Dictionnaire de théologie catholique/CLÉMENT XII, pape

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.1 : CLARKE - CONSTANTINOPLEp. 64-66).

13. CLÉMENT XII, pape (1730 1740), successeur de l || mil Laurent Corsini, né > Florence le 16 avril 1658, d’une illustre famille, lit aea éludea an collège romain et à l’université de iv où il prit son doeti

nu à Rome, il fut régent de la chancellerie, clerc de la Chambre apostolique. Il fut nommé nonce à Vii nne, et sacré archevêque de Nicomédie ; l’empereur refusa de le recevoir parce que son nom ne lui aait pas i té soumis auparavant ; il lit donc à Rome toute sa carrière ; en 1690, il esi trésorier de la Chambre apostolique, en 1706, cardinal-prêtre avec le titre de protrésorier ; puis préfet de la signature de justice, et enfin cardinal- évéque de Tusculum. Le 12 juillet 1730. il fut élu pape après un conclave orageux, et prit le nom de Clément en souvenir de Clément XI, son protecteur. Sa famille était fort riche ; il n’eut pas de peine à faire comprendre à ses neveux qu’ils n’avaient rien à attendre de lui. Cf. Fabronius, De vila, p. 1 sq. Clément XII commença par réformer certains abus qui s’étaient introduits sous le règne du faible Iienoit XIII, voir t. ii, col. 705 ; plusieurs concessions faites à des cardinaux furent abrogées ; le fameux cardinal Coscia. tout-puissant sous le dernier régne, dut donner sa démission de l’archevêché de Iiénévent, payer une énorme amende, et fut condamné à dix ans de prison au château Saint-Ange, avec privation de voix active et passive dans l’élection du pape.

Malgré son grand âge et le mauvais état de sa santé. Clément s’occupa activement de l’administration de l’État pontilical ; cardinal, il s’était fait remarquer par les intelligentes largesses que lui permettait sa grande fortune envers les savants et les artistes, et sa charité envers les pauvres. Pape, il continua dans la même voie. Très facile à recevoir les indigents, pour lesquels il réservait chaque semaine plusieurs jours d’audience, on le vit distribuer en 1735 jusqu’à 300000 écus d’aumônes pendant une disette. Attentif à encourager le commerce et l’industrie de ses États, en particulier à favoriser la production de la soie, il créa de nombreuses routes, améliora les ports de commerce, et prit diverses mesures pour faciliter les échanges entre ses provinces. La police de Rome laissait alors à désirer, si nous en croyons le président de Iirosses, Lettres, p. 70 sq. ; le pape l’améliora par de nouveaux règlements contre le port des armes et le droit d’asile. L’idée d’instituer une loterie mensuelle, qui devint bientôt le jeu favori des Romains, et rapporta un énorme gain au trésor pontifical, fait moins d’honneur à Clément XII. De Brosses, Lettres, p. 2’t sq.

On lui doit d’importantes constructions ; celle en particulier de la façade de Saint-Jean de Latran, sur les flans d’Alexandre Galilei. Il a beaucoup enrichi la Bibliothèque vaticane, à laquelle il donna des règlements nouveaux (21 août 1739). Bullarium, t. xxiv, p. 571. Cf. de Iirosses, Lettres, p. 170 sq. Par son ordre, Assémani lit un second voyage en Orient, et en revint chargé de trésors. Guarnacci, Vita, t. ii, p. 573 sq. ; Reumont, Gcscliichte, t. iii, p. 731, 773 ; Fabronius, De vila, p. 20 sq., G0 sq. Sur la Rome de Clément XII on P’iit consulter les lettres spirituelles et malveillantes du président de Brosses, p. 70 sq.

Comme ses prédécesseurs, Clément XII fut mêlé à la politique de presque tous les États ; ces diverses négociations ne lui rapportèrent guère que des déboires ; les puissances no voulaient plus admettre l’intervention du pape. Le dernier l’arnèse, étant mort le 20 janvier 1731, laissait l’arme et Plaisance à l’infant don Carlos qui s’en empara sans même vouloir faire hommage au

pape pour ces li< f-. apostoliques. La même année, la

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mettre effectivement rain il i.

se porta médiateur entre les révoltés et la République ;

celle-ci rep C hauteur la médiation pontificale.

Fabronius, De nia, p. 13 sq.

La guerre de I ion de Pologne (1733-1737) fut

pour I li.it romain la cause de nombreux malbi Continuant la politique de ses prédécesseurs, I ment XII s’était efforcé de garder une exacte neutralité,

anaissant d’abord Stanislas Leczinski, pui>- apri traité de Vienne, Auguste III. L’infant don (’.conquis le royaume de Naples Bur les Impériaux qui ne conservaient plus que la Sicile, les deux partide ! d, ient l’investiture au pape, qui refusa de se prononcer avant la conclusion du traité-. Malgré- cet !. Clément vit souvent ses Ktats violés soit par les I riaux, soit par les Espagnols ; en 1 7 r i- - » . des iroup>s allemandes prirent leurs quartiers d’hiver sur les territoires de Bologne, Ferrare et l’rbin, et I des pavsans de lourdes contributions ; en même temps les Espagnols levaient des troupes sans autorisation dans l’État pontilical et jusque dans Borne ; des ennuies populaires ayant éclaté à ce sujet contre les recruteurs, Philippe V rappela son ambassadeur, et refusa au nonce l’entrée de son royaume ; il fallut de loi gociations pour rétablir les bons rapports. Fabronius, De vita, p. 101 sq. A la conclusion de la paix, le pape donna l’investiture de Naples à don Carlos, mais essaya vainement de recouvrer Parme et Plaisance qui échurent à l’infant don Philippe. Broscb, Getchxchte, t. il, p. 77. Une difficulté d’un autre genre s’éleva en Espagne en 17.’55. Philippe V, poussé par sa seconde femme, Elisabeth Farnèse, nomma à l’archevêché de Tolède son troisième fils, Louis-Antoine, âgé de huit ans, et exigea du pape l’institution canonique ; Clément XII consentit à accorder à l’infant l’expectative du siège, avec jouissance des revenus, jusqu’au jour où il aurait l’âge d’être consacré archevêque ; de plus, le 19 cembre 1735, il le faisait cardinal. Saavedra, archevêque de La risse, était chargé de l’administration spirituelle du diocèse jusqu’à ce que l’infant eût l’âge requis. Guarnacci, Vitse, p. 588, 696. Le 18 octobre 1737, après de longues négociations dont l’origine remontait au règne de Clément XI, un concordat fut conclu entre le saint-siège et la cour de Madrid, pour régler la collation des bénéfices en Espagne. Picot, Mémoires, t. ii, p. Il sq. ; Fabronius, De vita, p. 112 sq.

A Naples, le jeune roi Charles, âgé de 18 ans, donna bien vite des inquiétudes à la cour de Rome. Il avait amené comme conseiller Bernard Tanucci, professeur de Pise, imbu d’idées régaliennes et très hostile aux papes. Sous son inlluence, Charles envoya à Romi 1737 un mémoire de 2’t articles qui réclamait pour la couronne le droit de nommer à tous les bénéfices du royaume, et de nombreuses restrictions aux immunités ecclésiastiques. I)e violentes discussions s’élevèrent à ce sujet entre Tanucci et la congrégation chargée par Clément XII de l’examen du mémoire. Elles n’étaient pas terminées quand mourut le pape. Picot, Mémoire » , t. III, p. 12 sq.

Les secours envoyés par Clément XII à l’empereur en 1738 pour sa guerre contre les Turcs n’empêchèrent pas qu’après plusieurs défaites Charles VII ne dut signer le traité de Belgrade qui donnait aux Ottomans Belgrade, une grande partie de la Sri lie et de la Valachie (1739).

Benoit XIII avait fait au roi de Sardaigne des conons dangereuses en mature d’immunités eccl< tiques et de nomination aux bénéfices. Voir t. m. col. 705. Clément XII voulut revenir en 1731 BUT ces concessions qui n’élaient pas encore signées ; une rupture diplomatique s’ensuivit, qui ne prit fin que sous Benoit XIV. Picot, Mémoires, t. il, p. 318 sq. ; Fabronius, De vita, p. 48 sq. En 1734, le roi de Portugal exigea que le patriarche de Lisbonne fût de droit cardinal, aussitôt après sa promotion à ce siège ; le pape accorda simplement qu’il aurait le premier chapeau à la nomination du Portugal qui viendrait à vaquer.

De nombreuses conversions de luthériens en Saxe consolèrent le pape ; pour leur faciliter le retour, il leur concéda la propriété des biens d’Église dont leurs ancêtres s’étaient emparés lors de la réforme (janvier 1732). Guarnacci, Vitæ, p. 581.

L’agitation janséniste continuait en France où les folies des convulsionnaires sur la tombe du diacre Paris avaient été signalées dans des mandements de M. de Vintimille, archevêque de Paris. MM. de Colbert, évoque de Montpellier, et de Caylus, évêque d’Auxerre, ayant donné des mandements en faveur de certains miracles du diacre Paris, qu’ils disaient avoir canoniquement constatés, ces mandements furent condamnés par deux brefs de Clément XII (19 janvier et Il octobre 1731). Cf. Picot, Mémoires, t. H, p. 308, 317 sq.

En 1733, les jansénistes de France ayant pris occasion du bref Verbo Dei de Clément XII, qui louait la doctrine de saint Thomas d’Aquin et concédait diverses fiveurs aux dominicains, pour soutenir que les opinions de l’école dominicaine devaient être suivies par tous, et qu’elles étaient contraires à la bulle Uniganitus, le pape donna, le 2 octobre, le bref Apostolicse providenlim, où il flétrissait ceux qui soutenaient « avec une obstination intolérable que la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas sur l’efficace de la grâce divine a été frappée de censure par la constitution Unigenitus » . Cependant, ajoutait le pape, « connaissant pleinement les intentions de nos prédécesseurs, nous ne voulons pas que les louanges données par eux ou par nous à l’école thomiste, louanges que nous approuvons et conlirmons de nouveau, soient en aucune manière préjudiciables aux autres écoles catholiques, qui ont des sentiments différents de ceux de cette école dans la manière d’expliquer l’efficace de la grâce divine, et qui ont aussi rendu à ce siège apostolique des services importants. » Bullarium, t. xxiii, p. 541. Cf. Picot, Mémoires, t. ii, p. 359 sq.

L’archevêque d’Utrecht, Barchman, étant mort le 13 mai 1725, les prétendus chanoines de cette Église lui donnèrent pour successeur Théodore Van der Croon (28 octobre 1734) ; le 27 février 1735, Clément XII excommunia le nouvel archevêque, Varlet son consécrateur, les chanoines électeurs et leurs adhérents. Picot, ibid., p. 374. Les mêmes peines atteignirent en 1739 Mandarlz, successeur de Van der Croon, également consacré par Varlet. Ibid., t. iii, p. 33.

La Tour d’Auvergne, archevêque de Vienne, et Guérin de Tencin, archevêque d’Embrun, puis de Lyon, tous deux déclarés contre les jansénistes, reçurent de Clément XII le chapeau. Ibid., p. 37.

En janvier 1740 furent condamnées VHisloire du livre <fes ré/lexions morales sur le Nouveau Testament et l’édition française de VHisloire du concile de Trente de Sarpi par Le Cou rayer. Bullarium, t. xxiv, p. 664, 665. Enfin, le parlement de Paris ayant, le 21 avril 1739, supprimé des lettres épiscopales qui privaient des sacrements les prêtres ou fidèles mourant sans rétracter leur appel contre la bulle Vnigenitus, l’arrêt fut condamné par un bref du 26 janvier 1 7 10. Bullarium, t. xxiv, p. 667. Cf. Picot, Mémoires, t. iii, p. 40 sq.

Les missions étrangères attirèrent souvent l’attention du pape. Le patriarche d’Alexandrie et 10 000 coptes revinrent à l’unité’romaine pendant son pontificat. Il envoya au Thibet une mission de capucins, fonda des collèges en Calabre pour les jeunes ecclésiastiques du rite grec uni, et à Naples pour les missionnaires des Jndes. Fabronius, Dcvila, p. 61 sq.

Des abus s’étant produits dans la discipline de l’Église maronite, Clément envoya au Liban, en 1736, comme ablégat le savant Assémani ; celui-ci obtint du patriarche Joseph-Pierre Gazeno la convocation d’un concile où figurèrent, sous la présidence du patriarche et la direction effective de l’ablégat, quatorze archevêques ou évêques maronites, deux syriens, deux arméniens et plusieurs abbés de monastères ; le concile tint huit sessions, du 30 septembre au 13 octobre 1736 ; ses actes et règlements, rédigés par Assémani, furent confirmés en 1741 par Benoit XIV. Voir Maronites. Clément XII retira les permissions accordées par Mezzabarba sous Clément XI au sujet des cérémonies chinoises. Voir t. ii, col. 2387.

Le 10 janvier 1731, Clément XII publia la constitution Pastorale of/iciuin qui réglait que le cardinal doyen serait le plus ancien des cardinaux présents en

cour de Borne lorsque le titre viendrait à vaquer. Un

cardinal, absent de la curie temporairement et pour une mission du souverain pontife, pourrait aussi prér tendre à cette dignité ; il n’en irait pas de même s’ft résidait dans une église étrangère dont il aurait gardé le gouvernement en vertu d’un induit ; diverses prescriptions relatives à la bonne administration des évêchés suburbicaires terminent cette constitution. Bullarium, t. xxiii, p. 221.

Le 5 octobre 1732 parut la célèbre constitution Apostolatus offtcium qui établissait plusieurs des] règles encore actuellement suivies pour le conclave. Après avoir confirmé les décrets de ses prédécesseurs sur la même matière, le pape limite les pouvoirs des cardinaux pendant la vacance du siège, prescrit au trésorier général de présenter ses comptes au nouveau pape dans l’intervalle d’un mois après son élection, définit le rôle des cardinaux chefs d’ordres, des gardiens de la clôture, ordonne le secret absolu de toutes les délibérations, recommande la simplicité et la frugalité dans les repas, fixe le nombre des serviteurs du conclave, les pouvoirs du grand-pénitencier et du cardinal-vicaire, les consignes données au commandant du palais où se tient le conclave et à ses officiers ; diverses charges sont supprimées, d’autres déclarées gratuites. Les cardinaux présents à Borne signèrent cette pièce avec le pape. Bullarium, t. xxiii, p. 413. Un chirographe rédigé en italien le 21 décembre 1732 donnait de nouveaux détails. Ibid., p. 456.

Le 23 avril 1738, le pape promulgua la première constitution apostolique dirigée contre la franc-maçonnerie. Elle blâmait « ces hommes de toute religion et de toute secte, qui, sous le spécieux prétexte de l’accomplissement des devoirs de l’honnêteté naturelle, s’unissent par des engagements étroits et occultes, selon les statuts qu’ils se sont donnés eux-mêmes, et, soit par des serments qu’ils prêtent sur les Livres saints, soit par l’exagération de peines rigoureuses qu’ils s’engagent à subir, s’obligent à garder un secret inviolable » . Elle interdisait aux fidèles sous peine d’excommunication, encourue par le fait même, et réservée au souverain pontife, « de s’agréger aux sociétés désignées, de leur donner asile ou de leur prêter concours en aucme façon. » De plus les évéques et les inquisiteurs devaient sévir contre eux comme fortement suspects d’hérésie. Bullarium, t. xxiv, p. 366. Cf. Picot, Mémoires, t. III, p. 20 sq.

Clément XII créa en 1731 l’évêché de Dijon, détaché de Langres, et lui donna pour cathédrale l’église Saint-Étienne. Bullarium, t. xxiii, p. 270. On lui doit les béatifications de Catherine de Bicci (1 er octobre 1732) et de Joseph de Léonissa (19 juin 1737), Bullarium, t. xxiii, p. 412 ; t. xxiv, p.287 ; les canonisations de saint Vincent de Paul, saint Erançois Bégis, sainte Catherine de Fiesque, sainte Julienne Falconieri (16 juin 173*). Bullarium, t. xxiv, p. 232 sq. Le parlement de Paris déclara supprimée la bulle de canonisation de saint Vincent de Paul, parce que le saint y était félicité de son zèle contre le jansénisme naissant ; le cardinal de Fleury fit casser par le conseil l’arrêt du parlement. Picot, Mémoires, t. iii, p. 13 sq.

Clément XII mourut le 8 février 1740, âgé de 88 ans : depuis plusieurs années il était presque complètement aveugle et souffrait de la goutte.

I. Sources. — Bullarium romanum, Turin, 1872, t. xxxiii, xxiv.

II. Travaux. — Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes, t. vii ; Audisio, Histoire religieuse, t. v ; Bower, History of the roman popes, t. x b ; Brosch, Geschichte des Kirchenstaates, t. ii ; de Brosses, Lettres particulières, Paris, 1858 ; Fabronius, De vita et rébus gestis Clementis xii, Rome, 1760 ; Guarnacci, Vitæ et res gestæ pontificum romanorum ; t. ii ; Muratori, Annali d’Italia, Milan, 1749, t. vii. p. 162 sq. ; Petrucelli della Gattina, Histoire diplomatique, t. iv ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviiie siècle, Paris, 1854, t. ii-iii ; Ranke, Die römischen Päpste, t. iii ; Reumont, Geschichte der Stadt Rom, t. iii b.

J. De la Servière.