Dictionnaire de théologie catholique/AGONIE DU CHRIST

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 318-322).

AGONIE DU CHRIST.
Saint Luc, xxii, 43, se sert de cette expression pour rendre l’angoisse du Christ, lorsqu’il priait à l’écart au jardin des oliviers, avant d’être arrêté par les Juifs. Nous reviendrons ailleurs sur la volonté que le Sauveur manifesta en cette circonstance. Nous ne nous occuperons ici que des particularités relatées par saint Luc au verset 43, où il est question de cette agonie, et au verset 44 qui suit. Voici le texte de ces deux versets :

43. Apparuit autem illi angeOr il lui apparut un ange du lus de coelo, confortans eum. ciel qui le fortifiait. Et étant Et factus in agonia prolixius entré en agonie il redoublait sa orabat. prière.

44. Et factus est sudor ejus, Et sa sueur devint comme sicut guttæ sanguinis decurdes gouttes de sang découlant rentis in terram. sur la terre.

"Q ?8ï) 8î aÙTiji "AyyeXo ; àiz’ovipavoû, èvt<r/-j(ov aOxdv. Kai y£vd(J.£voc èv ayuvt’ï, èxTevé<TT£pov 7rpo<jvyj)(ETO.’Eyiveto 5è 6 tôpio ; a’jToû toCTEt Gpou, oot ca^aTo ; xaTaSaîvovre ; Liz ttjv vf, v.

Nous établirons d’abord l’authenticité de ces versets. Nous en ferons ensuite connaître le sens et les conséquences théologiques. Nous rechercherons enfin, d’après les données de la science moderne, de quelle nature fut la sueur de sang du Christ et quelle en était la cause.

I. AGONIE DU CHRIST. Authenticité du récit (Luc, XXII, 43, 44).
I. Authenticité des deux versets.
II. Explication de la divergence des textes.

I. Authenticité des deux versets. — Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’est aperçu qu’à cet endroit de saint Luc textes et versions présentent des divergences. Saint Ililaire, De Trinit., iv, 1, P. L., t. x, col. 375, faisait déjà remarquer que dans la plupart, des exemplaires, tant grecs que latins, on ne trouvait rien au sujet de l’apparition de l’ange et de la sueur de sani ; . Saint Jérôme, Dial. adv. Pclag., il, 16, P. L., t. xxiii, col. 552, confirme ce témoignage quand il dit que ces deux versets se lisent seulement dans quelques exemplaires, soit grecs soit latins. Saint Epiphane a connu lui aussi des textes grecs dans lesquels les orthodoxes avaient supprimé ce récit. Ancor., xxxi, P. G., t. mil, col. 73. (Il est vrai que Grotius et Petau, reproduits par Migne, ont entendu cette remarque de saint Epiphane, non pas de Luc, XXII, 43, 44, mais de Luc, XIX, 41. Une élude attentive de tout le passage fait bien voir que, si grammaticalement cette opinion paraît plus acceptable, elle est tout à fait insoutenable au point de vue de la critique littéraire. D’ailleurs la phrase trahit à cet endroit tant de malaise qu’il faut admettre, semble-t-il, quelque altération du texte original.) Enfin, le fait que saint Ambroise, P. L., t. xv, col. 1818, et saint Cyrille d’Alexandrie, P. G., t. lxx, col. 921, omettent, en commentant saint Luc, l’explication du passage, donne à entendre que leur texte ne le portait pas.

Les anciens manuscrits. — C’est qu’en effet une étude comparée des anciens manuscrits, tant du texte que des versions, permet de les distribuer en deux catégories. Les uns omettent le passage en question ou l’accompagnent de signes restrictifs ; les autres l’admettent au même titre que le reste. Voici la liste complète de ces antiques témoins, telle que la critique textuelle permet de la dresser aujourd’hui. Au fur et à mesure nous apprécierons la portée des témoignages pour et contre.

Omettent Luc, xxii, 43, 44, les onciaux N a ABRT (voir sur les manuscrits ici désignés, l’article Luc [Evangile de saint]) ; mais il est à noter que n l’avait primitivement, survint plus tard un correcteur (Siopôwirri ; ) N a qui le pointilla et l’enferma entre des crochets qu’un autre correcteur N b chercha à effacer. — A a dû être transcrit sur un apographe portant les deux versets 43 et 44 puisqu’il rattache au second membre du verset 42 uX^v fj.T| la section ( CT7T ^ I des canons dits d’Eusèbe, laquelle concerne en réalité les versets 43 et 44. On veut éluder la portée de cette observation en disant que le copiste n’aura pas demandé au même apographe le texte et le sectionnement ; ce qui est, dans le cas, une supposition au moins gratuite. — Il ne saurait être question ici de C qui est fruste à partir de Luc, xxii, 19 ; mais les versets 43 et 44 y ont été ajoutés en marge tertia manu après Matth., xxvi, 39. — Les cursiꝟ. 124, 561 les omettent complètement ; 13 n’a de première main que les mots dispOr) 8é, le reste est ajouté en marge ; d’où on peut conclure qu’il a été oublié ou omis volontairement. Dans T, 123, 344, 440, 512, ces versets sont notés d’un obèle, et même dans 440 le verset 43 est de seconde main. Dans ESVAI1, 24, 36, 161, 166, 274, 408, ils ont un astérisque qui a bien pu être une simple indication pour la lecture publique. Enfin 34 a une note pour avertir que ces versets manquent dans certains exemplaires. Voilà pour les textes, venons maintenant aux versions. — Le cod. Brix. f est le seul exemplaire des versions latines antéhiéronymiennes qui omette ces versets ; une dizaine de manuscrits de la version bohaïrique les négligent également ; ce sont, d’après Lightfoot, cod. 2, 4, 8, 9, 16, 17, 19, 22, 26 ; tandis que 1 et 20 les portent en marge. On les trouve de première main dans 3, 14, 21 et 18 mais en caractères plus petits. Absents aussi de la version syriaque trouvée en 1895 au Sinaï, par M me Lewis.

— Omis également dans tous les Evangéliaires grecs connus et par cod. 69 et ses acolytes 178, 443, qui leur sont apparentés. Mais il est souverainement important de remarquer que ces mêmes evangéliaires ont tous, comme C, les deux versets en question après Matth., xxvi, 39, où ils font partie de la lecture publique marquée pour le jeudi de la semaine sainte. Les cursifs 316, 517 et 13 (ce dernier en marge) présentent également le passage non seulement dans saint Matthieu, mais encore à sa place primitive dans saint Luc ; ce que font aussi quelques manuscrits arméniens. L’évangéliaire syriaque, dit d’Adler (Assélnani n. 2), porte en marge une note d’origine philoxénienne pour avertir que ce passage ne se trouve pas dans les évangiles alexandrins. Au contraire, Luc, xxii, 43, 44, se lit sans aucune hésitation dans nDIGI1KLMQUXA 1 et tous les autres cursifs connus, à l’exception de ceux dont nous venons de parler ; dans les versions syriaques Pcschito, Cureton (qui omet àîr’oOpavoù), charldéenne, hiérosolymitaine (cette dernière portant un obèle en marge) ; dans les versions éthiopienne, coptes, arménienne et arabe ; dans les versions latines antéhiéronymiennes a b ce /P- <7’.'i / </, dans tous les manuscrits de la Vulgate ; enfin dans le ÂtaTeacrâptov de Tatien qui date du IIe siècle. Cf. édit. Ciasca, p. 55 et Mœsinger, p. 235.

Les écrits des saints Pères.

Le nombre et la qualité des témoins entendus prédisposent déjà en faveur de l’authenticité, mais si des textes et des versions on passe aux écrits des Pères, c’est à la certitude que doit aboutir l’examen. Les adversaires comme les partisans de l’authenticité conviennent du fait et de l’exactitude de ces citations ; aussi bien nous bornons-nous ici à celles qui sont plus anciennes et particulièrement significatives. Qu’il suffise de nommer saint Justin, P. G., t. vi, col. 717, saint Irénée, P. G., t. vii, col. 957, saint Hippolyte, P. G., t. x, col. 828, saint Denys d’Alexandrie, P. G., t. x, col. 1592, saint Épiphane, P. G., t. xliii, col. 73, saint Chrysostome, P. G., t. lviii, col. 740, Théodoret, P. G., t. lxxx, col. 961 ; t. lxxxiii, col. 325, saint Éphrem, Evang. concord. Exposit., édit. Mœsinger, p. 235, saint Jérôme, P. L., t. xxiii, col. 552, saint Augustin, P. G., t. xxxiv, col. 1165, saint Hilaire, P. L., t. x, col. 375, qui est incertain, le pseudo-Denys l’aréopagite, P. G., t. iii, col. 181, Arius, Nestorius, P. G., t. xlii, col. 232, Théodore de Mopsueste, P. G., t. lxvi, col. 725, etc. Qu’on ne dise pas que les Pères ont bien pu connaître exclusivement par la tradition l’apparition de l’ange et la sueur du sang ; car ils trouvent ce récit dans l’Écriture ou, tout au moins, en font un usage manifestement scripturaire : « Plus de quarante auteurs célèbres, répandus par tous pays de l’antique chrétienté, reconnaissent que ces versets appartiennent à l’Evangile ; quatorze d’entre eux sont aussi anciens, et plusieurs beaucoup plus anciens que les plus vieux manuscrits survivants de l’Évangile. » Burgon, Revision revised, p. 81. Le pseudo-Denys pourrait seul faire quelque difficulté, mais il ne faut pas oublier que dans le style des auteurs ecclésiastiques le mot TtapâSoii ; ne signifie pas toujours la tradition par opposition à l’Écriture ; quelquefois on veut désigner parla l’Écriture elle-même telle qu’elle est garantie par la tradition. Ce dernier sens serait dans le cas tout à fait ad rem, puisque l’auteur se sert ici d’un texte que plusieurs exemplaires ne portaient pas.

Tous les éditeurs du Nouveau Testament ont regardé notre passage comme authentique. Lachmann (1842) s’est avisé le premier de l’imprimer entre crochets. Puis sont venus MM. Westcott et Hort qui le tiennent pour une interpolation d’origine occidentale, faite de très bonne heure et d’après quelque tradition. Leur sentiment repose avant tout sur la confiance excessive qu’ils ont mise en B. C’est là le fondement de tout leur système critique et c’est aussi ce qui en fait la fragilité. On commence à le voir et à le dire. MM. Tischendorf, Hammond, Scrivener, Cebhardt et Nestlé sont d’un avis contraire et se prononcent résolument pour l’authenticité.

II. Explication de la divergence présentée par les textes.

Reste à rendre compte de la divergence présentée par les textes. Comment s’est-elle produite ? On a fait à cette question plusieurs réponses dont il importe d’apprécier la valeur.

1° Les docètes, voyant que ce passage était décisif contre eux, l’auront fait disparaître, et l’altération se sera reproduite, multipliée par la transcription. — Celle hypothèse ne repose sur aucun témoignage positif. De plus, il est inadmissible qu’une secte relativement restreinte ait réussi à faire prévaloir son texte au point d’être, au IVe siècle, le plus communément reçu, tant en orient qu’en occident, s’il faut en croire saint Hilaire et saint Jérôme.

2° Les orthodoxes, c’est-à-dire les catholiques d’alors, l’ont supprima, au moins dans la lecture publique, de peur que le spectacle du Christ agonisant, réduit à être réconforté par un ange, ne fût interprété, dans un sens arien, de l’infériorité du Verbe. P. G., t. xlii, col. 231, 299 ; t. xliii, col. 73, 83. Photius accuse les syriens de cette résection ; Nicon, Isaac le catholique et d’autres encore en rendent les arméniens responsables. Saint Épiphane le met sur le compte des orthodoxes en général, comme nous avons déjà dit ; et si son témoignage ne porte pas sur Luc, xxii, 43, 44, il a certainement pour objet un cas absolument semblable. — Quelque documentée que soit cette hypothèse, elle ne tient pas devant le fait incontestable que les versets retranchés dans saint Luc se lisent dans saint Matthieu, xxvi, 39 ; et cela précisément dans les évangéliaires destinés à la lecture publique. A quoi bon taire dans le troisième Évangile ce qu’on publiait dans le premier ?

3° Reste une troisième explication qui paraît beaucoup plus acceptable, Scrivener n’hésite pas à la faire sienne. On sait, à n’en pas douter, que pendant les quatre premiers siècles, il y eut plusieurs essais de concordance évangélique. Du quadruple récit on en faisait un seul, aussi complet que possible sans redites ni lacunes. Le plus remarquable monument de ce genre est le Diatessaron de Tatien. Sans aller aussi loin, les rédacteurs des évangéliaires se seront inspirés de la même méthode. Quand il était question de fixer d’une façon définitive la lecture à faire pour une fête donnée, il fallait bien se prononcer pour le récit de l’un des quatre évangélistes. Mais si l’on s’arrêtait à saint Matthieu par exemple, on avait soin de le compléter par l’intercalalion de fragments tirés des trois autres, dans le cas où le récit du premier Évangile était incomplet. Il est aisé de s’imaginer quelle confusion ce procédé ne tarda pas à introduire dans le texte biblique. Nous n’en sommes pas réduits ici à une simple conjecture ; saint Jérôme, P. L., t. xxix, col. 528, dans sa préface au pape Damase, dit clairement ce qu’il en était : Magnus siquidem hic in nostris codicibus error inoleint, dum quod in eadem re alius Evangelista plus dixit, in alio quia minus putaverint, addiderunt. Vel dum eumdem sensum alius aliter expressit, ille qui unume quatuor primum legerat, ad ejus exemplum ceteros quoque existimaveril cmendandos. Unde accidit ut apud nos mixla sint omnia et in Marco plura Lucse atque Matthœi. Bursum in Matthseo plura Joannis et Marci et in ceteris reliquorum quæ aliis propria sunt inveniantur. L’insertion de Luc, xxii, 43, 44, dans Matth., xxvi, 39, n’est pas un cas isolé. Pour nous borner ici à un seul exemple, on peut constater dans cette même section, que les évangéliaires prescrivent de lire, le jeudi soir de la semaine sainte, l’intercalation du lavement des pieds : c’est Jean, xiii, 3-17, transporté entre le verset 20 et le verset 21 de Matth., xxvi. L’habitude qu’on avait d’écrire et de lire Luc. xxii, 43, 44, après Matth., xxvi, 39, passa bientôt des évangéliaires à quelques exemplaires ordinaires des Évangiles, puis l’altération se propagea au point d’être assez commune dans le monde gréco-romain du IVe siècle. Moins de trois siècles plus tard, les versets interpolés avaient fait retour à leur place primitive, tellement que l’ancienne erreur ne restait plus que dans un petit nombre d’exemplaires. C’est saint Anastase du Sinaï qui nous l’apprend, P. G., t. lxxxix, col. 290. 11 rend même raison de ce triomphe définitif de l’intégrité du texte évangélique : « On peut bien, dit-il, fausser une leçon dans un nombre plus ou moins grand d’exemplaires grecs et latins ; mais comment altérer toutes les versions qui existent déjà en soixante-douze langues ? » C’est aussi la remarque de saint Jérôme dans cette même préface au pape Damase, que nous venons de citer : Nec emendare quid licuit… nec profuit, cum multarum gentium linguis Scriptura anle translata doceat falsa esse quæ addila sunt.

4° Nous suggérons en finissant une dernière hypothèse. Les plus anciens témoignages — ceux de saint Justin et de saint Irénée — établissent, il est vrai, que le récit de la sueur de sang se lisait dans le texte évangélique du IIe siècle (saint Justin le dit expressément) ; mais ils ne précisent pas si c’était dans saint Luc ou dans saint Matthieu. Dès lors, ne pourrait-on pas supposer que la place originelle du passage fut contestée de très bonne heure ? Peut-être même que la suspicion dont il 1 été l’objet se rattache à quelque réaction contre ce culte excessif des anges que saint Paul condamne dans son Épitre aux Colossiens, ii, 18. Il sera resté plus ou moins errant jusqu’à l’époque assez tardive où il se fixa définitivement dans saint Luc, et avec raison, puisque sa terminologie l’y rattache nettement. De la sorte s’expliquerait mieux l’état de l’appareil critique qui se présente ici avec un caractère fort complexe. Bien que les trois grandes familles de textes se trouvent représentées des deux cotés, il semble cependant que le texte occidental et le texte syrien, dans leur majorité, l’attribuent à saint Luc, tandis que le texte alexandrin l’omet. Quoi qu’il en soit de son explication, le fait lui-même reste solidement établi ; l’étude critique des documents écrits donne le droit de conclure que Luc, XXII, 43, 44, fait partie intégrante et authentique du texte évangélique. Pour les raisons théologiques qui militent en faveur de la même conclusion voir le mot Vulgate.

Scrivener, A plain [ntrod. to the criticism of Oie new Test., t. il, p. 353-356 ; Westcott et Hort, The new Test, in the orig. greek, Append., p. 64-67 ; Cornely, Introd. in U. T. libros sacras, t. iii, p. 133 ; J. P. P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament. Partie pratique, t. iii, in-4o (lithograph.), Paris, 1884-1885.

A. Durand.

II. AGONIE DU CHRIST. Interprétation et conséquences théologiques du récit.

I. {{|Interprétation.}} —

Apparition de l’ange.

La manière dont s’exprime le texte grec laisse entendre que Jésus vit réellement un ange et par conséquent que celui-ci avait revêtu une forme visible. Il fortifia l’humanité du Sauveur : son âme pour qu’elle supportât la tristesse dont elle était accablée, et aussi son corps, qui éprouvait les effets de cette immense douleur. Jésus n’avait pas besoin de ce secours et il ne pouvait rien apprendre de l’ange. Aussi quelques Pères ont-ils cru que cet ange «’-tait venu rendre hommage à sa force d’âme plutôt que le fortifier. Mais la plupart estiment qu’il le fortifia véritablement en lui suggérant les pensées propres à adoucir sa tristesse et réconforter la partie inférieure de son âme. Voir Suarez, In lll* m partem, q. xii, a. 4, comment., n. 2, qui, tout en souscrivant à ce sentiment, croit que le Sauveur ne laissa point pénétrer cet adoucissement dans son âme, puisque le texte sacré le représente tombant en agonie, aussitôt après l’apparition de l’ange.

Agonie. —

Ce terme àytovca ne se trouve point dans d’autres passages de la sainte Écriture. Il désignait, chez les écrivains profanes, les luttes des exercices gymnastiques, ou encore l’émotion et l’angoisse des lutteurs avant le combat, ou en général les agitations violentes de l’âme. Dans saint Luc, il exprime l’angoisse éprouvée par Jésus dans l’appréhension de sa passion. Schleussner, Ntivnm Lexicum inNovum Testamentum, Leipzig, 1801, v° Agonia. Il traduit donc la même tristesse que Jésus faisait connaître à ses apôtres, avant sa prière, lorsqu’il leur disait d’après saint Matthieu, XXVI, 37, et saint Marc, xiv, 34 : « Mon âme est triste jusqu’à la mort. » Seulement cette tristesse paraît s’être transformée en une plus grande douleur encore, après que Jésus eut formulé son acceptation de toutes les souffrances qu’il devait endurer, ainsi que saint Luc le rapporte, xx, 42 : Pater si vis, transfer calicem islam a me ; verumiamen non mea voluntas sed tua fiât. Saint Matthieu et saint Marc avaient parlé de la tristesse qu’il (’prouvait déjà avant celle acceptation, saint Luc désigne sous le nom d’agonie l’angoisse qu’il (’prouva après s’être soumis à boire le calice. Il laisse entendre que cette angoisse fut alors plus grande qu’auparavant, non seulement par le nom d’agonie qu’il lui donne, mais encore par l’observation qu’il fait que, dans cette agonie, Jésus pria plus longuement, ou, suivant le grec, avec plus d’insistance : ce qui suppose que sa tristesse était plus vive qu’au commencement de sa prière. Nous avons d’ailleurs des indices de l’immensité de son angoisse, dans l’intervention de l’ange qui vint le fortifier et dans la sueur de sang qui fut l’effet de cette terrible agonie. L’intensité de la douleur intérieure du Sauveur s’explique suivant saint Thomas, Suni. theol., III a, q. xlvi, a. 6, par plusieurs raisons :
1. en raison de la cause de cette douleur : cette cause fut d’abord le poids de tous les péchés pour lesquels il satisfit par ses souffrances ; ce fut ensuite en particulier la faute des Juifs et des autreshommes qui contribuèrent à ses tourments et à sa mort, surtout de ses disciples qui se scandalisèrent de sa passion ; ce fut aussi la perte de la vie du corps dont la nature a horreur ;
2. en raison de la délicatesse de son âme, faite pour sentir très vivement toutes les peines ;
3. en raison de la pureté de sa douleur, qu’il voulut supporter en entier, sans qu’elle fût diminuée par aucune des considérations qui adoucissent nos souffrances et en distraient notre attention ;
4. en raison de la manière absolument volontaire dont Jésus accepta cette douleur, dans toute son immensité, telle qu’elle devait être pour répondre à son fruit, c’est-à-dire à notre rédemption du péché.

Sueur de sang.

Théophylacte, archevêque de Bulgarie, In Luc, xxii, 44, P. G., t. cxxiii, col. 1081, dit que l’évangéliste, en parlant d’une sueur de sang, comme on parle de larmes de sang, a voulu simplement dire que Jésus avait transpiré abondamment. Euthymius Zigabenus, In Matth., xxvi, 44, P. G., t. cxxix, col. 685, prétend aussi qu’il n’est pas question ici d’une sueur de sang, ni même d’une sueur rouge, mais seulement d’une sueur comparable à du sang par son épaisseur. Quelques catholiques et un assez grand nombre de protestants (cf. Fillion, Essais d’exégèse, Paris, 1884, p. 119, reproduction d’un article publié sous le pseudonyme de Faivre, dans La controverse, 1881, p. 203), ont suivi cette interprétation. Ils s’appuyent sur l’expression ùxjv., comme des gouttes de sang, employée par l’évangéliste : expression qui indiquerait, suivant eux, une simple comparaison. Mais les mots ebarsî, <Lç marquent aussi le caractère réel des personnes ou des choses auxquelles on les applique. Qn peut le voir dans saint Matthieu, XXI, 26, dans saint Jean, i, 14, et plus spécialement dans saint Luc, xv, 19 ; xvi, 1 ; Act., Il, 3. Tel est le sens du mot ùxtei dans le passage qui nous occupe ; car une comparaison de la sueur avec le sang à cause de son épaisseur ou de son abondance serait chose inouïe et ne vient à rimagination.de personne. La manière dont parle saint Luc : Sa sueur devint, iyivvto, comme des gouttes ou des caillots, 6pd|j.ëoi, de sang, a"|xaToç, font penser à tout lecteur que cette sueur prit la couleur rouge et même la nature du sang. C’est donc là le sens naturel du texte. D’ailleurs si l’évangéliste avait voulu faire une simple comparaison, il aurait dit au nominatif singulier que cette sueur découlait sur la terre, decurrens ; mais il se sert, d’après la Vulgate, du génitif decurrentis in terram qui se rapporte au sang, sanguinis, et d’après le grec du nominatif pluriel, xataSatvovTe ; , qui se rapporte aux gouttes de sang, OpépXot. C’est une nouvelle preuve que la sueur du Christ qui découlait à terre (’tait au moins mêlée de sang. Aussi est-ce ainsi que presque tous les saints Pères et les exégëtes ont entendu ce passage. — Quelques-uns ont attribué celle sueur sanglante à une cause miraculeuse, mais la plupart y ont vu un effet naturel de l’angoisse si cruelle que le Sauveur ressentait. L’article qui suit montrera que ce sentiment s’accorde de tous points avec les données de la science moderne.

II. Conséquences théologiques.

De ce que Jésus a été fortifié par un ange et de ce qu’il a été accablé de tristesse jusqu’à suer du sang, il se dégage deux conséquences théologiques principales, l’une dogmatique, l’autre morale. Conséquence dogmatique. — Jésus a pris la nature humaine, inférieure à la nature de l’ange par lequel il est fortitié, soumise à la souffrance et aux infirmités, et composée d’un corps passible et véritable, puisque sa sueur sanglante se répand sur la terre. Cette conséquence a été mise en lumière par les saints Pères, pour établir la réalité de l’incarnation, en particulier par saint Irénée, Contra hær., l. III, c. xxii, P. G., t. vu col. 957 ; saint Hilaire, De Trinitate, l. X, n. 41, P. L., t. x, col. 375 ; saint Épiphane, Ancoratus, c. xxxvii, P. G., t. xliii, col. 84.

Conséquence morale. — La morale stoïque nie la douleur ; elle fait consister le courage à ne point sentir la souffrance et à se suffire à soi-même. Partant de cette conception de la vertu et du courage, on a reproché à Jésus d’avoir tremblé devant la mort. Cette accusation déjà formulée par Celse, cf. Origène, Contra Cels., l. II, n. 24, P. G., t. xi, col. 840, a été répétée jusqu’à nos jours. Mais il n’y a aucune lâcheté à redouter la douleur et la mort, il y en aurait seulement à essayer de s’y soustraire, lorsqu’on doit les subir. Or Jésus, loin de fuir et de se soustraire à l’atteinte des Juifs et aux souffrances, accepte au contraire le calice qui lui est réservé ; il attend Judas et sa troupe pour se livrera eux. Mais cela ne l’empêche point de permettre à un ange de le réconforter, et d’éprouver de cruelles angoisses. Il met ainsi sous nos yeux, dans sa personne, l’idéal de la vertu chrétienne, beaucoup plus accessible à l’imitation de tous que l’idéal du stoïcisme, et beaucoup moins contraire aux sentiments naturels de l’homme. C’est un idéal où l’humilité comme la connaissance de la faiblesse humaine et la souffrance ont leur place à côté de la force d’âme. Il n’oblige pas celui qui va subir de grandes i tortures, à s’enfermer en lui-même pour rejeter toute | consolation et tout secours du dehors et à traiter la douleur comme un vain mot. Jésus au contraire redoute les maux qu’il accepte, il prie son Père, il invite ses disciples à le prier avec lui, il se laisse humblement fortifier par l’ange qui lui apparaît. Ces prières, cette humilité, ce sentiment de la douleur ne diminuent point la valeur de son courage ; ce sont des preuves de la vérité de sa force d’âme, et de la sincérité de toutes ses paroles. ]

S. Thomas, Sum. theol., III", q. xii, a. 4, ad 1°™ ; Suarez, In tertiam partem, in hune lecum et disp. XXXIV. sect. ii, Opéra, Paris, 1872, t. xvili, p. 70 ; t. xix, p. 542 sq. ; dom Galmet, Dissertation sur la sueur de sang, dans Dissertations qui peuvent servir de Prolégomènes à l’Écriture Sainte, Paris, 1720, t. iii, [ p. 012-625 ; Faivre (pseudonyme), L’ange et la sueur de sang, dans La controverse, 1881, t. i, p. 190-210, reproduit dans Fillion, Essais d’exégèse, in-12, Paris, 1884, p. 101-127 ; les commentateurs de saint Luc, par exemple Knatienbauer, Evangelium secundum Lucam, Paris, 1890, p. 590 sq.

A. Vacant.



III. AGONIE DU CHRIST. La sueur de sang.
I. Existence des sueurs de sang.
II. Conditions où elles se produisent.
III. La sueur de sang du Christ.

I. Existence des sueurs de sang.

La sueur, incolore à l’état normal, peut quelquefois être colorée (chromhydrose). Lorsqu’elle l’est en rouge, cette coloration peut faire naître l’idée de sueur de sang (hémathydrose). Et en effet c’est dans ce sens que les auteurs anciens et beaucoup de modernes ont interprété le phénomène, qui est d’ailleurs fort rare. Mais certains esprits ont trouvé étrange ce suintement de sang à travers la peau saine ; ne l’ayant pas observé eux-mêmes, ils ont mis en doute la perspicacité de ceux qui en ont rapporté des exemples et ont supposé qu’ils avaient été trompés par des malades enclins à la supercherie ou par des apparences. « De là, dans l’esprit médical de notre époque, une sorte de scepticisme classique plus ou moins explicitement avoué à l’endroit de l’hémathydrose : peu s’en faut qu’on ne la relègue parmi les faits rares et quelque peu fabuleux, admis souvent sur la foi de la tradition et auxquels manque le contrôle d’une science rigoureuse. »

D r J. Parrot, Étude sur la sueur de sang et les hémorrhagies névropathiques, dans Gazelle hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 1859, p. 634.

A l’époque où Parrot écrivait ces lignes, l’on ne connaissait pas encore la sueur rouge d’origine microbienne que Pick, Berichte der Natur. zu Gratz, 1873, et Hoffmann, Wiener med. Woschenschrift, 1873, en Allemagne, paraissent avoir été les premiers à signaler. Babés en 1883, Observations sur quelques lésions infectieuses des muqueuses et de la peau, dans Journal de l’anatomie et de la physiologie, 1884 ; Barthélémy et Balzer en 1884, Contribution à l’étude des sueurs colorées, dans Annales de dermatologie, t. v, 1884, en ont relaté de nouveaux cas, avec examen microscopique, spectroscopique et chimique à l’appui. Babès a même pu obtenir une coloration semblable à celle de la sueur en cultivant le microbe en question sur gélatine coagulée. C’était là une démonstration nette, établissant l’existence d’une catégorie spéciale de sueurs rouges qui, jusqu’à présent, n’a été observée que dans la région de l’aisselle, la sueur restant incolore partout ailleurs.

La coloration rouge de la sueur ne suffit donc pas à en démontrer l’origine hématique, mais ce serait faire un singulier raisonnement que de s’appuyer sur l’existence des sueurs rouges d’origine microbienne pour nier les sueurs de sang, sous le prétexte que l’examen microscopique n’aurait pas confirmé celles-ci comme il a confirmé celles-là. On peut admettre, si l’on veut, que, parmi les cas de sueurs rouges observées avant l’emploi ou sans le contrôle du microscope, il y en avait de microbiennes, mais encore faudrait-il qu’il s’agisse de sueurs axillaires rouges. Rien n’autorise à priori le scepticisme précité à l’égard de l’hémathydrose. Sans doute nous possédons aujourd’hui des moyens de contrôle qui manquaient aux anciens et qui sont indispensables quand il s’agit d’affirmer avec toute certitude la présence du sang dans une tache à peine perceptible à l’œil nu, mais ces moyens ne sont pas toujours nécessaires pour reconnaître la nature sanguine d’un liquide et ce serait faire injure gratuite aux anciens comme aux modernes que de croire qu’ils se sont trompés chaque fois que, diagnostiquant l’hémathydrose, ils n’ont pas appuyé ce diagnostic sur des recherches microscopiques ou chimiques.

D’ailleurs il est inutile d’insister sur ce raisonnement : des faits bien authentiques de sueurs de sang ont été publiés, qui sont de nature à satisfaire les esprits, tant par la valeur des observateurs que par les moyens de contrôle employés. Ces faits sont au nombre de deux et ont été rapportés par le professeur Parrot, loc. cit., et par le D r Magnus Huss, Cas de maladies rares observées et commentées, dans Archiv. gén. de médecine, août 1885. Tous deux ont reconnu au microscope la nature sanguine de la sueur de leurs clients, en sorte que leurs observations, bien que peu nombreuses, suffisent à légitimer toutes ou presque toutes les observations similaires. Il y a donc parmi les sueurs rouges un groupe de sueurs de sang, comme il y a un groupe de sueurs microbiennes.

Dans le cas de Parrot, le sang s’échappait de la peau du front et formait comme une couronne autour de la racine des cheveux ; dans le pli des paupières inférieures il coulait en quantité assez considérable pour qu’on pût en recueillir plusieurs gouttes. Dans celui de Magnus Huss, « ce n’était ordinairement que du crâne que la malade saignait, mais d’autres fois l’hémorragie s’effectuait par les cils ; plus rarement autour des poils de l’aisselle gauche, des poils du mamelon gauche, une fois par la racine des poils du pubis ; trois fois hémorragie des conduits auditifs gauches, » etc., etc. Caizergues, de Montpellier, dit, à propos d’une malade observée par lui : « Je ne fus pas peu surpris en examinant son visage, son cou, la partie antérieure de la poitrine, le creux des aisselles, etc., de voir suinter sans aucune lésion de continuité de la peau, à travers les pores de cet organe, des gouttelettes d’un sang très vif, très rouge et d’une consistance naturelle. A mesure que ces gouttelettes transsudaient, elles étaient remplacées par d’autres qui, s’échappant ainsi à travers la peau, s’étendaient sur toute sa superficie, formaient une espèce de rosée et une véritable sueur. Lorsque la malade se leva, les draps, les chemises, tout était teint de sang, ce qui annonçait que la sueur avait été générale. » Chez cette malade l’hémathydrose revenait par accès séparés par plusieurs mois d’intervalle et l’auteur dit de l’un d’eux que « l’etfusion de sang par l’organe cutané y fut générale et excessivement abondante ». Annales cliniques de Montpellier, novembre 1874.

Est-il nécessaire de citer d’autres exemples ? Je ne le crois pas, pas plus que je ne crois utile de rechercher si le sang ainsi exhalé à la surface du corps sort réellement des glandes sudoripares, si le phénomène mérite réellement le nom de sueur de sang. Les auteurs ont abondamment discuté là-dessus et donnent d’excellentes raisons pour prouver que parmi les glandes de la peau ce sont les sudoripares qui paraissent le mieux disposées pour la production du phénomène, grâce à la délicatesse de leur structure et à leurs relations vasculaires, mais ils manquent de preuves matérielles, c’est-à-dire qu ils n’ont pas constaté au microscope la présence du sang dans les conduits de ces glandes. Cela importe peu dans l’espèce : « L’hémorragie, dit Parrot, ibid., a pour siège un organe sécréteur, voilà le fait important : quant à déterminer la variété de glandes par lesquelles le sang s’échappe, c’est là une question secondaire. » IL Conditions où elles se produisent. — Il est beaucoup plus intéressant, ici, de déterminer les conditions dans lesquelles on a observé l’hémathydrose. Or, sous ce rapport, l’analyse des observations démontre qu’elle est intimement liée à des troubles du système nerveux ou aux impressions morales. « C’est au milieu du tourbillon symptomatique tout à la fois si complet et

i si varié des maladies essentiellement nerveuses qu’on la voit apparaître. Presque toujours elle est associée à d’autres accidents et au plus habituel sans contredit de ces accidents, la douleur. Quelquefois l’hémorragie et la douleur ont un foyer commun, mais elles ne se concentrent pas toujours sur un même point et ont au contraire, pour siège, des parties plus ou moins éloignées. Dans certains cas l’hémorragie se manifeste isolément, hors de toute connexion avec des phénomènes névropathiques. Les femmes y sont plus sujettes que les hommes. Rare dans l’enfance, cet accident paraît être particulier à la jeunesse et à l’âge adulte ; je ne sache pas qu’on l’ait observé dans la vieillesse. Un tempérament nerveux, une nature impressionnable, un caractère irascible y prédisposent singulièrement. Parmi les causes déterminantes, la frayeur, la colère, la crainte, un violent chagrin, une contrariété vive, la joie, les grandes jouissances et les grandes douleurs, en un mot les perturbations morales de toute sorte tiennent le premier rang. » Parrot, ibid.

Ces constatations faites, peut-on aller plus loin et préciser le mécanisme de l’action nerveuse dans la production de l’hémathydrose ? Jusqu’à présent ce phénomène n’a pu être réalisé expérimentalement, bien que la sécrétion sudorale ait (té l’objet de recherches nombreuses de la part des physiologistes. Ceux-ci ont démontré que le fonctionnement des glandes sudoripares, c’est-à-dire la production de sueur, est avant tout I un acte d’activité cellulaire propre aux cellules épithéliales qui tapissent les canaux de ces glandes et réglée par des nerfs spéciaux dits nerfs excito-sécrétoires. Les nerfs excito-sécrétoires peuvent agir seuls ou conjointement avec les nerfs vaso-moteurs dont le rôle consiste à augmenter ou à diminuer la quantité de sang dans le réseau vasculaire des glandes sudoripares. S’ils agissent seuls, la peau reste pâle et il y a sueur froide, phénomène qui n’exclut pas d’ailleurs l’action vaso-constrictive : dans ces conditions l’hémathydrose n’est pas possible, puisque les capillaires sanguins des appareils sudoraux ne sont pas distendus. L’hémathydrose n’est possible que si l’action nerveuse vaso-dilatatrice a congestionné ces capillaires au point d’eu déterminer la rupture ; alors le sang s’épanche dans l’atmosphère conjonctive de la glande, brise la mince barrière épithéliale qui la sépare du canal glandulaire, et par ce canal vient sourdre à la surface de la peau.

A côté des faits où l’hémathydrose est manifestement sous la dépendance de troubles nerveux ou d’impressions morales, il y en a d’autres où elle s’explique par diverses altérations du sang. C’est ainsi qu’on l’a signalée dans le scorbut, au cours de fièvres malignes et dans l’hémophilie, mais en somme ces cas sont rares et ne font que confirmer la possibilité du phénomène. Nous n’y insisterons donc pas et nous dirons, pour conclure :

III. La sueur de sang du Christ.

1° Le récit de saint Luc n’offre rien d’invraisemblable, puisque d’autres observateurs ont rapporté des faits du même genre.

2° La sueur de sang éprouvée par Notre-Seigneur Jésus-Christ est un phénomène de l’ordre naturel, vraisemblablement provoqué chez lui par l’imminence de la mort affreuse qu’il allait subir. « Et étant tombé en agonie, il priait avec plus d’intensité et la sueur devint comme des gouttes de sang découlant jusqu’à terre. » Luc, xxii, 43, 44.

3° Cette sueur qui coulait jusqu’à terre fut-elle assez abondante pour affaiblir grandement Notre-Seigneur, et doit-on considérer comme non naturelle la force montrée ensuite par lui ? On ne saurait répondre à cette double question parce que l’on ne sait ni la durée de la sueur sanglante, ni sa répartition. Fut-elle générale ou simplement localisée à la face ? Dans la première hypothèse, elle aurait pu évidemment déterminer de l’affaissement, comme toute hémorragie un peu sérieuse ; dans la seconde, l’issue de quelques grammes de sang pouvait suffire à la production du phénomène, constituant ainsi une perte sanguine insignifiante par elle-même, importante seulement en tant que manifestation des angoisses morales du Sauveur.

D r Baraban.