Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). V. Le nominalisme

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 392-401).

V. Le nominalisme.

Les objections les plus répandues de nos jours contre la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu ou bien sont dirigées contre les preuves qu’on donne de cette existence, ou bien contre la conclusion que l’on déduit de ces preuves. Les premières attaquent la valeur objective de nos idées et l’universalité ou la nécessité des premiers principes qui font le nerf des preuves classiques. Les secondes tendent à montrer que nous ne pouvons pas porter de jugements valables sur la nature intrinsèque de Dieu, d’où l’agnosticisme. On ramène ordinairement toutes ces objections à deux systèmes : l’empirisme, qui dérive toutes nos connaissances de la sensation, l’idéalisme, qui en trouve l’origine dans la pensée même. Si l’on va au fond de ces difficultés, on reconnaît qu’elles ont un point commun, le nominalisme.

Ce mot, souvent employé en différents sens, a besoin d’être délini. On sait que l’activité de l’esprit intervient dans la formation de nos idées universelles et par suite dans celle des principes nécessaires qui servent de base à tous nos raisonnements. Cf. Suarez, Dispni. metaphys., disp. VI, sect. il, n. 1, On sait aussi que le fondement objectif de nos idées universelles git aux diverses relations de similitude, de causalité, etc., que nous percevons. Suarez, op. cit., disp. VI, sect. v, n..’1, ad 3°" 1 ; cf. disp. XLV1I, surtout sect. xi sq. ; Minges, Sur le prétendu réalisme de Duns Scot, dans Beilrùge de Bæuinker, Munster, 1908, t. vu. Le nominalisme prend occasion de ce rôle de l’activité de notre esprit dans la formation des idées générales et des principes universels et nécessaires, et dans la perception des relations de similitude, de causalité, etc., qui en sont le fondement objectif ; et il consiste essentiellement — essentiellement, car de là on déduit les conclusions contre les substances, les causes, le noumène, etc. — à nier la réalité objective de ces relations pour les attribuer à l’activité du sujet : duo albæsse sirnilia est nie percipere duo alba. « Une relation, dit M. Bergson. après une foule d’autres, est une liaison établie par un esprit entre deux ou plusieurs termes. » L’évolution créatrice, Paris, 1907, p. 385. Biel, résumant son maître Occam, avait dit de même : Relationes important concepluni mentis quo intellectus fornialiter refert rem unam ad aliam… Et l’observation est exacte, remarque Suarez. Mais Suarez avec le reste de l’Ecole disait : Notre esprit découvre dans les choses, non seulement la ressemblance d’essence et de propriétés, mais encore la connexion intrinsèque entre les essences et leurs propriétés, en vertu du principe de finalité interne. Cf. Hahn, Philosoph la naturalis, Fribourgen-Brisgau, th. xii, n. 86 ; Kaufmann, La cause finale et son importance, Paris, 1896. Biel, au contraire, pensait que les relations ne sont rien en dehors de l’esprit. Et ille conceptus, quo res cognoscuntur ah intelleclu taies, dicitur relalio. tn IV Sent., 1. I. dist. XXX, a. 3. Conséquemment, Duo alba esse similia est me percipere duo alba ; on bien : Similitudo Socratis et Platonis in albedine niliil aliud est quant Sacrâtes et Plato ; ordo est partes ordinatx, etc. lbid., a. 3, Brescia, 1574, p. 278. M. Bergson, bien qu’il soit subjectiviste, tandis que Biel était objectiviste, ne va pas plus loin, lorsqu’au passage cité il ajoute : « Un rapport n’est rien en dehors d’un esprit qui rapporte. »

Nous n’avons pas à dire ici comment autrefois l’école d’Occam, plus tard les nominalistes Arriaga, de llurtado, de Benedictis et ceux qu’on nommait les Connotatores, enfin depuis Descartes une infinité d’écrivains, non scolastiques mais nominalistes. sont parvenus, quelquefois au prix de notoires contradictions avec leurs principes, soit à se donner soit à légitimer l’idée de Dieu et à éviter l’agnosticisme. Ce qui nous intéresse, ce sont les relations de la position nominaliste avec la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. Cf. Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, 1. 1, col. 53. Or. il est aisé de comprendre qu’il suffit de se mettre dans l’hypothèse fondamentale d’Occam et de s’y tenir pour ruiner toute la théodicée. Celle-ci, en effet, soit pour prouver, soit pour penser Dieu, se sert des notions de cause, efficiente et finale, de substance, d’ellets et de propriétés, etc. Un nominaliste a comme tout le monde ces notions ; comme tout le monde, en vertu du principede raison suffisante, il applique spontanément à la cause, à la substance, finies, la notion de relation intrinsèque et déterminée aux effets et aux propriétés. Mais, à la réllexion. par esprit de système, il pose en fait que cette relation n’est pas objective, réelle, qu’elle est le produit de la seule activité de son esprit : duo alba esse similia est tue percipere duo alba ; « un rapport n’est rien en dehors d’un esprit qui rapporte. »

Ce principe admis, peu importe que le nominaliste soit objectiviste avec l’école d’Occam ou subjectiviste avec les modernes, peu importe qu’il cherche à légitimer son relativisme par l’association et par l’hérédité avec l’école anglaise, ou parles lois subjectives de la pensée avec Kant ; quelques traits de l’histoire des doctrines vont nous montrer que, placé dans l’hypothèse de la subjectivité des relations, on arrive vite à rejeter les preuves rationnelles de l’existence de Dieu ou à l’agnosticisme, parce que, dans cette hypothèse, la copule des jugements universels et nécessaires n’a et ne peut avoir d’autre sens que celui d’un rapport posé par l’esprit. Cf. Brunschwicg, La modalité du jugement, p. 53 sq. D’où il suit que notre science est, non des choses, mais de noire connaissance, scienlianon est de rébus, sed de terni inis, cf. Denille, C/iartularium universilalis Parisiensis, Paris, 1891, t. ii, p. 506 ; et, conséquemrnent, nous ne pouvons désigner le suprasensible que par des dénominations extrinsèques, tirées de nos états subjectifs (agnosticisme croyant), à moins que l’on ne soutienne avec Hume, Comte et Huxley qu’il est absolument inconnaissable : agnosticime pur).

L’école d’Occam et la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. —

Deux noms sont à retenir, celui de Pierre d’Ailly et celui de Nicolas d’Autrecourt. Les scolastiques depuis cinq siècles reprochent tous à Pierre d’Ailly d’avoir enseigné que l’existence de Uieu ne peut pas se prouver. Le reproche est fondé. Occamiste, Pierre d’Ailly soutient que la croyance en Dieu que nous fondons sur les données naturelles de notre intelligence est non pas certaine, mais seulement probable. Nam ex nullis apparentions natur aliter potes t concludi Deumesse evidenter. Comme d’ailleurs il déclare sophistique l’argument de saint Anselme, il suit que, Dieu n’étant naturellement connu ni par intuition ni par démonstration, la foi est le seul moyen de tenir son existence pour certaine. Il en dit autant de l’unité de Dieu. (Ju/cst. m Sent., 1. 1. q. iii, a.l ; q. xr, a. 2 ; q. n. a. 1 ; Quodlib. I, q. i, cité par Salembier, Pelrus ab Alliaco, Lille, 1886, p. 209 sq. Cf. l’.ouchitté, Dictionnaire des sciences philosophiques de Franck, Paris, 1875, art, d’Ailly, p. 18.

Nicolas d’Autrecourt, un contemporain d’Occam, déduisit d’un seul coup les conséquences de l’occamisme en théodicée. La publication récente de ce qui reste de rils nous permet de reconstituer en partie son sandivination. Retenant le principe de contradiction, comme premier principe, Nicolas se posa la même question que se pose Kant. dans son essai sur l’introduction en philosophie du concept des quantités négatives. Cf. Kant, Opéra, édit, de l’académie de Berlin, t. n. p. 202 : trad. latine de liorn, LeipLig, 1798, t. iv. p. 197. Ma question, dit Kant, se pose sous celle forin nple : Pourquoi pensé-je, de ce que quelque chose existe, qu’une autre chose existe ? »

On avait l< ans condamnées de Niçois d’Autrecourt, lu Boolny el <l Vrgentré. Le P. Denifle en a donn édition dan » le t. n du Chartulariam uni 1124, | 76 q. DenJfle a pour la numérotation de ces propositions les chiQri May ; nous ferons de m’mi Ma ! quelquea-unes des prose liseni dan D< nifli ont inintelllf i ippe, litde Ne olaa qui ""’survécu. t. vu ne bonna laquelle noua lai i voiB. Nicolai 'i >iii i p..ri donc de li ! question que Kantel -> résout comme lui parla négative :’> t eo quod un. non potest évidente » evidenlia dedut ta, , ., ., ., , , , , , 1 „ ; „,’< /"’idôm i i. prop. 12. Kanl a recours à la croyance ; Nicolas, à la foi : 11. Dixi quod excepta eertiludine fidei non eral alia rertitudo 711si certitudo prinii principii vel quæ in primum principiurn potest resolvi. Faisant et revocandam. Voir Lappe, texte, p. 8, 15. Quant à l’agnosticisme de Nicolas, on peut juger de son étendue par ces quelques propositions :
21. Quod quacumque re demonstrata nullus scit evidenter ijiiiu excédai nobililale omnes alias. Faisant, hæreticam et blasphemarn.
22. Quod quacumque re demonstrata nullus scit evidenter quin ipsa sit Deus, si per Deuni intelligantus ens nobilissimunt. Faisant, hæreticam et blasphémant.
23. Quod aliquis nescit evidenter quod una res sit finis alterius. Faisant, hæreticam et blasphemarn. Nous laissons de côté d’autres conclusions étranges : Quod Deus et creatura non sunt aliquid, 32, formule occamiste déjà interdite en 1339, cf. Chartul., t. ii, pièce 10’12, p. 500 ; Quod Sacrâtes et Plalo, Deus et creatura nihil sunt, ou encore celle-ci : Propositiones : Deus est, Deus non est, penilus idem signi/icanl, licet alto modo, 3, condamnées comme fausses et scandaleuses, pour nous arrêter à la négation du devoir de la religion naturelle : 24. Nullus scit evidenter qualibel reoslensa, quin sibi debeat impendere maximum, honorent. Faisant, hæreticam et blasphemarn. Ici Nicolas d’Autrecourt parait dépasser Kant, mais, n’étant pas rationaliste, il recourt à la foi chrétienne.

Essayons de comprendre comment du principe d’Occam sur la non-objectivité des relations suivent les conclusions de Nicolas, et bornons-nous à ce qui louche aux preuves de l’existence de Dieu a posteriori. De l’existence d’une chose, on ne peut pas conclure avec une certitude absolue à l’existence d’une autre chose : c’est en ces termes que Nicolas formule sa conclusion contre l’emploi en philosophie du principe de causalité, p. 9. Car, dans une telle inférence, dit-il, le conséquent ne serait identique ni à l’antécédent ni à une partie de l’antécédent. Or, il n’y a certitude absolue que lorsqu’il y a identité entre le conséquent et l’antécédent ou une partie de l’antécédent, comme il arrive dans les démonstrations de la géométrie, p. 8. Donc ex una re non potest evidenter inferri alia, p. 16. Sous les apparences de cette pure chicane de logique formelle se cachent, suivant la mode des iv° et xe siècles, d’assez gros problèmes, repris par les modernes depuis Euler.

Nicolas d’Autrecourt, suivant l’esprit et la méthode de son temps, établit ses conclusions nominalistes plulot par déduction que par induction, et ne dit à peu [ires lien de l’induction qui lui servait de hase. Il prit pour point de départ la certitude spéciale des mathématiques.

La certitude spéciale des mathématiques, remarque saint Thomas, leur vient soit du grand rôle que joue l’activité de notre esprit dans la constitution de leur objet, quantité’abstraite, continue ou discrète, soit de ce qu’elles ne démontrent pas une chose par une autre, mais toujours par sa propre définition, lu Boeth., de l i mit., q. vi, incorp.et ad 2°"’ ; lu metaphys., I. II, a la lin. En effet, dans les axiomes mathématiques, le sujetet l’attribut sont de même nature et appartiennent tous deux à la catégorie de la quantité ; les raisonne mathématiques vont loujours, sinon du même au même, ilu moins à l’équivalent.’lr, il snflil de se mettre danl’hypothèse occamiste de la subjectivité di relations pour ramener (eus les raisonnements au type du raisonnement mathématique, où seule l’id rapports est considérée. El Nicolas d’Autrecourt, bien avant Sluart Mill, vil très bien que, si Ion f.iil Cette rédaction, il ne peut.noir d’inférence que du m au même on > l’équivalent. Euclide a démontré dans sr, u V « livre, définitions xii iq., qu’en géométrie le rapport de l’antécédent au conséquent est nécessaire dans tous les cas. ce qui est l’opposé de l’une des ri du syllogisme classique : ab opposito antecedenlit non valet semper ad oppositum consequenlis. Cf. Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, t. i, col. 69. Nicolas d’Autrecourt, pour qu’il y eût certitude absolue, exigea qu’on s’en tint à la règle d’Kuclide. « Il n’y a certitude absolue dans 1< -s inférences que lorsqu’il y a identité entre le conséquent et l’anlécédent ou une partie de l’antécédent, comme il arrive dans les démonstrations de la géométrie, » p. 8. Donc, concluait-il, par le principe de causalité on ne peut pas inférer de l’existence d’une chose, l’existence d’une autre chose.

Si l’on concède le principe, la conséquence de Nicolas est rigoureuse. En effet, la règle d’Kuclide est valable :
1° parce que les mathématiques considèrent le quantum en dehors de tout rapport avec la substance, S. Thomas, Melaphys., l. XI, lect. i ;
2° et aussi en dehors de tout rapport ou de toute dépendance causale, S. Thomas, Sum. l/icvl., I a, q. xliv, a. 1, ad 3 1 "" ;
3° parce que les mathématiques ne s’occupent nullement de l’essence de la quantité, qui pour elles est une donnée, mais n’envisagent dans la quantité abstraite que la propriété de la mensurabilité, cf. Ptolema ? us, Philosophia mentis, Rome, 1702, p. 258 ;
4° et cette propriété n’a pas la même espèce d’objectivité que les relations simplement réelles de similitude, de causalité, etc., sur lesquelles repose la doctrine des universaux et des premiers principes de la physique (sens scolaslique du mot) et de la métaphysique. En effet, l’activité de l’esprit et son mode de connaître dans la durée successive jouent, dans la perception des relations qu’étudient les sciences mathématiques, un rôle qu’elles n’exercent pas dans la connaissance des relations de similitude, de causalité. Anima complet tempus, avait dit Aristole ; saint Thomas le suit et répète plusieurs fois que, s’il n’existait pas d’âme, le temps n’existerait pas. In plujsic., l. IV, lect. xvi sq., surtout lect. xxiii ; In IV Sent., 1. 1, dist. XIX, q. ii, a. 1. VoirBergomo, Tabula, v° Tempus, 7, 35 ; cf. dub. H 49. C’est parce que nous sommes nous-mêmes dans la durée successive que dans nos jugements est impliqué le temps : anima cointelligit ten, pus. S. Thomas, De veril., q. i, a. 5, à la fin ; voir Vasquez, In Sum., I a, disp. LXIV, c. v, Paris, 1905, p. 529. Mais, si telles sont les raisons, fondées sur la nature spéciale de « l’abstraction mathématique », pour lesquelles la règle d’Kuclide est valable, il est clair que Nicolas d’Autrecourt, en « demandant » qu’on appliquât cette règle à tous les raisonnements, rendait impossible tout passage de l’effet à la cause, des propriétés à la substance, etc.

D’un seul coup, toutes les preuves a posteriori de l’existence de Dieu étaient ruinées ; l’agnosticisme avait le dernier mot ; et cela, par le principe même du relativisme, indépendamment de toute hypothèse occasionnaliste ou phénoméniste ; car ces hypothèses ne sont, chez Nicolas, que des conséquences et nullement des principes.

Répercussions du nominalisnie de la dogmatique protestante sur ta doctrine de la connaissance naturelle de Dieu. —

La doctrine catholique enseigne la volonté salvifique universelle, la prédestination gratuite, la grâce suffisante donnée à tous et la justice inhérente. Assurément ces vérités ne peuvent pas se démontrer par la seule raison philosophique, c’est-à-dire en vertu du principe de causalité efficiente et finale. Mais, ces vérités admises par la foi. la réalité du monde invisible et de l’ordre surnaturel se présente à la réllexion comme de tout point conforme à la loi de causalité et de finalité. Au sommet, la bonne volonté de Dieu ; au bas, notre libre activité’ ; à l’intersection des deux plans, la grâce, don intérieur, créé, actuel ou habituel. La grâce est cette réalité objective, par laquelle le dispensateur du salut gratuit nous conduit efficacement, avec notre coopération active, à notre fin surnaturelle. Ainsi, dans la théologie catholique, rien ne peut nous amener à douter de la réalité du lien causal et téléologique par lequel nous soiiiincs unis â Dieu, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel. Nous avons l’unité dépensée. Sans doute, pour la pensée catholique, toutes les certitudes ne viennent pas de la foi ou n’en dépendent pas. Mais on peut dire que le dogme catholique oriente nos spéculations philosophiques et scientifiques dans le sens du sage réalisme du bon sens. Il en va tout autrement dans la dogmatique protestant’-. Inclinée par la doctrine luthérienne de la chute à se défier de la raison naturelle en matière religieuse, la philosophie protestante se voit imposer par la dogmatique de la Réforme une loi de développement dans le sens nominaliste. Il serait facile de montrer que, dès le temps du concile de Trente, pour éluder la justice inhérente comme cause formelle de notre justification. l’efficacité des sacrements ex opère operalo, ou la présence réelle et la transsubstantiation, les controversistes protestants s’appliquèrent à développer la philosophie nominaliste d’Occam. Dès cette époque, on trouve chez eux, pour attaquer ces dogmes, les arguments et les hypothèses — sans en excepter l’associationisme — qu’ont exploités plus tard Hacon, Ilobbes, Locke, Hume, etc., contre la connaissance des substances, des causes et des fins. Les doctrines zvvingliennes et calvinistes sur la cène posaient les principes de l’idéalisme moderne et du relativisme le plus radical. Lorsque Bèze, au colloque de Poissy. avouait la présence réelle, en ce sens que « la foi rend les choses promises présentes, » il disait exactement ce que soutient aujourd’hui l’évéque anglican Gore. lorsqu’il enseigne que a la foi commune de l’Église constitue la réalité spirituelle du sacrement — le corps du Christ — comme la raison constitue les objets du monde matériel. » The body of Christ, 3’édit.. Londres, 1904, p. 124-157. La terminologie de Gore diffère de celle de Bèze, mais la pensée est identique, comme il ressort de la critique de Bèze faite par le carme Beauxamis, Histoire des sectes tirées de l’armée sathanique, etc., Paris, 1570, p. 102 sq. La seule différence est que Gore, lorsqu’il soutient que i les choses n’ont pas d’existence en dehors des esprits qui les connaissent, que les relations sont l’œuvre de l’esprit et sont nécessaires pour faire les objets. » fait appel à des systèmes philosophiques, tandis que Bèze s’appuyait sur l’interprétation huguenote de Heb.. XI, 1 : reprœsenlatio eorum qusc sperantur et denwnstralio eorum quæ non lidentur. Cf. Reding. Œcumenici concihi Tridentini veritas, Einsielden, 168L t. il, p. 261 ; Atmales de philosophie chrétienne, t. ci i. p. 357. Mais la prétendue métaphysique qu’allègue Core n’est en réalité que le résultat d’une extension au monde extérieur de vues philosophiques, systémati d’abord pour un autre objet, c’est-à-dire pour la cène au sens zwinglien et calviniste. La résistance des protestants au cartésianisme eut surtout pour cause la doctrine de l’idée innée de Dieu, qui ruinait le dogme luthérien de l’impuissance de l’homme déchu. Locke employa contre cette idée innée le vert et le sec. el Descartes fut accusé’d’athéisme par des gens qui pensaient prouver Dieu « par l’insuffisance des lumières naturelles pour le salut, s.ms remarquer qu’ils s’enfermaient dans un cercle vicieux. Mais on ne tarda pas à remarquer que la philosophie cartésienne pomail être utilisée, soit contre la justice inhérente, soit en faveur du subjectivisme qui est au fond des doctrines de la Réforme, et on se radoucit. Ce fut une fête, lorsque, du cartésianisme, Leibniz déduisit le subjectivisme de la monade, et Malebranche les fondements de l’idéalisme : idéalistes en théologie dans les thèses de la justification, de l’efficace des sacrements et de la présence réelle, beaucoup de protestants pensèrent faire un pas vers l’unité de pensée en acceptant avec Berkeley l’idéalisme en philosophie. De son coté, sans aller à ces extrêmes, Wolf imagina un petit principe de psychologie pour exorciser le réalisme des papistes. Il posa a priori que, si par les sens nous connaissons le monde matériel et ses modifications, l’âme a conscience de toutes ses modifications. Comme les catholiques concèdent que nous n’avons pas conscience de la grâce du baptême, on voit de quelle utilité pouvait cette magnifique extension du rôle de l’introspection en philosophie. Cf. Amort, Philosop/iia pollin>. Augsbourg, 1730, de logica neotericorum, sect. vi, p. 578. Le principe de Wolf a d’ailleurs fait son chemin. Eucken, dans la préface d’une récente traduction allemande des Pensées de Pascal, écrit avec aplomb : « Il n’y a rien de certain que ce qui se manifeste de sa propre réalité dans le cœur ; ce qui doit être prouvé est toujours contestable et ne peut être qu’une amplification de ce qui nous est fourni par la réalité immédiate. » Eucken admet-il l’immanence comme doctrine ou seulement comme méthode ? Peu importe ici. Dans l’un et dans l’autre cas, il dépend de Wolf ; et par là sa thèse est un postulat non évident, mais inventé et posé sans preuves pour étayer une thèse de la théologie huguenote. Plus ou moins nominalisles sur ces points particuliers, les penseurs prouts, quand ils exposent les solides fondements réalistes de la théologie naturelle, ont fort souvent l’air d’être mal à l’aise, et font l’effet, tant ils sont hésitants et pleins de restrictions et de sourdines, de craindre de ruiner 1rs ouvrages de défense nominalistes de leur dogmatique. Cette gène explique assez pourquoi, du xvi » siècle à nos jours, ils ont peu à peu en si grand nombre abandonné la plupart des preuves traditionnelles de l’existence de Dieu, pour se réfugier avec Butler et Pale y dans l’unique argument de linalité ou de moralité.

Par ailleurs, la doctrine, commune à tous les protestants, de la justification par la foi sans grâce inhérente, cf. Adolphus, Compendium theologicum or manualfor students in theology, > (dit., Cambridge, 1881, p. i’.iT. remarques sur le 11’des 39 articles, explique la direction de leur philosophie constructive.

Luther l’étant persuadé que la concupiscence est le péché originel lui-même, puis constatant ce fait d’expérience que la concupiscence reste dans le baptisé, conclut que la grâce de notre justification n’est pas intérieure, mais extrinsèque. L’école d’Occam, tout en ervant la croyance de l’infusion dans le baptême d’un don intérieur, créé, distinct de Dieu, de l’a i de ses actes, avait cru pouvoir expliquer certaines propriétés de la justification par des dénominations extrinf liiel, In I VSenl., 1. ii, dist. XXVI, q. i. a. 2, .’1 ; dist. XXX, q. I, vantait il être occamiste. En réalité, M dépassait beaucoup son maître, quand il écrivait, au sens exclusif, contre l’Écriture et la tradition : gratia significai favorem </"’Deu » nos I lectitur. C’était nier toute justice inhérente, n’admettre qu’i justice imputée : on faisai dans faitce que les nominalistea avaient été amedire, dans l’ordre des possibilités abstraites, par de leur concept bâtard des relation Dans i naturel, pour Luther, sur un plan éternel, la artde |., volonté divine tout extérieur S. nous ; ’in autre plan, l’ordre historique et la pilovihle die de la race di chue pas d intersection. Le lieu’donc inexistant entre Dieu et nous dans i naturel. combler le gouffre d un i Aie, il reconnul une manifestation objective de Dieu dan li l’autre, il conserva dam l’humanité déchue une sorte d’idée innée qu’il y a « quelque Dieu », et il crut ainsi pouvoir damner les païens « sans excuses » . Qu’on admette les trois thèses calvinistes : 1° Dieu est l’auteur du mal ; 2° la volonté salvifique n’est pas universelle ; 3° certains hommes sont positivement réprouvés, le système ne manquera pas de quelque cohérence ; ces trois aspects d’une même affirmation relient, en effet, les dires de Calvin. Mais l’hiatus reste entre Dieu et nous, dans l’ordre surnaturel, chez Calvin aussi bien que chez Luther : car la téléologie très rigide de la prédestination calviniste reste toute entière dans le plan de l’éternité sans atteindre le sujet raisonnable.

Leibniz s’est appliqué à masquer ce défaut ; pour donner de l’apparence aux doctrines théologiques qui étaient les siennes, il construisit le monde de ses monades sur le modèle du monde surnaturel protestant. Pas de liberté proprement dite en Dieu, non plus que dans le monde créé, mais seulement la spontanéité : d’où, la vocation au salut étant nécessaire, une notion du surnaturel où la divergence avec la doctrine catholique va « jusqu’à la contradiction » , comme l’a fort bien entrevu M. Fonsegrive. Cf. Les idées religieuses de Leibniz, dans le Correspondant, 25 juin 1908-, p. 1165. Le principe de causalité cède donc tout naturellement la place au principe de raison suffisante : aussi la monade fermée contient-elle toutes ses déterminations et « exprime tout l’univers en un certain sens » . Cf. Leibniz, Opéra, édit. Gerhardt, t. ii, Correspondance de Leibniz et d’Arnaud, p. 105-1Il Sïp Mais l’harmonie préétablie ne sauve pas le principe téléologique, précisément parce qu’elle est une harmonie préétablie, c’est-à-dire parce qu’elle est une causalité sans efficience réelle et, par suite, sans finalité digne de ce nom.

Wolf tente une autre solution du côté du concept de finalité. Il se fait de la téléologie une idée telle que, « si l’on acceptait, dit-il, la thèse de l’idéalisme absolu, l’argument de finalité subsisterait, puisqu’il resterait une succession d’états constante. » Psychol. ration.. sect. iii, c. i, § 50(1. Cf. Faure, Enehiridion de fuie, spe et carilate S. Augustini. Xaples, 1837, p. 13. Ceux qui ont lu et compris L’évolution créatrice de M. Bergson savent où cette métaphysique peut conduire ; qu ail des attaches Ihéologiques, il sullitpour s’en apei voir de citer cette phrase nouiinaliste de Pierre d’Ailh : Aliquis non dignus cita œterna potest fieri digims potentia absoluta (les protestants supposent réalisée cette abstraction) absque mutatione aliqua in ipsoaut in quolibet alio farta, præter solam iraus, lionem temporis existenlis vel possibilis. In IV Seul.. I. I. q. i, a. -l. prop. 3°.

D’un autre côté, Hume nia la causalité efficiente. L’écossais Thomas Brown entreprit pour l’efficieno que Wolf avait essayé pour la [Inalité ; M écrivit une dissertation pour établir que l’empirisme sceptique de Hume « se concilie avec n’importe laquelle des vérili fondamentales de la religion et de la moralité. » Examinalion, nouvelle édition en 1806 ; refonte en 1818 sous le titre :.1" Tnquiry inlo t/w relation of cause and effect.

Rivé au nominalisme d’Œcam par la Uns, , de la justification extrinsèque, le protestantisme > été amené dernier dans la même doctrine en philosophie. Cf. Decurtins, Héfoxme sociale chrétienne ci réformisme catholique, dans l’Association catholique, lût 1907, p. 163. lussi a-t-il développé lea deux systèmes philosophique ! auxquels le nominalisme ri goureusement appliqué aboutit, l’empirisme positiviste et I Idl’.' Le nominalitme empirique L’École, i est une chose assez c mnue, i t empiriste, en ci n ns, que dans i.i quest le l’on, ne d. nos Idéi - elle l’expérience peu tout expliquer, Mali elle n’est pas nominaliste et soutient l’objectivité du rondement des relations contre les occamistes. Par là, elle défend la valeur des arguments a posteriori par lesquels on prouve l’existence de Dieu ; par là aussi, elle a un moyen d’expliquer comment nous arrivons à porter des jugements valables sur la nature intrinsèque de Dieu ; et cela, tout à fait indépendamment du problème de la perception immédiate des substances, sur laquelle la majeure partie des scolastiques tient la négative avec saint Thomas, Scot et Suarez ; d’ailleurs, les partisans de la perception immédiate dessubstancesne se servent pas de cette vue systématique pour expliquer notre connaissance des êtres immatériels et de Dieu, je parle des grands maîtres de la scolastique avant Descartes. Et il est bon de remarquer que le grand défenseur moderne de la perception immédiate, Hamilton, est tombé dans l’agnosticisme, pour avoir négligé de noter qu’il percevait « les relations des choses ».

On trouvera la doctrine de l’École sur ce sujet dans Suarez, De anima, l. IV, c. iv-vi ; JHsp. metaph., disp. XXX, sect. xii ; Lossada, Curs. philos., Barcelone, 1883, t. IX, Animastica, disp. VII, c. i ; Ptolemceus, Philosophia mentis et sensuum, etc., Rome, 1702, logico-physica, diss. XII, omnium logico-physicarum facile princeps, donne un bon exposé synthétique du problème de la connaissance intuitive et abstractive dans l’École et l’état de la question vers la fin du XVII’siècle, p. 76-91. On sait que, sous l’influence du cartésianisme, ce qu’on appelle la philosophie « éclectique », au xviir siècle, se donna la connaissance per species proprias des êtres immatériels ; voir ce système bâtard dans E. Amort, Philosophia Pollingaua, Augsbourg, 1730, p. 481-506. Neubaucr, dans Theoloijia Wirceb., De religione, diss. XI, Paris, 1852, t. H, p. 283, sent le besoin d’expliquer que le déisme n’est pas du à la philosophie éclectique, qui d’ailleurs n’est pas la sienne. Ce jugement parait exact ; mais la philosophie d’Amoit qui sauvait, comme il s’en vante naïvement, toutes les entités de la scolastique, n’en sauvait pas les principes essentiels ; elle se donnait la connaissance des êtres immatériels et de Dieu, sans pouvoir en rendre compte ; enfin en réagissant à l’excès contre l’empirisme qui tire nos idées de l’expérience, elle préparait les esprits, non moins efficacement que l’idée claire de Descartes et les monades de Leibniz, à l’idéalisme subjectiviste, qui les tire toutes de la raison elle-même. Cf. IJict. apologét. de la foi, Paris, 1909, t. i, col. 58. De nos jours, on est revenu aux doctrines de l’Ecole. Cf. Pesch, Institut, psychologie, Fribourg-en-Brisgau, 1898, t. ii, n. 871. Boedder, Psychologia rationalis, ibid., 1894, énonce la thèse classique que nous ne connaissons clairement la nature des substances immatérielles que par un raisonnement et donc par des concepts analogues (analogie logique), th. xx, p. 114. Cf. Coconnier. art. Ame, dans Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, col. 95. Voir Piat, Insuffisance des philosophies de l’intuition, Paris, 1908 ; Moisant, Dieu, l’expérience en métaphysique, Paris, 1907 ; Maher, Psychology, 5’édit., Londres, 1003 ; Bickaby, The lirst principles of Knowledge, Londres, 1888 ; Peillaube, Théorie des concepts, Paris. On peut dire que le grand ouvrage de Kleutgen sur la Philosophie scolastique, 4 vol., trad. Sierp, et sur la Théologie der Vorzcit, 5 vol. non traduits, a surtout pour but la défense de la doctrine scolastique de la connaissance : après l’avoir exposée, il montre comment elle est nécessaire ou suffisante pour résoudre les grands problèmes philosophiques ou dogmatiques. Heinrich a repris ce travail en ce qui concerne la connaissance naturelle de Dieu. Dogmatische Théologie, Mayence, 1884, t. iii, surtout au S 141, P- 131-152. Voir aussi Polile, Lehrbucli der Dogmatik, Paderborn, 1902, t. i, p. 33.

Il ne s’agit donc pas ici d’attaquer l’empirisme, mais de montrer comment l’empirisme, s’il accepte la thèse occamiste de la subjectivité des relations, arrive à nier la possibilité de connaître Dieu. — Dès que les protestants se mirent à attaquer la possibilité pour l’homme déchu d’arriver à connaître Dieu par la raison naturelle. les théologiens catholiques insistèrent sur ce que les Pères ont appelé la connaissance « spontanée, naturelle, native, innée » de Dieu. Un chanoine régulier du Saint-Sauveur, Augustin Steuchus d’Eugubio, composa un traité De perenni philosophia lib. X, réimprimé à Paris en 1578, pour montrer que les philosophes païens ont reconnu de tout temps un Être souverain, etc. Un de ses arguments était tiré des textes patristiques sur la connaissance spontanée de Dieu : et on ne trouve guère de théologiens catholiques de la fin du xvie siècle qui, sur la thèse classique de la possibilité de l’athéisme, ne renvoient pas à Steuchus Eugubinus. Mersenne, ses Commentarii in Genesim, Paris, 1623, et dans V Impiété dévoilée, Paris, 1(>21. développa la thèse de Steuchus. Aussi, lorsque Descaries se mit à parler de l’idée innée de Dieu, sans d’ailleurs bien expliquer ce qu’il entendait par là, cf. Vacant, De nostra naturali cognilione Dei, Nancy, 1879, p. 110 sq., le mol et dans un certain sens la chose étaient familiers aux penseurs catholiques, qui rejetaient la thèse de l’impuiss naturelle de la raison eu matière religieuse, aussi bien sous la forme rigide proposée par les premiers protestants, que sous la forme adoucie de l’agnosticisme croyant ou dogmatique, proposée par Charron sous le nom « d’ignorance consciencieux di Dieu.

Le père des déistes anglais, Herbert de Cherbury, voir Cherbury, avait insisté sur la connaissance naturelle de Dieu dans son De veritate, prout distinguitw a revelatione, etc., 1645. Mais dans son De religione gentilium errorumque apud eos causis, 1651, il s’était appliqué à montrer que toutes les erreurs religieuses des païens venaient de l’inlluence sacerdotale et des lois civiles. La religion naturelle des païens était pure ; leurs « croyances » étaient fausses. Uobbes nia que « nous ayons une connaissance, gravée par la nature dans notre âme. de la divinité ; » ce qui était la thèse fondamentale de Cherbury ; « et son opinion était qu’on ne la peut acquérir ni par les arguments, ni par les idées ; non par les idées, parce qu’on ne peut avoir l’idée de l’infini ; ni par les arguments, car quoiqu’on puisse inférer assez justement de ce que rien ne peut se mouvoir de soi-même, qu’il y a un premier moteur éternel, l’on n’en infère pas néanmoins un être éternel immuable, mais un être éternel en mouvement : puisque, de même qu’il est vrai que rien ne se meut par soimême, aussi est-il vrai que rien n’est mis en mouvement que par une chose qui est en mouvement. » Phys., part. IV, c. xxvi. Cf. Samuel Parker, De Deo et providentiel, Londres, 1678, disp. I, c. xxvii. Partant de ce principe que nous ne pouvons avoir l’idée naturelle d’une essence immatérielle, Hobbes en avait déduit que notre âme est matérielle. Leviathan, 1651, c. xii. Cependant Dieu n’est pas un corps et « c’est contre l’honneur de Dieu, qui est infini, de lui attribuer une figure. » lbid., c. xxxi.

Ces conclusions peuvent paraître contradictoires. Hobbes, pour se mettre d’accord avec lui-même et avec les lois, recourt à la distinction du connaître, du croire et de la foi. Cherbury déclarait fausses toutes les croyances fondées sur la commune opinion. Hobbes. qui déduit et dérive tout du souverain, asseoit les croyances sur le respect des lois ; mais pour lui « croyance » ne va pas sans agnosticisme. L’on peut arriver à la croyance en Dieu — opposée au connaître — dit-il, soit par la raison naturelle, soit par le respect des lois : le prince ayant le droit de faire et d’imposer la commune « opinion >, qui devient objet de croyance. Cf. Samuel Clarke, Praires de la religion tant naturelle que révélée, dans Défense de la religion de Burnet, t. III. Cette doctrine de la commune opinion, origine des croyances, est à rapprocher : 1. avec le rôle assigné aux prêtres et au souverain dans l’origine des cultes par Voltaire, etc., et aussi parDupuis, dans {’Origine (astrale) des ailles, 171)5 : ceux-ci suivent la tradition de Cherbury ;’2. avec les vérités du seus commun de Huilier et de l’Ecole écossaise, qui ne nous apprennent rien du fond des choseset au fond suppriment la métaphysique : ce mouvement a abouti, on le sait, à l’agnosticisme désir Hamilton, d’où est venu Mansel. puis Spencer, qui ne fait que mettre en œuvre ces deux derniers. Cf. Spencer, Les premiers principes, c. v, Réconciliation de la science et de la religion par la croyance, c’est-à-dire par l’Inconnaissable.

Hobbes concède en paroles que « la foi », qui correspond à la révélation, nous renseigne sur la nature intrinsèque de Dieu — comment, l’ernpiriste matérialiste ne le dit pas ; et on explique ordinairement cette concession par le besoin d’être en règle avec les pouvoirs établis. La croyance, au contraire, qui résulte soit de l’exercice naturel de nos facultés sur Dieu, soit de la commune opinion, du consentement commun à la volonté du prince, ne nous apprend rien de la nature de Dieu. « Elle nous enseigne seulement à lui donner des noms honorifiques, soit négatifs, soit d’excellence, comme infini, très-haut ; mais par ces termes nous ne disons pas ce qu’est Dieu en soi, mais seulement combien nous l’honorons et restituons. Car, quand nous disons qu’une chose est infinie, nous voulons seulement dire que nous ne pouvons concevoir les bornes et limites de cette chose, et que nous ne concevons que notre propre impuissance. » Levial /tan, c. iii, n. 26. Dans le De cive, c. v, S 14, après avoir repété que l’on ne peut se former l’idée de Dieu, « parce que, concevant toutes choses par la voie de la sensation, l’homme ne peut rien imaginer que ce qui frappe ses sens, » il enseigne que, lorsque nous désignons Dieu par les attributs positifs €l lui attribuons, par exemple, la science ou l’entendement. " l’on n’a point d’autre vue que de réveiller l’esprit plongé dans les choses sensibles. » Dans le passage du nominalisme empirique à l’interprétation pragmatique des formules religieuses, sauf à faire appel à l’incoiiipréhensibilité divine, Hobbes devait avoir de nos jours plus d’un imitateur.

Hobbes, dans le De corpore, avait rejeté tous concepts qui prétendraient au titre de premiers ou d’innés ; ce qui était se séparer à la fois et de Descartes et de l’École. Locke, place’entre l’empirisme absolu de Hobbes et I innéismede Descartes, rejeta nettement et combattit non sans finesse les idées et les principes innés cartésiens, Essai, 1. I ; mais, tout en prenant pour base l’empirisme, il reconnut la valeur de la réflexion, rejeta la commune opinion comme origine de la croyance, et soutint la possibilité de prouver l’existence de Dieu. Essai, 1. IV. c. xv, xvi ; l. II, c. xxiii, S 12 ; I. IV, c. x. où Rom., i, 20, est allégué. Inutile de dire que l’auteur du fameux chapitre De l’enthou$iasme, l. IV, c. i. ne s’accommode pas de la prérogative e par Hobbes à la foi de nous instruire sur la nature divine : pour Locke, la révélation et par suite la foi sont impossibles.

Locke essaie donc de prouver l’existence de Dieu el <l i tpliquer comment, par la raison naturelle, nous en avons l.i connaissance. Mais il échoue sur le premier point : et, quanl au second, il aboutit aux mêmes conclu-ions subjectivisles, relalivistes, et par conséquent stiques, que le sensualiste son devancier. Il - I inslrucl il de le voir à l’œuvre Comme Occam, Locke attribue les relations à l’activité du sujet, D’où cette th< se, sur laquelle Locke ne de revenir que « toute notre connaissance condans la vue de nos propres idées, el que c’est Ile que roule toute notre connaissance, n Essai, I. IV, c. i. n. Venu apn Descartes, Locke ne lue pas pins que Malebranche de confirmer la erreui di sens, p ir la non-obji vile des qualité - sensibles, par le besoin d ii clain par la confusion entre la simple nce d’une cho et la connaissance adéquate, i ompréhenslon, do bjel Hobbi i appliqué la conception nominaliste de la Dti il. clui H’kl idie de cause : pour lui me pour Nicolas d tutrecourt et pour l< - positivistes I< rnea, la n lation d< que celle d’un antécédent à un conséquent. Hobbes définit la causalité : aggregalitm omnium accidentium, tiim agentium quotquot sunt, tum patientis, quibus omnibus supposilis intelligi non potest quxii effectus sit una productus, et supposito quod unum eorum desit, intelligi non potest quin effectus non sit productus. Prima philosoph., c. ix. Locke, sans même remarquer qu’une telle définition supprime non seulement la liberté d’indifférence, mais tout libre arbitre, y souscrit volontiers. « Tout ce que nous considérons comme contribuant à la production de quelque idée simple, excite par là dans notre esprit la relation d’une cause et nous lui en donnons le nom. » Essai, l. II, c. xxvi, § 1.

Aussi Locke voit-il, après Hobbes et comme Stuart Mill devait le remarquer plus tard, que dans un tel système les arguments du premier moteur et de la première cause ne concluent pas à Dieu ; que, logiquement et en rigueur, ils ne concluent qu’à l’impossibilité pour nous de penser qu’à un instant donné rien n’était ; que, tout au plus, grâce à l’action latente du vrai principe de causalité qui est présent à l’esprit des nominalistes comme du reste des hommes, ils ne concluent qu’à la matière éternelle. Pour exclure cette dernière conclusion, Locke raisonne ainsi : parmi les choses dont l’existence est certaine se trouve l’âme, qui est immatérielle. Or la matière ne peut pas être la cause d’un être immatériel ; donc Dieu, la première cause, est immatériel. L’argument est excellent, s’il est possible d’en prouver la majeure. Mais Locke en est incapable, toujours à cause de son nominalisme. En effet, l’âme est une substance ; or Locke en vingt endroits répète que les « substances nous sont inconnues. » « Le mot de substance n’emporte autre chose à notre égard qu’un certain sujet indéterminé que nous ne connaissons point, c’est-à-dire quelque chose dont nous n’avons aucune idée particulière, distincte et positive, mais que nous regardons comme le subslralum des idées que nous connaissons, > l. I, c. III, £ 18 ; l. II, C. xxiii, S 2, 45. Il en est de même pour les essences des choses. Locke trouve « beaucoup plus raisonnable » que celle qui soutient que nous pouvons les connaître, l’opinion de 6 ceux qui reconnaissent que toutes les choses naturelles ont une constitution réelle, mais inconnue, de leurs parties insensibles, » l. III, c. iii, S 17. Avec un nominalisme aussi rigoureux, comment Locke peut-il savoir que notre âme est immatérielle ? Et s’il l’ignore, que vaut son argument en faveur de l’existence de Dieu ? Or, il l’ignore, et il avoue cette « ignorance où nous sommes, concernant la nature de cette chose pensante qui est nous-mêmes, » l. II, c. XXVI I, § 27. En ajoutant à la sensation la réllexion comme source de nos idées. Locke s’est donné l’âme ; mais son nominalisme le prive du bénéfice de sa trouvaille. Car il connaît si peu l’âme et si peu la matière, quoiqu’il ait des idées de la matière et de la pensée, qu’il écrit : < Peut-être ne serons-nous jamais capables de connaître si un être purement matériel pense ou non. par la raison que sans révélation il nous est impossible de découvrir si Dieu n’a point donné à quelques amas di matière disposés comme H le trouve ; i propos, la puisi de penser, » I. III. c. iv, § (">. Mais s’il en est ainsi, Locke n’a pas prouvé l’existence de Dieu.

Mais, homme, il avail ci tû idée naturelle de Dieu et de sou existence que, philosophe, il mettait en péril, sinon en doute. Il n’a pas réussi à l’expliquer mieux qu’il n’avait fait à la légil r. Lee. xxiii du 1. H de I I insacré i cette explication, fin y lit : o Les idées simples que nous avons de Dieu sont c posées des impies que nous recevons de la réflea u constitue, nous l’avons dit. un propres sur Hobl hujusmodi autem simili potest in potentiii il </ m virtutibus operativit humanis,’dil saint Thomas, t’.nnt. gvul., 1. I. e. xxl. (I. UUngWI Personalily liuman and divine, Londres, 1903. « Après avoir formé, continue Locke, par la considération de ce que nouséprouvons en nous-mêmes, les idées d’existence cl ilf durée, de connaissance, de puissance, de plaisir, de bonheur et de plusieurs autres qualités et puissances qu’il est plus avantageux d’avoir que de n’avoir pas, lorsque nous voulons former l’idée la plus convenable à I Être suprême, qu’il nous est possible d’imaginer, nous étendons chacune de ces idées par le moyen de celle que nous avons de l’infini, et joignant toutes ces idées ensemble nous formons notre idée complexe de Dieu, « § 33, Sans entrer dans la discussion détaillée du procédé. qui, quoi qu’en pensent les modernistes, est bien différent de celui de l’École, puisque Locke est nominaliste, ne retenons que ce qui concerne l’idée d’infini. Cette idée est la pierre d’achoppement de tous les systèmes nominalistes ou ultra-réalistes. Malebranche s’y est heurté aussi bien que Spinoza, bien que par un autre biais ; Locke s’y heurta après Ilobbes, et de la même façon que M. Le Roy. Ce dernier prononce que le mot infini désigne seulement « ce double fait que, dans le progrés des représentations, on ne peut s’en tenir à aucun stade et que chaque stade, pleinement vécu, suscite aussitôt le suivant. » Dogme et critique, 2e édit., Paris, 1907, p. 280. D’après Locke, « lorsque nous nommons ces attributs [de Dieu] tn/mis, nous n’avons aucune autre idée de cette infinité, que celle qui porte l’esprit à faire quelque sorte de réllexion sur le nombre ou l’étendue des actes, ou des objets de la puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu, » l. II, c. xvii, § 1. On a souvent reproché à Locke d’avoir ici confondu l’indélini avec l’infini, et de n’avoir réfuté Hobbes, qui niait comme Malebranche toute idée de l’infini dans un être fini, que par une pure équivoque. En réalité, Locke avait l’idée de l’infini, puisqu’il avoue que « les attributs de Dieu contiennent toute perfection possible. » Son erreur est de soutenir que nous n’en avons que la représentation symbolique qu’il décrit : « Telle est, dis-je, la manière dont nous les concevons, telles sont les idées que nous avons de leur infinité. » Que Hobbes dise que, « lorsque nous parlons de l’infini, nous ne signifions que notre impuissance ; » que Locke explique que cette impuissance est du même ordre que celle d’atteindre le nombre infini par la multiplication interne d’une infinité de nombres multipliés sans fin ; pour un métaphysicien, c’est tout un ; les deux empiristes nominalistes ne désignent l’infini positif que par une dénomination extrinsèque fondée sur leurs actes internes et s’interdisent systématiquement tout jugement sur sa nature intrinsèque : l’essence de l’agnosticisme dogmatique est tout entière dans ce procédé. Du même point de vue métaphysique, c’est de même tout un, quant au fond des choses, sous la diversité des modalités systématiques, de dire avec M. Le Roy : « Connaître Dieu, c’est prendre ^conscience de ce qu’implique [l’acte de vivre, » Revue de métaphysique et de morale, 1907, p. 498, et de parler du Dieu, postulat de la conscience morale de Kant, du Dieu résumé de nos expériences intérieures de Ritschl et de Sabatier, de l’absolu qu’implique notre connaissance du relatif de Spencer, de l’immense être inconnu dont l’être personnel a le sentiment intime qu’il dépend de Schleiermacher, de l’objet de la foi morale et religieuse de sir Hamilton et de Mansel. Toutes ces formules, dont nous n’épuisons pas la liste, ont ce trait commun qu’elles désignent le vrai Dieu exclusivement par une dénomination extrinsèque, sans pouvoir arriver à rien affirmer de défini et de positif sur la nature intime de la substance divine. C’est la position de Locke, qui très logiquement, puisque, d’après lui, même les substances finies nous sontinconuues, se refuse à dire catégoriquement que Dieu est une substance, 1 II, c. xiii, $ 17 sq.

C’est chez Locke un principe que noire « connaissance ne va point au delà de nos idi’-js, » l. IV, c. iii, S 1. Si l’on fait abstraction du sens snbjectiviste Locke donne au mot idée, ce principe est (’vident. Or, d’un autre côté, Locke n’a aucune idée des causes, des substances, de l’infinité divine ou plutôt la seule idée qu’il en ait est celle de l’activité qu’il déploie pour les penser, de la pression de la loi subjective qui les lui fait nécessairement concevoir. Mais cette idée subjective pourluin’estpas représentative de la cause, de la substance, de l’infini en soi, dont par hypothèse ou par système il n’a pas connaissance. Cependant il se tient pour assuré de la réalité de ces divers objets, et donc sa croyance dépasse ses idées. » Telle est la genèse philosophique de cette formule souvent employée, d’abord par les cartésiens, alind est credere, aliud 8< cf. Lossada, op. cit., t. iv, p. 47 ; Jourdain, Histoire de l’université de Paris, Paris, 1862, p. 209 ; appendice, p. 144 sq. ; puis par les jansénistes, Denzinger, n. 1392 ; enfin par les agnostiques dogmatiques ; et telle est aussi l’origine historique de la distinction des vérités notionnelles et des vérités réelles, reçue depuis Locke chez les idéalistes et chez les empiristes anglais et familière sous d’autres noms aux pseudo-imsliques. VoirXewman, An essay in aid of a grammar of assenl, Londres, 1892, c. viii, § 1, p. 282, sur la ressemblance abstraite de Jean et Richard, ce qui explique la théorie de l’appréhension des propositions, c. I, § 2, p. 9 sq. Cf. Baudin, La philosophie de la foi chez Neivman, dans la Revue de philosophie, Paris, 1906, surtout, juin, p. 580 ; juillet, p. 27. En sens opposé, Toohey, An index lo the grammar of assent, Londres, 1907 ; The grammar of assent and the old philosophy, dans The Irish theological quarterly, octobre 1907 ; Neivman ami Modernisai, dans The Tablet, 4 janvier 1908.

Convaincu que nous ne pouvons avoir aucune idée de l’infini, Malebranche recourt à la fois au lidéisme et à la vision en Dieu, Recherche de la vérité, part. I, I. III, c. iv ; part. II, I. III ; vers le même temps, Pascal pour la même raison recourt à la foi du cœur. Dans le pays de Hume, le nominalisme bien développé dans toutes ses conséquences jette Berkeley dans l’idéalisme de Malebranche. En France, Rousseau décrie la raison, Emile, Paris, 1793, t. ii, p. 356. et résout le problème religieux, comme tous les autres, par le sentiment, unique voie pour arriver à la vérité. En Allemagne, Jacobi, Kant, Schleiermacher se précipitent, l’un dans le sentiment obscur de Dieu, l’autre dans la conscience morale, le troisième dans le sentiment de dépendance, tous au fond dans le subjectivisme de la doctrine de la foi justifiante, qu’ils accommodent au scepticisme et au rationalisme de leur temps.

L’histoire le prouve, comme la logique le prévoit. Le nominalisme rigidement exposé aboutit à l’athéisme et au nihilisme de Hume, ou tout au moins à l’agnosticisme pur d’Auguste Comte, de Huxley et du « rationalisme » anglais contemporain. Si l’on veut, tout en acceptant la position nominaliste, éviter cette abdication de la conscience, il ne reste plus qu’à mettre en système que « notre croyance dépasse nos idées, » que seule elle atteint le réel, et à construire des Glnubenslehren, qui justifient cette retraite. De là tant de livres d’apparence constructive. qui ne sont au fond que des apologies déguisées de la foi subjective, dont le protestantisme avait semé l’idée. Locke lui-même, tout rationaliste qu’il est, donne l’exemple de cette méthode.

Comme beaucoup de nos contemporains, Locke fait de la conception une idée toute cartésienne : en dehors de l’idée claire, il n’y a rien pour lui. Or il est obligé d’avouer que, dans son système, une substance immatérielle échappe à notre conception. C’est, en effet, un de ces objets que nous ne pouvons concevoir clairement qu’à l’aide des relations réelles entre la cause et son effet, la substance et ses propriétés, ou à l’aide de l’application objective du principe de raison suffisante. La difficulté est grande pour Locke, puisqu’il croit à un immatériel. Il essaie donc, pour la résoudre, de prouver qu’à « bien approfondir les idées que’nous avons de toute substance, nous ne’connaissons pas mieux à fond la corporelle que l’incorporelle. » Essai, l. II, c. xxiii. Les cboses sont donc parfaitement égales des deux cùtés. A l’oreiller du doute substituons le cbarme des ténèbres en religion.

Dans la pbilosophie nominaliste, l’analogie se réduit à une vague ressemblance, et le raisonnement par analogie est de nulle valeur. Cf. Stuart Mill, System of logic, l. III, c. x. ; Ilamilton, Lectures on metaphysics and logic, édit. Mansel. Edimbourg, 1866, t. IV, p. 170. D’autres nominalistes, comme Kant, Prolégomènes, etc., § r>7, et Whately, Eléments of logic, 2e édit, p. 138, réduisent toute analogie à une ressemblance de rapports. Voir Analogie. Cf. llastings, Encyclopsedia of religion and ethics, Edimbourg, 1908, art. Analogy.

Le nominalisme idéaliste.

Nous employons ici le mot idéalisme dans le sens qu’on lui donne le plus souvent quand on l’oppose à empirisme, pour désigner les doctrines qui expliquent la genèse de nos concepts et des principes par la raison elle-même.

Hume avait déduit les conséquences du nominalisme jusqu’à détruire non seulement la connaissance des substances et des causes, mais bien les substances etles causes mêmes, sans en excepter la substance de son tnoi. La science devenait impossible. Kant parait s’être proposé de sauver du naufrage la science, tout en restant fidèle à la thèse protestante de l’impossibilité de connaître Dieu par la raison naturelle. Ce ~.i ait à la fois la ruine du déisme et du catholicisme, ces deux formes du naturalisme ou du pélagianisme pour les sectes piétistes. En gaulant la croyance en Dieu donnée par la conscience morale, on préserverait l’essentiel de la foi justifiante ; et il n’y aurait qu’à restreindre l’objet de la foi à la simple croyance en Dieu, pour pouvoir rester protestant quand même, tout en admettant le rationalisme de Lessing. Résoudre d’un seul coup un problème ; iusm complexe était difficile mules éléments de solution étaient dans l’atmosphère du monde protestant vers la tin du xviir siècle.

Kant savait que la science tendait à devenir mathé matique ; sauver les mathématiques, c’était donc sauver la science. II savait aussi, car en dehors du cartésianisme (’.'tan chose admise, que les mathématiques tint Thomas le concède après Aristote, font abstræl h’- substances et dea causes, et que l’activité du sujet pi i ie un rôle considérable dans la constitution de l’objet même dis mathématiques, le quantum abstrait, continu ou discret. D’ailleUI considération de la subjectivité de nos idées était à la mode depuis I 1 Locke, Spinoza, Leibaiz, Berkeley,’-te. Sans s’expliquer nettement sur l’objectivité de l’espace et du temps on discute encore sur - Kant mit en relief le côté subjectil de notre connaissance di ci - quantités, ! -ans trop de pi in lit des formes de notre sensibilité. Il fallait passer aux nutri -. Kant B’empara de I hypothèse nominaliste de la tubjectivité des relations di similitude, de ubslance, .’te., el nui tout ion ai I a persuadai .m lecteur cette hypothèse, en se servant adroitement >< hdeux formes de la si lisibilité. Il parvint ainsi a parler d d’un x inconnu ce que faisaient di ià Vutrecoui i, , , , , ., , i i’" « biais, h % en a moins dans Kant I" on m-’lit ordim ment consistait a pré » nb r, "ii’. l’objectivité dei rela l. etc. et celle du quantum al, -Ira., „.. ! , , , , je (/ „„„_ tu m abstrait, objet des sciences mathématiques, est hors des relations substantielles et causales, et de ce que, d’autre part, par les sciences nous atteignons le réel puisque nous agissons sur lui, on concluait que la connaissance des substances et des causes est hors de la science, hors de notre connaissance ; cependant la connaissance mathématique subsistait. D’ailleurs, de ce que notre activité est nécessaire pour qu’il y ait temps, animacomplet tempus, on concluait au droit d’ériger 1° représentation dos relations causales, etc., en pure fonction de notre activité. Ces points acquis, nos concepts expriment le réel, mais symboliquement, comme en mathématiques x est le symbole de l’inconnue. On connaît la suite, antinomies, critique des preuves de l’existence de Dieu, etc., qui repose sur le principe de Nicolas d’Autrecourt.

Après avoir accepté, dans la Critique de la raison pure, la distinction du connaître et du croire dont nous avons dit les origines nominalistes, Kant se donne l’idée de Dieu. Ainsi il peut croire en Dieu, qu’il désigne par une dénomination extrinsèque, fondée sur ses besoins subjectifs : Dieu devient un postulat. Mais il se déclare incapable de porter aucun jugement valable sur la nature intrinsèque de celui que sa conscience lui présente — mais dans son hypothèse nominaliste ne peut pas lui représenter — comme juste et bon. Critique du jugement, î 86. De cet agnosticisme croyant, qu’il légitime par l’exemple des proportions en mathématiques, Prolégomènes, - ?57, 58, il déduit l’impossibilité de la révélation proprement dite, el par suite de tout dogme ; mais il est protestant, et donne des formules de la Bible et de son Kglise une interprétation morale. La religion dans les limites, etc. Cf. i Herzog, Realencyclopâdie, 3e édit.. art. Theismus, p. 592.

Critique.


1. Le nominalisme prouve-t-il la subjectivité des relations de causalité, de raison suffisante, de similitude, etc., qui sont le fondement des universaux el des premiers principes et par suite des preuves de l’existence de Dieu’.'
2. Prouve-t-il que nous n’avons aucune connaissance des substances et des causes en soi, que nous ne pouvons que les désigner par des dénominations extrinsèques sans porter sur leur nature intrinsèque des jugements valables, et que par suite la connaissance de Dieu en soi nous est absolument impossible ?

A la première question, on répond que, sans exception, depuis Occam jusqu’à M. Bergson, les nominalistes se donnent la subjectivité des relations de cause a effet, de substance à propriétés, etc., mais ne démontrent pas cette hypothèse. M. Bergson, dans L’évolution créatrice, reproche avec raison à Kant de se donner les formes ou moules u priori el à Spencer de ne rendre compte de rien avec ses idées héréditaires. Pour se mettre hors de pair, .M. Bergson recourt à une seconde hypothèse : le monisme plotinien lui -cil a donner de l’apparence a l’hypothèse du subjectivisme. Maila logique enseigne que la probabilité des conclu-iondécroît a -mque l’on introduit dan- -cprémi plus de vues systématiques, et que cette probabilité Bl nulle si l’une des li introduite absurde. Nous pouvons donc conclure que les divi philosophiea nominalistes ne prouvent rien (mire li principes et les conclusionclassiques de la théologie naturelle. reposent sur les faits suivants. «.rnand distinguons un homme qui raisonne d’un animal qui brait, nonconnaissons nettement par le principe utilmie me propriété de la lubi tan I un qui e-t exclusive de certaines propriétés élue ubslance ds l’attire. de même, pour la eau son rapport avec l’effet, dont notre acli lonne mu., typiqui i I In nous objecta la d’illusions des sens, d’erreurs, etc. ; nous acceptons les faits constatés, tout en nous déliant des interprétations que l’on en donne ; mais nous nions la parité des cas.

— 2. On nous montre que les sciences de classification, par exemple la botanique, n’atteignent guère <|ue les dehors des choses ; et que les sciences physiques font souvent de même, par exemple quand elles définissent l’électricité, « la cause inconnue des phénomènes suivants. » On répond avec saint Thomas que les sciences de classification ne définissent les êtres que par leurs accidents, comme lorsqu’on dit que l’homme est un bipède, et que souvent les sciences physiques ne définissent les causes que par leurs effets, parce que les différences essentielles des êtres nous échappent souvent : essentielles differentise ex accidenlibus nominantur, In IV Seul., I. III, dist. XXVI, q. l, a.i, ad 3°"’ ; sicut causa signi/icatur per suum effectum, vicul bipes ponitur differentia hominis. De ente et essenlia, c. vi, Venise, 1595, t. v, p. 28. Mais nous échappent-elles toujours ? Et ne savons-nous réellement rien de l’électricité, des champignons, ete ? Les apparences ne nous appprennent-elles absolument rien des réalités’.' Cf. Hastings, Encijclopœdia of religion and elltics, Edimbourg, 1908, art. Agnostieism et Absolule ; Catholic Enajclopsedia, New-York, 1907, art. Agnostieism. Enfin, la méthode des sciences, telle que nous l’a léguée le xviiie siècle, qui ne se préoccupe ni des causes, ni des origines, est-elle toute la méthode ? Cf. Gwatkin, The Knowledge of God, Edimbourg, 1906, t. i, p. 11.

— 3. On fait appel aux sciences mathématiques, aux intuitions spatiales et temporelles — Kant et Renouvier, La monadologie nouvelle, p. 102, 111, et passim — aux jugements synthétiques et analytiques, au symbolisme et à la conventionnalité des formules mathématiques, qui ne représentent le réel que par correspondance’.Spencer). Nous avons indiqué ce qu’il faut concéder sur ce point. Mais ici encore on devrait pour conclure nous prouver la parité des cas ; et on oublie cette règle de logique. De ce que l’activité du sujet joue un grand rôle dans la constitution de l’objet des mathématiques ; de ce que dans l’étude du quantum qui est leur objet nous faisons abstraction des relations substantielles, causales, etc., il ne suit pas que le rôle de notre esprit soit le même dans la perception des relations de similitude, de causalité qui régissent le monde concret, ni que nous n’atteignons pas ces relations dans le monde des réalités qui nous environnent et agissent sur nous.

— 4. Enfin, Kant, comme autrefois Nicolas d’Autrecourt, a la prétention de nous faire « passer par ses conditions ». L’évidence des propositions de géométrie n’est pas celle des autres propositions ; or, dans les propositions de géométrie, il ne s’agit que de rapports posés par l’esprit ; donc nos jugements sur toutes les catégories ne sont qu’un « lien logique », et penser, c’est quantifier, qualifier, etc. ; toutes opérations qui ne nous apprennent rien de l’ae inconnu. Celle négation de la possibilité de toute métaphysique objective suivrai ! chez Kant comme chez Nicolas d’Autrecourt, s’il était nécessaire que toute évidence soit de l’ordre des évidences mathématiques. Mais nous ne pouvons avoir d’évidences mathématiques qu’en faisan 1 abstraction de toutes les relations réelles connues de ions, autres que les relations de la quantité ; et cette abstraction n’est possible d’une manière réfléchie qu’autant que nous connaissons ces autres relations, qui ne sont pas des relations quantitatives. Mais s’il en est ainsi, il y a un cercle vicieux à passer du fait de la possibilité de l’abstraction mathématique à la négation d’une des conditions de ce l’ait. Sur ce point, il faut se séparer de ceux qui avec M. Sentroul, Revue néoscolastique, Louvain, mai 1906, p. 185 sq., pensent qu’il o faut passer par les conditions » de Kant. Cf. Baille, Qu’est-ce que la science ? Paris, 1907.

L’hypothèse de la subjectivité des relations, qui sont le fondement objectif des universaux et des principe ! nécessaires et universels, n’est donc pas démontrée. Nous pouvons donc rester sans trouble fidèles au lisme du bon sens. En indiquant la trame générale d< a j raisonnements par lesquels on montre que l’hypothèse nominaliste n’enlame pas les preuves classiques de l’existence de Dieu, nous avons donne’- la réponse à la seconde question posée. Nous avons quelque connaissance des substances, des causes finies ; très souvent, nous ne les désignons que par des dénominations extrinsèques ; mais nous pouvons aussi dans bien déporter des jugements valables sur leur nature intrinsèque. L’analogie ne se réduit donc pas toujours à une vague ressemblance, ni à une ressemblance de rapports, comme le veulent les nominalistes. Le raisonnement par analogie peut donc être valable ; et nous pouvons penser par des concepts analogiques les êtres immal riels, Dieu lui-même (analogie logique). L’agnosticisme dogmatique ou croyant avoue penser Dieu, puisqu’il croit à l’existence de l’Absolu ; mais il se refuse à reconnaître que nos jugements sur Dieu ont une valeur de vérité : ab eo quod res est aut non est, oralio dicitur vera vel falsa. Quand nous disons que nou> pouvons penser Dieu, nous allons plus loin : en affirmant de Dieu les attributs absolus, c’est de Dieu considéré en lui-même, abstraction faite des créatures et de notre mode de penser, que nous parlons. Si l’on admet la valeur objective des relations de causalité, de similitude et de raison suffisante, l’explication philosophique de notre dogmatisme est facile. Tout se réduit à ce raisonnement : qui finxil oculum, non considérât’.' Y’s. xem, 9. Raisonnement spontané, qui s’explicite : l’effet procède de sa cause suivant un mode déterminé’, par lequel il lui ressemble. Le principe de raison suffisante exige donc que la cause soit d’abord déterminée, avant que reflet le soit ; car toute action est produite en vertu d’un principe qui est dans la cause. S. Thomas, De potentnt. q. vii, a. 6. Donc, si parmi les effets produits par Dieu se trouve celui que nous appelons science, il faut qu’il y ait en Dieu quelque chose qui réponde à la définition de la science. S. Thomas, In IV Sent., 1. I. dist. XXXV, a. 1, ad 2 unl. Sans doute, Dieu est infini, et nous n’obtenons de sa nature intrinsèque par ce procédé qu’une connaissance très inadéquate, très imparfaite. Mais notre connaissance reste vraie. Le même saint Thomas indique bien le résultat auquel on arrive : « On parle du sourire des prés en Heurs ; la sagesse incréée, si l’on considère ce qu’elle est en Dieu — où elle est la substance divine — diffère plus de la sagesse créée que la lloraison des prés ne diffère du sourire de l’homme ; mais quant à la raison objective pour laquelle on donne le nom de sagesse et A la sagesse divine et à la sagesse créée, la ressemblance est plus grande qu’entre les lleurs des préset le sourire de l’homme, parce que cette raison objective est une par analogie (ontologique), se trouvant en Dieu comme dans le premier principe et dans la créature par voie de causalité. « lu IV Sent.. 1. 1, disp. XXII, q. 1, a. 2, ad 3’"". C’est tout ce que la logique exige, quoi qu’en ait dit Duns Scot, partisan de l’univocilé ontologique, pour que notre connaissance de Dieu soit telle que nous puissions procéder par déduction en théodicée et en théologie. Et, puisque le nominalisme n’est qu’une hypothèse, nous gardons le droit de rester fidèle à l’intellectualisme objectiviste qui est celui de l’humanité et de l’Église. A côté des autres sciences, il estime science per ullimas causas, la métaphysique.

Pour les discussions de détail avec les positivistes et les kantistes. voir Mac Cosh, The méthod o/ the divine government, 4’édil., Edimbourg, 1855 ; The mutilions of the miiui, ilntl., 1860 ; M. Cosh montre bien que l’agnosticisme de Kant et de Hamilton vient de leur nominalisme, au sens où nous avons pria ce mot ; Hodge, Systematic theology (protest.). Londres, 1871. t. i, p. 335-365 ; De Rroglie, Le positivisme et la science expérimentale, 2 in-8°, Paris, -1880 ; Ward, Essays on the philosophy oftheism, 2 vol., Londres, 1884 ; Gruber, Auguste Comte ; Le positivisme depuis Comte, 2 vol., Paris, 1893 ; Pescb, Institutiones logicales, Fribourg-en-Brisgau, 1889, t. ii, p. 349-366, et n. 874, critique de Kant. Dehove, La critique kantienne des preuves de l’existence de Dieu, Lille, 1905, montre très bien que cette critique se ramène à nier la valeur de l’infércnce : de ce que quelque chose existe, une autre existe ; et cela en vertu de l’hypothèse subjectiviste non démontrée. Sentroul, L’objet de la métaphysique selon Kant et selon Aristote, a essayé une méthode qui a soulevé bien des discussions que l’on trouvera dans Godsdienst, Wetenschap, Lctteren, W06, p. 53-78 (Begout) ; Ilevue néo-scolastiquc, mai 1906, p. 164-200 (Sentroul) ; Revue de philosophie, juillet 1907 (Farges) ; novembre 1907, p. 446471 (Sentroul) ; Revue pratique d’apologétique, 15 septembre 1908 (Piat), Pesch, liant et la science moderne, trad. Lequien ; Paris ; Piat, L’idée ou critique du kantisme, Paris, 1907 ; Farges, La crise de la certitude, Paris, 1907 ; Laminne, La philosophie de l’Inconnaissable, Bruxelles, 1908 ; Gérard, The uhl riddle and the newest answer. Londres, 1904 ; Gruber, art. Positivismus, dans Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau. Chossat, art. Agnosticisme, dans le Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, t. i, col. 1-75, expose et discute d’après saint Thomas l’agnosticisme de Maimonide et d’Avicenne et montre que nos problèmes modernes ne sont pas tout à fait neufs. Tour la vulgarisation, Halleux, La philosophie condamlusitiviste et kantienne), Paris, 1908. Pour la bibliographie de lliistoire du sujet, col. 798-799.


VI. Le pseudo-mysticisme.

La possibilité de la connaissance certaine de Dieu par la raison naturelle suppose qu’on admet la valeur des éléments intellectuels dans la connaissance religieuse. Les pseudomystiques l’ont souvent mise en question. Il y a pour toutes les âmes menées par les voies mystiques un danger contre lequel tous les directeurs orthodoxes les prémunissent, celui d’attacher trop d’imporlance au sentiment, à la vie émotive dans la vie spirituelle ; c’est de là que naît souvent la tentalion qu’elles ont de préférer leurs lumières ou leurs obscurités, en un mot la connaissance religieuse qui leur vient de leurs expériences intérieures, aux données de la foi. Poussée à la limite, l’exagération de la valeur religieuse du sentiment, de l’expérience intérieure, suflit à elle seule.i faire déclarer impossible et non valable toute connaissance rationnelle de Dieu. Deux exemples nous sufliront pour le montrer.

I. MOLINOS ET JACQUES BŒHME.

Le pseudo-mstique libidineux Molinos, dont M. William.James s’est constitué’le chevalier. Varieties of religious expérience, Londres. 1902, p. 130, était entiché de - foi obscure et universelle, » c’est-à-dire d’une certaine expérience mystique de l’Être illimité’. Il écrit d’un trait : « Celui qui dans l’oraison se sert d’images, de figures, de représentations et de conceptions propres, n’adore pas Dieu eu espril i t en vérité. Celui qui aime Dieu nivanl que la raison argumente ou que l’esprit comprend, n adore pas le vrai Dieu. Denzinger, n. 1 105 sq. En d’autres tenues, les représentations intellec tuelles, que nous pouvons avoir par le discours ou par les formules traditionnelles, en dehors de l’expé rience mystique de la « foi obscure et universelle -. sont tant valeur objective. On voit que, sans se perdra dans le dédale des philoaophies, Molinos aboutisticisme, relalivement i l’ordre de eption, au aotionnel. Donc, pour lui, sans expé1 ii ure urnaturelle, pa ibilit* di connaître le vrai Dieu, bien, v* leçon ; E. Xaville, Les philosophies négatives, Paris, 1900, p. 185-222.

Du mysticisme au panthéisme ou à la connaissance purement négative de Dieu des néoplatoniciens et du soufisme, il n’y a qu’un pas : et plus d’un mystique le franchit au moyen âge. Dans les deux cas, c’est encore l’impossibilité de toute connaissance rationnelle de Dieu. Le « Philosophe allemand », Jacques Boehme, et, après lui, les « enthousiastes » ou fanatiques tombèrent dans ces erreurs. Ils appelaient Dieu, considéré en lui-même et sans les créatures, un Rien, nihil.

Comme les vues de Boehme se rattachent à celles de Fichte, de Hegel et de Schelling, par l’intermédiaire de Geulincx, de Spinoza, de Malebranche et de Berkeley, cf. l’hégélien Schvvegler, Geschiclile der Philasopliie, tiré à part de la Neue Encyclopudie der Wissenschaften und Kûnste, Stutlgart, 1848, p. 90. la doctrine de l’immanence n’est pas sans lien avec lui. D’autre part, les dévots actuels de l’Inconnu ou de l’Inconnaissable s’inspirent souvent de Boehme ou de ses ancêtres. Cf. Thamiry, De ralionibus seminalibus el immanentia, Lille, 1905. Il est donc nécessaire de noter que, si certains mystiques orthodoxes ont autrefois employé l’expression de Boehme, ainsi que nous l’apprend M. Sertillanges, qui connaît mais ne nomme pas de « grands mystiques thomistes qui ont parlé avec une sorte d’épouvante religieuse du néant de Dieu, » dans la Revue de p/dlosophie, février 1900, p. lii. cette formule n’avait pas, sous leur plume, le même sens que chez Hoehme.

En ellet, les mystiques orlliodoxes : 1° faisaient une dill’érence entre Rien, niltil, et Néant, non ens. Cf. Denille, Chartularium universilatis Parisie)isis, t. il, pièce 1012, p. 506. 2° Ils admeltaient, à l’inverse des pseudo-mystiques comme maître Eckart, Denzinger. n. 428, et Boehme, qu’on peut se faire une idée de Dieu, lorsqu’on le considère en lui-même et sans rapport aux créatures. 3° Enfin, les mystiques orthodoxes n’appliquaient à Dieu considéré en lui-même, à la plénitude de l’Etre, l’épi thèle de nihil, que pour exprimer sa grandeur par l’apport à nos connaissances et à nos lumières et l’absolue incompréhensibilité de la nature divine, qu’une forme de pensée, tirée des créatures, ne peut pas adéquatement représenter et saisir. La question n’est pas ici de savoir si cette façon de s’exprimer de ces mystiques orthodoxes était heureuse. Tout le monde aujourd’hui la trouvera choquante, fondée sur une distinction à peine intelligible entre nihil et non ens, et de nature à induire en erreur : tous défauts qu’on ne lui fait pas perdre, en l’isolant des contextes oubliés où elle se trouve. Mais, heureuse ou non, Cette expression n’a pas, chez les mystiques orthodoxes, le sens purement négatif qu’elle a chez ceux qui, comme Boehme et les fanatiques, ne le sont pas.

Chez les mystiques orthodoxes qui l’emploient, ce nihil ne signifie pas que Dieu est l’indéterminé, ni que la connaissance mystique est purement négative. Elle vent dire que la connaissance)><isilire de la divinité donne à l’une la claire notion de l’incompréheusibililé divine, en sorte que par la l’âme si’forme de Dieu une idée 1res relevée, bien que confuse, et comprend qu’il a pour elle une grande intelligence de la nature divine < saisir que nul être fini n’a le pouvoir de la comprendre, de la pénétrer adéquatement Dans cii état, tous | eg termes de comparaison font défaut a elle écarte toutes les formes ordinaires de pensée ec w impropret trad.in ce qu elli i on ">i el, à n ell i I précisément qu’aucune foi me n’est adéquate < I ei i nce divine Les lignes suivantes de sainte tagéle de Poligno montrent que tel si le sens de nihil, dans la formule nihil videt, d’où est venue I, , que Dieu, sl uihd. Kl ulen r] ht in lenebra, quiae bonum, quod ne< poêtil