Dictionnaire de théologie catholique/ÉGLISE VI. Devoirs des fidèles envers l’Eglise divinement instituée

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 470-471).

VI. Devoirs des fidèles envers l’Eglise divinement instituée. —

I. AMOUR ENVERS L'ÉGLISE. —

1° Tous les fidèles sont tenus d’aimer l'Église, parce qu’elle est leur mère dans l’ordre surnaturel. Si nous sommes tenus d’aimer nos parents selon la nature, parce que nous leur devons la vie naturelle, S. Thomas, Sum. l/teol., IIa-IIæ, q. ci, a. 1, 2, si nous devons aimer notre patrie terrestre à cause des bienfaits qu’elle nous procure dans l’ordre temporel, à combien plus forte raison sommes-nous obligés d’aimer l’Eglise, à laquelle nous sommes redevables de tous les biens surnaturels, si éminemment supérieurs à tous les biens terrestres et à la vie du corps. Adama ?ida iqilurpalriæsl, unde ni ; r morlulis usuram accepimus ; sed necesse est carilale Ecclesiam prsestare cui vilam animée debemus perpetuo mansuram ; quia bona animi, corporis bonis recluni est anleponere, mulloque quant erga homines sunt erga Deum officia sanctiora. Encyclique Sapienliæ christianai de Léon XIII du 10 janvier 1890.

Il est d’ailleurs bien manifeste que l’amour envers l'Église n’est aucunement opposé à l’amour envers la patrie terrestre, puisque ces deux amours ont également leur source première en Dieu, auteur de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, et règle suprême des obligations inhérentes à l’un et à l’aulre. Les répugnances que l’on se plaît à affirmer entre ces deux amours, et entre les diverses obligations qu’ils imposent, proviennent, comme l’observe Léon XIII dans la même encyclique, de ce que l’on persiste à attribuer à l’Etat des droits qui ne lui appartiennent point, et qui sont un véritable attenlat aux droits de l’Eglise.

2° L’amour envers l'Église est encore très nécessaire à tous les fidèles, parce que, sans lui, ils ne peuvent observer tous les graves devoirs auxquels ils sont astreints vis-à-vis d’elle : obéissance intégrale aux commandements et aux prescriptions communes ou particulières, et dévouement obligatoire dans les nécessités graves ou ordinaires intéressant le bien des fidèles. Une constante générosité dans des devoirs aussi étendus et parfois si pénibles, ne peut s’alimenter et se soutenir que par un constant et généreux amour.

3° Cet amour envers l'Église impose particulièrement à tous ceux qui en sont capables et dans la mesure où ils en sont capables, l’obligation d’assister l'Église dans les nécessités où elle peut se trouver. Cette obligation, mesurée par le même principe que celle de l’aumône, doit être appréciée selon la gravité des maux qui aflligent l'Église et selon les facultés ou ressources dont chacun peut disposer, ressources intellectuelles, morales ou matérielles. Cette détermination concrète étant difficile à établir, du moins pour ce qui concerne l’obligation stricte, on s’attachera, d’une manière habituelle, à exhorter fortement les fidèles à aider l'Église dans la mesure du possible, plutôt qu'à essayer de fixer les limites du devoir strict. Toutefois l’on peut affirmer, sans exagération, que ceux qui, possédant les aptitudes et ressources suffisanles pour fournir cette assistance, ne le font d’aucune manière pendant un temps notable, surtout dans les graves nécessités actuelles de l'Église, ne peuvent être, objectivement du moins, en sécurité de conscience. Voir Charité, t. ii, col. 2259 sq.

Le même principe doit aussi s’appliquer, même en dehors de tout précepte positif, au concours dû à l'Église en tout ce qui concerne ses besoins matériels, soit pour le culte et pour la sustentation des ministres sacrés, soit pour toutes les œuvres soumises à l’autorité ecclésiastique.

II. OBEISSANCE ENVERS L’EGLISE. —

En fait d’assentiment doctrinal dû aux décisions du magistère ecclésiastique.

1. Le devoir de l’obéissance en cette matière résulte de l’institution même de Jésus-Christ, donnant à son Église la mission d’enseigner sa doctrine jusqu'à la consommation des siècles et de veiller constamment à sa défense intégrale. C’est aussi ce que témoigne, au cours des siècles, la pratique constante de l'Église, exigeant qu’on se soumette fidèlement à son autorité doctrinale, sous peine d'être séparé de sa communion, du moins quand il s’agit de rébellion formelle contre son magistère infaillible.

2. Quant à l'étendue de ce devoir d’obéissance, elle se comprend aisément d’après les documents précités. a) Relativement aux vérités enseignées comme révélées et proposées comme telles par une décision infaillible, il y a pour tous les fidèles obligation stricte d’y adhérer, sous peine d'être rejeté de l'Église comme hérétique, du moins toutes les fois que les conditions requises pour l’hérésie formelle se trouvent réalisées.

Notons toutefois qu’au commandement d’obéir au

magistère ecclésiastique, se joint ici le commandement divin d’adhérer à la vérité certainement proposée comme révélée par Dieu.

On sait d’ailleurs que, dans le cas d’ignorance invincible de l’enseignement de l’Eglise ou dans le cas d’inadvertance invincible à l’opposition absolue entre les vérités enseignées comme révélées et des erreurs que l’on admet en toute bonne foi, l’ignorance invincible, comme on l’a montré précédemment, excuse de désobéissance vis-à-vis de l’Eglise et d’erreur formelle dans la loi. Voir Bonne foi, t. ii, col. 1013 sq.

b) Relativement aux vérités doctrinales proposées par le magistère infaillible de l'Église, comme intimement liées à la révélation, et comme nécessaires pour sa complète explication ou pour sa défense intégrale, il y a également devoir strict d’y adhérer, non par un acte de foi divine comme dans le cas précédent, mais par une ferme adhésion au magistère de l’Eglise enseignant avec infaillibilité qu’il y a connexion certaine avec la vérité révélée.

Qu’il nous suffise de rappeler ici les documents précités affirmant l’obligation de se soumettre à ces décisions doctrinales, notamment le bref de Pie IX du 21 décembre 1863 à l’archevêque de Munich, établissant expressément que l’obligation stricte des catholiques ne doit point être restreinte aux dogmes explicitement proposés par l'église comme révélés, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1(583 ; le concile du Vatican, statuant qu’il ne suffit point d'éviter l’hérésie, *si l’on n'évite aussi avec soin les erreurs qui s’en approchent plus ou moins et qui ont été condamnées par le Saint-Siège, sess. III, c. iv ; l’encyclique Imnwrtale Dei de Léon XIII du 1 er novembre 1885, rappelant à tous les catholiques l’obligation d’adhérer par un jugement ferme, judicio slabili, à tout ce que les souverains pontifes ont enseigné ou enseigneront ; et l’encyclique Sapienlise christianse du 10 janvier 1890, renouvelant la même affirmation.

Quant à la nature de l’assentiment donné à ces décisions doctrinales, il sera étudié particulièrement à l’art. Foi.

c) Relativement aux décisions doctrinales non infaillibles, portées par le pape ou par les Congrégations romaines, il y a encore devoir strict d’obéissance, obligeant à un assentiment interne, sinon ferme et définitif comme dans le cas précédent, du moins à un assentiment prudent excluant habituellement tout doute fondé. Cet assentiment, d’ailleurs pleinement légitimé par la haute prudence avec laquelle l’autorité ecclésiastique agit habituellement en cette occurrence, est positivement exige par les documents précités.

d) Il est d’ailleurs évident que les décisions morales par lesquelles l’autorité ecclésiastique détermine les devoirs moraux, naturels ou surnaturels, qui incombent aux catholiques dans leur vie individuelle ou sociale, sont également obligatoires pour tous les catholiques, non seulement en ce sens que les fidèles doivent adhérer à ces vérités, mais surtout en ce qu’ils doivent les prendre comme règle de leur vie individuelle ou publique. Nous citerons particulièrement, comme exemple, les nombreuses décisions morales données par les Congrégations romaines pour les divers cas de coopération, spécialement pour la coopération avec les hérétiques et avec les infidèles.

Dans les matières disciplinaires, où il s’agit de maintenir intégralement la doctrine catholique, ou de procurer le plein accomplissement des obligations imposées aux fidèles dans la vie chrétienne individuelle ou sociale, le devoir de l’obéissance n’est pas moins manifeste. Il ressort de la divine mission donnée par Jésus-Christ à son Eglise, pour diriger les fidèles, et de la pratique constante de cette même église, qui s’est toujours servie de ses pouvoirs divins avec la volonté expresse d’obliger les fidèles à se soumettre à ses lois et à ses décisions. Quant à l'étendue de ce devoir d’obéissance, il nous suffira d’en donner ici une esquisse sommaire.

1. Obéissance due aux prescriptions disciplinaires faites en vue du maintien intégral de la doctrine catholique.

L'Église, ayant le devoir strict de veiller au maintien intégral de la foi chez les fidèles, a, par le fait, le droit de les prémunir contre tous les dangers qui menacent l’intégrité de leur foi, quelle que soit la nature de ces dangers, lectures, livres ou publications de tout genre, ou écoles périlleuses pour la foi ou la vertu, qu’il s’agisse d'écoles primaires, secondaires ou supérieures, ouvertement hostiles ou scandaleusement indifférentes. Toutes ces prescriptions qui ont été ou seront étudiées aux articles spéciaux, notamment aux art. Ecole et Index, sont strictement obligatoires pour tous les fidèles.

2. Obéissance due aux prescriptions disciplinaires destinées ù assurer le plein accomplissement des obligations imposées aux fidèles dans leur vie chrétienne individuelle.

Il y a également obligation d’observer ces prescriptions, portées par l’autorité ecclésiastique dans le plein exercice de son droit, soit qu’il s’agisse de prescriptions communes, telles que les six commandements de l'Église, soit qu’il s’agisse de lois particulières, comme celles qui concernent spécialement le clergé ou les congrégations religieuses. Ces diverses obligations sont étudiées aux articles spéciaux, au point de vue canonique et au point de vue théologique, d’après les principes qui seront établis dans l'étude générale des lois de l'Église.

3. Obéissance due aux prescriptions de l’Eglise concernant la vie chrétienne sociale.

Toutes les actions de la vie sociale, relevant de la morale naturelle et surnaturelle dont L'Église est, de droit divin, l’unique gardienne et interprète, relèvent conséquemment de l’autorité directrice de l’Eglise, de laquelle on doit apprendre quels sont les devoirs moraux, naturels ou surnaturels, auxquels les chrétiens sont astreints dans leur vie sociale. Ce sont ces devoirs que Léon XIII rappelle particulièrement dans l’encyclique Sapientim christianæ, ou De prsecipuis civium christianoruni officiis, du 10 janvier 189U, et dans l’encyclique Rerum novarum, ou De conditione opificum, du 10 mai 1891.

On doit spécialement noter ici l’insistance avec laquelle Léon XIII et Pie X ont recommandé à tous les catholiques qui s’occupent d’action chrétienne populaire, ou d’action catholique sociale, de suivre docilement la direction de l’autorité ecclésiastique, en tout ce qui concerne l’application des principes de doctrine et de morale chrétiennes. La raison de cette insistance est que les œuvres qui ont pour but l’amélioration de la condition des classes populaires, sous peine d’inefficacité à peu près complète, doivent avoir la religion chrétienne comme inspiratrice, compagne et appui, et que ce travail de pénétration de l’esprit chrétien dans les classes populaires doit, de toute nécessité, être placé sous le contrôle de l’autorité ecclésiastique. Les nombreux documents ecclésiastiques relatifs à cette importante matière seront étudiés ailleurs.