Dictionnaire de théologie catholique/ANGE. VIII. parmi les averroistes latins.

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 648-650).

saint Michel, fêté le 12 mars, est le protecteur des crues du lleuve. Nilles, Kalendarium manuale, Inspruck, 1898, t. i, p. 697, note 3. Les syriens, comme les grecs célèbrent la commémoration des anges le 8 novembre. Les arméniens la célèbrent aussi à la même époque de 1 année, c’est-à-dire le samedi après le VIIIe dimanche de l’Exaltation de la Croix. Ibid., t. i, p. 463 ; t II, p. 619. Les nestoriens, qui mentionnent fréquemment les anges dans leurs offices, ne leur ont pas dédié, semble-t-il, de fête particulière.

VI. Erreurs sur les anges.

L’erreur commune des nestoriens est que les anges ne jouissent pas de la vue de Dieu, et que la béatitude, pour eux connue pour les hommes, ne doit consister que dans la contemplation de l’humanité du Christ. « L’incessant désir des êtres raisonnables est d’approcher du créateur ; mais ni dans ce inonde ni dans l’autre il n’est donné à la créature de voirson auteur qui habite dans la lumière, et toutefois reste invisible aux anges de lumière eux-mêmes. Mais dès qu’ils en sont jugés dignes, les saints anges et les hommes purs et justes dès ce monde contemplent Notre-Seigneurà visage ouvert ; ils jouiront de son amour dans le siècle futur, lorsque toutes les créatures, raisonnables, corporelles et incorporelles, y seront réunies dans la perfection. » Livre des Pères, I, v, 3, fol. 152, p. 10. Voir Assémani, Disscrlalio de Syris Nestorianis, dans Bibliot/teca orienlalis, t. m b, p. ccxxxii, ccxxxiv. Voir aussi les fragments arméniens de Grégoire le Thaumaturge : Louange de la Mère de Dieu, dans Pitra, Analecta sacra, Spicil. Solesm., t. iv, p. 159, 406.

Les écrivains nestoriens expriment un autre sentiment, en corrélation avec l’idée de la privation de la vision divine ; c’est que les anges d’ordres inférieurs ne jouissent pas continuellement de la vue des chérubins, qui sont les plus élevés. Livre des Pères, I, vi, fol. 156 b, p. 13. J. Parisot.

VII. ANGÉLOLOGIE dans l’Église arménienne. —

1° Saint Grégoire Illuminaient-, apôtre de l’Arménie ({ 332), dans sa Doctrine conservée par Agathange, auteur contemporain, dans son Histoire, Venise, 1862, dit des anges : 1° « Dieu créa de la terre les corps terrestres, et de la lumière les anges, en les ornant d’une lumière splendide, » c. xxxvi ; 2° « Ils habitent dans les airs supérieurs, au-dessus du firmament des eaux, » c. xxiv ; 3° « Ce sont des êtres doués d’intelligence et de raison : et par l’office de leur ministère, ils sont chargés de transmettre aux hommes les ordres de la majesté de Dieu, » c. xxxi. — Voir aussi Garabed Toumaian, Agalltangelos et la doctrine de V Église arménienne au v siècle, Lausanne, 1879, p. 118-129.

2° Eznïg de Golp, évéque de Pakrévante, auteur classique de la première moitié du Ve siècle, a composé un immortel écrit philosophique sur la Réfutation des sectes. Il y explique ainsi la nature des anges (nous reproduisons avec des retouches la traduction de Le Vaillant de Elorival, Paris, 1853) : 1. « Il faut savoir que les anges… sont incorporels, car il est dit d’eux : Il a fuit scs anges esprits, et ses ministres des flammes de feu. Ilebr., i, 7. Or l’Écriture les appelle esprits, à cause de leur vélocité : comme si elle disait qu’ils sont plus légers que les vents ; car pour dire esprit et vent, on emploie le même mot en hébreu, en grec, en syriaque et aussi en arménien. Ils sont appelés encore des êtres enflammés, à cause de leur impétuosité : aussi est-il écrit d’eux, qu’ils sont puissa71ts et remplis de force pour faire sa volonté. Ps. en, 20. Ce n’est pas toutefois qu’ils soient de la nature du vent et du (eu ; car s’ils étaient de celle nature, ils seraient conséquemment appelés corporels et non pas incorporels… Leur nature est donc au-dessus du vent et du feu, plus déliée el plus véloce que l’intelligence. » L. I, c.xxin. — 2. E/nig de Golp en tire ensuite celle conséquence : « Puisque

les anges… sont incorporels, par cela même ils sont sans générations ni lignée. » Ibid., c. xxiv. « Les anges… ne reçoivent ni accroissement par naissance, ni diminution par mort ; mais comme ils ont été créés et institués, de même aussi ils restent en même nombre sans accroissement et sans diminution. » Ibid., c. xxv. — 3. En parlant des apparitions des anges aux patriarches, il dit : « Le Fils de Dieu, venant près d’Abraham avec deux anges, daignait manger dans sa tente. » Ibid., c. XXIII.

— 4. La doctrine des anges gardiens est clairement exposée. « Nous savons, dit Eznig, d’après les saintes Écritures, que les anges sont des serviteurs (arpangag) qui viennent au secours des hommes, des nations et des royaumes, selon ces paroles, Deut., xxxii, 8 : lia marqué les limites des peuples selon le nombre des anges de Dieu (la version arménienne faite sur les Septante porte : selon le nombre des enfants de Dieu ; tandis que la Vulgate lit ici : fdiorum Israël). De même aussi Jésus-Christ dit dans l’Évangile : JVe méprisez pas un des petits, car leurs anges voient toujours la face de mon Père qui est dans les deux. Matth., xviii, 10. Il parait donc qu’à chaque homme en particulier est attaché un ange gardien ; quoique d’autres aient cru, que ces paroles ont été dites par Notre-Seigneur au sujet de la prière : comme si les prières des hommes qui remontent sans cesse devant Dieu, étaient appelées anges. » Ibid., c. xxvi. — 5. En parlant de la vie que possèdent les anges, il dit : « C’est de la plus grande impiété de regarder la vie de l’essence de Dieu comme appartenant à tous les êtres spirituels… et de n’admettre point plutôt une vie créée dans les anges. » L. III, c. vi.

— 6, Il compare les vierges de la sainte Église aux esprits célestes, car « elles renoncent aux bonnes créatures de Dieu, pour aimer davantage le Seigneur : afin que, en ressemblant aux anges de Dieu, chez qui il n’y a ni mâle ni femelle, elles montrent aussi sur la terre la même vertu ». L. IV, c. xill. — 7. Il dit relativement aux astres lumineux, que « quelques-uns ont supposé que les anges les dirigent ». L. III, c. vu.

3 » Saint Nersès le Gracieux, patriarche de l’Arménie (1102-1173), dans le sermon prononcé le jour de son élection parle ainsi des anges : « Les esprits incorporels ayant hérité l’état béatifique, l’immortalité et l’impassibilité, ont gardé immuablement, depuis leur origine, la possession de la gloire et l’honneur ; car les dominations, les puissances, les principautés et les autres ordres hiérarchiques n’ont point permuté les uns avec les autres, en s’élevant plus haut d’un grade inférieur ; ils ne subiront jamais de changement dans ce qu’ils possèdent : mais toujours, durant toute l’éternité, ils conservent ce qu’ils ont reçu du créateur au commencement de leur existence. » Voir Sancti Nersetis Clajensis opéra, Venise, 1833, t. ii, p. 198.

Inutile d’ajouter, enfin, que l’Église arménienne, tant dans la liturgie de la messe que dans le bréviaire, invoque, les saints anges. J. Miskgian.

VIII. ANGÉLOLOGIE parmi les averroïstes latins.

— I. Doctrine d’Averroès sur les intelligences séparées. IL Angélologie des averroïstes latins au xine siècle. III. Angélologie des averroïstes latins au xive siècle.

I. Doctrine d’Averroès sur les intelligences séparées. — Les doctrines d’Averroès avaient déjà pénétré dans le monde latin dès la première moitié du XIIIe siècle, avec ses commentaires sur Aristote. Averroès affirmait la communauté d’un même intellect agent pour tous les hommes, à qui il refusait par suite l’immortalité personnelle et la liberté. Il admettait aussi l’éternité du monde et niait que la providence de Dieu s’y exerçât autrement que par des lois fatales et des intelligences intermédiaires agissant sans liberté. Ces intelligences séparées de la matière répondent dans son système aux anges des théologiens. Elles forment entre elles une échelle d’ordres subordonnés : les intelligences supérieures éclairent et gouvernent les intelligences inférieures. A leur tête est la première intelligence séparée, qu’Averroès distingue de Dieu ; de cette intelligence émanent des intelligences inférieures, qui président à la marche circulaire des sphères célestes, ou qui sont l’âme des astres ; au dernier degré de cette échelle se trouve l’intellect actif qui s’unit à l’intellect passif de tous les hommes et qui est en même temps le moteur de la lune.

Renan, Averroès et l’averroisme, Paris, 1852, I" part., c. il, n.4, 8, p. 88 sq., 115 sq. ; de Wulff, Histoire de la pliilosophie médiévale, n. 245, Louvain, 1900, p. 232.

II. AnGÉLOLOGIE DES AVERROÏSTES LATINS AU XIIIe SIÈCLE.

— i. Condamnations de l’averroisme au xiiie siècle.

— L’averroisme eut d’assez nombreux partisans à l’université de Paris dans la seconde moitié du xiiie siècle. Il exerçait surtout son influence à la faculté des arts et ses principaux représentants étaient Siger de Brabant et Boèce de Dacie. Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin les combattirent et écrivirent contre eux des traités spéciaux. Cependant l’augustinisme, qui avait régné sans conteste à l’université jusqu’à la venue de ces deux illustres maîtres, se montrait défiant vis-à-vis de leur péripatétisme chrétien, comme vis-à-vis du péripatétisme des averroïstes. Aussi lorsque des condamnations durent être portées contre les averroïstes, ne s’inquiéta-t-on point d’examiner si elles ne frappaient pasen même temps certaines propositions de Thomas d’Aquin. Voir Mandonnet, Siger de Brabant et l’averroisme latin au xme siècle, in-4o, Fribourg (Suisse), 1899. Mais il faut reconnaître que, si les thèses du docteur angélique étaient orthodoxes, les doctrines averroïstes professées à cette époque à Paris étaient inconciliables avec la foi chrétienne.

En 1270, l’évêque de Paris, Etienne Tempier, avait eu le projet de porter l’ana thème contre quinze propositions, dont treize exprimaient les doctrines fondamentales de l’averroisme, et dont les deux autres formulaient la doctrine de saint Thomas sur l’identité du corps du Christ dans le tombeau, et aussi, bien que vaguement, sur l’absence de composition dans les anges et dans l’âme. Mandonnet, ibid., p. cxxiv, 35. Mais il ne condamna que les treize propositions averroïstes, parmi lesquelles aucune ne se rapportait aux anges. Du Plessis d’Argentré, Colleclio judiciorum, Paris, 1728, t. i, p. 173, 188 ; Denifle, Charlularium Universitalis parisiensis, Paris, 1889, t. i, p. 487. L’averroisme n’en continua pas moins à être enseigné à Paris. Aussi, quelques années plus tard, le 18 janvier 1277, le pape Jean XXI écrivait à Etienne Tempier de faire une enquête sur ces erreurs et de lui envoyer un rapport à ce sujet. Mandonnet, ibid., p. ccxxvi ; Denifle, Charlularium Universilatis parisiensis, Paris, 1889, t. i, p. 541 ; du Plessis d’Argentré, Colleclio, t. i, p. 175. L’évêque de Paris ne se contenta point de faire une enquête ; le 7 mars 1277, il porta lui-même condamnation contre 219 propositions diverses, que les manuscrits attribuent principalement aux averroïstes Siger de Brabant et Boèce de Dacie, mais dont quelques-unes avaient été enseignées aussi par saint Thomas d’Aquin. On trouvera ces propositions dans du Plessis d’Argentré, Colleclio judiciorum, t.i, p. 177 sq., et, sous une forme meilleure, dans Denifle, Cliartularium Universitatis parisiensis, t. i, p. 543. Cette condamnation outrepassait-elle le droit d’Etienne Tempier, et devait-il s’en abstenir du moment que la cause avait été évoquée par le pape à son tribunal ? Le P. Mandonnet le pense. En tout cas, lorsque saint Thomas fut canonisé, cette condamnation fut rapportée par l’évêque de Paris, le 14 février 1325, en tant qu’elle aurait atteint le nouveau saint. Mandonnet, op. cit., p. Ccliv ; Charlularium Universilatis parisiensis, t. il, p. 280. Ce qui suppose que la condamnation était regardée comme valide

et qu’elle devait garder force de loi pour tout ce qui ne touchait point à la doctrine de saint Thomas d’Aquin. La même année, le dominicain Bobert Kelwardby, archevêque de Cantorbéry, condamna aussi diverses propositions des averroïstes et de saint Thomas d’Aquin ; mais aucune d’elles ne se rapportait aux anges.

2. Ses traits caractéristiques.

Deux traits importants caractérisaient l’averroisme du xiiie siècle. Siger de Brabant affirmait la communauté pour tous les hommes, non pas de l’intellect agent, mais de toute l’âme intellective. Mandonnet, op. cit., p. clxxxv, 92 sq. C’est pourquoi sans doute saint Thomas prête aux averroïstes d’avoir soutenu cette communauté non pour l’intellect agent, mais pour l’intellect possible qu’ils appelaient matériel. Opusc. xv, De unilate intellectus contra averroislas, c. i, dans Opéra, Paris, 1875, t. xxvii, p. 311. Les averroïstes soutenaient encore que ce qui e.U vrai, selon la philosophie, peut n’être point vrai selon la foi catholique. Mandonnet, op. cit., p. clxvii sq. ; Denifle, Charlularium Universilatis parisiensis, t. I, p. 513. Ils n’admettaient donc d’autres preuves que celles que fournissaient les philosophes, et c’est pourquoi saint Thomas n’en invoque point d’autres dans l’opuscule qu’il écrivit contre eux. Cette assertion étrange resta la note caractéristique de l’averroisme durant le moyen âge, avec la doctrine de l’unité de l’entendement.

3. Angélologie des averroïstes du xiiie siècle. — Les ouvrages imprimés de Siger de Brabant professent, à l’occasion, les théories condamnées en 1277 sur les intelligences séparées. Mandonnet, op. cit., p. clxxvii sq. Il en est sans doute de même des écrits encore manuscrits de Boèce de Dacie. Nous trouvons aussi quelques renseignements concordants dans les traités écrits directement contre les averroïstes par Albert le Grand, De unilate intellectus contra Averroem, surtout c. i, H, Opéra, t. ix, p. 437 sq., Paris, 1891, ou par saint Thomas d’Aquin, opusc. xv (al. xvi), De unitate intellectus contra averroïstas, dans Opéra, t. xxvii, p. 311, Paris, 1875. Cf. ibid., opusc. xiv (al. xvi), De substantiis separatis seu de angelorum natura, p. 273, dans lequel cependant la doctrine des averroïstes n’est pas signalée. Mais leurs erreurs sur l’angélologie ne sont nulle part aussi complètement exposées que dans les propositions condamnées en 1277. Comme ces propositions forment d’ailleurs un tout assez homogène, nous pouvons les regarder toutes comme appartenant à leur système, au moins tel qu’il était formulé par les divers représentants de l’averroisme pris ensemble. Il est d’ailleurs possible que quelques-unes de ces erreurs aient été exprimées dans leur enseignement oral sans avoir été formulées dans aucun de leurs écrits ; car saint Thomas leur reproche de ne pas oser écrire leur doctrine, mais de la répandre dans les coins et devant des enfants incapables de juger des choses difficiles, non loquatur in angulis, nec coram pueris qui nesciunt de causis arduis judicare, sed contra hoc scriptum scribat si audet. Ibid., c. vii, in fine, p. 335.

Voici le résumé de cette doctrine. Les intelligences séparées étant sans matière sont par là même éternelles, prop. 71, 72, 80 ; immuables, prop. 69, 71 ; infinies, prop. 86 ; uniques chacune dans son espèce, prop. 81, cꝟ. 96 (cette proposition avait été aussi enseignée par saint Thomas d’Aquin. Sum. theol., I a, q. L, a. 4). Toutes leurs aspirations sont satisfaites, prop. 78 ; leur science est complète de toute éternité, prop. 76, 82 ; elles sont leur propre essence, prop. 79 ; leur science ne diffère pas de leur substance, prop. 85. Elles n’ont pas été produites par une cause efficiente ; mais sont conservées dans l’existence par Dieu et les intelligences supérieures qui sont leur cause finale, prop. 70. Parmi ces intelligences, il y en a de supérieures en effet, et à leur tête une intelligence première, prop. 53, et d’inférieures, prop. 82, 112. Elles mettent les corps en mouvement et à ce titre peuvent être appelées des formes. Mandonnet, op. cit., p. clxxxvii, 96 sq. C’est ainsi qu’il y a une âme qui meut éternellement les corps célestes, leur donne leur nature, prop. 74, 83, 95, 213, et s’en sert comme d’organes, prop. 102. Dieu donne aux intelligences inférieures l’être, prop. 81, ainsi que la connaissance, prop. 82, 83, 112, non par lui-même, mais par des intelligences intermédiaires, prop. 81. Il ne le peut faire sans celles-ci, prop. 53, 63. Les intelligences supérieures produisent les âmes raisonnables (sans doute en les rendant les moteurs des corps) ; les intelligences inférieures produisent l’âme végétative et sensitive par le moyen du mouvement du ciel, prop. 30, 73. C’est à l’aide des corps que l’ange produit des effets corporels, prop. 75. L’intelligence qui meut le ciel influe sur l’âme raisonnable, prop. 74. Les intelligences séparées ne sont nulle part par leur substance, prop. 218, 219 ; elles sont dans le lieu et se meuvent d’un lieu à l’autre par leur opération, prop. 204.

Mandonnet, Siger de Brabant et l’averroïsme latin au xiw siècle, in-4° Fribourg (Suisse), 1899.

NI. Angélologie DES AVERROÏSTES LATINS AU {{rom-maj|XIV)e SIÈCLE.

— L’averroïsme continua à être défendu à Paris et à Oxford pendant le {{rom-maj|XIV)e siècle. Il garda même des partisans en Italie jusqu’au {{rom|xvii)e siècle. Mais la plupart se bornèrent à répéter les doctrines de leurs devanciers et à suivre servilement les enseignements d’Averroès, sans y rien ajouter de personnel. De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, n. 345-347, Louvain, 1900, p. 371.

i. Jean de Baconthorpe. — Indiquons ici les vues d’un des averroïstes les plus célèbres de cette époque, le carme anglais Jean de Baconthorpe, surnommé le docteur résolu († 1346). Tout en suivant Averroès, il ne manque pas d’originalité. Voici quelques-unes de ses opinions. Dieu produit une première intelligence ; celleci à son tour en produit plusieurs autres d’où en émanent d’autres toujours moins parfaites. IV Sent., 1. II, dist. I, q.i, a. 3, §2. Par rapport à toutes les intelligences ainsi produites, Dieu et les intelligences supérieures ne sont pas causes efficientes mais causes finales, et c’est à ce tilre qu’ils leur donnent l’être. I V Sent., LU, dist. I, q.i a. 3, a. 4, §.2. Les intelligences séparées sont des actes purs, non en ce sens qu’il n’y a pas de différence entre leur substance et leurs actes, ce qui a été condamné à Paris en 1277, mais en ce sens qu’elles sont constamment en acte second et jamais en puissance. IV Sent., 1.11, dist. V, q. i, a. 3. Les intelligences supérieures ne connaissent qu’elles-mêmes ; car elles s’abaisseraient en prenant connaissance de ce qui est au-dessous d’elles. Les intelligences inférieures connaissent les intelligences supérieures et se connaissent elles-mêmes. L’ange ne connaît ce qui lui est inférieur que dans sa propre essence et d’une façon consécutive à cette essence, comme on pourrait connaître les conséquences contenues dans un principe, en se bornant à considérer ce principe. I V Sent., 1. II, dist. V, a. 5 ; dist. VI, a. 2.

Les intelligences meuvent les sphères célestes selon les diverses manières dont elles considèrent et comprennent l’intelligence première et son action qui est la plus noble desactions. 1 V Sent., 1. II, dist. V, a.2. Jean de Baconthrope n’admet pas comme les averroïstes condamnés en 1277 que la matière et la quantité sont le principe d’individuation, prop. 96, 81 ; il prétend même qu’on prête à tort ce principe à saint Thomas d’Aquin qui, selon lui, aurait fait de la quantité le principe non de l’individuation mais de la division et de la multiplication des individus. Pour lui, il place le principe de l’individuation dans la (orme. IV Sent., 1. III, dist. XI, q. ii, a. 2, § 2.

Ainsi Jean de Baconthorpe ne suit pas toutes les opinions de Siger de Brabant et de Boèce de Dacie. Il fait même profession de rejeter les propositions de ces auteurs qui ont été coudamm es par l’autorité ecclésiastique.

2. Jean de Jandun. — Un non moins célèbre averroïste qui enseignait à la même époque à Paris, Jean de Jandun, affiche une soumission plus complète encore à l’autorité de l’Église. Il proclame qu’il adopte et soutient la doctrine catholique, mais se déclare incapable de la prouver et en laisse le soin à de plus habiles. Il expose en même temps, avec complaisance et de la façon la plus servile, la doctrine d’Averroès avec toutes les réponses que ce philosophe a faites ou pouvait faire aux théologiens. Il ajoute que les enseignements du commentateur arabe offrent beaucoup moins de difficultés que les enseignements de la foi. Quœstiones in 1res libros de anima, Venise, 1507, passim, et spécialement, 1. III, c. vii, fol. 58-61 (cf. de Wulf, op. cit., p. 373) ; Metaphysica, Venise, 1525, passim. C’était une manière détournée d’enseigner l’averroïsme, que Jean de Jandun n’osait professer directement.

Karl Werner, Die nachscotistiche Scholastik, Vienne, 1883, p. 144 sq., 190 sq. ; Id._, Der Averroismus in d. christlich-peripatetischen Psychologie, dans Sitzungsber. dervkad. Wien., Phil. hist. KL, 1881, p. 175 sq.

A. Vacant.

IX. ANGÉLOLOGIE dans les conciles et DOCTRINE DE L’ÉGLISE SUR LES ANGES. — I. Conciles du {{rom|iv)e siècle : création et culte des anges. II. Anathème contre Origène (vi « siècle). III. Sixième concile œcuménique, troisième de Constantinople (680, 681) : nature de l’immortalité des anges. IV. Septième concile œcuménique, second de Nicée (787) : en quel sens certains auteurs entendaient l’incorporéité des anges. V. Synode romain de 745 et concile d’Aix-la-Chapelle de 789 : noms des anges. VI. Douzième concile œcuménique, quatrième de Latran (1215) et concile du Vatican (1870). VII. Conciles particuliers du xvine et du {{rom|xix)e siècle. VIII. Doctrine de l’Église sur les anges.

Les textes des conciles relativement aux anges sont peu nombreux. La plupart formulent la doctrine de l’Église ; quelques-uns donnent lieu au contraire à des objections contre cette doctrine. Nous allons étudier ces divers textes ; puis nous essayerons de déterminer quels sont les enseignements que l’Église nous impose au sujet des anges. Nous n’avons pas à nous occuper des décrets des papes relativement à la matière ; car ils n’en n’ont guère porté sur ce sujet que dans les conciles dont il va être parlé.

I. Conciles du {{rom|iv)e siècle : création et culte des anges. — Le symbole de foi promulgué au concile de Nicée (325), et renouvelé au second concile œcuménique, premier de Constantinople (381), affirme contre les doctrines dualistes la création de toutes les choses, soit visibles soit invisibles, par un même Dieu. Le Père y est appelé en effet l’auteur de toutes les choses soit visibles soit invisibles, 7tâvTiv ôpatwv te xat àopaTiov 7101T)Tïiv. Denzinger, Enchiridion symbolorum, 6e édit., Wurzbourg, 1888, n. 17, 47, p. 9, 14 ; Hahn, Bibliothek der Symbole und Glaubensregeln der alten Kirche, 3e édit., Brestau, 1897, § 142, 144, p. 161, 162. Cette dénomination se retrouve dans presque tous les symboles de l’Orient, Hahn, ibid., passim, et dans plusieurs formes occidentales du symbole soit avant le concile de Nicée, Hahn, ibid., § 31, p. 34 (interrogation sur la foi en usage dans l’Église romaine au commencement du ine siècle), soit après, Hahn, ibid., § 158, p. 209 (symbole du premier concile de Tolède vers 400). Le symbole du concile de Nicée affirme encore que par le Christ ont été faites toutes les choses, et celles qui sont dans le ciel, et celles qui sont sur la terre, rà te èv tû oùpavéo xa rà èv trj yr. Denzinger, ibid., n. 17 ; Hahn, ibid., p. 161. Ces derniers mots ne sont pas reproduits dans le symbole de Constantinople ; mais, dans un grand nombre de formes orientales du symbole de foi, il est dit expressément du Fils que par lui ont été faites les choses visibles et invisibles. Hahn, ibid., p. 136, 138, 140, 149, 152, 187,