que la révélation est moralement nécessaire pour que tous puissent arriver à la connaissance prompte, certaine et pure d’erreurs, des points qui dans les choses divines ne sont pas par eux-mêmes inaccessibles à la raison ; comme la nécessité morale a pour corrélatif l’impuissance morale, le concile admet donc dans l’homme une impuissance morale relativement aux vérités religieuses d’ordre naturel. Quelle est au juste cette impuissance ? Si l’on prend la formule conciliaire indépendamment des délibérations de l’assemblée, il semble au premier abord qu’elle peut rendre trois sens : a) chaque individu est impuissant et par suite l’ensemble ; b) quelques individus arriveront ou peuvent arriver à la connaissance de toutes les vérités par ellesmêmes non inaccessibles à la raison, mais l’ensemble n’y parviendra pas, même avec l’aide de l'élite des intelligences ; c) sans rien spécifier sur les individus, l’ensemble ne parviendra pas à cette connaissance sans le secours extérieur de la révélation. De ces trois sens logiquement possibles, quel est celui que de fait le concile a eu en vue ?

Deux hypothèses classiques sont ici à examiner. Duns Scot, saint Thomas d’après le Ferrariensis, Vasquez admettent que toutes les véiilés d’ordre naturel ne sont pas accessibles à l’esprit humain ; cette opinion était chère aux nominalistes qui. avec Grégoire de l ! imini, insistaient sur le vulnus ignoranlise : et peut-être Capréolus l’enseigne-t-il : mnltas esse de Deoverilates cognoscibiles, quas nullus intellectus potest naturaliter cognoscere. Dans cette hypothèse, la révélation des vérités morales et religieuses est moralement nécessaire, non pas seuleinentpour l’ensemble et par suite pour les individus, mais pour chaque individu et par suite pour l’ensemble ; l’impuissance morale gît donc en chaque individu, et, sans la révélation, personne ne sait fout ce qui de soi est naturellement connaissable sur Dieu. Vasquez à l’appui de cette opinion cite saint Thomas. Sum. theol., IIa-IIæ, q. ii. a. 4, dont l’argument pour démontrer la nécessité de la foi vaut, semble-t-il, pour chaque individu : ratio enim Itumaua in divinis est multum deficiens ; il tire aussi un argument, peu solide il est vrai, de Sap., i., 15 : Corpus enim quod corrumpitur aggravât animant. Cf. Vasquez, In / am, disp. I, c. il. Cajetan, sur le même le l o de saint Thomas, introduit une hypothèse tout opposée. D’après lui. tout le vrai spéculatif d’ordre naturel est accessible sinon à la foule, du moins à l’aristocratie intellectuelle, dont le rôle est de diriger les masses. In II*" 11'. q. il, a. i. Cette opinion d’un intellectualisme ambitieux, d’après laquelle dans l’ordre naturel il y a du provisoirement inconnu, mais point d’inconnaissable, n’a jamais. semble-t-il, rencontre beaucoup de faveur chez les théologiens et l’encyclique Pascendi se sert de la notion d’inconnaissable, Denzinger, 10e édit., n. 2109 ; et la raison en est que, même avec la foi. nous devons dire avec saint Paul : e.r parle cognoscimus. On peut cependant y rattacher l’opinion adoucie de omni vero cognoscendo in complexii vel distributive, voir Suarez, De gratia actuali, l. I, c. i. el n. 20 ; et aussi le système intellectualiste d’Eusèbe Amort, dont, pour sauver le péripalétisme, l'éclectisme allait jusqu'à sou

tenir que le monde intellectuel est exactement semblable au monde réel. Dans cette hypothèse de Cajetan, la nécessité de la révélation ne subsiste que pour la multitude, mais non pas pour tous et chacun des individus ; pour lui, certains individus sont exempts de toute impuissance morale relativement à tout le vrai spéculatif d’ordre naturel.

Un des théologiens du concile proposa une rédaction où le texte de la Sagesse, allégué par Vasquez, se trouvait introduit. Acla, col. 1652, La commission refusa d’entrer dans cette voie. Durant les délibérations du concile, des amendements assez favorables à l’hypothèse de Cajetan furent proposés, Acla, col. 121, emend. 17, 18 ; mais ils furent rejetés. Acta, col. 135, 524, n. 10. Enfin, à la dernière discussion, un amendement mit sur le tapis l’hypothèse même de Cajetan. Acta, col. 225, emend. 56. L’auteur de cet amendement demandait qu’on omit le passage que nous étudions, celui où la révélation est déclarée n’avoir pas été absolument nécessaire pour remédier à l’impuissance morale de l’homme quant aux vérités religieuses d’ordre naturel. Il résulterait du texte proposé par la commis sion, disait-il, que dans l'état de nature pure l’homme pourrait sans aucun secours spécial pleinement se suffire à lui-même : ce qui suit de l’hypothèse de Cajetan ; or, faute de preuves théologiques, vous ne pouvez introduire rien de semblable dans un texte dogmatique ; et le saint-siège n’a jamais eu recours à cet argument (dont s'était servi Zigliara contre Ventura, Œuvres philosophiques, Lyon, 1880, t. r, p. 124, n. 97 ; p. 63, n.55, et passim) dans le cours du siècle pour condamner ceux qui ont le tort de déprimer trop les forces de la raison. La commission du concile examina cet amen nt et le rejeta, quia id a quo in allcra [emendatione] abhorretur, in textu non e.rprimitur. Le texte, en effet, n’entraîne en aucune façon que l’homme eût pu pleinement se suffire à lui-même dans l'état de nature pure : des secours naturels autres que la révélation pourraient, en effet, remédier naturellement à l’impuissance morale de l’homme en matière religieuse. Voir Vacant, t. i, n. 335. p. 350. Bien plus, le rapporteur donna en séance plénière la raison pour laquelle li' texte proposé et accepté ne permet pas de déduire rien qui favorise les thèses du progrès indéfini, de la perfection et indépendance naturelles absolues, qui sont le rempart du rationalisme. Nous ne disons pas. lit-il observer, que toutes les vérités naturelles sont accessibles à la raison. Non dicimus quod mimes verilales /<<" « I humanm rationi pervite. L’hypo thèse de Cajetan ne fut donc pas adoptée. Quant à celle

cot et de Vasquez, elle resta en l'étal : pi hypothesis il ! **, ulrum sint qusadam veritates natu , qupe homim pe / < non sint, hme hypothesis, quse est utic/ue niera hypothesis, per doclriuaui nostram non tangitur. Aria, col. 239. Mais par le fait seul que le concile s’abstenait de prendre parti, il suivait que, des trois sens logiquement possibles de la formule ut ab omnibus, le i iffirmail que le

dernier. Voici donc i sens du concile. Prenant pour

dm et définie qu’il j a dans les choses divin vértl naturel qui par elles-mêmes ne sont

la r.n son humaine, .1 1 ta, col. 238 affirme, quant à ces vérités, la nécessité mo. pour l’ensemble du genre humain impliqui i i tains indi vidu happent à cette néci Balte et que

tOUt IglbU

ider que nul indiv [du

-nient, ,

que/ On arrive donc par la tir l’impul

Ité morale de i., affe< tant mble

tJK.T. r>F. TIIÏ'iI.. CATHOI..

de la race humaine. Au sens du concile, cette impuissance morale, qui affecte précisément l’ensemble de notre espèce, signifie que, sans considérer les individus séparément, sans les distribuer en groupes favorisés ou non, l’ensemble des hommes se trouve, par rapport à l’exercice de la faculté que chacun d’eux a de connaître certaines vérités morales et religieuses, dans des conditions telles quV/i fait cet ensemble ne les connaît pas, sans le secours de la révélation extérieure, comme il convient à l’homme et à Dieu, c’est-à-dire expedite, firnia certitudine et nullo admixto errore.

Reste à conclure. Nous voulions montrer pourquoi il serait illégitime de déduire du texte qui traite de l’impuissance morale où l’homme actuel se trouve par rapport aux vérités d’ordre naturel, l’impuissance absolue et a fortiori l’impuissance physique. Le sophisme qui se glisserait dans cette inférence est évident, puisque nécessairement on passerait du sens collectif au sens distribué.

3° Le concile n’a pas défini que le pouvoir physique de connaître naturellement Dieu passe facilement à Vacte, mais cette doctrine est au moins proxima fidei, et le texte du concile est favorable à cette interprétation. — Que le concile n’ait rien défini sur ce sujet, la chose est certaine et suit de la position qu’il prit : « Nous affirmons le pouvoir, les principes, sans rien dire de Yexercice de ce pouvoir. » Il n’est donc point défini que tout individu peut et doit acquérir une connaissance certaine du vrai Dieu par suite du développement normal de sa nature intellectuelle. Mais, qu’il en soit ainsi, la chose n’est pas douteuse, parce que, dans l'Écriture, la connaissance certaine du vrai Dieu est présentée comme facile, plus facile que la science du monde, vider i, Sap., xiii, 5, 9, conspiciuntur, Rom., I, 20, de telle sorte que l’homme est responsable devant Dieu de ne pas la posséder ou de la renier. Les Pères ont souvent affirmé que, même chez les païens, il y a une connaissance élémentaire de Dieu qui est spontanée, congénitale, d’où conclut saint Cyprien après ïertullien : Summa delicti est, nolle agnoscere, quem ignorare non possis. De idol. vanit., n. 9, P. L., t. iv, col. 577. Cf. Tertullien, Apolog., c. xvii, P. L., t. i, col. 376. Que le texte du concile soit favorable à la doctrine traditionnelle, cela suit du principe général que les documents ecclésiastiques doivent se prendre au sens de la doctrine scripturaire et patristique ; dans le cas particulier, le concile fait appel au passage de saint Paul, Rom., i, 20, où sûrement il est question d’un pouvoir physique de connaître Dieu qui passe facilement a farte, Rom., i, 19 ; enfin, le grand soin qu’a pris le concile de bien distinguer, comme nous l’avons explique, l’objel de la connaissance pour lequel il admet une impuissance morale dans l’homme, est un indice certain que s’il Considérai) coin nie difficile la connaissance rapide, sûre et sans erreur de tout ce que nous pouvons connaître de Dieu par la manifestation de ses perfections dans ses o’iivres. il entendait que la simple connaissance de Dieu, qui suffit à commencer la vie morale et religieuse, est i la portée de

tous. Nous n’avons pas à discuter ici la question de la

possibilité de l’athéisme, voir athéisme, el Kilber, De /'.. e. i, dans Theologia Wireeburgetuii. mais ce que venons d’exposeï fera comprendre au lecteur pourquoi lis théologiens : a) refusent de suivi

qu’ils ne considèrent comme valable que la connaissance de Dieu qui explicitement saisit l’Absolu, l’inflniment parfait, etc. ; fr) ni prél ni pas aux systèmes apologétiques qui. sous le prétexte de jouer un vilain tour aux historien eom ti ni ou mettent en question i ment

uni'.. di I al i i

leur. C) i -' jettent aussi bien btle 01 II 'I api ' quelles la raison naturelle ne pourrait aboutir qu’au

I - 27 83t

DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE

8 : 36

panthéisme (D r Kuhn), que celles qui posent en principe qu’ii y a des hommes déterminés à l’erreur ou à la vérité, comme M. l’abbé Martin le prétend pour le philosophe de génie. « Pour lui [liant, Spinoza, saint Augustin, Bossuel], la seule raison est sa raison propre, déjà déterminée à penser telle doctrine. » La démonstration philosophique, Paris, 1898, p. 213. Les théologiens ont de honnes raisons de cultiver une psychologie moins simpliste.

i' Le concile n’a pas défini que le pouvoir physique de connaître Dieu, par la raison au moyen des créatures, est tellement personnel qu’il passe nécessairement à l’acte indépendamment du milieu social, ou que tout individu en possession de sa raison a par le fait le moyen de connaître Dieu sans l’aide d’aucune autorité extérieure ; mais cette doctrine est certaine, proxima fidei. — En d’autres termes, la thèse que le dernier critérium de l'évidence soit le consentement universel n’a pas été condamnée directement par le concile, pas plus que la théorie cartésienne qui fait dépendre la valeur du témoignage de nos facultés de la véracité divine. Sans doute, si le concile avait dû ou pu procéder par voie d’investigation philosophique, il eut fallu discuter ces questions ; mais les conciles décident directement par voie d’autorité scripturaire et traditionnelle. D’ailleurs, sur un point donné, les conciles le plus souvent ne définissent pas toute la doctrine, mais seulement ce qui est indispensable pour écarter du peuple chrétien les erreurs régnantes ; or il n’est pas toujours nécessaire pour atteindre ce but de trancher tous les problèmes philosophiques afférents. C’est ainsi que le traditionalisme a été condamné en vertu d’un principe théologique. Il suivait des spéculations philosophiques du traditionalisme rigide que, sans la révélation transmise par la société, l’homme est incapable de connaître Dieu, d’où la nécessité absolue de la révélation, et l’insuffisance de la raison naturelle. Ces conclusions étaient contre le dogme révélé : le concile les a rejetées directement.

Un amendement fut proposé demandant l’insertion dans le texte de ces mots : cilra quamlibet de Deo traditam doctrinam. Acta, col. 121, emend. 8. Si cet amendement eût été voté, le traditionalisme le plus mitigé eut été directement condamné et on eût déterminé que le pouvoir de la raison est strictement, adéquatement, personnel. Mais le concile, sur la demande de la commission et de son rapporteur, rejeta cet amendement. Acta, col. 130 ; cf. col. 150, emend. 52. Cependant le traditionalisme mitigé, qui posait l’enseignement social comme condition de la connaissance certaine de Dieu, se trouvait indirectement atteint, non point précisément à cause de son appel à l’enseignement social, à l’autorité extérieure — le concile ayant constamment refusé de s’occuper des conditions du développement et de l’exercice de la raison — mais en tant qu’il dérivait l’apport de l’enseignement social, en matière morale et religieuse, de la révélation surnaturelle : ce qui réintroduit la nécessité absolue de cette révélation, au moins pour arriver à une connaissance de Dieu certaine : certo cognoscere.

Une hypothèse fera comprendre tout le sens de celle conséquence. Si quelqu’un disait : L’apport de la tradition ne dérive pas précisément de la révélation primitive surnaturelle [indebila) faite à Adam, mais seulement de la science religieuse infuse par accident (adulto débita) qu’il reçut, de l’avis de tous les théologiens, au moment de sa création, science qui n'était pas strictement surnaturelle mais seulement miraculeuse comme serait la connaissance que nous aurions, par exemple, d’une langue étrangère par des espèces soudainement infuses ; cette façon de défendre le traditionalisme mitigé s< rait, d’après Granderath, p. 37, note 3, à l’abri de la condamnation même indirecte du Vatican, parce que,

tout bien pesé, la nécessité absolue de la révélation surnaturelle n’en découlerait pas.

On peut admettre et nous admettons la concession de Granderath ; mais il faut remarquer qu’elle ne sauve pas de l’erreur ceux qui nient le pouvoir perso, de connaître Dieu. En effet, quand on admet que la science religieuse, per accidens infusa, d’Adarn était due à son état d’adulte et par suite non surnaturelle au sens strict, c’est qu’on considère comme due, et par conséquent comme naturelle, la connaissance certaine de Dieu chez l’adulte. En d’autres termes, la théorie classique sur la science infuse d’Adam suppose et la notion du surnaturel et le pouvoir de connaître Dieu, que le concile du Vatican a solennellement sanctionnés. On ne peut donc rien déduire de cette théorie contre le pouvoir physique personnel de connaître Dieu qu’admettent les théologiens, puisque la supposition d’un tel pouvoir personnel est à la base de toute la théorie classique sur laquelle on s’appuie.

Il est d’ailleurs aisé de se rendre compte des raisons pour lesquelles les théologiens, tout en concédant si l’on veut avec Corluy, .S’pi’cHegriMH^Gand, 1884, t. i, p. 9t. que l’on ne peut rien déduire de l'Écriture pour les cas singuliers de l’homme des bois, du sourd-muet, voir cependant Franzelin, De traditione, 2e édit., p. 609. enseignent que la thèse du pouvoir physique personnel est proxima fidei. Dans l’hypothèse des adversaires, il faudrait donner aux passages classiques, Sap., xiii, 5 ; Rom., i, 20, le sens suivant : L’ignorance de Dieu est inexcusable, parce que la connaissance de Dieu a été donnée à tous les hommes par la science infuse naturelle d’Adam, grâce à laquelle tous les individus peuvent avec certitude découvrir Dieu dans les créatures. Mais est-il vraisemblable qu’un pareil sous-entendu, si peu dans les idées communes de l’humanité, se trouve dans ces textes ? Ne faut-il pas ranger une pareille exégèse parmi ces tours de passe-passe que l’envie de découvrir ou de mettre une théorie philosophique dans l'Écriture fait inventer ? D’ailleurs, la tradition a toujours entendu ces textes d’un pouvoir personnel el exclu tout autre témoignage que celui des créatures. Cf. Heinrich, Dogmatische Théologie, Mayence, 1881. t. i, p. 135-199 ; Perrone, Prxlect., De locis theol. t part. III, sect. i, c. i, Louvain, t. ix, p. 383.

Les modernistes ayant mis à la mode un certain mépris pour les dires de l'École, pour les décrets doctrinaux des Congrégations romaines et pour les condamnations pontificales, il est ici opportun de rappeler que le concile du Vatican lui-même a, en quelque sorte, pris à son compte les décisions romaines sur le sujet qui nous occupe. On lit, en effet, à la fin de la constitution Dei Filius, cet avertissement : * Comme il ne suffit pas d'éviter l’hérésie, si l’on ne fuit aussi avec soin les erreurs qui en sont plus ou moins voisines, nous avertissons tous les fidèles du devoir qu’ils ont d’observer aussi les constitutions et les décrets par lesquels le saint-siège a proscrit et prohibé les opinions de ce genre dont mention expresse n’est pas faite ici. » Denzinger, n. ItiGti ; Acta, col. 131. Cf. Franzelin, De traditione, 2e édit., 1875. p. 131 sq. Or, on sait que Lamennais, Bautain, Bonnetty, Ubaghs, etc. ont été condamnés. Il est vrai que cette monition du concile ne change rien par elle-même aux notes théologiques que méritent les erreurs de ces auteurs ; mais comment se dire fils soumis de l'Église, si l’on tient pratiquement pour non avenues les monilions d’un concile œcuménique ? Observons que dire avec presque tous les théologiens qu’en fait la première connaissance que nous ayons de Dieu nous vient le plus souvent de l'éducation, c’est constater un fait facilement observable ; dire qu’elle ne peut venir que de l'éducation, du langage, c’est construire toute une théorie.

5° Le pouvoir physique de connaître Dieu qu’a défini

le concile, ne se borne pas au pouvoir de connaître le fait brut de l’existence de Dieu, sans atteindre aucune de ses déterminations intrinsèques. — En d’autres termes, l’agnosticisme dogmatique est inconciliable avec le concile du Vatican. Cet agnosticisme consiste essentiellement à soutenir : 1. contre l’agnosticisme pur, que nous croyons à l’existence de Dieu ; 2. contre le dogmatisme, que nous ne connaissons cependant en aucune façon la nature intrinsèque de Dieu auquel nous croyons ; notre connaissance de Dieu se réduit donc au fait brut de l’existence. Dans ce système, le sujet Dieu n’est désigné que par de pures périphrases. Nous n’avons pas à expliquer ici pourquoi et comment cette forme d’agnosticisme, qui est celle des modernistes aussi bien que de Kant, llamilton, Mansel et Spencer, diffère de l’athéisme. Voir Agnosticisme, t. i ; Dictionnaire apologétique de la foi, 1909, t. I, et The Catholic Encyclopsedia, New-York, 1907, t. i. Il nous suffit de montrer que le concile entend parler, non seulement de la connaissance de Vexislence de Dieu, mais aussi d’une connaissance de l’essence divine, telle que nous puissions former des jugements de valeur objective sur sa nature intrinsèque, en particulier sur la personnalité et sur la providence divines. Si l’on pèse bien tous les termes du chapitre et du canon que nous étudions, on y trouve joints au nom de Dieu, les mots « principe et fin de toutes choses, un, vrai, notre créateur et notre maître. » Dans le cours des discussions du concile, divers amendements furent proposés demandant la suppression de toutes ces appositions. Acla, col. 221, 228, 229, 1629, 1631, 1652, 1655. La principale raison, apportée à l’appui de tous ces amendements, était qu’en employant ces termes le concile avait l’air de trancher des questions controversées dans l'École, par exemple celle-ci : « La création proprement dite, e.r nihilo, peut-elle être connue parla seule raison naturelle ? » Le rapporteur répondit qu’en employant ce terme, on ne faisait que suivre et adopter l’exemple et l’usage de l'Écriture. Sap., xiii, 5. Or, tout le monde dans l’Kcole convient que ce texte ne démontre pas à lui seul la création ex nihilo et ne décide pas qu’elle soit démontrable par la seule raison ; il en serait de même du texte conciliaire, si le concile adoptait la rédaction proposée. Acla, col. 79, I i'. ». 243. Ii’où il suit que la formule adoptée par le concile signifie que la raison naturelle peut connaître avec certitude le Dit u qii, dans l'Écriture, se dit unique et wai, notre créateur et notre maître. En d’autres termes, il est défini que la raison peut connaître le Dieu, qui est créateur au sens large du mot, mais il n’est pas défini qu’on puisse par la seule raison, indépendamment de toute révélation, le connaît i rtitude, comme

créateur, au sens strict, que tous les chrétiens entendent dan i. Voir t. iii, col. 2192-2195.

Lei déclarations très nettes du rapporteur sur le mot

indiquent aussi comment il faut entendre ces principe et fin de toutes choses, comme le fait justement remarquer Granderath, p. 16. Si, eu

laissé indécis le point d i la raison,

ule, peut d> montrer la création ex nihil

i "ment danla ne ne indécision le point i li 'ne* raison, non éclairéi par la

ut connaître heu comme principe et fin de ar "i lu. u n’a p - ci ex nihilo, mais iplement pro luil i I ordonné le monde, il nV

el II lill (le tOl plein

que rendi lani l hjpothi se de la cré ition

ni dite. Il faut il. me dire que le I u pi foi d l'Église pai i principi

' du e. iii, , ii, , i dire que pu la seule connaître Dieu, principe et fin de toutes chosea rge di mol, tan* décidi

notre pouvoir physique naturel de connaître Dieu va, sans l’aide de la révélation, jusqu'à saisir avec certitude que non seulement il est notre principe et notre fin, mais encore qu’il est en fait et en droit l’unique éternel principe de tout ce qui n’est pas lui. Acla, col. 236. Tout le monde conviendra que si le concile eut défini ce dernier point, l’agnosticisme dogmatique eût été par cette décision nettement rejeté. Mais bien que la définition du concile n’ait pas toute cette ampleur, ce qu’elle contient exclut sans aucun doute non seulement l’agnosticisme pur, qui nie que nous puissions connaître l’existence de Dieu, mais encore l’agnosticisme dogmatique qui nie que nous puissions jamais porter de jugement valable sur la nature intrinsèque de Dieu, spécialement sur la personnalité et sur la providence divines. En effet, connaître Dieu, notre principe et notre fin, notre créateur et notre maître, ne va pas sans quelques jugements sur sa nature intrinsèque. Certains agnostiques concéderont avec Kant et même avec Spencer la présence dans notre esprit de ces jugements, mais ils en contesteront la valeur objective. Or, il est certain que c’est précisément cette valeur objective que le concile a eu en vue d’affirmer. En effet, comme nous l’avons rapporté, col. 824, les théories kantiste et positiviste sur la connaissance furent visées nommément par le concile, aussi bien que le traditionalisme, qui lui du moins, s’il était agnostique ou sceptique avant la foi, ne l'était pas avec elle. Un amendement fut d’ailleurs proposé qui demandait la condamnation expresse de ceux qui « sans précisément nier l’existence de Dieu » errent de diverses manières sur sa nature et tombent dans le panthéisme. L’amendement fut rejeté, non pas comme hors de la pensée du concile, mais comme inutile, étant donnée la portée du texte préparé par la commission. Acla, col. 98, 103. Non seulement le concile se sépara des agnostiques croyants, mais il voulut affirmer plus que ne faisaient les déistes. On sait que les déistes — ces dogmatiques dont parle Kant — admettaient que nous avons la connaissance des attributs métaphysiques de Dieu, mais, non pas une connaissance qui puisse servir de base à la vie morale et religieuse. Or, nous l’avons déjà dit, col. 82 i, le concile en parlant de Dieu, principe et fin de toutes choses, entendit expressément affirmer, non seulement avec les déistes que nous pouvons avoir de Dieu une connaissance spéculative et purement théorique objectivement valable, mais encore contre les déistes que cette connaissance est telle qu’elle rend possible le commencement de la vie morale et religieuse : ce qui, a n’en pas douter, inclut la personnalité et la providence divines. Les modernistes auront beau épiloguer ; ils ne réussiront pas à faire que telle n’ait pas été la pensée du concile, car ad prwlerilum non datur poI a : lui ; el il n’est pas de théorie de l'évolution qui fuie ipnle sens historiquement déterminé d’un texte diffère demain de ce qu’il est aujourd’hui et de ce qu’il était au jour où il a été écrit. Or, il est certain « pie le concile a oiilu affirmer que, parles seules lumières de la raison, nous BOmmeS capables de porter

sur Dieu des jugements de valeur objective, tels qu’ils

ni d.' fondements a notre vie morale et religieuse,

jioBa et nhiriiii qua Dette apprehende retur utcolendu » < ! cm obediendum tit ; bien plus, le

le a VOUlll dire que née naturelle

de Dit n i amène au seuil d'- la révélation positive.

i nonprépare a la rece oir. ce qui inclut toute une théodicée. ( les /<" I Hanta

pour ceux doni la preiiiiere démarche en apologétique est d’admettre, ndo ce qui peut se faire

al et ni si", rent néa iir< rende, que la critique kantienne > i ipencéi i< ans de la conn. ' dont toute la théodicée

luil a la seuls idée absti aite de l’incompn i

bilité divine, soit par transcendance, soit par immanence. Mais ce sont des faits dont il faut tenir compte. D’ailleurs, tout ce que le concile a affirmé se trouve dans le texte de saint Paul, Rom., i, 20 ; les païens y sont déclarés inexcusables de ne pas avoir honoré celui dont ils ont connu, vu les attributs invisibles par le moyen des créatures. C’est donc qu’ils ont connu Dieu de telle sorte que l’adoration, l’obéissance devaient suivre de la connaissance qu’ils avaient. Mais sans la connaissance d’un Dieu personnel et provident, ces termes n’ont plus de sens, à moins qu’on ne fasse consister la religion, avec l’athée Clill’ord, dans « l'émotion cosmique », et qu’on ne prenne pour de la religion le tressaillement que peut subir un névrosé en pensant qu'à chacun de ses efforts musculaires « collabore la masse des étoiles ».

6° Le concile, sans exclure toute connaissance immédiate de Dieu et sans décider si oui ou non la première connaissance de Dieu peut nous être donnée par la révélation, enseigne que nous avons le pouvoir physique de connaître Dieu médiatement, per ea qu.e facta sunt, E rébus creatis. — 1. Une proposition affirmative n’est pas une proposition exclusive. En affirmant un pouvoir naturel médiat de connaître Dieu, le concile n’exclut donc pas d’autres manières de le connaître, s’il en est. En particulier, a) la doctrine de la connaissance immédiate de Dieu, soutenue par les ontologistes, n’est pas condamnée directementpar le texte du concile. Il fut question des ontologistes, dans l’assemblée et hors de l’assemblée, à plusieurs reprises. Acta, col. 1652, 120, 1672, 849, 127, 128, 153. Mais la question ne fut pas discutée à fond ; on se contenta de l'écarter et de la « laisser en l'état ». L’ontologisme n’est donc pas opposé au texte du concile, à la condition pourtant que la connaissance immédiate ne soit pas proposée comme l 'unique moyen de connaître Dieu, à l’exclusion de toute connaissance médiate certaine ; et que l’on prouve que cette connaissance immédiate est naturelle. Les ontologistes soutiennent le second point ; mais comme les théologiens prouvent solidement, par des moyens termes proprement théologiques, l’impossibilité de la vision intuitive par les seules forces naturelles, la doctrine des ontologistes se trouve inconciliable avec le mot naturali du texte conciliaire. D’autre part, plusieurs ontologistes expliquaient la vision en Dieu de telle sorte que la création ex nihilo et la distinction adéquate de Dieu et du monde disparaissaient. Cette forme d’ontologisme est inconciliable avec la distinction de Dieu et du monde et de la création ex nihilo enseignées par le concile. Acta, col. 85, 86. Cf. Granderath, p. 75, n. 1 ; Denzinger, n. 1521 sq. Enfin, un bon nombre d’ontologisles enseignaient avec Ubaghs que, sans l’intuition préliminaire immédiate de Dieu, l’homme ne peut pas par les créatures connaître Dieu avec certitude. Ubaghs, Theodicese seu l/teologise naturalis elementa, Louvain, 1852, p. 66 sq. Cette proposition, en tant qu’elle est exclusive de la connaissance médiate pour amener à la certitude, est immédiatement opposée à la définition du Vatican. Cf. Granderath, op. cit., p. 37. Voir Ontologisme.

6) M. Bæuinker dislingue deux voies pour parvenir à Dieu. L’une qui dérive de la doctrine platonicienne des idées, et qui a pour principe que l’ordre objectif correspond à l’ordre de nos idées et qu’un objet réel répond à notre système de concepts. Souvent saint Augustin s’en est servi, comme plus tard saint Anselme, puis Descartes, Leibniz. On peut appeler cette méthode immédiate, en ce sens que, sans nier la valeur du procédé par voie de causalité, elle n’a pas recours à la considération des causes. L’autre voie est celle d’inférence causale, qui part du monde pour remonter à son auteur. Cf. Bæumker, Witelo, Munster, 1908, p. 289 sq., dans Beitrâge, t. ni. Voir Grabman, Die philosophisc/ie

und l/teologisclie Erkennlnislehre des Cardinals Matthœut von Aquasparta, Vienne, 1906. Le concile du Vatican, en définissant que nous pouvons connaître Dieu per ea qusa facta sunt, e rébus creatis, n’a pas voulu exclure la première voie. Le rapporteur, en elîet, exposa en plein concile que le texte n’entraînait nullement la condamnation « du très célèbre argument de saint Anselme. » ^4c<a, col. 132. Les cartésiens qui siégeaient au concile se trouvèrent donc fort à l’aise pour voter le texte ; car on sait que peu de cartésiens nient la valeur des arguments fondés sur la causalité, efficiente ou finale.

Cependant le P. Piccirelli, De Dco uno et trino, Naples, 1902, p. 21, et n. 29 sq., soutient cette thèse : Fide divina edocemur…, sine ullo subsidio neque immédiates et directe visionis divini esse, neque prmlernaturalis idese innalse Dei ad mentent cartesianorum, ex rébus factis… in Dei exislenlis cognilionem posse assurgere. Nous ne saurions le suivre. — a) Le P. Piccirelli fait sur les idées innées un raisonnement analogue à celui que nous avons fait nous-mêrne à propos de l’ontologisme. Mais il y a entre les deux cas de notables différences. C’est par des moyens termes théologiques qu’on prouve l’impossibilité de la vision immédiate par les seules forces naturelles, et le P. Piccirelli, pour prouver l’impossibilité des idées innées, n’a que ce refuge, qui n’a rien de théologique, ut docetur in psychologia. La philosophie la plus scolastique du monde n’a jamais démontré la répugnance intrinsèque des idées innées ; car, de l’avis de tous les théologiens, Adam, le Christ en ont eu et les anges n’en manquent pas. Au contraire, la même philosophie scolastique, qui en psychologie se borne à montrer que les idées innées ne sont pas données dans l’expérience et ne sont pas requises pour expliquer notre connaissance intellectuelle, donne de bonnes et solides, bien que subtiles, raisons contre toute vision immédiate de Dieu par les seules forces naturelles. — b) Pour prouver sa thèse anticartésienne, l’auteur introduit, soit dans les textes qu’il cite, soit dans les livres cartésiens, des distinctions scolastiques — excellentes sans doute — mais qui, bien que familières à tous les théologiens actuels, ne se trouvent, ni chez les cartésiens, ni dans les documents conciliaires. Il parle, à propos des idées innées, qu’un cartésien ne lui concédera jamais être « préternaturelles », de l’acte second, et de l’exercice, des principes quo, quod, in quo. Mais le concile du Vatican n’a parlé que du pouvoir de connaître Dieu et s’est abstenu de parti pris de toucher à la question des conditions et de l’exercice de ce pouvoir. Mais, de plus, l’idée innée de Dieu des cartésiens n’est pas un acte second, et les cartésiens objectivistes concéderont volontiers au P. Piccirelli, s’il leur montre la nécessité de cette concession, que leur idée innée est un principium quo. — c) Sans doute, le P. Piccirelli, quand il donne comme de foi divine que les idées innées sont à rejeter, suit cette opinion que les conclusions théologiques peuvent être objet de foi divine. Sans discuter cette opinion — ce qui demanderai l beaucoup de distinctions qu’il ne paraît pas fairedans sa thèse — nousnousbornerons à faire observer que la conclusion du P. Piccirelli ne nous paraît en aucune manière suivre des prémisses qu’il avance, de façon à pouvoir être ou devenir objet de foi. Nous ne connaissons, d’ailleurs, aucun autre théologien qui affirme une telle conclusion. Bien que, d’après nous, la connaissance immédiate de Dieu par lidée innée soit une chimère, ce n’est pas une hérésie, et le concile ne l’a pas condamnée.

Pour ne pas avoir à revenir sur le cartésianisme, rappelons la doctrine commune des théologiens. Plusieurs auteurs catholiques ont soutenu et soutiennent que la connaissance spontanée, naturelle, dont parlent les Pères, n’est autre chose que l’idée innée des carte

siens, au sens « d’une représentation actuelle » de Dieu (Thomassin, Klee, Staudenmayer, Kuhn, etc.). La masse des théologiens soutient, et avec raison, l’opinion contraire ; on trouvera dans ce dictionnaire sous le nom des principaux Pères les textes les plus discutés etleur interprétation historique. La masse des théologiens n’admet donc pas qu’il y ait une tradition patristique en faveur des idées innées. Mais de cette constatation à donner une « note » théologique au cartésianisme, il y a d’autant plus loin qu’en se donnant l’idée de l’infini positif Descartes se donnait toute la théodicée. Les théologiens de l'école se contentent donc de considérer la doctrine cartésienne sur l’origine des idées comme « philosophiquement fausse », et la grande raison des théologiens est que cette doctrine ne peut pas se concilier avec le fait de l’athée par l’ignorance. Cf. Pohle, Lehrbuch der Dogmalik, Paderborn, 1902, t. i, p. 14. Si cependant l’innéisme cartésien est proposé de manière à exclure toute véritable preuve de l’existence de Dieu, per ea quae facta sunt, e rébus creatis, on s’accorde à le regarder comme « téméraire », parce que les preuves de l’existence de Dieu ont un solide fondement dans l'Écriture et dans la tradition. Cf. Granderath, p. 41 ; Pesch, Prxlect. theolog., t. il, n. 27.

c) On connaît l’argumentation que Kant a tirée de Locke pour démontrer l’impossibilité de toute révélation positive sur Dieu. Selon lui, la première idée de Dieu ne peut pas nous venir de la révélation ; donc ni la seconde, car il faudrait apprécier celle-ci par la première. Pendant que dura la controverse traditionaliste, quelques apologistes employèrent une argumentation partant du même principe. Cf. Valerga, Del tradizionalismo, Gènes, 1861, p. 24 sq. La première idée de Dieu ne peut pas nous venir de la révélation ; car la foi est essentiellement libre, nemo assent’Uur aUer’t tiisi volons ; or, pour vouloir donner son assentiment à quelqu’un, il faut déjà le connaître. Donc. Quelques théologiens continuent à se servir de cette réfutation du traditionalisme, et la mettent sous l'égide du concile. Les vues systématiques se manifestent ici ; on veut défendre la théorie d’après laquelle l’existence de Dieu ne peut pas être objet de foi ; et comme il semble bien que le concile du Vatican pense autrement, cf. Didiot, Logique surnaturelle subjective, Lille, 1894, p. 323, n. 178sq. ; A cta, col. 171 ; Pesch, l’ræ.lect. theol., t. il, n. 40 sq.. on s’ingénie à déduire de la condamnation du traditionalisme par le même concile un principe qui sauve l.i thèse préférée. Noua n’avons rien découvert dans les Actes du concile qui nous permette de dire qu’il ; iit résolu cette question : la première idée de Dieu peut-elle nous venir de la révélation ? Acta, col. 127. De ce que le concile affirme que la révélation n’est pas nécessaire à la connaissance certaine de Dieu, en s’appuyant sur des textes révélés et par voie d’autorité, le principe de Kanl ne suit du texte que si l’on démontre que le dogme défini ne peut pas se vérifier autrement. M ; i i - comment fera-t-on cette démonstration ' Su. ne/ s’est posé la question, el a résolu ince 1 objection de Locke et de Kanl, De Deo, 1. I. c. i. n. 3 sq. ; et depuis trois roui-, ans on n’a pas re démontré contre lui l’impossibilité de cet acte : a$seni>)i primo Deum ene e.r testimonio ipritu Dei. D’ailleurs, ceux qui se séparent ici di Suarei et en appellent avec confiance à v ; , ini Thomas, ne paraissent jamais di mandi li li nrs doctrim i a’accor tit facilement avec ce que 'lit le grand docteur de la première grâce d’Adam, question où Suarez, comme tout le monde le tait, suit ci défend saint Thodit I wm, I. III, c. wiir sq. ; s. Tho mas, De verilate, q, xviii, a. 2 sq. Enfin est-il bien dans la méth< ifnl i homaa d.' prou< i r de ruines, là ou ipe de pri

lide de principe douteux, simplement probables,

et d’où on peut tirer aussi bien l’erreur que la vérité? Nous croyons donc qu’après, comme avant le concile, l’argument de raison théologique contre les traditionalistes doit se formuler, sans entrer dans cette question controversée et sans introduire des vues systématiques sur l’obscurité et la liberté de l’acte de foi.

L’argument suivant, d’ailleurs classique, paraît satisfaire aux conditions indiquées ; et il vaut contre tous ceux qui, pour expliquer la première connaissance de Dieu, font appel à la foi, ou à la croyance commandée par la volonté libre. Le premier élément et le plus important de la crédibilité de la religion chrétienne est la connaissance certaine de l’existence de Dieu. Si donc on soutient que cette connaissance certaine ne peut être obtenue que par la révélation, ou en vertu d’un acte commandé par notre volonté libre, on est amené à conclure que la foi chrétienne n’est pas évidemment croyable, et par conséquent que l’assentiment de foi ne peut pas être prudent et raisonnable. Or, on démontre qu’il en est autrement. Voir Crédibilité, Foi. Nous préférons cette argumentation à celle qui suppose que la révélation ne peut pas donner à quelqu’un la première idée de Dieu, parce qu’elle nous parait solide et tout à fait conforme au concile du Vatican.

2. Que nous ayons le pouvoir physique de connaître Dieu d’une façon médiate, l'Écriture elle-même nous l’apprend. Les passages classiques sont ceux que nous avons déjà cités souvent, Sap., xiii ; Rom., i, 20 ; et il serait facile d’en citer beaucoup d’autres, par exemple, Rom., Il, 12 sq. ; Act., xiv, 14 sq. ; XVII, 24 sq., etc., où la nature créée nous est présentée comme un miroir où Dieu se rend visible au regard de notre esprit, non certes immédiatement, mais par l’entremise des créatures, que nous voyons placées sous sa dépendance et dont nous saisissons qu’il est la cause. Hien plus, l'Écriture nous apprend que de la contingence des créatures imparfaites nous pouvons passer à l'être nécessaire, ht tcôv ôpo|/ivtov àyaOûv E’ios/ai -'>> 'jvtoc, Sap., xiii, 1, et remonter par discours intellectuel des perfections finies à la perfection divine à l’aide des principes de causalité et de raison suffisante : a nwgnitudine enim speciei et creaturse cognoscibiliter [ « vaX^yait] poterit creator horion videri. Ibid., 5. Cf..lansénius d’Ypres, dans Cursus sacrse Scriptura completus de Mi^ne, t. xvii, col. 5 : >7.

Est-il besoin d’ajouter que l’expression per ea quæ facta sunt est très générale, que notre Ame et toute s.i vie intérieure y sont comprises, comme eut soin de le déclarer le rapporteur du concile : Nam si iliciotits Drum cognosci nnlurali rationis lumine per creaturas, id est per vestigia quæ creaturis omnibus impretta snni ; mulio minus excludimu » imaginent quw. anima immortali hominit viiipresaa estl Aria, col. 132, 149. Est-il besoin de rappeler le soin avec lequel [es Pères et les docteurs scolastiques ont suivi indications scripturaircs'.' Il vaut mieux signaler 8 l’attention du lecteur la magnifique cohérence de la doctrine scripturaire et traditionnelle, reproduite par

n île. Parlant de la création, le concile déclare, conformément i de nombreux témoigi riptu raires, que Dieu a tout créé « à cause de sa bonté el de

ite puissante vertu, non en vue d’augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, maia pour la manifester par les biens qu’il accorde aux créatun Denzinger, n. 1683, Calvin lui-même avait retenu cet » vérité, lorsqu’il parlait des magnifiques flambeaux allu ii temple du monde pour nous montrer Dieu ; mais Calvin, | >- i esprit de système, noua imaginait aveugles depuis la chute. La doctrine catholique est que, même apn i la chuta, nous somn voyants : le livre du monde non seulement sel ouvert

l, mais nous pouvon I n pi uétTOI Tous

les liions que Dieu nous accorde, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel, portent l’empreinte de l’infinie perfection de leur auteur ; et cette empreinte est dans le plan divin ordonnée à notre esprit : non sine testimonio scipsum reliquit. Act., xiv, 16. Car, quoi qu’il en soit de la question spéculative de la possibilité d’un monde créé sans créature intelligente, il est sûr que le monde, tel qu’il est, est ordonné à nous signifier la gloire de son créateur : Cæli enarrant gloriam Dei, Ps. xviii, 2 ; et que du signe nous avons le pouvoir physique de passer à l'Être signifié. C’est ce qu’on veut dire quand on parle de notre pouvoir de connaître Dieu « médiatement » par la raison naturelle. Mais ces deux derniers mots demandent quelques explications qui compléteront cette étude de la définition du concile du Vatican.

7° Comme moyen subjectif de la connaissance naturelle de Dieu le concile désigne la raison naturelle. — Notons d’abord que cette partie de la phrase n’a rien d’exclusif : on condamne ceux qui soutiendraient que la raison naturelle n’est pas un moyen de connaître Dieu, mais on n’exclut pas les autres moyens de connaître Dieu, s’il en est, comme la révélation proprement dite, l’expérience mystique, ou même simplement le témoignage humain des parents, etc. Le but du concile n’est pas de donner l'énumération de tous les moyens de parvenir à connaître Dieu, mais d’enseigner qu’un de ces moyens est la raison naturelle. Tous les modernistes qui excluent ce moyen sont donc condamnés aussi bien que les traditionalistes, les kantistes et les positivistes que le concile avait en vue. Par exemple, on ne saurait regarder comme orthodoxes les anonymes italiens qui ont écrit le Programma dei modernisli, Rome, 1908, en réponse à l’encyclique Pascendi. Ils rejettent, en effet, la raison du nombre des moyens subjectifs que nous avons de connaître l’existence objective de Dieu, sous le prétexte que le concile était plein de thomistes infatués d’intellectualisme, et qu’on peut modifier le sens des définitions ecclésiastiques, conformément à la loi de l’universelle évolution. Op. cit., p. 105. Cf. Denzinger, n. 1665.

1. D’une manière générale : a) le mol « raison », dans le concile du Vatican, n’est pas employé au sens vulgaire du terme ; b) il n’est pas davantage employé au sens spécifiquement péripalélicien, platonicien, scolaslique, cartésien, leibnizien, etc. ; c) mais il est employé au sens philosophique, répandu au XIXe siècle chez tous les théologiens et chez tous les philosophes, sans en excepter ceux qui, kanlisles, positivistes ou traditionalistes, niaient alors la valeur de la raison. — a) Sans aller aussi loin que les auteurs du Programma, quelques écrivains français, sous le prétexte que les conciles ne font pas de philosophie, soutiennent que le mot raison dans la définition conciliaire doit être entendu au sens vulgaire. Le principe d’herméneutique invoqué est inexact, cf. Ami du clergé, 5 mars 1908 ; mais nous n’avons pas à le discuter ici. Car le sens du mot raison dans notre texte est une question de fait. Que ce mot ne soit pas employé par le concile au sens vulgaire, comme équivalent d’une capacité quelconque de connaître et de juger, la chose est évidente ; car le concile, distinguant la lumière de la raison de la lumière de la foi, caractérise la raison « par la connaissance de la vérité intrinsèque des choses ; » or, on avouera que cette description dépasse « le sens courant, étranger aux systèmes, qu’un homme du peuple pourra voir » du mot raison. Le mot raison, dans le langage vulgaire, entendu de tout le monde, y compris les enfants qu’on dit avoir atteint l'âge de raison, rend un sens plus large. Acta, col. 171.

b) Le même mot n’est pas employé par le concile dans le sens spécial que lui donnent les diverses écoles

de théologie et les diverses philosophies suivant leurs doctrines variées, touchant la table rase, l’intellect actif, l’origine des principes, les différentes conceptions de la matière et de l’esprit et de leurs relations. On en conviendra facilement à l'égard des systèmes que le concile a eu en vue de proscrire. Il en est de même à l'égard de ceux qu’il n’a pas condamnés. Le mot raison dans le concile n’est employé ni au sens spécifiquement péripatéticien, ni au sens de saint Augustin, ni dans celui qui est spécifiquement de saint Thomas. Ce n’est pas même le mot raison au sens des scolastiques, en tant que ce sens est spécifiquement distinct, par exemple, du cartésianisme et du platonisme. Les modernistes italiens dans leur Programme parlent du sens thomiste du mot raison dans le concile. Il faut dire pourquoi ils se trompent.

a. Où dans le concile se serait trouvée une majorité pour voter le mot raison dans le sens scolastique précis ? D’où serait sortie cette majorité, puisque le cartésianisme, l’ontologisrne, le traditionalisme s’enseignèrent un peu partout, sans excepter Rome, durant les soixante années qui précédèrent le concile ? Sans doute, la scolastique durant cette longue période n'était pas complètement morte ; mais pour cent cartésiens qui ont écrit durant les trois premiers quarts du xixe siècle, on serait bien embarrassé de nommer dix scolastiques, au sens spécifique du mot. Le Programma des modernistes italiens est donc victime d’une projection du présent dans le passé, quand il parle de concile thomiste, à propos du Vatican. Il y avait des thomistes — encore un mot devenu équivoque depuis quelques années — au Vatican, par exemple, des bannéziens — quelques amendements, non acceptés, trahissent leur présence, leurs préoccupations et leur mentalité. Mais la masse des amendements fut dans un sens tout opposé ; et ceux qui furent les ancêtres des divers néo-thornismes actuels ne paraissent avoir eu que fort peu d’influence dans l’assemblée. Les discours des rapporteurs sont aussi peu thomistes que possible ; ils renferment même plus d’une saillie qui dut plaire médiocrement aux thomistes présents, par exemple, l'éloge du fameux argument de saint Anselme, rejeté par saint Thomas, et, durant des siècles, par toute l'école thomiste. Sans doute, Franzelin, qui écrivit les travaux préparatoires de l’assemblée, était scolastique et thomiste. Il était scolastique dans toute la force du terme ; mais la rédaction qu’il avait préparée fut rejetée, parce que trop scolastique. Vacant, t. i, n. 16, p. 32. En un sens très réel, qui est celui qu’avait dans l’esprit le nominaliste Arriaga lorsqu’il pensait diminuer son adversaire Suarez en le qualifiant de thomiste, Franzelin était thomiste, comme Kleutgen, comme je le suis moi-même ; mais les modernistes italiens savent très bien que Franzelin n'était pas thomiste au sens où ils emploient ce mot, et que le « thomisme » qu’ils ont en vue n’a pas Franzelin ou Kleutgen pour patrons.

b. Qu’on parcoure, je ne dis pas les travaux de polémique et de littérature courante, mais les livres qui comptent et qui représentent la pensée du monde théologique, parce qu’ils sont écrits par des hommes qui dominent leur sujet ; on verra combien ils sont réservés pour avancer que tel ou tel auteur est condamné ou atteint par le concile du Vatican. Le P. Gratry excluait tout syllogisme du procédé par lequel nous connaissons Dieu ; il le décrivait comme « une opération de la raison, qui, regardant l'être Qui, monde ou Ame, voit par contraste et par regrès, dans ce fini l’existence nécessaire de l’infini. » Connnissance de Dieu, t. ii, c. VIH. Or je ne connais pas un théologien qui affirme que le P. Gratry soit condamné ; tous disent, il est vrai, que le procédé est imaginaire et par suite faux. Il est pourtant bien évident que si la doc

trine scolastique de la raison avait été inclue dans le texte du Vatican, le P. Gratry comme le procédé « métalogique » des giinthériens seraient hérétiques. Pour d’autres auteurs, il est vrai, les théologiens discutent, par exemple pour Kuhn et aussi pour la Grammar of assent de Newman. Le fait de ces discussions montre à l'évidence que la doctrine scolastique de la raison n’est pas considérée par les théologiens comme nécessairement impliquée par la doctrine du concile. Si elle l'était, ni Kuhn, ni Newman ne feraient l’objet d’un doute, puisqu’il est certain que leurs théories de la connaissance ne sont pas celle de l'École.

c) Que le concile ait employé le mot raison dans le sens philosophique commun au xixe siècle à tous les théologiens et à tous les philosophes, sans en excepter ceux qui, positivistes, kantistes ou traditionalistes, niaient alors la valeur de la raison humaine, les Actes de l’assemblée nous l’apprennent ; l’histoire du concile et le texte volé nous le disent encore plus clairement. Dans un moment de vivacité, dont la sténographie nous a conservé la trace, le rapporteur, comme il arrive, dit, à ce sujet, toute sa pensée. Les amendements favorables au traditionalisme mitigé se multipliaient ; le rapporteur se lassait de répéter qu’on parlait, non de l’exercice, mais des principes de la raison. « Si, dans ce sens, ajouta-t-il, on ne peut pas employer l’expression de « lumière naturelle de l’homme », il faudrait biffer absolument tous les livres tant des théologiens scolastiques que de tous les autres. » Acla, col. 238. Le rejet des amendements fut acquis.

La position même des controverses que le concile avait en vue de terminer, amenait d’ailleurs l’assemblée à prendre le parti qu’elle prit en effet. Par raison, tous ceux que le concile visaient, entendaient précisément ce que les théologiens et les philosophes, qu’ils combattaient, signifiaient par le même mot, à savoir le pouvoir des idées ou concepts, des principes et des conclusions. C’est ce pouvoir dont les traditionalistes, les kantistes et les positivistes contestaient la valeur objective aux cartésiens, aux rationalistes comme Wegscheider et.luhs Simon, enfin aux théologiens catholiques. Or, comme pour niera un adversaire sa position, il est nécessaire de s’entendre avec lui sur cette position, on peut dire que les ennemis de la raison i atendaient ce mot comme ses défenseurs. Le concile, s’il eût pris le mol dans un sens différent, n’eût atteint ni les traditionalistes, ni les kantistes, ni les positivistes ; et dan agi - où il enseigne contre les rationalistes les limites de la raison et ses véritables rapports avec la révélation, il eût parlé une langue Inintelligible <>n objectera que le concile aurait pu définir sa terminologie et par là, sans parler la même langurque ci ux qu’il condamnait, les atteindre. On en convient ; mais il ne l’a pas fait, les Actes de l’assemblée en fonl roi, el si le où le mot raison b’j trouve employé dans le sens admis par les adversaires sont tns nombreux, nous n’avons pu en découvrir aucun où le concile ait produit une définition spéciale de la raison,

n plus, ce qui est dit de la raison dans le texte

oguement discuté de la constitution Dci Filius

confirme ci que l’histoire nous apprend. La raison y

' idéi ou i ipts, puisqu’elle est le

pouvoir de l’idée de Dieu, objel central du débat avec d ingi r M 1634. Elle eal le pouvoir des princi], iii<ini le vrai, propter

tant, objet que 1 n’atteinl pat de la même manière. Denzinger, o. 163 oir d’inférer et de déduit

elle peut, a) indépi adamment di la fol, atteindre certaines vérités ur Dl lare

dépendant au devoir « le la fol, Denzin n. 1618, 1688 ; li ta, col. 503

par le discours, à l’aide du raisonnement par analogie et par téléologie, à une certaine intelligence des mystères sans toutefois les épuiser, Denzinger, n. 1644 ; c) et enfin démontrer les fondements de la foi et cultiver la science des choses divines, ibid., n. 1658, 1646 ; tous actes qui ne vont pas sans le pouvoir de porter des jugements objectivement valables sur la nature intime des choses et de Dieu. Décidément, à défaut d’autre mérite, le Programma des modernistes italiens ne manque pas de clairvoyance, quand il reconnaît que l’idée de la raison, telle qu’elle est exprimée dans le concile, est incompatible avec les théories modernistes sur la connaissance philosophique, scientifique et religieuse. D’autre part, il nous paraît évident que le texte du concile exprime de la raison un concept qui ne se réduit pas au sens commun. C’est que le concile, qui n’avait pas de l’objet de la foi et de la philosophie qu’il implique, la notion exténuée des écrivains français que nous réfutons, ne pouvait pas concevoir comme eux le rôle de la raison.

Si maintenant l’on demande sur quel fondement scripturaire ou patristique le concile s’est appuyé pour parler de la raison dans le sens philosophique, bien que non systématique, que nous venons d’indiquer, la réponse est très simple. L'Écriture, soit dans des matières faciles à tous, soit dans des matières qui dépassent l’intelligence commune et vulgaire, est pleine de quia, enim, ergo, etc. ; or ces particules n’ont pas de sens sans l’idée de la raison que nous avons décrite Au début du xvii c siècle, quelques controversistes français imaginèrent d’acculer les protestants, qui prétendaient s’en tenir à la Bible seule, à l’absurde et au si lence, en leur refusant de raisonner d’aucune façon sur l'Écriture, sous le prétexte que l'Écriture ne donne nulle part les règles de la logique et « les formes de conséquence » ; par conséquent, disaient-ils aux protestants, en raisonnant même exclusivement avec des textes d'Écriture, vous allez contre votre premier principe sur la règle de foi, qui est la Bible seule. Cf. Chossat, Les jésuites et leurs œuvres à Avignon, Avignon, 1896, p. 20Ô. Cette chicane embarrassa peutêtre le premier huguenot auquel on la fit, mais l'Église n’approuva pas cette nouvelle apologétique, qui se plaçait en dehors du bon sens et aussi en dehors de la tradition. Les Pères ont raisonné beaucoup sur Dieu et sur les choses divines ; ils ont employé la raison pour pénétrer et pour exposer les « conséquences » que nous propose l'Écriture, par exemple, la métaphysique des attributs divins de la seconde partie d’Isaïe ; ils ont de plus tenu pour valables les conclusions aussi bien que les principes de ces conséquences. La réflexion philosophique chrétienne n’a pas eu de peine à tirer de ces faits la notion de raison, telle qu’elle est exprimée dans le concile du Vatican. Et, comme le disait le rapporteur, si l’on ne veut pas admettre celle notion, il faut fermer tous les livres anciens et modernes.

2. Bien que le concile, quand il parle de noire j voir de connaître Dieu naturellement, entende le. mot raison au sens philosophique indiqué, cependant il ne définit pas que oe pouvoir toit un pouvoir d’inférence, soit médiate, soit immédiate. — Ce point demande A être étudié afin d éviti rtouti ition dans

Usures, afin aussi de diminuer les équivoques

nombreuses auxquelles la position du eourilr. m. il

comprise, a donné lieu. Quelques uns, en effet, rai nl ainsi : Dans ou il s’agit de la

première connaissance de Dieu, le concile a entendu

le ' in on dani un len très lâche, puisqu’il n’a pas

voulu définir que la raison puisse démontrer, ou d pronvi r, l « de Dieu, n boi né I dire

qu’elle peut connaître Dieu avec certitude Donc le mol m sens le plu- 1 ulgaire ir être d’accor 1

avec le concile. Rappelons les faits, leurs raisons d

et examinons les conséquences qu’on en a déduites. a) Les faits. — II est certain que les mois prouver et même démontrer ont été proposés, que quelques amendements en réclamèrent l’insertion. Acta, col. 1631, li ; r> ; i sq., 121. Il est certain également que la commission du concile ne voulut pas proposer ces termes à la délibération, qu’en fait ils ne furent pas proposés el qu’un amendement qui les introduisait fut rejeté. Acla, col. 76, 132. Quamvis aliquatenus cerlo cognoscere el demonstrare sit unum idemque, tanien phrasim niitiorem depulatio de /ide sibi eligendam censuit et non islam duriorem, déclara le rapporteur. Il n’est donc pas de foi délinie : a. que le pouvoir physique que nous avons de connaître Dieu par les créatures implique nécessairement une inférence soit immédiate soit a fortiori médiate ; et sur ce point nous ne pouvons pas arriver à comprendre comment le P. Buonpensiere peut écrire que la démonstrabilité de Dieu est un dogme de foi depuis la délinition du Vatican. Commentaria in /a « partem, Borne, 1902, p. 110, n. 160, 163. — b. 11 n’est pas davantage défini que la certitude de l’existence de Dieu, à laquelle nous avons le pouvoir physique de parvenir par la raison naturelle, soit entièrement et exclusivement fondée sur une inférence immédiate ou médiale, même implicite.

Je ne trouve sur ces deux points aucun désaccord ferme chez les théologiens catholiques. C’est la raison pour laquelle ils conviennent par exemple que l’idée innée des cartésiens, le passage du fini à l’infini du P. Gratry, le procédé métalogique des gùnthériens, etc, et d’un autre côté la doctrine de l’illumination de saint Augustin, voir Augustin, t. i, col. 2336, celle de la purgation, ibid., col. 2332, celle qui, avec Vasquez, requiert une grâce naturelle pour la première connaissance de Dieu, Vasquez, In 7 am, disp. XCVII, c. V, surtout n. 33 ; cf. disp. I, n. 15 ; disp. XIX, n. 9, etc., ne sont pas condamnées par le concile. Scheeben, qui a fort bien exposé cette question, La dogmatique, t. ii, n. 1420, n’en excepte pas même la théorie mystique du capucin Juvenalis Ananiensis, Sol intelligentix, Paris, 1876, p. 343, d’après laquelle nous connaissons Dieu sans inférence même immédiate à travers le miroir intérieur de l'âme.

Mais il faut bien remarquer : a. qu’une doctrine peut n'être pas définie par un concile, et cependant appartenir à la foi ; la raison en est que, pour appartenir à la foi, une doctrine n’a pas besoin d’avoir été définie, il suffit qu’elle soit contenue dans l'Écriture ou dans la tradition. Nous avons d’ailleurs déjà dit que les conciles se bornent ordinairement à définir ce qui est strictement requis pour écarter les erreurs qu’ils ont en vue, et telle fut l’intention explicite du dernier concile. Acla, col. 84. Ne peuvent s’en étonner ou s’en plaindre que ceux qui ont la mentalité de ce théologien anglican, converti au catholicisme, qui dans son zèle de néophyte aurait voulu que chaque matin le Times lui apportât une définition ex cathedra ; mais telle n’est pas la mentalité ordinaire des théologiens, encore moins celle des modernistes. — b. Une doctrine peut n'être ni définie, ni explicitement contenue dans le dépôt de la foi, et cependant toucher à la foi ou être théologiquement certaine. Il est vrai que le concile n’a pas défini que la raison pour connaître Dieu fasse une inférence, ni que toute la certitude que nous avons naturellement de l’existence de Dieu soit fondée sur une inférence ; mais abstraheiitium non est mendacium, c’est-à-dire ne pas spécifier n’est pas nier. Dans le cas particulier, d’ailleurs, bien que le concile n’ait rien défini sur ces deux points, l’histoire du concile nous montre qu’en ne spécifiant pas, l’assemblée n’avait pas l’intention de nier. On y parla plus d’une fois officiellement des preuves de l’existence de Dieu ; nous avons entendu le rapporteur explicitement affirmer que » jusqu'à un certain point, aliquatenus, connaitreavoc certitude et démontrer sont une seule et même chovcla, col. 132. Enfin, le concile renvoya aux décisions pontificales antérieures. Or, hautain et Bonnette avaient dû >igner, entre autres, ces propositions : « Le raisonnement peut prouver avec certitude l’existence deDieu el l' infinité de ses perfections. — Quelque faible et obscure que soit devenue la raison par le péché originel, il lui reste assez de clarté et de force pour nous guider avec certitude à l’existence de Dieu..etc. Voir Hautain, ou Denzinger, 10e édit., n. 1622, 1627. Rationis usus fidem prsecedil, et ad eam hominem ope revelationis et gratiæ conducil. Voir Bonnetty, et Denzinger, n. 1507. Donc le concile, en ne spécifiant pas dans sa définition quel acte de la raison intervient dans la connaissance naturelle de Dieu, n’a pas voulu faire une proposition exclusive de l’inférence et du raisonnement. De même, en n’excluant pas nécessairement par le mot naturel toute espèce de secours subjectif — voir plus loin col. 861 — son intention n’a pas été de faire entendre que ces secours sont nécessaires, soit pour le fait, soit pour la certitude de cette connaissance.

b) Raisoyis de la réserve du concile. — Il est facile de se rendre compte pourquoi le concile s’est tenu sur cette réserve, a. soit que l’on considère le but qu’il poursuivait ; b. soit qu’on tienne compte de l'état des documents traditionnels ; c. et de ce que nous enseigne l'Écriture.

a. Le concile, nous l’avons déjà dit plusieurs fois, ne voulait définir que ce qui suffisait à atteindre les erreurs à la mode. Acla, col. 84. Or, ces erreurs, bien que pour des raisons très diverses, s’accordaient à nier le pouvoir et la valeur de la raisoii. Il suffisait donc d’affirmer que la raison est le moyen subjectif de connaître Dieu, sans qu’il fût nécessaire de préciser davantage.

b. Il est très facile de montrer dans l'Écriture et dans la tradition que la connaissance de Dieu peut s’obtenir par voie de causalité et par conséquent par une inférence comme en font même les simples, sinon par un syllogisme à la manière des doctes. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xii, a. 12 ; q. XIII, a. 10, ad5um ; De veritale, q. x, a. 12, ad l um ; In Boeth., de Trinit., q. i, a. 3, ad 6um. Saint Thomas enseigne que la première idée de Dieu nous vient par cette voie. Il n’est pas difficile de trouver chez les Pères nombre de passages qui indiquent la même origine psychologique à la toute première idée de Dieu. Mais il ne serait pas facile de faire la preuve qu’il y a consentement des Pères pour attribuer exclusivement à une inférence la première idée certaine de Dieu, que l’homme a ou peut avoir. Saint Thomas sur ce point est très réservé ; car certains raisonnements de saint Augustin l’embarrassent, et bien qu’il les fasse de son mieux rentrer dans son système, cf. par exemple, Cont. gent., l. III, c. xlvii, il écrit cependant avec beaucoup de prudence : Est ijuxdam communia et confusa Dei cognitio, qux quasi omnibus liominibus adest, sive hoc sit quod Deum esse sit per se nolum, sicut alia demonstratiouis principia, ut quibusdam videtur [ut in llibro, c. x, dictum est), sive quod magis ver uni videtur — voilà ce que saint Thomas pense de sa propre opinion — quia naturali ratione — par une inférence — in aliqualem Dei cognilionem pervenire potest. Et aussitôt saint Thomas, comme procédé de cette inférence, indique la considération de l’ordre du monde. Cont. gent., l. III, c. xxxviii. Cf. Schmid, Die thomistischeund scolistische Gewissheilslehre, Dillingen, 1859. Exposons l'état du problème.

Qu’on lise la plume à la main les auteurs nombreux qui depuis trois ou quatre cents ans ont construit des systèmes sur la première idée de Dieu, on remarquera

que les séries de textes qu’ils apportent sont toujours les mêmes. Thomassin a ramassé beaucoup de textes en faveur des idées innées. Vers la même époque, l’oratorien Martin se servait des mêmes textes en faveur de la thèse janséniste, à savoir que sans une grâce surnaturelle nous ne sommes pas capables d’une bonne pensée, même naturelle, et par conséquent pas de la pensée de Dieu. Cf. de Rochemonteix, Le collège Henri IV de la Flèche, Le Mans, 1889, t. iv, p. 231, 233, 235. Or qu’est-il arrivé? Au xixe siècle, un ontologisle ardent, l’abbé Fabre, a réédité l’ouvrage de Martin, en y changeant seulement le titre de quelques chapitres, et il a fait de l’ouvrage une « démonstration » de l’ontologisme. Les mêmes textes se retrouvent chez le mystique capucin Ju vénal, Sol intelligentiæ, 1686, et en partie chez Malebranche ; le même abbé Fabre n’a pas manqué d’enrichir la littérature ontologiste d’une réédition enthousiaste de Juvénal. Rossuet appuyait sur une partie de ces mêmes textes l’argument des vérités éternelles, pendant que bon nombre de scolastiques en faisaient usage, comme leurs prédécesseurs, pour soutenir que l’idée de Dieu est per se nota et que l’argument de saint Anselme est patristique. De nos jours, Staudenmayer, Kuhn ont puisé aux mêmes sources et ont abouti à des vues plus ou moins nouvelles. Voilà donc, pour les mêmes séries de textes, huit interprétations, et il faudrait y ajouter celle de saint Bonaventure, celle de saint Thomas, celle de Vasquez, etc. On sait enfin que les modernistes apportent leur interprétation, à la suite des érudits allemands qui travaillent à donner au protestantisme libéral uneassielte traditionnelle. Ces faits sont indéniables.

L’accord n’est pas encore complètement fait parmi les érudits sur la portée réelle de ces séries de textes, bien que, d’une manière générale, on s’accorde à les rattacher aux doctrines platoniciennes, solution que saint Thomas avait déjà entrevue à propos des Noms divins du pseudo-Denys. Déjà nos collaborateurs ont donné, dans les articles parus, le sens objectif de ces formules palristiques, et nous sommes sur que ce que nous écrivons ici ne gênera aucun des rédacteurs des futurs articles et que tous continueront à traiter scientifiquement une question scientifique. Voici, en quille est la position des théologiens sur ce sujet ; elle explique pourquoi le concile s’est abstenu de rien spécifier sur la nature de l’acte de la raison par h quel nous connaissons Dieu par les lumières naturelles.

Des Ion ;. de textes où les Pi res parlent de la première idée naturelle de Dieu même chez les païens, les théologiens concluent à la certitude théologique de la Ihèse qui enseigne une connaissance naturelle. Bponlanée, de Dieu. Les Pères du Vatican connaissaient parfaitement cette doctrine solidement établie depuis le xvr siècle contre li - prolestants. Ensuite, dans untraités d< théologie, nous prouvons que pour |uerla genèse de cette idée spontanée de Dieu, on ne démontre pas le consentement di s Pi res soil pour l’inn il pour l’ontologisme, soil pour l’illumination, Boil pour la purgation, soil i r l’argument

ii même pour celui qui perle le nom de saint Anselme, etc. Et, pour administrer preuve aux unilatéraux ou : mx esprits systématiques en quête de parrains, il sufBl de prendre les lexti s dans leur sens objectif, tel qu’on peut le déterminer par l’application rigoureuse de la méthode historique Di cette enquête les théologien concluent qu’aucune dei interprétations de Martin, de Juvénal

Hune doctrine catholique, lia fonl requer ensuit) qui le Pèrea n’ont pas parlé au isif, m. us qu’ils ont admis it employé, a côté de léa qui leur sont spéciaux, la voie ordl

-lé qui a îles fondements précis dani

l'Écriture. Mais, de cette enquête, il ne résulte pas que nous ayons la clef de tous les passages des Pères discutés ; et par suite, la preuve n’est pas faite que le consentement unanime des Pères ait exclusivement considéré la première idée de Dieu comme provenant d’une inférence. Et voilà pourquoi la commission du concile, qui n'était pas composée d’ignorants, refusa de préciser que notre première idée de Dieu — il s’agissait de celle-là contre les traditionalistes — est due à une inférence médiate ou même immédiate.

Quand il s’agit de la première connaissance certaine de l’existence de Dieu, outre la difficulté' générale inhérente à cette sorte de questions — qui se souvient de l’heure où il eut, à un âge où il n'était pas capable de retour réfléchi et méthodique sur ses actes intérieurs, la première idée de cause, d’addition, de multiplication, et qui peut reconstituer la psychologie de cet instant ? — il est une autre difficulté qui vient de la singularité du cas de cette idée : a. L’idée de Dieu comme celle, par exemple, de la réalité objective du monde extérieur, est spontanée. On veut dire par là, non seulement qu’elle paraît de bonne heure, mais qu’elle jaillit de notre nature raisonnable un peu à la manière des premiers principes de la raison ; qu’elle trouve de l'écho dans les plus profonds replis de notre nature raisonnable, morale et religieuse, puisqu’elle donne la réponse au besoin inné d’assigner une dernière cause à tout, puisqu’elle explique ou fait naître le sentiment de l’obligation, puisqu’elle assigne un objet à la conscience de notre dépendance, à ce fond d’amour respectueux et de désir du bonheur qui sommeillent en nous. On veut dire enfin qu’elle est facile et s’harmonise avec les principes de la raison, au point que, si elle implique un procédé logique, il est à peine perceptible. — h. A l’inverse de ce qui arrive pour la plupart de nos idées primitives, la genèse de l’idée de Dieu est susceptible de plusieurs explications, suivant qu’il s’agit de la connaissance confuse de Dieu, ou d’une connaissance plus développée. On a ou on n’a pas l’idée de cause.de ligne droite ; sans doute, on peut faire et on fait des progrès dans ces sortes de concepts, mais la notion primitive reste identique, et l’explication réflexe et consciente qu’on se donne de celle notion n’est que le développement île la perception primitive de l’activité causale, du quantum, Au contraire, l’idée de Dieu admet bien des degrés dont le contenu est le même objet, mais fort diversement connu ; et on n’arrive pas à chacun di degrés par le même procédé. On peut, en effet, parler île la connaissance de Dieu par pures dénominations extrinsèques : par exemple, la cause défait de cet univers ; ou s'élever à une connaissance de sa nature intrinsèque : par exemple, la cause de droit de tout ce qui est ; et cette dernière connaissance sera plus ou inoins parfaite, suivant qu’elle représentera Dieu plus

ou moins nettement, personnel, libre, infini, provident, bon, etc. Or, ces différentes connaissances de Dieu ne se justifient pas philosophiquement de la même façon.

Les théologiens l’ont bien VU, qui admettent avec saint Thomas qu’il y a une connaissance île Dieu rudi litres facile à tous ; et une autre qui demande les

plus grands efforts de la pensée philosophique. Cont. gent., I. I, c. iv. Cf. Dictionnaire apologétique de i<< foi catholique, 1910, t. t. col. Il sq., 58. c, lutin.

comme le remarque très finement Selieeb' II. Lu 1/117 matique, t. 11. p. 20, n. 28. quel qu’il soit. " le moyen par lequel nous nous formons l’idée de Dieu 1 même par lequel nous arrivons a la certitude d réalité objective, et nous ne pouvons pas admettre que

1 idée que nous avons 'te lu. u soil vraie et légili m

idmettre l’i de Dieu. 1 Scheeben 1 1

pliqne, i l’aide de cette double remarque, ['illusion ' ! ceux qui admettent la valeur de l’argument de saint

-i luie, parce qu’en fait l’i ti [ble

qu’autant qu’il existe réellement, ot parce que nous ne pouvons pas concevoir Dieu comme cause première el nécessaire sans le supposer lui-même existant. Il suffit d'étendre cette observation à d’autres arguments moins célèbres, mais également historiques, et de la joindre aux deux singularités précédentes pour comprendre les explications variées des Pères sur la genèse de la première idée de Dieu.

En effet, tous ne parlent point, et le même Père, par exemple saint Augustin, ne parle pas toujours de la même espèce de connaissance de Dieu : d’où le besoin chez les Pères comme chez les scolastiques, de proposer des arguments très différents. En second lieu, le fait que l’idée de Dieu trouve un écho profond dans notre conscience amena ces écrivains à donner souvent une grande importance au procédé par lequel, d’une manière réflexe, on peut remonter à Dieu en partant de la conscience morale et de la vie religieuse : toutes choses qui, elles aussi, font partie du pcr ea quæ facla sunt. Entrer dans cette voie était d’autant plus naturel que la grande facilité et la grande limpidité de la connaissance rendent peu perceptible le procédé psychologique qui y intervient. Si l’on joint à ces observations, qu’il est, dans le cas singulier dont il s’agit, très facile de s’illusionner sur « la valeur de preuve » des arguments d’allure scientifique, réflexe et consciente que l’on apporte ; et si l’on ajoute, d’une part, que les Pères n’emploient pas de formules exclusives, comme font tant de modernes, d’autre part, que pour eux qui, ainsi que les théologiens, n’admettaient pas facilement l’absence de toute idée de Dieu dans l'âme, les preuves scientifiquement développées étaient beaucoup plus des moyens d'écarter les doutes ou de parvenir à une connaissance plus parfaite, que des recettes pour faire naître la première conviction de l’existence de Dieu ; on se rendra compte de l'état de la littérature patristique, et de la réserve très prudemment scientifique de saint Thomas, du concile du Vatican et des théologiens qui les suivent.

c. Une dernière raison de cette réserve est l'état des données scripturaires. L'Écriture propose, il est vrai, des arguments en faveur de l’existence de Dieu, mais sans dire partout que ces arguments nous en donnent la première idée. Or, si le débat contre les kantistes et les positivistes s'étend aussi à ces arguments, la controverse avec les traditionalistes roulait surtout sur la première idée de Dieu. D’ailleurs, décider de la première idée à l’aide d’un texte révélé, c'était trancher dans leurs racines profondes toutes les difficultés pseudo-théologiques sur les suites de la chute qu’avaient soulevées Luther, Calvin, Illyricus, etc., Jansénius, Pascal, Quesnel, etc., Hautain, etc. ; c'était ruiner toutes les prétentions du pseudo-mysticisme contre la connaissance rationnelle en matière religieuse ; c'était juger les doctrines, diverses en apparence, mais se réduisantau fond au nominalisme, que différents philosophes employaient pour ruiner, soit la possibilité, soit la valeur, et de l’idée rationnelle de Dieu et des arguments classiques en faveur de son existence. Or, deux passages de l'Écriture, Sap., xiii ; Rom., i, 18 sq. ; spécialement ce dernier, permettaient de décider dogmatiquement les controverses pendantes ; la tradition était d’ailleurs ferme sur le sens du texte de saint Paul. Saint Irént’e et Tertullien s’en servent déjà contre l’agnosticisme des gnostiqucs. Cf. Irénée, Conl. Iiœr., l. IV, c. vi, P. G., t. vii, col. 939, 1061 ; Tertullien, Adv. Herruogen., c. xuvsq., P. L., t. ii, col. 238. Dans l'Épitrc aux Romains, saint Paul veut montrer que les jugements de Dieu sont justes, soit sur les Juifs, qui ont la révélation, soit sur les païens, qui ne l’ont pas. La conduite de Dieu à l'égard des païens est juste : « Car la connaissance de Dieu est à leur portée ; Dieu, en effet, la leur a clairement proposée. Car, depuis la création du

inonde, les attributs invisibles de sa nature, à savoir son éternelle puissance et sa divinité, sont vus clairement dans la connaissance intellectuelle, voovixevcc, qui les perçoit à l’aide des choses qui ont été faites, et de la sorte ils sont inexcusables eux qui, ayant connu l)ieu, n’ont pas voulu l’honorer. » Ce texte est décisif. Acta, col. 520. L’homme déchu — et par conséquent l’homme dont s’occupe la philosophie, qui n’en connaît pas d’autre — a le pouvoir de connaître Dieu avec certitude par la raison naturelle ; avec certitude, parce que s’il y avait impossibilité d’exclure le doute, il n’y aurait pas obligation et responsabilité morale ; par la raison, parce que ce mot désigne le pouvoir de former des concepts objectifs, et parce que si directement ou indirectement la connaissance de Dieu n'était pas rationnelle, les doutes sur sa valeur seraient légitimes, et l’homme athée ne serait pas sans excuse. Tout cela est impliqué et dans le texte de saint Paul et dans la formule du concile qui allègue ce texte. Cependant — et c’est ce que nous voulions faire remarquer — saint Paul n’entre pas dans le dernier détail quant à la nature du procédé psychologique et logique par lequel l’homme connaît Dieu au moyen des créatures. Le concile, qui s’appuie spécialement sur ce texte, a voulu rester dans la même indétermination.

c) Examen des conséquences déduites. — Tels sont les faits et leur raison d'être. Suit-il de là que toute théorie de la connaissance religieuse s’accorde avec l’Ecriture, la tradition et le texte du concile ? Suit-il de là qu’on est en règle avec le concile, si, avec les modernistes, on soutient que la première idée objectivement valable de Dieu nous vient d’une expérience qui n’a rien de rationnel ; si l’on concède aux protestants libéraux que II lie est la transcendance divine que la raison est impuissante à s’en former une idée valable, pourvu qu’on ajoute que l’immanence divine est telle que l’homme prend conscience de l’action de Dieu sur lui ? etc. Suitil de là enfin, comme plusieurs écrivains français le prétendent, qu’on est en règle avec le concile, si l’on se contente du simple bon sens vulgaire pour expliquer la première idée de Dieu ? En répondant à ces questions, nous ferons connaître pourquoi les théologiens jugent qu’il n’en est pas ainsi.

Pour n’avoir plus à y revenir, disons d’abord que les écrivains français qui insistent tant sur le simple bon sens sont en règle avec le concile, pourvu que le bon sens dont ils parlent soit bien un pouvoir de connaître objectivement valable, et pourvu qu’on ne donne pas à l’appel au bon sens un sens exclusif. Ils sont en règle avec le concile sur la première idée certaine de Dieu, parce que les théologiens qui admettent l’universalité de la connaissance de Dieu ne requièrent pas autre chose que le sens commun, le bon sens vulgaire, pour qu’on y arrive. Mais il ne faut pas que ce simple bon sens soit limité à un pouvoir de connaître qui ne peut pas arriver à une affirmation ferme et précise sur la nature intrinsèque de Dieu, par exemple, sur la personnalité' divine ; car le concile a défini le pouvoir de connaître Dieu de façon à commencer la vie morale et religieuse, et cela se trouve dans le texte même de saint Paul. Il ne faut pas non plus que ce bon sens soit opposé en un sens exclusif à la raison discursive, par laquelle nous arrivons ou pouvons arriver, même sans la foi, à une connaissance plus développée de Dieu, à ce que le concile appelle à deux reprises au moins la « science » de Dieu. Denzinger, n. 1616, 1658. Or. malheureusement, les écrivains dont nous parlons ont quelquefois oublié ces conditions d’un langage correct en ces matières. Ajoutons qu’on peut être en règle avec la définition conciliaire entendue rigoureusement, c’est-à-dire ne pas être hérétique, et cependant ne pas satisfaire à toutes les conditions d’orthodoxie ; cela résulte assez de ce que nous avons rapporté de l’enseignement de

l'Écriture et des Pères sur les preuves rationnelles de l’existence de Dieu. Cf. Franzelin, De Deouno, th. vr. Quant aux modernistes, ils ont été condamnés, en ce qui concerne le point spécial qui nous occupe ici : a. à cause de leurs formules exclusives ; b. à cause de leurs conclusions agnostiques.

a. Formules exclusives des modernistes. — L’Ecriture, les Pères et le concile désignent comme le moyen objectif de connaître Dieu les créatures, e rébus creatis, per ea quæ factasunt, et cela comprend sans doute le monde ou miroir intérieur, S. Thomas, Cont.gentes, l. I, c. xxxi : huj nsmodi autem simile inveniri potest m potentat cognoscilivis et in virtutibus operativis humanis, mais aussi le monde ou miroir extérieur. Qu’on le remarque, le concile n’a pas défini que c’est par une inférence que nous acquérons per ca quæ facta sunt la connaissance certaine de Dieu, mais il ne l’a pas nié — ce qui eut été contre l'Écriture et spécialement contre Sap., xiii — et en employant l’expression générale per ea quæ facta sunt, il n’a pas exclu le monde extérieur. Qr, le modernisme exclut toute méthode qui tient compte de la manifestation de Dieu par le monde extérieur. En effet, d’après lui, la vraie philosophie est celle « où rien n’est communiqué du dehors, où tout croît du dedans. » D’où la bizarre conception de « la pensée, efficace de Dieu ». Ci. Revue de philosophie, novembre 1907, p. 4£2. Un moderniste dira : .Mais s’il faut tenir compte du miroir extérieur et ne pas l’exclure, la théorie scolastique de la connaissance s’impose ! On répond : En elfet, il est bien difficile de ne pas admeltre cette conséquence : plus la criliqtie moderne, qui a laissé intacte la doctrine scolastique, démolit de systèmes, plus cette conséquence s’impose ; et c’est la raison pour laquelle les théologiens s’y rallient de plus en plus et c’est, croyons-nous, la raison pour laquelle le magistère insiste tant sur le retour à saint Thomas et à l'École. Cf. Léon XIII, Encyclique au clergé de France, 8 septembre 1899, dans les Etudes, octobre 1899, p. 12. Cependant, ici où il s’agit autant qu’il est possible de parler en rigueur, je concède que cette conséquence n’est pas définie et qu’elle n’est impliquée dans le dogme qu’autant qu’on en démontrer,) l’absolue nécessité : certo cognoscere et probare est aliquatenus idem, disait le rapporteur.

L’Ecriture et la tradition proposent, même pour les simples, des arguments en faveur de l’existence de Dieu, airement implique la connaissance et la valeur des principes de la raison. Le modernisme rejette parce qu’il n’admet pas qu’on raisonne avant d’avoir fait la critique des premiers principes. méthode d’immanence consiste à prendre l’attitude philosophique des disciples de Kant. c’est-à-dire i ne pas chercher à s'élanci r hors de soi-même, comme d’un bond, appuyé sur des principes auxquels on donne d’emblée une valeur obj e, dans La

Quinzaine, 1° janvier I, s ! 17. p. 124. Celle formule entraîne toute une série d’exclusions par ricochets. D’abord, tous l< simples, c’est-à-dire 9999 individus sur 10000, sont exclus de la vraie et certaine connaissance de Dieu par voie d’inférence, par le seul fait qu’ils n’ont pas eu la chance d'être éduqués par l’uniité de France depuis qu’elle est aux trois quarts iviste ou kantiste. Cf. la statistique dans la R

d’apologétique, 15 novembre 1908, p. 296. Ensuite, coie il est bien entendu pour le modernisme que la critique démontre la non-valeur di premiers prim ip< - et di ip< l illusion qui leur fait 'onii litre par |< I on n une valeur

i i ipturaire i t traditionm dont le princip la ba.ni exclus

pour les tin, i. -. car le princi] dite a’appai

tient qu'à la législation interne de l’ordre phéni BU, qu’il ne peut donc ser<ir a n passeï Le 1

dans la Revue de métaphysique et de morale, mars 1907, p. 143. En sorte que, par exemple, saint Paul proposant un argument très simple en faveur de l’existence de Dieu aux habitants de Lystres, qui étaient incapables de critique, perdait son temps et manquait de méthode, et le même apôtre donnant à l’Aréopage des arguments plus relevés se trompait lui-même et décevait ses auditeurs. D’où il suit que les habitants de Lystres eurent tort de croire à l’existence de Dieu sur les raisons avancées par l’apôtre, puisqu’ils n’avaient pas fait la critique du principe de causalité d’après Kant et Spencer, et que les Arcopagiles eurent raison de n’y pas croire et de s’en tenir au culte du « Dieu incompris », puisque saint Paul faisait devant eux « un usage transcendant du principe de causalité, » ce qui est un paralogisme.

Enfin, le concile, tout en affirmant, avons-nous dit, la certitude rationnelle de l’existence de Dieu, ne spécifie pas dans sa définition les conditions d’un tel acte ; il se contente d’exclure toutes les doctrines d’après lesquelles l’homme est incapable de s'élever à une connaissance rationnellement valable et certaine de l’existence de Dieu. D’où il suit que tous les procédés qui aboutissent à la certitude rationnelle de l’idée de Dieu se concilient avec la définition conciliaire. La position des modernistes consiste ici, comme on dit dans l'École, à nier l’hypothèse, negare supposilum, ce qui, comme le savent ceux qui connaissent les règles de la civilité des disputes scolastiques, est la manière la moins polie du monde de contredire un adversaire. Il faut bien noter cette nouvelle exclusion des modernistes, parce que c’est à la faveur de ce procédé qu’ils cherchent à se couvrir de l’autorité des Pères et aussi des théologiens. Ils n’ont, en effet, pas de peine à trouver, dans les vieux textes, bien des argumentations sur Dieu qui ont le même point de départ que les leurs, par exemple le célèbre Fecisti nos ad te de saint Augustin, ou la considération de la religion naturelle comme principe de vie répondant à la nature de l’homme, etc. Comme il est certain que ni l’Ecriture, ni les Pères, ni l’Ecole, ni le concile, ni l’ensemble des théologiens depuis le concile, n’ont exclu ces argumentations — nous avons dit pourquoi — il paraît au public qu’on ergote vraiment trop contre les modernistes, puisque l’on regarde comme non orthodoxes, chez eux, des arguments qu’on approuve ou tout au moins qu’on ne condamne pas che ?. d’autres ; et on sait que bien des apologistes, qui ne sont pas modernistes, ont emboîté le pas, en vue de satisfaire à ce qu’on appelle les exigences ou les besoins de la pensée moderne. D’où grand désappointement à l’apparilion de l’encyclique Pascendi. Le grand public et aussi les apologistes que j’ai en vue ont été victimes d’une équivoque. Ils n’ont pas remarqué que, lorsque les modernistes partent du Fecisti nos ail te, ou de ce fait d’expérience : la nature postule la vie, et concluent : donc l’objet nécessaire de cette vie, de ce désir, Dieu, existe, ces formules, tout en étant mot pour mot les mêmes que celles de beaucoup de Pères et de quelques scolastiques, rendent chez les modernistes un tout autre sens que chez les auteurs orthodoxes.

Chez les auteurs orthodoxes, ces sortes de raisonnen’onl rien d’exclusif, car ces auieurs n’excluent

pas les autres raisonnements, et ils s’appliquent a montrer que des faits moraux, religieux, on peut déduire sur l’existenct de Dieu des conclu ions rationnellement valables et Ils n’j réussissent toujours, il est vrai, d’où il suit qu’ils trouvent souvent des contradicteui parmi les théologiens ; n comme leui n’a rieu d’exclusif et comme ils parlent dans l’hypothèse de la possibilité d’arrivei i une certitude rationnelle, 1 | existi Di S de Dieu, il est

conciliable avec le concile du Vatican. Rien plus, l’apologiste peut légitimement ad hominem y avoir recours, si la mentalité, c’est-à-dire les préjugés, de l’adversaire ou du néophyte le demandent.

Chez les modernistes, au contraire, l’emploi de ces mêmes arguments ne va jamais sans deux arriérepensées exclusivistes : il s’agit, bien entendu, des arriére-pensées manifestées dans les textes. D’abord, ils ont toujours à l’esprit, en exposant ces sortes de preuves, ce principe que la réflexion détruit la force de tous les autres arguments, que seules « les conséquences déduites de prémisses confiées au travail de la vie résistent à la dissolution critique. » Ce qui veut dire que Pascal a bien fait d’aflirmer l’inanité de la raison ; et que Kant et Hume, Comte et Spencer ont démontré l’assumption de Pascal ; et que, par suite, le même Pascal, Rousseau, Jacobi, Kant, Schleiermacher ont vu juste en recourant au cœur, au sentiment, à la conscience morale, à la piété, etc. Ensuite, ces arguments eux-mêmes sont donnés par les modernistes de façon à exclure des débuts de notre vie morale et religieuse précisément cette certitude rationnelle que le concile du Vatican a voulu affirmer. Ce sont ces deux arrière-pensées que les théologiens qui suivent le concile et la tradition ne peuvent pas accepter ; car elles faussent l’usage des arguments moraux, même les plus classiques, chez les modernistes. Donnons quelques exemples.

Bon nombre de théologiens admettent une intervention des tendances naturelles dans la formation delà première idée de Dieu : c’est le testimonium animas naturaliter christianse de Tertullien ; beaucoup d’autres considèrent comme valables les démonstrations de l’existence de Dieu partant du fait de l’obligation morale, du désir du bonheur ; d’autres enfin parlent d’une certaine illumination de l’esprit ou des dispositions morales du sujet. Mais tous évitent ou cherchent à éviter le fidéisme, c’est-à-dire un assentiment subjectivement certain, non fondé et appuyé sur un jugement intellectuel antécédent et non susceptible de se légitimer rationnellement ; en d’autres termes, tous prétendent sauver la certitude rationnelle.

Par exemple, saint Thomas est un des auteurs qui parle le plus souvent d’un « instinct de nature » , « d’un instinct divin » , qui, d’après lui, joue un grand rôle dans l’acquisition rapide des premiers principes spéculatifs et surtout pratiques. Une de ces premières vérités est, d’après lui, la connaissance de Dieu. Mais voici comment il explique lui-même la spontanéité de cette connaissance : Ejus cognitio nobis innata dicitur esse in quantum per principia nobis innata de facili percipere possunius Deum esse. In Boeth., deTrinit., q. I, a. 3, ad Q am j Sum. theol., I a, q. il, a.'l, ad l ura ; Ia-IIæ, q. i, a. 4 ; q. il, a. 8 ; q. lxxxix, a. 6 ; Contra génies, 1. III, c. xxxviii. Il serait facile de multiplier ces citations ; quiconque aura parcouru celles-ci conviendra que M. Mallet a raison de penser que plusieurs des « données » de la philosophie de l’Action sont identiques à quelques-unes des données de la scolastique. Mallet, La philosophie de V Action, dans la Revue de philosophie, septembre 1906, p. 239. Le même auteur expose que la philosophie de V Action s’occupe du cognilum ex actione et volitione elicilum. Ibid., p. 243. J’ai moi-même montré plus haut que cette sorte d’objet n’est pas inconnu des théologiens. Mais de nouveau, comme le fait très bien remarquer M. Baudin, « il y a deux manières de trouver Dieu dans les impératifs. La première consiste à entendre psychologiquement sa voix, par une expérience personnelle et une réalisation affective et imaginative… La seconde consiste à relier niétapli[isi<iuement les lois morales à l’intelligence et à la volonté divine, par une rationalisation, et c’est la méthode de saint Thomas. » La philosophie de la foi chez Newman, dans la Revue de philosophie, octobre

1906, p. 377. Ajoutons que cette seconde méthode est celle de tous les théologiens, qui développent les argumente dont il est ici question. De même, Vasquez qui donne une grande importance aux dispositions morales quand il s’agit de connaître Dieu, explique son point de vue ainsi : Licet in demonstralionibus necessarius non sit affectus voluntatis, et bonaillius disposilio, ut apprehensis proposilionibus stalim homo… assensum prsebeal iis rébus quse notissimse sunt, et nullo modo adpielatem perlinent ; in iis tamen quse ad pictatem spectaut, quales… sunt de unitate Dei, de illius scientia et providenlia, etiamsi demonstrationes in Ira propriam mensuram habeantur, necessarius est pius affectus… Jn iis ergo plurimum confert affectus bonus, non quideni ut, visa extremorum conformitate, assenliatur intelleclus, sed ut illam propositionem tali modo appréhendât et formel, ut faciat apparere eam extremorum conformitatem. InP iii, disp. I, c. ii, n. 15. Ailleurs le même théologien applique cette théorie à la démonstration de l’existence de Dieu elle-même, lbid., disp. XIX, c. ni, n. 9. Donc, pour les théologiens qui emploient des arguments analogues à ceux que développent les modernistes, l’assentiment s’appuie toujours en dernière analyse sur une évidence rationnelle. Saint Augustin est probablement de tous les Pères celui qui a le plus insisté sur le côté psychologique du problème que nous étudions : cependant il déclare nettement que nous ne pourrions pas croire si nous n’avions pas des âmes raisonnables. Credere non possemus, nisi rationales animas haberemus. Episl., cxx, n. 'S, P. L., t. xxxiii, col. 454. Et ailleurs : Eslenim Dcus, et vere summeque est ; quod jam non solum indubitatum, quantum arbitror. fi de relinemus, sed etiam cerla, quamris adhuc tenuissima, forma cognitionis altingunus. De libero arbitrio, 1. II, c. xv, n. 39, P. L., t. xxxii, col. 1262. La certitude de la connaissance naturelle de Dieu est donc, d’après saint Augustin, rationnelle. Cf. Enchiridion, c. IV : H sec sunt defendenda ratione vel a sensibus corporis inchoata, vel ab intelligentia mentis inventa. P. L., t. XL, col. 233.

Non, répliquent les modernistes, les raisons morales de croire ne sauraient donner lieu à une certitude rationnelle, c’est-à-dire à une certitude fondée sur des principes objectifs nécessaires et universels. La critique kantienne et post-kantienne a définitivement ruiné tous ces prétendus principes. L'àme moderne ne les admet plus. D’ailleurs, « la foi est introduite par une impulsion émotive en présence de raisons qui ne sont pas absolument des preuves. » Cf. Saleilles, La foi et la raison, Paris, 1905, p. xxxvii. Les arguments en faveur de l’existence de Dieu, fondés sur des faits de conscience morale et religieuse, doivent donc être traités et développés comme des preuves d’expérience ; et il ne peut en tout cela être question que d’une « expérience qui n’a rien de rationnel, mais qui est supérieure à toute expérience rationnelle. » Cf. encycl. Pascemli, S Alque hsec, Denzinger, 10e édit., n. 2081. Tel est le fond de l’exclusivisme des formules modernistes, dans le développement des arguments moraux et vécus de leur théodicée ou, plus exactement, de leur doctrine de la croyance. C’est donc le fidéisme mis à la base de notre vie morale et religieuse, le fidéisme que le concile du Vatican a repoussé du sein de l’Eglise, parce que contraire à la révélation. C’est ce que sans doute n’avaient pas assez démêlé les apologistes que l’encyclique Pascendi a surpris. Concluons : ce qui est condamné, ce n’est pas l’usage des arguments moraux ni l'étude de la psychologie de la vie religieuse ; c’est simplement cet usage et cette étude avec la mentalité exclusiviste des modernistes. Cf. Raille. L’idée de Dieu et l'âme contemporaine, extrait de la Revue apologétique de Bruxelles, 1908.

b. Conclusions agnostiques des modernistes. — Sans rien répéter de ce qui précède sur le sens du concile, nous pouvons affirmer que dans les passages que nous étudions, le concile par « raison naturelle » entend le pouvoir physique que nous avons d’atteindre et de distinguer le réel, suprasensible, matériel ou non, de façon à porter sur lui des jugements valables fondés sur la connaissance de la nature intrinsèque deschoses. Cela suit de ce que le concile définit qu’on peut connaître Dieu « par les choses » , et de ce qu’avec l’apôtre saint Paul il entend parler d’une connaissance de Dieu telle que, si nous ne l’honorons pas d’un culte religieux, après l’avoir connu par ce moyen nous sommes inexcusables. Il est vrai que la considération du a monde phénoménal » peut amènera la connaissance d’une première cause, d’un premier moteur. Stuart MiU admet cette conséquence ; mais, positiviste, il conclut au matérialisme. Cf. Maillet, La création et la providence devant la science moderne, Paris, 1897, p. 107. Or, ce n’est que par la connaissance de la nature intrinsèque des choses que l’on exclura l’hypothèse matérialiste ou panthéiste, Denzinger, n. 16481651 ; et, d’un autre côté, si l’on n’admet pas que la raison est capable de porter sur la nature intrinsèque des choses, et par conséquent de Dieu, des jugements objectivement valables, il est impossible de légitimer le devoir du culte. Cf. Dictionnaire apologétique de la foi, t. i, col. 7. Nous n’ajoutons donc rien au concile, en décrivant la raison comme nous venons de le faire.

Sans doute, cette description en un sens ne dépasse pas le sens commun, si dépasser le sens commun c’est, comme les philosophies nouvelles l’entendent, le contredire, en cessant d'être avec lui objectiviste et dogmatique. Elle ne dépasse pas non plus le sens commun en ce sens que, moralement parlant, tout homme venu en ce monde est capable de faire les actes qu’elle implique. Mais elle le dépasse de beaucoup, si dépasser le sens commun, c’est distinguer par l’analyse ce qu’impliquent nos actes directs, ce qu’expriment les textes de la Sagesse, xiii, et de saint Paul, Rom., i, qui interprétés par la tradition chrétienne ont servi de i la décision conciliaire.

Il est donc certain que le concile n’admet pas qu’on soit confiné dans l’agnosticisme, ni avant ni après la première adhésion de la raison à l’existence de Dieu, ni avant ni après le premier acte de foi proprement dite. Or les modernistes préfèrent, avant la croyance ou la foi, se rallier à l’opinion des positivistes ou des kantistes, sauf à essayer avec If. Brunetière d’utiliser l’inconnaissable de Spencer. Brunetii re, Pour le centenaire d’A uguste Comte, dans la Revue des Deua Mondes, 1-- juin 1902, p. 691 sqCf. Itevue de philosophie, février 1903, p. 237. après ou dans la croyance et la foi. ils préfèrent se rallier a l’opin i<>ti des protestants libéraux. Pour eux, comme pour M. Ménégoz, la raison est impuissante en matière religieuse — el il s’agit bien de la raison des philosophes, telle que je viens de la décrire ; nous n’atteignons Dieu que par la croyance, et nous exprimons cette croyance par des images (Tyrrell), dos symboles, des anthi opomorphismes, des formules absti

mes un caractère s mbolique, car. Iles

s riment direi li ment que les luis de notre esprit,

ibitudes de conduite qui résultent de

notre croyance & la vérité du conc< pi de Dien, de même

que les formules mathématiqui - n i (priment que notre

lion aux intuitions du réel et aussi notre action,

commodité qui nous guident dans notre choix de

/ he eality of God, danUibbert i ctobn 1906, p 106

bien plus, cet t ipn Ions sont contingentes, variables, comme tout le reste, aux I". lution

| >I. dans I 1907, II. I.

Cf. Denzinger, 10e édit., n. 2074, 2079 sq., 2094, 2026, 205$. M. Le Roy ayant proposé son symbolisme mathématique ou pragmatique, M. Sertillanges prononça que « la foi est un problème de vie, non un problème philosophique ; » et que « fùt-on relativiste en philosophie, si l’on maintient — et cela se peut — dans le système des relations une place pour les réalités dogmatiques, qu’importe que la réalité totale ait été définie tout d’abord, philosophiquement, par la relation ou par autre chose'.' » Cf. Revue du clergé français, novembre 1905, p. 5't3 ; octobre, p. 317. M. Desbuts marcha sur les traces de M. Sertillanges et exténua l’analogie de proportionalité de Cajetan, en « prolongeant » , dit-il, la pensée de saint Thomas, p. 384, au point de pouvoir, dans des vues apologétiques, proposer sérieusement de renoncer « à connaître Dieu par et dans nos concepts. » Desbuts, La notion d’analogie, dans les Annales de philosophie chrétienne, janvier 1906, t. eu, p. 385. Depuis, le même écrivain a écrit sans embarras : « Selon le saint docteur [saint Thomas], notre idée de Dieu est une idée analogue selon l’analogie de proportionalité. Une telle idée n’exprime pas une propriété abstraite commune à Dieu et aux créatures ; elle n’est, en aucune façon, une représentation, même obscure, de la nature divine. » Ibid., juin 1908, p. 255. Voir sur la position réelle de l’ancienne école thomiste, Dictionnaire apologétique de la foi, Paris, 1908, 1. 1, col. 45.

Toutes ces formules reconnaissent avec la scolastique et avec Kant que nous pouvons désigner Dieu par des périphrases tirées de nos états subjectifs, par des dénominations extrinsèques ; mais elles nient avec le même kant, non pas seulement contre la scolastique, mais bien contre la pensée de l’Eglise et de tous les fidèles, S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xiii, a. 2, que nous soyons capables de porter un jugement défini, ayant une valeur de connaissance objective précise, sur la nature intrinsèque de Dieu. Peu importe ici, où il s’agit de l’aboutissement, de savoir si toutes ces philosophies ont ou n’ont pas dépassé Kant, si elles ont ou n’ont pas retrouvé le réel ; peu importe de même les diverses allonges essayées ; nous parlons du résultat. Or, qu’ils soient à la remorque de Spencer et de ses idées héréditaires, comme M. Loisy ; qu’ils tiennent que tous les termes de l’Ecriture sur Dieu sont figurés, comme le juif Maimonide et M. Tyrrell ; que leur symbolisme soit métaphysique, avec M. Desbuts, ou pragmatique, etc., avec M. Le Roy, etc. ; tous s’accordent à nier que la raison humaine ait le pouvoir de se faire une idée rationnelle valable de l’absolu, de façon à pouvoir porter sur la nature intrinsèque de l’ion desjugements définis ; tous s’accordent avec il. Dunanà considérer le et et l’estime de l'Église pour la raison « comme une erreur » . Cf. Rifaux, Les conditions du retour au catholicisme. Enquête, réponse de M. Ounan, p. 205. Ceux-là seuls qui ne connaissaient ni le sens de la définition du Vatican, ni les prétentions du modernisme, ont pu s'étonner de la condamnation de ce « rendez-vous de toutes les hérésies » . L’expression a froiss. ii tins protestants libéraux, qu’elle démasquait — car ces messieurs sont souvent gens d'église et vivent de ri venus ou d’aumônes ecclésiastiques et d’i

. I Ile n’est pourtant que juste, I

dinairei n’errent que sur quelques points ; mais la

théorie de la connaissance religieuse du lern

exige qu’on erre à la fois sur tous les dogmes ; bien

plOS, elle siippri aussi l.ien la foi que la raison, la

révélation que la connaissance naturelle de 1° i.

que ne faisaient ni le luthéranisme, ni le calvinisme,

ni le traililion.il

go / snii/i, t<i tir connu

naturelle. Non suffisamment telles sont l< s dot trini

mh la raison qui ne peuvent TS)0 le 859

DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)

SGO

texte du concile, et quelles sont les conséquences de la doctrine révélée sur les théories de la raison. Il ne reste plus qu'à répondre à une dernière thflicu 1 1<'- en exposant le seul mot du canon conciliaire que nous n’avons pas encore expliqué. Il s’agit dans notre texte de la raison naturelle. Ce mot, tout le monde en convient, a été voté par le concile en vue d’exclure le traditionalisme. Cette hérésie admettait que l’homme, tel qu’il est, n’a pas les forces rationnelles suffisantes pour arriver à la connaissance certaine de Dieu ; il lui fallait donc un secours, une aide, pour suppléer à son insuffisance ; cette aide était la révélation proprement dite, cette révélation qui est, d’après l’Ecriture, strictement surnaturelle, c’est-à-dire indebila. En employant le mot naturel, le concile a eu explicitement en vue d’exclure ce secours surnaturel qui est la révélation ; et dous avons déjà dit que le texte de saint Paul, qui parle des païens qui n’ont pas la révélation, a bien ce sens.

1. Questions.

Ici certains apologistes cherchent à greffer leurs théories sur le texte du concile. Voici comment. Le concile, disent-ils, n’a exclu par le mot naturali que cette espèce particulière de secours, qui est la révélation proprement dite. Mais, puisque les Pères ont admis, par exemple, les théories de l’illumination et de la pur galion, puisque certains théologiens ont admis des secours surnaturels pour la première connaissance de Dieu, on peut concevoir et admettre la nécessité de secours autres que la révélation proprement dite, sans lesquels la raison ne peut pas parvenir à la connaissance certaine de Dieu. Or, si l’on admet la nécessité, et par conséquent la réalité historique de tels secours — lesquels ne sont pas exclus par la’définition conciliaire — le premier assentiment certain donné à l’existence de Dieu n’est plus nécessairement déterminé par le seul poids des preuves ; il n’est donc plus simplement rationnel. D’où il suit que, sans contredire en rien le concile du Vatican, on peut très bien concéder que le pouvoir physique de connaître Dieu avec certitude ne gît pas dans les principes intrinsèques et constitutifs de notre nature : sinon, il faudrait dire que le concile du Vatican a défini la possibilité de l'état de nature pure, ce que nul n’accordera. On peut donc, tout en restant fidèle au concile, concéder aux philosophies modernes, qu’en réalité nous n’avons intrinsèquement en nous aucun principe -naturel par lequel nous soyons capables d’atteindre et de distinguer l’absolu. Cette opération n’est possible que grâce à un secours de Dieu, à une action divine ; et de la sorte, sans admettre la doctrine de l’immanence, nous pouvons très bien, tout en restant catholiques, en admettre la méthode. Nous dirons donc que dans la connaissance religieuse, l’action divine supposée, tout croît du dedans ; qu’il suffit de l’observation psychologique pour expliciter avec une infaillible sûreté le contenu de l’action divine, confié au travail de la vie ; que la croyance en Dieu est une forme de l'être moral, que par son action Dieu ramène à lui ; que la connaissance intellectuelle de Dieu n’est que le rellet de la vie morale et religieuse ; et, comme les théologiens, à bon droit, rejettent l’agnosticisme dogmatique et veulent porter sur Dieu en soi des jugements objectifs, nous ajouterons que ce reflet ne va pas sans un nexus objectivus avec la réalité. Sur ce dernier point, il est vrai, notre doctrine se séparera des philosophies issues de Kant. Mais notre apologétique nouvelle aura l’immense avantage de tenir compte de ce fait, signalé par M. Blondel, que « la pensée moderne, avec une susceptibilité jalouse, considère la notion d’immanence, comme la condition même de la philosophie. »

Ces quelques lignes résument fidèlement, croyonsnous, la pensée un peu confuse qui, ces dix dernières années, a inspiré beaucoup d’articles, parus dans la

Revue du clergé français, dans les Annales de philosophie chrétienne, dans The New York Heview et ailleurs. Pour soutenir celle méthode d’apologétique, on a cherché chez les anciens théologiens diverses théories sur le surnaturel, absolu et relatif ; on a travaillé à enrégimenter les cardinaux Newrnan et Dechamps ; on a discuté de l'état de nature pure ; on a découvert « le point de départ de la recherche philosophique, » etc. Tous ceux qui ont pris part à la lutte contre les positions classiques, ne s’en écartaient pas également ; et bien que des modernistes avérés, c’est-à-dire des agnostiques, se soient servis des vues émises en faveur de la méthode d’immanence ou du dogmatisme moral, nous ne reviendrons pas sur l’agnosticisme ; mais il reste, après tout ce que nous avons dit, à traiter à part du problème des rapports de la nature et de la grâce, dans la connaissance de Dieu. La question à laquelle il nous faut répondre est donc la suivante : Cette apologétique nouvelle, en tant qu’elle s’appuie sur la doctrine des auxilia, pour expliquer notre première idée valable et certaine de Dieu, est-elle conciliable avec le concile ? Nous n’oublierons pas plus que dans ce qui précède, que les textes dogmatiques sont striclissirnse interpretationis. Acta, col. 131.

2. Réponse.

a) Les théologiens divisent les secours divins, auxilia, en deux grandes catégories : les naturels ou débita, et les surnaturels ou indebita. Les secours naturels comprennent le concours général, sans lequel aucune créature ne peut agir ; les secours spéciaux, exigés pour un acte déterminé, par exemple, pour que l’intelligence passe à l’acte ou pour que la volonté soit excitée et rende l’intelligence attentive : c’est à cette classe que se rapportent, si on les déclare nécessaires, l’idée innée cartésienne, l’illumination, la purgation, les dispositions morales, l’exemple des autres, l’enseignement social, etc. Les secours surnaturels sont destinés à élever les puissances à l’ordre divin, sans tomber sous le champ de la conscience, par exemple, la grâce infuse du baptême ; ou bien, ils excitent nos puissances à l’acte, par exemple, les grâces actuelles qui éclairent et sollicitent la volonté. Ces derniers secours, relativement à l’objet qui nous occupe, sont de deux espèces : per modum mère subjectivi, et per modum objectivi. On appelle secours objectif, tout ce qui se tient du côté de l’objet ; et purement subjectif, ce qui influe sur l’acte sans constituer une présentation de l’objet et sans varier la nature ou la force perçue des motifs d’adhésion. En d’autres termes, est dit « secours objectif », ce qui se présente à l’esprit comme objectif ; « subjectif », ce qui inllue sur l’acte sans constituer un objet. Par exemple, la révélation proprement dite est un secours objectif, parce qu’elle présente l’objet, et le motif d’adhésion : l’autorité divine. Mais, si nous supposons qu’en même temps que Dieu révèle une proposition au prophète, il agit sur ses puissances pour les inclinera l’assentiment, cette action qui, par hypothèse, ne constitue pas l’objet proposé à l’adhésion du prophète et ne varie pas la nature ou la force perçue du motif d’adhésion, qui, dans l’espèce, est l’autorité divine, est appelée secours purement subjectif. Ainsi, dans cette terminologie, l’hérésie traditionaliste consistait à soutenir que, sans un secours objectif, la raison de l’homme ne peut pas à l’aide des créatures connaître Dieu avec certitude.

De ces divers auxilia quels sont ceux que le concile a exclus, quels sont ceux où le champ reste ouvert aux opinions ? — a. Le mot « naturel » du concile exclut la nécessité de tout secours per minium objectivi, c’est-àdire précisément l’erreur traditionaliste. Acta, col. K10. h’où il suit que si l’on requiert un secours de cette espèce, en soutenant que, sans lui, l’homme n’a pas le pouvoir physique de connaître Dieu avec certitude, on est condamné. On est condamné, soit parce qu’on pro

fesse le fidéisme, soit parce qu’on confond le concours général avec les dons gratuits, et la raison avec la foi surnaturelle, soit parce qu’on exige la révélation comme absolument nécessaire, soit parce qu’on exclut la suffisance de la présentation médiate de Dieu par les créatures à la raison. Cf. encyclique Pascendi, passiin. — b. Le concile est absolument muet sur tous les autres auxilia, soit naturels, soit surnaturels. Cela suit de la déclaration, faite plusieurs fois dans le concile, qu’on ne voulait pas parler de l’exercice de la raison, mais de ses forces, et qu’il fallait établir une proposition

raie qui s’appliquât à tous les états, aussi bien à celui de nature pure qu'à notre état actuel.

Que tel soit le sens du concile, je ne vois aucun théologien qui le mette en doute. Par là, le concile et les théologiens laissent donc la porte grande ouverte aux hypothèses sur les divers secours qui peuvent intervenir dans la connaissance spontanée de Dieu, et aussi à l'étude et à l’analyse psychologique de notre première adhésion certaine à l’existence de Dieu. On peut donc — je ne dis pas : on doit — si l’on a de solides raisons à en donner, faire l’hypothèse de divers secours nécessaires ou exigés, c’est-à-dire naturels, et aussi faire l’hypothèse de certains secours gratuits, préternaturels ou surnaturels, non exigés dans l'état où nous sommes, mais donnés en fait, pour incliner notre nature à l’assentiment. Ces hypothèses faites, on peut s’en servir pour la description psychologique des faits, et ad hominem pour résoudre les difficultés de l’athée ou du sceptique à qui l’on s’adresse, s’il veut bien les admettre ; on peut même, comme faisaient par exemple les cartésiens pour l’idée innée, essayer de construire sur ces hypothèses une doctrine générale. La plus stricte théologie, même après l’encyclique Pascendi, permel toutes ces études, dont, nous l’avons dit, les Pères et certains théologiens orthodoxes nous ont donné l’exemple. Nous disons que la théologie permet l’emploi de ces procédés ; cela ne signifie pas du tout qu’elle en garantit la valeur. Il faut toujours s’en souvenir, les conclusions ne dépassent jamais la valeur des prémisses. Dans ci - études psychologiques où l’on f.iit intervenir diverses hypothèses de secours nécessaires ou gratuits, les conclusions ne peuvent jamais avoir que la certitude, la probabilité ou la fausseté de la moins certaine, de la plus douteuse ou de la plus inexacte des prémisses emplo ;

h De ce que la théologie permet, sans toujours les garantir, la prise en considération des facteurs psychologiques, religieux ettnoraux, qui, sans en excepter divi rs

iurs, naturels ou gratuits, peuvent inlluer sur la

notre connaissance certaine de Dieu, il ne

faudrait pas toutefois se hâter de conclure que taules

les hypothèsi - possibles sont concilia blés avec le dogme

défini et ~es exigences. Il n’en est rien ; caria définition

du concile exige que 1rs hypothèses sur les secours

pour la première connaissance de Dieu ne

..munir ! caractère rationnel de cette

connaissance et de la certitude qui l’accompagne : sinon,

i erreui mi me que le concile a voulu pros' le fldéisme ; que ces hypothèses soient telles qu’elles

ni rien d’exclusif relativement aux procédés de la nante, indiqués par l'Écriture et employés

par la tr.idiii t que le concile n’a pas ex< lus, bien

qu’il ne li I Unis, comme nous l’avons expliqué

li "i i. que ces hypothèses soient telles qu’elles

t, t valables pour loul étal de l’humanité, puisque le ment enli min définir IV is ! ence

ins l’homm rai, toi) i dans l'étal actuel,

dans l'étal d< nature [une. du pouvoir physique Dieu pai les lumières naturelles. Acta, 131. Il faut enfin, pour reati i dani l oi thod

nouvellent pu les propositions ni l et par Pie i Denxingi i.

n. 1040, 1381, 1385, 1380, 1527. Cf. Franzelin, De Dec uno, 3e édit., Rome, 1883, p. 09 ; Yiva, Damnatarum tliesium theologica trutina, Padoue, 1723, p. 238, sur la proposition 23e d’Innocent XI, en 1679 ; Faure, Enchiridion, Naples, 1847, p. 19-28, sur les doctrines jansénistes.

Ces quatre conditions d’orthodoxie expliquent bien la position de la théologie classique. On reproche beaucoup aux théologiens de n’avoir pas envisage' le coté moral, subjectif, du problème de l’idée de Dieu, et on renvoie à l’article très sec de la Somme où saint Thomas propose ses cinq arguments. D’un autre côté, on se fait un plaisir de citer à l’appui de la méthode, dite psychologique et morale, des thèses de divers théologiens. Voici la clef de l’imbroglio. Dans les traités de la grâce et des vertus infuses, les théologiens ont été amenés à considérer bien des hypothèses sur les auxilia naturels ou gratuits que Dieu nous donne ; et ils les étudient. Quelques-uns y ont admis des secours surnaturels pour les débuts de notre vie morale et religieuse. C’est là qu’on les pille aujourd’hui, sans beaucoup de critique et de discernement. Quand, au contraire, les mêmes théologiens donnent les preuves de l’existence de Dieu, ils font presque tous totalement abstraction de ces auxilia, c’est-à-dire des illuminations, des inclinations, en un mot des raisons d’adhérer subjectives. Nous avons cité Yasquez, qui admet l’intervention d’une « grâce naturelle » pour la première connaissance de Dieu, mais qui là où il donne les preuves de l’existence de Dieu réduit l’action de cette grâce « à faire saisir comme il faut les prémisses objectives, » par exemple, de l’argument de saint Anselme, qu’il défend en même temps que celui de la contingence. La raison de cette conduite suit des quelques remarques qui précèdent. Ces théologiens ont conscience de tout ce qu’ont d’hypothétique leurs doctrines sur la nature et la distribution des divers auxilia : à côté d’un certain nombre de thèses certaines, il y a là bien des vues purement systématiques ou conjecturales, que la logique interdit d’employer quand on a en vue une conclusion certaine. De plus, faire intervenir la notion d’un secours divin quand, par hypothèse, on ne sait pas si Dieu existe, ne paraît guère correct à beaucoup de logiciens. Ensuite, les théologiens partent toujours du principe que la connaissancede Dieu est rationnelle, possible dans tous les états de l’humanité et non exclusive des moens de la raison raisonnante. De là, leur effort d’objectivité', leur sécheresse dans la proposition des preuves de l’existence de Dieu. L'émotion, l’appel au sentiment, etc., n’est pas leur allai i, leur lecteur, s’il a de l'âme et du doigté', saura parier

i ire comme il convient, el ci les circonstances

l’exigeront : c’est affaire, la doctrine acquise, d'éloquence naturelle, de poésie, de piété, de zèle, etc., mais ce pas de la science théologique. c) Les écrivains que nous avons ici en vue procèdent tout autrement que l'École. N’ous avons.1 jà parlé de leur exclusivisme : il n’y a que… est leur premier mot, quand ils parlent de leur système ; tant pis pour ceux qui ne se payant pas de mots, de sentiments et d’hypomandent des raisons ; c’est leurfaute s’ils ne croient pas. Cf. encyclique Pascendi, § Atqut hsx, Denzinger, lo édit., n. 3081. Saint Paul, Rom., i, 20, il est vrai, el le livre de la Sagesse, mu. ont affirmé donner de raisons ; mais ces deux auteurs étaient inspirés, el ni le moyen objectif, ni le moyen sui.joctif qu’ils assignent, n’est précis ni celui de nos apologistes l’un et l’autre, en effet, parlent du monde i rieur et 'b cette raison par laquelle b - n ont

tantum /"-/ne, uni teit < "i ; Kstitnarc seeculum, quo mode hujus Dont

. Mil. 9.

i nei pi n iH-ii i pour accord

et considèrent comme certaines des hypothèses, qui ne sont que des vues systématiques — et ils sont étonnés que les théologiens, même ceux qui admettent ces hypothèses, prolestent contre le sophisme qu’il y a à les prendre comme hases d’une démonstration qui prétend aboutir à la certitude rationnelle. A ces hypothèses, ils joignent des thèses qu’aucun théologien catholique ne concède. M. Nouvelle, en effet, répondant à Mu r Turinaz, raisonne ainsi : « Tout homme en fait est appelé à vivre surnaturellement, à devenir consors divinee naturæ. Dès lors, je ne puis pas voir comment l’homme qui doit lihreinent atteindre cette fin pourrait seulement s’orienter vers elle, si au moins implicitement il n’en sent pas le hesoin et n’en éprouve pas le désir… Il faut donc bien admettre que, pour atteindre sa fin surnaturelle, qui est d'être participant de la nature divine, tout homme doit désirer posséder Dieu et être Dieu. » Réponse « M’J r Turinaz, dans les Annales de philosophie chrétienne, décembre 1905, p. 271. Cf. Denzinger, n. 1387, perinde ac si non daretur dilectio humana licila. M. Laberthonnière, continuant la même controverse, affirme que « le désir d'être Dieu, de posséder Dieu est bien certainement constitutif et caractéristique de l’humanité que nous sommes. » Ibid., p. 400. Cf. Denzinger, n. 1040, 1527, 1385. Pour M. Blondel, antérieurement aux grâces surnaturelles, « il y a une autre grâce, une vocation première, un état qui résulte de la perte du don initial. » Histoire et dogme, p. 68. Cf. Denzinger, n. 1381. De son côté, M. Desbuts proposant Une utilisation de la doctrine thomiste du concours, écrit : « Sans doute le concours divin n’est pas toujours ordonné directement à l’ordre surnaturel. Quand il tombe dans une âme séparée de Dieu, il se moule, comme partout, sur la nature qui le reçoit, et il ne vise alors immédiatement que des actions naturelles. Et cependant, cette âme, appelée à un ordre surnaturel, créée pour lui, n’est pas à l'état de « nature pure » : elle possède, de par la bonté gratuite de Dieu, un vide qui demande à être comblé. Dieu… tôt ou tard, l’amènera à se poser l’inévitable question de sa vocation surnaturelle ; il prépare tout en vue de ce moment gros de toute une éternité. Aussi le concours divin, même quand il est en soi naturel, n’est-il jamais ce qu’il serait chez une âme dont la destinée normale serait naturelle ; il conserve toujours, s’il est permis de risquer cette métaphore, une arrière-pensée surnaturelle. Il est donc forcé que notre idée d’infini, issue de l’action divine en nous, ne puisse s’appliquer qu’au but dernier vers lequel nous conduit cette action, » c’està-dire à notre fin surnaturelle. Cf. Denzinger, n. 677, 1381, 1010, 1527. La question ici n’est pas de savoir si M. Desbuts fausse ou non la notion de la prémotion bannézienne, cf. Pègues, dans la Revue thomiste, juillet 1908, p. 316, ni si l’emprunt qu’il fait à une des écoles néo-thomistes de Rome, à savoir que albedo separata esset (simpliciter) infini ta, est vrai ou faux, ad rem ou non. Nous ne nous arrêtons de même pas à remarquer que sans le concours, avec « arrière-pensée surnaturelle », M. Desbuts avoue ne pas s'élever au-dessus de la connaissance de « l’idéal », p. 254. Desbuts, Utilisation de la doctrine thomiste, dans les Annales de philosophie chrétienne, juin 1908, p. 259. De même, nous ne discutons pas la portée de l'écart que l’on remarque entre les doctrines classiques sur la grâce, sur notre élévation extrinsèque et intrinsèque au surnaturel, sur notre justification et les thèses de MM. Nouvelle, Laberthonnière et Blondel. Ces graves questions sont hors de notre sujet, qui est l’interprétation du concile, cf. Mm Turinaz, Lettre au R. P. Nouvelle, dans les Annales, t. eu, p. 387. Nous retenons seulement.qu’aussi bien dans le « vide » de M. Desbuts que dans le « désir » de M. Laberthonnière, le secours, donné dans l’ordre actuel pour nous amener à la première connaissance

certaine de Dieu est intrinsèquement surnaturel. Il le faut bien puisque, dans les deux cas, c’est par le < surnaturel exigeant » que nous arrivons à connaître véritablement Dieu.

II est vrai, avons-nous dit, que quelques théologiens ont parlé de l’hypothèse de secours surnaturels concédés de fait dans l’ordre actuel pour nous amener à la connaissance certaine de l’existence de Dieu. Mais lorsque nos apologistes, en quête de justification pour la méthode d’immanence, ont recours aux vues de ces théologiens et disent que sans les dons surnaturels on ne peut pas connaître Dieu, la formule n’a pas chez eux le même sens que chez les théologiens orthodoxes. En effet, la phrase peut avoir deux sens : de fait, sans un secours surnaturel, l’homme n’arrive pas à la connaissance de Dieu ; ou bien, en droit, sans un secours surnaturel, l’homme n’arrive pas à la vraie connaissance de Dieu. Le premier sens est conciliante avec le concile — et c’est celui des théologiens orthodoxes ; le second ne l’est pas — et c’est celui de Luther, de Jansénius, etc. Expliquons-nous.

Le premier sens est conciliable avec le concile, à savoir, de fait, sans un secours surnaturel, l’homme n’arrive pas à la connaissance de Dieu dans l’ordre actuel de providence ; en ce sens, il ne peut pas connaître Dieu sans l’aide d’une grâce. En effet, le concile n’a rien voulu décider sur les « conditions » de l’exercice du pouvoir qu’il définissait. Dire qu’un secours surnaturel, différent de la révélation, est accordé pour que ce pouvoir passe à l’acte ne contredit donc pas le concile. Quand on ajoute : de fait, dans l’ordre actuel, l’homme ne peut pas connaître Dieu sans la grâce, on peut encore concilier la pensée avec le texte voté. En effet, le concile a défini que l’homme en général, c’està-dire l’homme qu'étudie la philosophie, est constitué de telle sorte que par sa raison naturelle il peut connaître Dieu avec certitude ; ce qui entraîne un pouvoir intrinsèque à l’homme de connaître Dieu, et, de plus, si un secours est nécessaire pour que ce pouvoir passe à l’acte, que ce secours soit assuré, ne fasse jamais défaut, quel que soit l’ordre de providence envisagé. Cf. l’application de ces principes au cas de l’idée de l’infini du D r Kuhn, faite par le P. Granderalh, p. 41. Les théologiens orthodoxes anciens que l’on cite, concilieraient donc leur doctrine des secours surnaturels avec le concile, en disant : de fait, Dieu ne refuse à personne dans l’ordre où nous sommes cette grâce surnaturelle qui est la condition de la connaissance de Dieu ; et, dans l'état de nature pure, ce secours serait remplacé par un autre, en dehors de toute révélation. Comme d’ailleurs, chez les anciens théologiens, le secours dont ils parlent n’est pas per modum objectivi, mais servait seulement à faire voir, saisir ou admettre les prémisses naturelles et la conclusion, dans leur hypothèse, c'était encore au sens propre qu’il était question d’un pouvoir rationnel intrinsèque à l’homme, et la certitude aussi bien que la connaissance restaient rationnelles. Enfin, la connaissance n’atteignait pas, sans la révélation. Dieu, comme auteur et fin de l’ordre surnaturel.

Le second sens, à savoir, en droit, sans un secours surnaturel, l’homme n’arrive pas à la connaissance di Dieu ; en ce sens, il ne peut pas connaître Dieu sans secours surnature], est hérétique, parce que la formule ainsi entendue signifie, comme le voulaient Luther, Jansénius, etc., l’homme, en général, n’a pas le pouvoir physique de connaître Dieu. On nous demandera : Mais comment concilier cette conclusion avec l’aveu fait précédemment que le concile n’a rien défini sur les auxilia soit naturels, soit surnaturels, qui peuvent intervenir, hormis les secours objectifs qu’il a exclus '.' Rien n’est plus simple. Le concile admet que l’un des constitutifs intrinsèques de l’homme est la raison, pouvoir physique d’arriver à une connaissance et à une

certitude rationnelles de Dieu ; qu’il y faille de l’aide, ni il ne l’affirme, ni il ne le nie ; qu’on pense qu’actuellement, l’homme a de fait une aide non exigée, surnaturelle, c’est conciliaire avec le concile, parce que cette hypothèse n’entraîne pas nécessairement la négation ou la mise en question du pouvoir physique défini, ainsi que nous venons de l’expliquer ; de même, qu’on dise que nécessairement un secours est exige, debitum, par exemple, l’idée innée, l’illumination, la purgation, si le pouvoir physique en question pour l’acte et l’objet déterminés dont il s’agit, reste intact, on est encore en règle avec le concile..Mais, si l’on combine les deux hypothèses — ce qu’un théologien qui tient la notion du surnaturel qui résulte du concile ne fera jamais — et que l’on dise : dans l’ordre où nous sommes une aide, surnaturelle, gratuite, est, en droit, nécessaire, on dira une absurdité, que les théologiens qu’on allègue n’ont pas dite ; et, si quelqu’un l’a dite, il n’est pas à suivre, quel qu’il soit. Si on donne un sens à cette absurdité, on niera par là l’existence dans la nature humaine actuelle du pouvoir physique, actif, défini par le concile. Tel est le cas de Jansénius. Nous avons plus haut exposé comment, d’après lui, nous ne pouvons arriver à la connaissance de Dieu que par la foi-amour. Voici ce qu’il écrit sur le même sujet dans son commentaire du livre de la Sagesse, xiii, 5. A magnitudine enim speciei, id est. prsestanlia puïchriludinis, cognoscibiliter poterit horum creator videri ; per intellectus discursu.ru quo ex creaturæ cognilione, ad Deuni se erigit. L’nde grxcc clarkis est : analogice sive per proportionem poterit videri. Jusque là rien de plus orthodoxe, et les modernistes n’en concéderaient pas un mot. Mais voici : quod intellige, nisi mens variis gentilitiorwn deorum erroribus ebria sit ac nimium déprava ta, ni docet August., tractatu JOO in Joannem. 'l’unienim mm niai magmr gratis adjutorio lumen verse divinitatis intuetur. Cursus Scripturse sacras de M igné, t. xvii, col. 531. Voilà bien le secours surnaturel, nécessaireà l’homme tombé d’après Jansénius, parce que cet homme n’a pas ! es forces suffisantes pour s'élever à Dieu. Or, le concile du Vatican enque l’homme, en tout état, a ces forces. Et voilà comment précisément parce que le concile, sans entrer dans la question des différents états de l’humanité et dans celle des auxilia de ces états, a défini que dans i l’homme en général Icta, col. 131, 150, se trouve le pouvoir physique, la force naturelle de connaître Dieu, A' ta, col. 70. 1-27. 130, il résulte du texte voté, par uni conséquence qui est impliquée et que le concile connaissait, Acta, col. 131, 523, n. 10, 547, n. 38 sq., 1623, que loutet le doctrines de la chute qui nient ce pouvoir veut condamnées, et que toutes 1. - hypothèses sur leauxilia qui mettent ce pouvoir en question ou le nient sont inconciliables avec la doctrine di flnil < i ' ainsi que d’un coup Luther, Calvin. al, Quesm I. Bautain, letraditionaliste ! de Louvain sont frapp Maintenant, des deui ibles de la formule

que nous étudions, quel est relui que prennent les

de l’immanence, les apologistes à qui déplai rocédés < I < Il col< Le pn mil i sens ne ser virait île rien aux immanentistes pour leur but, qi

d’arriver à pou dei aux kantistes et auj

m moyen rationnel d’atteindre i ml i chercher < le retrouver dans

I e| d’une aide surnatu relle, du rarnaturi at. Ils choisissent donc le

I celui qu’a condamné l'Église. Luther, Cal

lu "u que l’homme tombé o a p i dan i les forces poui un si > la connal tance de Dieuparallèlement, et non ans Ils

Ique., la philosophie nominaliste, i mpi t)lf.T. Dl Tllioi.. CAT1IOI.

riste ou idéaliste, est arrivée à une conclusion identique. Les nouveaux apologistes qui, sans adopter l’immanence comme doctrine, l’acceptent comme méthode exclusive, commencent par concéder cette impuissance de la raison en matière morale et religieuse, en s’appuyant sur Pascal, sur les pseudo-mystiques, ou bien sur les prétendus « résultats acquis » de la critique kantienne et positiviste ; puis, ils se donnent — à quel titre logique et rationnel, on ne sait — ils se donnent donc, non sans soupçon de fidéisme, le surnaturel proprement dit, dans le concours, ou dans le désir, etc., sans remarquer, semble-t-il, que la question dogmatique se pose : oui, ou non, avons-nous le pouvoir physique de parvenir à une certitude rationnelle de Dieu, qu’a défini le concile ? Précisons notre pensée. L’encyclique Pascendi regrette que des catholiques se servent en apologétique de la méthode d’immanence. Denzinger, 10e édit., n. 2103. Il s’agit, dans ce passage, de l’apologétique de la religion catholique ; et le document fait remarquer que ces apologistes ont eu tort de mettre en l’homme une « exigence » et non pas seulement une « convenance » au surnaturel. 11 ne suit pas de ce passage que l’encyclique enseigne qu’on ne puisse pas démontrer Dieu en prenant pour point de départ notre nature morale et religieuse, considérée comme un fait. Lorsque donc, il y a quinze ans, M. lilondel partait des faits de conscience moraux et religieux et concluait à Dieu dans L’action, il était sur ce point précis — et en ne tenant pas compte ni de ses concessions très larges au kantisme, ni de ses prétentions à tout retrouver dans sa conscience de philosophe chrétien — moins loin de beaucoup de théologiens qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Mais depuis, sous le prétexte de chercher des appuis théologiques, pour éviter le surnaturel exigé, dont on avait d’abord parlé, on a introduit la considération des auxilia, et l’on a parlé du surnaturel « anonyme » exigeant. Cf. Laberthonnière, Essais de philosophie religieuse, Paris, 1903, Appendices, p. 316 sq. L’encyclique Pascendi décrit à merveille ce qui s’est passé. Denzinger, 10e édit., n. 2074, 2081. L’action divine est devenue la cause de la connaissance religieuse, et dans cette connaissance l’expérience a remplacé la raison, comme chez beaucoup de protestants et chez les pseudomystiquee. Que deviennent, si les choses se passent ainsi, la connaissance et la certitude rationnelles de l’existence de Dieu définies par le concile ' Il ne m'échappe pas que les apologistes, dont il est moment question, font — quelques-uns du moins

— les plus grands efforts pour aller moins loin que les protestants et les psoudo-linsliques, et pour arriver a une connaissance vraiment rationnelle de Dieu. Cf. Blonde), dans les Annales, t. ciii, p. '230 sq. Nous

tenons compte de ces ellorts, tout en restant sceptique sur la valeur du résultat ; nous savons que M. I aberthonniere entend, par les procédés qu’il emploie, prouver l’existence de Dieu, Essais, p. 78, note ; « le même nous savons que ces apologistes refusent d’avouer que le surnaturel soit dans leur syslèmi igé „. Ibid.,

p, 315 sq M us il nous semble que deux choses les ont

La premièn est que, partant de l’hypothèse que entiment certain donné' a l’idée de Dieu n’eal pas déterminé uniquement par le poids des preuvi

d. mi' Béni D’est pas pure ut rationnel, ilont (in

pouvoir négliger ce que cet assentiment.i de rationnel

— de lé ficoncessions initiales au kantisme, au pai udo m] sti< i au lien de s’attacher,

ne font 1 mettra en

relief cet élément rationnel. Ensuite, l'étant donni auxilia surnaturels, ils parai |u’on

peut ient < i.< bon droit transport

que les tii de la libei té di i acte lui oa »

iv. - n

turel de foi, au cas de l’adhésion certaine, que naturellement nous sommes capables de donner rationnellement à l’existence de Dieu. Jansénius, on s’en souvient, avait eu la même conception ; les païens qui ont connu Dieu, d’après lui, ont rc(, u la grâce surnaturelle de l’amour ; dans et par cet acte libre ils ont connu Dieu, dont ils ont pu rationnellement se légitimer ensuite la connaissance par le discours.

A cette conception on oppose le raisonnement suivant, qui n’est pas usé pour avoir servi contre les traditionalistes. Si vous prétendez que l’existence de Dieu ne peut pas être aflirmée avec certitude sans un acte essentiellement libre (produit avec ou sans la prémotion physique, avec tel ou tel secours surnaturel, etc., peu importe), vous devez concéder qu’antérieurement à cet assentiment libre personne n’a et ne peut avoir la connaissance certaine de Dieu — c’est bien de fait ce que les apologistes de l’immanence soutiennent, les mots « action, vie, orientation », etc., désignant un acte libre. D’où la singulière conséquence : dans votre système, avant d’avoir librement voulu tenir pour certaine l’existence de Dieu, c’est-à-dire avant d’avoir produit l’acte libre dans et par lequel, ou bien à la suite duquel, on connaît Dieu, il est impossible à l’homme de se considérer rationnellement comme obligé en conscience de suivre la loi naturelle ; car cette obligation ne va pas sans la connaissance certaine du législateur. Et qu’on ne dise pas : Mais, comme beaucoup de théologiens, nous admettons le fait initial de l’obligation. Car il y a disparité. En effet, les théologiens qui admettent la valeur de la preuve de l’existence de Dieu par le fait de l’obligation, montrent que ce fait entraîne la connaissance certaine de Dieu — en cela vous faites comme eux ; mais ces mêmes théologiens ne donnent à la liberté aucune part dans la genèse du fait de conscience subjectif, qu’on appelle le sentiment de l’obligation. Or, dans votre système, si la liberté n’intervient pas dans la genèse du sentiment de l’obligation, ce sentiment ne peut pas impliquer la connaissance certaine de Dieu, puisque, dans voire doctrine, l’existence certaine de Dieu ne peut être affirmée que par un acte libre. « Sous une forme ou sous une autre, écrit M. Blondel, Lettre sur les exigences, etc., p. GO, est fait nécessairement à l’homme un don surnaturel… et l’homme doit sentir en quelque manière l’obligation d’accepter ce don. » Et si la liberté intervient dans la genèse du sentiment de l’obligation, de la responsabilité — ou du fait psychologique quelconque qui vous sert de base, car la nature spécifique de ce fait est ici indifférente, pourvu qu’il dépende de la liberté — si, dis-je, la liberté intervient dans le fait qui sert de base à votre argumentation pour prouver l’existence de Dieu : que devient chez vous la morale ? Sera obligé, qui le voudra bien. Quant à trouver Dieu, l’Etre non pas seulement subjectivement nécessaire, mais l'Être objectivement nécessaire, en partant d’un tel fait, il n’y faut pas songer : debiliorem scquitur 'parlent conclusio. Tout au plus, déduirez-vous « la catégorie de l’idéal », esthétique, eudémonique, social, etc. Et la nature intrinsèque du concours ou du secours que vous mettez à la clef, ne changera rien à la portée du résultat. Il ne restera toujours qu’une vérité et qu’une certitude subjectives à la fin de tous vos raisonnements. Mais, s’il en est ainsi, que deviennent la connaissance et la certitude rationnelles définies par le concile ? Il faut s’en souvenir ; le mot cerlo fut très attaqué au concile. Un amendement proposa de le supprimer, Acta, col. 224, « comme superflu pour les catholiques, puisque connaître et connaître avec certitude sont équivalents, et comme très utile aux rationalistes, » qui en profitei lient sans doute pour s’en tenir à la religion naturelle de Wegscheider et de Jules Simon. Le concile, pour éviter un abus possible, ne voulut pas sacrifier la vérité ;

il préféra maintenir les droits de la raison et vota le mot cerlo, dont cette discussion montre les conséquences et la portée.

Une autre cause de l’illusion des mêmes apologistes est leur appréciation de la doctrine du concile relativement à l'état de nature pure. Cf. Iiirot, dans les Annales de philosop/iie chrétienne, t. eu, p. : #> ; Fonsegrive, dans le Correspondant, juin 1908, p. 1166. Il est vrai, comme ils le disent, que le concile n’a pas défini la possibilité de l'état de nature pure. Mais il est absolument faux que les théologiens ne peuvent et ne doivent rien déduire du concile relativement à cette » possibilité, il est absolument faux que, relativement au pouvoir spécial de connaître Dieu avec certitude par la raison naturelle, les controverses antérieures au concile soient restées en leur état. Acta, col. 1623 sq. Le lecteur aura remarqué dans nos citations que l’expression « état de nature pure » est revenue souvent dans les discussions du concile. Cependant, le concile n’a rien décidé sur ce sujet directement ; il s’en est tenu à ce qui se trouve dans l'Épitre aux Romains, entendue, non au sens luthérien, calviniste ou janséniste, mais au sens de la tradition catholique.

Nous pourrions nous contenter ici de conclure : comme les théologiens prouvent très bien que l'Écriture ainsi entendue exige la déduction de la possibilité de l'état de nature pure, la question est vidée. Mais, , sans entrer dans ce très vaste sujet, bornons-nous au point spécial qui nous occupe. Le concile a voulu définir qu’il y a, dans « l’homme en général », un pouvoir physique de connaître Dieu par les lumières de la raison naturelle ; ce qui signifie que ce pouvoir est un des constitutifs intrinsèques de l’homme, quelque chose qui est de l’essence de l’homme ou qui en découle nécessairement, de telle sorte que, quoi qu’il en soit des conditions de l’exercice de ce pouvoir, ce pouvoir existe par le fait qu’un individu humain est donné. Les anciens protestants et les jansénistes concédaient que dans l’idée de l’homme se trouve un tel pouvoir ; mais ils ajoutaient que l’homme déchu l’a perdu et quel’homme relevé ne l’a que par la foi. Or, nous avons vu que saint Paul, parlant de l’homme déchu et relevé, c’est-à-dire de l’homme tel qu’il est de fait, de « l’homme historique », affirme qu’il ace pouvoir ; et, . aussi bien dans saint Paul que dans le livre de la Sagesse, le moyen objectif et le moyen subjectif assignés ne sont ni la révélation proprement dite, ni la foi, mais le témoignage des créatures et la raison. La conception protestante et janséniste des suites de la chute et de la rédemption se trouve donc, sur ce point spécial, condamnée.

Cependant, bien que saint Paul parle de « l’homme historique », on peut légitimement et on doit affirmer le même pouvoir de « l’homme en généra] ». Qu’est-ce. en effet, que « l’homme en général » ? Rien autre que les principes constitutifs de l’homme et tout ce qui en découle nécessairement, ce sans quoi on ne peut pas penser l’homme et cette expression connote en même temps qu’on fait abstraction des conditions particule des individus de l’espèce humaine et qu’on doit cette notion à l’observation de l’espèce humaine, telle qu’elle nous est donnée dans l’expérience : en d’autres termes, la base de cette idée abstraite est, non un être de raison, mais l’homme historique. Mais, si l’homme en général n’est pas autre chose que cela, il se trouve que saint Paul, partant et parlant lui aussi de l’homme historique, ne disant rien des conditions particulières des individus, et affirmant d’une manière absolument universelle dans l’homme historique l’existence d’un pouvoir subjectif de connaître Dieu auquel correspond un moyen objectif, les créatures, énonce une proposition sur l’animal raisonnable, qui est l’homme en général, comme font tous les jours les philosophes et aussi beaucoup de ceux.

qui ne le sont pas. Voilà ce qui se trouve dans saint Paul et dans le concile du Vatican. Et, je le répète, ce n’est pas la définition de la possibilité de l'état de nature pure.

.Mais les théologiens peuvent et doivent déduire du texte du concile plusieurs conséquences relativement à cette possibilité. Laissons de côté ce qui touche à la concupiscence, à l 'immortalité et au mal physique. On sait que, depuis longtemps, les théologiens déduisaient la possibilité de l'état de nature pure de la théorie classique du surnaturel et, en second lieu, de la possibilité pour l’homme actuel, sans révélation, d’avoir quelque vie morale et religieuse. L’argumentation protestante et janséniste contre la possibilité de cet état était au contraire principalement fondée sur une autre notion du surnaturel et sur l’impossibilité de toute vie morale et religieuse pour l’homme déchu, faute du pouvoir de connaître Dieu avec certitude. Le raisonnement des théologiens orthodoxes était le suivant. L’homme tel qu’il nait aujourd’hui, outre les principes constitutifs et consécutifs de sa nature, a le péché originel, la privation de la grâce sanctifiante et de la fin surnaturelle, la concupiscence, la mort et les misères de la vie : toutes suites, qui sont maintenant des peines du péché d’Adam ; enfin l’homme actuel a en naissant la simple « carence » ou absence des dons surnaturels ou préternaturels d’Adam. Or, Dieu n’a pas pu créer l’homme soit avec le péché originel, soit avec les peines du péché originel, mais très bien avec la simple « carence » ou l’absence des dons gratuits historiquement conférés à Adam. Mais l’homme ainsi créé serait précisément dans l'état de nature pure. Donc cet état est possible. Comment prouvait-on que Dieu pouvait créer l’homme avec la simple absence des dons conférés à Adam ? Précisément, par la doctrine de la gratuité des dons surnaturels dune part, et par la possibilité pour l’homme d’avoir, sans ces dons, quelque vie morale et religieuse, c’est-à-dire parce que l’homme avait dans sa nature intrinsèque le pouvoir de connaître Dieu avec certitude. D’où suivait la méthode scolastique, attaquée par Bonnetty comme conduisant mm rationalisme, au naturalisme et au panthéisme, mais défendue par l'Église, Denzinger, n. 1508 ; d’après laiu> Ile méthode, dans l'état actuel de l’humanité— qui est le même que celui de la nature pure, si on fait abstraction du péché' originel et de ses suites qui sont maintenant des i" ines — sont possibles uni' philosophie objectiviste, une morale, une théodicée et même une religion naturelles, insuffisante-, il est vrai, pour le salut dans l’ordre de providence surnaturelle où la boni' ei | et miséricorde divines a voulu nous placer, maiobjectivement valables, moralement utiles et bonnes.

Or, qu’a fait le concile >u Vatican ? Il a f.iit sienne l.i doctrine traditionnelle, celle de l’Ecole par conséquent, loui hanl le surnaturel, Denzinger, n. 1635 ; il > défini li' pouvoir physique de l’homme < connattre Dieu. Uni)., n. I6.'li. Par là, Ii protestants el

jansénistt deux points sont jugés. Donc, bien

que du concile on ne puisse pas d dune la possibilité de l'étal de nature pure en bloc, parce que cette conique i i théologiquement 1 1 i taine dép< ml i ib plusieurs.miles questions dont le concile n.. point parlé, cependant il est faux de due que du eonc île rien ni -une -m cette possibilité. Les plu diflli nid..lues et ce n ter la

"M autori.lue oncile que de les r< i hauffer. On rit, comme si tout ce qu’ont Imagim sur otestants, les jansi ailles, el m 'i ailleui ! .h iont< nable

srd’hui. Il faudrall pourtant te louvenii que ni a la notion du surnaturel et turtoul relativt m ni. c Ile du pouvoir de connaître Dieu.née.

tude par les lumières de la raison naturelle, l'état des controverses n’est plus le même qu’il y a quarante ou quatre cents ans.

Quand donc on nous dit que le concile n’a pas défini la possibilité de l'état de nature pure, etque, par conséquent, le pouvoir physique de connaître Dieu avec certitude ne gît pas dans les principes intrinsèques et constitutifs de notre nature, l’on se trompe ; car bien que le concile n’ait pas décidé de toute la question de l'état de nature pure, il a tranché précisément le point que nous étudions. On nous oppose immédiatement les rares théologiens molinistes qui ont admis le fait de secours surnaturels donnés dans l’ordre de providence actuel pour arriver à la connaissance de Dieu ; et l’on dit : puisque ceux-là ne sont pas condamnés, pourquoi le serions-nous ? comme eux, nous ne parlons que de secours surnaturels, donnés en fait, et nous nous refusons à les dire exigés, nécessaires. J’ai déjà répondu. Je me résume.

Supposons qu’un de ces molinistes emploie toutes les formules de la méthode d’immanence : dans l’ordre où nous sommes, la connaissance de Dieu est due à l’action d’une aide, qui est surnaturelle, et cela, précisément en tant que cette aide est surnaturelle ; cette aide est donc dans l’ordre actuel nécessaire, indispensable ; nous connaissons Dieu grâce au surnaturel exigeant. Sûrement le moliniste qui parlerait ainsi serait attaqué et par les siens et par les autres écoles — et avec raison. Mais, sur le point spécial de l’accord avec le concile quant au pouvoir physique défini et quant à la distinction de l’ordre su i naturel (au sens du concile) et de l’ordre naturel, ce moliniste hypothétique se disculperait par cette simple remarque. Je ne mets pas en péril le pouvoir physique de la raison, parce que j’admets que dans un autre ordre, sans aucune aide surnaturelle, le m. nie homme pourrait connaître Dieu par sa raison. Quand donc je disque l’aide surnaturelle, précisément en tant qu’elle est surnaturelle, est maintenant indispensable, nécessaire, d’une part, je ne mets pas en question le pouvoir physique de la raison, je ne parle que des conditions de l’exercice de ce pouvoir dont le concile n’a rien dit ; d’autre part, je ne peux pas être acculé au surnaturel i : , soit parce que je tiens fermement à la possibilité de l'étal de nature pure, ou, par définition, 'il u’j aurait point de surnaturel, soit pareeque, quant à la manifestation de l’existence de Dieu, dans mon système, elle ne dépend pas précisément de la surnaturalité du secours. En eiïel, si j’admets dans cet ordre la néces hypothesi) d’un secours qui est surnaturel, el si je dis que ce secours nous aide de fait à connaître Dieu précisé nt en tant qu’il est surnaturel, remarquez que j’admets que, dans l'état de nature pure, .. secours serait remplacé par un autre, non surnaturel, qui amènerait l’homme exactement A la même connaissance. La Burnaturalité du secours n’est dune pas précisément ce qui nous amène i connaître Dieu. Tout cela

serait compliqué' ; mais enfin, pour un théologien, c’est

intelligible. Un bannézien, qui se placer, , il.fins h 'nie

hypothèse, emploierait pour répondre une terminologie diffi rente, mais le fond de >a > épone et le pi employé reviendraient au même l’issue, il est vrai, li bannézien aurait du pouvoir physique naturel affirmi un concept qui serait moins fort que celui du moliniste, .. cause de la différence qui existe dans les deux 1 1°. des pouvoirs finis, des < deux écoles aboutiraient, dans l’hypotl introduite, i un pouvoir physique naturel, constitutif,

iliel i l’homme dans loul état. Cf. Desjardins, ttr l’ordre rurnaturel, dans la Revue dei

iquea, 1872, t. w. p, 188, 348 ; Salmantlcen

diap KX, dub. I, § 3, n. i’t sq <. point ' ir lerest< de l’hypotl Que ilisent les auteurs dont nous discutons la position'.' Excluant la possibilité de la nature pure, ils ne peuvent pas expliquer, comme le moliniste et le bannézien hypothétiques dont je viens de parler, comment ils gardent le pouvoir physique rationnel défini par le concile. Concédant, d’une part, la thèse kantiste et positiviste de l’impuissance de la raison à connaître Dieu, et soutenant, d’autre part, que nous le connaissons à l’aide du surnaturel intrinsèque, ils font dépendre cette connaissance précisément de l’aide surnaturelle en tant que surnaturelle ; et cette formule, dans leur hypothèse, met en question la réalité du pouvoir physique rationnel délini par le concile, puisque leurs concessions aux résultats acquis (?) du kantisme et du positivisme ne signifient pas autre chose que la négation, ou la non considération, de ce pouvoir. C’est donc chez eux la sumaturalité même du secours qui précisément manifeste l’existence de Dieu : cela, ils ne le nient pas, puisqu’ils parlent du consors divinæ naturse et concluent à la possession de Dieu, fin surnaturelle. D’où il suit que, chez eux, le surnaturel est exigé, et non pas seulement exigeant. Il est exigé, debitum, parce que l’homme sans obligation morale, sans (in, est inconcevable ; mais la morale et la fin exigent la connaissance certaine de Dieu ; or tout le système est construit sur l’hypothèse que, dans l’ordre actuel, seule la sumaturalité du secours manifeste Dieu. Le secours surnaturel est donc exigé dans l’ordre actuel, et par conséquent la révélation et tout le reste. Mais le concile a délini que tout l’ordre surnaturel est gratuit, n’est pas absolument nécessaire, même pour l'état actuel de l’humanité, .le ne vois donc pas comment, malgré l’affirmation des dits apologistes que leur système n’admet pas le surnaturel exigé et par suite n’entraîne aucune confusion de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, ils évitent ces conséquences. Me déliant ici de ma mentalité moliniste, je me mets un instant dans l’hypothèse bannézienne, ou dans le scotisme, et je vois bien qu’il y faut juger comme dans l’hypothèse moliniste. Comme, d’autre part, les néo-thomistes ont réclamé contre la méthode d’immanence, et la repoussent presque tous ; bien que je ne puisse pas juger de leurs raisons, parce qu’ils n’ont pas encore eu le temps ou le génie de produire sur l’ensemble de la théologie des travaux exhaustifs, analogues à ceux que nous ont laissés les scotistes, les bannéziens ou les molinistes ; je pense que, même dans ces systèmes récents, malgré des hésitations constatées çà et là et des concessions malheureuses, on arriverait aux mêmes conclusions que celles des molinistes et des bannéziens. D’où je conclus que Mo 1 ' Turinaz a eu raison de dire que les nouvelles méthodes sont inconciliables avec le Vatican ; en tout cas, si elles sont conciliables, je ne le vois pas ; et les réponses faites jusqu'à ce jour ne le montrent pas quant au point spécial dont il est ici exclusivement question, celui du pouvoir physique de connaître Dieu par les lumières naturelles de la raison. Sans rien connaître ni directement ni indirectement des secrets des Congrégations romaines, je m’explique donc très bien la mise à l’Index des Essais de M. Laberthonnière.

Pour l’interprétation du concile sont à étudier d’abord les Acta concilii Vaticani, dans la Collectif) Lacensis, t. vu. La partie olïicielle de cette publication s'étend jusqu'à la col. 500 du volume. C’est surtout là que nous avons puisé. Les références à ce qui suit cette colonne se rapportent aux travaux préparatoires des théologiens et aux études de la commission conciliaire. Ktisuite sont à consulter : Granderath, Constitutiones dogtnatiese sacrosancti œcumen. concilii Vaticani, Fribourg-en-Rrisgau, 1892, p. 32, 77, 97 ; Vacant, Études theologiques sur les constitutions du concile, du Vatican, 2 in-8°, Paris, 1895, t. i. p. 282-305, et passim. Nous devons beaucoup a ces Jcm auteurs ; el souvent nous n’avons fait qu’appliquer leurs principes à des problèmes qui n'étaient pas soulevés de leur temps parmi les ' atholiques. Les théologiens qui ont écrit après Je concile sont

ment à consulter, surtout Franzelin, lie Deo uno et De

traditiune. Appendix. Voir la bibliographie de la section suivante.


XII. Justification et sources de la doctrine.

La méthode que nous avons suivie pour exposer le sens précis de la définition conciliaire, et qui a consisté à déterminer ce sens à l’aide des arguments sur lesquels le concile s’est appuyé, nous dispense d’entrer ici dans de longues études scripturaires et patristiques. Tout ce que nous pouvions faire dans un sujet qui touche à tant de points, c'était d’orienter le lecteur à travers ce fouillis de faits et de doctrines, qui encombrent aujourd’hui, comme a dit M. Piat, les abords de l’idée de Dieu. Les détails trouveront place dans les différents articles de ce dictionnaire, spécialement en ce qui concerne la doctrine des Pères. Esquisser cette question nous a paru inutile ; car elle est elle-même, si on veut la traiter scientifiquement, très complexe. Mieux vaut ne rien dire sur un pareil sujet que de paraître écourlé et de rester insuffisant. Nous préférons nous borner à quelques références utiles.

Ecriture.

Les commentaires de Corneille de la Pierre sur Sap., xiii, et Rom., i, sont à lire ainsi que le commentaire de saint Thomas sur l'Épitre aux Romains. Pour le livre de la Sagesse, Lorin, Comment, in Sapientiam, Lyon, 1607 ; dom Calmet ajoute à son commentaire du même livre une intéressante étude sur l’origine de l’idolâtrie ; C. L. Grimm, Das Buch der Weislieit, dans Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zu den Apocnjphen des A. T., Leipzig, 1860 ; C. Gutberlet, Das Buch der Weislieit ïtbersetzt und erklàrt, Munster, 1874. Sur Rom., i, 19 sq., les meilleurs théologiens renvoient à Tolet, Commentarii et annotât, in Epist. B. Pauli ad Romanos, Rome, 1602 ; Cornely, Epist. ad Rom., dans le Cursus Seripturse sacrse, Paris, 18?6 ; VVieser, Pauli Apostoli doctrina de justificatione, Trente, 1874 ; Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908 ; Schæfer, Erklàrung des Briefes an die Rômer, Munster, 1891 ; Quirmbacb, Die Lehre des lil. Paulus von der naturlichen Gotteserkenntniss und dem natûrlichem Sittengesetz, Fribourg, dans Strassburg. theolog. Studien, t. vu. Parmi les travaux protestants citons Sanday. A critical and exeg. commentary on the Epistle to the Romans, 4e édit., Edimbourg. 1900, p. 43, et comparaison avec Sap., xiii, p. 53 sq. ; Rogge, Die Anschauungen des Ap. Paulus von dem religids-sittlichen Character des Heidenthums, 1888 ; Klopper, Die durch naturliche Offenbarung vermitlelle Gotteserkenntniss der Heiden bei Paulus, Rom., i, 18 sq., dans Zeilschrift fur iviss. Théologie, 1904, p. 169. Ceux qui ne pourront pas aborder ces commentaires et travaux trouveront l’essentiel dans Corluy, Spicilegium, t. i, p. 75-96, et dans les premières thèses du De Deo uno de Franzelin.

2* Patristique. — Petau et Thomassin ont recueilli beaucoup de textes. A mesure que les discussions sont nées ou se sont renouvelées sur le sens des textes, les théologiens en ont repris l'étude ; le mouvement traditionaliste et l’ontologisme ont occasionné de bons travaux. Consulter spécialement Heinrich, Dogmatische Théologie, 2e édit., Mayence, 1883, qui est très riche au t. i et m ; Kleutgen, Théologie der Vorzeit, t. il ; Stentrup. Prxlect. dogmat. de Deo uno, Inspruck, 1879, explique surtout les textes cités par le D' Kuhn. L’Histoire de la philosophie de Stôckl et aussi son Lehrbuch der Geschichte der Philosophie, Mayence, 1875, indiquent nettement les positions des Pères en face des erreurs sur la connaissance de Dieu. Il en faut dire autant de la Dugmengeschichte de Schwane, 2e édit., Fribourg, 1892, 1895, t. i, n ; trad. franc., 2e édit., Paris, 1903, t. i, il. L’opuscule de Cari van l'.ndert. Der Gottesbewris m der potristischen Zeit mil beaond. Beriiksicht. Augustins, Fribourg, 1869, est encore utile et souvent employé. Le Itr Deo uno de Franzelin et le t. il de la Dogmatique de Scheeben donneront une vue synthétique des résultats acquis. Le t. I de l’excellent Lehrbuch der Dogmatik de Pohle, Paderborn, 1902, dont la traduction en français serait très utile, donne la bibliographie des principales monographies récentes à consulter.

Conclusion.

Pour faciliter au lecteur une vue synthétique du sujet, indiquons la place que le dogme défini au concile du Vatican occupe dans la théologie catholique, et aussi quelle situation il nous fait au point de vue philosophique. La doctrine que nous avons exposée occupe une place importante dans la théologie systématique catholique. Car
1° elle consacre la distinc