Dictionnaire de la Bible/Tome 2.1.b CÈNE-CIRCONCISION

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Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume IIp. 407-408-779-780).

CÈNE (δείπνον ; Vulgate : cæna), dernier repas fait par Notre-Seigneur avec ses Apôtres et dans lequel il institua le sacrement de l’Eucharistie. Joa., xiii, 2, 4 ; xxi, 20 ; I Cor., xi, 20. Cf. Matth., xxvi, 26 ; Luc, xxii, 20. Le mot latin cœna, d’où vient cène, signifie « souper » en général ; mais la langue française a réservé exclusivement le mot qu’elle en a tiré pour désigner le repas où le Sauveur se donna lui-même en nourriture à ses disciples. Comme ce jour-là Jésus célébra également la Pâque, les évangélistes appellent aussi la dernière Cène Pâque. Matth., xxvi, 17, 18, 19 ; Marc, xiv, 12, 14, 16 ; Luc, xxn, 8, 12, 13, 15 ; Joa., xviii, 28.

I. Jour ou fut célébrée la Cène.

Jésus la célébra un jeudi ; car tous les évangélistes s’accordent à la placer la veille de sa mort. Matth., xxvi, 20 ; Marc, xiv, 17 ; Luc., xxii, 14 ; Joa., xiii, 1. Or cette mort eut lieu un vendredi. Matth., xxvii, 62 ; xxviii, 1 ; Marc, xv, 42 ; Luc, xxm, 54 ; Joa., xix, 31, 42. Mais la difficulté est de déterminer si ce jeudi coïncide avec la veille de la Pâque juive, c’est-à-dire le 14 Nisan, ou avec l’avant-veille, c’est-à-dire le 13 Nisan. Dans le premier cas, Jésus aurait célébré la Pâque en même temps que les Juifs; dans le

second, il les aurait devancés d’un jour. On sait que d’après la loi, Exod., xii, 6 ; Lev., xxiii, 15 ; Num., xxviii, 10, l’agneau pascal devait être immolé dans l’après-midi du

14 Nisan, avant que le coucher du soleil ne commençât la journée du 15 Nisan, selon la manière de compter des Juifs. Mais c’est aux premières heures de cette nuit du

15 qu’on le mangeait ; on ne devait alors, et pendant les sept jours de la fête pascale, faire usage que de pains azymes. D’après la coutume, dès le 14 Nisan on s’abstenait de manger tout ce qui était fermenté, de sorte qu’on regardait quelquefois ce jour comme le premier des azymes. Voir Azymes, t. i, col. 1314. À ne considérer que les synoptiques, la dernière Cène aurait eu lieu « le premier jour des azymes, jour où l’on devait immoler la Pàque », c’est-à-dire après le coucher du soleil qui mettait fin au 14 Nisan, dans les premières heures de la nuit qui commençait le 15. Matth., xxvi, 17 ; Marc, xiy, 12 ; Luc, xxii, 7. D’après saint Jean, au contraire, xili, 1 ; xviii, 28 ; xix, 14, il semble évident que, la passion ayant eu lieu « le jour de la préparation de la Pàque, avant que les Juifs eussent célébré la fête », la dernière Cène doit être placée « avant la fête de Pâque », c’est-à-dire après la fin du 13 Nisan, aux premières heures de la nuit qui commençait le quatorzième jour. Cette apparente contradiction soulève un problème auquel on a donné diverses solutions ; mais aucune n’est encore définitive, faute de renseignements précis et certains sur les usages juifs touchant la célébration de la Pàque au temps de JésusChrist. Les nombreux systèmes imaginés se ramènent à trois principaux : le premier entreprend d’accorder les expressions de saint Jean avec le sens clair des synoptiques ; le deuxième, au contraire, explique les synoptiques d’après saint Jean ; le troisième enfin, laissant aux deux récits leur sens obvie et propre, cherche la solution ailleurs que dans leur combinaison.

1° Première opinion. — NotreSeigneur célébra la Pàque en même temps que les Juifs, dans la nuit qui suivit le 14 Nisan, comme il ressort du récit des synoptiques. Si saint Jean, xiii, 1, place la Cène « avant la t’éte de Pâque », c’est qu’il distingue entre la Pâque et la fête ou solennité de Pâque ; ou bien, comptant à la manière grecque et romaine, qui ne commence les jours qu’à minuit, il rapporte à la veille ce qui était pour les Juifs le commencement du jour. De plus, l’expression TtapauxEuri toû niaxx, Joa., xix, 14, appliquée au jour de la passion, semble indiquer la veille de la Pâque, mais peut aussi avoir un autre sens. Car le mot irapzaxEu/i désigne communément la préparation ou veille du sabbat, c’est-à-dire le vendredi. La irapï<rxeuï] toû iria-^a est tout simplement le vendredi dans l’octave pascale. Enfin la locution « manger la pâque », dans Joa., xviii, 28, ne doit pas être restreinte à l’agneau pascal, mais s’applique encore aux autres victimes qu’on immolait pendant la journée du 15, la chagigah. Deut., xvi, 2 ; II Par., xxx, 22-24 ; xxxv, 8-9. Il suit de là que si les Juifs refusent d’entrer dans le prétoire le matin du vendredi, « de peur de se souiller et de ne pouvoir plus manger la pâque », cela doit s’entendre non de l’agneau pascal, mais des autres victimes offertes dans cette fête. Les principaux partisans de cette opinion sont : S. Jérôme, In Matlh., 26, t. xxvi, col. 193 ; S. Augustin, Epist. xxxvi, 13, t. xxiii, col. 150 ; Luc de Bruges, In sacr. J. C. Evangelia comm., m*f°, Anvers, 1606, p. 447-450 ; Tolet, In sacr. Joa. Evangel. comm., in-4°, Cologne, 1611, t. ii, p. 5-18 ; Cornélius a Lapide, In Matth-, xxvi, 17, édit. Vives, t. XV, p. 549-550 ; F. X. Patrizi, De Evangeliis libri III, diss. L, in-4°, Fribourg, 1853, p. 458-515 ; J. Corluy, Commentarius in Evang^ S. Joannis, in-8°, Gand, 1880, p. 318 ; A. C. Fillion, Évangile selon saint Matthieu, p. 498-501 ; Bochart, Hierozoiçon, part. i, lib. ii, c. 50, Opéra omnia, 3 in-f°, Leyde, 1692, t. ii, p. 557-572 ; Reland, Antiquit. sacrse vet. Hebrseor., IV, iv, 7-8, in-8°, Utrecht, 1708, p. 226-228 ; Langen,

Die letzten Lebenstage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 57, etc.

2° Seconde opinion. — Le Sauveur fit la Cène vingt-quatre heures plus tôt que les Juifs ; après les dernières heures du 13 de Nisan. Tous les évangélistes s’accordent à appeler le jour du crucifiement la Parascève, c’est-à-dire le jour de « la préparation », Matth., xxvii, 62 ; Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, 31, en d’autres termes la veille du sabbat ou vendredi. Mais cette fois la veille du sabbat avait un caractère particulier, car saint Jean, xix, 14, l’appelle la Parascève delà Pâque. Nul doute qu’il ne faille entendre par là un vendredi précédant immédiatement la solennité pascale. Aussi saint Jean, xix, 31, remarque-til que cette année le jour du sabbat était grand : grand sans doute par sa coïncidence avec le jour de la Pàque. D’ailleurs il eût été étrange d’appeler le grand jour de la fête de Pâque simplement « la préparation de la Pâque ». C’est donc le 14 Nisan, veille de Pâque et du sabbat, qu’on doit placer le jour du crucifiement. Il suit de là que Jésus, expirant au moment où les agneaux de la Pâque étaient immolés, a du faire le repas légal vingt-quatre heures plus tôt que les autres Israélites. Cette conclusion s’accorde parfaitement avec le langage des évangélistes. La dernière cène eut lieu « avant la fête de Pàque », dit saint Jean, xiii, 1. Or, si le repas avait été au soir du 14 au 15 Nisan, comme il se faisait aux premières heures de la nuit qui commençait le quinzième jour, il aurait eu lieu le jour de la fête de Pàque. <c Avant la fête de Pàque, » Joa., xiii, 1, correspond donc au soir du 13 au 14 Nisan. Qu’on ne dise pas que saint Jean comptait à la manière grecque ou romaine : car plus loin, xix, 31, il suit la coutume juive en faisant commencer le sabbat le vendredi soir. De plus, le lendemain matin, saint Jean, xviii, 28, nous montre les sanhédrites évitant de pénétrer dans le prétoire pour ne point se souiller, « afin de pouvoir manger la pâque. » Or le sens naturel de cette expression est « manger l’agneau pascal ». L’application qu’on a voulu en faire aux autres victimes immolées le 15 Nisan et surtout à la chagigah, ni>in, repose sur deux textes, Deut., xvi, 2 ; II Par., xxx, 22, mal compris. R. Cornely, Introductio in Novi Testamenti libros, 1886, p. 271. Le témoignage des synoptiques n’est pas en réalité contraire aux textes de saint Jean. Le premier jour des azymes, où on immolait l’agneau, s’entendait souvent non pas seulement des dernières heures du 14 Nisan, mais de toute cette journée, Josèphe, Bel. jud., V, iii, 1, qui commençait en réalité la veille, au coucher du soleil ; c’est précisément à ce moment, entre six et sept heures du soir, qu’on allumait les lampes pour fouiller les coins les plus obscurs de la maison, et faire disparaître les moindres parcelles de levain ; aux dernières heures de ce même jour, d’après la manière juive de compter, on immolait l’agneau. Les évangélistes semblent donc désigner le soir du 13 au 14 pour la célébration de la Cène. (Par leur expression « le premier jour des pains sans levain », ils ne distinguent pas entre le premier et le second soir de ce jour.) Car si Notre -Seigneur l’avait célébrée le 14 au soir, ou plus précisément au commencement du 15, les synoptiques n’auraient pu appeler ce jour « le jour où ou immolait la Pâque », l’agneau devant être immolé dans l’après-midi du 14. Il suffit du reste d’étudier l’ensemble de leur récit pour reconnaître que la Cène de Jésus ne fut pas la Pâque légale. Ce n’est pas le malin du 14 seulement que les Apôtres se seraient préoccupés du lieu où il fallait préparer la Pàque. Luc, xxii, 7. L’affluence était trop considérable à Jérusalem dans cette fête pour qu’on différât jusqu’au matin du jour où devait se faire le repas pascal le soin de retenir un local. De plus, Notre -Seigneur fait dire à l’hôte qui doit le recevoir : « Mon temps est proche ; que je fasse la Pàque chez toi avec mes disciples. » Matth., xxvi, 18. Il n’y a de rapport entre ces

deux membres de phrase que si Jésus a voulu dire : L’heure de ma mort approche ; il faut se hâter, demain il serait trop tard ; prépare donc ce qu’il faut pour que je célèbre aujourd’hui la Pàque chez toi avec mes disciples. Pour les synoptiques, aussi bien que pour saint Jean, le repas de Jésus précéda donc de vingt-quatre heures celui des autres Juifs. La suite de leur récit s’accorde parfaitement avec cette hypothèse. L’arrestation de Jésus, la réunion du sanhédrin pour le procès, les allées et venues chez Pilate et chez Hérode, l’épisode de Simon le Cyrénéen, les achats d’un suaire par Joseph d’Arimathie, de parfums par Nicodème et les saintes femmes : tout cela est incompatible avec le repos du grand jour de la Pàque. Sans doute le repos était moins strict que pour le sabbat : on pouvait acheter et préparer les aliments nécessaires ; mais c’est la seule différence qu’établit la Loi. Exod., xii, 167 Lev., xxiii, 7 : « Vous n’y ferez aucune œuvre servile, excepté en ce qui regarde la nourriture. » Quant aux jugements et exécutions, si on pouvait les faire pendant l’octave de la Pàque, on n’a jamais prouvé qu’on put s’en occuper le premier jour ou grand jour de la solennité. Tout semble donc exclure le jour de la fête et s’accorde très bien, au contraire, avec le jour de la préparation.

D’après cette opinion, Notre -Seigneur, devançant de vingtquatre heures le repas légal, ne fit pas la Pàque juive, mais institua la Pàque chrétienne, l’Eucharistie. Il accomplit, il est vrai, tous les autres rites du festin pascal, sauf la manducation de l’agneau ; mais le véritable Agneau de Dieu, celui qui était immolé en figure dans la Loi, était présent. Quelle fin plus sublime donner à la Pàque légale, abrogée pour toujours : Jésus substituant la vérité à l’ombre ! — Que Jésus fît la dernière Cène le soir du 13 au 14 Nisan, c’est la pensée des anciens Pères, d’Apollinaire, évêque d’Hiérapolis, t. v, col. 1298 ; de saint Hippolyte de Porto, t. x, col. 870 ; de Clément d’Alexandrie, t. ix, col. 758 ; de saint Irénée, t. iv, col.’10 ; de saint Pierre d’Alexandrie, t. xcii, col. 78 ; de Tertullien, t. ii, col. 973. Ces témoignages expriment le sentiment de nombreuses et célèbres Églises, et sont confirmés par les traditions juives, qui placent la mort de Jésus au 14 de Nisan. Talmud, Sanhédrin, ꝟ. 43 a, 67 a. Parmi les modernes, c’est le sentiment de Calmet, Commentaire littéral, in-4°, Paris, 1715, S. Matthieu, p. cxlv-clxi ; Sepp, Vie de Jésus, trad. Charles de Saint-Foi, Paris, 1854, t. i[, p. 90-102 ; H. Wallon, L’autorité de l’Évangile, in- 12, Paris, 1887, p. 392-401 ; P. Godet, Commentaire sur l’Evangile de saint Jean, 1877, p. 538-558, etc.

3° Troisième opinion. — Les affirmations des synoptiques d’une part, de saint Jean de l’autre, paraissent si catégoriques, que certains exégètes ou chronologistes renoncent à les fondre ensemble pour les ramener au même sens. Ils cherchent ailleurs la conciliation, en . s’efforçant de prouver avec plus ou moins de succès qu’on pouvait célébrer la Pàque le soir du 13 au 14 aussi bien que le soir du 14 au 15 Nisan. Jésus aurait fait la Pàque le 13-14 Nisan, et c’est ce que marquent les synoptiques, tandis que les Juifs l’ont célébrée le 14-15, un jour plus tard que le Sauveur, comme le témoigne saint Jean. (Selon quelques-uns, Notre -Seigneur aurait célébré la Pàque le soir du 14, et les Juifs l’auraient fait le 15, c’est-à-dire le soir du 15 au 16 de Nisan, l’expression des synoptiques : « premier jour des azymes, » leur paraissant plus naturelle dans cette hypothèse.) Les partisans de cette troisième opinion apportent les mêmes raisons que ceux de la seconde pour montrer que Jésus fit la dernière cène un jour avant les Juifs ; mais ils veulent de plus prouver que ce dernier repas fut cependant un repas légal, une vraie pâque, comme paraissent bien l’indiquer les synoptiques. À ce dessein, plusieurs hypothèses plus ou moins fondées ont été avancées. — D’après C. lken, Dissertationes theol. philolog., 1770, t. ii, p. 337, il y avait divergence entre les Juifs sur la

manière de déterminer la nouvelle lune, les uns la fixant d’après le calcul astronomique, les autres par l’observation empirique des phases de la planète ; il pouvait y avoir par certains temps nuageux une erreur d’un jour dans cette constatation : de là un retard pour la célébration de la Pâque. Mais Maimonide, Conslitut. de sanct. novilun., dans Ugolini, Thésaurus, t. xvii, col. cclviii. nous apprend que ce double mode d’observation commença seulement après la ruine du Temple et la dissolution du sanhédrin. — Selon d’autres, les Juifs du dehors pouvaient manger la pàque le 13-14 Nisan, tandis que les Juifs de Jérusalem la mangeaient le 14-15. Malheureusement c’est là une pure hypothèse, qui n’est appuyée sur aucun document. On fait remarquer seulement l’impossibilité matérielle d’immoler en trois heures de temps environ, si tout le monde faisait la Pàque le même jour, les deux cent cinquante mille agneaux au moins, Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, nécessaires pour la multitude des pèlerins : ce qui ferait plus de deux mille à sacrifier par minute. — On a proposé une solution plus satisfaisante en s’appuyant sur les inconvénients qu’entraînait pour les pharisiens, stricts observateurs du repos sabbatique, l’occurrence de la Pàque avec un vendredi. Une des cérémonies du soir de cette fête consistait à aller hors de Jérusalem couper le’ômér ou la gerbe sacrée, prémices de la moisson nouvelle. Or l’on attendait pour cela que le jour de la fête fût expiré ; et on moissonnait alors assez d’épis pour faire une gerbe pouvant donner trois sata de grain. Lorsque la fête tombait un vendredi, il fallait donc en plein sabbat faire la moisson. Comment un pharisien l’auraitil souffert, lui qui regardait comme un crime de rompre quelques épis en un tel jour ? On ne pouvait éviter cette fâcheuse occurrence qu’en transférant la fête à un autre jour, du vendredi au samedi ; or c’est précisément ce que nous voyons autorisé dans le calendrier juif (Surenhusius, Mischna, de Syned., part, iv, p. 210), par la règle Badu, laquelle prescrit, lorsque la Pâque tombe un vendredi, de retarder d’un jour le 1 er du mois. Sous le second Hillcl, cette règle était reçue par toute la nation, sauf par les anti-talmudistes. Il esta croire qu’elle n’a pas été décrétée tout d’un coup ; elle s’est introduite peu à peu par l’influence du pharisaïsme ; cet ascendant étant déjà considérable au temps de Jésus-Christ, on peut présumer que la loi, elle aussi, était en vigueur. Ideler, Handbuch dermath. Chronologie, Berlin, 1825, t. i, p. 519 ; Jlémain, La connaissance des temps évangéliques, in-8°, 1886, p. 482-480. Par suite de cette translation, on célébrait en réalité la fête le 16 ; mais ce jour portait, pour les partisans de cette mutation, le nom de quinzième jour, car le changement se faisait en retardant d’un jour le 1 er du mois. Notre-Seigneur et tous les Juifs qui n’admettaient pas encore les exagérations pharisaïques sur le sabbat, auraient suivi le vrai calendrier et célébré la Pâque au jour où elle tombait régulièrement. — Reste une difficulté à résoudre. Si Jésus fit la Pàque un jour plus tôt que les Juifs, comment les Apôtres purent-ils se procurer avant le temps l’agneau que la Loi prescrivait de sacrifier dans le Temple au soir du quatorzième jour ? La Loi, Deut., xvi, 2, 5, 6, prescrit d’immoler l’agneau pascal dans Jérusalem, mais non dans le Temple. Ce n’est qu’à partir de Josias que cette obligation nouvelle fut imposée à tous. Jésus, excommunié par les prêtres, put revenir à la pratique ancienne, d’après laquelle l’agneau était immolé dans chaque maison. Phi-Ion, De vita Mos., 3, Opéra, édit. de 1742, p. 686 ; De Decal., p. 766, suppose même que tout Israélite pouvait le faire, quand la multitude des pèlerins était trop considérable. — Les principaux partisans de cette opinion sont : Paul de Burgos, Addit. ad Lyran., In Matlh., 20, in-f°, Venise, 1588, p. 82 ; A. Salmeron, In Evangel. historiam comment., in-f », Cologne, 1613, t. ix, tr. 4, p. 23-31 ; Jansénius de Gand, Comm. in concordiam, cap. cxxviii,

in-f », Lyon, 1681, p. 856-858 ; Maldonat, Cotnm. in quatuor evangelistas, in-fo, Pont-à-JIousson, 1596, col. 586-597 et 615 ; Petau, Doctrina temporum, xii, 15 et 16, in-f°, Anvers, 1703, t. ii, p. 240-244 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, in-4°, 1693, t. i, p. 467 ; R. Cornely, Introductio in N. T. libros, 1886, p. 169-273 ; J. Knabenbauer, Conirn. in Evangel. sec. Matthœum, 1893, t. ii, p. 405-418 ; H. J. Coleridge, La vie de notre vie, trad. franc., in-12, Paris, 1876, t. xvi, p. 5 1 ; Le Camus, Vie de N.- SJ-- G., 2e édit., in-8°, t. iii, p. 166 ; Grimm, Einheit dev vier Evangelien, Beilage iii, in-8°, Ratisbonne, 1868, p. 755-788. — Sur toute cette question, on peut voir, outre les ouvrages cités plus haut : Schùrer, De controversiis paschalibus, in-8°, 1869 ; Edw. Robinson, Harmony of the four Gospels, in-8°, Boston, 1845, p. 212-223 ; H. Alf. Alford, The Greek Testament, in-8°, Londres, 1894, 1. 1, p. 261-264 ; Greswell, Dissertation on the Harmony of the Gospels, Oxford, 1837, t. iii, p. 168 ; H. Lutteroth, Le jour de la préparation, lettre sur la chronologie pascale, in-8°, Paris, 1855 ; Wieseler, Chronologische Synopsis der vier Evangelien, Hambourg, 1843, p. 334 ; dans le Thésaurus theologicophilologicus, in-f", Amsterdam, 1702, t. ii, les dissertations de J. Frischmuth, p. 189-194, et de J. Sauberti, p. 194-196 ; et dans le Thésaurus novus theol.-philolog., t. ii, Leyde, 1732, la dissertation de J. Ch. Harenberg, p. 538-549 ; dans Ugolini, Thésaurus antiquitaltim, t. xvii, Codex de Paschate et additamenta ad Codicem, col. dcxx-dccccxliv ; De Ritibus in Cœna Domini, col. mcxxvii-mcxxxiii. — Quant à l’année et au jour du mois où a été célébrée la dernière Cène, selon notre manière de compter, voir Jésus-Christ.

II. Rituel judaïque de la Paque observé dans la Cène.

— Avant de raconter le repas où pour la dernière fois Jésus célébra la Pâque, il convient d’en rappeler les rites symboliques ; car le Seigneur y fit de fréquentes allusions, qui ne peuvent être comprises que des lecteurs initiés aux coutumes des Hébreux. — La grande fête d’Israël n’avait plus alors la simplicité des premiers âges. Vainement y chercherionsnous la famille juive, debout, le bâton à la main, les reins ceints, les sandales aux pieds, mangeant à la hâte l’agneau entouré d’herbes amères et le pain sans levain. Ces anciennes coutumes étaient-elles déjà changées avant la captivité ? Le furent-elles seulement durant le séjour des Juifs à Babylone ? Nous l’ignorons ; mais on ne peut douter que les écoles des scribes, si nombreuses depuis le retour, n’aient exercé sur les rites de la Pâque, comme sur les autres institutions mosaïques, une profonde influence. Sous couleur de recueillir les antiques usages, ils les défigurèrent et en firent des règles inflexibles. C’est à ce formalisme étroit que noils devons de retrouver aujourd’hui encore, dans le Talmud et ses commentaires, une image de la Pâque telle que Jésus l’a célébrée.

Au soir du quatorzième jour de Nisan, les familles se réunissaient pour prendre le repas légal. L’agneau, cuit dans le four, devait conserver une forme dont la signification prophétique est manifeste. Il était attaché à deux branches de grenadier, bois moins sensible que tout autre à l’action de la chaleur, Pesach., vii, 1, dont l’une le traversait tout entier, tandis que l’autre, plus courte, tenait les pieds de devant étendus en croix. S. Justin, Dial. cuni Tryph., 40, t. vi, col. 566. Ces apprêts étaient l’objet de scrupuleuses précautions, car il fallait se garder de briser aucun os, Exod., xii, 46 ; la moindre infraction à cette loi était punie de quarante coups de fouet. Pesachim, vii, 11. — La nuit venue, les convives, dont le nombre allait de dix à vingt ; Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, s’étendaient sur des lits peu élevés, le bras gauche appuyé sur un coussin, la main droite à portée de saisir les mets. Se coucher pendant le repas était le privilège des hommes libres ; il convenait qu’à l’anniversaire de sa délivrance, Israël parût comme un

peuple affranchi de toute servitude. Le père de famille prenait d’abord une coupe de vin mêlée d’un peu d’eau : « Béni soit le Seigneur, disait-il, qui a créé le fruit de la vigne ! » et chaque convive à son tour buvait à cettecoupe. C’est celle-là sans doute que saint Luc, xxii, 17, nous montre bénie par Jésus au commencement de la Cène. Un bassin plein d’eau et une serviette passaient aussitôt après dans l’assemblée pour purifier toutes les mains ; le lavement des pieds raconté par saint Jean se rattache probablement à ce rite. Les ablutions terminées, on approchait la table au milieu des convives. — Elle était chargée de divers mets : à côté de l’agneau, des herbes amères, telles que le cresson et le persil, souvenir des peines de l’Egypte, Maimonide, De fermento et azymo, vu, 13, dans Crenius, Opuscula, fasc. vii, p. 889 ; puis le pain azyme, mince et sans saveur, comme la pâte que le levain n’eut pas le temps de fermenter lors de la fuite précipitée d’Israël. Un dernier mets symbolique complétait le repas, c’était le charoseth, mélange de divers fruits, de pommes, de figues, de citrons cuits dans le vinaigre ; à l’aide de cannelle et d’autres épices, on lui donnait la teinte des briques : cette couleur et la forme allongée du plat rappelaient le mortier de Pithom et de Ramessès. Maimonide, Pesachim, vii, 11, dans Opuscula, fasc. vii, p. 889 ; Exod., i, 11. Parfois on y ajoutait des viandes préparées et bénies en même temps que l’agneau ; c’était, selon le commandement du Deutéronome, xvi, 2, du chevreau ou du mouton rôti, qui devint plus tard le Hàgîgâh (de hàgag, « fêter. » Voir Chagigah, i, 6 ; Pesaxhim, vi, 3) ; mais le plus souvent on réservait ce sacrifice pour le quinzième de Nisan et les jours suivants. Le maître de la maison, dès que les plats étaient devant lui, prenait les herbes, les trempait dans le charoseth en remerciant Dieu d’avoir créé les biens de la terre, et tous en mangeaient au moins la grosseur d’une olive.

Une seconde coupe était alors versée, et le plus jeune des convives demandait au père de famille l’explication de ces rites. Celui-ci, donnant à sa réponse une forme solennelle, élevait successivement devant tous les yeux les mets du repas, et rappelait quel souvenir s’attachait à chacun : l’agneau immolé pour fléchir le courroux du ciel et l’ange de la mort passant (Pâque signifie « passage », Exod., xii, 27) sur Israël sans le frapper ; le pain d’angoisse mangé dans les terreurs de la fuite, Deut., xvi, 3 ; les herbes, amères comme la servitude dont ils étaient sortis triomphants. « C’est pour ces prodiges, ajoutait-il, qu’il nous faut louer et exalter Celui qui a changé nos larmes en joie, nos ténèbres en lumière ; c’est à lui seul qu’il nous faut chanter : Alléluia ! » Et tous les convives entonnaient le Hallèl ( « louange », nom donné à une suite de psaumes [cxii-cxvii] commençant par haïr lelu-yah, « louez Jéhovah » ; voir IÏallel, t. iii, col. 404) :

Louez, serviteurs de Jéhovah,

Louez le nom de votre Dieu.

Que son nom soit béni

Maintenant et dans l’éternité !

Qu’il soit béni de l’aurore au couchant ! Ps. cxii, 1-3.

Ils le continuaient jusqu’à la fin du psaume suivant, chant de triomphe sur la sortie d’Egypte :

O mer, pourquoi fuis-tu ?

Et toi, Jourdain, pourquoi remonter en arrière ?

Montagnes, pourquoi bondir comme les chevreaux,

Et vous, collines, comme les jeunes brebis ?

Sous le regard du Seigneur, tremble, ô terre,

Sous le regard du Dieu de Jacob ;

Car il change les rochers en fontaines

Et les pierres en sources d’eau vive. Ps. cxiii, 5-8.

Au milieu de ces cantiques on buvait la seconde coupe.

i Le père de famille prenait alors les azymes, les rompait

I avant de les bénir et de les distribuer. Afin que tous se

souvinssent que c’était là un pain de misère, on n’en

1 mangeait qu’un morceau, entouré d’herbes et trempé

dans le ckaroseth. Puis venait le tour de l’agneau : coupé, distribué à chaque convive, il devait disparaître tout entier, et nul mets n’était plus servi.

Le père de famille versait alors une troisième coupe, « le calice de bénédiction » ( voir Lightfoot, Horse hebraicæ, in Matth., xxvi, 27), celui-là probablement que le Christ changea en sang divin. Dès qu’elle était bue, on entonnait les derniers hymnes de l’Hallel, où la reconnaissance éclate en transports de joie : « Ce n’est pas à nous, Seigneur, ce n’est pas à nous, c’est à ton nom qu’appartient la gloire, ô source de miséricorde et de vérité ! Que les nations viennent nous dire maintenant : Où est votre Dieu ? Notre Dieu, il est dans les cieux : ce qu’il veut, il le fait… Et que rendrai-je à Jéhovah pour tous ses bienfaits ? j’élèverai cette coupe de salut, et j’invoquerai son nom. Oui, Jéhovah, je suis ton esclave, ton esclave et le fils de ta servante. Tu as brisé mes chaînes, je veux t’offrir un sacrifice de louanges. » Et s’adressant au monde entier, Israël, dans une sainte ivresse, cherchait à l’entraîner vers son Dieu : « vous tous, peuples, louez Jéhovah, nations, exaltez-le ! Car son amour est puissant sur nous, et la vérité de Jéhovah demeure éternelle ! Alléluia ! » Une quatrième coupe passait alors de main en main et marquait la fin du repas. — Telle était la Pâque juive, lorsque Jésus la célébra pour la dernière fois. Voir Misclina, Pesachim, et les commentaires de Maimonides.

III. Le festin pascal. — Le mercredi, Jésus n’avait paru ni dans le Temple ni dans Jérusalem. Dès le matin du jeudi, les Apôtres lui demandèrent en quel lieu ils mangeraient la pâque, car « on était au premier jour des azymes ». Matth., xxvi, 17. Laissant de côté Judas, chargé ordinairement de la dépense, le Sauveur appela Pierre et Jean : « Allez, leur dit-il, préparez tout ce qu’il faut.

— Où voulez-vous que nous l’apprêtions ? » demandèrent les disciples, Luc, xxii, 8-9, car ils savaient Jérusalem pleine de périls. Jésus répondit : « Allez à la ville ; en y arrivant, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, vous le suivrez, et, entrant dans la maison où il ira, vous direz au maître du logis : Voici ce que dit notre Maître : Mon temps est proche ; je viens faire la Pâque chez vous avec mes disciples. Où est le lieu (xaTiXujia, hospitium, « l’appartement réservé aux hôtes, » correspond à l’hébreu màlûn) où je dois la manger ? Et lui-même vous montrera une salle haute (àviyaiov, « étage supérieur d’une maison » ), grande, ornée de lits et disposée à l’avance (voir Cénacle). Préparez-y tout ce qu’il faudra. » Marc, xiv, 13-16 ; Matth., xxvi, 18. Pierre et Jean obéirent : aux portes de la ville, ils rencontrèrent un des hommes qui montaient l’eau puisée à la fontaine de Siloé, et suivant ses pas ils trouvèrent l’hôte indiqué. C’était quelque disciple inconnu des Apôtres. Tout le fait supposer, et l’assurance avec laquelle Jésus adresse son message, et le nom de Maître qu’il prend, et l’empressement de l’hôte à le satisfaire. Au temps de la Pâque, les maisons de Jérusalem cessaient, pour ainsi dire, d’être une propriété privée pour devenir celle de Jéhovah. Aussi, pendant la fête, l’hospitalité s’exerçait-elle gratuitement. (J. H. Friedlieb, Archâologie der Leidensgeschic/Ue, in-8°, Bonn, 1843, p. 50.) Le Sauveur, se voyant contraint à prévenir l’heure de la Pâque, avait averti ce disciple de tenir sa demeure préparée.

Le cénacle était vraisemblablement alors, à en juger par ce que nous savons des maisons juives, une salle aux murs blancs ; . au centre était placée une table basse, peinte de vives couleurs, dont un côté restait libre pour le service, tandis que les autres étaient garnis de lits. Le soir où Jésus y entra, les douze le suivaient, Matth., xxvi, 20, et prirent place autour de lui. Jean, couché à sa droite, n’avait qu’à renverser la tête pour reposer sur | le sein du Maître. Pierre était à côté du bien-aimé, et ! Judas non loin de Jésus. Avant d’instituer l’Eucharistie, ! Jésus dit clairement à Judas : « C’est toi qui me trahiras, » | Matth, , xxvi, 25, et cependant nous voyons qu’après la i

communion les Apôtres ignoraient encore qui devait commettre le crime. Luc, xxii, 23 ; Joa., xiii, 24, 25. Il faut donc croire que le Sauveur était près de Judas et l’avertit sans être entendu des autres convives.

L’heure était venue, et le cœur de Jésus en tressaillait de joie : « J’ai désiré d’un grand désir, dit-il, manger cette pâque avec vous avant que de souffrir. » Luc, xxii, 15. Toutefois, pour faire entendre aux Apôtres que ce n’était point le rite figuratif qu’il souhaitait, mais l’accomplissement d’un sacrifice réel dans l’Eucharistie, il ajouta : « En vérité je vous le dis : Je ne mangerai plus cette pâque jusqu’à ce que le mystère en soit accompli dans le royaume de Dieu, s Par delà la Pâque de la nouvelle alliance, Jésus contemplait déjà la grande Pâque du ciel, car il en parla aussitôt après.

La coupe qui marquait le commencement du repas avait été préparée ; Jésus, la prenant des mains de ses disciples, prononça sur elle la bénédiction accoutumée, Luc, xxii, 17-18, y trempa ses lèvres, comme le faisait tout père de famille, et la présenta aux Apôtres : « Prenez, dit-il, partagez-la entre vous, car pour moi je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu vienne. » Ce n’était plus de l’Eucharistie que Jésus parlait ici, mais de la béatitude céleste. Jansénius de Gand, Comment, in Concord. evangelic, cap. cxxxi, p. 876-898.

La pensée des pâques éternelles n’absorbait pas tant le Sauveur, qu’il oubliât ceux qu’il laissait sur la terre : « Sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, Joa., xiii, 1-3. Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin, et demanda à sa toute-puissance un prodige de charité qui ravît à jamais les cœurs. Les circonstances étaient solennelles ; saint Jean se plaît à les rappeler : le festin pascal commençait (la leçon Ssravou yivo|Uvou, adoptée par Tischendorf et Tregelles, d’après les manuscrits du Sinaï et du Vatican, signifie que le repas commençait. Le texte reçu,-yevoijivou, cœna facta [Vulgate], ne peut être traduit par « après le repas » ; nous voyons, en effet, que, le lavement des pieds terminé, Jésus se remit à table et continua le festin. Joa., xiii, 12. Ce participe aoriste doit donc être traduit ainsi : « Le repas était commencé, se poursuivait. » Cf. Matth., xxvi, 6 ; Marc, vi, 2 ; Joa., xxi, 4), Satan était là, maître de Judas Iscarioth ; au-dessus du cénacle, le ciel s’ouvrait pour Jésus ; il y voyait « que tout lui était remis en main par son Père » ; ce « tout » bienheureux de l’Église marqué du sceau des élus ; « il savait qu’il était sorti de Dieu et qu’il retournait à Dieu : » il n’avait plus qu’à donner aux hommes le gage suprême de son amour. Mais auparavant il voulut s’humilier devant eux, pour montrer par quel anéantissement il s’était incarné et s’allait donner en nourriture. Au moment où le rite de la fête commandait aux convives de se purifier les mains, Joa., xiii, 4-20, Jésus, se levant de table, déposa ses vêtements, prit un linge et se ceignit les reins ; puis, versant de l’eau dans un bassin, il se mit à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge qui lui servait de ceinture. Cette ablution était un symbole, l’image de la Rédemption qui lave en nous le péché. Voir Lavement des pieds. L’ablution achevée, Jésus reprit ses vêtements et s’étendit de nouveau sur le lit de repos. Il annonça alors à ses Apôtres la trahison de Judas. Voir Judas Iscabiote.

IV. Institution de l’Eucharistie. — Le repas touchait à sa fin. « Comme ils mangeaient encore, Jésus prit un des pains azymes, et, ayant rendu grâces, il le bénit. » Malth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; I Cor., xi, 24. Les rites du festin pascal exigeaient que tout pain fût brisé avant qu’on le mangeât. Jésus rompit donc celui qui était entre ses mains et en présenta les fragments aux Apôtres : « Prenez, mangez, dit-il, ceci est mon corps, livré, rompu pour vous, froissé, brisé sous les coups. » L’Évangile et î’Êpitre aux Corinthiens donnent aux expressions de Jésus une forme diverse : « Livré pour vous, » dit saint Luc,

S18q|ievov ; « mis en pièces, » ajoute saint Paul, to vitkp ûpiwv 9pu7rr6u.£vov (leçon du manuscrit de Bèze), ou encore, d’après une variante conservée dans ce même manuscrit et dans ceux du Sinaï et d’Éphrem : xXwjievov, « rompu, brisé. » « On réduisait autrefois la victime et les gâteaux qu’on offrait à Dieu en petits morceaux, et c’était une marque de l’aflliction et du sacrifice qu’on faisait au Seigneur. C’est en ce sens que la fraction du pain sacré, soit qu’on la fasse pour la distribution ou pour toute autre raison mystique, fait partie du sacrifice en représentant Jésus-Christ sous les coups, et son corps rompu et percé : ce que les Grecs désignent encore par une cérémonie plus particulière, en perçant le pain consacré avec une espèce de lancette, et en récitant en. même temps ces paroles de l’Évangile : « Un des soldats perça son côté « avec une lance, et le reste. » Bossuet, Explication des prières de la messe, xvil.

Les azymes rompus et changés au corps de Jésus reposaient sur un plat de la table. Les termes dont se servent les évangélistes : « il donna, prenez, mangez, » semblent indiquer, en effet, que Jésus ne donna pas à chacun des Apôtres le pain consacré, mais qu’il en déposa les fragments sur un plat qui passa de main en main. Tous en prirent leur part.. Jésus venait de se donner tout entier, et il le marqua en ajoutant, sans attendre la consécration de la coupe : « Faites ceci en mémoire de moi. » Luc, xxii, 19. Il lui restait néanmoins à présenter une plus complète expression de sa mort, en montrant après sa chair immolée son sang répandu. Voici comment il le fit :

Le repas était terminé ; la troisième coupe, Luc, xxii, 20, « le calice de bénédiction, » qu’on buvait avant les derniers chants, venait d’être versée. Jésus la prit, la bénit, et la présenta aux Apôtres : « Buvez-en tous, dit-il, ceci est mon sang, le sang du sacrifice qui consacre la nouvelle alliance, le sang qui sera répandu pour plusieurs en rémission des péchés, » paroles dont saint Luc, xxii, 20, resserre toute la substance : « Cette coupe est le nouveau testament dans mon sang qui sera versé pour vous. » 11 y avait donc dans cette coupe un sang qui devait bientôt couler et consommer l’alliance nouvelle : plein de ces pensées, Jésus ne voyait que mort autour de lui et ne trouvait pour consacrer le vin du sacrifice que les paroles de Moïse scellant aussi dans le sang l’antique alliance. Mais en même temps il offrait aux siens dans ce calice une source de vie éternelle : « En vérité, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. Pour vous, toutes les fois que vous le boirez, faites-le en mémoire de moi. » La Cène se termina, selon l’usage, par un hymne d’actions de grâces. Matth., xxvi, 30.

C. Fouard.

    1. CÉNÉRETH##

CÉNÉRETH, nom d’une ville et d’un lac de la Galilée. Hébreu : Kinnérét ; Septante : KevepsB ; Codex Alexandrinus : XsvepiS. Ce nom se trouve écrit, dans Jos., xi, 2 : Kinnârôt ; Septante : KeveptiO, et Vulgate : Ceneroth ; dans Jos., xii, 3 (et III Reg., xv, 20) : Kinnerût ; Septante : XevvepiÔ ; Vulgate : Cénéroth ; dans Deut., iii, 17, les Septante transcrivent en conservant la particule a, me, « de, » qui précède le nom en hébreu : Ma^aveoÉO ; Codex Alexandrinus : Ma-^îvepl6.

1. CÉNÉRETH. Ville forte de la tribu de Nephthali. Jos., XIX, 35. Cette ville se trouve citée presque dans

dans

la même forme, Kennaratou, *—-> k. VJ.

la liste de Karnak des villes de la Syrie conquises par Thothmés III. Cénéreth et Cénéroth sont assez généralement considérés comme des formes ou dérivations de Kinnôr, « harpe, » pluriel Kinnôrôt. Cette ville s’appelait ainsi, suivant le Talmud de Babylone, Megillah, 6, a, parce que « ses fruits étaient doux comme le son d’une harpe ». Cf. A. Neubauer, Géographie du Tal

mud, in-8°, Paris, 1868, p. 214. — Origêne, Lexicon nominum hebraicorum, dans la Pair, lai., t. xxiii, col. 1231-1232, propose d’abord la même étymologie : « Kinyra, écrit-il, harpe » (Kivùpa, xc9àpa), et ajoute : « ou science de la lumière » (r, èr.iyvtomz oazôz). Il semble prendre pour racines qânâh, « acquérir, » et’ô>, « lumière. » Saint Jérôme, ibid., considérant sans doute que Kinnérét, s’écrivant avec d, ne peut dériver d’un mot s’écrivant avec p, remplace, dans sa traduction, l’interprétation d’Origène par celle-ci : « ou bien comme des flambeaux, » aut quasi lucemse, faisant évidemment dériver Cénéroth

de la particule : , « comme, » et nêrôt, pluriel de nêr, « lumière. » Ces interprétations sont des conjectures sans fondement ; il se pourrait que le nom fût purement chananéen. Dans les Talmuds, cette ville est appelée Ginôsar. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 214. À ce nom a succédé celui de Génésar, grec : Vvivi, aâp, I Mach., xi, 07, et Josèphe, Bell, jud., III, x, 7, etc., et celui de Génésareth, Tev/yio-apér, dans les Evangiles. Voir Génésar et Génésareth.

La ville de Cénéreth est citée, Jos., xix, 35, entre les villes de Nephthali, Assedim, Ser, Émath et Reccath, d’une part ; Édema, Arama et Asor, d’autre part. Ainsi que toutes ces localités, elle devait certainement se trouver dans le territoire qui borde, du côté occidental du Jourdain, le lac de Tibériade, l’antique mer de Cénéreth ; mais les palestinologues ne sont point d’accord sur sa situation. Selon le Talmud, Megillah, i, 1, Cénéreth devrait être cherchée au sud de Tibériade, près de Bêt-Iérah (très probablement la Tarichée de Josèphe) et près de Sennabri ( Sennabris et Gennabris du même historien) : ces localités auraient servi de remparts et de forts à Cénéreth. Le Midrasch ne distingue pas Cénéreth de ces deux villes. Voici ses paroles : « Cénéreth. R. Éliézer dit : [c’est] lérah ; R. Samuel bar Nahman dit : [c’est] Bêt-Iérah ; R. lehoudah bar Simon dit : [c’est] Sennabri et Bêt-Iérah. » Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 214 et 215. Le nom revvaëpi ; ou 2ewa6pt5, plus voisin du mot Cénéreth que Génésareth, pourrait être, en effet, une dérivation de l’antique dénomination biblique. Dans la transcription des noms hébreux en grec, la lettre S s’est souvent unie à la lettre p : ainsi les Septante écrivent constamment Au.opi pour Amri, et Zafiëpi’pour Zamri. Les populations de la Palestine d’ailleurs donnent à la lettre ^ = zz= k un son qui tient du g, du ï ; (s) et du tf (s). Josèphe, Bell, jud., III, IX, 7, place Sennabris à trente stades (5 kilomètres 600 mètres environ), au sud de Tibériade ; la Grande Plaine (Méya ireSi’ov), ou vallée. du Jourdain, commence au village de Gennabrin (Tevvaëpfv ) et se termine au lac Asphaltite. Bell, jud., IV, viii, 2. Or, si de l’extrémité sud des ruines de l’ancienne Tibériade, qui touchent presque aux bains actuels, on s’avance, dans la même direction, à un peu plus de cinq kilomètres et demi, on rencontre un tertre appelé par les Arabes Sennen - Nibrah et Senn-Nibrah. Son sommet est jonché de ruines à moitié recouvertes par d’épaisses broussailles. On y remarque les traces d’un mur d’enceinte. Au-dessous, à l’est, le lac s’arrondit en une jolie petite baie tout environnée de lauriers-roses et d’agnuscastus. Au sud de cette baie et au sud-est du tertre commence la longue ruine qui s’étend jusqu’à l’extrémité du lac et à l’endroit où en sort le Jourdain. Elle est connue sous le nom de Kérak. Ce nom est considéré par plusieurs comme une corruption de Bétlérah et de Tarichée. Senn-Nibrah semble n’avoir été qu’une partie, un quartier de Kérak. Les ruines de Kérak couvrent une suite de collines qui se succèdent sur la rive du lac sur une longueur d’un kilomètre. Çà et là on rencontre des restes de fortifications. Le Jourdain, à sa sortie du lac remontant vers le nord sur le côté occidental des ruines, faisait une presqu’île de cette localité. Josèphe, Vit., 32, dit que Tarichée, ainsi que Sennabris, est à trente stades

II. — U

419

CENERETH

420

de Tibériade, sans en indiquer l’orientation ; mais Pline, H. N., v, 15, la place au midi. Il semble que, comme les Talmuds, Josèphe fait de Gennabris et de Tarichée une seule localité. Ce qui ne me paraît pas douteux, c’est que Senn-Nibrah et Kérak nous offrent les débris des villes nommées par les Talmuds Sennabri et Bètlérah. D’après l’état des ruines, on peut conjecturer que Gennabris et Bèt - Iérah ou Tarichée étaient dans le commencement deux localités différentes, mais peu éloignées ; qu’elles ont fini par se joindre et former comme une seule ville appelée tantôt d’un nom, tantôt de l’autre. Immédiatement après les ruines de Kérak commence le Ghôr ou vallée du Jourdain, la Grande Plaine de Josèphe. Moïse, Deut., iii, 17, et Josué, xi, 2, font aussi commencer l’Arabah et le territoire de Gad au sud de Cénéreth. L’identification de Cénéreth avec Sennabris et Senn-Nibrah et Kérak pourrait paraître à peu près incontestable, s’il était certain que ces deux auteurs sacrés désignent ici la ville de Cénéreth, non le lac du même nom. Voir Cénéreth 2.

Dans le Talmud de Babylone, Cénéreth n’est pas toujours identifiée avec Sennabri ; elle l’est quelquefois avec Tibériade. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 208. Saint Jérôme, Liber de situ et nom. hébr., t. xxiii, col. 889, au mot Chinnereth, présente la même identification comme une opinion ayant des partisans à son époque : « La bourgade, dit-il, appelée plus tard par Hérode, roi de Judée, Tibériade, en l’honneur de Tibère César, s’appelait d’abord, dit-on (ferunt), de ce nom. » Ce sentiment a été suivi presque généralement par les voyageurs du moyen âge. Cf. Jean de Wurzbourg, Descriptio Terrx Sanctse, c. vi, t. clv, col. 1071 ; Theodoricus, Libellus de Locis Sanctis, édit. Titus Tobler, Saint -Gall, 1865, p. 102 ; Thietmar, Peregrinatio, 2e édit. Laurent, Hambourg, 1857, p. 6 ; Burkard du Mont-Sion, Descriptio Terrx Sanctse, 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 45 ; Odoricus de Foro-Julio, De Terra Sancta, ibid., p. 147, etc. De nos jours, le docteur Rich. von Riess, Bibelvtlas, 2e édit., 1887, propose également Tibériade, mais avec un point d’interrogation, et cela avec raison, car on ne trouve aucun fondement pour appuyer ce sentiment, et il y a plusieurs motifs de le rejeter.

Bonfrère, Onomasticon urbiuni et locorum Sacrse Scripturse, édit. Le Clerc, in-f°, Amsterdam, 1707, p. 52, prétend que Cénéreth pourrait n’être pas différente de Capharnaùm, que du moins elle ne devait pas en être éloignée. Luigi Marucci, dans son Abrégé de VOnomasticon, in-18, Lucques, 1705, p. 57, reproduit la même assertion. Pour ces auteurs, Capharnaùm étant sur les limites de Nephthali et de Zabulon, Cénéreth ne peut être éloignée de cette ville. Ils donnent à la parole de saint Matthieu, iv, 13, un sens strict qui est contestable.

Scewulf (1102), Relatio de situ Jérusalem, dans le Recueil des Voyages et mémoires de la Société géographique, in-4°, Paris, 1839, t. iv, p. 851, indique la ville de Génésareth à deux milles environ vers l’occident de la montagne de la multiplication des cinq pains et du lieu appelé Tabula Domini, c’est-à-dire à trois kilomètres à l’ouest de Tabagha. Cette indication pourrait désigner le Khirbet Miniéh, situé à l’extrémité est du Ghoueîr, au pied du mont appelé’Oreiméh, qui sépare la plaine de Tabagha du Ghoueîr. Le’Oreiméh est couvert de ruines parmi lesquelles on distingue des restes de tours et de fortifications. La montagne au nord du’Oreiméh porte le nom de Djébel-etKhanazir, dans lequel des écrivains modernes ont cru reconnaître une dérivation de Génésar. Cf. Gralz, Schauplatz der heiligen Sclirift, Ratisbonne (1858), p. 417. Ce nom, signifiant « mont des Porcs » ou « des Sangliers », me paraît plutôt un nom arabe donné à l’endroit à cause de ces derniers animaux qui y abondent.

F. de Saulcy croit reconnaître, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, in-12, Paris, 1872,

p. 100, Cénéreth dans Abou-Choucliéh. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 209-212, défend cette identification. Selon ces savants, Cénéreth = Génésar devait se trouver dans la plaine à laquelle elle avait donné son nom, ou sur ses confins. Cette plaine est certainement identique avec le Ghoueîr actuel, qui s’étend au nord du lac de Tibériade, entre Medjel et le Khan-Miniéh. C’est sur sa limite nord, à trois kilomètres et demi de Medjel, à cinq de Tibériade, à deux de ï Aïn-Medaouâréh, que se trouve Abou-Chouchéh. Ce village est ainsi appelé du nom d’un santon enseveli en ce lieu, et qui a un monument à blanche coupole parmi les tombes des habitants de la région. Il se compose d’une douzaine de mauvaises masures bâties de pierres de basalte brutes, liées par de la terre, debout au milieu de monceaux de décombres formés des débris d’habitations renversées du même genre. On n’y observe aucune trace de construction ancienne ni d’enceinte ; « mais, dit V. Guérin, combien de villes importantes et autrefois fortifiées n’ont pas laissé d’ailleurs en Palestine des traces plus considérables que celles qui existent à Abou-Chouchéh ! » Abou-Chouchéh est bâti sur le sommet d’une colline d’où le regard peut contempler la plaine du Ghoueîr dans toute son étendue ; au delà la nappe azurée du lac de Tibériade et les montagnes du Djaulan qui le bordent à l’est. Sur le flanc de la colline qui s’abaisse vers le Ghoueîr, un moulin est mis en mouvement par les eaux abondantes qui y sont amenées de l’ouadi Rabadiéh et s’écoulent ensuite vers le lac, à travers le Ghoueîr. Mejdel étant très certainement, observe V. Guérin, l’antique Magdala ou Magedan, Khan-Miniéh devant être, suivant lui, la Bethsaïde occidentale, il ne reste aux alentours du Ghoueîr, pour l’emplacement de Cénéreth, que celui d’Abou-Chouchéh.

Ceux qui adoptent l’opinion des Talmuds identifiant Cénéreth avec Sennabris font de leur côté une autre remarque. Le nom de Génésar a du être donné à la plaine de la ville qui l’a porté la première ; mais il n’est pas impossible qu’il lui soit arrivé par l’intermédiaire du lac. Ils observent en outre que, quoique Cénéreth et Génésar soient tenus pour des noms identiques, il ne serait pas improbable qu’il n’y ait eu aucun rapport entre les deux. Il n’est pas nécessaire, par conséquent, de chercher Cénéreth aux abords de cette plaine. Voir Génésar. Armstrong, "Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, in-8°, Londres, 1881, p. 43, au mot Chinnereth, ne proposent aucune identification.

Devant ces opinions contradictoires, on peut faire les observations suivantes : Deux de ces opinions sont appuyées d’arguments sérieux. 1° Celle qui cherche Cénéreth aux confins de la plaine de Génésar. Si Génésar dérive de Cénéreth, il est naturel que la ville ait donné directement son nom à la plaine plutôt qu’à la mer.

— 2° Celle qui voit Cénéreth dans Sennabris. Elle est fondée sur l’autorité du Talmud de Jérusalem, en partie rédigé à Tihériade, par des Juifs à même de connaître le site de Génésar ou Cénéreth ; il n’est pas improbable non plus que le nom de Sennabris ait pu dériver de Cénéreth. Cette dernière opinion pourrait paraître plus forte que la première. L. Heidet.

2. CÉNÉRETH (MER DE) (hébreu, Nurn., XXXIV, 11, et Jos., xiii, 27 : yâm-Kinnérét ; Jos., XII, 3 : yâm-Kinnârôt ; Septante : e^Xâcraïi XevepéÔ ; Codex Alexandrinus : 6aXâff<rri XswEpéÔ ; Codex Sinailicus, Num., xxxiv, 11 : OaXôddi-, Xsvapi), lac de la Galilée. Parmi les commentateurs, un grand nombre soutiennent que son nom lui vient de sa forme, qui est celle, disent-ils, d’une guitare ou d’une harpe, en hébreu kinnôr, pluriel kinnorôf. Plusieurs critiques contestent cette interprétation. La forme de ce lac, suivant eux, lui est commune avec la plupart des lacs, et l’usage le plus constant est de les nommer d’une des villes bâties sur leur rivage : aussi pensent - ils qu’il a été nommé Cénéreth de la ville de ce

nom bâtie sur ses bords. Cf. Matth. Polus, Synopsis criticorum et aliorum commenlalorum, 5 in-f°, Francfortsur-le-Main, 1712, t. i, col. 688 et 954. La mer de Cénéreth est citée, Num., xxxiv, 11, après Riblah et la fontaine [de Daphnis], avant le Jourdain, comme devant former, à l’orient, la limite de la terre d’Israël. En Josué, xii, 3, elle est donnée comme limite du royaume amorrhéen de Séhon ; xiii, 27, elle est désignée à la fois comme borne de ce royaume et de la tribu de Gad. La plupart des commentateurs et des critiques croient que les noms de Cénéreth et Cénéroth, employés seuls, Deut., iii, 17, et Jos., xi, 2, se rapportent également à la mer. Cénéreth est donné en ces endroits comme terme nord de la’Arâbâh ou vallée du Jourdain. La similitude de ces derniers passages avec les précédents donne lieu de le penser. On peut se demander toutefois si les auteurs sacrés ne voudraient pas parler de la ville du même nom ; car on peut supposer que, s’ils eussent voulu parler de la mer, ils l’eussent désignée comme ils le font Num., xxxiv, 11 ; Jos., xii, 3, et xiii, 27.

Le nom de mer de Cénéreth se transforma dans la suite en celui de mer de Génésar, mer de Ginosar, et mer de Génésareth, ou fut remplacé par eux. Voir ces divers noms. C’est ainsi que nous la trouvons désignée dans les livres des Machabées, les Talmuds, les Evangiles et les ouvrages de l’historien Josèphe. Nous la trouvons aussi indiquée sous le nom de mer de Galilée et mer de Tibériade. Voir Tibériade (Lac de). C’est sous ces divers noms qu’elle est célèbre dans l’histoire, surtout à cause des faits évangéliques qui s’accomplirent sur ses rivages ou dans ses ondes. Suivant Pline, H. N., v, 15, on l’aurait appelée quelquefois mer de Tarichée. L. Heidet.

CÉNÉROTH. Voir Cennéroth.

    1. CÉNEZ##

CÉNEZ (hébreu : Qénéz ; Septante : KevcÇ), nom de trois personnages.

1. CÉNEZ, cinquième fils d’Éliphaz, le premier-né d’Ésaù. Il fut chef de tribu, ’allûf, en Idumée. Gen., xxxvi, 11, 15, 42 ; I Par., i, 36, 53. Ce nom, après avoir été un nom de personne, est devenu vraisemblablement un nom de lieu ou de tribu, Gen., xxxvi, 42, comme cela est arrivé pour Théman, le premier fils d’Éliphaz.

2. CÉNEZ, père d’Othoniel, Jos., xv, 17 ; Jud., i, 13 ; in, 9, 11 ; I Par., iv, 13, et de Saraïa. I Par., iv, 13. Comme Othoniel, juge d’Israël, était frère de Galeb, le fils de Jeplioné, Cénez, n’était pas le père d’Othoniel au sens strict, mais son grand-père ou son ancêtre.

3. CÉNEZ, fils d’Éla et petit-fils de Caleb. I Par., iv, 15. Le texte hébreu porte : « Et les fils d’Ela et Cénez ; » les Septante : xjcI u : oi’A8à * Kïvé’, et la Vulgate : Filii quoque Ela : Cenez. Il y a évidemment un nom tombé entre et les fils d’Éla… et Cenez, puisque le mot « fils » est au pluriel et que Cénez est nommé seul.

    1. CÉNÉZÉENS##

CÉNÉZÉENS (hébreu : haq-Qenizzî, au singulier et avec l’article ; Septante : o Keve : <z : oi), un des peuples qui habitaient le pays promis par Dieu à la postérité d’Abraham. Gen., xv, 19. Le territoire qu’il occupait nous est inconnu. Il est à remarquer qu’on ne le trouve pas mentionné parmi les autres tribus vaincues et dépossédées par les Israélites. Cf. Exod., iii, 8 ; Jos., iii, 10 ; Jud., m, 5. Faut-il croire, avec Bochart, Phaleg, iv, 36, Cæn, 1646, p. 348, qu’il avait disparu d’Abraham à Josué, ou que, s’il appartenait aux contrées promises « depuis le lleuve d’Egypte jusqu’au grand fleuve de l’Euphrate », Gen., xv, 18, il était en dehors des limites de la première conquête ? Nous sommes ici dans le domaine des conjectures. — Le mot Cénézéens se retrouve dans trois autres endroits de la Bible, Num., xxxii, 12 ; Jos., xiv, 6, 14,

comme nom patronymique de Caleb, fils de Jéphoné. Il correspond à « fils de Cénez », qu’on rencontre ailleurs, Jos., xv, 17 ; Jud., i, 13 ; iii, 9, 11, appliqué à Othoniel, le plus jeune frère de Caleb. Il n’a aucun rapport avec le peuple de la Genèse, malgré la trop ingénieuse opinion d’Ewald, Geschichle des Volkes Israël, Gœttingue, 1864, t. i, p. 361-362, et de Bertheau, dans le Bibél - Lexicon de Schenkel, Leipzig, 1871, p. 521, qui l’expliquent par une prétendue alliance du chef israélite avec une partie de cette tribu, établie dans le sud de Chanaan, pendant qu’une autre partie habitait le pays d’Édom.

A. Legendre.

CÉNI, CENIEN (Vulgate : Ceni), nom que notre version latine, I Reg., xxvii, 10 ; xxx, 29, donne au peuple qu’elle appelle ailleurs Cinéen. Voir Ciséens.

    1. CENNÉROTH##

CENNÉROTH (hébreu : Kol-Kinnerôt, sous-entendu sans doute’érés, « terre, pays ; » Septante : n&aiv irv [v^v] XewEpéO), région au nord du royaume d’Israël, dans la tribu de Nephthali. III Reg., xv, 20. Le roi d’Israël Baasa s’étant emparé de Rama de Juda, Asa, roi de Juda, envoya des présents à Bénadad, roi de Damas, en lui demandant d’attaquer Baasa. « Bénadad, accueillant la demande du roi Asa, envoya les chefs de son armée contre les villes d’Israël ; ils s’emparèrent d’Ahion, Dan, Abel-Beth-Maacha et de tout [le pays] de Cennéroth, c’est-à-dire de toute la terre de Nephthali. » III Reg., xv, 17-20. L’expression « tout Cennéroth », rmas-bs, ne peut s’entendre de la ville seule

de Cennéroth, ni du lac, mais désigne évidemment tout un territoire ou une région. Cette région est-elle identique à celle appelée dans les Évangiles, Matth., xiv, 34, « terre de Génésar » ou « de Génésareth », et à la plaine de Gennésar dont parle Josèphe, Bell, jud., III, x, 8 ? Dans les trois cas, il s’agit évidemment d’une région située près du lac des mêmes noms. La plaine de Gennésar de Josèphe est certainement le Ghoueir actuel ; on croit généralement que la « terre de Génésar » de l’Évangile le désigne aussi ; l’expression « tout Cennéroth » comprend sans doute le territoire appelé aujourd’hui le Ghoueir, rien ne permet de le contester ; mais ne comprend-elle que lui ? Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in Ihe Old Testament and apocrypha, Londres, 1887, p. 44, se contentent de désigner le Ghoueir comme identification moderne de Cennéroth et de remarquer que ce nom désigne le district appelé plus tard « terre de Génésareth ». Il est à croire cependant que cette expression ne doit pas signifier seulement ce territoire, dont la plus grande longueur n’atteint pas cinq kilomètres, et dont la plus grande largeur n’a pas trois kilomètres ; mais qu’elle a une signification plus étendue, embrassant très probablement tout le territoire aux alentours de la mer de Cennéroth appartenant à Nephthali et au royaume d’Israël.Voir Cénéreth, Génésar, Génésareth et Nephthali.

L. Heidet.

CENS. La Vulgate emploie le mot census, « cens, » dans plusieurs significations différentes. — 1° Dans II Esdras, vii, 5, le mot census traduit l’hébreu liay-yal.iai ; « généalogies, » expression que les Septante rendent par <T’j- ; oôîa, « rassemblement. » De même au ꝟ. 64. Voir Recensement. — 2° Dans l’Ecclésiastique, xxx, 15, le mot census traduit le mot grec oXëoç, « trésor, » et, au y. 16, le mot grec u/.oûto ; , « richesse. » Les deux versets signifient : le premier, qu’un cœur vaillant vaut mieux que la plus grande richesse ; le second, qu’il n’est pas de richesse préférable à la santé. — 3° Dans le Nouveau Testament, le mot « cens » est employé deux fois pour désigner une forme d’impôt. Quand les percepteurs du didrachme demandent à Simon Pierre si Jésus ne paye pas cet impôt, le Sauveur pose à Pierre cette question : « Simon, que te semble-t-il ? De qui les rois de la terre reçoivent-ils le tribut ou le cens (tributum vel censura, teXt] î) xïjvitgv) ? Est-ce de leurs lils ou des étrangers ? »

Matth., xvii, 24. Voir Capitation. — Dans un autre passage, ce mot désigne proprement un des impôts payés au gouvernement romain. Des hérodiens, envoyés par les pharisiens, interrogent Jésus : « Dis-nous que te semble-t-il ? Est-il permis de payer le cens (x.ipaov, censum ) à César, ou non ? Jésus, connaissant leur malice, leur dit : Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ? Montrez-moi la monnaie du cens (numisma census, vô]xi(T[j.ï toû xr, vorou). Et ils lui présentèrent un denier. Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription ? Ils lui dirent : De César. Il leur dit alors : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Matth., xxii, 17-22. Dans certaines provinces de l’empire romain, les habitants avaient à payer pour leur personne un tribtitum capitis (qipoi au>i.âwi). Pour ceux qui possédaient des propriétés, cet impôt était proportionnel à leurs revenus ; pour ceux qui ne possédaient rien, il était fixé à tant par tête. C’est ce que Tertullien exprime par ces mots : « Hominum capita stipendio censa. » Apol., 13, t. i, col. 346. Ceux qui étaient ainsi taxés étaient, selon son expression, « capita ignobiliora. » Ibid. Le texte de saint Matthieu nous montre qu’en Judée la taxe perçue était d’un denier, et, selon Appien, Syr., 50, les Juifs étaient ceux qui payaient le tributum capitis le plus élevé. Les Romains n’avaient fait, du reste, que maintenir à leur profit un tribut imposé aux Juifs par les Ptolémées et les Séleucides. Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 1.

La pièce de monnaie qu’on montre à NotreSeigneur est un denier romain, probablement à l’effigie de Tibère. Voir Denier. Ce denier portpit donc au droit l’image de

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134. — Denier d’argent de Tibère.

TI[6erta] CAESAR DITI AVG-CusM] P[ « i « s] ATGVSTVS. Tête dladéinée de Tibère. — Ci. PONTIFfe : c] MAXIMqus]. Femme

l’empereur avec son nom et ses titres, et au revers une image avec ou sans inscription. Nous donnons ici un type de cette monnaie (fig. 134). Ces deniers ne pouvaient être employés qu’au payement de l’impôt ou aux transactions commerciales. Il était interdit de s’en servir dans le Temple, précisément à cause des images qui y étaient gravées. Voir J. Marquardt, De l’organisation financière des Romains (Manuel des antiquités romaines de Mommsen et J. Marquardt, trad. franc., in-8°, Paris, 1888, t. x), p. 249-256. E. Beurlier.

CENTAURÉE. 1° Hébreu : dardar ; Septante : ?pl60lor, Vulgate : tribulus, Gen., iii, 18 ; Ose., x, 8. — 2° Hébreu : galgal, Ps. lxxxii, 14 ; Is., xvii, 13 ; Septante :-zpoyhi ; Vulgate : rota, Ps. lxxxiii, 14 ; Septante : xoviopTÔv xpo-Xo-j ; Vulgate : lurbo, Is., xvii, 13.

I. Description. — Ce genre de plantes, aux espèces très nombreuses (plus de trois cent cinquante) et très variées, appartient à la famille des composées, tribu des cynaroïdées. Ce sont des herbes ordinairement vivaces, à tiges ramifiées, aux feuilles entières ou diversement découpées, aux fleurs toutes semblables ou de couleurs variées : les unes, à la circonférence, stériles ; les autres, au centre, fertiles, dont les capitules ont l’involucre formé d’écaillés imbriquées souvent épineuses. Voici d’après E. Boissier, Flora orientalis, 5 in-8°, Genève, 1807-1884, t. iii, p. 689-694, et H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, dans The Swvey of Western Palestine, m-4°, Londres, 1884, p. 338-340, les principales espèces

épineuses qui croissent en Palestine et en Syrie. — 1° Centaurea calcitrapa, vulgairementchardon étoile ou chaussetrape, plante de trente à quarante centimètres, à tige très rameuse formant buisson, aux feuilles vertes, pubescentes, sessiles, pennatilobées, dont les capitules ovoïdes, solitaires, ont un involucre à écailles pourvues de cinq à sept épines, dont la terminale est large et forte. On la trouve dans les plaines de Moab, sur le mont de la Quarantaine. — L’espèce ou variété Iberica se trouve plus fréquemment en Palestine que la Calcitrapa. Elle en diffère par son port plus robuste, plus élevé, ses capitules floraux plus grands ; ses fleurs sont roses et ses graines surmontées d’une aigrette blanche. Les variétés Meryonis et Hermonis habitent, la première, sur le littoral et dans le Liban ; la seconde, sur le mont Hermon et dans l’Anti-Liban. La Centaurea Meryonis a les feuilles de la tige presque entières, les écailles florales largement bordées de blanc et terminées par une épine robuste ; toute la plante est recouverte d’un duvet blanc. La Centaurea Hermonis se reconnaît à ses feuilles étroitement découpées, à ses capitules floraux petits, garnis de longues et fines épines aux fleurons d’un rose pâle. — 2° Centaurea pallescens, aux feuilles radicales profondément pinnatifides, étroites, à divisions crénelées, aux feuilles des rameaux lancéolées ou linéaires, aux fleurs d’un jaune pâle, dont le calice globuleux est formé d’écaillés munies

%

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135. — Ccnîanrea hyalolcpis.

D’après un pied cueilli sur le mont Sion. — À gauche, tige et

racine ; à droite, rameau aveo fleurs et fruits.

d’une longue épine terminale, à la base de laquelle, de chaque côté, naissent deux courtes épines. La variété hyalolepis (fig. 135) a les capitules blanchâtres, à épines plus faibles, et la graine surmontée d’une longue aigrette. Ces deux centaurées se rencontrent dans toute la Palestine, sauf dans les montagnes du nord. La Centaurea araneosa diûere de cette dernière espèce par le duvet grisâtre et frisé qui la recouvre, par ses involucres munis de filaments blanchâtres ressemblant à une toile d’araignée. Elle croit dans les plaines du bord de la mer, au Carmel et à Gaza. — 3° Centaurea verutum, qui, d’après Linné, Àmœnitates academicas, 10 in-8°, Erlangen, 1787-1790, 3e édit., t. iv, p. 292, est une grande plante atteignant de deux à quatre pieds de hauteur, à tige à peine rameuse, portant des ailes latéralement ; ses feuilles sont allongées, terminées en pointes ; les capitules floraux sont espacés vers le sommet de la tige, gros comme une noix, sphériques, blanchâtres ; leurs écailles sont armées d’une épine atteignant un centimètre et demi de longueur, jaune à la base, noirâtre au sommet ; les fleurs sont jaunes, la graine pubescente et surmontée d’une

longue aigrette. On la trouve dans les plaines d’Esdrelon, de Génésareth, etc. — 4° Centaurea crocodylium, qu’on rencontre aussi dans la plaine d’Esdrelon, en Galilée, à Banias, est une belle plante annuelle, atteignant parfois plus d’un mètre de hauteur, aux feuilles oblongues, découpées en forme de lyre, aux capitules larges portant des écailles d’un blanc transparent, aux fleurons roses et allongés. — 5° Centaurea solstitialis, répandue dans toute la Palestine, est une herbe bisannuelle, à tige droite, très rameuse, anguleuse, couverte, ainsi que les feuilles, d’un duvet blanc cotonneux ; les feuilles inférieures sont découpées, les supérieures linéaires, entières, et forment une aile sur la tige ; les capitules floraux ont les écailles terminées par une épine de couleur jaune-paille. — 6° Centaurea sinaica, sur les collines des bords de la mer Morte, à Saint-Sabas, etc., est une herbe annuelle recouverte également d’un duvet grisâtre ; aux feuilles découpées en lobes ; aux capitules solitaires, assez gros, jaunâtres, à épines robustes, ciliées ; aux Heurs de couleur carnée, à graine surmontée d’une aigrette brune. — 7° Centaurea procurrens, plante couverte de papilles, à rameaux portant un à trois capitules de grosseur médiocre, ovales, presque glabres ; les feuilles sont linéaires, les inférieures découpées, les supérieures dentées ; les capitules sont formés d’écaillés membraneuses, blanches sur les bords et terminées par cinq à sept épines étalées en éventail. On la trouve dans les plaines de Saron et du pays des Philistins, dans les déserts du sud. — 8° Centaurea hololeuca, croît dans la région des cèdres du Liban. C’est une herbe vivace, grêle, haute d’un pied, blanchâtre ; la tige ne porte qu’un seul capitule ovale conique, tronqué à la base, formé d’écaillés jaunâtres, bordées d’épines étalées en éventail ; les feuilles sont oblongues-lancéolées, presque entières, formant une aile sur la tige ; les fleurs sont jaunes. — 9° Centaurea

136, — Centaurea myrioceptiala,

myriocephala ( fig. 136), dont la tige se subdivise dès la base en nombreux rameaux divariqués, d’égalos longueur et grosseur, aux feuilles radicales en forme de lyre, aux feuilles des rameaux oblongues-lancéolées, aux capitules terminaux petits et portés sur des pédoncules presque sans folioles, aux écailles de l’involucre se terminant en une épine jaunâtre, aux fleurs couleur jaune-paille. On la trouve dans les plaines d’Alep et de Damas, dans le Hauran, le pays de Moab et la Mésopotamie.

M. Gandoger.

II. Exégèse. — 1° Le dardar se trouve deux fois mentionné dans le texte hébreu, associé chaque fois à qôs : dans tien., iii, 18, au sujet de la malédiction portée contre la terre à cause du péché d’Adam : « Le sol produira pour toi Je qôs et le dardar ; » et dans Osée, x, 8, à propos de la destruction des autels idolâtriques d’Israël : « Le qôs et le dardar croîtront sur leurs autels. » Dardar est un nom collectif rendu par tpioovoi dans les Septante, et

tribulus, tribuli, dans la Vulgafe. Tout le monde s’accorde à l’entendre d’une plante épineuse, nuisible à la culture, d’une croissance facile et poussant aussi dans les ruines : ce que les Grecs et les Latins entendaient par Tpt’ëoXoç, tribulus. Les Septante et la Vulgate auraient donc bien rendu notre mot dardar. — Le-cplêolos se présente deux fois dans le Nouveau Testament, Matth., vii, 16, et Hebr., "i, 8. Saint Paul, faisant allusion à Gen., m, 18, emploie comme équivalent du dardar le terme TpfêoXot. Il est à remarquer que le syriaque, dans cette épître, rend ïp ; 20/.o ; par darderê’. — Mais les opinions se divisent quand il s’agit de déterminer ce que les anciens entendaient par le tribulus. Selon les uns, ce serait une plante de la famille des zygophyllées, le Tribulus terrestres ou la Fagonia arabica, Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 128 ; E. F. K. Rosenmùller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, X" partie, p. 194. Mais plus communément on identifie le dardar ou tribulus avec une ou plusieurs espèces de centaurée (les anciens devant comprendre sous un même nom plusieurs des espèces si nombreuses de ce genre, qui infestent les champs des contrées orientales aussi bien que ceux de l’Occident). H. B. Tristram, Tlie natural History of the Bible, p. 425. D’après lbn et Beîlhar, Traité des simples, n° 2106, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. xxvi, i™ partie, p. 305, la Centaurea calcitrapa, appelée par les Arabes morrâr, est connue des habitants du Diàr Bekr sous le nom de derdcriya. De même, en Palestine, les fellahin appellent dardar la centaurea iberica. Voir Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1892, p. 161.

2° Galgal, qui veut dire « chose roulante », et de là « une roue », a, dans Ps. lxxxiii, 14, et Is., xvii, 13, un sens spécial qui n’a pas été saisi en général. Priant Dieu contre les ennemis de son peuple, le Psalmiste s’exprime ainsi :

Mon Dieu, traite-les comme le galgal,

Comme là paille au souffle du vent.

Dans une image semblable, Isaïe, xvii, 13, annonce que la multitude des ennemis d’Israël

Sera dissipée comme la paille sur les montagnes au souffle du vent, Et comme te galgal par un tourbillon.

Les Septante, dans Ps. lxxxii, 14, traduisent par Tpo-/ov, et dans Is., xvii, 13, par xoviopTÔv rpo-/o-j. La Vulgate a rota dans ce Psaume, et turbo dans Isaïe. Les traducteurs ont donc vu dans ce mot galgal un tourbillon. Mais galgal, étant mis en parallèle avec la paille ou la balle de blé, doit être une chose correspondante, emportée également par le vent, plutôt que le tourbillon lui-même. Et d’ailleurs un tourbillon n’est pas emporté par le vent ; c’est le tourbillon de vent qui emporte la poussière ou la paille qu’il trouve sur son chemin. Le sens de galgal, « chose roulante, » convient admirablement à la tige desséchée de la centaurée à dix mille têtes, Centaurea myriocephala, « espèce insigne dans la flore orientale, dit Boissier, Flora orientalis, t. iii, p. 682, dont les touffes sèches, larges d’un pied ou deux, roulent au vent dans les plaines. » Quand la tige, très ramifiée, a été desséchée par le soleil, elle se détache au ras de terre et est emportée au gré du vent. On voit bondir ces boules d’herbes par centaines dans toutes les directions, avec un bruit de feuilles sèches qui épouvante les chevaux. En automne, ces boules roulantes abondent dans les plaines de la Syrie, dans le Hauran, le pays de Galaad. W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1876, p. 563-564. Rien n’exprime mieux la comparaison du prophète :

Dissipée comme la paille sur les montagnes au souffle du vent, Comme Yherbe roulante par un tourbillon.

Le Galgal comprend peut-être aussi plusieurs espèces d’Eryngium, assez abondantes en Palestine. En France,

YEryngium campestre s’appelle vulgairement « chardon à cent têtes » et « chardon roulant ». Il roule en effet au vent d’automne comme la Centaurea myriocephala. C’est, il est vrai, une ombellifère et non une composée, mais à première vue elle a de grands rapports avec les chardons et les centaurées. E. Levesque.

    1. CENTURION##

CENTURION (grec : txaTovTâp)oç ; Vulgate : centurio ), commandant d’une troupe de cent hommes.

I. Centurions dans l’Ancien Testament. — Il y avait, dans l’armée juive, des « chefs de cent hommes » (hébreu : sârê mê’ôt), et les Septante et la Vulgate latine les ont souvent désignés sous le nom de éxaTovTip-/ » ii, et centurio, « centurion, » même dans l’Ancien Testament. Quand Moïse, sur l’ordre de Dieu, organisa les Israélites dans le désert, il "les divisa en troupes de mille hommes, subdivisés en groupes de cent, de cinquante et de dix. Les sârê mê’ôt ou chefs de cent hommes doivent être Choisis parmi les hommes les plus vertueux et juger les affaires de peu d’importance, en réservant les grandes au jugementde Moïse. Exod., xviii, 21, 22, 25, 26 ; Deut., i, 15-17. Ce sont donc des magistrats analogues à nos juges de paix. — Ils sont en même temps des chefs militaires, car dans les Nombres, xxxi, 14, 48, 52, ils conduisent leurs hommes au combat. — Quand Samuel annonce au peuple les malheurs qui suivront l’établissement de la royauté, il prédit au peuple que le roi prendra ses fils pour en faire des chefs de cinquante hommes d’après le texte hébreu, des centurions d’après les Septante et la Vulgate. I Reg., viii, 12. — Saùl, pour détourner ses serviteurs de suivre David, leur fait remarquer que celui-ci ne pourra pas faire d’eux des centurions. I Reg., xxii, 7. — Les centurions figurent comme chefs militaires dans l’armée de David, II Reg., xviii, 1, et le roi les consulte avant de livrer combat. I Par., xiii, 1. Il les consulte aussi sur le dessein qu’il a de bâtir un temple au Seigneur. I Par., xxviii, 1. Les dépouilles prises par eux sur les ennemis avaient été offertes en ex-voto et conservées dans le trésor sacré. I Par., xxvi, 26. Ils offrent aussi de l’or et de l’argent pour le service de la maison de Dieu. I Par., xxix, 0-7. Les centurions servaient à tour de rôle, pendant un mois, en même temps que le contingent auquel ils appartenaient. I Par., xxvii, 1. — Il est encore question des centurions sous le roi Salomon, II Par., i, 2, sous Joas, II Par., xxiii, 1, 9, 14, 20, lorsque le grand prêtre Joïada leur donne pour armes les lances et les boucliers consacrés par le roi David, et sous Amasias. II Par., xxv, 5. — Judas Machabée, quand il organise son armée, institue également des centurions. I Mach., iii, 55.

II. Centurions romains. — Les centurions de l’armée romaine sont souvent mentionnés dans le Nouveau Testament. Un centurion aborde Notre -Seigneur à Capharnaiim pour lui demander la guérison de son serviteur, et mérite de lui cet éloge, qu’il n’a pas trouvé une foi pareille en Israël. Malth., viii, 5-15 ; Luc, vii, 1-11. — Un centurion commande la troupe qui conduit le Sauveur au supplice, et rend témoignage à sa divinité. Matth., xxvii, 54 ; Marc, XV, 39 ; Luc, xxiii, 47. — Le premier gentil converti est le centurion Corneille. Act., x, 1-48. Voir Corneille. — Il est également question de centurions dans le récit de l’arrestation de saint Paul à Jérusalem, Act., xxi, 32 ; un centurion préside à la flagellation de l’Apôtre, xxii, 25-26, d’autres sont chargés de le garder, xxiii, 17 ; xxiv, 23 ; de le conduire à Césarée, xxiii, 23 ; de le mener à Rome, xxvir, 1, 6, 11, 31, 43. Voir Julius.

Les centurions tiraient leur nom du nombre d’hommes auxquels ils commandaient. Nonius, p. 520 M ; Varron, De lingua latina, v, 88. Sous l’empire, il y avait soixante centurions par légion. Aulu-Gelle, xvi, 4, 6. Chaque groupe de deux centuries formait un manipule commandé par le premier des deux centurions, et six centuries une cohorte, commandée par le premier des six centurions, i

Les centurions commençaient par les postes inférieurs et s’élevaient par degrés jusqu’aux premiers, sauf les exceptions faites en faveur de ceux qui se signalaient par des mérites exceptionnels. Les premiers d’entre les centurions étaient appelés à faire partie des conseils de guerre, on les appelait primi ordines ou ordinarii. Tacite, Hist. r n, 89 ; Velleius Paterculus, ii, 112, 6 ; Corpus inscript, latin., t. v, 952 et 8275 ; t. viii, 2532. Le premier des centurions était celui de la première centurie de la première cohorte. On le désignait sous le nom de primus pilus ou primipilus. Corpus inscript, latin., t. v, 4373 ; t. x, 1711. Ce titre était généralement le couronnement de la carrière du centurion. Le primipile avait la garde de l’aigle légionnaire. Valère Maxime, I, 6, 11 ; Tacite, Hist., iii, 22 ; Juvénal, Sat., xiv, v. 97 ; Corpus inscript, latin., t. viii, 2644. Tous les centurions portaient comme insigne de leur

137.

Centurion romain. Bas-relief du tombeau de Quintus Publius Festus, centurion de la xie légion.

grade le cep de vigne, vitis, dont ils se servaient pour frapper les soldats. Pline, H. N., xiv, 19 ; Juvénal, Sat., vin, 247 ; Tacite, Annal., i, 23. Aussi dans le langage usuel le mot vitis désigne-t-il le centurionat. Juvénal, Sat., xiv, 193 ; Spartien, Hadr., x, 6. Le cep avait la forme d’une canne recourbée en haut. E. Ilùbner, Archseol. Epigr. Mittheilungen, t. v, p. 206, note 11. Les centurions sont aussi les seuls que les monuments de l’époque impériale nous montrent portant des jambières (fig. 137). E. Hûbner, ibid., note 13.

Quand ils avaient terminé leur temps de service, les centurions rentraient la plupart du temps dans la vie privée, et, grâce surtout aux concessions de terrains qui leur étaient faites dans les colonies, ils jouissaient d’une certaine aisance. Les anciens primipiles, prmi ipilares, étaient particulièrement renommés par leurs richesses. Souvent ils entraient dans l’ordre des chevaliers. Corpus inscript, latin., t. viii, 9290 ; t. x, 5064, etc. Exceptionnellement le centurionat était le point de départ d’une carrière plus élevée, c’était principalement pour les jeunes gens de famille que l’empereur autorisait à débuter dans la carrière militaire par le grade de centurion.

Les cohortes auxiliaires avaient également des centurions de rang inférieur aux centurions légionnaires. Les centurions qui figurent dans le Nouveau Testament appartenaient à ces cohortes. Quand elles étaient composées de cavalerie et d’infanterie, les centurions commandaient les cavaliers comme les fantassins. C’est ainsi que deux centurions commandent deux cents fantassins et soixante-dix cavaliers. Act., xxiir, 23. De même Josèphe mentionne un centurion commandant un détachement de cinquante cavaliers. Bell, jud., III, iv, 2.

III. Bibliographie. — J. Marquardt, De l’organisation i militaire chez les Romains (Manuel des antiquités romaines de Th. Mommsen et J. Marquardt, trad. franc., t. xi), Paris, 1891, p. 65-77 ; A. Millier, Die Rangordnung und das Avancement der Centurionen in der rômischen Légion, dans le Philologus, 1879, p. 126-149 ; Th. Mommsen, Nomina et gradus centurionum, dans YEphemeris epigraphica, t. iv (1879), p. 226-245 ; H. Karbe, De centurionibus romanorum qusestiones epigraphicse, dans les Dissert, philolog. Halenses, t. IV (1880), p. 387-434 ; E. Desjardins, Les centurions, dans les Mélanges Graux, 1884, p. 676-679 ; Gellens Wilford, Observations sur les prinxipiles, ibid., p. 683, 687 ; A. Bouché -Leclercq, Manuel des antiquités romaines, Paris, 1886, p. 327. E. Beurlier.

    1. CÉPHAS##

CÉPHAS (Krjçôéî, de l’araméen NS>3, kêfà’, qui

signifie « pierre » ). Surnom donné par Notre -Seigneur à Simon, prince des Apôtres, comme nous l’apprend saint Jean, i, 42 (texte grec, 43) : « Tu es Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas (ce qui est interprété : Pierre). » Ce nom de Céphas ne se lit sous cette forme araméenne dans aucun autre évangéliste. Il est partout ailleurs, dans les quatre Évangiles, appelé « Pierre » (flÉ-rpo ; ) ou « Simon Pierre », « Simon surnommé Pierre. » Matin., iv, 18 ; x, 2, etc. Saint Matthieu, xvi, 18, nous explique pourquoi le Sauveur changea le nom du chef de ses disciples, en nous rapportant ces paroles de Jésus : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Voir Pierre. Dans tout le reste du Nouveau Testament, saint Paul est le seul écrivain sacré qui désigne saint Pierre par le nom de Céphas. I Cor., i, 12 ; iii, 22 ; IX, 5 ; xv, 5 ; Gal., ii, 9. (Dans le texte reçu [grec et Vulgate], il le nomme Pierre, Gal., i, 18 ; ii, 8 ; [dans le grec seul, la Vulgate portant Céphas] ; Gal., ii, 9, 11, 14. Les éditions critiques de Lachmann, de Tischendorf et d’Oscar de Gebhart, etc., substituent Kviçâç au lléxpot du texlus receptus, Gal., i, 18 ; n, Il et 14.)

L’histoire de l’apôtre saint Pierre sera traitée à l’article Pierre ; nous avons seulement à examiner ici s’il y a deux Céphas ou un seul dans le Nouveau Testament. -^1° Un certain nombre d’interprètes admettent que, dans l’Épître aux Galates, le Céphas dont parle saint Paul, ii, 11-14, n’est pas Simon Pierre, mais un disciple des Apôtres. Saint Jérôme mentionne déjà cette opinion pour la combattre. In Gal., ii, 11, t. xxvi, col. 340-341. Elle avait été soutenue par Clément d’Alexandrie, d’après Eusèbe, H. E., i, 12, t. xx, col. 117. Le Pseudo-Dorothée lui donna de la consistance en écrivant dans son catalogue apocryphe des disciples de Jésus : « Céphas, surnommé Pierre, avec qui discuta saint Paul sur le judaïsme. » Migne, Patr. gr., t. xcii, col. 521. Ce Céphas occupe le troisième rang parmi les soixante-douze disciples. L’opinion de Clément d’Alexandrie et du PseudoDorothée ne rencontra aucun partisan jusqu’à la naissance du protestantisme. À partir de cette époque, plusieurs catholiques, afin de répondre aux arguments que les sectateurs de Luther voulaient tirer, contre l’autorité du Pape, de l’Épître aux Galates, distinguèrent Céphas l’apôtre et Céphas le disciple. Paul, disaient les protestants, « a résisté en face » à Pierre, « parce qu’il était îépréheusible, » Gal., ii, 11 ; par conséquent, concluaientils, le pape, successeur de Pierre, peut se tromper, et nous ne sommes pas tenus de lui obéir. — Cet exemple ne prouve rien, répondirent quelques apologistes catholiques, parce que celui à qui saint Paul résista était un homme sans importance, et non le chef de l’Église. — Le nombre des défenseurs de ce sentiment a augmenté de nos jours ; on ne peut cependant historiquement le soutenir.

2° Le Céphas de l’Épître aux Galates est le chef des Apôtres : 1° Parce que saint Paul, dans le texte original de ses Épitres, appelle régulièrement de ce nom Simon

Pierre. (Un seul passage fait exception, Gal., ii, 7-8. Le textus receptus a substitué lli-zo ; à Kr, ç5 ; dans les passages en litige, Gal., ii, Il et 14, de même que i, 18 ; mais il faut lire « Céphas », comme le portent les éditions critiques, et comme nous le lisons dans la Vulgate, Gal., ii, Il et 14.) Puisque saint Paul appelle le chef de l’Église Céphas, il ne peut désigner que lui, dans le passage où il raconte le conflit d’Antioche, puisqu’il n’ajoute aucun mot pour distinguer le Céphas dont il parle de celui qu’il a nommé un peu plus haut, Gal., i, 18 ; ii, 9, et qui est certainement saint Pierre. — 2° L’importance que l’auteur de l’Épître aux Galates attache à cet épisode montre que le Céphas à qui il a résisté était un personnage de grande autorité ; car, s’il s’était agi d’un simple disciple, il n’aurait pas cité sa résistance comme un acte de courage. — La discussion des deux Apôtres, loin de fournir une preuve contre la primauté de saint Pierre, est, au contraire, un argument en faveur du pouvoir qui est reconnu par le fait même à saint Pierre : c’est un inférieur qui fait des remontrances à un supérieur. — La question qui est en jeu n’est pas d’ailleurs une question de doctrine, où l’infaillibilité du Souverain Pontife soit intéressée ; le débat portait seulement sur la conduite à tenir à propos des observances mosaïques. Le chef des Apôtres, en arrivant à Antioche, y avait vécu avec les chrétiens incirconcis, contrairement aux usages judaïques. Des judéo-chrétiens de Palestine étant survenus, saint Pierre, pour ne pas les offenser, cessa ses rapports avec les Gentils convertis et observa de nouveau les rites légaux. Il en avait incontestablement le droit ; aucun point de foi n’était en cause ; mais saint Paul jugea qu’il n’avait pas pris le parti le meilleur et, sans méconnaître en aucune façon son autorité, il lui reprocha son changement de conduite, parce qu’il pouvait par là induire à penser que les cérémonies légales demeuraient obligatoires pour les Juifs et n’étaient pas simplement facultatives. L’Apôtre des Gentils voulut prévenir le mal qu’il prévoyait. L’influence qu’il attribue à la conduite de Céphas montre bien que ce n’était pas un disciple inconnu, mais un personnage dont l’exemple faisait loi. Le chef de l’Église reconnut la justesse de la réclamation de saint Paul, et ainsi fut terminé le conflit. — 3° C’est là l’interprétation à peu près unanime de la tradition jusqu’au xvie siècle. Tous les Pères, à l’exception de Clément d’Alexandrie et du Pseudo-Dorothée, ont admis l’identité de Céphas et de saint Pierre. Il y eut, au sujet de ce passage de l’Épître aux Galates, une discussion célèbre entre saint Augustin et saint Jérôme ; mais elle porta sur l’explication du fait, non sur le personnage même de Céphas, qui, de l’aveu des deux illustres docteurs, est le chef des Apôtres. Les scolastiques admirent tous aussi, sans exception, l’identité de saint Pierre et du Céphas de l’Épître aux Galates ! Suarez traite « d’expédient frivole » (frivola evasio), De leg., 1. ix, c. xv, n° 7, la distinction entre les deux Céphas imaginée pour éluder les difficultés que les hérétiques ont essayé de tirer du conflit d’Antioche. — Les principaux témoignages de la tradition relatifs à la question sont cités dans F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. v, p. 456-476. Voir aussi Calmet, Dissertation où l’on examine si Céphas repris par saint Paul à Antioche est le même que saint Pierre, dans son Commentaire littéral, Epitres de saint Paul, t. ii, 1716, p. v-xxv ; Pesch, Ueber die Person des Kephas, dans la Zeilschrift fur katholische Théologie, t. vii, 1883, p. 456-490. — Pour la distinction des deux Céphas, voir A. F. James, Dissertation où il est irréfragablement prouvé que Céphas, repris par saint Paul, n’est pas le même que le prince des Apôtres, Paris, 1846 ; Th. H. Mande ! , Kephas der Evangelist, in-8°, Leipzig, 1889.

F. Vigourolx.

CEPHIRA. Nom, dans la Vulgate, I Esdr., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29, de la ville appelée Caphira, Jos. ix, 17, et Caphara, Jos., xviii, 26. Voir Caphara.

CEPS (hébreu : sad, Job, un, 27 ; xxxiii, 11, mahepëkét, Jer., xx, 2, 3 ; xxix, 26 ; II Par., xvi, 10 ; maitêmâh, Osée, ix, 7, 8 ; Septante : £û).ov, xw), j|jia ; Vulgate : lignuni, nervus). Les ceps sont un instrument de supplice composé d’au moins deux morceaux de bois échancrés de telle sorte, qu’en les réunissant on peut enfermer et fixer dans une position extrêmement gênante les membres d’un prisonnier. Cet instrument était en bois, d’où son nom de EJÀov en grec et de lignuni en latin. Le mot « ceps » vient lui-même de cippus, « palissade » formée de gros morceaux de bois. En chaldéen, l’instrument se nomme kiftâh, de kâfaf, « courber, » de même qu’en grec on l’appelle aussi

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138. — Supplice des ceps.

x-jçwv, de xOjitw, « courber, » à cause de là position toute contournée que les ceps indigent au patient (fig. 138). Chez les anciens, le ÇoXov était tantôt le carcan, analogue à la cangue chinoise, qui retenait le cou (Aristophane, Nubes, 592), et s’appelait aussi xiîcpwv (Aristophane, Plutus, 476, 606 ; Aristote, Politic, 5, 6, 15) ; tantôt la double pièce de bois qui enserrait les pieds (Hérodote, vi, 75 ; Aristophane, Equit., 367, 394, 705) ; tantôt enfin la machine à cinq trous pour fixer à la fois le cou, les mains et les pieds. Aristophane, Equit., 1049. Ainsi assujetti par l’instrument que retenaient verticalement de solides montants, le malheureux ne pouvait que se coucher ou s’asseoir dans la plus effroyableposition. Les ceps n’apparaissent que tardivement chez les . Israélites. L’auteur de Job est le premier à les mentionner, mais il n’en parle qu’au figuré. Il est seul d’ailleurs à se servir du mot sad. Par deux fois, , Tob, xiii, 27 : xxxm, 11, dit au Seigneur :

Mes pieds sont enclavés dans les ceps, Tu te rends maître de tous mes pas.

Par la maladie dont il est frappé, comme du reste par le seul effet de la condition humaine, Job est aux mains de Dieu comme un prisonnier retenu par les ceps. — À l’époque du roi Asa, ’il existait à Jérusalem une bêt hammahepékét, une « maison des ceps », une prison où cette torture était inlligée. Ce prince y soumit le prophète Hanani. II Par., xvi, 10. — Osée, ix, 7, 8, parle deux fois de maitêmâh. Le sens de ce mot reste discutable. Beaucoup le traduisent par « haine » ou « ruine ». Gesenius, Thésaurus, p. 1327, le rattache à la racine iâtam, « dresser des embûches, » en syriaque : « mettre des entraves, » et il y voit le nom d’un appareil destiné à retenir les pieds. Dans les deux versets consécutifs d’Osée, le parallélisme semble autoriser à prendre le mot d’abord dans le sens de « haine », et ensuite dans celui de « ceps ». Il y aurait clans ce passage un jeu de mots comme on en trouve de temps en temps chez les écrivains hébreux. Osée dit donc : O Israël, prends garde, « à cause de la grandeur de ton iniquité, et parce que grande est la haine » que Dieu te porte ou que tu portes à tes frères. Puis il ajoute : Le faux prophète est « un filet tendu sur tous les chemins, et un maitêmâh (des ceps) dans la maison de Dieu »,

c’est-à-dire il est une cause de ruine pour ceux qui l’écoutent. Les versions traduisent le mot par (j.avîa, anierc tia, insania « folie ». — Jérémie, xx, 2, 3, est mis dans les ceps par Phassur, un des intendants du temple. Plus tard, il dit à Séméias que le Seigneur l’a établi pontife pour mettre les faux prophètes « dans les ceps et dans les chaînes ». Jer., xxix (Septante : xxxvi), 20. Dans ces passages, les Septante traduisent mahepékét. par xaxappâxTT, ç, « égout » ou prison souterraine, et Symmaque, avec plus d’exactitude, par pacravLo-r^piov et arptêXiarripim, « machine à torturer. » — Enfin, à Philippes, saint Paul et Silas sont mis en prison et leurs pieds sont serrés dans les ceps, le Çû), ov. Act., xvi, 24. Dans tous ces passages bibliques, il n’est formellement question que de ceps entravant les pieds. Les engins de torture enserrant les quatre membres et le cou ne paraissent jamais avoir été

en usage parmi les Israélites.
H. Lesêtre.
    1. CÉRASTE##

CÉRASTE (hébreu : sefîfôn ; Vulgate : cérastes. Les Septante traduisent d’après le samaritain : « celui qui se tient en embuscade. » Dans les Targums : le basilic). Le céraste est un ophidien de la famille des vipéridés, le cérastes hasselquistii ou vipera cérastes des naturalistes, le siffon des Arabes. Son nom hébreu signifie probable-. ment « celui qui rampe », d’après le syriaque. Il n’est parlé du céraste que dans la prophétie de Jacob, qui caractérise Dan par ces paroles : « Que Dan soit un nâhâis (serpent) sur le chemin, un sefifôn sur le sentier, qui mord les talons du cheval, et le cavalier tombe en arrière. » Gen., xlix, 17. Ces paroles supposent que les mœurs du céraste étaient parfaitement connues du patriarche. Le nom de céraste ou « serpent à cornes » a été donné à ce reptile parce que chacune de ses paupières est surmontée d’une petite corne pointue (fig. 139). Il a de trente à cinquante centimètres de longueur, est de la même couleur que le sable, quelquefois brun pale ou noirâtre, avec des taches irrégulières. Il se trouve fréquemment dans les déserts du nord de l’Afrique et dans l’Arabie

1-iJ — Le céraste

Pétrée. Son venin est tellement dangereux, qu’il peut faire périr un homme en une demi-heure. On le regarde comme plus redoutable que le cobra. Voir Aspic. Le céraste se nourrit habituellement de gerboises ; mais il s’attaque à toutes sortes d’animaux. Il se cache au fond des creux que laissent dans le sable les pieds des chameaux, par conséquent sur la route même des caravanes, comme le suppose le texte sacré. Il se dissimule dans le sable, ne faisant dépasser que ses petites cornes, continuellement en mouvement pour attirer certaines proies sur lesquelles il se jette inopinément. Le céraste se meut avec une agilité extrême, et non seulement en ligne droite, comme les autres serpenls, mais dans toutes les directions, en avant, en arrière et de côté. Elien, Hist. animal., xv, 13 ; Bochart, Hierozoicon, Leyde, 1792, t. iii, p. 416-420. Il est donc à même de se jeter facilement sur tout ce qui approche de son embuscade. Il inspire une grande frayeur aux chevaux. « J’ai vu le mien, pendant un voyage dans le Sahara, écrit Tristram, tressaillir subitement, se cabrer, tremblant et transpirant de tous ses membres, sans que

rien pût le décider à avancer. J’étais tout à fait hors d’état de nï expliquer cette terreur, jusqu’à ce que je m’aperçus qu’un céraste était caché dans un trou, à deux ou trois pas en avant, avec ses yeux de basilic fixement dardés sur nous. Sans nul doute il se préparait à sauter quand le cheval passerait. » The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 274. On comprend qu’une fois mordu le cheval désarçonne subitement son cavalier, et que celui-ci devienne à son tour la victime du venimeux reptile.

— La comparaison employée par Jacob, à propos de Dan, a été amplement justifiée par l’expédition des Danites contre Laïs, Jud., xviii, ’27-’29, et surtout par les exploits de Samson, qui appartenait à cette tribu. Jud., xiir, 2.

H. Lesêtre.
    1. CERCUEIL##

CERCUEIL, caisse ouverte ou fermée dont on se

les coucher sans cercueil, sur une natte imprégnée de bitume, dans un tombeau plus ou moins rudimen taire. Mais assez souvent ce tombeau n’était lui-même autre chose qu’un véritable cercueil de terre cuite, soit un simple pot dans lequel on accroupissait le cadavre, soit un assemblage de deux énormes jarres cylindriques dans lesquelles on retendait. On lutait ensuite au bitume les deux parties du vase, et ordinairement on le perçait d’un petit trou à l’une des extrémités, pour faciliter l’échappement des gaz (fig. 143). Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Taris, 1893, t. i, p. 686. Les patriarches suivirent les coutumes de leur pays d’origine ; mais, passant d’une contrée humide à une contrée rocheuse où abondaient les excavations, ils durent abandonner l’usage d’ensevelir leurs morts dans des jarres, et

HO. — Égyptien défunt transporté dans un cercueil. D’après la Description de l’Egypte, Antiquités, t. i, pi. 70.

servait pour porter un mort (fig. 140) et le déposer dans son tombeau (fig. 141 et 142). La langue hébraïque ne possède pas de mot spécial pour désigner le cercueil ;

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141. — Cercueil athénien fermé.

D’après Guhl et Koner, Lebcn der Griechen imd Romcr,

Berlin, 1893, fig. 218.

elle emploie en ce sens les mots’àrôn, « arche ; » miskàb et mittàh, « lit ; » Septante : copéî, x).£vi, j Yulgate : loculus, feretrum..

142. — Cercueil athénien ouvert. D’après Guhl et Koner, Leben der Griechen und Rbmer, fig. 219.

1° À l’époque patriarcale. — Les Chaldéens se contentaient d’habiller et de parfumer leurs morts et ensuite de

se contentèrent de les coucher sans cercueil dans les cavernes choisies pour servir de sépulcres. En parlant de la sépulture de Sara, d’Abraham, de Rachel et d’Isaac, la Genèse, xxiii, 19 ; xxv, 10 ; xxxv, 19, 29, ne fait aucune mention de cercueils. — Jacob mourut en Egypte, fut embaumé à la manière du pays et ensuite transporté dans la terre de Chanaan pour être enseveli dans la caverne de Makpélah. Gen., L, 1-13. À son tour, Joseph mourut, fut embaumé et enfermé dans un cercueil, ’àrôn, en attendant le jour où les Hébreux pourraient le transporter en Chanaan. Gen., L, 25. En Egypte, les corps des grands personnages étaient placés, après l’embaumement,

143. — Cercueil de terre cuite. D’après Taylor, Notes on the ruins of Abu-Shahrein and Tel cl Lahm, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xv, p. 414.

quelquefois dans un sarcophage en pierre, plus souvent dans un coffre en bois qui tantôt reproduisait extérieurement la forme générale du corps (fig. 144), tantôt avait la forme d’une caisse oblongue (fig. 145). Le bois employé à cet usage était ordinairement le sycomore, parfois le cèdre, comme on le voit par les débris du cercueil de Mykerinos, conservé au Musée britannique. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 376. Trois ou quatre de ces cercueils étaient souvent emboîtés l’un dans l’autre et ornés de sujets religieux On les dressait debout le long. do la muraille des hypogées destinés à la sépulture commune de plusieurs défunts. Le cercueil de Joseph, comme celui de son. père, fut un’àrôn, une caisse quadrangulaire et assez élevée, comme celles qu’on trouve repré

sentées sur les monuments figurés. Du reste, le mot hébreu employé pour désigner cet objet est caractéristique ; c’est le même que celui qui sert pour l’arche d’alliance. Le cercueil égyptien de Joseph était donc un

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144. — Cercueil égyptien reproduisant la (orme du corps.

Thèbes. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte et de la

Nubie, t. ii, pi. 178.

coffre, naturellement fort orné. Malgré sa richesse, il

dut être assez portatif pour que les Hébreux pussent

l’emmener avec eux dans leur fuite et à travers le désert.

2° À l’époque royale. — David suit le cercueil d’Abner.

Des bâtons servaient à le porter sur les épaules, ce qui constituait un véritable brancard. La Bible emploie trois fois le mot miskâb, « lit, couche » en général, pour désigner le lit d’apparat sur lequel reposait le mort, et dont on se servait pour le transporter au tombeau. II Par., xvi, 14 ; Is., lvii, 2 ; Ezech., xxxii, 25. MiSkâb est donc, ou à peu prèSj un synonyme de mitlâh. Gesenius, Thésaurus, p. 878, 1403.

3° À l’époque évangélique. — Le fils de la veuve de Nuïin est porté dans un <yjp 6 ; , Luc, vii, 14, cercueil sans couvercle dans lequel est étendu le cadavre. Au commandement du Sauveur, le mort se met aussitôt sur son séant. Il était donc couché, mais non enfermé. Le cercueil ne servait vraisemblablement pas à l’usage exclusif d’un seul défunt. On en retirait le cadavre enveloppé de bandelettes pour le placer dans son tombeau, et on remportait le cercueil ou brancard commun aux habitants d’un même village. — Il n’est pas question de cercueil dans le tombeau de Lazare. — Pour la sépulture de Notre -Seigneur, on ne s’en sert certainement pas et l’on ne se préoccupe nullement de s’en procurer un. — Le tragique épisode d’Ananie et de Saphire, Act., v, 6, 10, montre qu’à Jérusalem on pouvait enterrer des morts sans cercueil. Tout au plus enfermait-on dans une bière les corps qu’on inhumait hors d’un monument, dans le sol même. Mais l’usage de la bière était assez rare, et l’on était obligé de protéger les tombes avec des pierres ou des épines, pour empêcher les chacals et les hyènes de venir déterrer les cadavres afin de les dévorer. Les corps enfermés dans un cercueil solide eussent été habituellement à l’abri des tentatives de ces animaux. — Les grands personnages étaient enterrés dans des sarcophages en pierre, décorés d’ornements géométriques ou végétaux. On en a retrouvé quelques-uns dans les environs de Jérusalem, entre autres dans le tombeau connu sous le nom de tombeau des rois. Quelques-uns d’entre eux sont maintenant conservés au Louvre (fig. 146). Cf. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, 2 in-8° Paris, 1853, t. ii, p. 219281 ; Id., Histoire de l’art judaïque, in-8°, Paris, 1858, p. 255-201. — Aujourd’hui, en Palestine, le corps du dé 145.

Cercueil du roi Amenhotep I". Musée de Ghizéh. D’après les Mémoires de la mission archéologique du Caire, t. i, Momies royales, pi. iv B.

II Reg., iii, 31. Ce cercueil est appelé mitlâh, mot qui signifie « lit », et par extension « bière » pour transporter un mort ; il n’est employé en ce sens qu’en ce seul endroit de la Bible. Ce cercueil n’était pas une caisse fermée, mais bien plus probablement une sorte de coffre ouvert, dans lequel le mort reposait comme dans un lit.

funt, enveloppé dans un linceul, est porté dans un cercueil ouvert qui n’est autre chose qu’une civière de bois. Trois ou quatre amis du mort la chargent sur leurs épaules. La civière est recouverte de plusieurs châles de cachemire et terminée à l’avant par un poteau auquel on attache différents objets ayant appartenu au défunt.

437

CERCUEIL — CÉRÉMONIES

438

Quand le cortège est arrivé à la tombe, on extrait le corps de la civière et on l’enterre. Jusqu’à ces derniers temps, les morts étaient souvent enterrés sans bière. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, 3e édit., Paris, 1885, p. 161 ; Liévin, Guide de la Terre Sainte, 3e édit., Jérusalem, 1887, t. i, p. 69 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 167, 168 ; E. Feydeau, Histoire des usages funèbres et des sépultures des peuples an mots plus précis : ’âbodàh, de’âbàd, « servir, » le service de Dieu, le culte ; Septante : ), a-peîa ; Vulgate : cultus, ministerium, officium ; Num., iii, 7, 8 ; iv, 23-24 ; xvi, 9, etc., et surtout mismârôt, de sârnar, « observer, » les observances, les prescriptions positives concernant l’honneur à rendre à Dieu. Gen., xxvi, 5 ; Num., i, 53 ; Lev., xviii, 30 ; Deut., xi, 1 ; Jos., xxii, 3 ; Zach., iii, 7 ; Mal., iii, 14, etc. Les versions traduisent ce

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146. — Sarcophage juif. Musée Judaïque du Louvre.

ciens, 2 in-4°, Paris, 1856-1858, t. i, p. 102, 459 ; t. ii,

p. 53.
H. Lesêtre.
    1. CÉRÉALES##

CÉRÉALES, plantes de la famille des graminées, dont les grains farineux servent à la nourriture de l’homme sous forme de pain, de gâteaux, etc. Ce terme s’emploie aussi pour les grains eux-mêmes. Parmi les céréales, la Sainte Écriture ne mentionne que le froment ou blé, l’épeautre, l’orge, le millet et peut-être le sorgho ou doura. Quant au seigle et à l’avoine, la Palestine comme l’Egypte ne les a pas connus. Le terme général pour les céréales et les grains est dâgân (collectif, employé trente-six fois). Le mot bâr, grain séparé de la paille, convient à l’orge et à l’épeautre aussi bien qu’au blé, quoiqu’il désigne plus spécialement ce dernier. Cf. t. i, col. 1814. Les deux céréales mentionnées le plus fréquemment sont le blé et l’orge : la Palestine est appelée la terre du blé et de l’orge. Deut., viii, 8. Voir Blé, Épeautre, Orge, Millet, Sorgho.

E. Levesque.

    1. CÉRÉMONIES##

CÉRÉMONIES, actes extérieurs prescrits par la loi pour le culte du Seigneur.

I. Leur nom. — La loi mosaïque comprenait deux sortes de prescriptions religieuses : les lois morales, naturelles ou positives, et les lois rituelles. Ces dernières avaient pour objet le culte extérieur de Dieu. Très souvent les auteurs sacrés, surtout dans le Pentateuque, parlent de ces différentes lois en les désignant par des noms dont le sens est à peu près identique, noms que l’auteur du Ps. cxviii s’est plu à répéter, au nombre de dix, dans les cent soixante-seize versets de son cantique. Les plus usités sont les suivants : huqqîm, de hâqaq, « décréter ; » mispâtîm, de sdfat, « décider ; » saddiqim, de sàdaq, « être droit ; » ’êdût, de’ûd, « témoigner. » Quand deux ou plusieurs de ces noms se suivent, l’un d’eux se rapporte ordinairement aux lois rituelles, et les versions le traduisent, les Septante par des termes généraux, S ! xaiû^.xTX, xpî|iaTX, [jiaprjpca, irpoiTTaYjjLaTa, vofit^a, x, t. X., et la Vulgate ordinairement, dans les livres historiques et dans Ézéchiel, par cseremoniss. Quelquefois cependant les écrivains hébreux emploient deux autres

mot par l’un ou l’autre des termes cités précédemment, et quelquefois trop littéralement par ç'j>ax7], custodia, excubise, termes qui désignent la « garde » perpétuelle, le service de jour et de nuit auprès du. sanctuaire.

IL Leur nécessité..— 1° En général, les cérémonies extérieures sont le complément nécessaire de la religion. L’homme est à la fois âme et corps ; de plus il vit au milieu de ses semblables. Il est donc nécessaire que, par la pratique de rites extérieurs, il associe son corps au culte de Dieu et en même temps s’unisse d’une manière sensible à ses frères, avec lesquels il partage solidairement le devoir social d’honorer Dieu publiquement. — 2° Les cérémonies extérieures servent à la fois à exprimer et à entretenir le sentiment intérieur de la religion. — 3° Pour les Hébreux en particulier, il fallait des cérémonies pompeuses et expressives, capables de frapper leur esprit grossier, et de rivaliser avantageusement avec les magnificences des cultes étrangers. L’incident du veau d’or, Exod., xxxii, 1-6, montre avec quelle facilité ils se seraient portés aux cérémonies idolâtriques dont ils avaient été témoins en Egypte, si on ne leur eût imposé une liturgie qui pût saisir leurs sens et leur esprit. Pendant la captivité, le souvenir des magnificences du temple contribua à les préserver des séductions du culte babylonien. Ps. cxxxvi, 1-6.

III. Leurs différentes espèces. — Les prescriptions relatives aux cérémonies sont consignées dans les quatre derniers livres du Pentateuque. Elles concernent : 1° les personnes : le grand prêtre, Exod., xxviii, 1-xxxix, 36 ; les prêtres, Lev., xxi, 1-24 ; Num., iv, 1-49, et leur consécration, Num., viii, 5-26 ; les nazirs ou « nazaréens » et leur consécration, Num., vi, 1-21 ; — 2° les choses.~ l’autel, Exod., xx, 24-26 ; Deut., xxvii, 1-7 ; le tabernacle et son mobilier, Exod., xxv, 8-xxvii, 21 ; xxx, 1-38 ; — 3° les actes sacrés : les sacrifices, Exod., xxix, 37-46 ; Lev., i, 1-17 ; iii, 1-vn, 38 ; xiv, 1-33 ; xvii, 1-16 ; xxil, 18-33 ; Num., xxviii, 1-xxix, 39 ; Deut., xii, 13-27 ; les offrandes, Lev., ii, 1-16 ; xxiv, 1-9 ; les dîmes et les prémices, Exod., xiii, 2 ; xxv, 2-7 ; Num., xviii, ’8-32 ; Deut., xii, 6, 7 ; xxvi, 1-19 ; les purifications, Num., xix, 1-22 ; les bénédictions, Num., vi,

22-27 ; — 4° les institutions : les fêtes en généra], Lev., xxiii, 1-44 ; Deut., xvi, 1-17 ; la Pàque, Exod., xii, 1-28 ; Num., ix, 1-14 ; la fête des Expiations. Lev., xvi, 1-34. Toutes les prescriptions qui précèdent sont d’origine mosaïque. Cependant le sacrifice lui-même date de l’origine même de l’humanité, Gen., iv, 4, et la circoncision est un autre rit d’institution positive qui remonte à l’époque d’Abraham. Gen., xvii, 10. Pour le détail de toutes ces cérémonies, voir les articles consacrés à chaque mot.

IV. Leur caractère obligatoire. — 1° Les lois cérémonielles sont placées, au point de vue de l’obligation, au même rang que les lois morales. Elles rentrent, aussi bien que ces dernières, dans la tôràh, la « loi » en général. C’est ce qui ressort de l’usage que les écrivains sacrés font des mêmes termes pour désigner les différentes parties de la Loi. Outre les recommandations générales qu’on rencontre d’un bout à l’autre des Écritures sur l’obéissance à la Loi, certains passages visent particulièrement la partie cérémonielle. Elle est obligatoire. Exod., xii, 25 ; Num., xviii, 4 ; Deut., vi, 17 ; viii, 11 ; xi, 1, 32 ; 1Il Reg., ii, 3 ; vin, 58. Ceux qui l’observent plaisent à Dieu, Lev., x, 19, et attirent sa bénédiction. Deut., x, 13 ; xxvi, 17-19. — Celui qui transgresse, par simple inadvertance, les prescriptions concernant les rites sacrés, doit expier son délit par l’offrande d’un bélier. Lev., v, 15. — Pour avoir osé exercer une fonction sacerdotale, Saül est rejeté par le Seigneur. I Reg., xiii, 9-14. — Oza est frappé de mort pour avoir seulement touché l’arche d’alliance. Il Reg., vi, 6, 7. — Il est à remarquer que les prescriptions liturgiques semblent placées intentionnellement par Moïse sur le même rang que les prescriptions morales. Il ne s’ensuit nullement qu’elles soient de môme valeur, et nul texte ne donne à supposer, même de loin, que les observances cérémonielles puissent tenir lieu de vertus morales. Seulement Moïse s’adresse à un peuple sensuel et grossier, auquel il doit rendre pratique l’ordre formulé par le Seigneur : « Soyez saints, parce que je suis saint. » Lev., xix, 2. Les Hébreux n’auraient presque rien compris à l’idée de la sainteté de Dieu et au commandement de pureté morale qui en était pour eux la conséquence, si des prescriptions sensibles n’avaient été jointes aux enseignements du dogme et du décalogue. Les lois cérémonielles contribuaient puissamment à assouplir leurs volontés, et à pénétrer leur esprit du sentiment très vif do la majesté divine. — 2° Le caractère obligatoire de la loi cérémonielle cessa au moment de l’abolition du eulte mosaïque. Saint Paul, en particulier, revient à plusieurs reprises sur ce point, et prouve que la loi cérémonielle a perdu toute valeur et toute raison d’être, à dater de l’avènement de la loi évangélique. Rom., ii, 1-29 ; Gal., IV, 1-11. Voir Loi MOSAÏQUE.

V. Leur excellence. — « La Loi n’a rien mené à la perfection, » dit saint Paul. Hebr., vii, 19. Il ne faut donc pas s’attendre à trouver dans les cérémonies de l’ancien culte la même excellence que dans celles du nouveau. Il n’en est pas moins vrai qu’elles portent le cachet de l’institution divine. — 1° Au point de vue de la raison, elles ne présentent rien qui puisse l’offenser. Alors que les cultes païens sont irrationnels, formalistes, basés sur cette idée que le rite extérieur est par lui-même efficace, les cérémonies mosaïques, même dans les plus minutieuses observances, ne s’écartent jamais de ce principe : honorer Dieu par des rites qui soient à la fois praticables et profitables aux hommes d’une race, d’une contrée et d’une époque données. Sans doute, les Hébreux, comme tous leurs voisins, avaient une grande propension à interpréter les lois cérémonielles dans le sens d’un ritualisme étroit. Les Pharisiens donneront dans ce grossier travers et attribueront à l’acte matériel plus d’importance qu’à l’acte moral.

. Matth., xxiii, 23-31. Moïse a posé des principes qui vont à rencontre de ces interprétations serviles. Il impose des rites, non pas à cause de leur efficacité propre, qui est

nulle, mais parce que telle est la volonté de Dieu. Les lois rituelles, tout comme les lois morales, en ce que celles-ci ont de positif, découlent de ce fait rappelé à chaque page de la Loi : « Je suis Jéhovah votre Dieu, s La raison d’être des cérémonies mosaïques ne vient donc ni de leur valeur intrinsèque ni de leur symbolisme, mais seulement de la volonté de Dieu qui les prescrit. C’est le grand principe que formulera Samuel, I Reg., xv, 22, et que le Sauveur daignera répéter : « L’obéissance vaut mieux que les victimes. » Matth., ix, 13 ; xii, 7. — 2° Au point de vue de la conscience, la pureté du rituel mosaïque est irréprochable. Il exclut les débauches, les obscénités et les puérilités qui souillaient les cultes païens dans le monde entier. Aussi dépasse-t-il de très haut ce qu’il y a de plus vanté dans les cérémonies du paganisme. Au lieu d’asservir les intelligences par de honteuses superstitions, il tend à les élever à une idée de plus en plus pure de la sainteté divine et du devoir moral qui en est la conséquence. C’est la pensée de cette excellence qui inspire à Moïse ce cri d’enthousiasme : « Quelle nation est assez grande pour avoir des dieux qui approchent d’elle comme le fait Jéhovah notre Dieu à tous nos appels ? Quelle nation est assez grande pour avoir des lois (huqqlm), des préceptes (miSpâtim), des règles (saddiqim = des cérémonies) comme toute cette législation que je place sous vos yeux aujourd’hui ? » Deut., iv, 7, 8.

VI. Leur signification. — Les cérémonies de l’ancienne loi avaient un double but : pourvoir au culte de Dieu dans le présent et préparer le culte parfait de l’avenir. Leur valeur était donc à la fois réelle et figurative.

1° Leur valeur réelle. — 1° Ces cérémonies servaient tout d’abord à faire rendre à Dieu le culte qui lui est dû. Exod., xviii, 19-20. Les unes inculquaient dans l’esprit des Hébreux l’idée de la majesté divine, de la puissance, de la sainteté de Dieu ; les autres rappelaient ses bienfaits.

— 2° Elles contribuaient à exciter dans les âmes les sentiments religieux qui conviennent au culte de Dieu. Voilà pourquoi les institutions liturgiques de l’ancienne loi étaient combinées de manière à frapper vivement les sens et l’imagination, et à faire naître dans les cœurs les sentiments d’adoration, de crainte, de reconnaissance, etc. Ces dispositions n’étaient pas produites ex opère operato, comme les effets qui résultent de la réception des sacrements de la loi nouvelle ; mais elles étaient excitées et développées, non sans un certain concours de grâce. — 3° Elles détournaient les Hébreux des cérémonies païennes auxquelles se livraient les peuples voisins. Moïse le donne clairement à penser. Deut., xii, 29-31. De là vient que les cérémonies des Hébreux ont la plupart du temps un caractère diamétralement opposé à celui des cultes païens. Tacite, Hist., v, 4, était frappé de cette opposition. « Moïse, dit-il, pour se rendre à jamais le maître de sa nation, leur imposa de nouveaux rites contraires à ceux des autres mortels. Là on tient pour profane tout ce qui est sacré chez nous ; par contre, on permet chez eux ce que nous avons en abomination. » L’historien raille ensuite les pratiques du culte juif, les sacrifices, les abstinences, le sabbat, etc. Tous ces rites extérieurs ont contribué puissamment à séparer les Israélites des autres peuples, concurremment du reste avec leur dogme et leur morale.

2° Leur valeur figurative. — Saint Paul dit que les observances juives étaient « une ombre des choses à venir ». Col., ii, 17. Sans doute il serait puéril de vouloir chercher un sens symbolique à tous les détails du cérémonial mosaïque. Certaines pratiques peuvent être soit une accommodation à l’esprit du temps et de la nation, soit une imitation de certains rites étrangers auxquels le prophète, inspiré de Dieu, attachait un sens plus pur et plus sublime. Mais il est contraire aux paroles de saint Paul de prétendre que le sens symbolique n’existe que là où Moïse l’a clairement indiqué lui-même, comme l’affirme Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 152-154, et à plus forte raison de

soutenir qu’en toutes ces prescriptions rituelles, Moïse n’a guère été qu’un simple imitateur, comme l’a prétendu Spencer, De legibus Hebrœorum ritualibus et eorum ralionibus, 1. III, Cambridge, 1685. On a souvent tenté d’établir le caractère symbolique des cultes païens. Cette thèse est soutenable dans certaines limites ; mais on doit avouer que « le culte mosaïque serait au-dessous et non pas au-dessus de tous les cultes païens, si seul il faisait une exception et si les hommages qu’on y rend à la divinité n’étaient autre chose qu’une pompe extérieure, un aliment pour les sens grossiers du vulgaire, un plaisir des yeux. Bien au contraire, nous avons dans le mosaïsme un motif de plus qui nous oblige à attribuer un caractère figuré à la forme matérielle de son culte… Ainsi donc, de ce que l’objet du culte mosaïque est un Dieu immatériel, invisible, spirituel, il suit que la forme matérielle de ce culte ne saurait être en elle-même un but, mais seulement l’image et la représentation d’un rapport spirituel ». Bàhr, Symbolik des mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 13-14. Observons toutefois que le symbole ne porte pas seulement sur les réalités invisibles de l’Ancien Testament ; le culte extérieur de l’ancienne loi est encore figuratif de la vérité future qui sera manifestée dans la patrie céleste, et aussi du Christ, qui est la voie par laquelle on atteint cette vérité de la patrie. S. Thomas, Summ. theol., l a II*, q. 101, a. 2. — Sous le sens symbolique de chaque cérémonie, voir les articles particuliers. Sur l’ensemble de la question, S. Thomas, Summ. theol., I a 11*, q. 101103 ; C. Chr. W. F. Bâhr, Symbolik des mosaischen Quitus, zweite umgearbeitete Auflage, t. i, in-8°, Heidelberg, 1874 ; Munk, Palestine, p. 150-154 ; H. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 103 ; de Broglie, Conférences sur l’idée de Dieu dans l’Ancien Testament, Paris, 1892, 6 8 conf, Les lois cérémonielles de Moïse,

p. 197-223.
H. Lesêtre.
    1. CÉRÉTHÉENS##

CÉRÉTHÉENS, CÉRÉTHIENS (hébreu : hak-Kerëtï, au singulier avec l’article, I Reg., xxx, 14 ;

II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7 ; III Reg., i, 38, 44 ; I Par., xvin, 17 ; hak-Kârî, IV Reg., xi, 19 ; hak-Kerêi, au ketib de II Reg., xx, 23 ; au pluriel, Kerêtim, Ezech., xxv, 16 ; Soph., ii, 5 ; Septante : à Xepeôî, II Reg., xx, 7, 23 ;

III Reg., i, 38, 44 ; I Par., xviii, 17 ; à Xzliïi, I Reg., xxx, 14 ; II Reg., .vin, 18 ; xv, 18 ; 5 Xoppi, IV Reg., xi, 19 ; Kpyjrai, Ezech., xxv, 16 ; Soph., Il, 5 ; Vulgate : Cerethi, I Reg., xxx, 14 ; II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7 ; III Reg., i, 38, 44 ; IV Reg., xi, 19 ; I Par., xviii, 17 ; Cerethssi, II Reg., xx, 23 ; interfectores, Ezech., xxv, 16 ; perditi, Soph., ii, 5), nom d’un district ou d’une tribu des Philistins et d’une partie des gardes du corps de David :

1° Le négéb hak-Kerêfi, le « sud du Céréthien », t Reg., xxx, 14, indique la contrée sud-ouest de la Terre Sainte ou le pays des Philistins ; aussi croit-on généralement que le mot qui nous occupe désigne une tribu de ce dernier peuple. Le pluriel Kerêtim, qu’on trouve dans deux passages prophétiques, semble confirmer cette opinion, malgré les difficultés du texte. On lit dans Ézéchiel, xxv, 16 :

J’étendrai ma main sur les Philistins, Et je tuerai les Kerêtim.

Il y a dans l’hébreu une paronomase, hikrafi éf-Kerêtîm, que saint Jérôme a essayé de rendre, dans la Vulgate, par interficiam interfectores, « je tuerai ceux qui tuent. » Le saint docteur a donc vu ici un participe de kàrat, « couper, détruire, exterminer, » caractérisant la cruauté de la nation contre laquelle est dirigée la prophétie. À part j Symmaque, qui traduit par JXeSpfou ; , les versions anj ciennes ou reproduisent le mot original : Aquila, XspeQj Q’.sîv ; Théodotion, Kap’.6î : fi, ou donnent un nom propre : . Septante, Kpr.-ji, « les Cretois ; » syriaque, « les Cré téens. » — Sophonie, ii, 5, parlant contre le même peuple, dit :

italheur à vous qui habitez la côte de la mer, nation des Kerêtim ; La parole du Seigneur [va tomber] sur vous, Chanaan, terre des Philistins.

Saint Jérôme a expliqué gôi Kerêtim par gens perditorum, « nation de perdus, » parce que, dit-il, « ceux qui habitent près de la mer périront. » Comment, in Soph., t. xxv, col. 1360. On peut se demander pourquoi le grand interprète n’a pas été plus conséquent avec lui-même en donnant au mot, qu’il lit chorethim dans les deux endroits, la même signification. Citant les anciennes versions grecques, il fait justement remarquer que la traduction des Septante, uâpoixoi Kpr, Ttôv, advense Cretensium, suppose la lecture gar, « étranger, » au lieu de gôi, « nation, » avec le nom de l’île de Crète. Aquila, en mettant eOvoç ôXéÔpiov ; Théodotion, =6vo ; èÀéÔpt’a ;  ; Symmaque, ô), s6p£vi<S|iEvov, sont d’accord avec lui. Le chaldéen semble suivre la même étymologie ; mais le syriaque porte « Creta », comme les Septante.

En somme, nous ne voyons aucune difficulté d’admettre que Kerêtim est ici, en vertu du parallélisme poétique des prophètes, synonyme de Philistins, ou tout au moins désigne une fraction de ce peuple, quelle que soit d’ailleurs son origine. Il est ensuite permis, malgré l’autorité de la Vulgate, de regarder ce mot, non comme un participe, mais comme le pluriel de Kerêti, que la même version, d’accord avec les Septante, a rendu par le nom propre Céréthien. Enfin le seul texte de I Reg., xxx, 14, suffit pour nous montrer une tribu de ce nom dans le sud-ouest de la Palestine.

2° Le mot Kerêti est uni à Pelêtî dans plusieurs endroits des livres historiques pour désigner les gardes du corps de David, II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 7, 23 ; III Reg., i, 38, 44 ; IV Reg., xi, 19 (hébreu : hak-Kâri) ; I Par., xviii, 17. Gesenius, Thésaurus, p. 719, ici encore le raltache à la racine kârat, et lui donne le sens de carnifex, « bourreau, » de même qu’il explique Pelêtî par cursores, « coureurs, courriers. » Les soldats qui formaient la garde du saint roi, ceux que Josèphe, Ant. jud., VII, v, 4, appelle (rwnsToç-jXaxeç, auraient ainsi tiré leur nom de leurs fonctions, ceux-ci étant chargés de porter les messages royaux, ceux-là d’exécuter les sentences capitales : nous voyons, en effet, Banaias, fils de Joïada, leur chef, mettre à mort, par ordre de Salomon, Adonias, III Reg., il, 25, et Joab, . ^. 34 ; tel était aussi en Egypte le rôle de Putiphar, Gen., xxxvii, 36, et en Chaldée celui d’Arioeh, officier de Nabuehodonosor. Dan., ii, 14. Les Septante ont, comme la Vulgate, gardé le mot hébreu, Xeptôî, XsXtOc ; mais la paraphrase chaldaïque a fait des deux noms des substantifs communs : archers et frondeurs, expressions qu’on trouve de même dans la version syriaque, avec celles de nobles et soldats. Keil, Die Bûcher Samuels, Leipzig, 1875, p. 287, qui partage l’opinion de Gesenius, ajoute que, dans la suite, on désigna la garde royale par les mots hak-kârî vehârâsîm, « les bourreaux et les coureurs, » IV Reg., xi, 4, 19, et qu’on trouve déjà, II Reg., xx, 23, hak-kârî pour hak-kerê(i (kàri venant de kûr, « percer, transpercer » ) ; ce qui confirme l’explication donnée. — On oppose cependant plusieurs difficultés à cette manière de voir. Pourquoi d’abord les deux mots en question n’ontils pas la forme plurielle usitée pour les noms communs ? Ensuite, quand même les gardes du corps auraient à l’occasion exécuté les sentences de mort ou porté les messages royaux, il n’est guère vraisemblable qu’ils aient tiré leur nom de là ; d’autant moins que Pelêtî, à le prendre dans son sens propre, ne signifie pas, comme Rasïm, simplement « coureur », mais plutôt « fuyard, déserteur » ; singulière appellation, on en conviendra, pour une garde royale. Enfin la forme Kerêti, Pelêfî, est usuelle en hébreu pour les noms de peuples,

et la tribu des Céréthiens est déjà mentionnée I Reg., -XXX, 14. Cf. Baur, dans Riehm, Handwôrterbuch des Eiblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 241.

La plupart des modernes, à la suite d’Ewald, Kritische Grammatik der hebràischen Sprache, Leipzig, 1827, p. 297 ; Geschichte des Volkes Israël, Gœltingue, 1864, t. i, p. 353, expliquent Kerêti et Pelêti par des noms de peuples. Les Céréthiens sont les Philistins comme originaires de Crète ; le mot Pelêti serait une abréviation populaire pour Pelisti, « Philistin. » Les Céréthiens et les Phéléthiens étaient des soldats mercenaires comme le furent plus tard les Germains qui servirent de gardes du corps aux empereurs romains, et les Suisses qui devinrent gardes du corps des rois de France. Après David, la garde royale put conserver le même nom, quoiqu’elle ne fut plus composée de Philistins, de même que certaines gardes suisses purent être composées de soldats qui n’étaient pas originaires des cantons helvétiques. — En ce qui concerne Kerêfl, cette opinion, au point de vue strictement exégétique, s’appuie principalement suri Reg., XXX, 14 ; Ezech., xxv, 16 ; Soph., ii, 5. Quant à l’origine des deux noms, voici comment on l’explique au point de vue historique. On distingue une double émigration des Philistins en Palestine. La première colonie vint de la côte égyptienne, où elle s’était d’abord arrêtée, en quittant Caphtor ou l’Ile de Crète. Elle fut faible jusqu’à l’époque des patriarches, mais prit peu à peu de la force pendant le séjour des Hébreux en Egypte. La seconde arriva immédiatement de Crète, vers la seconde moitié de la période des Juges, et donna à la puissance du peuple philistin cet essor subit qu’indique le livre des Juges à partir du chap. xm. Selon toute vraisemblance, le nom de Pelêti ou Pelisti désigna primitivement la plus ancienne, et celui de Kerêti la plus récente ; et cette double dénomination, s’appliquant à tout l’ensemble de la population, passa aux gardes du corps que David prit dans la nation vaincue. Comment se fait-il maintenant que le saint roi prit ces troupes à son service ? Cela s’explique non seulement par ses anciens rapports d’amitié avec les Philistins, I Reg., xxvii ; mais encore par la nature même de ce dernien État. Celui-ci, en effet, une espèce de Pays-Bas de l’ancien monde, ne pouvait, dans les limites étroites où il était resserré, arriver à un certain développement de puissance qu’en appelant des mercenaires de l’ancienne patrie, et ces soldats à gage, suivant leur coutume, se mirent au service de leur nouveau maître, après la défaite des Philistins, aussi volontiers qu’ils l’avaient fait pour les anciens. Cf. Riehm, Handwôrterbuch, p. 241.

On a soulevé contre cette opinion les objections suivantes : 1° Kerêti n’indique pas plus les Cretois que Pelêti ne représente les Philistins. Donner, en effet, ce dernier mot comme une corruption de Pelis(im est une assertion sans fondement, un fait inconnu des langues sémitiques. — 2° Cette alliance de deux noms synonymes pour désigner la garde royale est tout à fait singulière ; c’est comme qui dirait les Anglais et les Bretons en parlant des habitants de la Grande-Bretagne. — 3° Les gardes du roi furent appelés plus tard hak-kàri ve-hàrâsim, IV Reg., xr, 4, 19, hak-kâri correspondant à hakkerêti, comme II Reg., xx, 23, et hâ-râsim à happelêfi ; ce dernier mot n’est donc pas plus un nom de peuple que râsim, « coureurs ; » et il en est de même pour les deux autres. — 4° L’hypothèse de l’émigration des Philistins de l’Ile de Crète s’appuie simplement sur les vagues données de Tacite, Hist., v, 3, 2 : Judseos Creta insula profugos novissima Libyse insedisse memorant, et d’Etienne de Byzance, qui rapporte que la ville de Gaza s’appelait autrefois Minoa, de Minos, roi de Crète : assertions qu’on a justement traitées de fables, surtout en regard des témoignages historiques de l’Ancien Testament, Deut., ii, 23 ; Am., ix, 7, qui font vej nir les Philistins de Caphtor. — 5° Enfin il est tout à j

fait invraisemblable qu’un patriote comme David, qu’un pieux roi attaché comme lui au culte du vrai Dieu, ait entouré sa personne d’étrangers et de païens. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 719 ; Keil, Samuel, p. 287-288, notes.

On peut répondre à ces difficultés : 1° Quelle que soit l’origine des Kerêtim, ils sont certainement donnés,

I Reg., xxx, 14, comme une tribu du sud-ouest de la Palestine, et probablement, Ezech., xxv, 16 ; Soph., ii, 5, comme synonymes de Philistins. Quant au mot Pelêtl, plusieurs auteurs admettent qu’il peut être une corruption populaire de Pelistim, destinée à mettre sa prononciation d’accord avec celle de Kerêti. Voir Phéléthiens.

— 2° L’alliance des deux noms synonymes s’explique par leur origine historique, que nous avons mentionnée plus haut, de même que les dénominations d’Anglais et de Bretons supposent dans un même pays différentes couches de peuples. — 3° Les gardes du corps pouvaient s’appeler râsim en raison de leur fonction de « messagers », et Pelêti en raison de leur origine, comme en France nous disons « Suisses » et « portiers ». Cf. F. de Hummelauer, Comment, in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 333. Quoique plusieurs auteurs prennent Kârî pour le nom des Cariens, qui auraient également fait partie de la garde royale, il est possible aussi que ce mot soit une faute de copiste pour Kerêti, par la simple omission du n, thav, t-s, >rro, comme au ketïb de II Reg., xx, 23.

Dans ce dernier passage, les massorètes ont ponctué H3,

Kerêî ; mais les Septante et la Vulgate ont bien lu Xepeôi, Céréthiens ; et la version latine a lu de même. IV Reg., xi, 19. — 4° Malgré l’obscurité qui entoure l’origine des Philistins, bon nombre d’auteurs les font venir de Crète. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 312 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 338. Voir Philistins. — 5° Qui nous dit que les Céréthiens ne devinrent point prosélytes, en s’attachant à la personne de David ? Les janissaires turcs étaient de jeunes captifs, nés de parents chrétiens, qu’on élevait dans l’islamisme. D’un autre côté, le saint roi ne crut jamais manquer au patriotisme en choisissant des héros étrangers, comme Éthaï le Géthéen, II Reg., xv, 19, 22 ; xviii, 2 ; Sélec l’Ammonite, xxiii, 37 ; Urie l’Héthéen, xxiii, 39 ; Igaal de Soba, xxiii, 36, et les six cents Géthéens, xv, 18.

II suivit en cela l’exemple de Saùl, qui, « dès qu’il voyait un homme vaillant et apte à la guerre, se l’attachait, » I Reg., xtv, 52, ce qui n’exclut pas le choix des étrangère, mais le suppose plutôt. Cf. F. de Hummelauer, Comment, in lïb. Sam., p. 333. C’est, du reste, un usage qui a été assez fréquent chez les rois orientaux. Le khalife de Bagdad, par exemple, fut obligé, depuis le IXe siècle, de prendre à son service des soldats turcs, parce qu’aucun Arabe ne voulait se prêter à emprisonner un Arabe, encore moins à le mettre à mort. Cf. F. Hitzig, Vrgeschichte und Mythologie der Philistàer, in-8°, Leipzig, 1845, p. 17-28.

Les Céréthiens et les Phéléthiens avaient pour chef, non point un des leurs, mais un Israélite de la plus grande distinction et de la meilleure naissance, Banaias, fils du grand prêtre Joïada. II Reg., viii, 18 ; xx, 23 ; I Par., xviii, 17. Ils marchaient devant David quand il s’enfuit de Jérusalem, au moment de la révolte d’Absalom. II Reg., xv, 18. Ils poursuivirent, avec les vaillants d’Israël, un autre révolté, Séba. Il Reg., xx, 7. Opposés également aux tentatives d’Adonias, ils prirent part au sacre de Salomon. III Reg., i, 38, 44. La Vulgate les mentionne encore dans l’histoire d’Athalie et de Joas. IV Reg., xi, 19 ; mais nous avons vu que le texte original donne une leçon qui prête matière à difficultés. Telle est en résumé toute l’histoire de cette troupe d’élite. — Voir J.-B. Carpzov, Dissertatio de Crethi et Phlelhi, dans Ugolini, Thésaurus, t. xxvii, col. ccccxrv - ccccu ;

H. Opitz, Dissertatio de Crethi et Phlethi Davidis et Salomonis salellitio, ibid., col. cccclii-cccclxxi.

A. Legendre.

CÉRÉTHITES. Voir Céréthiens.

CERF ( hébreu : 'ayyâl, « le cerf, » et parfois l’animal en général, mâle ou femelle ; 'ayyâlâh, « la biche. » Le nom paraît dérivé de 'ayîl, « bélier, » ce qui indiquerait que pour les premiers Hébreux le cerf était une espèce de grand bélier. Septante : ËXccpo ;  ; Vulgate : cervus, cerva). Le cerf (fig. 147) est un mammifère, de l’ordre des bisulques ruminants et de la famille des cervidés, remarquable par l'élégance de ses formes et son agilité à la course. Son pelage est d’un brun fauve, excepté à

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147. — Le cerf.

la croupe et à la queue, qui sont d’une couleur plus pâle. Il vit ordinairement par troupes, se nourrit d’herbages, de feuilles et au besoin d'écorce d’arbres, et se lient dans les bois et les forêts, à proximité des lacs ou

année, la dague se ramifie et devient bois ; la tige principale ou merrain produit des ramifications qu’on appelle cornillons ou andouillers. Ces bois sont caducs ; ils tombent chaque année au printemps pour reparaître en automne. Le cerf abondait autrefois en Palestine. Deux villes et une vallée y portaient le nom d’Aïalon, dérivé du nom même du cerf. Voir t. i, col. 296-298. L’espèce était celle du cervus elaphus, originaire de Perse, et encore commune dans toute l’Europe. On en a retrouvé les ossements dans les cavernes et dans les brèches du Liban. Le cerf est devenu rare aujourd’hui en Palestine, à cause de l’aridité du sol. Il a totalement disparu de l’Egypte, où il était connu autrefois, comme l’attestent les monuments figurés (fig. 148). Le cervus barbarus, race très peu différente de la première, qui occupe aujourd’hui le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, s'étendait probablement autrefois

l13. — La biche et son faon.

dans tout le nord de l’Afrique, et atteignait la partie méridionale de la Palestine. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 101 ; Id., Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 4.

La Sainte Écriture mentionne le cerf ou la biche vingt et une fois dans la Vulgate (dans le texte hébreu : le cerf, dix fois, la biche, dix fois) ; la Vulgate a traduit en plus par « cerf, » Ps. cm (Civ), 18, le mot ye’elim qui

US. — Chasse au cerf en Egypt ?. Tombeau de Béni -Hassan. D’après Percy E. Newberry, Beni-Easan, t. ii, pi. Iv.

des cours d’eau. Le cerf est d’un naturel doux et timide ; mais en automne, quand il recherche la biche, il est agressif et même féroce. Il se met alors à bramer, en poussant un cri rauque et sauvage. La biche porte huit mois. Son petit prend d’abord le nom de faon, et ensuite celui de daguet jusqu'à l'âge de trois ans. Ce qui distingue surtout le cerf, ce sont les bois qui ornent sa tête et en même temps lui servent d’armes offensives et défensives. Le mâle seul en est pourvu. Quand l’animal arrive à l'âge de six mois, deux petites éminences se produisent de chaque côté de l’os frontal, dont elles sont le prolongement. Une peau velue les recouvre. Elles s’allongent bientôt en pointes ou dagues. À la troisième

désigne le bouc sauvage, ibex. Elle fait allusion à son élégance, à sa rapidité, à quelques particularités des mœurs de l’animal, mais jamais à sa ramure. Dans le livre de Job, xxxix, 1-4, le Seigneur parle en ces termes de la naissance du faon :

As-tu observé l’enfantement des biches,

As-tu compté les mois de leur portée,

Sais-tu l'époque où elles mettent bas ?

Elles se courbent pour faonner

Et se délivrent de leurs douleurs.

Leurs petits se fortifient, grandissent au désert,

S’en vont et ne reviennent plus vers elles.

Les cerfs aiment à se cacher dans les fourrés les plus

épais et ils fuient dès qu’on les approche, d’où la difficulté d’observer leurs mœurs. Néanmoins la connaissance des détails dont parle le livre de Job n’est pas impossible à l’homme ; le Seigneur parle donc ici, non de cette science humaine qui constate les effets, mais de la science divine qui crée et gouverne les causes. — Comme les petits des autres animaux les faons abandonnent leur mère dès qu’ils peuvent se suffire à eux-mêmes (fig. 149). La mère, au contraire, chérit ses petits, et pour qu’elle cessât d’en prendre soin, il faudrait que la détresse fut extrême, jer., xiv, 5. — La biche est timide, et la « voix du Seigneur », c’est-à-dire le bruit de la tempête et de l’orage, la fait faonner avant terme. Ps. xxviii, 9 ; Aristote, Hist.

Il y a là sans doute une allusion prophétique à cette illustre femme de la tribu de Nephthali, Débora, qui persuada à Barac de livrer bataille à Sisara, et ensuite chanta si magnifiquement la victoire. Jud., iv, v. — « Le cerf soupire après les sources d’eau. » Ps. xli, 2. Il s’y rend de très loin pour se désaltérer. — La grande sécheresse, qui détruit les pâturages, l’exténue et le rend incapable de fuir. Lam., 1, 6. — La chair du cerf est succulente. Les Hébreux pouvaient en manger, Deut., xii, 15 ; xiv, 5 ; xv, 22, et la table de Salomon en était abondamment pourvue. III Reg., iv, 23. Cependant le cerf ne figure pas parmi les animaux qu’on pouvait offrir dans les sacrifices.

— On lit dans le titre hébreu du psaume xxi : ’al’ayyélét

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150. — Chasse au cerf en Assyrie. Bas-relief de Koyoundjik, British Muséum.

anim., ix, 3 ; Plutarque, Sijmpos., 4 ; Pline, H. N., vin, 47. — L’agilité du cerf à la course fournit matière à plusieurs comparaisons. Quand l’animal est poursuivi à la chasse, il n’est pas rare qu’il coure sans interruption l’espace de cinquante ou soixante kilomètres, et les chiens les plus agiles ne le mettent aux abois que grâce à de nombreux relais (fig.’150). David remercie le Seigneur de lui avoir donné, pour se dérober à ses ennemis, des pieds agiles comme ceux du cerf. Ps. xvii, 31 ; II Reg., xxii, 34. Habacuc, iii, 19, se sert de la même comparaison. — L’animal fait des bonds énormes. Au temps du Messie, « le boiteux bondira comme le cerf, » Is., xxxv, 6, métaphore qui se rapporte à la fois aux guérisons physiques opérées par le Sauveur et à l’élan que sa grâce communiquera aux hommes pour les faire marcher dans la voie du salut. — Rien de gracieux comme la biche et le faon, avec leur œil vif, leur légère allure, leurs formes délicates, leur timidité même. Salomon compare l’épouse de la jeunesse à « une biche bien-aimée », Prov., v, 19, et l’époux du Cantique au « jeune faon des biches ». Cant., ii, 9, 17 ; viii, 14. — Dans ce dernier livre, l’époux adjure les compagnes de l’épouse « au nom des biches de la campagne », Cant., n, 7 ; iii, 5, parce que la scène décrite dans le Cantique se passe en grande partie dans les champs dont les biches sont les hôtes les plus gracieux, et aussi parce que l’épouse est comme une biche délicate et timide que le moindre bruit pourrait éveiller. — Jacob mourant dit de Nephthali :

Nephthali est une biche en liberté,

II fait entendre de belles paroles. Gen., xux, 21.

haSsahar, « sur la biche de l’aurore. » Voir’Ayyélét hassahar. — Sur le rôle du cerf dans le symbolisme chrétien, surtout à raison du texte Ps. xli, 2, voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 1877, p. 158. II. Lesètre.

    1. CERMELLI Augustin##

CERMELLI Augustin, dominicain lombard et inquisiteur général en Lombardie, mourut en 1677. Il était originaire d’Alexandrie en Piémont. Il a laissé un ouvrage assez important, sous le titre de Catena in Job ex SS. Patrum Scriptorumque ecclesiasticorum sententiis concinnata, in-f", Gênes, 1636. — Voir Échard, .. Scriptores ordinis

Prœdicatorum, t. ii, p. 669.
B. Heurtebize.
    1. CÉROS##

CÉROS (hébreu : Qêrôs ; Septante : KâS7] ; , I Esdr., H, 44 ; Kipiç, II Esdr., vii, 48 ; Codex Alexandrinus : Kr, paoî et Keipâ ; ), Nathinéen, dont les fils revinrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel.

CERVEAU. Le texte hébreu de la Bible ne nomme nulle part le cerveau. La Vulgate emploie cependant deux fois le mot cerebrum. Elle raconte que Jahel entra secrètement dans la tente de Sisara, « plaça un clou sur la tempe de sa tête, et, le frappant avec un marteau, l’enfonça dans son cerveau jusqu’à terre. » Jud. r iv, 21. En hébreu et en grec, on lit seulement : « Et en frappant elle enfonça un clou dans sa tempe (raqqàh, xpÔToeço : , lempus), et il descendit jusqu’à terre. » Plus loin, Jud., ix, 53, la Vulgate dit encore qu’une femme « jeta d’en haut un fragment de meule qui frappa la tête d’Abimélech et lui brisa le cerveau ». En hc

breu, le mot employé est gulgolét, « crâne, » et en grec xpavfov, qui a le même sens. — Il est à remarquer que le mot raqqâh, reproduit dans le cantique de Débora, Jud., v, 26, y est traduit plus exactement par tempus

dans la Vulgate.
H. Lesêtre.
    1. CÉSAR##

CÉSAR (grec : Kaïaocp). Nom générique pris pour la première fois par Octave, fils adoptif de Jules César, et adopté par les empereurs romains de sa race. L’emploi de ce tilre pour désigner l’empereur régnant devint général, à ce point qu’on omettait le plus souvent d’y ajou César, qui fut dès lors porté par les héritiers présomptifs de la couronne. Sous le Bas-Empire, il fut appliqué comme titre honorifique à tous les enfants mâles de l’empereur

régnant.
P. Renard.
    1. CÉSARÉE##

CÉSARÉE (Kamâpeia). Plusieurs villes Ont porté ce nom dans les contrées où s’étendit la domination romaine. A propos d’Auguste, Suétone dit : « Reges amici, atque socii, et singuli in suo quoque regno, CæsareES urbes condiderunt. » Octav., 60. Deux Césarées, situées c n Palestine, sont mentionnées dans le Nouveau Testament.

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181. — Banias vue de l’ouest. D’après une photogra ; hie

ter le nom propre de chaque souverain. Joa., xix, 15 ; Act., xvii, 7. Cette manière de parler fut adoptée par les auteurs du Nouveau Testament à cause de la souveraineté que les empereurs romains exerçaient sur la Palestine. Les Césars mentionnés soit par leur nom propre, soit par le terme de César, dans le Nouveau Testament, sont 1° Auguste, Luc, H, 1 ; 2° Tibère, Luc, iii, 1 ; xx, 22 ; 3° Claude, Act., xi, 28, et 4° Néron, Act., xxv, 8. Voir chacun de ces noms. Caligula, qui succéda à Tibère, n’est pas mentionné. Les monnaies en usage portaient l’effigie du césar. Matth., xxii, 21. Voir fig. 134, col. 423. C’est à lui que les Juifs payaient le tribut, Matth., xxii, 17 ; Luc, xx, 22 ; xxiii, 2, devoir que Notre-Seigneur consacra en déclarant qu’il fallait rendre à César ce qui était à César. Matth., xxii, 21. Voir Cens. Les Juifs, qui avaient le titre de citoyens romains, pouvaient en appeler à César dans les causes criminelles, Act., xxv, 10-12 ; xxvi, 32 ; xxviii, 19, et dans ce cas ils étaient conduits à Rome, pour être jugés au tribunal de l’empereur. Act., xxv, 12, 21. Le titre de César fut ainsi porté par les empereurs romains jusqu’à Néron inclusivement. Après lui Galba, ayant adopté Pison, lui donna en même temps le titre de IlICT. DE LA BIBLE.

4. CÉSARÉE DE PHILIPPE (Kaidàpeia 7) *iXiWou), ville de Palestine, la Banias actuelle (fig. 151), probable 152. — Monnaie de Césarée de Philippe. AYT KM. Buste radié et cuirassé d’Héliogabale. — il KAI. IIAN. SE. A1YL. Pan dans une grotte fermée par une balustrade. Dans le champ (i.K)A, c’est-adire l’an 221 de Panéas, correspondant a l’an 198 de no : re ère ; c’ejc la date de l’avènement d’Héliogabale.

ment appelée Baalgad dans l’Ancien Testament, voir t. i, col. 1337, reçut son nom nouveau parce que le télrarque PI i II. - 15

451

CÉSARÉE DE PHILIPPE

452

lippe la restaura, l’embellit et la dédia à Tibère César, son protecteur. Ant. jud., XVIII, ii, 1 ; Bell, jud., II, ix, 1. Elle est plus connue sous le nom de Césarée Panéas (fig. 152), Kaicripsia flavEoiç, ou Ilaviâ ; , Ant. jud : , XVIII, II, 3 ; Pline, H. N., v, 15, 15 ; Ptoléraée, v, 15, 21, et enfin simplement Panéas, Ant. jud., XV, x, 3, parce qu’elle était consacrée au dieu Pan. Elle se trouve mentionnée dans l’Évangile, Matth., xvi, 13 ; Marc, viii, 27, comme le point vers lequel Jésus, fuyant la persécution qui s’organisait à Capharnaûm, résolut de se diriger. C’est dans ce voyage, et aux environs de Césarée de Philippe, que Pierre, répondant à la question du Maître, prononça le Tu es Chri avait bâti nn temple en l’honneur d’Auguste son bienfaiteur. Ant. jud., XV, x, 3 ; Bell, jud., i, xxi, 3. Son fils Philippe, à qui il légua cette ville avec le district du même nom, Ant. jud., XVII, viii, 1, 7, la transforma en y multipliant des monuments de plus en plus en harmonie avec les mœurs païennes. Agrippa le Jeune en fit autant et lui donna le nom de Néronias, en l’honneur de Néron. Ant. jud., XX, ix, 4. On y voyait non seulement des temples avec leurs idoles, mais tout ce qui devait se trouver dans une ville grécoromaine, et jusqu’à un amphithéâtre, où Titus, après son triomphe définitif sur la nation juive, put offrir à la multitude des jeux publics, obligeant les pri

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o= £*-- - 153. — Buines du temple de Pan, à Banias. D’après une photographie.

stus qui lui valut, comme récompense, le Tu es Petrus. Matth., xvi, 16-18. Voir notre Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e édit., t. ii, p. 136 et suiv. Il n’est pas dit, et il n’est pas probable, Marc, viii, 27, que le Sauveur soit entré dans Césarée. Visiter ces grands centres, plus païens que juifs, n’entrait pas dans le plan de son ministère évangélique. Or Césarée de Philippe était un centre important et à peu prés païen. Josèphe, Vit., 13, nous apprend que les Juifs s’y trouvaient peu nombreux et entourés de Gentils auxquels ils devaient s’adresser pour acheter de l’huile. Ils ne le faisaient qu’avec répugnance, cette huile leur paraissant impure et peu ce ;  ; forme par sa préparation aux exigences de la loi. Au reste, le nom même de la ville indiquait son origine païenne. On y vénérait dans une grotte célèbre le dieu Pan et les nymphes ou les satyres, son cortège ordinaire. Les Hérodes, par des embellissements successifs, n’avaient fait qu’accentuer ce caractère absolument païen de la cité. Le premier de la dynastie y

sonniers à s’entretuer ou à lutter contre des bêtes féroces, pour amuser les spectateurs.

De l’antique Césarée, il ne reste à peu près rien que la grotte de Pan (fig. 153), les ruines du château fort, dont une partie paraît antérieure aux croisades, et beaucoup de colonnes semées un peu partout, les unes à travers champs, les autres dans les constructions modernes que les paysans se sont édifiées. C’est en avril 1888 que nous avons visité, avec M. Vigouroux, le site de Panéas ou Césarée de Philippe. — On y arrive de la vallée du Jourdain supérieur, en gravissant, sans trop s’en apercevoir, une série de petits plateaux superposés jusqu’à 400 mètres d’altitude. Déjà à Tell-el-Qadi, l’antique Laïs, devenue plus tard la ville des fils de Dan, les eaux vives bouillonnent de tous côtés. À mesure qu’on se rapproche des sources du Jourdain, la verdure devient luxuriante, la fraîcheur commence, les arbres se montrent par groupes. On oublie les sites arides de la Palestine et on CÉSARÉE DE PHILIPPE

454

marche joyeusement vers les grandes montagnes d’où descendent les rivières, en se disant qu’il y aura là comme un petit paysage de Suisse où l’on pourra se reposer avec plaisir. Et, en effet, après avoir franchi de nombreux ruisseaux bondissant à travers les pierres, on finit par atteindre des massifs de figuiers, de saules, de térébinthes, de lauriers - roses, de peupliers, d’amandiers : là se trouve Banias, l’ancienne Panéas. L’eau, si rare dans toute la Palestine, court ici dans tous les jardins et inonde même le petit sentier encombré de ruines et de pierres basaltiques par lequel nous arrivons. De jolis chapiteaux doriques et corinthiens sont plantés çà et là,

trois supports tiennent en l’air. C’est le système qu’ils ont imaginé pour se garantir des scorpions et des insectes qui abondent dans le pays.

Le seul souvenir de l’antique Panéas qui subsiste â Banias moderne, c’est, en dehors du nom même de la ville, la fameuse grotte de Pan, dont Josèphe nous a fait la description, et qui, par le culte qu’on y rendait au dieu des troupeaux et des pâturages, avait donné naissance à la cité de Panéas. Cette caverne se trouve au nord du village, ouverte sous les derniers contreforts de l’Hermon. On y arrive à travers des ruisseaux sans passerelles et des jardins mal cultivés. Les habitants du pays l’ap 154. — Source du Jourdain, à Banias. D’après une photographie.

comme bornes, pour délimiter les propriétés particulières. Les maisons de Panéas sont de terre, mais de superbes blocs de marbre se trouvent souvent enchâssés dans ces misérables murs de pisé. Des sarcophages, remarquables comme sculptures, et, autant qu’il nous a paru, tous de l’époque grécoromaine, servent d’auge aux troupeaux. L’ancienne ville, absolument détruite, a été transformée en champs de blé et en jardins. Seule la forteresse a résisté en partie à l’injure du temps, et c’est dans son quadrilatère que sept ou huit cents habitants ont édifié leur triste village. À notre grande déception, nous n’avons pas trouvé un seul chrétien à Banias. Heureusement que le vieux scheikhvrkhaoui, un excellent vieillard, nous offrit chez lui la plus patriarcale hospitalité. En dehors de l’appartement qui sert de mosquée, à l’entrée de sa demeure, et où il nous installa, il eût été impossible de trouver dans tout le village un asile acceptable. Les habitants désertent la nuit leur habitation ordinaire pour aller se blottir sur leurs terrasses, dans des réduits construits avec des branches d’arbres et que

pellent Merharet Ras en-Nebah, « Caverne de la télé de la source. » Du temps de Josèphe, une nappe d’eau immobile, mais dont la profondeur était jugée insondable, s’étendait sous la grande voûte rocheuse. Du pied de la caverne, dit l’historien juif, Bell, jud., i, xxi, 3, sortait en bouillonnant une des sources du Jourdain (fig. 154). Aujourd’hui la nappe d’eau n’est plus visible. D’énormes blocs de rocher se sont détachés de la montagne et ont comblé une grande partie de la grotte. Les eaux jaillissent toujours à la partie basse, à dix mètres environ au-dessous des éboulements et de l’entrée actuelle. La grotte, jadis pleine de poésie, est devenue une étable d’une saleté repoussante. Les bergers successeurs de Pan y laissent s’accumuler les ordures de leurs troupeaux, et les insectes de toute sorte y pullulent. Plusieurs niches, dont les unes se trouvent, par suite de l’exhaussement du terrain, à fleur de terre, et d’autres cachées sous le sol, ont des inscriptions en l’honneur de Pan et des nymphes. Dans l’état actuel des lieux, il n’est pas possible de trouver, entre la grotte et la rivière, une assiette convenable pour le fameux temple

de marbre blanc qu’Hérode érigea, près du Panion, en l’honneur d’Auguste. Bell, jud., i, xxi, 23. Le chercher au flanc de la montagne, là où fut bâtie, au moyen âge, la petite chapelle de Saint-Georges, Mâr Djiris, est encore plus difficile. Et cependant le chapiteau corinthien qu’on voit sur une colonne du petit oratoire, et dont les pareils se retrouvent dans les jardins au delà de l’ouadi, firent très probablement partie de l’Augustéum. Les données historiques et topographiques sur l’ancienne ville sont trop insuffisantes pour essayer une reconstitution. Des arceaux aux trois quarts ensevelis dans un jardin, mais qui se développent sur une assez longue étendue, marquent-ils la place du forum ? C’est possible. Pour avoir une idée générale du site de Panéas, il faut se transporter

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155. — Porte et pont de Baillas.

au delà de l’ouadi Zaaréh, vers le sud. On passe devant un tombeau de santon couvert d’ex-voto et embaumé des parfums qu’on y brûle, puis on franchit une double porte, jadis surmontée d’une tour carrée. Une inscription arabe dit que la porte a été faite par un sultan mamelouk, mais les plus basses assises sont certainement plus anciennes que les croisades. Ces assises se continuent avec le reinpart vers le levant jusqu’à l’habitation du scheikh, et marquent très probablement une partie du périmètre de la place forte gréco-romaine. On franchit l’ouadi sur un pont (fig. 155) d’origine en partie musulmane, comme la porte. On a employé des frugmcnls de frises et des linteaux, ramassés parmiles ruines et la plupart finement scul. ptés pour construire ses parapets. Sous l’arche ogivale, le torrent se précipite en bouillonnant à travers les roches grisâtres et des îlots couverts de lauriers-rôses. À mesure qu’on gravit la colline méridionale, le panorama se déroule très pittoresque à nos pieds et absolument majestueux sur nos têtes. Les contreforts de l’Hermoii se superposent en assises tantôt abruptes, tantôt arrondies, jusqu’à 3000 mètres d’altitude, et la superbe montagne, couverte de neige, brille de mille reflets, comme si elle renvoyait au soleil les feux dont il la couvre. De grands aigles volent dans le ciel bleu, allant des roches de l’Hermon aux vieilles murailles du château de Soubeybéh, qui, sur un pic surplombant de 300 mètres la vallée de Panéas, semble dire dans sa ruine qu’après avoir été de tout temps la forteresse imprenable, il na capitulé que quand les hommes l’ont délaissé. En bas. Banias moderne groupe ses pauvres habitations au milieu des débris de Césarée dressant çà et là la tête sous forme de colonnes, de sarcophages, d’arceaux, de remparts à moitié détruits. Par delà les jardins, en face, attaché au liane de la montagne, Mâr - Djiris ou Saint - Georges, devenu l’ouali’el-Khader des musulmans, donne la note religieuse au paysage. Au-dessous, la grotte de Pan, derrière de grands bouquets d’arbres, laisse entrevoir sa sombre ouverture, et remplit par le bruit de ses eaux bouillonnantes tout le vallon d’un long et délicieux murmure. Sur laquelle de ces pentes de l’Hermon, qui s’inclinent gracieusement vers la vallée, Notre-Seigneura-t-il prié ? Sur lequel de ces sommets amena-t-il Pierre, Jacques et Jean, pour en faire les témoins de sa transfiguration ? Il n’est pas possiblede le soupçonner, la tradition étant restée, dans ces pays peu chrétiens, d’un mutisme désespérant. C’est cependant là sans doute le vallon qui a entendu le cri du ciel sur la tête de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » Ce sont là les roches qui ont vu le Maître brillant comme la lumière converser avec Élie et Moïse, et il n’y a pas un signe qui fixe notre foi et console notre amour. Dans ces chemins sinueux qui montent et descendent dans la vallée, il a erré avec ses disciples, leur révélant sa fin prochaine, et c’est peut-être en regardant sur son cône abrupt, entouré de ravins, le château de Soubeybéh, qu’il évoqua la belle image de son Église, « bâtie sur la pierre, » imprenable, inaccessible et éternellement victorieuse, et qu’il donna à Pierre les clefs du royaume des cieux. Matth., xvi, 18-19.

Le seul souvenir biblique que la tradition ait placé dans la ville même de Césarée se rapporte à l’hémorroïsse de l’Évangile. Matth., ix, 19-22 ; Marc, v, 25-34 ; Luc, viii, 43-48. Voir Hémorroisse. D’après Eusèbe, E.E., vu, 17, t. xx, col. 680, Glycas, Annal., IVe partie, t. clviii, col. 476, et Théophane, Chronograph., t. cvni, col. 157, la femme guérie par Notre-Seigneur d’un flux de sang avait fait ériger devant sa maison, à Panéas, la statue de son bienfaiteur. Le monument de bronze la représentait suppliante aux pieds du Maître, qui, le manteau rejeté sur l’épaule, étendait la main vers elle pour lui donner la certitude que par sa foi elle avait mérité sa guérison. Julien l’Aposlat aurait fai 1 enlever cette statue, parce que le peuple attribuait à une plante poussant près de son piédestal le pouvoir d’opérer des cures merveilleuses. La statue ^profanée parles païens, aurait été pieusement recueillie par les fidèles, et placée dans une église. Julien, ayant substitué sa. propre statue à celle du Sauveur, le feu du ciel détruisit bientôt l’image du sacrilège empereur. — Cf. aussi Sozomène, v, 21, t. lxvii, col. 1280 ; Pholius, Codex 271, t. civ, col. 224.— Voir Wilson, Lands of the Bible, 1847, t. ii, p. 175 et sniv. ; Thomson, The Land and the Book, iS16, p. 228-231 ; V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 308 et suiv., et notre Voyage aux pays bibliques, 3 in-12, Paris, 1890, t. ii, p. 274 et suiv. E. Le Camds.

2. CÉSARÉE DU BORD DE LA MER, KaicripEia ^apa), : ^ç, Josèphe, Bell, jud., III, ix, 1, ou-f) ln SaXctTTi-., ibid., VII, i, 3, ou encore SeÔxstï ; , Ant.jud., XVI, v, 1 (fig. 156). Elle estappelée simplement Césarée dans les Actes, viii, 40, etc., parce que, résidence officielle des procurateurs romains, elle prima définitivement l’autre Césarée, qui était aussi en Palestine, mais que l’on distinguait en l’appelant régulièrement Césarée de Philippe, ou plus communément Panéas. Césarée fut bâtie par Hérode le Grand sur l’ancienne tour de Straton. Pline, H. A, v, 14, en fait l’historique en deux lignes : « La tour de Straton, la même que Césarée, bâtie par le roi Hérode, est maintenant la colonia, prima Flavia, établie par l’empereur Vespasien. » Josèphe, Ant.jud., XV, ix, 6, et Bell, jud., i, XXI, 5 et suiv., raconte longuement, et avec quelque exagération, tout ce que fit Hérode pour transformer en un passable port de mer et en une belle ville ce site jusqu’alors à peu près désert, où un aventurier grec, du nom de Straton, avait pensé à établir une tour de refuge. On sait que toute la côte palestinienne est tellement tourmentée par le vent du sud-ouest, l’africus, qu’elle est à peu près inabori dable aux navires. Ils ne peuvent que mouiller au large, I tant la mer s’y trouve perpétuellement agitée par le res

sac des lames revenant sur elles-mêmes. Que de fois les paquebots de nationalités diverses, qui font aujourd’hui Je service de la côte, doivent s’abstenir de débarquer à Jaffa non seulement les voyageurs, mais encore la poste, tant la violence des vagues rend l’abordage difficile, et il n’est pas d’année où des accidents déplorables ne surviennent par l’imprudence de ceux qui, malgré la mauvaise mer, veulent se faire conduire à terre. Hérode, jaloux de semer un peu partout des villes nouvelles et des constructions grandioses, remarqua l’anse naturelle formée par les terres rocheuses qui supportaient la tour de Straton, et résolut d’y construire un port où les navires, allant de Phénicie en Egypte, trouveraient un mouillage excellent. Ayant admiré ailleurs les entreprises gigantesques des Romains, il voulut les imiter ici, et, à en juger par un énorme bloc de syénite que l’on voit encore au milieu des flots, et qui fit partie du môle construit par lui, son œuvre fut xéellement prodigieuse (fig. 157). Josèphe assure qu’il fit

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156. — Monnaie de Césarée.

AIA. Tête de femme voilée et tourelée. L’an 14 (IA) d’Auguste est la date même de l’inauguration du port et de la ville de Césarée. — ii ; . EEBAETOS, dans une couronne. Sébastos était le nom du port de Césarée.

jeter dans la mer, à une profondeur de vingt brasses, des pierres dont plusieurs avaient plus de quinze mètres de long et trois de large. Ainsi il prolongea vers l’ouest la jetée naturelle qui formait promontoire au sud de i’anse et portait la vieille tour de Straton. Le port était ouvert au nord-nord-ouest, point d’où le vent n’arrive jamais très violent sur la côte. Des statues colossales, dressées sur une tour pleine, ou sur d’énormes blocs de pierres aussi grands que la tour, décoraient, à gauche et à droite, l’entrée de ce port, que Josèphe, avec son exagération ordinaire, compare comme proportions à celui du Pirée. Après le brise-lames se dressait un mur, courant tout autour du port et flanqué de tours, dont une s’appelait Drusia, du nom de Drusus, beau-fils d’Auguste. Des magasins voûtés, dans le genre de ceux qu’on voit encore assez bien conservés à Ostie, et qu’on retrouve ruinés à Genchrées, recevaient les marchandises ou servaient d’abri aux marins, tandis que les habitants de la ville se divertissaient sur les quais disposés en forme de promenade. Bâtie en amphithéâtre, Césarée, ville païenne plus que juive, étalait ses temples, ses palais, ses statues colossales, ses monuments de toute sorte, parmi les blanches maisons qui bordaient ses rues tirées au cordeau et aboutissant régulièrement au port. Quand on songe qu’une si importante cité sortit de terre en douze ans, Josèphe, Ant.jud., Hy, IX, 6, il n’y a pas lieu d’exalter nos procédés modernes de construction et d’architecture au-dessus de ceux de l’antiquité. Dn théâtre, un amphithéâtre, des aqueducs venant du nord pour amener les eaux prises au fleuve des Crocodiles ou sur les pentes du Carmel, des égouts portant les immondices à la mer, un temple splendide, consacré à Auguste, où se dressaient deux statues colossales, celle de l’empereur et celle de Rome, nullement inférieures, dit Josèphe, à celle du Jupiter d’Olympie ou de la Junon d’Argos, faisaient de Césarée la plus jolie ville de Palestine. Dans ces conditions, elle parut à Hérode digne de porter le nom du maître de Rome, qui était son puissant bienfaiteur. Il la dédia avec une grande solennité, et le port lui-même reçut le nom de Sébastos (Auguste). Au double point de vue civil et militaire, Césarée fut dès lors la capitale de la Judée.

Tout le monde sait qu’elle a joué un rôle important dans l’histoire primitive du christianisme. Le diacre Philippe l’évangélise. Act., viii, 40. Pierre vient y baptiser le centurion Corneille et sa famille, prémices de la gentilité. Act., x, 1 ; xi, 11. Hérode Agrippa y est frappé de la main de Dieu. Act., xii, 19-24. C’est de Césarée que Paul, obligé de quitter Jérusalem pour sauver sa vie, est dirigé sur Tarse. Act., IX, 30. C’est à Césarée qu’il débarque à son retour de Grèce. Act., xviii, 22. Plus tard, il y revient encore après son troisième voyage apostolique, Act., xxi, 8, et il y descend chez le diacre Philippe, qui

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157. — Plan de Césarée du bord de la nie.-.

y habitait avec ses quatre filles les prophétesses. De là, malgré les prédictions d’Agabus et les supplications des fidèles, il monte à Jérusalem. Act., xxi, S- 16. C’est à Césarée enfin qu’il est conduit prisonnier, pour être dirigé, après un séjour de deux ans dans cette ville, Act., xxm, 23-33 ; xxv, 1, i, 6, 13, sur Rome, où il a demandé d’être jugé par César. Act., xxv, 11-12. Ces grands souvenirs de l’époque apostolique ne contribuèrent pas médiocrement à faire de l’Église de Césarée une des plus illustres de Palestine. La population, moitié juive, moitié syrienne, y était fort remuante, et les deux races en vinrent plus d’une fois à de sanglants combats. Le dernier mot demeura aux Syriens, qui d’abord par l’influence de Burrhus firent retirer aux Juifs de Césarée le droit de cité, et ensuite, à l’instigation de Florus, finirent par les massacrer en masse, ce qui provoqua la guerre désastreuse où sombra définitivement la nationalité juive. La prépondérance de l’élément gréco-syrien sur l’élément juif fut sans doute une des causes du développement rapide de l’Église de Césarée. Les chrétiens y apparaissent de bonne heure très nombreux et les évêques puissants. Un concile s’y tient, à propos de la Pàque, dès la fin du IIe siècle. Vers le commencement du me, Origène s’y réfugie, et il y poursuit, sous le patronage de l’évêque, ses travaux de théologie et d’exégèse. Au commencement du ive, Eusèbe, le premier historien de l’Église et le premier géographe de Palestine, y est archevêque. Après cela, comment se faitil que Césarée, un des sites les plus vénérables de Palestine, ait été jusqu’à ce jour l’un des moins visités ? C’est probablement parce qu’il n’est pas sur la route ordi

naire des pèlerins, et qu’on n’y arrive ni sans fatigue ni sans danger.

C’est au mois d’avril 1894, qu’avec M. Vigouroux, nous nous sommes rendus à Kaïssariyéh. Le récit des Actes, X, 30, constatant qu’il fallut aux émissaires de Corneille quatre jours pour aller de Césarée à Joppé et ramener Pierre, est parfaitement exact. Il y a, en effet, un grand jour et demi de marche entre ces deux villes. C’est le temps que nous y avons mis nous-mêmes. Partis de Jaffa à six heures du matin, et ayant couché en rase campagne, faute d’asile, au delà de Kakoun, nous sommes arrivés à Césarée le lendemain à trois heures du soir, à peu près comme Pierre et son escorte. Après avoir franchi,

quement à Paul sa captivité prochaine, et où il est possible que saint Luc ait recueilli des documents pour écrire son Évangile, nous nous dirigeons vers le point central de l’antique cité, occupé plus tard par la ville des croisés, et aujourd’hui par quelques maisons couvertes de tuiles rouges, indice ordinaire de quelque colonie européenne transplantée dans le pays. Ce sont, en effet, des Bosniaques qui ont été autorisés par le sultan de Constantinople à s’établir sur les ruines de Césarée, en 1884. Ces braves gens ont conservé le fond de droiture et de bonté qui distingue les races d’Europe des races de l’Orient. Un grand mur, jadis muni de nombreuses tours, aujourd’hui absolument ruiné, marque le parallélogramme

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136. — liJiULa u. i.i luui du Césarée. Serai actuel. Tue du nord. D’après un. Hi’U'-, r i.i.’li_.

non sans peine, une série de ruisseaux formant de détestables marécages, nous avons abordé les grandes dunes de sable qui montent graduellement vers l’ouest. Qn atteint Césarée par une sorte de chemin élevé en forme de chaussée, et que les pierres des édifices ruinés rendent impraticable. Le pourtour de l’antique cité se déroule aussitôt, parfaitement reconnaissable aux décombres qui y sont amonceléssur un espace desixkilomètresenviron(fig. 157). De vastes carrés dont on a en partie enlevé les pierres, mais que des pans de murs délimitent encore, sont ensemencés d’orge ou de blé. À notre gauche, en marchant vers la mer, on voit les restes d’un cirque, au milieu duquel se dressent encore quelques pierres marquant la spina. Un superbe obélisque de quinze mi.res de long gît à terre. Il n’; pas d’inscription. On l’a scié en plusieurs fragments sans parvenir à l’enlever, tant les blocs sont considérables.

En continuant notre route à travers ces ruines où il est impossible de reconnaître les rues droites dont parle Josèphe, foulant peut-être aux pieds la maison de Philippe et de ses filles, là où Agabus prophétisa symboli qui enferma la ville de saint Louis. Celle-ci n’a en réalité aucun rapport avec la géographie biblique. Disons même que comme architecture elle offre peu d’intérêt, quand on a visité Athlit ; mais c’est dans son enceinte qu’il faut peut-être chercher plusieurs sites indiqués dans l’histoire apostolique.

Trois points y sont en saillie, un au nord, l’autre au sud, et le troisième vers le couchant au milieu des flots. Le premier est actuellement couvert par les habitations des Bosniaques. Ces habitations modernes reposent à peu près toutes sur des substructions antiques et de fort bel appareil. Il est impossible de rien reconstituer à travers cet amalgame de maisons, bâties sans ordre, çà et là ; mais la position particulièrement pittoresque comme point de vue, excellente comme salubrité, enfin naturellement indiquée par son élévation pour servir d’assiette à un des édifices de la ville, nous porterait à croire que là fut peut-être le palais d’Hérode, devenu plus tard la maison des procurateurs romains. Si cette hypothèse était fondée, il ne serait pas impossible que les caves voûtées, aujourd’hui remplies de sable, mais jadis dépendances d’une

construction monumentale dont elles supportent encore les premières assises, n’eussent servi de prison à saint Paul. Act., xxiii, 35. Dans une des salles de ce palais auraient été subis les fameux interrogatoires où l’Apôtre étonna ses juges par l’énergie de son caractère et la vivacité de sa foi. On comprend que de la terrasse couronnant l’édifice situé sur cette hauteur (év-jvv^ù 5(d|utT ?&>), Ajjrippa mourant put voir le peuple prosterné dans les rues de la ville et demandant au ciel de sauver son roi. Josèphe, Ant. jud., XIX, viii, 2. Vis-à-vis de cet exhaussement de terrain et vers le sud, il s’en trouve un autre

tout temps supporter un château fort. Aujourd’hui elle est encore occupée par le serai, où les représentants de l’autorité turque, derrière des volets bleus, fument tranquillement leurs narghilés au bruit monotone des vagues (fig. 158 et 159). L’aspect du vieux port, entièrement ruiné, est des plus pittoresques. D’énormes blocs de pierre et des dents de rocher, ayant jadis supporté des constructions importantes, dressent encore çà et là leurs têtes superbes au milieu des flots qui les heurtent en lançant au ciel de longs flocons d’écume. D’innombrables colonnes sont couchées dans les eaux transparentes. On dirait même

Le serai de Césarée. Vue du and. D’après une photographie.

couvert par les ruines, d’une vieille église. La partie inférieure de trois absides serai - circulaires est encore debout, et les contreforts de la façade occidentale ont résisté à l’injure du temps. Une crypte de bel appareil s’étendait sous l’édifice, qui mesurait vingt-quatre mètres de long sur neuf de large. L’église détruite que nous voyons peut bien n’avoir été que l’œuvre des croisés, mais ceux-ci l’avaient sûrement bâtie sur un sanctuaire plus ancien, et ce sanctuaire lui-même marquait très probablement la place du fameux temple d’Auguste, qui, d’après Josèphe, était sur un point élevé (iiù y^^ôiyo’j, Bell, jud., i, xxi, 7 ; xoXojvô ; ti ; , Ant. jud., XV, ix, 6) et s’offrait à l’admiration des navigateurs dès qu’ils entraient dans le port. Nous ne faisons pas ici une supposition absolument gratuite. Guillaume de Tyr l’autorise dans un passage où il raconte l’horrible massacre dont se rendirent coupables, en 1101, les soldats de Baudouin. Guill. de Tyr, x, 16, t. CCI, col. 469. Là fut sans doute la cathédrale où, sinon Origène, du moins Eusèbe prêcha. Enfin la troisième éminence est celle qui s’avance dans la mer, formant l’abri méridional du port. Elle a dû de

qu’une partie a été jetée bas par un vaste mouvement de terrain et sous une impulsion uniforme. C’est sans doute la colonnade qu’Hérode avait fait élever sur les quais. Elle rappelle celle dont ce prince avait embelli Samarie. Les fûts y sont à peu près de la même dimension et du même granit gris. Un tremblement de terre a dû renverser tout cela d’un seul coup. Du môle antique il reste à peine les soubassements et en quelques endroits seulement. La partie supérieure, refaite par les croisés, a été presque toute reprise avec de vieux matériaux. Des fûts de colonnes de granit rose et de marbre, provenant des grands édifices de l’ancienne cité, y sont engagés avec assez d’art. Ils forment saillie pour briser les vagues. Quelques pavés de mosaïque, vers l’extrémité occidentale, remontent peut-être au temps d’Hérode. La conformation du rocher sur ce point laisse croire que dès l’origine on dut établir là un château fort, ou une tour dans le genre de l’Antonia à Jérusalem, peut-être cette Drusia dont parle Josèphe, substituée à la tour de Straton. Si cette hypothèse, très vraisemblable d’ailleurs, était fondée, on serait autorisé à croire que là habita le centurion Corneille, et que, sur cette roche où

des débris de mosaïque marquent encore la place des Constructions romaines, se passa la scène si touchante de sa conversion et du baptême administré par Pierre à l’honnête officier et à toute sa famille.

En remontant vers la jetée du nord, que nous trouvons’complètement ruinée, mais où l’on voit encore, couchées sous 1 eau, les colonnes qui la transformaient en un long portique, on retrouve des dalles qui marquent la direction des anciens quais. Elles ont vu très certainement arriver et partir Paul, ainsi que la plupart des personnages les plus célèbres de l’âge apostolique. Près de ces

le récit de Josèphe, le roi étant au milieu de la scène sur le berna qu’on y avait dressé, recevait en plein, vers les neut heures du matin, les rayons du soleil sur les lames d’argent dont il avait orné ses vêtements, pour faire croire à une transfiguration préludant à son apothéose. La topographie confirme ici le dire de l’historien. Des gradins du théâtre il ne reste plus rien. Quelques fragments d’arceaux émergent encore vers le sommet. Le mur du sud est en partie debout. La cavea, taillée entièrement dans le tuf, est exactement conservée. Elle mesure cent mètres de pourtour à la partie haute. À l’endroit de la scène

ICO. — Ruines des remparts de Césarée. D’après une photographie.

dalles sont amoncelées des pierres d’assez bel appareil, que les barques, à la saison où les vents sont favorables, viennent charger pour les transporter soit à Jaffa, soit à Caïpha et jusqu’à Saint-Jean-d’Acre. On les extrait journellement des ruines de la vieille ville, et on les vend, d’après ce que nous dit le bachi-bouzouk surveillant cette exportation, un medjidié le cent, soit moins de quatre centimes l’une.

Il reste encore de la ville d’Hérode une partie des égouts, quelques arceaux d’aqueducs ensevelis sous le sable abordant la ville au nord, et enfin le théâtre. Celuici est un des sites les plus authentiques et les plus intéressants que les voyageurs trouvent en Palestine. C’est en grande partie pour le voir que nous avons entrepris le voyage de Césarée. On sait que Josèphe, Ant. jud., XIX, viii, 2, complétant le récit des Actes, xii, 19-23, raconte que la fameuse scène où Hérode Agrippa voulut se faire acclamer dieu par les Tyriens et les Phéniciens, venus en ambassade pour demander la paix, se passa au théâtre de Césarée. C’est là que la colère du ciel frappa mortellement le prince insensé et sacrilège. Le théâtre était orienté du levant au couchant, en sorte que, selon

gisent encore des restes de colonnes en granit rose. Ces vieux débris ont entendu un peuple d’adulateurs crier à un des rois les plus corrompus que mentionne l’histoire : « Ce n’est pas un homme qui parle, c’est un dieu ! Hérode Agrippa, fais-nous grâce ; si jusqu’à cette heure nous ne t’avons respecté que comme un homme, désormais nous te traiterons comme un dieu ! i> Cinq jours après, le faux dieu, frappé par une main invisible mais juste, mourait dévoré par les vers. Comme point de vue, le théâtre était heureusement situé. Par-dessus la scène les spectateurs voyaient à droite le môle avec ses tours de défense, plus près les belles maisons, régulièrement disposées le long du rivage, autour de l’anse méridionale qui servait peut-être de refuge aux plus petites embarcations ; en face, une bulte que couronnait sans doute quelque splendide monument ; et au loin les flots de la mer bleue perpétuellement sillonnés de longues et capricieuses traînées d’écume. Il est surprenant que le bruit assourdissant des vagues n’ait pas été un dérangement pour les acteurs. C’est dans ce même théâtre qu’Agrippa donna à un casuiste juif, le rabbi Simon, rigoriste qui blâmait publiquement la facilité sceptique avec laquelle le roi

allait du temple de Jéhovah au théâtre des Gentils, une piquante et spirituelle leçon. Ant. jud., XIX, vii, 4. Voir l’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 301.

De l’amphithéâtre, que Josèphe place au sud du port, ayant vue sur la mer, et par conséquent dans la direction du théâtre, il ne nous a été possible de rien retrouver. Un vaste enfoncement au nord-est de la colline même du théâtre se dessine bien en ovale et aurait certainement contenu la multitude de spectateurs dont parle l’historien juif, mais de cet enfoncement on ne peut voir la mer. Peut-être l’amphithéâtre ne fut-il que le cirque en ruines dont nous avons déjà parlé ; seulement il n’aurait pas été au sud du port. Titus condamna deux mille cinq cents Juifs, les uns à s’y entre-tuer comme de vils gladiateurs, les autres à y être dévorés par des bêtes fauves, ou même à être brûlés vifs. Il fêta ainsi sa victoire et la ruine de Jérusalem. — Voir A. Prokereh, Reise ins heilige Land, in-12, Vienne, 1831, p. 28-34 ; Wilson, Lands of ihe Bible, 1847, t. ii, p. 250-253 ; R. Traill, The Jewish War of FI. Josephus, in-8°, Londres, 1851, p. xlix ; Y. Guérin, Samarie, t. ii, p. 321 et suiv. ; Discoveries at Cœsarea, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1888, p. 134-138 ; Id., The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, 1882, p. 13-39.

E. Le Camus.

    1. CÉSÉLETHTHABOR##

CÉSÉLETHTHABOR, nom, dans Josué, xix, 12, de la ville qui est appelée par abréviation Casaloth dans Josué, xix, 18. Voir Casaloth.

    1. CÉSIL##

CÉSIL, forme défectueuse du nom de la ville de Béthul, dans Josué, xv, 30. Voir Béthul.

    1. CÉSION##

CÉSION, nom, dans Josué, xix, 20, et xxi, 28, de la ville d’Issachar, donnée aux Lévites. Elle est appelée Cédés dans I Par., vi, 72. Voir Cédés 3.

    1. CÉTACÉS##

CÉTACÉS, mammifères pisciformes, dont le corps souvent gigantesque est conformé pour la vie au sein des mers. Ces animaux n’ont pas de membres postérieurs ; leurs membres thoraciques sont transformés en nageoires. Leur queue diffère de celle des poissons en ce qu’elle est disposée horizontalement, au lieu d’étendre son éventail dans l’axe de l’épine dorsale. Les cétacés vivent dans l’eau, d’où ils ne sortent jamais. N’ayant pas de branchies, comme les poissons, pour absorber l’air contenu dans l’eau, ils sont obligés de remonter de temps en temps à la surface afin de respirer l’air libre, à la manière des autres mammifères. Ils remontent également pour allaiter leurs petits. La plupart des cétacés se nourrissent de substances animales, petits poissons, mollusques, crustacés, etc. ; pourtant quelques espèces sont herbivores. Les premiers se divisent en cétodontes, ou cétacés pourvus de dents, parmi lesquels on range le cachalot, le dauphin, le marsouin, etc., et en mysticètes, chez lesquels les dents sont remplacées par des fanons, sortes de lames cornées qui permettent à ces animaux de faire de leur bouche une véritable nasse pour retenir leur proie avant de l’engloutir. La principale espèce de mysticètes est la baleine. Une conformation spéciale des narines empêche l’eau de s’introduire dans les voies aériennes des cétacés. Plusieurs espèces sont pourvues à l’arrière - bouche de trous ou évents par lesquels l’eau engloutie est rejetée avec force au dehors. Parmi les cétacés herbivores ou sirénides, on compte le dugong, le lamantin, etc. — La Bible ne parle des cétacés que d’une manière générale, sous la dénomination de tannin, Gen., I, 21 (Septante : -/.r,-r t ; Vulgate : cete] ; Job, vii, 12 (Septante : Spxxuv ; Vulgate : cetus) ; Ps. cxlviii, 7 (Septante : Spixovre ;  ; Vulgate : draccnes), et de v.r, -^ ( Vulgate : eete). Dan., iii, 79 ; ilatth., xii, 40. Tannin désigne en hébreu tous les grands animaux qui rampent ou nagent. Il est certain que les Israélites ont pu parfois apercevoir des cétacés vivants ou en trouver d’échoués sur le rivage

de la Méditerranée. Voir Baleine, Cachalot. Dans la mer Rouge, ils ont connu le dugong, que l’on croit être le tahaS hébreu. Exod., xxv, 5, etc. Voir Dugong.

H. Lesêtre.
    1. CETEEN##

CETEEN (grec : Kltiewv). Dans I Mach., viii, 5, Persée, roi de Macédoine, est appelé roi des Cétéens, c’est-à-dire des Grecs. Cf. I Mach., i, 1. Voir Céthim, col. 471.

CÉTHÉEN. Ézéchiel, xvi, 3, 45, pour reprocher à Jérusalem ses infidélités, lui dit que son père est un Amorrhéen et sa mère une Héthéenne. Dans cet endroit, la Vulgate écrit Cethœa, « Céthéenne, » quoique partout ailleurs elle rende l’hébreu Hittîm par Hethsei, « Héthéens. » Voir Héthéen.

CÉTHIM. Hébreu : Kiffitn, Gen., x, 4 ; Num., xxiv, 24 ; Is., xxiii, 1 ; I Par., i, 7 ; Kiffiim, Is., xxiii, 12 ; Jer., ii, 10 ; Ezech., xxvii, 6 ; — grec : Kiytioi, Gen., x, 4 ; Kf-riot, I Par., i, 7 ; Dan., xi, 30 ; Kmaïoi, Is., xxiii, 1 ; KiTTiaîot, Num., xxiv, 24 ; XETTisfjj., Jer., ii, 10 ; I Mach., i, 1 ; Ketiei’fi, Ezech., xxvii, 6 ; Ki-rctet ; , I Mach., viii, 5 ;

— Vulgate : Cethim, Gen., x, 4 ; I Par., i, 7 ; Is., xxiii, 1 et 12 ; Jer., ii, 10 ; I Mach., i, 18 ; Italia, Num., xxiv, 24 ; Ezech., xxvii, 6 ; Romani, Dan., xi, 30 ; Cetei, I Mach., vin, 5. Nom d’un fils de Javan et nom de pays.

1. CÉTHIM, fils de Javan. Gen., x, 4 ; I Par., i, 7. Les habitants de l’île de Chypre portèrent son nom, qui est peut-être d’ailleurs un simple nom ethnique, car il a la forme plurielle. Voir Céthim 2.

2. CÉTHIM, nom de lieu, donné par l’Écriture à l’île de Chypre, et par extension aux pays situés à l’ouest de la Palestine.

I. CÉTHIM DÉSIGNANT L’ÎLE DE CHYPRE. — Céthim est

un des iils de Javan. Gen., x, 4 ; I Par., i, 7. Ainsi que nous le verrons plus loin, le même mot désigne dans la Bible l’île de Chypre. D’après le texte sacré, l’île de Chypre a donc été peuplée par des descendants de Javan, c’est-à-dire par des peuplades grecques ; car Javan est dans l’Écriture le père des Ioniens, c’est-à-dire des Grecs. Voir Javan. C’est pourquoi les Septante traduisent Kittini par Kr|Tioi ou Kréioi dans ces deux endroits. Josèphe indique nettement la tradition juive sur ce point : « Chethim, dit-il, posséda l’île de Chethima, qui s’appelle aujourd’hui Cypre. » Ant. jud., i, vi, 1. Cf. S. Épiphane, Adv. hieres., i, 2, hœr. 25, t. xli, col. 448. Il n’y a du reste aucun doute sur cette identification, qui est admise par tous les commentateurs.

Le nom de Céthim s’est particulièrement attaché à celui de la ville de Cition. La parenté des deux noms est clairement démontrée par une inscription bilingue trouvée à Athènes, et où un personnage du nom de Nouménios est appelé en phénicien « homme de Iutti », et en grec xitieû ; . Corpus Inscript, semit., n° 117. Cition était le grand entrepôt du commerce entre la Phénicie et Chypre ; il est donc naturel que les étrangers aient désigné sous son nom, non seulement la population phénicienne, mais la population tout entière de l’île. L’île de Chypre était, en effet, un pays où les races étaient extrêmement mélangées. Il y avait un grand nombre de colons phéniciens, surtout dans les parties sud et sud-ouest de l’île, celles où étaient situées les villes de Salamine, de Cition, d’Amathonte, de Courion et de Paphos. Cicéron attribue en particulier l’origine de Cition aux Phéniciens. De finibus, iv, 20 ; Diog. Lært., vii, Zenon, 1. Mais les colons grecs n’étaient pas moins nombreux dans l’île. Les traditions, qui se sont traduites par les généalogies héroïques, attribuent la fondation de Salamine à l’Achéen Teucer ; celle d’Aipéia, première position de la ville de Soloi, aux Théséides Démophon et Aeamas ; celle de Courion à des colons argiens ; enfin l’armée d’Agamemnon, en revenant de Troie, aurait occupé l’île tout entière.

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CETHIM

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Hérodote, v, 113 ; Théopompe, fragm. lil, Fragmenta historié, grxc, édit. Mùller, t. i, p. 295 ; Strabon, xvi, 6, 3 ; Phitarque, Solon, 26 ; Pausanias, vii, 5, 2. Hérodote, vu, 90, en parlant de Chypre, dit que les peuplades qui habitent cette île sont originaires les unes de diverses villes grecques, les autres de Phénicie et les autres d’Ethiopie, et il invoque sur ce point le témoignage des Cypriotes eux-mêmes. Servius, dans son commentaire de Virgile, parle de la venue à Chypre des trois frères Épivios, Astérius et Yon, et appelle un de leurs fils Cetes. Servius, Ad Virgil. Eclog., x, 8. La même tradition se retrouve dans le scholiaste de Denys le Périégète, au vers 509. Parmi les populations d’origine grecque, les unes sont venues postérieurement à la conquête phénicienne, les autres ont probablement précédé les Phéniciens. « Que l’on fasse remonter la première immigration à des Grecs d’Europe ou bien à des éléments de même race attardés en Asie, dit M. Heuzey, l’ensemble de ces traditions n’en forme pas moins un témoignage historique dont on a trop diminué la valeur. » Catalogue des figurines antiques de terre cuite du musée du Louvre, in-12, Paris, 1882, t. i, p. 115. Le même auteur ajoute que les traditions grecques admettaient la première occupation de l’Ile par une population asiatique. Le nom légendaire qui personnifie ces Asiatiques était celui du roi Cinyras, célèbre par ses merveilleuses inventions. Théopompe, fragm. 111, Fragmenta hist. grœc, édit. Mùller, t. i, p. 295 ; Homère, Iliad., xi, 20 ; Pline, H. N., vii, 57, 4. Mais cette population asiatique elle-même qu’était-elle ? Cinyras est, d’après les traditions grecques, fils d’Apollon, Smyrne est une de ses tilles. Pindare, Pyth., Il, 26 ; Tacite et Apollodore le font venir de Cilicie. Tacite, loc. cit. ; Apollodore, iii, 14, 3. D’après d’autres traditions, il promet d’assister Agamemnon au siège de Troie, et est puni par Apollon parce qu’il manque à sa parole. Homère, Iliad., xi, 20, et les notes d’Eustathe à ce passage. Par suite de la difficulté où l’on est de tirer au clair ces légendes de provenances diverses, des hypothèses dénature opposée ont été émises par les historiens sur les origines des populations grecques de File. Les uns, comme E. Meyer, Geschichte des Allerthums, 2 in-8°, Stuttgart, 1885-1893, t. ii, § 79, p. 125, pensent que ces populations vinrent d’Occident. D’autres, au contraire, comme E. Curtius et A. Holm, croient qu’elles vinrent d’Asie Mineure. Ce sont les populations qui portent chez les Grecs le nom d’Ioniens, de Cariens ou de Lëlèges ; à’Iouna ou Iaouna chez les Perses, d’Ouni chez les Égyptiens, de Yavan dans la Bible, qui du littoral de l’Asie Mineure se répandirent sur les îles. E. Curtius, Ionier von der ionischen Wanderwng, in-8°, 1855, p. 6 ; Id., Histoire grecque, trad. franc., 1880, t. i, p. 53-59 ; A. Holm, Griechische Geschichte, Berlin, 1886, t. i, ch. vii, . note 12, p. 93 ; trad. angl. revue par l’auteur, 1894, p. 74. Comme ces Grecs étaient établis au milieu de colonies de Phéniciens, on put appliquer souvent aux héros fondateurs de villes et à ceux qui les accompagnaient le nom de Phéniciens. De là est née la confusion qu’on constate dans les légendes grecques. E. Curtius, Histoire grecque, trad. franc., t. i, p. 57 ; E. Renan, Histoire générale des langues sémitiques, ¥ édit., 1864, t. i, p. 44-49.

Parmi les découvertes récentes qui démontrent l’importance et l’antiquité de la population préhellénique, c’est-à-dire des descendants de.Tavan établis dans l’île de Chypre, il faut signaler celle des inscriptions et du dialecte cypriotes. « À côté des inscriptions grecques et phéniciennes, les voyageurs, dit M. Heuzey, ont signalé sur les monuments et les monnaies l’existence d’une écriture d’un type particulier. Ces traits compliqués, analogues à ceux des écritures cunéiformes et de certaines letlres de l’alphabet lycien, conservaient sans doute quelques restes de l’ancienne langue cypriote, que les orientalistes supposaient volontiers être un idiome asiatique. Un savant anglais, M. G. Smith, est parvenu à

établir le premier, par l’étude des inscriptions bilingues, que cette langue n’était autre chose qu’un dialecte grec d’une forme antique et rude, ce qui ne permet pas de douter que le fond de la population ne fût aussi en grande partie et très anciennement de race grecque. » Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du musét du Louvre, t. i, p. 113. Cet alphabet paraît originaire d’Asie Mineure et semble avoir précédé de plusieurs siècles celui de l’alphabet phénicien. On a retrouvé dans les ruines d’Hissarlik de courtes inscriptions écrites avec les mêmes caractères et. certainement de beaucoup antérieures aux plus anciennes inscriptions cypriotes connues. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, 1885, p. 496 ; H. Sehliemann, Ilios, trad. franc., 1885, p. 901-917. Un exemple montrera la nature des caractères et du dialecte cypriotes. C’est une inscription bilingue en phénicien et en cypriote. Le texte phénicien est ainsi conçu :

i fv tfW^m www » f

Au jour xvi du mois de faalot, en l’année xvil… du roi Melekyaton, roi de Cition et d’Idalion : c’est ici la statue qu’a donnée Absasam, fils de [Pala]s, à son seigneur Rescf Eléhitès ; vœu qu’il avait fait, parce qu’il a entendu sa voix. Qu’il le bénisse.

La seconde partie de l’inscription, à parlir des mots c’est ici, etc., est traduite en dialecte cypriote ; en voici le texte :

a-ti-ri-a-se o-nu to-ne-to

ke-ne a-pa-sa-ino-se o sa ma-fo-se to-i a-po-lo-ni to-i

a-la-hi-o-ta-i in tu--/_a-i’A(v)S’jîià ; o ïiv j’Sw xsv’A4*i<7<Jû(j19 ; à —i [A3cFo ; TCÎH’AftÔAOlVl TCOt’A'/.z.tïi’.0Ll.’Iv T’J/ït

Philippe Berger, Histoire de l’écriture, 1891, p. 86 ; Comptes rendus de l’Académie des inscriptions, 1887, p. 187 -201. « Il est très curieux, dit M. Heuzey, de voir ces Grecs de Chypre, malgré la supériorité de l’alphabet phénicien, qui s’était imposé aux autres Grecs, rester attachés jusque sous la domination perse à une écriture à part, originaire aussi sans doute de l’Asie, mais dont le système primitif conservait une valeur syllaWque aux caractères et, par l’absence de consonnes douces ou aspirées, ne s’adaptait que très imparfaitement à la prononciation de leur langue. Rien que ce fait suffirait à prouver que, doués d’un certain esprit d’isolement et d’indépendance, ils s’étaient laissé entamer moins complètement qu’on ne le croyait par l’ascendant des Phéniciens auxquels ils étaient mêlés, et qui occupaient de longue date plusieurs positions importantes sur les côtes de l’île. » L. Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du musée du Louvre, 1. 1, p. 114. L’écriture cypriote est celle des aborigènes, antérieurs à la venue des colons phéniciens et des colons grecs de la seconde émigration, c’est-à-dire d’une des populations préhelléniques que les anciens ont confondues sous le nom de Pélasges. La langue de ces inscriptions est le dialecte éolien, avec des formes grammaticales se rapprochant beaucoup de l’arcadien. Philippe Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, 1891, p. 85-69 et 111-113 ; Transactions of the Society of Biblical archseology, mémoires de MM. Hamilton Lang, G. Smith et S. Birch, t. i, 1872, p. 116-128, 129-144, 145-172 ; Journal des savants, articles de M. Michel Bréal, août et septembre 1877, p. 503 et 551 ; G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, p. 497. On a cherché l’origine de cette écriture dans le système cunéiforme et dans le système héthéen ; mais jusqu’à présent on en est encore réduit à des conjectures. P. Berger, ouvr. cit., p. 88 et 112 ; W. Deecke, Der Ursprung des Kyprischen Sylbenschrift, in-8°, Strasbourg, 1877 ; jBessenberger’s Beitràge zur Kunde der Indogerm. Sprachen, t. IX, 1884, p. 250 et 251 ; W. Wright, The Empire of the Hittites, 2e édit, in-8°, Londres, 1866, p. 177-198. On peut dire, en tout cas, que de la ressemblance des alphabets il ne faut pas conclure à l’identité d’origine des deux peuples, et que, dans l’état actuel de la science, l’assimilation entre les Kittim et les Héthéens n’est aucunement prouvée. E. Schrader, Keilinschriften und Geschiehtsforschung, 1878, p. 236.

Le nom de Cition, Kathian, figure, au XIIIe siècle avant J.-C, dans la liste des villes de Chypre soumises par Ramsès III. J. Dûmichen, Historische Inschriften altàgyptischer Denkmàler, dans le Recueil de monuments égyptiens de H. Brugsch et J. Dûmichen, 5e partie, Leipzig, 1885, pi. xii ; S. Birch, Records of the Past, t. VI, p. 17. Au contraire, le nom de ses rois ne figure pas dans la liste des rois’de Chypre soumis à Assaraddon. Le pays avait été cependant conquis par Sargon, qui éleva en souvenir de sa victoire un monument que l’on a retrouvé à Larnaca, sur l’emplacement même où se trouvait Cition, et qui est conservé aujourd’hui au musée de Berlin. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 208 et 249 ; Halévy, dans la Revue des études juives, t. ii, 1881, p. 2-6, 12-14 ; cf. Oppert, inscription des Taureaux de Khorsabad, 1. 36, dans Botta, Monuments de Ninive. Inscr., pi. xii ; E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 243. Cette absence s’explique par un fait que rapporte l’historien Ménandre, cité par Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 12 ; cf. VIII, v, 3, et Contr. Apion., i, 18. Les habitants de Cition étaient alors soumis au roi de Tyr, il n’y avait donc pas à cette époque de rois indépendants à Cition. E. Schrader, Die Keilinschriften und Geschichtsforchung, p. 80 et 245 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e partie, 1884, p. 49. Par la suite, Cition eut des rois indépendants, et leurs noms figurent dans les inscriptions phéniciennes à côté de celui des rois d’Idalie. Ces rois ont tous des noms phéniciens. Corpus Inscriptionum semilic., n os 10, II, 13, 14, 16, 89, 90, 91, 92. Parfois cependant Cition et Tyr se trouvèrent de nouveau réunies sous un seul roi, qui porte

le nom de roi de Cition et de Tyr. C’est le titre qui est mentionné sur certaines monnaies du Ve siècle à légende phénicienne. De Luynes, Essai sur la numismatique des satrapies, 1846, p. 72, 82, 83, pi. xm et xiv ; Six, Du classement des monnaies cypriotes, 1883, p. 256. Au temps des Ptolémées, nous voyons mentionnée une ère particulière, dite ère des Ciliens. Corpus Inscr. Semilic, t. r, part, i, n os 93, 94. Cf. Revue archéologique, 1874, l re part., p. 90.

Le mot Kittim désigne l’île de Chypre dans le passage d’Isaïe où le prophète annonce les malheurs qui séviront sur Tyr. Is., xXm, 1. (Septante : Kmaïoi ; Vulgate : Céthim. ) Les navires marchands qui reviennent de Tharsis apprennent par les habitants de Céthim que la flotte a été détruite. Un peu plus loin, le même prophète invite les Sidoniens à se réfugier à Céthim. Is., xxiii, 12. (Septante : KiTieîs ; Vulgate : Céthim.) Ce texte trouve son commentaire dans l’inscription de Sennachérib sur les taureaux de Koyoundjick, 1. 18-19. Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. iii, pi. 12 ; cf. t. i, pi. 43.

II. Céthim désignant les pays de l’Occident. — Dans d’autres passages, le mot Kittim désigne par extension les îles de la Méditerranée en général et même tous les pays d’Occident. Quand Balaam, Num., xxiv, 24, annonce les défaites des Assyriens et des Hébreux, il dit que des navires viendront deKittim (Septante ; Kitraïoi ; Vulgate : ltalia). Ce mot désigne d’une manière générale les pays d’Occident. D’après F. Lenormant, cette prophétie s’appliquerait à des événements du règne de Nabuchodonûsor, qui sont racontés par les historiens et mentionnés dans les inscriptions. Hérodote, II, 161 ; Diodore de Sicile, i, 68 ; Josèphe, Ant. jud., X, ix, 7 ; Zeitschrift fur àgyptische Spràche, S~8, p. 87-89 ; 1879, p. 45 ; Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. vii, p. 210-225 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e part., p. 63. Jérémie, ii, 10, quand il demande aux Juifs de jeter les yeux à l’occident et à l’orient, pour constater que les nations n’ont point abandonné leurs dieux, qui cependant sont de faux dieux, désigne l’occident sous le nom d’îles de Kittim (Septante : vf, <j-ot XiTTcei^ ; Vulgate : insulse Céthim). De même dans Ézéchiel, xxvii, 6, le pays des Kittim (Septante : vyjtoi twv Xetie£(i ; Vulgate : insulse Italise) est celui où les Tyriens prennent le buis dont ils se servent pour leurs navires. Il s’agit ici du buis provenant des îles et des pays occidentaux en général. Il y avait cependant à Chypre des bois précieux, notamment du buis, qui servait à l’ornementation des navires phéniciens, ce qui pourrait donnera penser que l’île est particulièrement désignée dans ce passage du prophète.

La même extension est donnée au mot Kittim dans Daniel, xr, 30. (Septante : Kîtioi ; Vulgate : trières et Romani. ) Dans ce passage, le prophète annonce la défaite du roi du Nord, c’est-à-dire d’Antiochus IV Épiphane. Le roi de Syrie fut, en effet, battu par Ptolémée Philométor, soutenu par les Romains. Popilius Lenas vint au secours du roi d’Egypte avec une flotte et obligea Antiochus à rentrer dans ses États au moment où il allait s’emparer d’Alexandrie. Polybe, xxix, 11 ; Appien, Syriaca, 66 ; Tite Live, xiv, 11-13. Il est donc naturel de traduire ou plutôt de commenter comme saint Jérôme : . trières et Romani. Ce Père ne faisait, du reste, que suivre ici l’interprétation des Juifs. Le Targum de Jérusalem traduit, en effet, le mot Kittim par Italie dans Gen., x, 4, et I Par., i, 7. Dans Ézéchiel, xxvii, 6, là où saint Jérômfr traduit par ltalia, le Targum traduit par Apulie. Cf. Hieronym. ad Jeremiam, I, 2, 10, t. xxiv, col. 690. Cette tradition a été recueillie par les Byzantins, G. Syncelle, édit. de Bonn, t. i, p. 49 ; Chronic. pascale, même édit., t. i, p. 47, et par les exégètes juifs du moyen âge. Il faut remarquer cependant que d’après Polybe, xix, 11, et Tite Live, xlv, 13, la flotte romaine touche à Chypre. Le mot Kittim est donc exact, même si on l’entend strictement de l’île.

471

CÉTHIM

CETURA

472

Enfin dans le livre des Machabées il est dit qu’Alexandre, roi de Macédoine, vient de la terre de Chettiim. I Mach., I, 1. (Grec : ex t ?, ; y^ ; X—tiîî’u ; Vulgate : de terra Cethim. ) Le mot Chettiim désigne ici la Grèce et plus spécialement la Macédoine. Cf. Épiphane, Adv. hœr., ii, 2, hær. 25, t. xli, col. 443. Quelques interprètes ont pensé qu’il s’agissait de la Cilicie par laquelle passa Alexandre, parce que Ptolémée, v, 8, 6, désigne sous le nom de Cétis une région de la Cilicie. Cf. Numismatic chronicle, t. viii, p. 5. Mais cette supposition n’est pas vraisemblable. C’est dans le même sens que Persée est appelé roi des Cétéens I Mach/, viii, 5. (Grec : Kittieïç ; Vulgate : Cetei.) Quelques commentateurs ont pensé que dans ces deux endroits il était fait allusion à la ville macédonienne de Citium, près de laquelle, selon Tite Live, xliii, 51, Persée passa en revue son armée avant d’entrer en Thessalie ; mais il paraît plus probable qu’il s’agit ici, comme dans les autres passages cités plus haut, tout simplement de l’occident pris en général.

Bibliographie. — A. Knobel, Die Vôlkertafeln der Genesis, in-8°, Giessen, 1850, p. 95-104 ; W. H. Engel, Kypros, in-8°, Berlin, 1841, t. i, 1. I, ch. i, p. 11-13 et 165-179 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, in-8°, Paris, 1880-1884, t. ii, 2 « part., p. 48-86 ; L. Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du musée du Louvre, in-18, Paris, 1882, t. i, p. 113-117 ; G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, in-4°, Paris, 1885, t. iii, p. 490-506 ; P. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, in-8°, Paris, 1891, p. 84-90 et 111-113.

E. Beurlier.

    1. CETHLIS##

CETHLIS ( hébreu : Kitlis ; Septante : Maoc/w ;  ; Codex Alexandrinus : Xa8).û ; ), ville de la tribu de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xv, 40. Elle fait partie du second groupe des cités « de la plaine » ou de la Séphéla, dans lequel on distingue Magdalgad (El-Medjdel), Lachis (Oumm Lâqis) et Églon (Khirbet’Adjlân). C’est dans ces parages qu’il faudrait la chercher ; mais elle est restée jusqu’ici inconnue.

A. Legendre.
    1. CÉTRON##

CÉTRON (hébreu : Qitrôn ; Septante : Kéôowv ; Codex Alexandrinus : Xeêptiv), ville de la tribu de Zabulon, dont les Israélites ne détruisirent pas les habitants. Jud., 1, 30. Comme elle n’est pas mentionnée dans la liste de Josué, xix, 10-16, et qu’elle est citée ici avec Xaalol, dont le nom se trouve, Jos., xix, 15, précédé de celui de Cathed {Cateth dans certaines éditions de la Vulgate), on a voulu l’assimiler à cette dernière localité, le changement pouvant d’ailleurs s’expliquer entre les deux mots hébreux, Qitrôn et Qattât. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 153 ; F. de Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 53. C’est une simple conjecture, et l’argument ne paraît pas suffisant. Il peut en être de Cétron comme d’Accho (SiintJean-d’Acre), dont il est question au verset suivant, 31, et dont Josué ne parle pas dans l’énumération des villes d’Aser. Jos., xix, 24-31.

— R. J. Sehvvarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 137, croit, d’après un passage du Talmud, que Cétron est Sippori, aujourd’hui Seffouriyéh, au nord de Nazareth. « Mais, dit A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 191, contre cette identification on élève l’objection suivante (Talmud de Babylone, Meguillah, 6 et) : La tradition rapporte que Zabulon se plaignait de n’avoir reçu en partage que des montagnes et des côtes, tandis que Nephthali possédait des vignes et des champs fertiles. Si Qitrôn était Sippori, et par conséquent une ville des possessions de Zabulon, quel sujet de récriminations celui-ci aurait-il eu ? les environs de Sippori sont très fertiles à une distance de seize milles carrés, et il y coule du lait et du miel. Qitrôn est, en effet, mentionné sous ce dernier nom dans le Midrasch (Bereschith rabba, ch. 8) comme ville natale d’un certain Siméon. » — Inutile aussi de penser à Tell Kurthani ou Kourdanéh pour Cétron comme pour Cathed (cf. Van

de Velde, Reise durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. i, p. 218) ; ce tell, situé au sud de Saint-Jeand’Acre, appartient à la tribu d’Aser. A. Legexdre.

    1. CETURA##

CETURA (hébreu : Qelûrâh ; Septante : X—zoûpa), femme d’Abraham. Gen., xxv, 1. Le chaldéen a écrit Agar au lieu de Cétura, et quelques auteurs ont cru, à la suite des rabbins, qu’il s’agit, Gen., xxv, 1, d’Agar, qu’Abraham aurait rappelée après la mort de Sara. Mais cette opinion ne saurait prévaloir contre le texte biblique, qui nomme expressément Agar et Cétura comme deux personnes parfaitement distinctes. De plus, il parle au pluriel des « autres épouses secondaires » d’Abraham, Gen., xxv, 6, ce qui montre que, outre Agar, le patriarche avait eu une autre femme de second rang comme elle ; cette femme était Cétura, dont les six fils, les mêmes que ceux de Gen., xxv, 2, sont énumérés I Par., i, 32, comme distincts de la postérité d’Ismaël, le fils d’Agar. Cétura devait être une Chananéenne.

Il n’est guère possible de déterminer si elle entra dans la famille d’Abraham avant ou après la mort de Sara. Cette mort arriva vers la cent trente-septième année d’Abraham, Gen., xxiii, 1 ; cf. Gen., xvii, 17 ; il faudrait donc, si le mariage avec Cétura a eu lieu après, dire, comme saint Augustin serait disposé à l’admettre, Cont. Julian., iii, 85, t. xiv, col. 1283, que Dieu avait conservé jusqu’alors au vieux patriarche une fécondité déjà regardée comme merveilleuse alors qu’il était encore à peine centenaire. Gen., xvii, 17 ; Rom., iv, 19 ; Hebr., xi, 12. Plusieurs ont révoqué en doute une telle prolongation de cette sorte de rajeunissement, et ils veulent par conséquent qu’Abraham ait épousé Cétura du vivant de Sara. Ils font valoir à l’appui de leur sentiment une difficulté assez sérieuse que présente l’opinion contraire. Si l’on veut, disent-ils, que les événements se soient succédé en réalité dans l’ordre même où ils sont racontés, il faudra dire qu’à l’époque où Abraham épousa Cétura, il avait cent quarante ans, puisque son mariage est raconté après celui d’Isaac, qui se maria à quarante ans et qui était né lorsque son père était âgé de cent ans. Gen., xvii, 17, comparé avec Gen., xxv, 20. Abraham n’aurait vécu ensuite que trente-cinq ans, car il mourut à cent soixante-quinze ans. Dans ce court espace de temps, les six enfants de Cétura se seraient tous établis et auraient tous été capables de se suffire en pays étranger. Gen., xxv, 0. Dans un temps où les hommes se mariaient assez tard, Gen., xxv, 20, cela paraît difficile à admettre, surtout en ce qui regarde les plus jeunes de ces fils. La difficulté ne serait guère diminuée si l’on plaçait le dernier mariage d’Abraham trois ans plus tôt, c’est-à-dire immédiatement après la mort de Sara. Gen., xxiii, 1. Le seul motif pour reculer l’union d’Abraham et de Cétura si loin dans la vie du patriarche, c’est la place qu’elle occupe dans le récit sacré. Mais on sait que souvent la Bible ne s’astreint pas à raconter les événements dans l’ordre rigoureusement chronologique. Nous pouvons donc croire qu’il en a été ainsi dans cette partie de la Genèse.

Cétura donna à son mari six fils : Zamram, Jacsan, Madan, Madian, Jesboc et Sué (voir ces noms), qui devinrent la souche de divers peuples, dont les Madianites sont les plus connus. Avant de mourir, Abraham accomplit un acte de sage prévoyance en éloignant les fils de Cétura de la terre de Chanaan, où Isaac, l’héritier des promesses divines, devait seul rester. Les enfants de Cétura et Ismaël reçurent de leur père « des présents », et allèrent, d’après ses ordres, demeurer vers l’orient, Gen., xxv, 6, c’est-à-dire dans la direction de l’Arabie, à l’est et au sudest de Gérare et de Bersabée ; car c’est dans ces régions qu’il passa la dernière partie de sa vie. Voir Calmet, Comment, littéral, Gen., xxv, 6, Paris, 1707, t. i, p. 515. Il assurait par là à la race choisie un isolement salutaire et mettait sa foi et ses mœurs à l’abri d’une corruption inévitable. Établis en dehors de Chanaan, les des

cendants de Cétura et d’Agar ne songeraient pas à disputer plus tard à ceux d’Isaac la possession de la Terre qui avait été promise en héritage au seul fils d’Abraham et de Sara. E. Palis.

    1. CHABERT Paul##

CHABERT Paul, jésuite français, né à Gardanne (Bouches-du-Rhône) le 18 juin 1812, mort au séminaire de Romans le 80 juin 1880. Il entra chez les Jésuites le 10 septembre 1836, fut d’abord appliqué au saint ministère, puis devint vice-recteur du collège d’Oran, et enseigna ensuite plusieurs années l’hébreu, l’histoire ecclésiastique, la théologie morale et l’Écriture Sainte au grand séminaire de Romans (diocèse de Valence). On a de lui : Jésus-Christ dans les Psaumes offert à l’amour des chrétiens, ou les Psaumes traduits en français, avec des explications allégoriques tirées de saint Augustin et des autres Pères et docteurs insérées dans le texte, Lyon, 1875, in-12. C. Sommervogel.

    1. CHABRI##

CHABRI (Septante : XaSpiç, Judith, viii, 9 ; x, 6 ; ’A6pî ; , vi, 15 ; Codex Alexandrinus : X16p£t ; ), ancien du peuple, auquel Judith se plaignit de ce qu’Ozias avait promis de rendre Béthulie dans cinq jours. Judith, viii, 9 (Septante, viii, 10). Les Septante le nomment dans deux autres endroits, vi, 15, et x, 6. Ils en font le fils de Golhoniel, Judith, vi, 15, et non seulement un des anciens, TipeaSuTÉpoi, mais un des trois chefs, ïpymiz ; , de la ville de Béthulie, vi, 11-15. Son nom manque dans la Vulgate, vi, 11, par suite probablement d’une lacune dans le texte, qui n’a conservé que le nom de son père Gothoniel ( voir Ciiarmi 3), ainsi que x, 6, où il est compris parmi « les anciens », mais sans que son nom soit exprimé.

E. Levesque.

    1. CHABUL##

CHABUL (TERRE DE) (hébreu : ’érés Kâbûl : Septante : "Opiov), nom donné par Hiram, roi de ïyr, aux vingt villes de Galilée qu’il avait reçues de Salomon en échange de ses services pour la construction du temple et des palais royaux. III Reg., ix, 13. Quoi qu’en dise Bochart, Chanaan, lib. ii, cap. iv, Cæn, 1646, p. 794, le contexte semble bien nous montrer ici une appellation ironique. « Et Hiram vint de Tyr pourvoir ces villes que Saloinon lui avait données, mais elles ne lui plurent pas ; et il dit : Sont-ce là, mon frère, les villes que vous m’avez données ? Et il les appela terre de Chabul, [comme, elles s’appellent] encore aujourd’hui. » ꝟ. 12-13. Quelle est maintenant l’exacte signification de ce mot ? On ne l’a pas encore trouvée. Parmi les hypothèses émises jusqu’ici, il y en a de plus ou moins vraisemblables, comme il y en a d’absolument fantaisistes. Si nous consultons les versions anciennes, nous trouvons l’expression hébraïque conservée dans le Targum, la Vulgate et le syriaque, qui écrit Kabûlî ; l’arabe traduit par « terre d’épines ». Le terme des Septante, "Opiov, « limite, » fait voir qu’ils ont lu vdî, gebûl, au lieu de bws, Kâbûl.

Bochart, Chanaan, p. 794, admet cette interprétation, qu’il cherche à justifier par la permutation fréquente du caph et du ghimel dans les langues sémitiques, et par la position du territoire de Chabul, qui formait la limite de la Galilée vers Ptolémaïde. On ne voit pas bien la relation de ce sens avec le contexte. Josèphe, Ant. jud., VIII, v, 8, appelle cette terre XaSotî.ùv, et, Cont. Apion., i, 17, Xccêoivwv, dénomination qui, d’après lui, signifie, dans la langue phénicienne, « ce qui ne plaît pas, » oùx àfêaxov. Nous ne savons si c’est une supposition qu’il a faite d’après le récit sacré, ou si le mot qu’il emploie n’est autre chose que la transcription du phénicien p2u,

habâlôn, « corruption, inutilité. » Cf. J. Fùrst, Hebràisches und chaldâisches Handu’ôrterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 571. — Saint Jérôme, parlant de ces villes dans son Commentaire sur Amos, t. xxv, col. 999, les place en Basan, ce qui peut étonner de la part d’un docteur aussi familiarisé avec l’histoire et la géographie bibliques ; puis

il donne comme motif du refus d’Hiram « qu’elles étaient pleines d’herbe ». Il semble donc décomposer Kâbûl en ke, « comme, » et bûl, « récolte. » Cette opinion, quoique singulière, l’est encore moins que celle des auteurs juifs, Kimchi et d’autres, qui prétendent que la contrée fut ainsi appelée parce que le pied y enfonçait, y était comme lié (nbn :  : ) dans, la boue, ou y pénétrait dans le sable jusqu’au talon’( « ’-as). — Parmi les modernes, un bon nombre voient dans Kâbûl uue contraction de b’zns,

ke-hâbûl, « comme ce qui s’évanouit, comme un rien ; » cf. Gesenius, Thésaurus, p. 656 ; Reland, Palœstina, Utrecht, 1714, t. ir, p. 701 ; Keil, Die Bûcher der Kônige, Leipzig, 1876, p. 112 ; ou l’expliquent par ka-bal, « comme rien ; » cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1866, t. iii, p. 400. C’est une hypothèse qui a au moins le mérite d’être plus conforme à l’ensemble du récit sacré. Pour d’autres cependant, Kâbûl serait identique à hâbûl, ce qui est « reçu en gage » [d’amitié], ou indiquerait la position d’un pays « enfermé ».

Où se trouvaient ces vingt villes ? « Dans la terre de Gâlil, » nous dit l’Écriture, III Reg., ix, 11 ; dans le voisinage de Tyr, suivant Josèphe, Ant. jud., VIII, v, 3. Gâlil désigne la partie septentrionale de ce qui fut plus tard la Galilée, un district qui comprenait entre autres l’importante ville de Cédés de Nephthali (aujourd’hui Qad’es), au nord-ouest du lac Houléh. Jos., xx, 7 ; xxi, 32 ; IV Reg., xv, 29. Isaïe, rx, 1, l’appelait « Galilée des nations », parce qu’elle était habitée par un grand nombre d’étrangers et de païens. On peut donc placer la « terre de Chabul » dans le nord des tribus de Nephthali et d’Aser. Le village de Cabul, situé sur la frontière de celle dernière tribu, Jos., xix, 27, au sud-est de Ptolémaïde, n’aurait donc pas appartenu au territoire concédé à Hiram et ne lui aurait pas donné son nom ; au moins rien n’indique le contraire. Voir Cabul, t. ii, col. 5, et Aser, tribu et carte, 1. 1, col. 1084. Pourquoi ces villes déplurent-elles au roi de Tyr ? Est-ce à cause de leur mauvais état ou de leur situation dans les montagnes, le monarque phénicien ayant préféré des cités maritimes ? Les différentes suppositions qu’on peut faire ne sauraient trouver d’appui dans la Bible, qui garde le silence sur les motifs du mécontentement royal. Il y a aussi lieu de s’étonner que Salomon ait ainsi sacrifié une portion, quoique minime, du sol sacré, cession peu conforme à l’esprit de la loi. Lev., xxv, 13-34. Mais il eut soin de la prendre dans la contrée où les païens abondaient. Cf. Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1890, t. ir, p. 491. Plusieurs commentateurs croient, d’après II Par., viii, 2, qu’Hiram rendit ces villes à Salomon, qui les rebâtit ensuite en partie et les peupla de nouveau d’Israélites. C’est ce qu’avait compris Josèphe

lui-même, Ant. jud., VIII, v, 3.
A. Legendre.

CHACAL. Hébreu : 1° sû’âl, de sa’al, « creuser, » terme qui désigne le chacal au point de vue de son séjour habituel, Jud., xv, 4 ; Ps. lxiii (lxii), 11, mais qui s’applique aussi au renard, soit parce que celui-ci ressemble au chacal, soit parce qu’il habite aussi les cavernes, Cant., ii, 15 ; Lam., v, 18 ; Ezech., xiii, 4 ; II Esdr., iv, 3 (hébreu, iii, 35) ; — 2°’iyyîm, « clameur, » nom qui vise les chacals en qualité de hurleurs, Is., xiii, 22 ; xxxiv, 14 ; Jer., L, 39 ; ce nom ne s’emploie qu’au pluriel et ne s’applique qu’aux seuls chacals ; — 3° tan, de tânan, « s’allonger, s’étendre » pour courir, terme qui désigne en hébreu plusieurs animaux sauvages, et entre autres le chacal. Is., xm, 22 ; xxxiv, 13 ; xliii, 20 ; Jer., ix, 11 (hébreu, 10) ; x, 22 ; xlix, 33 ; li, 34, 37 ; Ps.xliv (hébreu), 20 ; Mal., i, 3. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1511. On ignore quelle différence mettaient les Israélites entre sû’âl, ’iyyîm et (annim. Les versions rendent très diversement les trois substantifs de l’hébreu, sans doute parce que le grec et le latin mar.quent de termes usuels pour désigner le chacal, étranger aux contrées européennes même les plus méridionales. Septante : àXtimjÇ, « renard, » Jud., xv, 4.

Ps. lxii, 11 ; Jpixtov, « serpent, » Jer., rx, 11 ; xxviii (hébreu, li), 34 ; è-/?voç, « hérisson, » Is., xiir, 22 ; <TTpou6ôç, « autruche, » Is., xxxiv, 13 ; xliii, 20 ; Jer., X, 22 ; xxx (hébreu, xlix), 33 ; 6vo-/ivTccjpo ; , Is., xiii, 22 ; xxxiv, 14, et ueipïîv, Is., xliii, 20 ; Jer., xxvii (hébreu, l), 39, deux noms d’animaux fabuleux. Vulgate : vùlpes, Jud., xv, 4 ; Ps. lxii, 11 ; draco, Is., xiii, 21 ; xxxiv, 13 ; xliii, 20 ; Jer., ix, 11 ; x, 22 ; xlix, 33 ; li, 37 ; Mal., i, 3 ; fauni, Jer., l, 39 ; lamia, Is., xxxiv, 14 ; onocenlaurus, Is., xxxiv, 14 ; sirènes, ls., xiii, 22 ; ulula, Is., xiii, 22. I. Description et histoire du chacal. — 1° Le chacal est ua carnassier du genre chien, tenant le milieu entre le loup et le renard (fig. 161). Il ressemble beaucoup par ses caractères au premier de ces animaux. Les deux espèces s’unissent même souvent ensemble, et bon nombre de naturalistes pensent aujourd’hui que toutes nos races de chiens proviennent du chæa 1 Le chacal

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161. — Chacal.

est plus haut sur jambes que le renard. Sa queue est beaucoup moins fournie. Son pelage gris-jaune, foncé en dessus et blanchâtre en dessous, lui a fait donner le nom de canis aureus, « chien doré. » Aristotc, Hisl. anim., ii, 17, et Pline, H. N., Vin, 52, le mentionnent sous le nom de 9w ; , thos. Les Persans l’appellent schagal, dérivé de Sà'âl, et d’où vient le nom français du chacal. L’animal est d’une voracité extrême ; il se nourrit de petites proies, mais va jusqu'à déterrer les cadavres. Aussi est-on obligé de protéger les lombes contre ses atteintes en les recouvrant d'épines ou de grosses pierres. Il ne paraît pas redouter l’homme, et pourtant ne s’attaque jamais à lui. Il exhale une odeur fort désagréable. Quand on le prend jeune, on peut parvenir à l’apprivoiser. Aujourd’hui encore, on rencontre quelquefois, chez les habitants de l’Egypte ou de la Syrie, des chacals qui ont été capturés tout jeunes et demeurent apprivoisés. Fr. Lenormant, Premières civilisations, Paris, 1874, t. i, p. 349, 350. Mais ce fait ne se produit que par exception. Les chacals chassent par bandes nombreuses, à la différence des renards, qui cherchent leur proie individuellement.

2° Le canis aureus abonde dans toutes les régions de l’ancien monde à partir de la Méditerranée, dans toute l’Afrique et dans l’Asie centrale et méridionale. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 31. Il pullulait dans l’ancienne Egypte. Sous le premier empire thébain, l’un des nomes du Fayoum y portait même le nom de « nome du chacal ». La prédilection de cet animal pour les réduits souterrains l’avait fait choisir comme le symbole du dieu Anubis, qui présidait à l’ensevelissement des morts et veillait sur le corps momifié. Anubis, en forme de chacal, servait de couvercle aux boites funéraires qui renfermaient les viscères du mort (fig. 162). Orné d’une lête de chacal, on le voit allonger la momie sur son lit funèbre, et ensuite la recevoir à la porte du tombeau (fig. 144, col. 435). Cf. t. i, fig. 423, col. 1405. Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux furent témoins

du culte idolâtrique rendu au chacal Anubis. À l'époque grécoromaine, les Égyptiens représentaient leurs dieux avec des pieds en forme de lêtes de chacal, pour marquer leur agilité. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 113, 149, 179, 180. — En Palestine, les chacals étaient si nombreux dès les anciens temps, qu’ils ont donné leur nom à plusieurs localités : Salebim ou Salaboni, sa’albim ou sa'âlabin, » demeure des chacals, » Jos., xix, 42 ; Jud., i, 35 ; II Reg., xxui, 32 ; III Reg., iv, 9. et Salim, Sa'âlim, « pays des chacals. » I Reg., ix, 4.

II. Le chacal dans la Bible. — Les écrivains sacrés font des allusions fréquentes au chacal et aux particularités

162. — Chacal sur un coffret funéraire égyptien en bois. Musée du Louvre.

qui le caractérisent. 1° Le chacal habite les lieux déserts. — De là lui vient son nom principal de sû'dl. Gesonius, Thésaurus, p. 1457. Quand ils prédisent la ruine d’une ville ou d’une contrée, les prophètes ajoutent qu’elle deviendra le repaire des chacals. C’est ainsi qu’Isaïe écrit, à propos de Babylone : « Les 'iyyîm se répandront dans ses palais, et les tannim dans ses maisons de délices. » Is., xiii, 22. À son tour, Sion sera « la demeure des tannîm, . les bêtes sauvages s’y rencontreront avec les 'iyyîm ». Is., xxxiv, 13, 14. Au temps du Messie, les tannîm glorifieront le Seigneur d’avoir fertilisé le désert, c’est-à-dire que les païens béniront Dieu de leur avoir envoyé la grâce. Is., xliii, 20. Jérémie annonce de son côté qu’on verra les tannîm faire leur séjour à Jérusalem, Jer., ix, 10 (Vulgate, 11), dans les villes de Juda, Jer., x, 22, à Asor, Jer., xlix, 33, et à Babylone, Jer., li, 37, en compagnie des 'iyyîm, Jer., L, 39. Lui-même se désole en contemplant les Sû'âlîm qui errent sur les ruines de Sion, Lam., v, 18, et « les tannîm qui découvrent leurs mamelles pour allaiter leurs petits » à l’endroit où s'élevait Jérusalem. Lam., iv, 3. Un psalmiste s’adresse au Seigneur en ces termes : « Tu nous refoules dans la retraite des tannîm, tu nous enveloppes de l’ombre de la mort. » Ps. xuv (hébreu), 20. Enfin Malachie, I, 3, parle de l’héritage d'Ésaù, abandonné aux tannôf du désert, probablement aux femelles des chacals. Cf. II Esdr., iv, 3 (hébreu, iii, 35). Il est à remarquer que dans ces textes les sû'âlim, les tannîm et les 'iyyîm sont juxtaposés en vertu du parallélisme synonymique, et nullement pour désigner des êtres différant entre eux. Il se pourrait cependant que les tannîm des Lamentations, iv, 3, désignassent d’autres mammifères. Voir Cachalot, col. 6. — Ces comparaisons prophétiques font allusion aux mœurs des chacals, qui habitent, en effet, les cavernes, les creux des ro

chers et les ruines ; ils y restent blottis pendant la journée et ne sortent habituellement que la nuit, bien que leur pupille, ne soit pas spécialement conformée pour la vision nocturne. « Les bandes de chacals se cachent par centaines dans les ruines de Baalbek. » On les voit aussi « traverser en courant les ravins désolés de la mer Morte, et se réfugier dans les grottes d’ermites à Jéricho ». Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 111.

2° Le chacal pousse des cris sauvages. — Tous les voyageurs ont parlé de ces cris, qui ont mérité aux chacals le nom de 'iyyim, « hurleurs ; » en arabe : ce fils du hur-Jement. » — « Cet animal n’est guère moins grand qu’un loup, dit un voyageur du xvi" siècle. Et quand il est nuit close, il abboye comme un chien. Il ne va jamais seul, mais en compagnie : jusques à estie quelquefois deux cents en sa trouppe. Parquoy allants en compagnie, font un cri l’un après l’autre, comme fait un chien quand il dit hau, hau. Nous les oyions abboyer toutes les nuicts. » Pierre Belon, Observations de plusieurs singularités et choses mémorables trouvées en Grèce, etc., Paris, 1553, liv. ii, ch. cviii, fol. 162. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t..m, p. 349. « La nuit était venue, écrit Mgr Mislin, lorsque les chacals vinrent . nous donner le plus désharmonieux concert que j’aie entendu de ma vie. Ces hurlements, qui sortent de toutes les cavernes, de toutes les fentes de rochers, qui ne se font entendre que pendant la nuit et dans les plus affreuses solitudes, produisent une étrange sensation. » Les Saints Lieux, 1858, t. ii, p. 156. Cf. Thomson, The Land and the Book, i, ch. viii, édit. de 1863, p. 93. Job pense à ces hurlements du chacal, quand il dit : « Je ne me lève dans l’assemblée que pour pousser des cris, je suis le frère des chacals et le compagnon des autruches. » Job, xxx, 28, 29. À la vue du châtiment qui frappe son peuple, Michée, i, 8, « pousse des hurlements comme le chacal et des cris comme l’autruche. » Ézéchiel, xiii, 4, compare les faux prophètes aux 'sû'àliin du désert, peut-être à cause de leurs cris discordants et sauvages. . 3° Le chacal est un animal vorace. — Pour donner une idée de l’aridité du sol maudit par le Seigneur, Jérémie, xiv, 6, dit que « les ânes sauvages se tiennent sur les rochers et aspirent l’air comme des lannîm, les yeux sans force, parce qu’il n’y a pas d’herbe ». Quelques auteurs pensent que les tannim sont ici des monstres marins, qui aspirent l’air avec force ; mais il peut être aussi question de chacals, qui Haïrent leur proie de loin. Le chacal est si vorace et « si larron, qu’il vient la nuit jusques aux gens qui dorment, et emporte ce qu’il peult trouver, comme chapeaux, bottes, brides, souliers et autres hardes ». (P. Belon, cité plus haut.) Tous les voyageurs contemporains témoignent dans les mêmes termes de cette voracité. Les chacals de Palestine rendent ainsi à la campagne le service que les chiens rendent à la ville : ils font disparaître la presque totalité des détritus qui traînent sur le sol. David, Ps. lxiii (hébreu), 11, dit de ses ennemis :

On les livrera aux mains du glaive,

Ils seront la proie des chacals.

Ils ne seront pas dévorés vivants, puisque le chacal ne s’attaque pas à l’homme ; mais leurs cadavres, percés par le glaive, resteront gisants à terre et serviront de pâture aux chacals.

4° Les « sù'âlim » de Samson. — Le livre des Juges, xv, i, 5, raconte que, pour se venger des Philistins, Samson « s’en alla, prit trois cents Sû'dlim, les lia deux à deux par la queue et attacha des torches entre eux. Quand il les eut allumées, il chassa les animaux pour qu’ils courussent çà et là. Ceux-ci s'élancèrent aussitôt dans les moissons des Philistins ». Les animaux en question sont certainement des chacals, et non des renards. Ces der niers, relativement peu nombreux et vivant isolés, n’auraient pu être pris qu’avec beaucoup de temps et de difficultés. Il n’est pas impossible, au contraire, de prendre au piège trois cents chacals en une nuit ou deux, surtout quand on disposait, comme Samson, de beaucoup de compagnons. Rosenmûller, Scholia, Judices, Leipzig, 1835, p. 327, convient que Samson et ses compagnons n’eurent aucune peine à se saisir de trois cents chacals. C’est au piège qu’on les prit, comme le marque expressément le verbe lâkad, « prendre au piège, » qu’emploie le texte hébreu des Juges. Une pareille chasse n’offrait aucune difficulté, dans une région où pullulaient ces animaux. Du reste, « il n’est pas nécessaire d’admettre que les trois cents furent pris à la fois, ni ensuite lâchés à la même place. Après les avoir pris, Samson dut plutôt les lâcher à différents endroits, de manière à produire cent cinquante foyers d’incendie, et à causer le plus de dommage possible aux moissons encore sur pied des Philistins. » Tristram, The nat. hist., p. 87. Il s’agissait pour Samson de châtier ses ennemis, en brûlant leurs moissons de la riche plaine de Séphéla, et en préparant pour eux la famine. « L’idée d’attacher des chacals deux à deux par la queue était certainement un moyen très efficace d’obtenir le résultat cherché, comme le témoignera quiconque a tenté l’expérience. Un animal isolé, portant un brandon, l'éteindra rapidement. Deux, au contraire, sont entravés dans leur marche et, de plus, ne peuvent trouver de terrier assez large pour y pénétrer ensemble. Us sont donc forcés de continuer à courir furieux à travers champs, mettant le feu aux gerbes et aux épis non encore coupés, ainsi qu’aux vignes et aux oliviers. D’autre part, les Philistins étaient dans l’impossibilité de saisir les auteurs du méfait. Les torches consistaient indubitablement en brandons de pins résineux du. pays, lesquels une fois allumés ne s'éteignent que difficilement. » Van Lennep, Bible Lands, Londres, 1875, t. i, p. 280. Herder remarque, sur ce trait de la vie de Samson, que 1' « histoire des trois cents chacals et des tisons allumés sous leurs queues est tout à fait dans son caractère ; et le ridicule dont on a cherché à la couvrir ne vaut pas la peine d'être réfuté ». Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, Paris, 1851, p. 439. Cf. Vigûuroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iii, p. 352. L’acte accompli par Samson est loin d'être sans exemple. Ovide parle de renards à la queue desquels on attachait des torches allumées, et qu’on faisait courir dans le cirque, à Rome, pour la fête des Cerealia. Ils périssaient ainsi par le feu, en souvenir d’un renard qui aurait incendié des moissons à Casséole. Fast., iv, 681, 704-713. Annibal lâchait à travers la campagne des bœufs ayant aux cornes des torches enflammées. Tite-Live, xxii, 16. On rapporte aussi qu’en Perse, d’après un ancien usage, les rois et d’autres chefs mettaient le feu à un paquet de broussailles sèches et l’attachaient à des animaux sauvages qu’ils relâchaient ensuite. Ceux-ci cherchaient naturellement un refuge dans les forêts, que l’incendie ne tardait pas à envahir. Rosenmûller, Das alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. iii, p. 50, 185.

H. Lesêtre.
    1. CHAFIR##

CHAFIR (hébreu : sdfîr), nom de lieu, Mien., i, 11, que la Vulgate a traduit par pulchra (habitatio). L’Onomasticon d’Eusèbe l’a rendu par Saphir. Voir Saphir.

    1. CHAGIS Moïse ben Jacob##

CHAGIS Moïse ben Jacob, né à Jérusalem dans la seconde moitié du xviie siècle, séjourna dans diverses villes d’Europe, Venise, Amsterdam, etc., et, en 1738, se retira près de Sidon, où il mourut quelques années après, à l'âge de quatre-vingt-dix ans environ. On a de lui un commentaire exégétique, cabalistique et homilétique sur Daniel, intitulé Fêrûrê pat haqqémal), « Morceaux de pain de pure farine, » in-f°, Wandsbeck, 1727.

E. Levesque,

CHAÏM. Voir Chayim.

1. CHAÎNE, assemblage d’anneaux en métal pouvant servir de support ou de lien. La Sainte Écriture parle de deux sortes de chaînes, celles qu’on employait pour l’ornementation ou la toilette, et celles dont on chargeait les prisonniers.

I. Chaises servant d’orkemext et de parure. — Le

ma’àêêh sarSerôt, « œuvre de chaînes. » III Reg., vii, 17. D’autres chaînes d’or, appelées rattôq, de râtaq, « lier, » servaient à maintenir les lambris de cèdre qui entouraient le Saint des saints. III Reg., vi, 21. Les fabricants

163. — Femme étrusque, ornée de chaînes. Musée du Louvre. — Elle porte autour du cou une chaîne formant collier ; de l’épaule droite descend une chaîne plate, à plusieurs rangs de tresses et bordée de perles, elle est posée en travers sur la poitrine : une autre chaîne serre la taille comme uue ceinture, et est ornée, au milieu de la poitrine, d’une rosace qui sert sans doute de fermoir ; enfin une dernière chaîne, formant comme un x, part de chaque épaule et se relève en bas a droite et à gauche.

pectoral du grand prêtre était retenu par des chaînes d’or appelées sarserâh, Exod., xxviii, ’14 ; xxxix, 15, ou sarsâh, Exod., xxviii, 22, du radical sârar, « contourner ; » Septante : xp-jijo-ôç, xpoaawtôv, « frange ; » Vulgate : catena.

16-i. — Chaînes égyptiennes. ITusée du Louvre. Salle civile.

Dans l’ornementation du Temple, Salomon fit entrer des imitations de chaînes portant le même nom, qui couraient le long des murs. II Par., iii, 5 ; Septante : yuXaazi., « cordages détendus ; » Vulgate : catenuls. Les deux grandes colonnes du Temple, Jachin et Booz, eurent leurs chapiteaux décorés d’un entrelacement de chaînes,

165. — Femme de Jérusalem portant les chaine : tes. D’après une photographie.

d’idoles leur donnaient pour parure des chaînes [retuqôt ; Vulgate : laminx), Is., xl, 19. — Les chaînes étaient très recherchées par les femmes comme bijoux (fig.163 et 164). Dans la toilette des Juives figuraient la sërâh, chaînette qu’on portait aux mains en guise de bracelet, wrnilla, Is., iii, 19 ; la’es’âdâh, autre chaînette qui se mettait au-dessus du coude, Num., xxxi, 50 ; II Reg., i, 10, voir t. i, col. 1907, et la se’âdàh, petite chaîne pour les pieds, de sa’ad, « marcher, » Septante : -/liSiiv ; Vulgate : periscelis. Is., iii, 20. Cette dernière n’était pas un simple anneau entourant la cheville, comme l’ont cru les versions ; mais une chaîne qu’on se mettait aux pieds pour s’obliger à marcher à petits pas, ce qui passait alors pour une marque de distinction. Is., ni, 16. Voir PÉRISCÉLIDE. En arabe, meça’ad désigne tantôt les chaînes qu’on mettait aux pieds des captifs, tantôt celles que portent les femmes pour danser et marcher à pas égaux. Cf. Talmud, Schabbath,

ꝟ. 63 b. — Pour les chaînes de cou, voir Collier. Il y avait une autre espèce de chaîne que les Hébreux appelaient tôrim, Cant. i, 10, 11. C’était une parure attachée à la hauteur des tempes, descendant le long des joues des deux côtés du visage, et passant sous le menton ou tombant sur la poitrine. Elle était formée de petits.

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166. — Prisonnier assyrien

enchaîné. D’après Botta,

Monument de Ninive, 1. 1, pi. 82.

anneaux de métal, ornés de globules d’or et d’argent, ou de perles et de pierres précieuses. Les tôrîm destinés à l’épouse des Cantiques, i, 11, se composaient de chaînettes d’or marquetées de points d’argent. Cette parure encadrait le visage et en faisait ressortir la beauté, i, 10.

Tes joues sont belles entre les tôrîm

Et ton cou au milieu des colliers de perles.

. Les Septante et la Vulgate ont traduit par Tpuyi&v, turtur, Cant., i, 9 ; ils ont confondu {ôr avec un mot semblable signifiant « tourterelle », et ont pris le z, b, « entre », qui précède fô rîm, pour s, ii, « comme ».

Mais infidèles à eux-mê mes, au verset suivant où

le même mot se présente,

ils le traduisent différem ment ; les Septante par

ofjiottifjiaTct, c’est-à-dire « images », la Vulgate par

murenulas, « chaînes de

cou, collier. » Cet orne ment se porte encore en

Orient. John Wilson, iands

of the Bible, 2 in-8°,

Edimbourg, 1847, t. ii, p. 84,

remarque cette coutume

chez les femmes de Djéni

(iingannim). Seulementles

plaques de métal précieux

ou les globules d’or atta chés aux anneaux, sont

remplacés par des sequins

ou d’autres pièces de mon naie enfilées. On rencontre

le même usage à Bethlé hem, à Jérusalem (fig. 165)

et en diverses parties de la

Palestine ; on le trouve

aussi en Perse, en Arabie,

dans l’Egypte moderne.

Burder, Oriental litera ture, t. ii, p. 84-85. Voir

A. Th. Hartmann, Die

Hebràerin am Putztische

und als Braut, t. iii,

p. 208.

II. Chaînes des prison niers. — 1° Ancien Testa ment. — Ézéchiel, vii, 23,

reçoit l’ordre de faire une chaîne qui symbolisera la captivité du peuple. Cette chaîne s’appelle caffôg. Septante : çOpixo’; , « mélange ; » Vulgate : conclusio. Ps. Civ (cv), 18, il est dit que le « fer », barzel, c’est-à-dire sans doute « une chaîne de fer », et les mauvais traitements que Joseph dut subir dans sa prison mirent sa vie en péril. Cf. Ps. cxlix, 8. Partout ailleurs, la chaîne tire son nom de nehosét, « airain, » indiquant la matière dont elle est fabriquée. Elle s’appelle nehustaîm, mot au duel qui implique le sens de double chaire pour les mains et pour les pieds. II Reg., iii, 34. C’est avec des chaînes de ce genre que les rois de Ninive et de Babylone attachaient leurs prisonniers (fig. 106). Septante : 8z<jy.6z, itËBïi ; Vulgate : catena, compedes. Jud., xvi, 21 ; II Reg., m, 34 ; IV Reg., xxv, 7 ; II Par., xx.xiii, 11 ; xxxvi, 6 ; Jer., xxxix, 7 ; lii, 11. On a retrouvé des débris de ces chaînes en Assyrie (fig. 167). Métaphoriquement l’auteur de la Sagesse, xvii, 17, donne le nom de chaîne ( en grec : IôIOïio-ocv, « furent liés » ) aux ténèbres qui enveloppèrent les Egyptiens pendant la neuvième piaie. L’orgueil est comparé dans l’Écriture à une chaîne qui tient les hommes « n son pouvoir. Ps. lxxii (lxxiii), 6. — Dans plusieurs

D1CT. DE LA BIBLE.

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167. — Chaîne assyrienne.

D’après Place, Ninive, t. iii, pi. 70.

autres passages, les versions parlent de chaînes là où il est question de joug, Lev., xxvi, 13 ; Is., . lyiii, 9 ; Jer., xxvii, 2 ; xxviii, 10, 12, 13 ; Ezech., xxxiv, 27 ; de ceps, Job, xxxvi, 8 ; .1er., xl, 1, 4 ; d’anneaux, Ezech., xix, 4, 9. Voir ces différents mots.

2° Nouveau Testament. — On liait avec des chaînes les possédés dont on voulait se rendre maître. Marc, v, 3, 4 ; Luc, viii, 29. — À Jérusalem, saint Pierre fut chargé de deux chaînes dans la prison où l’avait enfermé Hérode. C’était l’usage des Romains d’attacher par une chaîne le prisonnier au soldat qui le gardait. Sénèque, Epist.y, Pline, Epist., x, 65 ; Josèphe, Ant. jud., XVIII, vi, 7. Pendant la nuit, pour plus de sûreté, l’Apôtre fut attaché par deux chaînes à deux de ses gardiens. À la voix de l’ange, les chaînes tombèrent d’elles-mêmes. 1 Act., xit, 6, 7. L’Apôtre fut plus tard enchaîné à Rome, sous Néron, avant son martyre. Sur les chaînes de saint Pierre, conservées à Rome, dans la basilique de Saint-Pierre in Vincoli, voir Duchesne, Origines du culte chrê-I tien, Paris, 1889, p. 269. — Saint Paul fut également i lié avec deux chaînes à Jérusalem, Act., xxi, 33. Il fait allusion à ses liens dans son discours à Césarée, Act., xxvi, 29 ; dans son entretien avec les Juifs de Rome, Act., xxviii, 20 ; dans son Épître aux Éphésiens, vi, 20. Pendant, son séjour de deux ans dans une maison de louage, à Rome, il resta enchaîné au bras d’un soldat. Act., xxviii, 30. Dans sa seconde Épître à Timothée, i, 16, il parle des chaînes qui le lièrent pendant sa seconde captivité à Rome. — Dans l’Apocalypse, xx, 1, un ange descend du ciel avec une grande chaîne, et il lie le démon pour mille ans. Cette chaîne symbolique représente la puissance de Dieu, qui arrête l’activité du démon

quand il lui plaît.
H. Lesêtre.

2. CHAÎNES BIBLIQUES. Ce mot de « chaîne », catena, est un terme bibliographique moderne, qui n’est répandu que depuis la Renaissance, pour désigner une édition du texte de la Bible dans les marges de laquelle on a transcrit, en guise de commentaire perpétuel, des citations des saints Pères, chaque citation précédée de la mention du nom de l’auteur à qui elle est prise. Cette littérature a surtout fleuri chez les Byzantins, grands amateurs de florilèges ou’ExXoyaf. Le moyen âge latin n’a rien connu de pareil ; il a eu à dater de l’époque carolingienne des textes bibliques glosés, ainsi la Glossa ordinaria de Walafrid Strabon, ainsi les Postilla de Nicolas de Lyra. Voyez Gloses et Postilla. Mais ni les gloses ni les postilles ne constituent une chaîne. On a coutume d’attribuer à saint Thomas d’Aquin la première véritable chaîne latine ; en effet, saint Thomas est l’auteur d’un commentaire sur les quatre Évangiles fait de citations des Pères grecs et latins ; toutefois ce commentaire portait à l’origine le titre de Glossa continuata, et ce n’est que dans les premières éditions imprimées (1484 et suiy.) que le nom de Catena lui a été donné, puis de Catena aurea, sous lequel il est aujourd’hui exclusivement connu. Voir Thomas d’Aquin. En soi, le terme de « chaîne » n’a d’autre sens que de comparer les citations à une suite d’anneaux, image dont la justesse n’est pas saisissante. Il n’est du reste pas d’origine grecque, les Grecs n’ayant point utilisé le mot azipi pour désigner ce que nous appelons une « chaîne », mais se servant de périphrases comme’ExXoyai épixrjveifôv, ’EçViyoai ; ôtayoptiiv, ’E^Y]y/]xtxcov ix), oyfi>v imTou, ï). « Les Grecs, écrivait Richard Simon, ont un grand nombre de ces sortes de recueils sur la plupart des livres de la Bible, et l’on en trouve beaucoup dans les bibliothèques qui n’ont point encore été imprimés. Il ne serait pas même nécessaire de publier ces compilations entières, puisque nous avons les auteurs d’où elles ont été prises ; mais il serait à désirer qu’on donnât seulement au public ce qui s’y trouve de singulier et qui n’a point encore été publié. » Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 412. Le désir

II. - 16

483

CHAINES BIBLIQUES

484

exprimé par Richard Simon a été en partie réalisé : on a de nos jours beaucoup fait pour tirer des chaînes ce qu’elles pouvaient receler d’inédit ; mais on ne s’est pas soucié de dresser un inventaire descriptif des chaînes existantes, moins encore une classification chronologique ou généalogique : celui qui entreprendrait d’étudier méthodiquement les chaînes pour elles-mêmes entreprendrait un travail presque intact.

Les premières chaînes durent apparaître dans la littérature grecque quand fut close la série des grands commentateurs comme saint Cyrille d’Alexandrie ou Théodore de Mopsuestë. Il semble que cette forme de commentaires variorum ait été inaugurée par l’école de Gaza, en Syrie. À notre connaissance, en effet, la plus ancienne entreprise qui puisse être qualifiée de « Chaîne » est celle que s’attribue Procope de Gaza (465-528) : « Nous avons, écrit- ii, compilé des interprétations sur l’Octateuque, tirées des Pères et autres écrivains, choisies dans leurs traités ou autres œuvres ; nous avons cité sans y rien changer les textes mêmes de nos auteurs, soit qu’ils fussent d’accord, soit qu’ils ne le fussent point : notre compilation s’est développée tellement, qu’elle a formé une masse immense. » Procope s’est donc vu amené à réduire sa compilation, à fondre ces citations en un commentaire suivi, impersonnel, sans indication de sources, c’est le Copunentaire sur l’Octateuque, qui existe encore de lui et dans le prologue duquel on lit le passage que nous venons de citer. Patr. gr., t. lxxxvii, col. 21. Au ix « siècle, Photius, Cod. 106, t. ciii, col. 676, a eu en mains des Scolies explicatives sur l’Octateuque, sur les liois et sur les Paralipomènes ; mais ce qu’en dit Photius fait voir que ces scolies sont le commentaire susdit, et non la chaîne primitive de Procope. Le cardinal Mai assurait que cette chaîne existait en manuscrits : « Procopii lucubratio in mss. bibliothecis exstare videtur ; » cependant ni lui, ni personne depuis, n’en a signalé d’exemplaire authentique. Et la chaîne, car c’est bien une chaîne, que l’on a publiée sur le Cantique des cantiques et sous le nom de Procope, ne paraît pas être son œuvre. F. Fritzsche, Exegetische Sammlungen, dans PlittetHerzog, RealEncyclopédie, Leipzig, t. iv, 1879, p. 449. — Certaines chaînes portent des noms historiques, mais qui sont ou supposés ou improprement attribués. Une chaîne sur saint Marc est attribuée par nombre de manuscrits à Victor d’Antioche ( v= siècle) ; la même est attribuée à Cyrille d’Alexandrie. Une chaîne ou plutôt un commentaire sur saint Luc est attribué à Titus de Bostra (ive siècle), et c’est une œuvre qui ne peut lui être que postérieure au moins d’un siècle. Bardenhewer, Patrologie, Fribourgen-Brisgau, 1894, p. 620. Dans le manuscrit Paris, gr. 187 (XIe siècle), nous avons relevé une chaîne sur saint Marc ; dans le manuscrit Paris, gr. 186 (xie siècle), une chaîne sur saint Jean, attribuées semblablement à Titus de Bostra ; nombre de manuscrits parlent de chaînes de saint Jean Chrysostome. Cela tient à ce que Titus de Bostra y est cité eu première ligne, ou que les citations sont toutes prises à saint Jean Chrysostome, et non pas à ce que ces auteurs y aient mis la main. — Les catalogues ont quelquefois appelé « chaînes » des œuvres qui n’en sont pas de véritables. Les commentaires d’Œcuménius (xe siècle), d’Arétas (x a siècle), de Théophylacte, archevêque de Bulgarie (XIe siècle), d’Euthyinius de Zigabène (xiie siècle), ne sont pas à mettre dans la catégorie des chaînes. Voyez cependant Richard Simon, Histoire critique des principaux commentateurs, Rotterdam, 1693, p. 408. — L’auteur pour ainsi dire classique est Nicétas. Ce Nicétas avait commencé par être diacre de la « grande Église » de Constantinople ; il mourut évêque métropolitain d’Héraclée en Thrace ; entre temps il avait été évêque de Serræ siège suffragant de Thessalonique. Il appartient à la seconde moitié du XIe siècle. Le cardinal Pitra lui attribue la chaîne sur Job publiée par Junius, la chaîne sur saint Matthieu publiée par Possin, la chaîne sur saint

Luc publiée par Mai, la chaîne sur la première aux Corinthiens publiée par Lami, Patr. gr., t. cxxvii, col. 542 ; la chaîne sur les Psaumes étudiée par Mai, au t. m de sa Nova Patrum bibliotheca, Rome, 1852-1854. Il faut y joindre, sur la foi des manuscrits, une chaîne sur l’Ecclésiaste, sur le Cantique des cantiques, sur les douze petits prophètes, sur les quatre Évangiles, sur les. Actes, sur les Épîtres paulines, sur les Épîtres catholiques. Ibid., col. 534. Cf. Mai, Classic. auctor., Rome, 1828-1838, t. vi et îx. L’absence dans l’œuvre de Nicétas de toute chaîne sur l’Octateuque ou sur les grands prophètes doit donner à penser qu’il en existait déjà avant lui sur ces livres. — Après Nicétas, on ne trouve plus que quelques noms sans grand relief. Fabricius mentionne une chaîne sur le Cantique des cantiques qui aurait pour auteur un certain « Néophyte moine », qu’il propose d’identifier avec un moine du XIIe siècle, du même nom, dont on a diverses homélies, l’une entre autres sur la prise de Chypre par les Anglais, en 1191. Biblioth. gr., t. viii, p. 661. Le même Fabricius parle d’une chaîne sur Isaïe, qui aurait pour auteur un certain « Jean Droungarias », et dont il existerait un manuscrit du Xe siècle. Ibid., p. 662-664. « André le prêtre » serait l’auteur d’une chaîne sur les Proverbes et sur Isaïe ; il serait un compilateur du xm a siècle, si le manuscrit daté de 1241 qui renferme sa chaîne sur Isaïe et la souscription de cet André est un manuscrit original. Ibid. Il faut mentionner enfin un compilateur du xive siècle, évêque de Philadelphie, Macarius Chrysocéphale, dont on signale en manuscrit une chaîne sur la Genèse et une chaîne sur saint Matthieu : Fabricius a donné la préface de cette dernière. Ibid., p. 677.

Les manuscrits de chaînes grecques sont très nombreux, nous l’avons marqué déjà ; on trouvera un inventaire trop succinct desdits manuscrits dans Harnack, Geschichte der allchristlichen Litteratur, Leipzig, 1893, p. 835-842. Un petit nombre de ces manuscrits remonte au Xe siècle, la majorité- au xi a et suivants. Pour Job seul on a des manuscrits plus anciens : Patmensis 171, du viie-vm « siècle ; Vatican, gr. 749, du vnp siècle. Quelquesunes des chaînes sur Job sont accompagnées de figures peintes, qui appelleraient une étude spéciale. — Les chaînes imprimées sont cataloguées par Harnack, ibid. Nous signalerons d’après lui : les chaînes sur saint Matthieu et saint Marc, éditées par Possin (Toulouse, 1646), Cordier (Toulouse, 1647) et Cramer, ce dernier dans son grand recueil Catenss grsecorum Patrum in Novum Testamentum (Oxford, 1840) ; la chaîne sur saint Marc éditée par Peltanus ( Ingolstadt, 1580) et par Matthæi (Moscou, 1775) ; les chaînes sur saint Luc publiées par Cordier (Anvers, 1628), par Lami (Florence, 1738), par Mai ( t. ix de la Script, vet. collect. Vatican.) et par Cramer ; les chaînes sur saint Jean publiées par Cordier (Anvers, 1630) et par Cramer ; les chaînes sur les Actes, sur les Épîtres catholiques, sur les Épîtres pauliniennes, données par Cramer ; la chaîne sur la première Épître aux Corinthiens mentionnée ci-dessus (Florence, 1738). On n’a rien imprimé sur l’Apocalypse. Pour l’Ancien Testament, signalons : la chaîne sur l’Octateuque publiée par Nikephoros (Leipzig, 1772), qui, selon Harnack, aurait pour base les’ExXoTfal eî ; ’OxidT£u-/ov de Procope, conjecture peu motivée ; la chaîne sur le Pentateuque éditée par Zephyrus (Florence, 1547), la chaîne sur la Genèse et sur l’Exode donnée par Lipomannus (Paris, 1546, 1550) ; la chaîne. sur les Psaumes de Cordier (Anvers, 1643) et celle de Barbaro (Venise, 1564) ; la chaîne sur les Proverbes de Peltanus (Anvers, 1614) ; la chaîne sur Job de Junius (Londres, 1636) et celle de Comitolo (Lyon, 1585) ;

! la chaîne sur le Cantique des cantiques de Meursius

| (Leyde, 1617) ; la chaîne sur Jérémie et Baruch de Ghis| lerius (Lyon, 1623) ; la chaîne sur Ézéchiel de Villalpan ! dus (Rome, 1604). Aux diverses publications signalées j par Harnack, joignez : la chaîne sur Daniel éditée par

Mai, au t. Il de ses Script, vet. collect. Vatican. (Rome, 1825-1838) ; la chaîne sur les Psaumes signalée par Mai, Nova Patrum bibliotheca, t. iii, p. 139.

Les Pères qui ont fourni la matière des chaînes grecques sont principalement saint Jean Chrysostome, saint Basile, saint Cyrille d’Alexandrie, Eusèbe de Césarée, Origène, Sévérien de Cabale, Sévère d’Antioche, Théodoret ; et encore Didyme, Olympiodore, Grégoire de Nysse et de Nazianze, Victor d’Antioche, saint Isidore de Péluse, etc. Certains auteurs, qui ont disparu des bibliothèques à partir du Xe siècle, se trouvent cités parfois copieusement : Apollinaire de Laodicée, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Théodore d’Héraclée, Hippolyte, Polychronius, Titus de Bostra, Acacius de Césarée. D’autres plus anciens semblent avoir été cités de seconde main : Théophile d’Antioche, Irénée, Sabellius, Saturnin, Paul de Samosate, Papias, Marcion, Cérinthe, Basilide, Justin, etc. Mentionnons enfin les anciennes versions grecques de l’Ancien Testament : Aquila, Symmaque, Théodotion. Quelquefois la chaîne se réfère au texte hébraïque lui-même : ainsi la chaîne sur Jérémie de Ghislerius, ainsi la chaîne sur les Psaumes de Cordier. Parmi les auteurs non chrétiens, Philon et Josèphe ont fourni beaucoup, mais ils sont les seuls, et les profanes, ol é’Çw, ne sont représentés que par quelques mots attribués à Pythagore, à Socrate. — Voir P. Wendland, Neu entdeckte Fragmente Philo’s, Berlin, 1891, et L. Cohn, Zur indirecten Veberlieferung Philo’s und der àlteren Kirchenvàter, dans les Jahrbûcher fur protestantische Théologie, 1892, p. 475 et suiv.

En dehors de la littérature byzantine, c’est dans la littérature syriaque que nous pourrons trouver des chaînes à l’imitation des chaînes grecques. Mais elles sont en fort petit nombre dans nos bibliothèques. Comme spécimen, le manuscrit Add. 12144 du British Muséum, copié, dit la souscription, « au monastère de la Mère de Dieu qui est à Gazarta, proche d’Alexandrie la Grande, » et achevé « le 25 du mois d’Adar de l’année 1392 selon les Grecs », c’est-à-dire en 1081 de notre ère. Il contient une chaîne sur la Genèse, les Rois, les douze petits prophètes, Ézéchiel, Jérémie, le Cantique, Daniel, Isaïe, les Proverbes, l’Ecclésiaste, les Épîtres pauliniennes, saint Matthieu, saint Jean. L’auteur principalement cité dans la chaîne est saint Éphrem pour l’Ancien Testament, saint Jean Chrysostome pour le Nouveau ; à la suite saint Athanase, saint Basile, saint Cyrille d’Alexandrie, Daniel de Salach, saint Denys l’Aréopagite, saint Épiphane, Eusèbe de Césarée, Georges, « évêque des Arabes, » saint Grégoire de Nazianze, saint Hippolyte, Isidore de Péluse, Jacques d’Édesse, Jean le Moine, Maruthas de Tagrit, Philoxène de Maboug, Phocas d’Édesse, Sévère d’Antioche. Le compilateur de cette chaîne syriaque, dont on a un second exemplaire, Assemani, Bibliotheca orienlalis, t. i, p. 63 et 607, est un moine d’Édesse, nommé Sévère, et l’on a la date de son travail, l’an 861 de notre ère. W. Wright, Catalogue of Syriac manuscripts in the British Muséum, t. il (Londres, 1871), p. 908-914. La chaîne de Sévère d’Édesse n’est sûrement pas unique, témoin le manuscrit Add. 12168, lequel est du vine-ixe siècle, et contient une chaîne différente, anonyme, sur le Pentateuque, Job, les Juges, les Rois, les Paralipomènes, Esdras I et II, les Proverbes, l’Ecclésiastique, les Psaumes, l’Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse, les douze petits prophètes, Jérémie, Ezéchiel, Daniel, Isaïe, saint Paul, les Évangiles. Les auteurs cités sont : saint Cyrille dvlexandrie, saint Éphrem, saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse, Sévère d’Antioche, saint Jean Chrysostome, Olympiodore d’Alexandrie, Proclus, Isaac d’Antioche, Jean bar Aphtunaya, abbé de Kinnesrin. L’auteur anonyme de la chaîne a du la compiler dans la première moitié du vne siècle, car il se sert des Septante traduits par Paul de Telia, traduction qui date de 617 ; et une note de lui, au fol. 67 b, suppose qu’il écrit avant la mort de Yezdijrd, le dernier

des Sassanides († 651). Wright, ouvr. cit., p. 905. Le c< Commentaire » sur l’Ancien et le Nouveau Testament « tiré de tous les ouviages exégétiques et mis en abrégé », de Jacques Bar-Salibi, évêque d’Amid (xiie siècle), est moins une chaîne qu’un commentaire proprement dit. H. Zotenberg, Catalogue des manuscrits syriaques de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1874, p. 33 et suiv.

La littérature arménienne elle aussi a ses chaînes. Une note, que nous devons à l’obligeance du R. P. Basile Sargisean, méchitariste, nous signale « une chaîne sur Job, sur les Psaumes, sur le Cantique des cantiques, portant le nom de Vardam, une chaîne sur Daniel ; une chaîne sur Isaïe, portant le nom de Georges ; une chaîne sur les Épîtres catholiques par S. Nerses Claïensis ; enfin des chaînes anonymes sur les Actes des Apôtres » ;

Comme spécimen de chaînes arabes on peut signaler le manuscrit arabe n° 17 de la Bibliothèque Nationale, manuscrit copié en 1631 et renfermant le texte arabe du Pentateuque traduit du syriaque (Peschito) : les citations qui font la chaîne sont tirées de saint Jean Chrysostome, saint Ephrem, saint Basile, saint Hippolyte, Jacques d’Edesse, Jacques de Saroug, Jacques Bar-Salibi. Les n° s 55 (xviie siècle) et 59 (xve siècle), de la même bibliothèque, contiennent une chaîne sur les Evangiles. De Slane, Catalogue des manuscrits arabes de la Bibliothèque Nationale, Pans, 1883-1895, p. 5, 12, 14. Ou peut signaler encore le fragment de chaîne syriaque sur le Nouveau Testament en caractère carschouni, décrit par Payne Smith, Catal. codd. mss. Biblioth. Bodl., Oxford, 1884, p. 467-468. M. Ignace Guidi, à qui nou" sommes redevable de ces dernières indications, nouf écrit : « Dans les manuscrits arabes de la Bibliothèque Vaticane se trouvent aussi des chaînes, que le catalogue de Mai confond avec les commentaires en général. Cette étude des chaînes arabes permettrait l’étude des chaînes éthiopiennes qui en dérivent… Il faudrait étudier tout le groupe des chaînes coptes, arabes, éthiopiennes pour pouvoir dire quelque chose de sur de toute cette littérature, et pareille étude n’est pas encore faite ».

On trouvera une chaîne éthiopienne sur saint Matthieu, tirée de Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie, Sévère, les Grégoire, Basile, Clément, Athanase, Benjamin, patriarche d’Alexandrie (vne siècle), Épiphane, Siméon le Stylite, Eusèbe, dans le manuscrit Add. 16220 du British Muséum, manuscrit du XVIIe siècle. Une chaîne éthiopienne sur les quatre Évangiles, dans les manuscrits Orient. 731-736 du British Muséum, XVIIe et xviiie siècles ; cette chaîne est elle-même une traduction faite, au XVIe siècle, d’une chaîne arabe du XIe siècle. W. Wright, Catalogue of the Ethiopie manuscripts in the British Muséum, Londres, 1877, p. 199-203. Le manuscrit Add. 16248 du British Muséum, copié de nos jours en Abyssinie par les soins du Rev. Krapf, est la copie d’une chaîne éthiopienne sur saint Matthieu, traduite de l’arabe, d’origine monophysitc, et dont les éléments sont tirés de saint Jean Chrysostome, saint Athanase, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Grégoire de Nysse, Philoxène de Maboug, Jacques de Saroug, etc. Dillmann, Catalogus codd. mss. Orientalium ihiszci Britannici, Londres, 1847, part, iii, p. 11.

M. de Lagarde a publié une chaîne copte sar les quatre Évangiles, d’après un manuscrit appartenant à lord Zouch, rapporté d’Egypte, en 1838, par Curzon, manuscrit du IX" siècle. La chaîne est fournie principalement par Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie, Sévère, subsidiairement par Apollinaire, Athanase, Basile, Clément, Cyrille de Jérusalem, Didyme, Épiphane, Eusèbe, les Grégoire, Hippolyte, Irénée, Sévérien de Gabala, Titus de Bostra, etc. P. de Lagarde, Catenæ in Evangelia œgyptiæse quia supersunt, Gœttingue, 1886.

Il ne saurait être question de chercher des chaînes dans la littérature hébraïque du moyen âge. — Nous manquons de toute information sur ce qui peut exister do chaînes dans l’ancienne littérature slave.

Sur les chaînes grecques, consultez Fabricius - Harles, <

Bibliotheca grœca, Hambourg, 1802, t. viii, p. 638-700 ;  :

Harnack, Geschichte der altckristlichen Litteratur, Leipj

zig, 1693, p. 835-842. P. Batiffol. j

1. CHAIR (hébreu : bâèâr ; Septante : aipÇ ; Vulgate :  ; caro). Ce mot se prend dans les Saintes Écritures en plusieurs acceptions diverses. Il peut désigner :

1° Le corps tout entier, dont la chair est la partie la plus notable et la plus visible. Ps. XV, 9. C’est en ce sens que « le Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire a pris un corps, Joa., i, 14, et que Jésus-Christ donne sa chair, c’est-à-dire son corps, à manger. Joa., vi, 52-57. Dans ces passages de l’Évangile de saint Jean, la chair désigne le corps j tout entier, etl’àme elle-même par concomitance. Cf. IJoa., [ IV, 2 ; Il Joa., 7. L’hébreu n’a pas, comme nous, de mot particulier pour distinguer le corps et la chair ; bâsâr réunit ces deux significations.

2° La chair proprement dite, c’est-à-dire tout ce qui j dans le corps n’est ni os ni sang. Gen., ii, 21 ; xvii, 11-14 ; 4 xl, 19 ; Exod., xxx, 32 ; Lev., xiii, 2 ; xv, 3 ; Deut., xxviii, 53 ; IV Reg., iv, 34 ; v, 10, 14 ; ix, 36 ; Job, ii, 5 ; vi, 12 ; x, 11 ; xxxin, 21, 25 ; Prov., v, 11 ; xiv, 30 ; Sap., vii, 1 ; Eccli., xiv, 18 ; Ezech., xxxvii, 6 ; Luc, xxiv, 39, etc. Les prophètes annoncent aux Juifs, comme une calamité effroyable, la nécessité à laquelle ils seront réduits un jour de manger la chair de leurs propres enfants. Deut., xxviii, 53, 55 ; Lev., xxvi, 29 ; Jer., xix, 9 ; Bar., ii, 3. La prophétie s’est réalisée en particulier au siège de Jérusalem par Titus. Josèphe, Bell, jud., VI, iii, 4. — Métaphoriquement, « manger la chair de quelqu’un, » c’est le calomnier ou le persécuter. Job, xix, 22, se plaint que ses ennemis ne soient pas « rassasiés de sa chair », c’est-à-dire ne cessent pas de le calomnier. Dans un autre passage, Job, xxxi, 31, où la Vulgate reproduit la même locution, il y a en hébreu : « Qui donnera quelqu’un qui ne soit pas rassasié de sa chair, » c’est-à-dire de la chair des animaux qu’il sert à sa table ? Les méchants entourent David pour « manger ses chairs », le persécuter. Ps. xxvl, 2. De même, les ennemis « mangent la chair du peuple » de Dieu, en l’affligeant de toutes manières. Mioh., iii, 3 ; Zach., xi, 9, 16. Là où la Vulgate dit que les Chaldéens « accusent » les Juifs ou Daniel, le texte chaldéen porte qu’ils « mangent des morceaux » des Juifs ou de Daniel. Dan., iii, 8 ; vi, 25. Cette expression métaphorique est commune en arabe. En araméen, le démon, l’accusateur, est appelé « mangeur de chair ». Cf. Wiseman, Conférences sur les doctrines de l’Église catholique, trad. Jarlit, Paris, 1854, t. ii, p. 302 ; Gesenius, Thésaurus lingual hebrieæ 1835, p. 90, 91 ; Buxtorf, Lexicon chaldaicum, talmudicum et rabbinicum, Leipzig, 1869, p. 46.

3° La parenté ou l’union très étroite entre diverses personnes. Les époux sont « deux en une seule chair ». Gcn., ii, 23, 24 ; Matth., xix, 5 ; Marc, x, 8 ; I Cor., vi, 16. Les parents font partie de la « même chair ». Gen., xxix, 14 ; xxxvii, 27 ; Lev., xviii, 12, 13, 17 ; Jud., ix, 2. Les membres d’une même race disent aussi de leurs compatriotes : « Ils sont notre chair. » II Reg., v, 1 ; xix, 12, 13. En parlant du pauvre, Isaïe, lviii, 7, emploie cette expression tout évangélique : « Si tu le vois nu, couvre-le et ne méprise pas ta chair. »

4° L’ensemble de l’humanité. « Toute chair » est une locution qui désigne la généralité des hommes. Elle se retrouve fréquemment dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Gen., vi, 12, 13 ; Deut., v, 26 ; Judith, vii, 16 ; Job, xii, 10 ; xxxiv, 15 ; Ps. lxiv, 3 ; cxliv, 21 ; Eccli., xviii, 12 ; Is., XL, 5 ; xlix, 26 ; Jer., xii, 12 ; xxv, 31 ; Ezech., xx, 48 ; xxi, 4, 5 ; Joël, ii, 28 ; Zach., ii, 13 ; Matth., xxiv, 22 ; Luc, iii, 6 ; Act., ii, 17 ; Rom., iii, 20 ; I Cor., I, 29 ; I Petr., i, 21.

5° L’homme considéré au point devue de sa faiblesse morale, de ses appétits inférieurs, de ses passions mauvaises et de ses péchés. — 1. Dans l’Ancien Testament,

la chair est nommée surtout pour caractériser la faiblesse morale de l’homme. En tant que chair, l’homme est impuissant, Ps. lv, 5 ; lxxvii, 39 ; Jer., xvii, 5 ; éphémère, Is., xl, 6 ; porté au mal, Gen., vi, 3 ; Eccle^, xi, 10 ; Eccli., xxv, 36. Pourtant la chair elle-même, c’est-à-dire la nature faible et corrompue, peut être élevée à des sentiments d’ordre supérieur, que le concours de la grâce rend surnaturels. La chair s’unit alors à l’âme pour désirer Dieu. Ps. lxii, 2 ; lxxxiii, 3. Elle est pénétrée par le sentiment de la crainte du Seigneur. Ps. cxviii, 120. — 2. Dans l’Évangile, la « chair » marque l’impuissance absolue de la nature déchue dans l’ordre surnaturel, et même son incapacité en face des devoirs difficiles de l’ordre naturel. « La chair est faible, » Matth., xxvi, 41, et ne peut résister à la. tentation sans le secours divin qu’appelle la prière. « La chair ne sert de rien, » Joa., vi, 64, quand il s’agit de croire les vérités ou de pratiquer les vertus de l’ordre surnaturel. Aussi est-elle radicalement inhabile à découvrir ou à « révéler » les mystères, Matth., xvi, 17, à engendrer l’homme à la vraie vie, Joa., i, 13 ; iii, 6, à juger sainement les choses de Dieu. Joa., viii, 15. — 3. Dans les Épîtres de saint Paul et des autres Apôtres, la « chair » désigne plus habituellement l’homme naturel, corrompu par le péché, le vieil Adam, en opposition avec le nouvel Adam, l’homme surnaturel relevé par la grâce. Non seulement la chair est infirme et ordinairement incapable de bien, Rom., VI, 19 ; Ephes., vi, 12, mais c’est le péché même qui habite en elle. Rom., vii, 18, 25. En conséquence, elle est pour le juste une cause de tentation et de souffrance, II Cor., xii, 7, une source de mauvais désirs et le foyer même de la concupiscence. Gal., v, 16, 17, 24 ; Ephes., ii, 3 ; I Petr., ii, 11 ; II Petr., ii, 10, 18 ; I Joa., ii, 16. Elle a son sens particulier, Col., ii, 18, sa prudence et sa sagesse en contradiction avec l’ordre divin. Rom., viii, 6-9 ; II Cor., i, 12. Aussi ne peut-elle posséder le royaume de Dieu. I Cor., xv, 50. Ce qui vient d’elle est donc détestable. Jud., 23 ; Gal., i, 16. Céder à son influence, c’est être « charnel », I Cor., iii, 1-3, c’est o vivre selon la chair ». Rom., viii, 1, 4, 12 ; I Cor., i, 26 ; II Cor., 1, 17 ; x, 2, 3 ; Gal., IV, 29.— Notons cependant que l’expression « selon la chair » se rapporte parfois à l’ordre purement naturel dans ce qu’il a de légitime. Rom., i, 3 ; iv, 1 ; ix, 3, 5 ; Hebr., vii, 16. Cf. II Cor., v, 16.

Des différents passages où il est question des « désirs de la chair », Gal., v, 16 ; Ephes., ii, 3, des « volontés de la chair », Ephes., ii, 3, de « la chair qui convoite contre l’esprit », Gal., v, 17, il ne faut pas conclure que, dans la pensée de saint Paul, la chair possède une sorte d’âme inférieure qui puisse être opposée à l’âme spirituelle. « Nous devons nous souvenir que la scolastique distingue, au sujet du lieu de la concupiscence, d’abord les motus primo-primi, qui se produisent instantanément et précèdent l’exercice de la volonté libre, ensuite les motus secundi, qui procèdent directement de la volonté libre, et en troisième lieu les motus secundo-primi, par lesquels la volonté libre se laisse elle-même entraîner. » Les motus primo-primi sont les seuls que l’Apôtre attribue à la chair. « On en a conscience. mais ils échappent à la personnalité libre, et ne sont par conséquent ni coupables ni dirigeables. » Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 375. Cf. Ame, t. i, col. 459. La chair, à laquelle l’âme sert de principe vital, ne représente donc dans ces passages que l’influence mauvaise exercée sur la volonté libre par la concupiscence originelle, en sorte que la chair est plutôt le théâtre que

le principe de cette opposition à l’esprit.
H. Lesêtre.

2. CHAIR DES ANIMAUX. Dans cet article, il ne s’agit de la chair des animaux qu’au point de vue de l’abstinence. L’ordre et la logique nous obligent à parler aussi, sous ce même rapport, du sang des animaux.

I. Chair des animaux es général. — 1° Avant le déluge.

— D’après plusieurs commentateurs juifs, la chair des animaux était défendue avant le déluge ; ils en trouvent la preuve dans la comparaison des deux textes, Gen., i, 29-30, et ix, 2-3. Dans le premier, Dieu assigne à Adam sa nourriture, et il n’y est question que des fruits de la terre et des arbres ; dans le second, Dieu assigne la nourriture des Noachides, disant expressément : & Tout ce qui a vie et mouvement sera votre nourriture ; je vous abandonne tout cela comme l’herbe verte, keyéréq’êséb. » Cette dernière expression mérite d’être remarquée. Dieu avait déjà permis à Adam les fruits de la terre ; afin de faire bien comprendre à Noé qu’il lui permettait aussi la chair des animaux, il dit : « Je vous abandonne tout cela comme je vous ai abandonné les fruits de la terre ; » ce qui suppose, d’après ces interprètes, qu’avant cette dernière permission, c’est-à-dire avant le déluge, les fruits de la terre seuls étaient permis aux enfants d’Adam. Cf. Selden, De Jure naturali, Wittenberg, 1770, p. 829-830. Cette interprétation des Juifs a été suivie par Lightfoot, dans sa Chronica temporum, ad Gen., ix, Opéra omnia, Utrecht, 1699, t. i, p. 9. Parmi les catholiques qui ont suivi cette opinion, Cornélius à Lapide, Gen., i, 29 et ix, 3, édit. Vives, p. 73, 153, cite Nicolas de Lyra, Alphonse Tostat et Denys le Chartreux (tous trois, ad Gen., i, 29). Leur raison est la même que celle des commentateurs juifs. La tradition païenne semble aussi favoriser cette opinion.

At vêtus illa œtas, cui fecimus Aurea nomen, Fcttibus avboreis, et, quas humus educat, herbis Fortunatà fuit, nec polluit ora cruore,

dit Ovide, Metnm., xv, 96-98, édit. Lemaire, Paris, 1822, t. iv, p. 502 ; cf. Metam., i, 89-106, ibid., t. iii, p. 56-60. Virgile, Georg., i, 125-128, édit. Lemaire, t. i, p. 268 ; Varron, De re rust., II, i, Opéra qux supersunt, édit. Henri Estienne, 1581, p. 58 ; Plutarque, Ilep’i <rap-- /.oyxft’a ; , ii, 3, 4, édit. Didot, p. 1220-1221 ; Porphyre, llepi ànoxiiç (De abstinentia), iv, 2, 15, édit. Didot, p. 68, 78-79, et saint Jérôme, Contra Jovin., ii, 13, t. xxiii, col. 302, constatent aussi cette tradition païenne. Néanmoins nous regardons comme plus probable l’opinion d’après laquelle, même avant le déluge, la chair des animaux était permise. Cette opinion est beaucoup plus commune parmi les commentateurs chrétiens, catholiques ou autres. Elle est soutenue par Cajetan, Gen., iv, 2, et ix, 2-3, Opéra, 3 in-f°, Lyon, 1639, t. i, p. 32, 51 ; Dom. Sotô, De justifia et jure, lib. v, q. 1, art. i ; Pererius, In Gen., Lyon, 1610, t. ii, p. 319-325 ; Cornélius à Lapide, Gen., ix, 2-3, p. 153 ; Leydekker, De Kepublica Hebrseorum, Amsterdam, 1704, p. 28. Pour prouver cette opinion, quelques auteurs traduisent ainsi, Gen., i, les fy. 29 et 30 : « Voici que je vous ai donné toutes les plantes…, et tous les fruits des arbres…, afin qu’ils soient votre nourriture, avec tous les animaux de la terre, et avec toutes les herbes vertes… » ; comme si Dieu, dès le commencement du monde, assignait aux hommes, comme nourriture : 1. les plantes et les fruits des arbres ; 2. les animaux de la terre ; 3. les herbes vertes. — Il est évident que, si cette interprétation est admise, il n’y a plus de discussion, et que la seconde opinion est la seule vraie. Mais cette interprétation ne peut pas se soutenir ; car : 1. Les mots qui commencent le ꝟ. 30, ûlekol hayyat ha-’ârés, doivent, à cause du’>, le, se traduire par le datif « et à tous les animaux de la terre, » et non pas « avec tous les animaux de la terre », le i ayant très difficilement ce dernier sens. — 2. Ces auteurs supposent, dans le y. 30, un ii, vav, avant les mots’et kol yéréq, de manière qu’ils puissent traduire : « et avec toutes les herbes, etc. » ; mais ce i, indispensable à leur opinion, ne se trouve que dans un très petit nombre d’exemplaires de la Genèse. — 3. Dans le j. 29, Dieu assigne à l’homme les plantes, ’êséb, comme une partie de sa nourriture ; pourquoi, dans le y. 30, rëpète-t-il la même chose, et dans les mêmes termes ? Cf. Rosenmuller,

In Gen., i, 30, Leipzig, 1821, t. i, p. 87-88. Il faut donc rejeter cette interprétation, et admettre, avec l’universalité morale des commentateurs, que dans le ꝟ. 29, Dieu assigne la nourriture de l’homme, et, dans le ꝟ. 30, celle des animaux : « Voici que je vous ai donné toutes les plantes, et tous les fruits des arbres, afin qu’ils soient votre nourriture, et (j’ai donné) à tous les animaux dé la terre… l’herbe verte pour nourriture. »

Mais nous n’avons pas besoin de faire subir ces contorsions aux yy. 29 et 30 du premier chapitre de la Genèse, pour prouver que la chair des animaux était permise avant le déluge. Il nous suffit, pour cela, de faire l’argument suivant. Quand un acte est autorisé par le droit naturel, il faut, pour que cet acte devienne interdit, un précepte clair et formel émanant de l’autorité législative. C’est ainsi que, le droit naturel permettant à Adam de manger du fruit de tous les arbres du paradis terrestre, il a fallu, pour lui interdire le fruit d’un de ces arbres, un commandement divin, clair et précis. La chair des animaux étant permise par le droit naturel, il aurait fallu, pour que cet aliment fut interdit à l’homme avant le déluge, un commandement de Dieu, exprès, clair et précis. Or, de ce commandement, nous ne trouvons trace nulle part. Les seuls textes apportés par les adversaires pour prouver l’existence de ce commandement, ce sont, nous l’avons dit, les textes rapprochés et comparés, Gen., i, 29-30 et ix, 2-3. Mais il est impossible d’y voir un commandement formel, imposé à l’homme, de s’abstenir de la chair des animaux ; que l’on compare ces textes aux yꝟ. 16 et 17, Gen., ii, où Dieu imposa à Adam un véritable précepte, et l’on touchera du doigt la différence. Que fait donc Dieu dans les versets, Gen., i, 29-30, et ix, 2-3 ? Il indique à l’homme quelle sera sa meilleure nourriture suivant les temps et les lieux, semblable à un père de famille qui abandonne à ses enfants d’abondantes provisions, mais qui, par prudence, leur indique les aliments qui leur seront plus profitables. Dieu, d’une part, abandonne à l’homme toute sa création : « Remplissez la terre, assujettissez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, etc., » Gen., i, 28, et puis il signale les aliments qui seront pour lui, en ce tempslà, les meilleurs, y. 29. Après le déluge, à cause, sans doute, de l’appauvrissement du sol et de l’affaiblissement de la constitution physique de l’homme, il signale, de plus, à Noé, comme nourriture, la chair des animaux. Gen., ix, 3. Telle est, croyons-nous, l’explication la plus simple et la plus naturelle des textes cités ; ils ne renferment pas un commandement, mais une simple indication, et, tout au plus, un désir, un conseil de Dieu. C’est ce désir et ce conseil qu’ont suivis les hommes les plus justes et les plus religieux de cette époque, comme Seth et sa postérité, et c’est ce qui a pu donner lieu aux traditions poétiques, et probablement un peu historiques de l’âge d’or.

2° À partir du déluge. — Dieu, Gen., ix, 3, déclare aux Noachides que la chair des animaux leur est permise ; mais il ajoute, y. 4 : « Excepté que vous ne mangerez pas la chair mêlée avec le sang. » Quel est le sens de cette restriction ? Pour la bien comprendre, il faut avoir sous les yeux le texte hébraïque : V-^Nn nS id~’ïï ?323 i™ ; — ; s, ’afebàsàr benafëô dàmô lô" (o’kêlû. La traduction littérale est celle-ci : « Excepté que vous ne mangerez pas la chair dans (ou avec) son àme, son sang. » Les mots « son sang » sont ajoutés, par une sorte d’apposition, aux mots « son âme ». Le sens direct et immédiat est donc : « Vous ne mangerez pas d’une chair encore animée de son sang. » Les Septante ont traduit : n).r, v xpéx ; èv ocIu.aTi ç - J"/î ;  ; o-j ?ày£a6s, « excepté que vous ne mangerez pas la chair avec le sang de l’âme, c’est-à-dire avec le sang de la vie, le sangvital. » Aquila : Il).r ( v zçla ; èv ^’J/^ aùrot a*p.a a-j-uoO o’i ziyEcbî. Symmaque : II).r, v y.psi ; o-j cJv livr/ij aïv.z iùtoC, etc. La Vulgate : Excepto quod camem cum sanguine non comedeiis. On le voit, d’après toutes ces ver

sions, la défense proprement dite porte directement sur la chair animée de son sang ; ce qui était donc directement défendu aux Noachides, c’était de couper à un animal vivant un membre, un organe, ou une partie quelconque de sa chair pour s’en repaître. Aussi les commentateurs juifs et ceux qui les ont suivis énoncent-ils cette défense par une des formules suivantes : Interdiction de membro animalis viventis ; — Non tollendum membrum de animali viventi ; — Non abscindendum membrum de vivo animali ; — Ne membrum vivo animali amputatum comederet Noachus. Voir ces formules dans Selden, De jure naturali, i, 10, p. 116-126. D’après les rabbins, ce précepte est un des sept qui furent imposés aux Noachides. Cf. Maimonide, De Regibus Hebrœorum, IX, 1, traduction Leydekker, dans les Opuscida de Crenius, Rotterdam, 1690 ; t. ix, 7, p. 133. Plusieurs commentateurs chrétiens ont suivi cette manière de parler, entre autres, Genebrard, Chronologia Hebrœorum major, Bàle, 1580, ad an., mundi, 1656, et Selden qui, dans l’ouvrage cité plus haut, De jure naturali, donne en sept livres un long et très savant commentaire des sept préceptes imposés aux Noachides ; dans le septième livre, il expose le précepte De membro animalis viventis non comedendo.

— Pourquoi ce précepte imposé aux enfants de Noé ? Maimonide, More Nebochim, part, iii, c. 48, édit. Buxtorf, p. 496, en donne deux raisons principales : « Il a été défendu, dit-il, de manger un membre d’un animal vivant, c’est-à-dire un membre coupé sur un animal vivant, soit parce que c’est un signe de cruauté, soit parce que, à cette époque, les rois païens avaient coutume d’agir ainsi, et cela par idolâtrie ; ils saisissaient un animali lui coupaient un membre, et le mangeaient. » De pareilles cruautés sur des animaux vivants sont signalées chez les païens, par Clément d’Alexandrie, Cohortatio ad Génies, ii, t. viii, col. 72, et par Arnobe, Adv. Gent., v, 19, t. v, col. 1118-1122. Ce qui se faisait dans ces temps anciens, se faisait encore, quoique peut-être pas par idolâtrie, dans des temps beaucoup plus rapprochés de nous, vers la fin du siècle dernier, en Abyssinie, comme on peut le voir dans Burder, Oriental Custonis, t. i, n » 8, Londres, 1822, p. 7-11. C’est cette cruauté que Dieu a défendue aux enfants de Noé, au moment même où il leur assignait comme nourriture la chair des animaux ; cette sage prescription avait le double avantage et d’adoucir leurs mœurs, et de les détourner de pratiques idolâtriques. — La prohibition dont nous parlons comprenaitelle la défense de manger ou boire le sang des animaux, nous allons le dire dans le paragraphe suivant.

IL Sang des animaux. — 1° Défense de manger ou boire le sang des animaux. — Les auteurs ne s’accordent pas sur l’origine historique de cette défense, les uns affirmant qu’elle était comprise dans la prohibition faite par Dieu aux enfants de Noé, dans le texte expliqué ci-dessus, Gen., ix, 4, les autres soutenant que Moïse est le premier qui ait porté cette défense. Cette seconde opinion est de beaucoup la plus commune parmi les commentateurs juifs qui disent, en conséquence, qu’il était permis aux Noachides de boire le sang des animaux. C’est l’enseignement formel de la Ghemara de Babylone, qui donne cette doctrine comme la « tradition des Sages », et n’attribue l’opinion contraire qu’à un seul rabbin, Chanina ben Gamaliel ; voir Ghemara Babyl., traité Sanhédrin, vii, traduction latine d’Ugolini, dans son Thésaurus anliquit. Sacr., Venise, 1762, t. xxv, col. 706. C’est aussi l’enseignement de Maimonide, De liegibus, ix, 10, traduction citée, p. 148. Cf. Selden, De jure naturali, p. 82. L’interprétation juive a été suivie par Cajetan, In Gen., ix, Opéra, t. i, p. 51, et quelques autres commentateurs chrétiens. — La plupart des exégètes chrétiens enseignent l’opinion contraire, qui fait remonter jusqu’à Xoé la prohibition de manger le sang des animaux, et croient la trouver dans le texte Gen., ix, 4.

Pererius, In Genesim, Lyon, 1610, t. ii, p. 332 ; Cornélius à Lapide, In Gen., ix, 4, t. i, p. 154 ; Rosenmiïller, In Gen., ix, 4, t. i, Leipzig, 1821, p. 183-181. L’historien Josèphe, par la manière dont il expose le précepte Gen., ix, 4, semble abandonner sur ce point l’opinion de ses compatriotes et regarder le sang comme détendu aux Noachides : « Je vous ai faits maîtres (dit Dieu aux enfants de Noé) de tous les animaux tant terrestres que volatiles et aquatiques, à l’exception du sang, car en lui est la vie, x^P^’ï aiixato ; , èv to-jtù) yap Ig-ïj r] J/u-jpii Antiq. jud., i, iii, 8. — L’opinion de la Ghemara paraît plus conforme au texte sacré ; d’après le passage de Gen., ix, 4, et les versions citées plus haut, on voit qu’il s’agit, dans la défense imposée aux Noachides, non pas de la chair ou du sang, mais de la chair avec ou dans le sang. Les partisans de l’opinion contraire semblent avoir confondu le précepte de la Genèse avec les lois spéciales qui furent imposées plus tard, non plus aux Noachides, mais aux enfants d’Israël. — La défense de boire ou de manger le sang des animaux est répétée dans le Lévitique et le Deutéronome jusqu’à sept fois. Lev., iii, 17 ; vii, 26-27 ; xvii, 10-14 ; xix, 26 ; Deut., xii, 16 ; 23-24 ; xv, 23. Le législateur y met une insistance inaccoutumée, comme on le voit dans ces passages. La défense est imposée non seulement aux enfants d’Israël, mais encore à l’étranger qui vit parmi eux ; Lev., xvii, 10. Remarquons qu’il ne s’agit que du sang des animaux qui vivent sur la terre, et des oiseaux ; le sang des poissons n’est pas interdit, comme on le voit Lev., vu, 26 ; xvii, 13.

2° Sanction de cette défense. — Elle est exprimée en trois endroits : « Tout homme qui aura mangé du sang périra du milieu de son peuple. » Lev., vii, 27 ; xvii, 14. Dans un troisième texte, Lev., xvii, 10, Dieu semble se charger lui-même d’exécuter la vengeance : « Si un homme mange du sang, je poserai ma face contre lui, et je le perdrai du milieu de son peuple. » Dans ces trois passages, l’hébreu emploie le mot kârat, « extirper, couper ; » les Septante ont traduit par è|o>t>6peu6 ?|<7eTat, ànoXtXzai, àno).<5, et la Vulgate par interibit, peribit, disperdam. On ne sait pas exactement en quoi consistait la peine exprimée par le mot kârat. Ce mot qui est employé environ trente-six ou trentesept fois dans le Pentateuque comme pénalité sanctionnant différentes lois, signifie quelquefois la peine de mort, par exemple, Ex., xxxi, 14 ; Lev., xvii, 4, et probablement Lev., xviii, 29, et ailleurs. Mais on ne pourrait l’affirmer, d’une manière générale, pour tous les cas, en sorte que, dans le cas présent, nous ne pouvons pas dire si le coupable était toujours puni de la peine de mort. Michælis, Mosaisches Recht, § 237, 1780, t. v, p. 37-43 ; Gesenius, Thésaurus, p. 718. D’après l’interprétation juive, appuyée, ce semble, sur le passage, Lev., xvii, 10, rapporté ci-dessus, le mot kârat signifierait la peine d’une mort prématurée, infligée ou plutôt ménagée par Dieu lui-même, par les voies secrètes de sa providence. D’après les interprètes chrétiens, catholiques ou protestants, ce serait tantôt la peine de mort, prononcée par le juge humain, tantôt une sorte d’excommunication. Voir Bannissement.

3° Motifs de cette défense. — Ils peuvent se ramener aux trois suivants : — 1. Le législateur a d’abord voulu détourner son peuple de toute effusion de sang humain. — Cela est évident par la combinaison des textes. Cf. Gen. ix, 4, et Lev., vii, 26 ; xvii, 10-14. Il est certain, par l’histoire, que les peuples accoutumés à boire le sang des animaux ont été ordinairement très cruels, et sont arrivés à ne plus faire aucune différence entre le meurtre d’un animal et celui d’un homme. C’est pour écarter le danger même éloigné de cette barbarie que Moïse défend aux Israélites de boire ou de manger le sang des animaux. S. Jean Chrysostome, In Genesim, Hom. xxvii, 5-6, t. lui, col. 2K-247 ; Théodoret, In Deut., q. xi, t. lxxx, col. 420 ; S. Thomas, 1° 2*, q. 102, art. 3. - Bien plus, afin de

leur faire observer cette défense avec plus de fidélité et par des vues plus élevées, Moïse prétend leur inspirer pour le sang un certain respect religieux, soit en les assurant que Dieu lui-même se réserve le sang comme une offrande expiatoire pour leurs péchés, soit en leur répétant, sous toutes les formes, que le sang c’est la vie même des animaux. Lev., xvii, 14 ; Deut., xii, 23. Cf. Rosenmùller, In Lev., xvii, 11, Leipzig, 1824, t. ii, p. 108. Cette dernière pensée était familière aux écrivains sacrés, on sait que les anciens mettaient dans le sang le siège de la vie. Voir Virgile, JEn., i, 116-119 ; ix, 349 ; etc.

— 2. Un passage du Lévitique, xix, 26 : « Vous ne mangerez rien avec le sang, vous n’userez pas d’augures, vous n’observerez pas les songes, » nous fait entrevoir un . autre motif d’interdire l’usage du sang aux Israélites. C’est que le sang, à cette époque, était employé à des pratiques magiques, superstitieuses et idolâtriques ; boire le sang était unepratique du culte des idoles. C’était une croyance répandue dans les premiers siècles de notre ère, et qui venait évidemment d’une tradition très antique, que le sang était la nourriture des dieux ou des démons. Nous avons, comme témoins de cette croyance, des auteurs extrêmement graves. Origène dit ces paroles remarquables : « Quant à ce qui regarde les chairs étouffées, comme le sang n’en est pas exprimé, et que le sang, dit - on, est la nourriture des démons, qui se repaissent des parties qui s’en exhalent, l’Écriture nous interdit le sang, afin que nous ne nous nourrissions pas de la nourriture des démons. Car peut-être, si nous mangions des chairs étouffées, quelques-uns de ces esprits en mangeraient avec nous ; voilà aussi pourquoi nous nous abstenons du sang ». Conl. Cels., viii, 30, t. xi, col. 1559. Et le savant docteur ne dit pas cela une fois en passant, il le répète en beaucoup d’autres endroits. Cont. Cels., IV, 32, t. xi, col. 1075 ; vii, 5, col. 1417 ; viii, 60, col. 1607 ; vin, 62, col. 1610 ; viii, 63, col. 1611 ; Exkort. adMartyr., 45, t. xi, col. 622-623. Comme on le voit par ce dernier passage, et par d’autres, par exemple, De PHncip., Proœm., 8, t. xr, col. 120, Origène pensait que les démons, c’est-à-dire les faux dieux des païens, ont un corps aérien, et que, pour soutenir ce corps, ils ont besoin d’une certaine nourriture. Or, d’après l’opinion dont il est le témoin, cette nourriture consiste surtout dans les exhalaisons qui s’échappent du sang des victimes. La même opinion est rapportée par Tertullien, Apolog., 22, 23, t. i, col. 407, 415 ; Athénagore, Légat, pro christ., 26-27, t. vi, col. 952-953, et plusieurs autres ; cf. Wetstenius, note sur Origène, dans Migne, t. xi, col. 621-625. Ces auteurs avaient emprunté cette opinion aux païens, chez qui elle était commune ; leurs sages l’enseignaient, au témoignage de Celse, dans Origène, Cont. Cels., viii, 60, t. xi, col. 1607. C’est ce qui excitait la bonne humeur de Lucien, De Sacrificiis, Opéra, Paris, 1615, p. 185. Dans Homère, non seulement les dieux, mais encore les âmes des défunts, aspiraient et buvaient le sang des victimes, comme on peut le voir Odyss., x, 35 et suiv. Maimonide, parlant des Zabiens, partisans du mazdéisme, dit qu’ils boivent le sang des animaux, parce que, selon eux, c’est la nourriture des dieux. More Nebochim, iii, 46, traduction Buxtorf, p. 484. Voilà pourquoi, dans les sacrifices des païens, on versait en abondance le sang des victimes, afin d’apaiser et de satisfaire les dieux, en les régalant ; voilà pourquoi aussi les païens buvaient le sang des victimes, afin, pour ainsi dire, de partager la nourriture de leurs dieux, et de témoigner par là une union plus étroite et plus intime avec eux. D’après llichælis, Mosaisches Recht, 206, t. iv, p. 220-221, c’était une coutume, chez les nations païennes de l’Asie, de boire du sang des animaux dans les sacrifices offerts aux idoles et dans la prestation des serments. En Perse, particulièrement, l’usage du sang comme boisson dans les sacrifices était tellement reçu que, dans les temps de persécution, on forçait les chrétiens d ? ce pays à boire du

sang, comme on les forçait ailleurs à brûler de l’encens ; l’un et l’autre étaient également des signes d’apostasie. On buvait aussi également le sang des victimes dans les temples de la Grèce et de Rome. Valère Maxime, V, yi, 3, édit. Lemaire, 1822, t. i, p. 395 ; Acta Fratrum Arvalium, édit. Henzen, Berlin, 1874, p. 21, 23-24 ; Prudence, Perist., x, 1011-1040, t. lx, col. 520-523. Tous les auteurs s’accordent à signaler l’existence de ce rite idolâtrique chez les nations païennes. Kuinoel, In Acta Apostolorum, xv, 20, Leipzig, 1827, p. 520 ; Spencer, De Legibus Hebrseorum Ritualibus, La Haye, 1686, p. 450-451.

— Dès lors l’obligation de s’abstenir du sang, pour les Israélites, s’éclaire d’un nouveau jour. Tout le monde sait qu’un des buts principaux de Moïse, dans ses lois, c’était d’écarter à tout prix l’idolâtrie de son peuple ; afin d’atteindre cette fin plus sûrement, il-ni défend, et avec une grande sévérité, non seulement l’idolâtrie proprement dite, mais encore les pratiques qui, quoique permises absolument par le droit naturel, faisaient cependant partie du culte idolâtrique chez les nations païennes, voisines d’Israël. Tel était l’usage de boire le sang des animaux. Voilà pourquoi Moïse défend cette pratique avec tant de rigueur, et c’est là ce qui explique, soit l’insistance avec laquelle il intime cette défense, soit la gravité des peines dont il menace les délinquants, soit le caractère universel de cette loi, qui atteignait non seulement les Juifs proprement dits, mais encore, à la différence de beaucoup d’autres lois, les étrangers qui vivaient parmi les Juifs. Aussi plusieurs auteurs disent que le motif que nous exposons fut la raison principale qui fit défendre aux Israélites l’usage du sang. Maimonide, cité plus haut, fait même cette remarque, que Dieu n’a prononcé que deux fois ces terribles paroles : « Je poserai ma face contre lui ; » une fois contre le père qui immole son fils à Moloch, Lev., xx, 3 ; l’autre fois contre celui qui boirait du sang, Lev., xvii, 10. More Nebochim, endroit cité, p. 484. — 3. Un troisième motif, qui n’est pas le principal, et qui n’est pas indiqué dans le texte, mais qui certainement n’a pas échappé au législateur, c’est le point de vue hygiénique. Ce motif est signalé par d’anciens commentateurs, par exemple, Pererius, In Genesim, Lyon, 1610, t. 2, p. 335-336, et même par saint Jean Chrysostome : « Le sang des animaux, dit ce Père, est lourd, terrestre, mélancolique, et le principe d’un grand nombre de maladies ; c’est pourquoi Moïse l’a interdit. » In Genesim, Hom. xxvii, 5, t. lui, col. 246. Notre langage est différent aujourd’hui, mais le fond est le même. Parlant de ces prohibitions de Moïse, le docteur Guéneau de Mussy s’exprime ainsi : « C’est dans le sang que circulent les germes d’un grand nombre de maladies infectieuses ; les animaux doivent (d’après la loi de Moïse) être saignés, avant d’être appelés pour servir à l’alimentation. » Étude sur l’hygiène de Moïse, in-8°, Paris, 1885, p. 8-9, dans F. Vigoureux, Les Livres Saints, 1887, t. iii, p. 617. Il n’est personne qui ne reconnaisse la sagesse de cette loi mosaïque, au point de vue hygiénique en général, et plus spécialement pour l’Orient, où la question de l’alimentation réclame des soins très particuliers. D’après plusieurs auteurs, c’est même là le motif pour lequel Moïse a écarté absolument, même du culte du vrai Dieu, l’usage de boire du sang dans les sacrifices. En effet, Moïse, dans ses prescriptions liturgiques, a adopté certains rites en usage chez les païens, en les rapportant et en les consacrant au culte de Jéhovah. Pourquoi n’aurait-il pas fait de même pour l’usage du sang ? C’est que cet usage paraît contraire au sentiment naturel de l’homme, qu’il peut avoir une influence fâcheuse même sur le moral, et que, spécialement, au point de vue de la santé, il peut être nuisible, et même, dans certains cas, mortel. Michælis, Mosaisches Recht, § 206, t. iv, p. 221-223. — Tels sont les trois motifs qui ont engagé le législateurhébreu à faire cette prohibition sévère ; et l’on ne’peut s’empêcher d’admirer avec quelle

sagesse et quelle habileté, dans un. seul point de sa législation, Moïse a su satisfaire, et du même coup, tous les intérêts, religieux, politiques, hygiéniques et moraux de son peuple, le maintenir dans le culte du vrai Dieu, procurer son bien physique, et, en même temps, le diriger dans la voie de la civilisation. — Nous retrouvons cette prohibition chez quelques autres peuples : par exemple, chez les Arabes. Cf. Sale, Observations sur le mahométisme, Section v, dans Pauthier, Les Livres sacrés de l’Orient, Paris, 1843, p. 514. Mahomet l’a conservée dans le Koran, ii, 168 ; v, 4, etc., traduction Kasimirski, Paris, 1891, p. 25, 85. Les Arabes sont restés fidèles à cette loi, comme nous le voyons, pour le siècle dernier, par Niebuhr, Description de l’Arabie, traduction française, in-4°, Paris, 1779, t. i, p. 250.

4° Observation de cette défense. — Dans tous les temps, et même après leur dispersion dans le monde, nous voyons les Juifs très fidèles à observer cette prohibition mosaïque. Elle est consignée dans la Mischna, traité Kerithouth, v, édit. Surenhusius, t. v, p. 257, et, parmi les trente-six excommunications qui sont portées (dans ce même traité, i) contre différents délits, la vingtquatrième frappe ceux qui mangent du sang. Les auteurs qui ont écrit sur les lois ou coutumes juives s’accordent à reconnaître que les Juifs sont fidèles à la prescription de Moïse sur ce point. C’est le témoignage que leur rendent Buxtorf, Synagoga Judseorum, Bàle, 1641, xxvii, p. 399 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 206, t. iv, p. 220 ; Saalschùtz, Dos Mosaische Redit, Berlin, 1853, k. xxix, p. 262 ; Léon de Modène, Cérémonies et coutumes des Juifs, ii, 7, Paris, 1081, p. 66-69.

5° Cette défense sous la Nouveau Testament. — La défense de boire le sang des animaux fut renouvelée par les Apôtres au concile de Jérusalem (année 51 ou 52), et étendue aux Gentils convertis à la foi. Act., xv, 20. Ce fut une époque mémorable dans l’histoire de l’Église naissante. Avant le concile, plusieurs judéo-chrétiens, zélés pour la loi de Moïse, disaient aux Gentils qu’ils ne pouvaient espérer de salut sans la circoncision, Act. xv, 1, et, par suite, sans l’observation de toute la loi à laquelle on s’engageait en recevant la circoncision. Act., xv, 5. , Les Apôtres et les Anciens se réunirent pour délibérer sur cette grave question, qui suscita de grands débats. Act., xv, 7. Les uns prétendaient qu’il fallait imposer aux Gentils le joug de la loi de Moïse ; Pierre fut d’un autre avis, alléguant la conversion de Corneille, qui avait reçu le don du Saint-Esprit, indépendamment de la loi de Moïse. Jacques, évêque de Jérusalem, proposa, entre les deux extrêmes, un moyen terme. Il appuya le principe posé par Pierre, mais il opina qu’il était à propos d’interdire aux Gentils devenus chrétiens les viandes immolées aux idoles, le sang, les viandes étouffées et la fornication. Toute l’assemblée adopta cet avis, et, en conséquence, elle écrivit aux Gentils convertis d’Antioche, de Syrie et de Cilicie, ces paroles : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous, de ne pas vous imposer d’autre fardeau que celui-ci, qui est indispensable, de vous abstenir des mets immolés aux idoles, du sang, des viandes étouffées et de la fornication. » Act., xv, 28. Ainsi fut étendue à tous les membres de l’Église la défense de boire le sang des animaux. Pourquoi, dans le naufrage de toutes les observances mo- : saïques, cette loi spéciale fut-elle maintenue avec une ou deux autres seulement ? La raison en est évidente, après ce que nous avons dit des motifs de cette loi. Comme l’usage de boire le sang des animaux était, chez les païens, une pratique idolâtrique, il était très opportun, pour ne pas dire nécessaire, de l’interdire aux chrétiens, tant qu’ils vivaient au milieu des païens, soit afin d’écari ter pour eux le plus possible le danger de l’idolâtrie, soit afin de protester contre cette injure faite au vrai Dieu. Telle est la raison que donnent, du décret apostolique, Spencer. De Legibus Hebrseorum rituahbus, La Haye, ’1686, p. 449-472 ; Michælis, Mcsaisches Recht, § 206, i

t. iv, p. 224 ; Kuinoel, In Act. Apost., xv. 20, Leipzig, 1827, p. 520. Aussi nous voyons le décret du concile de Jérusalem, sur le point qui nous occupe, observé parles chrétiens, et, au besoin, rappelé par les premiers pasteurs, tant que le paganisme fut debout ; Canon 62 des Apôtres ; Canon 2 du concile deGangres’vers 362), dans-Mansi, Concilia, Florence, 1759. t. ii, col. 1101 ; Clément d’Alexandrie, Pœdag., iii, 3, t. viii, col. 592^ sainte Byblias, martyre, dans Eusèbe, H. £., v, 1, t. xx, col. 417 ; Tertullien, Apolog., ix, t. i, col. 323-324-Minucius Félix, Octavius, xxx, t. iii, col. 335 ; S. Augustin, Contra Faustum, xxxii, 13, t. xlii, col. 504. Il survécut quelque temps à la chute du paganisme, au moins dans quelques pays ; au VIIe siècle, il fut renouvelé par le concile in Trullo (692 <, can. 69 ; au IXe, par l’empereur Léon le philosophe (886-911), Nou. -58. Cf. Noël Alexandre, Historia ecclesiastica, Bingen, 1786, t. iv, p. 318-3-25.

III. Chairs étouffées. — 1° Notion et prohibition.

— Les mots « chairs étouffées » ne se trouvent pas dans l’Ancien Testament ; nous trouvons seulement le verbe hânaq, au pihel et au nipltal, signifiant « étrangler, étouffer ». Nahum, ii, 13 ; II Sam. (Reg.), xvii, 23. Les Septante, Nahum, ii, 13, ont traduit ce mot parle verbe n-nym ; c’est aussi le mot correspondant dans le Nouveau Testament ; nous le trouvons Matth., xiii, 7, où il est dit des épines, qui « étouffent » le bon grain ; xviii, 28, où il est dit du méchant serviteur qui « serre » la gorge à son débiteur ; Marc, v, 13, où il est dit des animaux qui périssent « étouffés » dans la mer. De ce verbe est dérivé l’adjectif uvixtov, Act. xv, 20, 29 ; xxi, 25, que l’on traduit ordinairement par « viandes étouffées ». — On entend par « viandes étouffées » les chairs des animaux tués parle fait de l’homme sans effusion de sang. La légitimitéde cette définition résultera de tout ce que nous dirons dans ce paragraphe. Il ne s’agit donc pas des animaux qui sont, morts ou de leur mort naturelle ou déchirés par les bêtes, mais des animaux tués par l’homme directement ou indirectement, autrement que par l’effusion du sang. La loi qui concerne ces « viandes étouffées » est renfermée Lev., xvii, 13-14. Il y est strictement défendu de manger la chair des animaux ou oiseaux pris ou tués à la chasse, si l’on n’a point préalablement versé le sang, de ces animaux, et si on ne l’a pas enfoui dans la terre. Ce qui est ordonné ici spécialement des animaux ou oiseaux pris à la chasse, est étendu ensuite indistinctement à tous les animaux. Deut., xii, 1$1-$26 ; 23-24 ; xv, 23. Quand on veut manger leur chair, il faut les tuer par l’effusion du sang ; ou, s’ils ont été tués autrement, il faut verser leur sang, et répandre ce sang sur la terre « comme de l’eau ». C’est ce que fit exécuter Saùl, I Reg., xiv, 32-34.

Telle est la loi portée par Moïse ; elle est le développement et l’extension de la précédente qui concerne le sang des animaux. Moïse ne veut pas que les Israélites mangent ou boivent le sang, soit séparé de la chair, soit renfermé encore dans les veines de l’animal ; il veut qu’on verse ce sang, et qu’on le répande sur le sol. Cette loi ne. remonte pas au delà de Moïse ; le précepte contenu Gen., ix, 4, regarde seulement, comme nous l’avonsexpliqué, la chair « avec son âme ou sa vie », c’est-à-dire la chair encore vivante ; la manducation des « chairs étouffées » ne fut défendue que plus tard et aux seuls Israélites. Nous croyons donc fausse l’opinion de saint Jean Chrysostome, d’après lequel manger « la chair avec le sang », ce qui est défendu Gen., ix, 4, ce serait manger des « viandes étouffées ». S. Jean Chrysostome, In Gen., Hom. xxvii, 5-6, t. i.m. col. 246-247.

Afin d’observer plus fidèlement la loi de Moïse, prohibant les « chairs étouffées », les Israélites ont perfectionné l’art de tuer les animaux, afin que le sang s’écoulât plus complètement et qu’il n’en restât que le moins possible dans la chair de l’animal. Les prescriptions rab

biniques qui concernent ce point sont renfermées dans la Mischna, traité Kôlin, dont les douze chapitres traitent la question sous toutes ses faces. De plus, à l’usage des bouchers israélites, les maîtres ont composé des manuels qui, joints à l’expérience, pouvaient apprendre aux aspirants l’art de tuer. Buxtorf, Synagoga Judseorum, Bâle, 1641, c. 27, p. 400, donne un aperçu de ces manuels ; il nous apprend que, de son temps, les rabbins délivraient des diplômes qui conféraient aux candidats le droit d’exercer les fonctions de boucher ; il donne même le texte d’un de ces diplômes, qu’il a eu sous les yeux. Maimonide, More Nebochim, iii, 48, p. 496, fait observer que, dans les prescriptions dont nous parlons, les rabbins se sont proposé, non seulement de verser le sang plus complètement, mais aussi de rendre aux animaux la mort le plus douce ou plutôt le moins cruelle possible. — Nous trouvons la même loi sur les « chairs étouffées » chez les Arabes ; Mahomet l’a consignée dans le Koran, v, 4. D’après Niebuhr, Description de l’Arabie, Paris, 1779, t. i, p. 249, cette loi est encore parfaitement observée chez eux.

2° Sanction de cette loi. — C’est la même que pour la loi qui défend de boire ou de manger le sang des animaux. Moïse, ayant défendu, Lev., xvii, 13, de manger les animaux tués sans elfusion de sang, ajoute, .J. 14, la raison et la sanction : « Car la vie de toute chair est dans son sang ; c’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : Vous ne mangerez pas le sang des animaux, car leur vie est dans leur sang ; quiconque le mangera, périra. » Ce dernier mot traduit le verbe hébreu kârat, « extirper, couper ». La peine est donc la même que nous avons expliquée au paragraphe précédent, c’est-à-dire peut-être la peine de mort, dans tous les cas une peine très grave, une sorte d’excommunication.

3° Motifs de cette loi. — Ce sont les mêmes encore, proportion gardée, que pour la défense de boire ou de manger le sang des animaux. Nous signalons surtout les deux suivants : — 1. Le premier nous est indiqué par le texte même que nous venons de citer, Lev., xvii, 14 et par Deut., xii, 23-24 : « Car leur sang, c’est leur vie, et ainsi vous ne devez pas le manger avec leur chair. » Dieu veut détourner les Israélites de l’effusion du sang humain ; pour les éloigner de la pensée de commettre ce crime, il leur inspire une sorte de respect religieux, même pour le sang des animaux ; sans doute, ils pourront le verser, mais ils ne pourront jamais le boire, ni séparé de la chair de l’animal, ni encore mêlé à cette chair. Pourquoi ? parce que ce sang, c’est la vie ; or ce serait une chose cruelle, barbare, de boire ou manger la vie des animaux. — 2. Le second motif se rapporte au but principal que s’est proposé Moïse dans l’ensemble de sa législation, qui était d’éloigner à tout prix le peuple de Dieu, non seulement de l’idolâtrie proprement dite, mais encore de toutes les pratiques idolùtriques, et de tout ce qui pourrait, de près ou de loin, les faim tomber dans ce crime. Nous renvoyons ici aux textes d’Origène cités ou indiqués plus haut, col. 493, qui regardent à la fois les « chairs étouffées » et le sang. D’après ces textes, témoins de toute une tradition païenne, le sang, si appétissant pour les démons, n’était pas seulement le sang séparé de la chair de l’animal, mais encore celui qui est renfermé dans ses veines ; voilà pourquoi, dit Origène, « afin de ne pas participer à la table des démons, nous nous abstenons, non seulement de boire le sang des animaux, mais encore de manger la chair des animaux tués par suffocation, » c’est-à-dire autrement que par l’effusion du sang. Aussi, pour les chrétiens, le sang des animaux, même renfermé dans leurs veines et mêlé à leur chair, était un aliment impur. Voir aussi Tertullieu, Apolog., t. i, col. 323-324. — Cette tradition païenne était plus que suffisante pour autoriser et même obliger Moïse à défendre à son peuple les « viandes étouffées » ; mais, de plus, chez plusieurs peuples païens, l’usage était d’im moler aux dieux les victimes, non pas en répandant leur sang, mais en les étouffant. Je ne sais si cet usage était en vigueur chez les peuples au milieu desquels vivaient ou devaient vivre les Israélites ; mais Strabon nous apprend qu’il était pratiqué chez les Indiens. Strabon, XV, I, 54, édit. Didot, p. 604. Voilà pourquoi Guillaume de Paris, De Legibus, c. 8, Opéra omnia, Rouen, 1674, t. i, p. 38-39, dit que la suffocation était un mode d’immolation aux démons, par lequel on croyait leur sacrifier l’âme même des animaux. Aussi plusieurs auteurs, dont parle Alexandre de Halès, Sumnia theologica, part, iii, q. 15, assurent-ils que la raison principale pour laquelle Moïse défendit à son peuple les « chairs étouffées, » c’est précisément que la suffocation était, chez plusieurs peuples païens, un des rites sacrés par lesquels on immolait aux démons.

4° Détail particulier dans l’accomplissement de cette loi. — Un mot du Lévitique reste à expliquer. Dans le chapitre xvii, 13, après avoir ordonné aux Israélites de répandre le sang de tous les animaux qu’ils voulaient manger, Moïse leur commande « d’enfouir ce sang sous terre. » Ici encore, le législateur hébreu veut détourner son peuple d’une pratique idolâtrique. C’était un usage chez les païens de se réunir autour du sang répandu, comme si c’était un objet sacré, et presque une divinité. Nous voyons dans Homère les âmes des morts se réunir autour du sang des animaux qu’Ulysse avait immolés. Odys., xi, 36-37. Cf. Guillaume de Paris, à l’endroit cité. Afin d’empêcher les Israélites de se réunir autour du sang qu’ils avaient versé, ou de lui rendre quelque autre marque extérieure du culte idolâtrique, il veut qu’ils le fassent disparaître en l’enfouissant sous terre. Cette explication nous est donnée par Maimonide, More Nebochim, iii, 46, p. 485. Elle a été acceptée par Spencer, De Legibus Hebrseorurn Ritualibus, i, 6, p. 106.

5° Les. chairs étouffées, dans le Nouveau Testament. — La défense de manger des « chairs étouffées » fut renouvelée par les Apôtres au concile de Jérusalem, et étendue aux Gentils convertis, Act. xv, 20, 29 ; elle fut renouvelée pour les mêmes motifs et dans le même texte de loi que la défense de boire le sang des animaux. S. Jérôme, In Ezech., xliv, 3, t. xxv, col. 444, nous montre les « chairs étouffées » encore prohibées de son temps, au moins en Orient, où il écrivait alors ; mais d’après saint Augustin, Cont. Faust., xxxii, 13, t. xlii, eol. 504, la prohibition était tombée en désuétude, en Afrique, dans la première moitié du v siècle. Du reste, les deux défenses concernant le sang des animaux et les « viandes étouffées », étaient indissolublement unies, et ont passé par les mêmes phases historiques pour l’origine, le développement et la décadence.

IV. Chairs des animaux morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes. — Les animaux morts de maladie ont aussi attiré l’attention du législateur hébreu ; leur chair (hébreu : nebêlàh ; Vulgate : morticinum) est interdite comme nourriture. Sur la même ligne sont placés les animaux morts déchirés par une bête, soit qu’ils aient été tués par cette béte, soit que, étant morts autrement, ils aient été entamés par elle. Les lois qui concernent ces deux catégories d’animaux se trouvent Exod., xxii, 31 ; Lev., xvii, 15-16 (cf. xi, 39-40 ; xxii, 8) ; Deut., xiv, 21. Moïse, dans ces textes, défend strictement aux Hébreux de manger la chair de ces animaux. Évidemment il ne s’agit, dans ces passages, que des animaux « purs » ; car pour les « impurs », s’ils sont souillés étant vivants, à plus

; forte raison lorsqu’ils sont morts. La sanction de cette’loi, c’est une « impureté légale », encourue par le délin ; quant, en vertu de laquelle il est déclaré « impur » pendant

une journée entière, et obligé de se laver le corps

: et les vêtements, sous peine de châtiments plus sévères.

Lev., xvii, 15-16. — Quelques auteurs confondent, sous le rapport de l’abstinence, la chair des animaux morts i d’eux-mêmes, morticina, avec les « viandes étouffées »,

dont il a été question plus haut ; ils comprennent les morticina parmi les carnes suffocatse, sous prétexte que le sang des animaux reste dans leur cadavre, quand ils sont morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes, comme lorsqu’ils ont péri par la suffocation. Cette confusion a conduit ces auteurs à donner une extension beaucoup trop grande au décret du concile de Jérusalem, Act. xv, 20, 29 ; ce décret défendant les « chairs étouffées », ces auteurs prétendent qu’il défend par là même les morticina. — C’est une erreur ; dans la législation mosaïque, les deux défenses sont tout à fait distinctes ; elles diffèrent quant à la sanction ; la loi qui défend « les chairs étouffées » a pour sanction la peine spéciale du kàrat, c’est-à-dire la mort ou l’excommunication, Lev., xvii, 13-14 ; la loi qui défend les « chairs mortes » a pour sanction une simple impureté légale. Lev., xvii, 15-16. Les deux lois diffèrent aussi quant au sujet : la première oblige non seulement les Hébreux proprement dits, mais même les étrangers qui habitent dans le pays d’Israël, Lev., xvii, 13-14 ; la seconde n’oblige que les Hébreux et permet formellement les morlicina aux étrangers. Deut., xiv, 21. Aussi appelait-on les étrangers « mangeurs de chairs mortes ». Spencer, De Legibus Bébrœorum Ritualibus, p. 440 ; Selden, De jure naturali, vii, 1, Wittenberg, 1770, p. 828. Ces lois diffèrent quant aux motifs qui les ont fait porter ; les motifs de la loi contre les « chairs mortes » sont la propreté et l’hygiène ; dans l’autre loi, Moïse s’est proposé des motifs d’un ordre moral et bien supérieur, ceux surtout de détourner les Juifs de l’effusion du sang humain et de l’idolâtrie. Enfin les deux lois diffèrent quant à la rigueur de l’obligation : la loi concert nant les « viandes étouffées » est très grave, à cause de son but, et l’on ne voit nulle part qu’elle dût céder dans aucune circonstance ; la loi contre les « chairs mortes » cédait, soit dans le cas où les soldats hébreux passaient sur un territoire étranger, comme l’enseigne Maimonide, De Regibus, traduction de Leydekker, 1098, c. 8, n. 1, soit généralement dans le cas de nécessité, comme le dit Grotius, De jure belli, I, iv, § 7, n » 1, La Haye, 1680, p. 97.

Nous venons d’insinuer les motifs de la loi qui défend la chair des animaux morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes ; ils se ramènent à deux principaux. — 1. Le premier, c’est la vileté et l’impureté de cette nourriture ; elle ne mérite que d’être jetée aux chiens, Exod., xxii, 31 ; ce serait se souiller que de la prendre. Lev., xxii, 8. L’idée que Moïse donne de cette nourriture est tellement conforme à celle qu’en ont tous les peuples civilisés, qu’il suffit de l’énoncer pour la comprendre et l’accepter. Dieu voulait ainsi peu à peu purifier et élever les mœurs de son peuple ; bien plus, il voulait les sanctifier ; car c’est sous forme de précepte religieux qu’il propose cette loi. Deut., xiv, 21 ; Lev., xxii, 8. — 2. Le second motif, c’est l’hygiène. La chair des animaux morts d’eux-mêmes est insalubre ; la maladie qui les a fait mourir peut se communiquer par la manducation à ceux qui s’en nourriraient ; il en est de même des animaux déchirés par les bétes ; leurs chairs ont été exposées, pendant plus ou moins longtemps, aux piqûres et aux morsures des insectes, reptiles, oiseaux de proie, etc. ; elles sont donc dangereuses, surtout dans les pays chauds, où les chairs se décomposent plus proinptement. Maimonide a signalé l’insalubrité de ces chairs, More Nebochim, iii, 48, p. 495. — En raison de ces deux motifs, nous trouvons les mêmes prescriptions dans plusieurs pays orientaux. Mahomet les a empruntées aux Hébreux, Koran, ii, 168 ; v, 4, 6, traduction Kasimirski, p. 25, 85. Elles sont encore observées par les Arabes, d’après Niebuhr, Description de l’Arabie, t. i, p. 249. Pythagore recommandait aussi cette abstinence ; il dit que la pureté du corps consiste, entre autres choses, à s’abstenir des chairs déjà mangées (par les bêtes), ou des animaux morts d’eux-mêmes. Dans Diogène Lærce, De Vilis phil-, viii, Pythagoras,

33. édit. Didot, p. 212. Cf. Rosenmùller, In Exod., xxii, 30, t. ii, p. 387.

V. Autres cas particuliers d’abstinence. — En terminant ce qui concerne la chair des animaux au point de vue de l’abstinence, signalons quelques prohibitions particulières de la loi mosaïque qu’il suffit d’indiquer ou dont il sera traité plus à fond dans les articles spéciaux.

— 1. Les hommes « souillés », c’est-à-dire frappés d’une des impuretés légales établies par Moïse (Voir Impureté légale), ne peuvent manger de la chair des hosties pacifiques offertes au Seigneur. Lev., vii, 20-21. Ce délit est frappé de la peine du kâraf, dont il a été plusieurs fois parlé. On sait que, dans la plupart des sacrifices, une portion de la chair des victimes revenait à ceux qui les avaient offertes. — 2. La chair des victimes offertes au Seigneur, qui avait touché quelque chose d’  « impur », ne pouvait être mangée, mais devait être brûlée. Lev., vu, 19. — 3. La chair des victimes offertes au Seigneur ne pouvait être mangée que le jour même du sacrifice, ou le lendemain, jamais le troisième jour ; s’il reste quelque chose le troisième jour, il faut le brûler. Lev., vu, 16-18. Ici, la raison de la loi, c’est l’hygiène ; nous avons déjà remarqué qu’en Orient la chair des animaux morts ou tués subit une décomposition rapide. — 4. Si un bœuf frappe de sa corne un homme ou une femme, et que la mort s’ensuive, le bœuf sera lapidé, et sa chair interdite. Exod., xxi, 28. C’est le respect pour la vie humaine qui a dicté cette prescription. — 5. Tout vase, sur lequel tombe un insecte ou un reptile mort, est souillé ; l’eau qu’il renferme est souillée et interdite ; tout aliment sur lequel tomberait cette eau serait également souillé et interdit, Lev., xi, 31-35 ; cf. Num., xix, 15. Les commentateurs admirent ici les soins attentifs et presque minutieux que prend Moïse pour maintenir la propreté et écarter tout danger d’empoisonnement. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 205, t. iv, p. 207-208.

— 6. La loi de Moïse reproduit jusqu’à trois fois cette défense spéciale : « Vous ne ferez pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère. » Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21. Voir Chevreau. — 7. Le vœu du Nazaréat obligeait aussi à une abstinence particulière. Voir Nazaréen. — 8. La graisse des animaux est aussi l’objet de prohibitions spéciales au point de vue de l’abstinence. Voir Graisse. — 9. Les viandes immolées aux idoles sont également frappées d’une interdiction sévère. Voir Idoles.

S. Many.

CHAIRE. Ce mot vient du grec xaôsSpa, de xarâ et é’Spct, « siège » (qui dérive lui-même de É£ou.ai’, i s’asseoir » ), par l’entremise du latin cathedra.

I. Signification du mot. — 1° Catliedra, dans les auteurs classiques, désigne proprement une chaise sans bras, mais à dossier, comme celles dont se servaient les femmes (fig. 168). Horace, Soi., i, 10, 91 ; Martial, Ep., iii, 63, 7 ; xii, 38 ; Properce, iv, 5, 37 ; Phèdre, Fab., iii, 8, 4 ; Calpurnius, vii, 26, par opposition à sella. Voir Siège. Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités, t. i, 1877, p. 970. — 2° Cathedra désigne aussi le siège sur lequel s’asseyaient les philosophes et les maîtres de rhétorique (fig. 169) pour faire leurs leçons (Juvénal, vi, 90 ; Sénèque, De brev. vit., 10 ; Martial, i, 77, 14 ; Philostrate, Soph., ii, 2 ; Sidoine Apollinaire, Carrn., vu, 9, t. lviii, col. 678 ; Ausone, Epigr. 46), de sorte que ce mot devint comme un terme consacré pour signifier la chaise du professeur ou, en général, de celui qui enseigne. Par extension, elle devint également comme le symbole ou l’emblème de l’autorité enseignante. C’est dans ce sens qu’elle est passée dans le langage ecclésiastique, où elle s’entend, au sens propre, du siège sur lequel s’asseyait le pape ou l’évêque pour présider l’assemblée des fidèles, les instruire et remplir ses fonctions sacrées, et, au sens figuré, de l’autorité pontificale et épiscopale elle-même (Chaire de saint Pierre, le Saint-Siège, etc.). De là aussi l’église principale d’un SOI

CHAIRE

502

diocèse, dans laquelle est placée la cathedra de l'évêque, a pris le nom de « cathédrale ». À cause de cette signification symbolique, les premiers chrétiens représentèrent Dieu le Père, NotreSeigneur (fig. 170, et t. i, fig. 187,

168. — Jeune Grecque assise sur une cathedra, avec une esclave qui tient un éventail. D’après W. Hamilton, Collection of vases. mostly of pure Greeclc workmanshïp, 3 in-f°, Nàples, 1791-1795.

col. 787) et la Sainte Vierge (t. i, fig. 161, col. 654) comme les pontifes, assis sur une cathedra.

11. Emploi du mot cathedra daxs les versions de .l'Écriture. — Les Septante se sont servis plusieurs fois

109. — Professeur assis sur sa chaire. Peinture du columbarium de la villa PanBli. D’après les AbUandlungcn àer baierischen Altadewve âer Wissenschafben, Philologische Klasse, t. viii, pi. v.

du mot y.aBiôpa dans l’Ancien Testament, I Reg., xx, 18, 2j, etc. Saint Matthieu, xxi, 12 ; xxiii, 2, et saint Marc, xi, 15, en ont fait usage à leur tour dans le Nouveau. ( Les Évangélistes emploient de plus irpwTOxaBîôpi’a, Matth., xxiii, 6 ; Marc, xii, 39 ; Luc, xi, 43 ; xx, 46.) De même la Vulgate.

1° Dans l’Ancien Testament. — La version latine emploie le mot cathedra : 1. une fois pour désigner le siège royal (appelé communément thronus), en parlant de Saûl,

I Reg., xx, 25 (hébreu : môsâb) ; — 2. plusieurs fois pour désigner « un siège d’honneur », Eccli., vii, 4 (-/.aOé&pa 865c, ; ) ; xii, 12 ; Job, xxix, 7 (môsâb) ; Ps. evi (cvn), 32. Dans ce dernier passage, cathedra seniorum (hébreu : môsab zekênîm) signifie le lieu où les anciens du peuple

1 70. — Fond de verre représentant Notre-Seigneur sur une cathedra. D’après GarrucCi, Vetri ornati di figure in oro, pi. xviii, 4.

s’assemblent et s’asseoient pour délibérer. — 3. Dans le Psaume i, 1, cathedra pest-ilentise (hébreu : môsab lêsim, « le siège des moqueurs, de ceux qui tournent la vertu en ridicule » )e ?t pris dans un sens figuré pour exprimer le lieu où se rassemblent les méchants, et où par conséquent on les fréquente et vit dans leur société. — 4. Dans Ézéchiel, xxviii, 2, cathedra signifie « demeure, résidence ». Le prophète, au nom du Seigneur, met ces paroles dans la bouche du prince de Tyr : « Je suis dieu {'êl), et je suis assis sur le siège des dieux (môsab 'élôhîm ; Vulgate : in cathedra Dei) au cœur de la mer. » L'île de Tyr est appelée le siège ou la demeure des dieux,

171. — Chaire de saint Pierre. D’après Kraus, RealEncyMopaûle. t. ii, p. 157.

par allusion aux croyances mythologiques de ses habitants, qui attribuaient au dieu Melqart la fondation de leur ville, et disaient que les dieux y avaient établi leur résidence. Movers, Die Phônizier, Bonn et Berlin, 1841, t. î, p. 258 ; t. ii, part, i, p. 125.

2° Dans le Nouveau Testament. — Notre version latine a conservé le mot cathedra partout où se trouvait le grec xaOiopa (et 7 : pw : o-/.aÇ)îSp ; a). — 1. Dans Matth., xxi, 12, et Marc, xi, 15, cathedra signifie simplement les sièges

des vendeurs de colombes dans le Temple de Jérusalem.

— 2. Dans Matth., xxiii, 6 ; Marc, xii, 39 ; Luc, xi, 43 ; xx, 46, il s’agit des places d’honneur dans les synagogues, c’est-à-dire des sièges particuliers réservés aux anciens et aux personnages de marque près du coffré où l’on conservait un exemplaire de la loi de Moïse. — 3. Notre-Seigneur, en saint Matthieu, xxiii, 2-3, dit au peuple : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; gardez donc et faites tout ce qu’ils vous disent de faire ; mais n’imitez pas leurs exemples, car ils disent et ne font pas. » Dans ce passage, la cathedra de Moïse est le symbole de son autorité. Les scribes et lés docteurs étaient les successeurs de Moïse dans l’enseignement et l’explication de la Loi, et chez les Juifs, à cette époque, on avait coutume de dire de celui qui succédait à un docteur de la loi qu’il « était assis sur son siège », yav isD3. _1 : y. Voir Vitringa, De synagoga veteri, Franekère, 1696, p. 271. Les rabbis, qui enseignaient la Loi, la lisaient d’abord debout, et l’expliquaient ensuite assis. Celui qui succédait à un maître après sa mort héritait de son siège comme de son autorité. C’est surtout à cause de ces paroles de Notre -Seigneur que la chaire est devenue dans l’Église chrétienne la marque et le symbole de l’autorité. Saint Pierre, d’après la tradition, enseigna sur une cathedra dans la maison du sénateur Pudens. Elle est conservée au fond de l’abside de l’église Saint-Pierre au Vatican (fig. 171). Sa forme est celle des chaises curules des anciens Romains ; elle est en bois de chêne et d’acacia, avec des ornements en ivoire sur lesquels sont représentés les fabuleux travaux d’Hercule et diverses autres scènes. — Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., 1877, art. Chaire, p.’159-162 ; H. Kraus, Real-Encyklopàdie der christlichen Alterthûmer, 2 in-8°, Fribourg, 1882-1886, t. ii, p. 153-161 ; P. Allard, Rome souterraine, in-8°, Paris, 1874, p. 536-550.

F. Vigouroux.

CHAISE. Voir Siège.

    1. CHAIX Charles Pierre##

CHAIX Charles Pierre, théologien calviniste, né à Genève en janvier 1701, mort à la Haye en 1785. Il fut reçu pasteur de cette ville en 1728. Dans ses ouvrages, il eut souvent recours aux écrits de Thomas Stackouse. Nous avons de Ch. Chaix : Le sens littéral de l’Écriture Sainte, 3 in-8°, la Haye, 1738 ; La Sainte Bible avec un commentaire littéral composé de notes choisies et tirées de divers auteurs anglais, 6 in-8°, la Haye, 1742-1777.

— Voir Quérard, La France littéraire, t. ii, p. 112.

B. Heurtebize.
    1. CHALAL##

CHALAL (hébreu : Kelâl ; Septante : Xx).-^X), un des fils ou descendants de Phahath-Moab. Au retour de la captivité de Babylone, il renvoya la femme qu’il avait épousée contre la loi. 1 Esdr., x, 30.

CHALANÉ. Amos, vi, 2. Voir Chalanne.

    1. CHALANNÉ##

CHALANNÉ (hébreu : Kalnéh, Gen., x, 10 ; Amos, VI, 2 ; Kalnô, Is., x, 10 ; Septante : XaÀâvw], Gen., x, 10 ; XsXivï], Is., x, 9 ; omis dans Amos ; Vulgate : Chalanne, Gen., x, 10 ; Chalane, Amos, vi, 2 ; Calano, Is., x, 9). On croit généralement que Kalnéh et Kalnô désignent non pas deux localités, mais une seule. On voit du reste que les divergences dans l’hébreu sont beaucoup moins considérables que dans les Septante et dans la Vulgate : tout se réduit à la désinence du mot, qui est n (hé) dans la première série et ^ (vav) dans la seconde. Or la confusion entre ces deux lettres est aisée, et partant fréquente dans la transcription du texte hébreu.

— De plus, le contexte semble lui-même conduire à l’identification. La ville mentionnée par Amos paraît être la même que celle de la Genèse. Or Amos et Isaïe offrent une ressemblance frappante : pour effrayer Samarie et Jérusalem, ces deux prophètes mentionnent plusieurs villes autrement fortes et qui ont été prises cependant

j par les Assyriens, parmi lesquelles se trouvent des deux

: côtés Émath et Calneh ou Calno. Puis Amos ajoute : 
: « Êtes-vous meilleurs, c’est-à-dire plus forts, que ces

royaumes ? (et il semble qu’on doit lire le vers suivant ;

: Et vos frontières sont-elles plus étendues que leurs

frontières ?) » texte rendu dans la Vulgate par ces mots : ’et ad optima quseque régna horum. Dans Isaïe, c’est le’roi assyrien Sennachérib qui rappelle à Jérusalem la | chute d’Émath et de Calnô, et il y ajoute une réflexion analogue à la précédente : « Comme ma main a atteint ces royaumes…, et cependant leurs dieux étaient plus

! nombreux que ceux de Samarie et de Jérusalem…, ainsi

ferai-je de Jérusalem et de ses dieux. » — La plupart

! admettent l’identité de Chalanne et de Calno, comme le
! faisait déjà Calmet, Commentaire littéral, Isaïe, 1714, 

| x, 9, p. 125 ; Les XII petits prophètes, 1715, Amos, j vi, 2, p. 240. Schrader-Whitehouse, The Cuneiform | Inscriptions and tlie Old Testament, 1885-1888, t. ii, p. 78 et 143-144 ; Riehm, Handwôrlerbuch des Biblischen Altertums, t. i, p. 214, art. Calne. Néanmoins quelques savants, comme M. Pinches, dans Smith, Dictionary of the Bible, t. i, 2e édit. p. 487, croient que la Chalané d’Amos est la Kullani ou Kulnia de Syrie, mentionnée dans les listes assyriennes de tributs et prise, en 738, par Théglathphalasar III. Cette Kullanu pourrait être la Kullanhu moderne, dont les ruines se trouvent à une dizaine de kilomètres de celles d’Arpad. Schrader, dans KeiUnschriftliche Bibliothek, t. i, p. 212, à l’année 738, et Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885-1882, t. ii, p. 195, lisent ce nom Gullanî. L’argument qu’on peut alléguer en faveur de cette opinion, c’est que quelques-unes des villes qui sont nommées avec Calano, Is., x, 9, et Chalané, Amos, vi, 2, sont des villes syriennes. — Ezéchiel, xxvii, 23, nomme une ville de Kannêh (Vulgate : Chené) qu’ont croit communément être la même que Chalanne. Voir Chené.

D’après la Genèse, x, 10, Chalanne est la quatrième ville de la tétrapole méridionale de la Mésopotamie, dans la terre de Sennaar ; d’après une glose des Septante ajoutée à Isaïe, x, 9, ce serait à Chalanne que fut construite la tour de Babel : nu & 7t’jpYo ; ù>y.oôoi.rfi-r]. Saint Basile, t. xxx, col. 529 ; saint Cyrille, t. lxx, col. 281 ; saint Grégoire de Nazianze, t. xxxvi, col. 586, suivent cette - opinion. Le Talmud place Chalanne à Niffar ; mais c’est sans raison, car les textes cunéiformes désignent toujours cette dernière localité par la forme sémitique Kipuru. Le Targum chaldéen la place à Ctésiphon, dont

: Pline, M. N., vi, 26, fait la capitale de la Chalonitis. Cette

ressemblance des noms’a conduit Eusèbe et saint Jérôme, t. xxv, col. 1059 ; saint Éphrem, 6 in-f°, Rome, 1737, syr. et lat., t. i, p. 154, et plus tard Bochart, Phaleg., 1681, p. 270, à embrasser cette opinion. Mais Isidore de Charax, Geographi grseci minores, édit. Didot, 1855, t. i, p. 250, place la Chalonitis plus au nord, entre le Tigre et la Médie, dont elle est séparée par le Zagros, et lui donne pour capitale Chalach ou la Chalé assyrienne. Vigouroux, La Bible et. les découvertes modernes, 6e édit., 1. 1, p. 350 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885-1888, t. i, p. 78 ; Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 225.

Les textes cunéiformes mentionnent assez fréquemment une ville dont le nom sémitique est Zari-lab ou Zir-lab, et dont le nom sumérien se lit Kul-unu. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iv, pi. 38, 1. 9, a. M. Oppert, Expédition en Mésopotamie, t. i, p. 269, croit qu’elle correspond à la Zerghoul actuelle, sur la rive orientale du Shat-el-Hai. Voir aussi Boscawen, dans les Transactions of the Society of Biblical Archæology, t. vi, 1878, p. 276-277. Quoi qu’il en soit de cette identification, Kulunu était dans la Babylonie méridionale ou la Chaldée, comme la Chalanne de la Genèse. Sargon, roi d’Assyrie, s’en empara en même temps que d’Ur et d’Arach ; il est

remarquable que ce même roi ravagea aussi les pays d’Émath, de Damas, et prit Samarie, ce qui paraît bien se rapporter au texte d’Isaïe, x, 9. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 52-53, 72-73 ; Schrader -"Whitehouse, op. cit., t. i, p. 263-271 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 156, "166. Chalanné fut aussi probablement prise par Sennachérib, fils de Sargon, avec les quatre-vingt-neuf villes de la Chaldée dont il s’empara et dont les habitants furent transplantés au loin suivant la coutume assyrienne : on comprend qu’il menace d’un sort semblable les habitants de Jérusalem. Schrader, ouvr. cit, t. ii, p. 84-85 ; Schrader -Whitehouse, ouvr. cit., t. ii, p. 30-32 ; Vigouroux, ouvr. cit., t. iv, p. 206. — Quant à Amos, qui prophétisa sous Ozias et Jéroboam II, et par conséquent au plus tard du temps de Théglathphalasar, arrière-prédécesseur de Sargon d’Assyrie, il doit faire allusion à des faits antérieurs à ceux que mentionne Isaïe. Les annales de Théglathphalasar ne nous sont parvenues que fort incomplètes ; nous y voyons néanmoins à plusieurs reprises qu’il ruina Damas et envahit la Syrie, spécialement aussi la ville d’Émath, et qu’il dévasta la Chaldée et se l’assujettit. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 139, 1. 5-15 ; p. 141, 1. 12-18, 1. 16-29 ; p. 146-147 ; Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, 1. 1, p. 212-213 ; t. ii, p. 6-7, 12-13, 20-21, 26-27 ; Vigouroux, ouvr. cit., t. iv, p. 115-120, 126 ; Schrader -Whitehouse, ouvr. cit., t. i, p. 2Il et suiv., 224-226, 241-249. C’est durant ces guerres qu’il put s’emparer de Kul-unu, si c’est une ville chaldéenne. Schrader et Bickell, loc. cit., inclinent cependant à admettre que ce verset est une remarque, une sorte de glose ajoutée au temps des conquêtes de Sargon, et qui de la marge aurait passé dans ie texte. Cette hypothèse n’est pas absolument nécessaire, et les faits allégués suffisent à rendre vraisemblable l’assimilation de la Kul-unu des textes cunéiformes avec la Chalanné de

Nemrod. et la Calno d’Isaïe.
E. Pannier.
    1. CHALCHAL##

CHALCHAL (hébreu : Kalkôl ; Septante : XaXy.âX), fils ou descendant de Zara, de la tribu de Juda. I Par., H, 6. Il est appelé ailleurs Chalcol. Voir Chalcol.

    1. CHALCOL##

CHALCOL (hébreu : Kalkôl ; Septante : XaXxiS), un des quatre personnages renommés pour leur sagesse au temps de Salomon, qui les surpassait tous. Il était fils de Mahol. III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11). Quelques exégètes ont voulu voir dans Mâhôl un nom commun, « danse bu chœur de danse, » et en expliquant benê mahôl, « fils de la danse, » dans le sens d’  « habile à conduire les chœurs ». Mais il est plus probable qu’il s’agit d’un nom propre. Les quatre sages, ’Êtân, Hêmân, Kalkôl et Darda’, ont été identifiés par un grand nombre d’exégètes avec’Êtân, Hêmân, Kalkôl et Dâra’ou Darda’de I Par., ii, 6. Sur cette question, voir Éthan. Pour Chalcol, ce ne serait pas une difficulté qu’il soit dit fils de Mahol, III Reg., iv, 31, et fils de Zara, I Par., n, 6 ; car dans ce dernier cas il faut plutôt prendre le’mot fils dans le sens de descendant. Dans 1 Par., ii, 6, laVulgate modifie un peu son nom Chalchal ; en hébreu, < ; ’est le même nom. Voir Chalchal. E. Levesque.

CHALDÉE. Hébreu : Kasdim ou’étés Kasdim ; Septante : XaXSaïoi, XïXSocia ; Vulgate : Chaldmi et terra Chaldxorum ; textes cunéiformes : Kaldâ’a, Kaldû ; mat Kaldu. Remarquer le changement de la sifflante en liquide devant une dentale, , Kaldû, Kasdim, fréquent dans l’assyro -babylonien. Remarquer aussi que le terme hébreu Kasdim, signifiant proprement « les Chaldéens », ’est luimèrne traité comme un véritable nom de localité. Jer., L, 10 ; Li, 24, 35 ; Ezech., xi, 24 ; xxiii, 16.

I. Géographie. — La Chaldée désigne la portion de la Mésopotamie comprise entre la Babylonie au nord et le golfe Persique au sud : souvent même les inscriptions

la restreignent encore davantage, en lui enlevant toute la côte du golfe Persique, terrains marécageux et alluvions auxquels elles réservent le nom spécial de Bit-Yakin. Plus tard, au contraire, à partir du roi assyrien Rammannirar (810-781), le nom de Chaldée s’applique à la fois au nord et au sud, jusques et y compris la Babylonie proprement dite. Parallèlement, ce nom est pris par la Bible au sens restreint dans la Genèse xi, 28, 31, et au sens large, eu y comprenant la Babylonie, presque partout ailleurs. Jér. li, 24, etc. Quant aux auteurs grecs, ils confondent généralement les noms de Chaldée, de Babylonie et même d’Assyrie. — Il suffira donc d’ajouter pour la Chaldée quelques développements ou quelques détails particuliers à ce qui a été dit à l’article Babylonie.

II. Histoire primitive. — La Chaldée proprement dite paraît avoir été le berceau de la civilisation mésopotamienne : c’est là que se trouvaient les villes d’Uruh, actuellement Warka, l’Arach de Nemrod, Gen., x, 10 ; Uru, Ur Kasdim, Ur Chaldœorum, la patrie d’Abraham ; Larsa, la capitale d’Arioch, Gen., xiv, 1 (hébreu : ’Ellâsâr), actuellement Senkéréh ; Eridu, actuellement Abou-Sharein ; Sirpurla [ ?] ou Lagasp], dont les ruines forment l’amas spécialement nommé Tell-Loh ; et quantité d’autres dont les ruines encore inexplorées forment les collines ou tells de tout le bas Euphrate. C’est là qu’on découvre généralement les inscriptions les plus anciennes.

Les noms de Chaldée et de Chaldéens sont employés par la Bible, par les textes cunéiformes assyriens, et même par l’historien babylonien Bérose : toutefois les textes cunéiformes jusqu’à présent connus, émanant de la Babylonie et de la Chaldée, n’emploient jamais ni l’un ni l’autre de ces noms. Sayce les fait dériver de la racine assyrienne casadu, « conquérir, » et voit dans ces conquérants de la Mésopotamie méridionale des tribus sémites, casadu étant emprunté à un idiome sémitique. Lectures upon the Assyrian language and syllabary, 1877, p. 135, cité dans F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 395. Frd. Delitzseh les décompose, au contraire, en Kas et Dà, ce dernier mot signifiant « district », et le premier étant le nom d’un peuple, les Kassu, de la race de Kûs, descendant de Cliam, qui s’implanta en Babylonie, et dont on retrouve les vestiges dans les Cosséens ou Cissiens des auteurs grecs. Wo lag das Paradies, p. 128-129 ; voir aussi SchraderWhitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. i, p. 118. Ces étymologies de noms que les inscriptions babyloniennes ou chaldéennes n’ont pas encore mis au jour sont naturellement fort problématiques, et sont fort peu décisives au point de vue ethnographique. Sous ce dernier rapport, on peut s’en tenir aux renseignements fournis par la Genèse, x, 10 ; xi, 31, qui place en Chaldée à la fois des Chamites et des Sémites. À la vérité les anciennes inscriptions sont toutes rédigées en proto-chaldéen ou suméro-accadien (voir Babylonie), indice d’une population chamite ; mais plusieurs offrent dès lors les traces de l’influence d’un dialecte sémitique (E. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. iii, partie i, p. 2-5 ; 94, n. 4, 1. 6, etc.) : l’élément chamite l’emporte durant la période des origines, cf. Genèse, x, 8-12 ; mais plus tard les noms royaux sont tous sémites. Quant à la descendance aryenne, soutenue de fausses étymologies par Gesenius, Heeren et Niebuhr, les inscriptions lui donnent le démenti le plus formel. G. Rawlinson, The Five great monarchies of the Eastern World, 1879, t. i, p. 57.

Josèphe, Ant. jud., i, vi, 4, les rattache au patriarche Arphaxad de la table ethnographique ; mais jusqu’ici aucune donnée scientifique n’est venue corroborer son affirmation. Voir Arphaxad. — Us n’ont rien de commun non plus avec d’autres Chaldéens, mentionnés par les anciens comme habitant l’Arménie : ces derniers, de race indo-européenne et par conséquent japhétique, sont nommés aussi Chalybes et Chadurques, et paraissent être les

ancêtres des Kurdes actuels. Schrader-Whitehouse, the cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885, t. i, p. 110-119. Voir Strabon, xir, 549 : « On nommait autrefois Chalybes ceux qu’on nomme aujourd’hui Chaldéens. »

Il n’est pas encore possible de donner d’une manière suivie l’histoire des origines de la Chaldée. Les inscriptions primitives tirées des tells chaldéens sont déjà en fort grand nombre ; maispresques toutes ne contiennent autre chose que le nom d’un roi ou d’un prince vassal, patesi, quelquefois celui de son père, le nom de la localité qu’il gouverne, celui du dieu auquel il consacra tel ou tel temple. D’autre part, on n’a pas retrouvé, pour ces anciens souverains, les listes royales analogues à celles de la Babylonie et de l’Assyrie. La position des inscriptions aux fondations ou aux étages supérieurs d’un édifice, le caractère plus ou moins primitif des caractères dont ces inscriptions se composent, le plus ou moins de iini des sculptures, donnent assez peu de lumière pour établir des groupements et des listes absolument certains.

Chacune des principales localités chaldéennes, à l’origine, a son prince, soit indépendant, soit vassal de quelque autre : Ur et Tell-Loh nous apparaissent avec deux dynasties contemporaines (Records of the Past, nouv. sér., t. i, p. 52 ; t. ii, p. 108, 109 ; Schrader, K eilinschriftliche Bibiothek, t. iii, part, i, p. 70-71, cf. p. 80-81, n. 10 ; Académie des inscriptions et belles-lettres, Comptes rendus, t. xxiii, 1895, p. 211) : d’abord indépendants, les princes de Tell-Loh finissent par reconnaître la suprématie de ceux d"Ur. Pour Tell-Loh, on a pu retrouver les noms d’une douzaine de ces princes, dont jusqu’à présent le plus célèbre est Gudèa [ ?] ; d’Ur, on en connaît huit (cf. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, p. m et iv), surtout Ur-Bagïs [ ?] ou Ur-Gur [ ?], dont on a donné aussi la lecture provisoire Ur-Kham, en souvenir du Pater Orchamus, connu des classiques comme fondateur du royaume chaldéen et comme grand constructeur : les temples bâtis par lui se retrouvent à Ur, à Arach, à Larsa et même au delà de la Chaldée, dans la Babylonie proprement dite. Les inscriptions laissent entrevoir qu’à cette époque, bien antérieure à Abraham, les relations de peuple à peuple, soit pacifiques, soit à main armée, étaient déjà asse# étendues. Goudéa porte ses armes jusque dans le pays d’Élam ; l’Arabie et la péninsule sinaïtique [ ?] lui fournissaient des matériaux pour ses édifices ; du mont Amanus, en Syrie, il tirait du bois de construction et des cèdres ; peut-être même était-il en relations commerciales avec l’Egypte. Le palais de Goudéa. dont les ruines ont été explorées récemment par M. de Sarzec, contient déjà le plan des palais assyriens et babyloniens, tels que ceux d’Assurbanipal et de Nabuchodonosor : élevé sur un tertre artificiel, il renferme, comme les palais orientaux actuels, un harem, un sérail (appartements d’état) et un khan (dépendances). L’une des cours renfermait aussi sa pyramide à étages, qui servait à la fois de temple et d’observatoire. Les statues mutilées, trouvées dans le palais de Tell-Loh par M. de Sarzec, et maintenant au Musée du Louvre, nous reportent bien loin des hésitations et des incorrections du premier âge ; le ciseau s’attaque à la pierre la plus dure, le diorite, avec vigueur et succès : la main de l’artiste est expérimentée et sure d’elle-même. Le type reproduit n’est pas le type sémite ; les personnages sont généralement petits et trapus, ont le nez assez court et épaté, les lèvres épaisses, le visage complètement imberbe, la tête rasée, quelquefois couverte d’une sorte de calotte munie d’un fort rebord retroussé tout autour. E. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, in-12, Paris, 1888, p. 16-60. Les petits cylindres de pierre fine qui servaient à la fois d’amulette et de cachet, et marqués au nom de plusieurs princes de cette époque, sont généralement fort bien dessinés et fort bien gravés, comme on peut en juger par celui du roi dont on lit provisoirement le nom Ur-Bagas [. ?].

Cette période est souvent désignée, d’une façon assez peu. exacte, sous le nom de premier empire chaldéen. La langue de ces inscriptions est celle qui porte les différents noms de sumérien, accadien ou protochaldéen ; l’écriture emploie généralement le caractère cunéiforme imparfait, surtout dans les plus anciennes inscriptions, qui sont presque exclusivement linéaires. Voir Babylone. II. Ethnographie, langage.

III. Religion primitive. — La plupart des textes de cette époque sont des textes religieux, des dédidaces ou inscriptions votives aux dieux du panthéon chaldéen. La lecture des noms divins qu’ils renferment est encore très incertaine, non pas toujours au point de vue du sens, mais au point de vue de la prononciation. Plus tard, ces dieux furent identifiés tant bien que mal avec ceux des Sémites babyloniens, chaldéens ou assyriens. Ana est l’Anu assyrien, l’esprit du ciel ; En-lil-a (ou, comme lit A. Sayce, Lectures on the origin and growth of religion as illustrated by the religion of the ancient Babylonians, 1887, p. 553, Mul-lil-a), l’esprit du monde, devient Bel l’ancien ; En-ki-a ou Ea est l’esprit des abîmes de la terre. De ces dieux et de leurs épouses en naissent beaucoup d’autres : les plus célèbres sont En-zu, fils de En-lil-a, qui devient le Sin des Sémites, le dieu-Lune ; Nina ou Nana, fille d’Éa, est identifiée avec Istar-Vénus ; Nin-girsu se confond avec Nergal ou aussi avec Adar ; Babar est le Soleil, fils du dieu -Lune, le Samas sémitique, etc. Le panthéon chaldéen comprend donc à la fois l’adoration des astres et celle des esprits des éléments de l’univers. Chaque ville avait généralement un dieu particulier, mais dont le culte n’excluait pas celui des autres dieux : Ur adorait spécialement En-zu ; Tell-Loh, Nin-girsu et son épouse Bau ; Arach, la déesse Nana. — Les légendes et les récits traditionnels sur les origines du monde, la création, l’arbre de vie, le déluge, etc., avaient la Chaldée pour pays d’origine ; c’est de là qu’ils passèrent en Babylonie et en Assyrie, ainsi que les rudiments des études mathématiques, astronomiques ou astrologiques, juridiques, etc. ; la langue de la Chaldée resta même la langue savante de Babylone et de Ninive ; cf. Dan., i, 4, 5, 17, où le prophète et ses compagnons sont instruits dans « la langue et les lettres des Chaldéens ». Le mot « chaldéen » du texte sacré ne signifie pas encore, comme il le signifiera plus tard dans la littérature classique, un adepte des pratiques divinatoires ; il signifie plus généralement tout homme versé dans les sciences, juridiques, mathématiques, astrologiques, qui s’enseignaient dans l’ancien idiome de la Chaldée. C’est pourquoi Nabuchodonosor choisit parmi eux des gouverneurs de villes ou de provinces. Les Babyloniens les désignaient 90us le nom de am.il mamuktam, au temps de Sennachérib ( Schrader - Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885-1888, t. ii, p. 31 et 35), c’est-à-dire « homme de profondeur », de sagesse. Hérodote, i, 181, suivi par Diodore de Sicile, H, 21, prétend que les Babyloniens donnaient le nom de Chaldéens tout particulièrement aux prêtres de Bel-JIardouk ; plus tard les représentants dégénérés de la vieille science chaldéenne n’en retinrent plus que la partie astrologique ou superstitieuse, qu’ils colportèrent dans tout l’Occident, et le terme de « chaldéen » ne signifia plus autre chose que devin ou astrologue.

IV. Suite de l’histoire de la Chaldée. — L’état de’choses désigné sous le terme de premier empire chaldéen prit fin à l’époque d’une invasion des Elamites, qui, ayant d’abord ravagé la Chaldée, poussèrent leurs conquêtes jusqu’en Palestine, et tinrent toute l’Asie occidentale sous leur joug durant de longues années. Les inscriptions cunéiformes et la Bible nous donnent les principaux événements de l’occupation élamite : vers l’an 2285, la Chaldée est pillée par Kudur-na-{n)-hundi, roi d’Élam ; au temps d’Abraham, les rois chananéens de la Pentapole essayent de secouer le joug élamite et se font battre

par Chodorlahomor (Kudur-lagamar) et ses vassaux ; mais Abraham les surprend et les oblige à une honteuse retraite. Un autre roi d’Élam, Kudur - Mabug, prend encore le titre de roi de toute la Syrie dans ses inscriptions ; mais bientôt son propre fils et son vassal (E)-rim-Aku, roi de Larsa, se voit expulsé de la Chaldée par Bîammurabi ([ ?] 2307-2252), roi de Babylone, qui s’empare de ses États, et réunit sous son sceptre toute la Babylonie jusqu’au golfe Persique. Voir Chodorlahomor. A cette époque, l’élément sémitique l’emporte désormais dans toute la Chaldée, qui paraît dès lors partager à peu près toutes les vicissitudes de la Babylonie.

Dans la longue lutte de Babylonie contre l’Assyrie, les princes chaldéens nous apparaissent généralement comme alliés, sinon vassaux, des rois de Kar-Dunias, c’est-à-dire de Babylonie. Les listes royales babyloniennes mentionnent même, parmi les souverains de Babylone, plusieurs rois « fils de la mer », ou originaires des régions voisines du golfe Persique, par conséquent Chaldéens : de ceux-ci le plus célèbre fut Mérodach-baladan (Mardukabla-iddin ) (721-702), défenseur contre Sargon et Sennachérib, rois de Ninive, de l’indépendance babylonienne, et allié d’Ézéchias. La Bible, en employant toujours le nom de Chaldéens pour désigner soit les princes, soit l’armée, soit les sujets de la dynastie fondée par Nabopolassar et illustrée par Nabuchodonosor, indique ou bien la prépondérance à Babylone de l’élément chaldéen, ou bien même l’origine chaldéenne de cette nouvelle dynastie. Les inscriptions cunéiformes, fort peu nombreuses pour la partie historique de cette époque, ne nous ont pas encore renseignés sur ce point. Voir Babylonie, IV. Histoire, les progrès et la chute de ce nouvel empire chaldéen.

Dans un passage connu, on a pensé qu’Isaïe, xxiii, 13, désignait les Chaldéens comme un peuple nouveau, fondé par Assur : le texte hébreu est par trop concis, assez obscur même, et la Vulgate l’a traduit peu exactement : F.cce terra Chaldseorum, talis populus non fuit, Assur fundavit eam ; les Septante donnent un sens préférable, quoiqu’ils ne suivent pas exactement l’hébreu : « Même si tu vas, [ô Tyr], dans le pays des Chaldéens, ce pays a été ruiné par les Assyriens, tu n’y trouveras pas de repos, car son mur est tombé. » La Genèse montre que les Chaldéens n’étaient pas un peuple nouveau, puisque Abraham en sortait ; elle dit aussi, Gen., x, 11-12, que les villes assyriennes sont une colonie de latétrapole babylonienne et chaldéenne de Nemrod. — Le texte d’Isaïe fait donc simplement allusion aux défaites des Chaldéens par les Assyriens et aux transplantations des villes vaincues, soit babyloniennes, soit chaldéennes, qui en furent la suite dès les règnes de Théglathphalasar, de Sargon et de Sennachérib : ce dernier vainquit et détrôna même Mérodach-baladan, l’allié d’Ézéchias, roi chaldéen de Babylone. Il n’est donc pas nécessaire de lire, avec Schrader-Whitehouse et Ewald, « les Chananéens » au lieu des « Chaldéens », et il faut traduire le texte hébreu : « Vois la terre des Chaldéens : c’est cette même nation qui a cessé d’exister, car Assur l’a transplantée dans des régions désertes, etc. » D’ailleurs dans ce passage, comme dans presque tous ceux des prophètes et des derniers chapitres des Bois et des Paralipomèues, le mot de Chaldéen désigne non pas exclusivement les habitants de la Chaldée proprement dite, mais toute la Babylonie en général, comme nous l’avons déjà fait observer. — Voir les références des auteurs et des textes aux articles Assyrie et Babylonie. E. Paknier.

1. CHALDÉEN (hébreu : Kasdim ; Septante : XiXix ~.m), nom ethnique désignant 1° les habitants de la CUaldée. IV Reg., xxiv, 2 ; Job. i, 17, Ezech., xxiii, 14-15, etc.

— 2° La patrie d’Abraham est appelée Ur Kasdim, c’est-à-dire « la ville des Chaldéens », pour la distinguer des autres « villes » habitées par d’autres peuples. Gen., xi, 28,

31 ; xv, 7. — 3° Dans le livre de Daniel, le nom de Chaldéen est aussi employé dans le sens ethnique, i, 4 ; v, 30, rx, 1 ; mais il a de plus une signification plus restreinte, , désignant les savants babyloniens ; prêtres, astronomes, astrologues et magiciens formaient une sorte de caste. Dan., ii, 2, 4, 10 ; iii, 8, 48 ; iv, 4 ; v, 7, 11. Voir Chaldée, col. 508.

2. CHALDÉENNE (LANGUE). — 1° Ce nom, Dan., i, 4, . désigne la langue que nous appelons assyrienne et qui est écrite en caractères cunéiformes. Voir Assyrienne (Langue), t. i, col. 1179. — 2° On appelle souvent, d’une manière impropre, dans le langage ordinaire, langue chaldéenne ou chaldaïque la langue araméenne ou syriaque. Voir Syriaque (Langue).

    1. CHALE##

CHALE (hébreu : Kélah, à la pause Kâlah ; Septante : Xalây’, textes cunéiformes : Kalhu et Kalah), actuellement Nimroud, ville située sur la rive gauche du Tigre, au-dessus de sa jonction avec le grand Zab ou Zab supérieur, à environ trente kilomètres au sud de Mossoul. La Genèse, x, 11-12, mentionne cette ville comme appartenant à la tétrapole septentrionale de la Mésopotamie, et en rattache la fondation soit à Nemrod, soit à Assur, selon la double interprétation qu’on peut donner au ꝟ. Il ; quel que soit le sens qu’on admette, ces mêmes versets indiquent clairement pour cette ville une origine babylonienne ou chaldéenne. C’est, en effet, à la Chaldée ou à la Babylonie que l’Assyrie dut son existence et sa civilisation. Assurnasirpal (883-858), roi d’Assyrie, la trouva déjà en ruines et entreprit de la rebâtir ; il la choisit même pour capitale, au lieu de la ville d’Assur, trop exposée aux attaques du côté de l’ouest et de la Babylonie ; il ajoute, dans ses inscriptions, que Chalé avait été bâtie par son prédécesseur, Salmanuussir ou Salmanasar I er (vers 1300). Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 27, 92 ; Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, p. 116-117 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and Ihe Old Testament, t. i, p. 80-82 ; Vigou-. roux, La Bible et les découvertes modernes, 5 6 édit., t. i, p. 325. Ce texte n’indique nullement que cette ville n’ait pas existé avant Salmanasar, mais seulement que ce roi l’agrandit, ou l’entoura de remparts, ou bien encore y construisit son palais et la cité royale. Il est probable que la destruction à laquelle Assurnasirpal fait allusion eut pour cause les invasions babyloniennes. Tout ce qu’on a exhumé de ses ruines ne remonte pas au delà d’Assurnasirpal. Ce prince y bâtit son palais, et un bon nombre de ses successeurs y bâtirent le leur auprès du sien : on a retrouvé ceux de Belnirar, d’Asarhaddon, des Salmanasar et Théglathphalasar bibliques, de Samsi-Ramman et de Sargon. Plus tard, Sargon et ses successeurs en tirèrent des matériaux pour leurs propres constructions àKhorsabad et à Ninive ; ils semblent même s’être acharnés à faire disparaître tout ce qui portait les noms de Théglathphalasar et Salmanasar. Presque à la fin de la monarchie assyrienne, Assur-edil-ilani y construisit un temple : bientôt après la ville disparut, sans doute dans la même invasion qui détruisit Ninive et mit fin à l’empire assyrien, vers 606. Depuis Assurnasirpal, Chalé avait partagé avec Ninive l’honneur d’être la résidence royale, ainsi que nous l’apprennent les inscriptions das palais en ruines. C’est ce qui explique que le livre de Tobie et celui de Jonas, bien qu’appartenant par leur sujet à cette période, donnent à Ninive le rang de capitale. Xénophon, lors de la retraite des Dix mille, Anabas., iii, 4e édit., Didot, p. 236, la trouva en ruines. — Les murs de la ville forment un quadrilatère orienté non par ses angles, mais par ses faces, la plus grande largeur étant d’est en ouest ; ils sont encore assez complets au nord et à l’est. Dans l’angle sud-ouest se trouve la cité royale, renfermant un bon nombre de palais construits sur des tertres artificiels. Le Tigre longeait autrefois la ville de ce côté ; . 511

CI1ALÉ — CHALI

512

mais il s’est déplacé vers l’ouest, laissant à sec son ancien lit. Au nord-ouest de la cité royale se trouvent les restes d’une pyramide à étages déjà remarquée par Xénophon, et que plusieurs pensent avoir servi de tombeau aux rois assyriens. A. Layard découvrit et explora cette ville de 1845 à 1847. On a exhumé de la cité royale un grand nombre d’inscriptions cunéiformes et de basreliefs d’albâtre qui servaient de revêtement à la partie inférieure des murs des palais, et sur lesquels est figurée l’histoire de chaque règne, guerres, envois de tributs, sièges des villes ennemies, chasses au lion, etc. Menant, Annales, p. 57 et suiv. ; Rawlinson, The five greal monarchies, Londres, 1879, t. i, p. 200-203 ; t. ii, p. 57, 73, 91, 196, 230 ; A. Layard, Nineveh and its remains, 21n-8°, Londres, 1849, t. i, p. 4, 7, 26, 64, 330, 365 ; t.n, p. 193, 197 ; Id., Nineveh and Babylon, in-8°, Londres, 1853, p. 123, 347-359 ; G. Smith, Assyrian Discoveries,

in-8°, Londres, 1875, p. 48, 70-85.
E. Pannier.

CHALEF. Hébreu : ’es sémén, « arbre à huile ; » Septante : Ç-J), a /.JKapîofftva, II Esdr., viii, 15, et (Codex Alexandrinus) III Reg., vi, 23 ; Aa àpxsvGcva, III Reg., VI, 31 ; |j).a TteOxiva, III Reg., VI, 32 ; omis dans Is., xli, 19 ; Vulgate : lignum olivse, III Reg, vi, 23, 31, 32, 33 ; Is., xli, 19 ; lignum pulcherrimum, II Esdr., viii, 15.

I. Description. — Les chalefs (de l’arabe khalef,

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172. — Elseagnus angustifolius.

Rameau ; fleur ; fruit.

halef, « saule, » à cause de leur ressemblance avec le saule blanc) sont des arbustes ou des arbres de quatre à cinq mètres, appartenant à la famille des élceagnées. Le plus connu, le chalef à feuilles étroites, VElœagnus angustifolius (iig. 172), est un petit arbre aux rameaux dressés, au feuillage blanchâtre et luisant, qui rappelle assez l’aspect de l’olivier : de là le nom d’olivier de Bohême, sous lequel il est connu en Europe. Ses feuilles, alternes, simples, lancéolées, sont couvertes, surtout à la face inférieure, d’une sorte de duvet écailleux, argenté. Les fleurs, jaunes, d’une odeur forte et agréable, sont réunies au nombre de trois à l’aisselle des feuilles supérieures : celle du milieu, plus longue, est seule hermaphrodite et fertile : les deux autres sont stériles. Le calice, adhérent à l’ovaire, est tubuleux dans sa partie inférieure, évasé au sommet et divisé en quatre ou cinq parties. Le fruit est une baie d’un vert foncé, légèrement charnue, qui ressemble à une petite olive ; on en extrait une huile de médiocre qualité. Boissier, Flora orientalis, t. IV,

p. 1056, après avoir décrit l’espèce Elsagnus hortensis, y fait rentrer VElœagnus angustifolius et VElœagnus orientalis, à titre de simples variétés. L’Urientalis a les feuilles plus larges et les rameaux sans épines, tandis que V Angustifolius est souvent épineux ; le fruit de Y Orientalis est aussi plus comestible : on le mange dans certaines parties de l’Orient, comme la Perse, où on nomme cet arbre sindschid. Le bois du chalef est dur et peut se prêter aux travaux de menuiserie. VElœagnus angustifolius, aussi bien que la variété Orientalis, est abondant dans toutes les parties de la Palestine. H. B. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, in-8°, 1884, p. 404.

II. Exégèse. — Le’es sémén est mentionné dans le texte hébreu seulement en trois circonstances : 1° III Reg., vi, 23, 31, 32, 33, raconte que Salomon fit faire en’es sémén les deux chérubins du Saint des saints, ꝟ. 23 ; la porte à deux battants du Saint des saints, ꝟ. 31, 32, et les poteaux de la porte du Saint, ꝟ. 33 ; 2° Isaïe, xli, 19, dépeint la prospérité messianique sous l’image du désert qui se couvre de beaux arbres, parmi lesquels figure le’es sémén ; 3° enfin dans II Esdr., viii, 15, Néhémie, à l’approche de la fête des Tabernacles, prescrit aux enfants d’Israël d’aller dans la montagne couper des branches d’olivier, des branches de’es sémén, etc., pour se faire des tentes de feuillage. Les Septante et la Vulgate ne sont pas bien fixés sur le sens de ce mot ; ils le rendent de diverses manières. En face de cette indécision, et par analogie avec les expressions’es hddâr, « arbre d’ornement, » et’es’âbôt, « arbre au feuillage épais, » du Lévitique, xxiii, 40, texte parallèle à II Esdr., viii, 15, Celsius, Hierobotanicon, in-12, Amsterdam, 1748, 1. 1, p. 309, regarde’es sémén comme un terme général désignant tous les arbres résineux. Mais le contexte des passages cités demande un arbre particulier ; et, d’après II Esdr., vin, 15, un arbre distinct de l’olivier. Ce doit être un bel arbre, Is., xli, 19, au beau feuillage, II Esdr., viii, 15, au bois dur et précieux, III Reg., vi, 23-33. Or le chalef ou Elœagnus angustifolius est un bel arbre, au feuillage argenté, assez abondant en Palestine pour avoir pu servir à la fête des Tabernacles. Quoiqu’il donne une quantité d’huile peu abondante et de qualité inférieure, il peut cependant mériter le nom d’arbre à huile, ’es sémén. Son bois est dur et peut se prêter aux travaux de menuiserie et de sculpture comme ceux auxquels le fit servir Salomon. III Reg., VI, 23, 31, 32, 33. Toutefois il reste des doutes à ce sujet. — On a plusieurs fois confondu VElseagnus avec le zaqqum des Arabes ; mais ce dernier est le Balanites œgyptiaca. "Voir Balanite, t. i, col. 1407.

E. Levesque.

CHALEUR EN PALESTINE. Voir Palestine (Température DE LA).

    1. CHALI##

CHALI (hébreu : Hall, « collier ; » Septante : ’Pù.i$ ; Codex Alexandrinus : ’Oo).sf), ville de la tribu d’Aser, mentionnée entre Halcath et Béten, et citée une seule fois par l’Écriture, dans l’énumération des villes qui furent données aux enfants d’Aser lois du partage de la Terre Promise. Jos., xix, 25. Quelques auteurs ont voulu la reconnaître dans le village actuel de Djoulis, à l’est d’Akka ( SaintJean-d’Acre). Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 155. M. V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, Paris, 1880, t. ii, p. 62, en la plaçant à Khirbet’Alla, plus au nord, exprime une opinion plus conforme aux lois de la philologie. L’arabe UJie, ’Alla, peut parfaitement représenter l’hébreu >' : -, Hâlî. La permutation entre les deux gutturales heth et’aïn s’explique facilement, et nous en avons plus d’un exemple dans la comparaison des noms anciens avec les noms actuels de la Palestine ; c’est ainsi que j’-.n r>2, But Hôrôn,

est devenu, _^s C-u^, Beit’Our. Cf. G. Kampflmeyer, Alte Xamen im heutigen Palâslina and Syrien, dans

la Zeitschrift des deutschen Patâs tina-Ve reins, Leipzig, t. xv, 1892, p. 25. La position convient également bien. Voir Aser, tribu et carte, t. i, col. 1084. La différence de signification (’alla = « supérieur »., « place haute » ), n’est pas un obstacle, la tradition ayant retenu la consonnance plutôt que le sens des noms.

V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 62, décrit ainsi Khirbet’Alïa : « Là, sur une colline dont les différentes platesformes successives sont maintenant cultivées et ont été débarrassées des matériaux provenant d’habitations démolies qui les jonchaient, lesquels ont été ensuite amoncelés en gros tas réguliers comme des murs, avait été jadis construite une ville depuis longtemps sans doute complètement rasée. Il n’en subsiste plus actuellement que les assises inférieures d’une tour carrée, mesurant onze mètres sur chaque face et bâtie avec de magnifiques blocs parfaitement équarris et reposant sans ciment les uns sur les autres ; l’intérieur en est envahi par des figuiers et des grenadiers. En outre, plusieurs citernes et un certain nombre de tombeaux sont assez bien conservés. Parmi ces tombeaux, les uns sont creusés dans le roc comme des fosses rectangulaires, que fermait un gros bloc monolithe servant de couvercle ; les autres sont des grottes sépulcrales, dans lesquelles on descendait par plusieurs degrés et consistant en une seule chambre, où trois arcosolia cintrés surmontaient chacun deux auges funéraires contiguës. À côté de l’un de ces caveaux mortuaires, je remarque quelques petits cubes de mosaïque

épars sur le sol. »
A. Legendre.
    1. CHALLÉKETH##

CHALLÉKETH, nom hébreu (Sallékét) d’une des portes du Temple. Vulgate : porta quse ducit (ad viam ascensionis). 1 Par., xxvi, 16. Voir Schalléketh.

1. CHAM (hébreu : Ifâm ; Septante : Xi[i), un des fils de Noé, très probablement le second, puisque la Genèse le place constamment entre Sem et Japhet. Gen., v, 31 ; vi, 10 ; vii, 13 ; x, 1 ; I Par., i, 4. Voir S. Augustin, De civit. Dei, xvi, t. xii, col. 477. Plusieurs ont pensé qu’il était le plus jeune des trois, d’après Gen., IX, 24, où la Vulgate l’appelle minor ; mais l’hébreu dit : « petit, » ce qui ne décide rien ; cf. dans l’hébreu, Gen., 1, 16. En tenant donc compte du rang intermédiaire qu’occupe toujours le nom de Cham, il faut entendre le minor de la Vulgate dans le sens que l’adjectif « cadet » a quelquefois en français, c’est-à-dire le second des enfants, quel que soit leur nombre.

L’écrivain sacré fait observer par deux fois que Cham était le père de Chanaan, Gen., ix, 18, 22, soit pour préparer ce qui va suivre, soit pour attirer l’attention des Hébreux sur l’ancêtre de ceux qui occupaient en ce moment la terre promise aux enfants de Sem et d’Abraham. Il ne nous rapporte qu’un fait de l’histoire de Cham : c’est un trait d’odieuse irrévérence envers son père Noé, qui, après s’être laissé surprendre par le viii, était resté étendu nu dans sa tente. Cham s’empressa de sortir pour aller raconter à ses frères ce qu’il avait vu. Gen., îx, 21, 22. Noé apprit à son réveil la conduite de Cham, et il s’écria : « Maudit soit Chanaan ! Il sera à l’égard de ses frères l’esclave des esclaves, » c’est-à-dire le plus vil des esclaves. Gen., ix, 24-25. Noé donna encore plus de force à cette malédiction en conférant successivement à Sem et à Japhet une bénédiction spéciale, suivie d’une malédiction asservissaut Chanaan à chacun d’eux. Gen., ix, 26-27.

Les Pères et les commentateurs se sont demandé pourquoi Noé a fait tomber cette triple malédiction non sur Cham, mais sur Chanaan, un des enfants du coupable ; car c’est bien Chanaan qu’il faut lire avec l’hébreu et toutes les versions, sauf l’arabe, qui porte : « le père de Chanaan. » et quelques exemplaires des Septante, qui lisent « Charn ». Les uns estiment que Noé donna de préférence sa malédiction à Chanaan, parce que celui-ci,


ayant le premier aperçu son aïeul en état d’ivresse, en aurait aussitôt informé son père et aurait ainsi provoqué l’irrévérence de ce dernier. Les autres ont pensé que, n’osant pas maudire Cham, parce qu’il avait été l’objet de la bénédiction divine après le déluge, Noé jeta sa malédiction sur un de ses fils, ce qui ne devait pas d’ailleurs être moins sensible au père, le vrai coupable. Celuici, du reste, se trouvait implicitement maudit dans la personne de son fils, et l’on voit, en effet, un indice assez clair de cette malédiction dans ce fait, que Noé bénit nommément Sem et Japhet, tandis qu’il garda le silence sur Cham. Le premier de ces deux sentiments est fondé sur une tradition dépourvue de toute preuve historique. Le second, le plus commun, a le défaut de ne pas expliquer pourquoi Noé maudit un seul de tous les enfants de Cham, et pourquoi Chanaan de préférence aux autres. Il faut probablement chercher cette explication dans le caractère des paroles de Noé, qui étaient, d’après les Pères, une prophétie plutôt qu’une malédiction. S. Augustin, Qusest. xrn in Gènes., t. xxxiv, col. 551 ; S. Jean Chrysostome, Hom. xxix in Gènes., t. lui, col 271. Le patriarche prédit que la race de Cham sera vouée à l’esclavage, parce qu’elle imitera la conduite de son chef. Et pour exprimer sa prophétie d’une manière plus frappante, il se sert du nom de Chanaan, dont la signification devient ainsi prophétique ; car Chanaan vient de kân’a, « être bas. » Cf. Jud., iv, 23. C’est un procédé littéraire fort usité dans la Bible, cf. Gen., v, 29 ; xli, 8, 16, 19, 22, et dont Noé se sert encore, deux versets plus loin, dans la bénédiction de Japhet. Gen., ix, 27. De même donc qu’il prédit l’expansion de la race de Japhet, « le dilaté, » ainsi prédit-il l’asservissement de la postérité de Cham, représentée par Chanaan, « le soumis ». Ajoutons que si Noé nomme ici Chanaan seul entre ses frères et de préférence à tout autre, on peut en donner cette raison, que l’esprit prophétique qui l’animait devait lui faire voir dans les descendants de Chanaan les premiers peut-être des Chamites sur lesquels tomberait sa malédiction, et assurément ceux qu’elle atteindrait le plus complètement. Les Chananéens devaient être asservis aux Hébreux en Palestine. Voir Chananéens et Gabaonites.

Le souvenir de Cham paraît s’être conservé d’une manière plus ou moins reconnaissable dans les traditions nationales de différents peuples. Voir H. Luken, Les trar ditions de l’humanité, Paris, 1862, t. ii, liv. ii, ch. iii, p. 33-58 ; 1. 1, liv. i, ch. VI, p. 200-201. Mais la Bible ne nous dit plus rien de Cham après le récit de sa faute et de la malédiction qu’elle lui attira ; elle se tait sur la contrée qu’il habita comme sur celles que durent habiter ses deux frères. Quatre fois, il est vrai, elle appelle l’Egypte « terre de Cham ». Ps. lxxviii, 51 ; cv (Vulgate, civ), 23, 27, cvi (cv), 22. Mais peut-on conclure de là, comme l’ont fait quelques commentateurs, que Cham était venu se fixer en Egypte ? Pour confirmer cette opinion, ils invoquent l’antériorité de la civilisation égyptienne par rapport à celle des autres contrées chamitiques, et l’appellation de Chemi, appliquée à l’Egypte dans les inscriptions des antiques monuments de la vallée du Nil. Mais il faut observer que, quand même le nom de Chemi aurait une étymologie patronymique, on n’en pourrait conclure, — non plus que de la locution biblique « terre de Cham »,

— que Cham habita lui-même l’Egypte ; il pourrait n’y avoir dans l’une et l’autre dénomination qu’un simple souvenir de l’origine chamitique des Égyptiens, si l’on ne doit pas même interpréter d’une autre manière le nom de Cham dans les Psaumes.

Cham eut quatre fils : Chus, Mesraïm, Phuth et Chanaan (voir ces noms). Ils s’éloignèrent avant les autres petits-fils de Noé du berceau de l’humanité renouvelée après le déluge. On peut donc dire d’une manière générale que les Chamites occupèrent le midi de l’ancien continent. Mais tôt ou tard ils furent rejetés par les fils de Sem et de Japhet hors des pays où ils s’étaient fixés,

II. - 17

515

CHAM — CHAMBRE À COUCHER

516

ou bien, restant dans ces pays, ils y furent asservis plus ou moins complètement. La malédiction de Noé contre leur père les a suivis partout, et partout la prophétie du patriarche s’est accomplie sur eux, à cause de la corruption qui accompagnait toujours leur brillante civilisatron. Cf. I Par., iv, 40. Voir Gador, t. iii, col. 34.

Les Chamites précédèrent les enfants de Sem et de Japhet dans les voies de la civilisation. Les plus anciens empires, à commencer par celui de Nemrod à Babylone, furent fondés par eux. Ils inventèrent l’écriture. Voir Alphabet, 1. 1, col. 402-404. Le génie inventif des enfants de Cham et leurs heureuses aptitudes se manifestèrent presque partout d’une manière frappante. Ils s’adonnèrent au commerce et à l’industrie, et l’antiquité n’offre rien de comparable à ce que réalisèrent en ce genre les Phéniciens et les Carthaginois. Quant aux arts, les richesses recueillies à Boulaq et dans les grands musées de l’Europe disent assez à quelle perfection ils avaient été portés, principalement en Egypte. Si tous les autres peuples chamites ne furent pas aussi avancés dans les arts, il est un point du moins qui leur est commun à tous en fait d’architecture : c’est un cachet de grandeur dans le plan et de puissance dans les moyens d’exécution, qu’ils ont su imprimer sur les monuments construits par leurs architectes. On a sans doute attribué aux Chamites une trop large part dans les constructions cyclopéennes de divers pays (voir La Science catholique, novembre 1892, p. 15501552) ; mais les monuments de l’Egypte, de la Phénicie, de la Babylonie, du sud de l’Arabie, suffisent pour nous donner la plus haute idée de leur habileté comme constructeurs et des forces qu’ils surent mettre en œuvre - pour remuer ces blocs énormes, les transporter au loin et les élever à des hauteurs prodigieuses.- Ces grands ouvrages encore debout donnent l’idée d’une race forte, conformément à ce que l’Écriture nous dit de Nemrod. Gen., x, 8-9. Mais c’était surtout la force au service d’une civilisation toute matérielle, au sein de laquelle régnait le plus grand désordre moral. Le paganisme antique, dans son ensemble, a été profondément corrompu ; mais, en règle générale, les Chamites l’emportent en ce point sur les autres, et leurs dieux mêmes, ainsi que leur culte, offrent un caractère d’obscénité plus.révoltant que partout ailleurs. Voir Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. i, p. 279-280 ; E. Lefébure, Le Cham et l’Adam égyptiens, dans les Transactions of the Society of Biblieal Archœology, t. ix, 1887, p. 167-181. Et c’est ce qui explique comment, malgré leur vigueur originelle, ils ont du finir par devenir les esclaves ou les sujets des races issues de Sem ou de Japhet. Cham était un homme aux instincts luxurieux ; il les transmit avec le sarig à ses descendants, qui par leur immoralité allèrent, pour ainsi dire, au-devant de la malédiction prononcée contre Cham, parce qu’ils la méritaient aussi bien que lui. De la sorte ils travaillèrent eux-mêmes à l’accomplissement de la prophétie de Noé, et à mesure que par la mollesse et la luxure ils arrivèrent à un degré suffisant d’énervement, ils devinrent tour à tour « les esclaves de Sem » ou « les esclaves de Japhet ». Gen., ix, 26, 27. E. Palis.

2. CHAM (hébreu : Hàm ; Septante : Xâ[i)> nom poétique de l’Egypte dans les Psaumes, lxxvii (Lxxvin), 51 ; civ (cv), 23, 27 ; cv (evi), 22. Ce pays est sans doute appelé ainsi parce qu’il fut peuplé par Mesraïm, fils de Cham, Gen., x, 6, 13-14, et probablement par allusion à l’un des noms que les Égyptiens donnaient à leur pays,

celui de Ketni, ~H V /çx, terre « noire ». Cf. A. Wiede mann, Sammlung altâgyptischen Wôrter, in-8°, Leipzig, 1883, p. 44, 45. « Les Égyptiens, dit Plutarque (De Is. et Osir., 33, édit. Parthey, in-8°, Berlin, 1850, p. 58), dont le témoignage est confirmé par les monuments, appellent l’Egypte Chemi (Xr, [ji ?av), parce que la terre

en est très noire, comme le noir de l’œil. » Voir F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6 8 édit., 1896, t. i, p. 338-339.

CHAMAAL (hébreu : Bimhâl ; Septante : B « [icoïX), un des fils de Jéphlat, de la tribu d’Aser. I Par. vii, 33. La Vulgate a lu un ; , k, au lieu d’un j., b, pour la première lettre de ce nom.

1. CHAMAAM (hébreu : Kimhâm ; Septante : Xaiiaili), fils de Berzellaï de Galaad, II Reg., six, 37, et III Reg., ii, 7. Après la défaite d’Absalom, il suivit David à Jérusalem. En considération des services que Berzellaï son père lui avait rendus dans sa fuite, le roi combla de biens Chamaam et le recommanda en mourant à son fils Salomon. II Reg., xix, 37, 38, 40 (hébreu, 38, 39, 41) ; 1Il Reg., ii, 7. Dans le texte hébreu de II Reg., xix, 41, on lit Kimhân au lieu de Kimhâm, par erreur de copiste. Cf. Josèphe, Ant.jud., VII, xi, i, qui l’appelle’A^t’iiavo ; . Peut-être existe-t-il une relation entre Chamaam, le fils de Berzellaï, et le caravansérail de Chamaam, situé près de Bethléhem, sur la route de Jérusalem en Egypte. Jer., xli, 17. Voir Chamaam 2. E. Levesque.

2. CHAMAAM (hébreu : Kemôhâm, au ketib ; Septante : r<x6 ?)p)( « ! Aâc< ; Codex Sinaiticus : r^ëoc/ipioyana) indique, d’après la Vulgate, une localité située près de Bethléhem, et où s’arrêtèrent les Juifs qui, pour éviter la colère des Chaldéens après le meurtre de Godolias, se décidèrent à émigrer en Egypte. Jer., xli, 17. Il est très probable cependant qu’il faut voir ici un nom d’homme plutôt qu’un nom de lieu. Si, dans le texte original, le ketib porte DniD2, Kemôhâm, un bon nombre de manuscrits donnent onoD, Kimhâm (cf. B. Kennicott, Vet. Testant, héb., Oxford, 1776-1780, t. ii, p. 151), et c’est ainsi que s’appelait le fils de Berzellaï, dont il est question II Reg., xix, 37, 38, 40. Les versions anciennes ontadopté cette leçon : Septante, xay.&x ou -/a^aip., uni au mot précédent ; syriaque, Kemham ; Vulgate, Chamaam, . et la paraphrase chaldaïque, Jer., xli, 17, applique son interprétation au personnage du livre des Rois, en disant que les Juifs s’arrêtèrent « dans le caravansérail que David

; avait donné à Kimhâm, fils de Barzillai de Galaad ». Le mot hébreu employé par Jérémie et traduit dans la Vulgate

par peregrïnanles, gêrûf, est un olkclZ lEyoi.E-im qui v d’après son étymologie, gûr, « être pèlerin, étranger, » signifie diversorium, hospitium, ce qu’on appelle aujourd’hui en Orient un khan ou caravansérail. Le gérât Kimhâm aurait donc été un de ces khans bâti pour les voyageurs par le fils de Berzellaï près de Bethléhem. On suppose que David, par reconnaissance, lui avait donné i une propriété près de la ville, et une hôtellerie de ce

! genre était très utilement placée sur la route des caravanes qui allaient de Palestine en Egypte. Telle est l’opinion de beaucoup de commentateurs. Quelques-uns

cependant veulent à gêrûf substituer gedêrôt, « parc à troupeaux. » Josèphe, en effet, Ant. jud., X, IX, 5, donne

: au lieu en question le nom de MdivSpa, qui a le même sens, 

i La première partie du mot composé des Septante, ra6r, pw- /au.âa, fait présumer une lecture semblable. Aquila , traduit par iv toî ; cppaYtioîç, « dans les clôtures. » Mais

: on peut se demander à bon droit pourquoi on aurait

ainsi remplacé un nom connu par un mot qu’on ne trouve plus ailleurs. Il faut dire ensuite que la version grecque offre de nombreuses variantes : on peut les voir dans

: H. B. Swete, The Old Testament in Greek, Cambridge, 

, t. iii, 1894, p. 339. Voir Bethléhem, t. i, col. 1690. i A. Legexdre.

CHAMBRE À COUCHER. Hébreu : l.iédér ou hâdar ham-mittôt, II (IV) Reg., xi, 2 ; II Par., xxii, 11 ; hâdar miskâb, Exod., viii, 3 ; II Sam. (Reg.), iv, 7 ; i II (IV) Reg., vi, 12 ; Ecclo., x, 20 ; Septante : -/oitoW, .

517

CHAMBRE À COUCHER

>18

Tajieïov ; Vulgate : conclave, cubicnlum. La première mention des chambres à coucher, dans la Bible, se rapporte à celles des Égyptiens. Les grenouilles de la seconde plaie envahirent jusqu’aux chambres à coucher et aux lits des habitants. Exod., viii, 3 (hébreu : vii, 28). Dans ce pays, les maisons des pauvres se composaient d’une unique pièce servant à tous les usages. Les maisons plus riches comprenaient plusieurs chambres, ordinairement voûtées. Pendant l’été, on dormait sur la terrasse supérieure de la maison, sans souci des maux d’yeux ou d’entrailles. L’hiver, toute la famille s’entassait dans une ou deux pièces. On n’y trouvait pas de lits montés, mais seulement des cadres s’élevant à peine au-dessus du sol, ou

à coucher du roi de Perse devait comporter tous les raffinements du luxe. Esth., ii, 13, 16 (fig. 173). Enfin il est parlé plusieurs fois de la chambre nuptiale, Cant., iii, 4 (hédér), Tob., vi, 13, 16 (18) ; vii, 18 (vo|xçwv) ; viii, 15 (La[i.£ïov ; Vulgate : cubiculum), d’où il faut sortir dans les temps de pénitence. Joël, ii, 16 (hédér). — En Palestine, les chambres à coucher ressemblaient assez à ce’les des Égyptiens (fig. 174). L’unique pièce de la maison des pauvres abritait le repos de la nuit. On y voyait, comme dans les habitations des paysans syriens d’aujourd’hui, quelques nattes et Ses couvertures, qui servaient pour le coucher de la nuit, qu’on roulait le jour et qu’on plaçait dans des espèces d’étagères pratiquées dans le mur. Dans

173. — Chambre à coucher du palais de Sargon à Khorsabad. D’apris Place, Kinlve et l’Assyrie, pi. 25.

de simples nattes sur lesquelles on s’étendait tout habillé pendant la nuit, et qu’on roulait dans un coin pour la journée. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 317-319. Cf. FI. Pétrie, Tell elvmarna, in-4°, Londres, 1894, p. 8-9. — La Sainte Écriture mentionne ensuite la chambre à coucher de la femme de Samson, Jud. ; xv, 1 ; celle où Rechab et Baana tuèrent Isboseth, couché sur son lit, IIReg., iv, 7 ; celle dans laquelle Ammon était malade et fit venir sa sœur Thamar avec des desseins criminels, II Reg., xiir, 10 (hédér) ; celle de David, III Reg., i, 15 [hédér) ; celle dans laquelle Josabeth cache le jeune Joas avec sa nourrice, II Par., xxii, 11 ; IV Reg., xi, 2 ; celle que la Sunamite fit faire pour le prophète Elisée (’âlyyaf-qîr ; Vulgate : cœnaculum) ; elle était meublée d’un lit, d’une table, d’un siège et d’une lampe, IV Reg., iv, 10, Am., in, 12. La chambre dans laquelle Judith mit à mort Holopherne était plutôt une tente spacieuse et relativement confortable. Judith, xiii, 1, 3, 5 ; xiv, 9, 10, 13. La chambre

1J4. — Divan égyptien servant de chambre à coucher.

D’après Lane, Manners and customs of the modem Egyptians,

in-8°, Londres, 1895, p, 36.

les demeures plus aisées, on employait d’ailleurs aux usages les plus divers le local où l’on couchait. Rechab et Baana entrent chez Isboseth sous prétexte d’y prendre du blé. II Reg., iv, 7. Les maisons plus importantes étaient pourvues d’une cour plus ou moins spacieuse sur laquelle ouvraient la salle de réception, les chambres aux provisions et les chambres à coucher, ordinairement fort petites. Quand NotreSeigneur est appelé auprès de la fille de Jaïre, il arrive « dans la maison » du chef do la synagogue, c’est-à-dire dans la cour intérieure, Matth., IX, 23 ; il en fait sortir les joueurs de flûte et les pleureuses, et ensuite seulement « il entre dans le lieu où gisait la jeune fille », par conséquent dans sa chambre à coucher, ne prenant avec lui que trois apôtres et le père et la mère de la défunte, sans doute à cause de l’exiguïté du local. Marc, v, 40. Dans la belle saison, on préférait coucher sur le toit de la maison. On y avait plus de fraîcheur et l’on y élait plus à l’abri des insectes.

I Reg., ix, 25-26. Peut-être Notre-Seigneur fait-il allusion à cet usage quand, parlant de la grande calamité future, il recommande à celui qui est sur le toit de ne pas descendre dans sa maison pour y prendre quoi que ce soit. Matth., xxiv, 17. Il devait fuir au plus tôt par l’escalier extérieur. Aujourd’hui « les choses ont peu changé, écrit le P. Jullien, L’Egypte, in-8°, Lille, 1891, p. 256. Je devais partir de Tibériade avant le jour ; le frère du couvent me pria de le réveiller, et, pour’m’indiquer sa chambre, il me conduisit sur la terrasse au-dessus du couvent. « Vous me trouverez couché dans ce « coin, me dit-il ; n’allez pas de l’autre côté, vous réveillenez le Père. » C’était toute la communauté. Il eut même la bonté de m’offrir une place. Chaque famille de la ville a sur sa terrasse une petite enceinte de roseaux en claire-voie, couverte de branchages, où elle dort tout

l’été à l’abri des regards et de la rosée. »
H. Lesêtre.
    1. CHAMEAU##

CHAMEAU (hébreu : gâmâl ; bêkér, le jeune chameau déjà propre à porter un fardeau, Is., lx, 6 ; bikràh, la jeune chamelle, Jer., ii, 23 ; kirkdrôt, le chameau coureur, Is., lxyi, 20. Ces trois derniers noms ne sont

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175. — Chameau à une bosse.

employés chacun qu’une fois dans la Bible. Septante : xiyriXoç ; Vulgate : camelus, dromedarius). Le nom ordinaire du chameau, gâmâl, signifierait « le rancunier », d’après Bochart, Hierôzoicon, t. i, p. 73, ou « le porteur », d’après Gesenius, Thésaurus, p. 293. Ces deux sons peuvent dériver, en effet, du verbe gâmal. Le nom sémitique de l’animal est passé dans la plupart des langues de l’Occident.

I. Histoire naturelle et mœurs du chameau. — 1° Le chameau est un ruminant de l’ordre des bisulques. Il se sépare pourtant des autres animaux de cet ordre par un grand nombre de particularités ; il occuperait plutôt une place intermédiaire entre les pachydermes et les ruminants. Il a le pied bifurqué, comme ces derniers ; mais les doigts sont protégés en dessous par une sorte de semelle cornée qui est d’une seule pièce, et permet la marche facile et rapide sur les sables sans consistance ; par contre, cette semelle est un inconvénient sur les terrains glissants. La tête du chameau est petite, fortement arquée et terminée par une lèvre supérieure très développée. Cette lèvre est fendue par le milieu, et les deux parties peuvent se mouvoir séparément ; elle est puur 1 animal l’instrument tactile par excellence. La vue

semble excellente, l’ouïe est très exercée et attentive au moindre bruit, l’odorat d’une extrême finesse. Le poil est laineux, mêlé de quelques soies et ordinairement de couleur brune. Enfin Je chameau porte, aux articulations inférieures des membres, des callosités qui lui permettent de rester agenouillé à terre. Le chameau est originaire de la haute Asie. Il était inconnu dans la Chaldée primitive, et n’y fut introduit qu’à la suite de razzias opérées sur les Bédouins du désert. Dans les textes assyriens, son nom, comme celui du cheval, est un composé dans lequel entre le mot « âne », ce qui montre que l’animal ne fut désigné que par comparaison avec un autre plus ancien que lui dans le pays. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 560. — 2° On distingue deux espèces de chameaux : le chameau à une bosse, ou camelus dromadarius (fig. 175), et le chameau à deux bosses, ou camelus bactrianus (fig. 176). Ce dernier a les allures plus lourdes que le premier. Son poil, brun marron, n’est long que sur les bosses et sur le cou ; il tombe en longues mèches autour des jambes de devant et les environne comme de fanons. Ce chameau est représenté sur les monuments assyriens (fig. 177), mais il n’en

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176. — Chameau à deux bosses.

est pas question expressément dans la Sainte Écriture ; les Juifs n’ont dû le connaître qu’à l’époque des rois, au moment des invasions chaldéennes. Le chameau à une seule bosse, ou dromadaire, a des formes plus légères que l’autre. Son poil peut aller du brun au blanc. Cette espèce se divise en un grand nombre de variétés, analogues à celles du cheval. Ces variétés se rattachent à deux races principales, qui ne semblent différer que par suite des habitudes contractées au cours de l’éducation primitive. Dans la première, destinée à porter des fardeaux, on recherche surtout la force, à laquelle on a sacrifié la légèreté d’allure. Dans la seconde, au contraire, on s’est appliqué à développer la rapidité de la marche. Les dromadaires coureurs (fig. 178) ou maharis ont la taille un peu moins élevée que les porteurs ; mais leurs formes plus sveltes et l’entraînement auquel on soumet les individus permettent à ces animaux de franchir les sables brûlants du désert avec une vitesse qui atteint parfois, sans arrêt, de cent soixante à deux cents kilomètres en un jour.

Le chameau porteur commence à être appliqué au travail à l’âge de quatre ans, et il vit de quarante à cinquante ans. À l’état normal, il porte une charge de six cents

kilogrammes, au train de quarante à cinquante kilomètres par jour. Le chameau est ordinairement formé à marcher ou à courir l’amble, c’est-à-dire en avançant à la fois les deux pattes d’un même côté. Sa constitution lui permet de franchir de vastes espaces sans eau, ce que ne peut faire le cheval ni l’âne. C’est ce qui lui mérite le sur boule de pâte de maïs. Il se nourrit alors aux dépens de la masse adipeuse qui conslitue sa bosse ; celle-ci diminue peu à peu, si bien qu’après un long jeune l’animal est tout amaigri et que la peau de sa bosse retombe sur son dos comme une poche vide. On le met au pâturage pour qu’il refasse ses forces et renouvelle sa provision de graisse.

177.-eChameaux 4 deux bosses. Obélisque de Nimroud, de Salmanasar II. D’après le fac-similé du musée assyrien du Louvre^ La légende porte : Tribut du pays de Musrl : chameaux à deux dos, etc.

iiîiiiiiiwsi ! ’^ !  !

nom de s vaisseau du désert » que lui donnent les Arabes. Aujourd’hui on ne.se sert, en Palestine, que du chameau à une seule bosse. Il abonde dans les plaines de Moab et au sud de la Judée. On ne pourrait du reste l’employer dans les régions accidentées du pays. À l’est du Jourdain,

Le chameau peut aussi passer de huit à dix jours sans boire. Si, au bout de ce temps, il arrive à proximité d’une mare, il la sent d’une demi-lieue et court s’y désaltérer pour le passé et pour l’avenir. Du reste, il sécrète lui-même l’eau indispensable au fonctionnement de ses.

]78, — Chameau de course monté par des Arabes. Bas-relief de Koyoundjik. D’après Place, Nlnive et l’Assyrie, t. iii, pi. 55.

il conslitue la grande source de richesses des Bédouins. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 3. — 3° La sobriété du chameau est légendaire. Quand cet animal parcourt à pleine charge une quarantaine de kilomètres par jour, il n’a souvent pour tout aliment qu’une poignée de grains, quelques dattes et une petite

organes et, même après la plus longue disette, on trouve toujours une petite ; réserve d’eau claire dans une de ses panses. Quand ils sont en’danger de mourir eux-mêmes de soif, les voyageurs sacrifient leur monture et sauvent leur vie en utilisant cette eau. Le chameau a besoin d*une éducation spéciale pour en arriver à supporter de pareilles

privations. On l’y accoutume quand il est jeune, en diminuant insensiblement la quantité de ses rations et en espaçant de plus en plus les distributions de vivres et d’eau. — 4° Le caractère du chameau est assez singulier. « À certains égards, les chameaux ne diffèrent pas des brebis. Ce sont des animaux pacitiques, timides, allant par troupes. En cas d’alarme, ils epurent tous ensemble pêle-mêle comme les brebis. On les représente habituellement comme patients ; mais leur patience est celle de la stupidité. Ils sont plutôt excessivement impatients ; ils font entendre un bruyant cri d’indignation quand ils reçoivent leur charge, et même assez souvent quand on les fait agenouiller. En outre, ils sont obstinés et fréquemment vicieux. » Robinson, Biblical Researches, Londres, 1867, t. ii, p. 209. Au printemps, le chameau devient particulièrement intraitable. Jérémie, ii, 23 (hébreu ) compare la passion de Jérusalem pour l’idolâtrie aux désirs furieux « de la jeune chamelle légère qui court

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179. — Chargement d’un chameau.

D’après Layard, Nineveh and Babylon, p. 582.

les chemins ». « Le chameau, dit Tristram, ne peut passer pour un animal aimable. Son propriétaire ne parait concevoir aucun attachement pour cette bête, et de son côté l’animal ne montre aucune trace d’affection. Je n’ai jamais rencontré un chameau qu’on estimât plus que son compagnon pour son intelligence ou son affection. Un voyageur trouve toujours un ami dans son cheval, plus sûrement dans son âne, parfois dans son mulet, mais jamais dans son chameau. J’ai voyagé en Afrique avec les mêmes chameaux pendant trois mois ; jamais je n’ai réussi à provoquer de l’un d’eux la moindre marque de reconnaissance, la moindre disposition amicale pour la bienveillance qu’on lui témoignait. » The natural History of Ihe Bible, Londres, 1889, p. 62. — 5° Les caravanes se composent de chameaux qui se suivent à la file. Voir iig. 74, col. 247. Avant le départ, on fait agenouiller chaque animal et on met sur son dos la charge qu’il aura à porter (fig. 179). Si le fardeau est excessif, l’animal sait le faire comprendre par ses grognements, et refuse de se relever. On ne met pas de mors aux chameaux, mais on les mène avec un simple licou attaché autour de la tête à la hauteur du nez. L’animal suit assez docilement l’homme qui le mène ou un autre animal, ordinairement un âne, qui marche devant lui. Les chameaux sont attachés par une corde les uns à la suite des autres au nombre de dix à douze. Le dernier de la bande porte au cou une clochette (fig. 180). Voir Clochette. Si la corde vient à se rompre, tous ceux qui sont placés après l’endroit où s’est rompue la corde, s’arrêtent sur-le-champ. Celui qui ferme la marché s’arrête donc toujours dans ce cas, et n’agite plus sa sonnette. Le chamelier est averti, par la cessation du bruit, de l’accident qui vient de se pro duire et s’empresse de le réparer. — 6° Le chameau est encore précieux pour l’Oriental par son lait, qui est abondant et excellent ; par son poil, avec lequel on fabrique de grossières étoffes pour les tentes, les voiles, voir Cilice, et le vêtement, Matin., iii, 4 ; Marc, i, C ; enfin par sa chair même, qui peut servir de nourriture. « La chair du chameau est mangée par tous les peuples de l’Orient. Elle est grossière, sèche et très inférieure à celle du bœuf. En Syrie, elle est moins estimée qu’en Arabie et en Afrique, et elle n’est employée que par les plus pauvres. » Tristram, Nat. Hist., p. 65. La loi de Moïse la prohibait, comme celle des ruminants qui n’ont pas le pied fendu. Deut., xiv, 7. Enfin, dans les pays habités, le chameau est utilisé comme bête de trait : on l’attelle

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180. — Chameau avec une Bonnette.

Bas-relief trouvé à Alesandria Troas. D’après Lechevallcr,

Voyage de la Troade, Paris, 1802, Atlas, pi. xi.

au chariot ou à la charrue, en lui donnant parfois pour compagnon le bœuf ou l’âne. La loi de Moïse prohiba parmi les Israélites l’usage d’attacher ensemble deux animaux d’espèce et par conséquent de force différente. Deut., xxii, 10. À raison des multiples services que rend le chameau, Buffon a pu écrire : « L’or et la soie ne sont pas les vraies richesses de l’Orient ; c’est le chameau qui est le trésor de l’Asie. Le chameau vaut non seulement mieux que l’éléphant, mais peut-être vaut-il autant que le cheval, l’âne et le bœuf tous réunis ensemble. » Œuvres, Paris, 1845, t. iv, p. 389.

II. Les chameaux dans la Sainte Écriture. — 1° Les grands propriétaires de chameaux. — Quand Abraham alla en Egypte, le pharaon lui offrit différentes sortes d’animaux, entre autres des chameaux. Gen., xil, 16. Le chameau n’apparaît que rarement (fig. 181), et seulement à partir de l’époque saïte (xxie dynastie), sur les monuments figurés des Égyptiens, qui appelaient cet animal kamaal. Mais d’autres animaux, communs en Egypte, les poules, les chats, ne sont guère représentés non plus. « On ne peut donc pas conclure de la rareté du chameau sur les monuments qu’il n’existait pas en Egypte. Il y existait certainement du temps des Ptolémées et pendant la période romaine. Athénée, Deipnosoplàslx, v, 5, nous apprend

que des chameaux attelés à des chariots figurèrent dans la grande fête donnée par Ptolémée Philadelphc, et cependant on ne les voit pas alors non plus sur les monuments. Il était d’ailleurs impossible que les Égyptiens ne connussent point depuis de longs siècles un animal très commun chez leurs voisins, les Arabes, et sans lequel les déserts de l’Afrique du nord seraient inhabitables. Aussi est-il certain que l’Egypte employait le chameau dès la plus haute antiquité. D’anciens textes nous apprennent qu’on le dressait à danser, kenken, et qu’on lui faisait porter les marchandises. L’Exode, ix, 3, en parle comme d’un animal domestique de l’Egypte. Enfin la géologie confirme d’une façon irréfragable l’antiquité du chameau dans la vallée du Nil : Hekekyan-Bey, dans les fouilles qu’il a exécutées en ce pays, a découvert, à

^r.’-fiMfC

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181. — Vase égyptien en forme de chameau. Musée de Ghizéh.

une très grande profondeur, des ossements de dromadaires, au milieu de restes d’autres quadrupèdes. Il y avait donc des chameaux en Egypte à l’époque du voyage d’Abraham, et il était naturel que le roi lui offrît la monture qui devait lui être la plus utile pour son retour dans la terre de Chanaan. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 445. Cf. Chabas, Etudes sur l’antiquité historique, p. 408-419 ; Ebers, Aegypten und die Bûcher Mose’s, Leipzig, 1868, t. i, p. 267 ; Lyell, L’ancienneté de l’homme prouvée par la géologie, trad. Chaper, 2e édit., Paris, 1870, p. 41 ; Maspero, Histoire ancienne, p. 32. Par la suite, Abraham éleva des troupeaux de chameaux dans la terre de Chanaan, Gen., xxiv, 10, 35 ; Isaac en posséda à son tour, Gen., xxx, 43, et après lui, son fils Jacob. Gen., xxxii, 7, 15. Job eut d’abord trois mille, puis six mille chameaux. Job, i, 3 ; xlii, 12. Ces nombres n’ont rien d’excessif. Aristote, Hist. animal., IX, IV. 5, édit. Didot, t. iii, p. 208, témoigne que, dans l’Asie supérieure, il y avait des propriétaires qui possédaient jusqu’à trois mille chamelles. Des chameaux figurèrent plus tard dans la dot de Sara, femme de Tobie, Tob., x, 10 ; xi, 18, et l’armée assyrienne d’Holopherne en comptait une multitude. Judith, ii, 8 ; iii, 3. Ces derniers étaient sans doute des chameaux à deux bosses.

2° Le soin des chameaux. — Un chamelier était quelquefois préposé à la garde et à la conduite des chameaux. David confia à un de ses officiers, l’Ismaélite Ubil, la charge de grand chamelier. I Par., xxvii, 30. On préparait des écuries pour y abriter les chameaux. Gen. xxiv, 31. Au besoin, des ruines quelconques servaient à cet usage. Ezech., xxv, 5. Les chameaux trouvaient eux-mêmes leur nourriture dans les champs ; mais il fallait leur procurer l’eau qu’ils ne pouvaient chercher dans les puits profonds. Le chapitre xxiv de la Genèse trace un gra’cieux tableau de cette opération. On y voit Éliezer se préoccuper de désaltérer ses chameaux, 14, Rébecca donner à boire à ces animaux, 19, 20, et le serviteur d’Abraham reconnaître à ce service rendu celle qui doit être l’épouse 4’Isaac, 44, 46. — Autrefois, comme aujourd’hui encore, on suspendait divers ornements au cou des

: chameaux ; c’étaient des éahârônîm, de petites lunes de

métal, Jud., viii, 21, comme les femmes elles-mêmes en portaient, Is., iii, 18, ou des’ândqôt, Jud., viii, 26, espèces de colliers. Aux haltes, on faisait agenouiller les chameaux, pour qu’ils pussent se reposer. Gen. xxiv, 11.

i Voir fig. 4, col. 16.

! 3° Les services rendus par les chameaux. — 1. Us

servaient de monture. Rébecca et ses servantes étaient montées sur des chameaux. <ïen., xxiv, 61. Jacob faisait voyager ses enfants et ses femmes dans le même équipage. Gen., xxxi, 17. En pareil cas, on plaçait sur le dos de l’animal un kar, sorte de palanquin dans lequel les femmes pouvaient s’asseoir à l’abri du soleil. C’est dans un kar que Rachel cacha les idoles de Laban. Gen., xxxi, 34. — Quatre cents Amalécites purent échapper à David, grâce à la vitesse de leurs chameaux. I Reg., xxx, 17. — Raphaël prit quatre serviteurs de Raguel et deux chameaux pour se rendre rapidement d’Ecbatane à Rages. Tob., ix, 6. — Enfin Isaïe, xxi, 7, parle aussi de soldats perses montés sur des chameaux. — 2. Ils portaient les fardeaux. À Sichem, les fils de Jacob virent arriver les Ismaélites conduisant une caravane de chameaux chargés de marchandises, et ils vendirent leur frère Joseph à ces étrangers. Gen., xxxvii, 25. — Les partisans de David fugitif lui apportaient des provisions sur des chameaux, I Par., xii, 40. — La reine de Saba se servait de ces animaux pour porter ses trésors, quand elle vint visiter Sulomon. Il Par., rx, 1 ; III Reg., x, 2.

— L’officier du roi de Syrie, Hazaël, amenait avec lui. quarante chameaux chargés de présents, quand il vint demander à Elisée la guérison de son maître Bénadad. IV Heg., viii, 9. —Isaïe, xxx, 6, menace les Juifs qui vont réclamer le secours des Égyptiens, en leur portant des trésors sur le dos de leurs chameaux, et il prédit qu’au temps du Messie, « les chameaux et les dromadaires de Madian et d’Épha se répandront comme une inondation a sur Jérusalem. 1s., lx, 6. — 3. À la guerre, on tuait parfois les chameaux de l’ennemi ; Saùl reçut l’ordre de traiter ainsi ceux des Amalécites, I Reg., xv, 3 ; mais, en général, on préférait s’en emparer. Les gens de Ruben, de Gad et de la demi-tribu de Manassé en prirent cinquante mille aux Agaréens, I Par., v, 21. David s’empara de ceux des Amalécites, I Reg., xxvii, 9, et Asa de ceux des Éthiopiens. II Par., xiv, 15. Des pillards chaldéens avaient enlevé ceux de Job. Job, i, 17. Jérémie, xlix, 29, 32, prédit aux populations de Cédar et d’Asor que le roi de Babylone leur ravira leurs chameaux. Zacharie, xiv, 15, annonce aussi que tous les animaux des ennemis de Jérusalem, entre autres les chameaux, tomberont au pouvoir du peuple de Dieu.

4° Le chameau dans l’Evangile. — Notre-Seigneur dit un jour en parlant des riches : « II est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » Matth., xix, 24. Quelques auteurs anciens ont trouvé la comparaison un peu forte et ont cherché à l’atténuer. S. Cyrille d’Alexandrie, Fragm. in Matth., t. lxxii, col. 430, et Théophylacte, In Evang. Matth., t. cxxiii, col. 355, ont dit qu’il ne s’agissait pas ici de chameau, mais de câble. De fait, six petits manuscrits lisent dans ce passage xâ|u).ov au lieu de v.i

{ko-/, cf. Griesbach, Nov. Testam. grxce, Halle, 1796, p. 87, et d’après Suidas et un scholiaste d’Aristophane, qui seuls connaissent ce mot, y.i|it).o ; désignerait une grosse corde. Mais on ne peut justifier sérieusement ni la grécité de ce mot, ni sa substitution à v.iy.rjo ; dans le texte évangélique. Ce dernier substantif ne saurait d’ailleurs en aucun cas avoir le sens de « câble », et l’eût

il que l’impossibilité indiquée par Notre -Seigneur ne serait guère atténuée. — D’autres ont cru trouver la solution de la prétendue difficulté dans le second terme de la comparaison, et ont déclaré que le « trou de l’aiguille » était une petite porte de Jérusalem par laquelle les animaux ne pouvaient passer qu’en s’agenouillant et en s’inclinant très bas. Dans certains pays, dans la vallée du Nil en particulier, on accède dans les enclos par des portes très basses, et il n’est pas rare de voir les chameaux se traîner sur les genoux et incliner le cou en avant pour pouvoir passer. L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, Paris, 1841, p. 36, dit à ce sujet : « La docilité de cet animal est complète. J’en ai vu mettre plusieurs dans une écurie où l’on avait l’habitude de garder des ânes, et dont la porte n’avait pas trois pieds de hauteur. Voici comment on s’y prenait : on les faisait asseoir, puis on les obligeait à marcher sur les genoux et sur la rotule de derrière, de manière à avancer sans s’élever. » « Hier, écrit aussi lady Dulf Gordon, j’ai vu un chameau qui se glissait par un trou d’aiguille. On appelle ainsi, en effet, la petite ouverture d’un enclos. L’animal doit glisser sur les genoux et courber la tête pour y pénétrer. » Letters from Egypt, Londres, 1865, p. 133. Cette explication, qui fait du trou de l’aiguille une petite porte, date du moyen âge ; mais elle manque de base. Nulle part, dans toute la Syrie, on ne donne à une porte le nom de trou d’aiguille, et, dans les pays où l’on emploie aujourd’hui cette expression, c’est très probablement par pure application du proverbe évangélique. Cf. Socin, Zeitschrift des deutschen Palâstina, Vereins, 1891, p. 30. Ce proverbe, du reste, n’est pas isolé. Notre -Seigneur en emploie un autre tout aussi hyperbolique quand il dit que les pharisiens « filtrent le moucheron et avalent le chameau », Matth., xxiii, 24, c’est-à-dire se font scrupule de fautes insignifiantes et commettent sans broncher les plus graves transgressions. Le Talmud contient plusieurs locutions tout à fait analogues. On dit à quelqu’un qui raconte une chose incroyable : « Tu es donc de Pum-Beditha, où l’on fait passer un éléphant par le trou d’une aiguille ? » Baba Metzia, fol. 38, 2. « On ne voit nulle part ni palme en or, ni éléphant passer par le trou d’une aiguille. » Berachoth, fol. 55, 2. On lit encore dans le Midrasch sur le Cantique des cantiques, fol. 25, 1 : « Dieu dit aux Israélites : Ouvrez-moi la porte du repentir grande comme un trou d’aiguille, et je vous ouvrirai la porte du royaume céleste de telle sorte que vous y entrerez sur un char à quatre chevaux. » Enfin, dans le Koran, surate vii, 39, il est écrit : « Les infidèles n’entreront dans le paradis que quand un chameau passera par le trou d’une aiguille. » Il est curieux de remarquer que plusieurs commentateurs du Koran ont aussi cherché à remplacer gemel, « chameau, » par geml, « câble ». Ces exemples prouvent que l’expression employée par Notre -Seigneur était proverbiale et que, sous une forme hyperbolique familière aux Orientaux, elle marquait la grande difficulté de réussir dans une entreprise. Voir Aiguille, t. i. col. 306. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, Paris, 1859, p. 17 ; Million, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1878, p. 381 ; Knabenbauer, Comment. inEvang. sec. Matth., Paris, 1893, t. ii, p. 161. Remarquons en terminant que, même en français, nous nous servons d’hyperboles tout aussi fortes. Quand nous lisons dans la Fontaine, Fables, viii, 25 :

Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire ! Tout cela, c’est la mer à boire,

cette locution : « la mer à boire, » ne nous choque nullement. Nous l’employons couramment pour parler d’une chose de difficile exécution, et personne n’a jamais songé à la prendre à la lettre. L’hyperbole y est pourtant plus accusée encore que dans les proverbes évangéliques. — Voir J. von.Hammer-Purgstall, Dos Kamel, in-4°, Vienne, lSJi, II. Lesltre.

CHAMOIS. C’est une sorte d’antilope, Antilope rupicapra, qui a la taille d’une forte chèvre, et qui vit en troupes peu nombreuses dans les hautes montagnes comme les Alpes et les Pyrénées. Dans ces dernières, il porte aussi le nom d’isard. Il n’y a aucune trace de chamois en Palestine à l’époque actuelle, et rien absolument n’autorise à penser qu’il en ait existé autrefois dans ce pays. On ne peut donc identifier cet animal avec le zémér, Deut., xiv, 5, ainsi que l’ont fait quelques auteurs. Le zémér est « l’animal qui saute », il est vrai ; mais ce caractère peut convenir à beaucoup d’autres qu’au chamois.

Voir Caméléopard, Mouflon.
H. Lesêtre.
    1. CHAMOS##

CHAMOS (hébreu : KemûS ; Septante : Xajjuic), dieu de Moab et d’Ammon. Il apparaît comme dieu d’Ammon en une circonstance unique, lors du message adressé par Jephté au roi des Ammonites, où il réclame comme siens les pays conquis par Jéhovah, le Dieu d’Israël, au même titre que lui revendique les possessions de Chamos, son dieu. Jud., xi, 2’t. Le dieu national des Ammonites était Moloch, « le roi. » I (III) Reg., xi, 7 ; II (IV) Reg., xxm, 13 ; Il Sam. (II Reg.), xii, 30 ; Jer., xlix, 1. Chamos est ici nommé comme dieu d’Ammon, sans doute parce que les Ammonites honoraient à la fois Chamos et Moloch, comme plus tard Salomon adora Chamos, Moloch et Astarté en même temps que Jéhovah. III Reg., xi, 5, 7, 33. — En dehors de cette circonstance, Chamos apparaît partout ailleurs comme dieu de Moab. Moab est appelé « le peuple de Chamos », Num., xxi, 29 ; Jer., xlviii, 46 ; les prêtres et les princes de Moab sont désignés comme « ses prêlres et ses princes ». Jer., xlviii, 7. Chamos « a laissé ses fils prendre la fuite et ses filles devenir captives de Séhon, le roi amorrhéen », Num., xxi, 29 ; « il doit être lui-même emmené en exil avec ses prêtres et ses princes ; il sera une cause de confusion pour Moab, qui a mis en lui sa confiance ; car ses fils et ses filles ont été pris captifs. » Jer., xlviii, 7, 13, 46. — Salomon introduisit son culte dans sa capitale ; il « éleva un bâmâh (lieu haut) à Chamos, idole de Moab, sur la montagne qui est contre Jérusalem et l’adora ». I (III) Reg., xi, 7, 33. Plus tard, Josias « profana les bâmôf (hauts lieux) qui se dressaient contre Jérusalem, à la droite de la montagne du Scandale, et que Salomon avait élevés en l’honneur de Chamos, idole de Moab, et d’autres dieux étrangers ». II (IV) Reg., xxiii, 13.

Un monument moabite, la stèle de Mésa, découverte en 1869 et actuellement au musée

judaïque du Louvre, parle comme

l’Écriture du dieu Chamos. Il est seul nommé dans l’inscription, mais as socié une fois à la déesse Astarté, appelée’Aslar - Kamos, 1. 17. Moab est désigné comme « sa terre », 1. 5. Nous ignorons comment ou le re présentait. Voir Mésa. — Les découvertes épigraphiques modernes ne

nous ont pas fourni jusqu’ici d’autres renseignements sur le dieu Chamos.

On a retrouvé seulement son nom

dans certains noms propres, tels que Chamos [gad ( ?)], sur la stèle de

Mésa ; Kamusunadbi, dans une inscription assyrienne ; Kamosihï (cf. hébreu : Yehî’êl, I Par., xv, 18), sur une gemme (fig. 182) reproduite dans de Vogué, Mélanges d’archéologie orientale, p. 89. Peut-être ce nom se retrouve-t-il aussi dans le nom de Charcamis, qui, d’après Lauth, Ilion und Helena, dans l’Allgemeine Zeitung, juillet 1875, Beilage, n° 191, p. 3009, signifie « ville de Chamos ». — Sur la vraie nature de ce dieu on a émis diverses hypothèses. Les uns, comme saint Jérôme, In 7s., xv, 2, t. xxiv, col. 168, l’identifient à Béelphégor et fixent à Dibon le centre de son culte, — la découverte delà stèle de Mésa semble confirmer ce dernier point ; —

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182. — Sceau de

Chaniosihi.

Collection de Clercq.

les autres l’assimilent à Béelzébub ; d’autres enûn en font une sorte de Mars, dieu de la guerre. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 693. Toutes ces opinions manquent de vraisemblance. On s’accorde assez généralement aujourd’hui à voir dans Chamos une des formes multiples du dieu Baal, la grande divinité chananéenne, à la fois mâle et femelle ( cf. plus haut’Astar-Kamos), qui personnifiait la nature et le soleil. Sur les dieux chananéens en général, voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 80, 85. Sur le dieu Chamos en particulier, voir Scholz, Gôtzendienst und Zauberwesen, in-8°, Ratisbonne, 1877, p. 176-182.

J. Sauveplane.

1. CHAMP DE BOOZ. À l’est de Bethléhem se trouve sur le chemin qui conduit à la grotte des Bergers une petite plaine fertile à laquelle on a donné ce nom (voir Bethléhem 1, t. i, col. 1695), parce qu’on suppose que c’est le champ, fiuth, ii, 2, qui appartenait à cet ancêtre de David et où alla glaner Ruth. Voir Booz, t. i, col. 1849.

2. CHAMP DES ÉPIS, champ de blé que traversaient Notre -Seigneur et ses Apôtres un jour de sabbat. Matth., xil, 1 ; Marc, ii, 23 ; Luc, vi, 1. Le blé était déjà en épis, et les disciples du Sauveur, ayant faim, cueillirent des épis et en mangèrent le grain, comme le font souvent les Orientaux. Les pharisiens en furent scandalisés, non pas parce que les disciples avaient fait une chose défendue en soi, car elle était autorisée expressément par la loi mosaïque, Deut., xxiii, 25 ; mais parce que, d’après eux, ils avaient par là violé le repos du sabbat. Jésus justifie ses Apôtres en rappelant l’exemple de David, qui avait mangé des pains de proposition parce qu’il avait faim, quoiqu’il ne fût pas prêtre, ce qui ne peut s’excuser que par le besoin dans lequel il se trouvait, I Reg., XXI, 1-6, et il déclare que lui-même, le Fils de l’homme, est le maître du sabbat. Ce champ des épis se trouvait sur le chemin de Capharnaùm à Cana. Il y a encore aujourd’hui sur cette route de vastes champs de blé, mais il est impossible de déterminer exactement à quel endroit se produisit le fait dont le souvenir nous a été conservé par les évangélistes. F. Vigouroux.

3. CHAMP DU FOULON (hébreu : sedêh kôbês ; Septante : àYpô{ toO yvaçico ; , IV Reg., xviii, 17 ; àypô ; toO v.Ma ?éa> ; , ls., vii, 3 ; xxxvi, 2 ; Vulgate : ager fullonis), champ situe près de Jérusalem, et mentionné incidemment dans trois passages de l’Écriture, IV Reg., xviii, 17 ; ls., vii, 3 ; xxxvi, 2, comme donnant son nom à une route (hébreu : mesillâh) qui y conduisait et qui passait près de « l’aqueduc de l’étang supérieur ». C’est sur ce chemin que le prophète Isaïe fut envoyé par Dieu à la rencontre du roi Achaz et qu’il fit entendre la fameuse prédiction de l’Emmanuel, ls., vii, 3 ; c’est là aussi que, sous Ézéchias, s’arrêtèrent les troupes de Sennachérib. IV Reg., xviii, 17 ; ls., xxxvi, 2. Cette route devait longer les murailles de la ville, comme le prouve le colloque du Rabsacès assyrien avec les officiers du roi de Juda. IV Reg., xviii, 20 ; ls., xxxvi, 11. Mais de quel côté se trouvait-elle ? Où était le champ lui-même ? La question est très discutée et dépend de l’emplacement qu’on assigne à la « piscine supérieure ». — Jusqu’ici la plupart des auteurs ont placé les deux scènes bibliques en question à l’ouest de Jérusalem, près de l’aqueduc qui conduisait les eaux du Birket Mamillah à la piscine d’Ezéchias, aujourd’hui Birket Hammam et Bâtrak, « l’étang du Bain du Patriarche, » dans la direction de l’est. « Le chemin du champ du foulon » serait ainsi la route actuelle de Jaffa, près de laquelle, à proximité de certains réservoirs, aurait été l’endroit où les foulons exerçaient leur industrie. Cf. Frz. Delitzsch, Dos Buch Jesaia, Leipzig, 1389, p. 135-136 ; J. Knabenbauer, Comment, in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. i, p. 152. D’autres cependant

préfèrent la partie septentrionale de la ville, et tracent la voie dont nous parlons parallèlement à l’aqueduc qui entrait dans l’intérieur de la cité, non loin de la porte actuelle de Damas. Cf. R. von Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 76-78 ; Bïbelvtlas, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 23 ; feuille vin. Le « monument du foulon » signalé par Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, au nord-est du troisième mur, a-t-il quelque rapport avec le champ dont nous parlons ? Quelques-uns le croient. Enfin une opinion récente place l’aqueduc d’Ézéchias sur la colline orientale qui est comme le prolongement méridional de la colline du Temple et se trouve resserrée entre la vallée de Tyropœon à l’ouest et celle du Cédron à l’est. Ce canal serait donc le conduit souterrain qui amène les eaux de la Fontaine de la Vierge (Ain Oumm ed-Daradj) à la piscine de Siloé. Cf. Lagrange, Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, Paris, 1892, p. 33-34. Le « chemin du champ du foulon » aurait ainsi longé le côté est de la ville sainte ; mais rien ne nous dit que le champ lui-même fût près de la piscine supérieure ; rien ne nous révèle non plus dans quelle direction il se trouvait. Cependant, si à la mention du monument indiqué par Josèphe on joint le récit de la mort de saint Jacques, on peut supposer que l’endroit en question n’était pas loin du Temple. Le saint évêque de Jérusalem, en effet, précipité du pinacle du Temple, puis lapidé après sa chute, reçut le dernier coup de la part d’un foulon, qui le frappa à la tête avec l’instrument dont il se servait. Cf. Eusèbe, H. E., ii, 23, t. xx, col. 201. La topographie de l’ancienne Jérusalem est en ce moment l’objet d’études sérieuses ; peut-être les discussions et les fouilles amènerontelles la solution de problèmes aussi difficiles qu’intéressants. Voir Jérusalem, Piscine supérieure, Foulon. On peut lire aussi sur ce sujet Palestine Exploration Fund, Quarterly

Statement, 1891, p. 189-190, 254-256.
A. Legendre.

4. CHAMP DU SANG, traduction, Matth : , xxvii, 8 ; Act., ii, 19, du nom syro-chaldaïque d’IIæelduma, donné au champ qui fut acheté avec les trente deniers pour lesquels Judas avait trahi son maître. Voir Hacéldama.

    1. CHAMPON Régis##

CHAMPON Régis, jésuite français, né à Saint-Étienne - de - Saint - Geoirs (Isère) le 16 juillet 1821, mort à Marseille le 8 décembre 1883. Il entra chez les Jésuites le 13 octobre 1841, enseigna la philosophie, l’hébreu, l’Écriture Sainte et la théologie au grand séminaire d’Aire ( Landes), l’Écriture Sainte et l’hébreu au scolasticat de Lyon, passa quelques années en Syrie, où il professa à Ghazir les humanités, le droit canon, l’histoire ecclésiastique et l’Écriture Sainte, revint en France et continua ses cours d’hébreu et d’Écriture Sainte aux scolasticats de Lyon, d’Aix et de Vais. On a de lui : 1° Épopée christologique des psaumes : exégèse isagogique des psaumes. I. Études préparatoires à l’intelligence des psaumes. II. Les psaumes d’après les poètes français de toutes les époques, 2 in-8°, Paris, 1876. — 2° Essai sur la littérature biblique, in-8°, Paris, 1876. (Ce volume est anonyme.) C. Som.mervogel.

    1. CHAMPSNEUFS##

CHAMPSNEUFS (Pierre des), jésuite français, né à Nantes le 20 mai 1602, mort à Paris le 20 mai 1675. Il entra chez les Jésuites le 8 octobre 1621, professa la rhétorique et la philosophie et fut préfet des études inférieures au collège de Paris. Son véritable nom serait Bariau ou Bourriot. Il a laissé : 1° Maximes évamjéliques recueillies des livres canoniques du Nouveau Testament, Paris, 1647, 1652 ; Vannes, 1691. Les éditions de Paris sont anonymes. L’ouvrage reparut avec le nom de l’auteur sous le titre : Pratique de la véritable dévotion conforme aux maximes évangéliques recueillies de tout le Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1652.— 2° Psahni Davidici et sacra Cantica quai Br. Rom. occurrunt.

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CHAMPSNEUFS — CHANAAN

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Cum brevi, accurata et litîerali obscuriorum verborum <ic sententiarum explanatione, in-8°, Paris, 1648. — S" Davidis suspiria, in-12, Paris, 1659 ; in-24, Cologne, 1673 ; in-18, Avignon, 1837. Traduit en espagnol, en français et en polonais. — 4° Axiomata evangelica Christi Domini et Aposlolorum verbis concepta, in-12, Paris, 1659.

C. SOMMERVOGEL.

CHANAAN. Hébreu : Kena’an ; Septante : Xavaiv. Ce nom apparaît comme nom de pays deux siècles avant l’Exode, sous la forme de Kinahhi, dans une dépêche de Bournabouriâs, roi de Babylone, adressée au roi d’Egypte Aménophis IV, et retrouvée parmi les tablettes de Tell el-Amarna. Voir H. Winckler, Der Thontafelfund von El-Amarna, in-4°, Berlin, 1889, t. i, p. 7, lett. viii, lignes 15, 17 ; J. Halévy, La correspondance d’Aménophis III et d’Aménophis IV, dans le Journal asiatique, septembre-octobre 1890, p. 325. Dans la Bible, il est employé comme nom d’homme et comme nom de pays ; — mais, dans ce dernier cas, on dit presque toujours : « le pays de Chanaan. » De ce nom est dérivé aussi le mot « Chananéen », Kena’ânî, Xavavaïo ; , — et comme les Chananéens de la Phénicie étaient les grands commerçants de l’ancien monde, Chananéen, outre sa signification ordinaire, a pris encore celle de « marchand, trafiquant », par exemple, Job, xl, 30 (Vulgate, 25). Même, par un retour assez bizarre, ce même sens s’est communiqué ensuite au nom primitif de Kena’an, par exemple, 1s., xxiii, 8. — On ne saurait douter que le mot ne soit une dérivation de la racine kâna’, qui évidemment signifiait : « se courber, s’incliner, s’abaisser, » signification que le mot a encore en arabe, et à laquelle correspondent ea hébreu les formes dérivées niphal et hiphil, les seules que la Bible nous ait conservées. Il est donc assez naturel que dans le « pays de Chanaan » on ait voulu trouver soit un « pays subjugué ou assujetti » par des conquérants quelconques, soit plus communément un « pays bas et enfoncé ». Voir Amorrhéens, t. i, p. 505. Toutefois cette manière de voir rencontre des difficultés. Le pays qui, selon l’usage biblique, s’appelle « le pays de Chanaan », est en général plutôt un pays de montagnes. Pour soutenir la signification de « pays bas », on a supposé que ce nom avait été donné par comparaison avec les montagnes plus élevées du Liban et du Grand Hermon, ou même avec les plateaux beaucoup trop éloignés du pays araméen, — ou bien l’on admet qu’à l’origine il ne désignait qu’une petite partie de la Palestine, naturellement la plus basse, le long de la côte. — Voir Dillmann, dans Schenkel’s BibelLexikon, art. Kenaan, t. iii, p. 513. Il est vrai que dans Isaie, xxiii, 11, le nom s’applique au pays phénicien, et dans Sophonie, ii, 5, à celui des Philistins ; mais c’est longtemps après la conquête israélite, par laquelle le reste de la Palestine était devenu la terre d’Israël. Il est vrai encore que dans le Pentateuque ces « pays bas » sont habités par le « Chananéen » dans le sens le plus strict du mot (voir ci-dessous), et qu’une ou deux fois, Gen., x, 19 [ ?] ; Deut., i, 7 ; xi, 30, ils s’appellent « la terre du Chananéen » ; mais dans les mêmes livres le « pays de Chanaan » a constamment un sens plus large. Il semble donc que le peuple a plutôt donné son nom aux pays bas de la côte que vice versa. Et dans ce cas le peuple (aussi bien que le « pays de Chanaan » ) tire le sien du petit-fils de Noé, dont il descendait. On est d’autant plus autorisé à chercher l’étymologie du pays dans un nom d’homme, que le mot se retrouve ailleurs comme tel dans la forme Kena’ânâh ou Kèna’nâh. I Par., vii, 10 ; II Par., xviii, 10. Voir Chanaana et Chanana. Ajoutons que d’après Furst, Handwôrterbuch, 3e édit., cette dernière forme serait la plus primitive, et que les anciens Phéniciens connaissaient aussi un personnage du nom de Xvô comme un de leurs ancêtres, dont le surnom Plténix se serait perpétué dans la Phénicie. Voir Sanchoniaton, dans Eusèbe, Prsep. Evang., 1, x, 26, t. xxi, col. 81. Le nom peut donc signi fier soit le « courbé », soit l’  « humble », le « vil » ou quelque chose d’analogue. La dernière signification serait bien appropriée au caractère du fils de Cham. Aussi est-elle donnée déjà par saint Augustin, Enarr. in Ps. civ, 7, t. xxxvii, col. 1394, et par saint Jérôme, De nomin. hebr., t. xxiii, col. 777.

1. CHANAAN, fils de Cham, père des tribus chananéennes. L’histoire sacrée ne nous donne que peu de renseignements sur Chanaan. Il n’en est question que dans les passages suivants : Gen., ix, 18 et 22, où Cham est appelé le « père de Chanaan » ; Gen., IX, 25-27, où se lit la célèbre malédiction de Noé à l’adresse de Chanaan ; Gen., x, 6, où sont énumérés les fils de Cham, et Gen., x, 15-18, qui porte : « Chanaan engendra Sidon son premierna, et Heth, et le Jébuséen…, » avec plusieurs autres noms de tribus chananéennes. Dans les deux derniers passages, l’auteur, sous le nom de Chanaan, semble plutôt désigner sa descendance que l’individu lui-même. Car d’abord la plus grande partie du chap. x est évidemment ethnographique, et au jL 6, parmi les quatre « fils » de Cham, il y a le nom de Mesraïm, dont la forme duelle ne convient guère à un individu, mais convient parfaitement aux deux parties de l’Egypte, la haute et la basse. Ainsi, à cause de la nature différente des documents conservés dans les chap. ix et x, on ne peut conclure de ce dernier passage que Chanaan était le plus jeune des quatre fils de Cham. L’auteur du chap. x ne semble parler que des peuples issus de Chanaan, et il ne les met à la dernière place qu’à cause de leur proximité ; car dans son énumération des peuples il suit généralement un ordre géographique, en commençant par les plus éloignés et en se rapprochant toujours de la Palestine. Voir Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e partie, p. 252^

Au chap. ix, au contraire, nous trouvons bien un individu, fils de Cham, quoique considéré encore en relation avec sa descendance. Les « fils de Noé » qui avec leur père sortent de l’arche, ꝟ. 18, ne peuvent être que trois individus. Et après leurs noms, Sem, Cham et Japheth, il est ajouté immédiatement : « Et Cham fut le père de Chanaan. » La même relation entre Cham et Chanaan est répétée au ꝟ. 22, où l’historien sacré raconte le péché de Cham, probablement pour insinuer quelque participation du fils dans le crime du père, ou du moins quelque ressemblance de caractère et de mœurs. Car en dehors de cette hypothèse on ne conçoit guère pourquoi, dans la malédiction prononcée par Noé, Chanaan semble prendre la place de son père. « Lorsque Noé se réveilla et apprit ce que son fils cadet lui avait fait, il dit : Maudit soit Chanaan ! qu’il soit le serviteur des serviteurs de ses frères. » Et après la bénédiction ou plutôt la prophétie messianique regardant Sem et Japheth, la même sentence se répète à l’adresse de Chanaan : « Béni soit Jéhovah, Dieu de Sem, et que Chanaan soit son serviteur. Que Dieu dilate Japheth, et qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Chanaan soit son serviteur. » Nous n’avons pas ici à expliquer cette prophétie, qui contient en germe l’histoire du monde. Remarquons seulement que Chanaan y est mis sur la même ligne que Sem et Japheth, ses « frères » (dans le sens large qu’on connaît au mot hébreu), présents devant Noé. Si l’on suppose que Chanaan n’est qu’une tribu qui se formera longtemps après Noé et tirera son nom d’une partie basse de la Palestine, la prophétie de Noé n’a plus de sens pour ses auditeurs immédiats. Ce n’est pas à dire toutefois qu’il ne s’agit pas en premier lieu des descendants de Chanaan, comme de ceux. de Senri et de Japheth ; mais ces descendants supposent les ancêtres dont ils tirent leurs noms, et qui seuls entendirent les paroles prophétiques du second père de l’humanité.

Sur la raison pour laquelle la malédiction méritée par Cham frappe son fils Chanaan, voir Cham, col. 513. La Genèse ne nous dit pas comment la prédiction de Noé

se vérifia par rapport à Chanaan lui-même. Quant à sa postérité, on sait comment elle fut en partie détruite, en partie subjuguée par les Israélites, et comment les peuples chananéens ont fini par disparaître de la scène de l’histoire.

2. CHANAAN (PAYS DE). On est naturellement tenté de croire que ce terme géographique comprend toutes les contrées habitées par les descendants de Chanaan, c’est-à-dire le pays des Chananéens dans le sens le plus large. Néanmoins, parmi les peuples chananéens mentionnés Gen., x, 15-18, il yen a qui, d’après toutes les données de l’histoire, ont toujours eu leur siège hors des limites assignées au pays de Chanaan. Ailleurs, au contraire, le nom de « Chananéens » est pris dans un sens beaucoup plus restreint, ne comprenant qu’une petite partie des descendants de Chanaan. Voir, par exemple, Gen., xv, 21 ; Exod., xxiii, 23, 28, etc. Et en prenant le nom dans ce sens restreint, le territoire « des Chananéens » ne comprenait que la moindre partie du pays « de Chanaan », c’est-à-dire la côte de la Méditerranée de Gaza à Sidon et la vallée du Jourdain. Cf. Gen., x, 19 ; Num., xill, 30 (hébreu, 29) ; xiv, 25 ; Deut., i, 7 ; Jos., xi, 3. L’étude des textes où il est question du « pays de Chanaan » montre que cette expression désigne la Palestine occidentale ou cisjordanienne, avec le pays compris entre le cours supérieur du Jourdain et le Nahr er-Rouqqâd ou le Djaulan occidental.

Le pays de Chanaan est d’abord la terre où habitaient les patriarches, Gen., xi, 31 ; xii, 5 ; xvii, 8 ; la terre promise à leur postérité, Gen., xvii, 8 ; Lev., xiv, 34 ; xxv, 38 ; Num., xiii, 3 ; xxxiv, 2, 29, et que les Israélites ont conquise sous Josué. Ps. civ (hébreu, cv), 11. Elle est à l’ouest du Jourdain. Num., xxxiii, 51 ; cf. xxxiv, 2, 12, et Ezech., xlvii, 18. Le pays de Chanaan, où la manne cessa de tomber, Exod., xvi, 35 ; Jos., v, 12, commence au Jourdain ; car Moïse a vu le pays du mont Nébo, Deut., xxxii, 49, sans pouvoir y entrer, Deut., xxxii, 52 ; cf.Num., xiv, 30 ; xx, 12 ; Deut., xxxii, 49. C’est pourquoi il est opposé au pays transjordanien, Num., xxxii, 32 ; xxxiii, 51 ; xxxiv, 2, 15 ; xxxv, 14, ou pays de Galaad, Jos., xxii, 9-15, comme au cercle (kikkar) de la Pentapole, Gen., xm, 12, et à la montagne de.Séir. Gen., xxxvi, 5-8. Il comprend Béthel et Haï, Gen., xiii, 3, cꝟ. 12 ; xxxv, 6 ; Ilébron, Gen., xvï, 3 ; cf. xiv, 13 ; xxxvii, 1, cꝟ. 14 ; Num., xm, 23, 30 ; Salem, ville des Sichémites, Gen., xxxiii, 18 ; Arad, dans le midi de la Palestine, Num., xxxiii, 40 (hébreu) ; les montagnes de Garizim et d’Hébal, Deut., xi, 30 ; la ville de Silo. Jos., xxii, 9 ; Jud., xxi, 12. Il s’étend enfin « du désert de Sin au midi jusqu’à Rohob à l’entrée d’Émath ». Num., xiii, 3, 17, cꝟ. 22. Nous ne connaissons qu’un seul texte qui pourrait faire croire un moment que le pays de Galaad était compris dans la terre promise aux patriarches. Deut., xxxiv, 2-4, sur le mont Nébo, Dieu montre à Moïse « toute la terre de Galaad jusqu’à Dan », la terre de Nephthali, d’Éphraïm, de Manassé et de Juda jusqu’à la Méditerranée, y compris le Négeb et la plaine de Jéricho jusqu’à Ségor, en disant : « Voilà le pays que j’ai juré à Abraham, à Isaac et à Jacob de donner à leur postérité. » Néanmoins ces dernières paroles ne s’appliquent pas au pays transjordanien, où se trouvait Moïse, et qu’il venait de conquérir sur les rois d’Hésébon et de Basan, Num., xxi ; Deut., n-m ; car, quant à la Terre Promise, Dieu ajoute immédiatement : « Je vous l’ai fait voir de vos yeux, mais vous n’y entrerez pas. » Il est tout naturel cependant que le pays de Galaad soit nommé au ^.2, dans la description du panorama vu du mont Nébo, dont il faisait la partie la plus rapprochée. Une description détaillée des « frontières s du pays de Chanaan se lit au chap. xxxiv des Nombres, 3-12, et au chap. xlvii d’Ézéchiel, 15-20. Il est vrai que dans ce dernier passage le nom de « Chanaan » n’apparaît pas : il s’agit de la terre, qui, d’après une vision prophé tique, devait être distribuée de nouveau entre les douze tribus d’Israël ; mais on ne saurait douter de l’identité des deux lignes de frontières.

Il est hors de doute encore que dans le Pentateuque et dans Ézéchiel la Méditerranée limite le pays vers l’ouest, tandis que le cours inférieur du Jourdain et la mer Morte forment en grande partie la limite orientale. La frontière du midi est déterminée dans les Nombres par les localités suivantes, en allant de l’est vers l’ouest : le désert de Sin, à côté d’Édom ; la montée à"Aqrabbîm (Vulgate : ascensus Scorpionis) ; Sin (Vulgate : Senna) ; Cadèsbarné ; Ifâfar-Addâr (Vulgate : villa nomine Adar) ; Asémona ; le torrent d’Egypte. Ézéchiel ne mentionne que « Thamar, Cadès = Cadèsbarné et le torrent ». Mais toutes les localités des Nombres se retrouvent dans Josué, xv, 1-4, sur les limites méridionales de la tribu de Juda. Ici encore deux villes sont ajoutées : Esron à l’est, et Carcaa à l’ouest d’Adar. Il résulte donc de ce passage de Josué que le pays de Chanaan promis à Moïse, Num., xxxiv, ne s’étend pas plus loin vers le midi que le territoire occupé de fait par les Israélites sous Josué. Ce point mérite d’être constaté. Du reste, nous n’avons pas à entrer dans le détail des identifications proposées, qui en grande partie sont encore peu certaines. Voir les articles spéciaux. Disons seulement ici que Cadèsbarné semble être retrouvé dans’Ain Qadîs, à 30° 33’latitude nord, et qu’on peut par conséquent étendre jusque-là la limite méridionale de la terre de Chanaan.

Du côté du nord on rencontre des difficultés plus . sérieuses. L’opinion commune ne voit dans les frontières septentrionales des Nombres et d’Ézéchiel que des frontières « idéales » ou « prophétiques », allant vers le nord et vers l’est à une distance considérable au delà des frontières réelles du pays occupé par Josué. Et de fait pas une seule des localités nommées dans ces deux livres sur les frontières du pays de Chanaan ne se retrouve dans la description des deux tribus septentrionales (Aser et Nephthali) dans le livre de Josué, xix, 24-39. Nous croyons néanmoins que la différence entre les frontières « idéales » et les frontières réelles du pays d’Israël, si différence il y a, se réduit à très peu de chose. Voici les localités données par les Nombres, en partant de la Méditerranée : Hôr hà-hâr (Vulgate : mons allissitnus. L’expression hébraïque pourrait signifier s Hor de la montagne », mais on comprend ordinairement « le mont Hor a) ; Bô’flâmât (Vulgate : a quo venient in Ernath) ; Sedada ; Zephrona ; ffasar’Ênân (Vulgate : villa Enan).

— Le texte d’Ézéchiel, xlviii, 1-28, est un peu plus développé ; on y rencontre, en allant également de l’ouest à l’est : le chemin d’Héthalon ; Bô’Sedâdâh (Vulgate : venientibus Sedada) ; Émath (nous croyons, d’après xlviii, 1, qu’il faudra lire avec les Septante : Bô’Cernât, Sedâd, etc.) ; Bérotha ; Sabarim, entre le territoira de Damas et celui d’Émath ; Ifâ^êr hat-tikôn (= Ifâçêr du milieu ; Vulgate : domus Tichon), sur la frontière du IJaurân (Vulgate : juxta terminum Auran) ; Hâ$ar’Ênôn ou IJàsar’Ênân, Ezech., xlviii, 1 (Vulgate : atrium Enan). Le texte ajoute : « sur la frontière de Damas. »

— La frontière orientale, d’après les deux textes, part de Jfâ$ar’Ênân et parvient au Jourdain pour le suivre jusqu’à la mer Morte. Mais les Nombres ajoutent d’autres détails : « Vous vous marquerez la frontière à l’est de Ifâsar’Ênân jusqu’à Sephama. Et la frontière descend de Sephama jusqu’à Rebla (mais d’après les Septante, qui ont Ap8tj), i£, on pourrait lire Harbèl), à l’est de’Ayin (Vulgate : contra fontem Daphnin). Et la frontière descend et touche à l’épaule de la mer de Cennéreth, vers l’est, et descend au Jourdain… »

L’opinion la plus récente et la moins invraisemblable que nous trouvons chez les savants modernes à propos de ces frontières est celle de Furrer (Antike Stâdte im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, année 1885, p. 27-34), adoptée CHANAAN

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auasi avec une légère modification par von Riess (Bibel-Atlas, 2e édit.). Voici en peu de mots les identifications proposées par ces savants : Héthalon est Heitelâ, au nord de Tripoli, entre le Nahr’Akkâr et le Nahr el-Kebîr. (Le mont Hor désigne conséquemment les derniers contreforts septentrionaux du Liban.) — L’entrée d’Émath, d’après Furrer, est le commencement de la vallée de Hamàh proprement dite, près i’Er-Restân ; d’après von Riess : la vallée du Nahr el-Kebîr, qui conduit de Tripoli à Homs et Hamah. — Zefrôna est Safraneh (d’après Robinson : Ez-za’feràrieh), à l’est-sud-est d’Er-Restân.

— Sedâd est Sadad, au sud-est de Homs, au nord-est de Nebq. — Bérôlha est Bereitdn, au sud de Baalbek.

— Sabarim est Sômerîyeh, à l’est du lac de Homs. — Haurân est Hawwârîn, au nord-est de Sadad. — Jfâsêr hat-likôn est Mâhîn, à deux kilomètres et demi au sud de Hawwârîn. — Hàsar’Ênân est Qiryatein, sur le chemin de Damas à Palmyre. — Sefâm est inconnu ; Furrer propose de le chercher à’Atnî, à quarante-six kilomètres au sud-sud-est de Qiryatein. — Harbêl est’Arbîn, à cinq kilomètres au nord-est de Damas. Ceux qui lisent Hâ-Riblâh l’identifient avec Rebleh, à l’est de l’Oronte, entre Baalbek et Homs.

Pour les difficultés de détail que présentent ces identifications, voir les articles spéciaux. L’objection générale à laquelle elles donnent lieu, c’est que ces frontières s’étendent à cent soixante-dix ou cent quatre-vingts kilomètres au nord du pays que les Israélites ont occupé de fait. Aussi croyons-nous pouvoir tracer avec plus de vraisemblance la ligne des frontières septentrionales le long du Liban méridional (ou du Nahr el-Qâsimîyeh) et du’Grand Hermon, et la ligne orientale le long du Rouqqâd et du Scherî’at el-Menâdireh (l’ancien Yarmouk) jusqu’à son embouchure dans le Jourdain. Dans un mémoire récent : La frontière septentrionale de la Terre Promise, présenté au Congrès scientifique des catholiques, à Bruxelles (1894), et publié dans la Revue biblique, 1895, p. 23-36, et dans le Compte rendu du Congrès, 2e sect., p. 124-136, nous avons proposé les identifications suivantes : Heflôn =’Adloûn, à une lieue et demie au nord du Qâsimîyeh, sur le chemin de Tyr à Sidon. — Le mont Hor = le Liban méridional. — L’entrée d’Émath = la Merdj’Ayoûn, la plaine ouverte qui sépare le Liban des contreforts occidentaux du Grand Hermon. — Sedâd (lisez : Serâd, avec le texte samaritain et la version samaritaine et le texte grec des Nombres) = Khirbet Serâdâ, à l’est de la Merdj’Ayoûn. — Bêrôtâh pourrait être Bârîs. — Zifrôn = Sarifâ [ ?] ou Fouroûn [ ?] (Ces trois villages se trouvent au midi du Qâsimîyeh.) Il est possible aussi que Zifrôn ne soit qu’une corruption du nom suivant. — Sibrayim = Khirbet Senbarîyeh, sur le Hasbânî, au sud-sud-est de la Khirbet Serâdâ. — tfâfêr ha{ - tikôn = Hazoûreh, au nord - est de Bâniyâs.

— Jfàsar-’Êndn — el-Hadr, au delà du Nahr Mougannieh, au pied sud-est du Grand Hermon. — Sefâm =’Ofâni, au sud d’el-Hadr. De ce point la frontière « descend » réellement jusqu’au Jourdain. —’Ayin =’Ayoûn, dans le midi du Djaulan. — Hâ Riblâh semble avoir laissé une trace de son nom dans le Zôr Ramliyéh, contrefort du plateau du Djaulan sur le Yarmouk, à l’est à" Ayoûn. On pourrait encore lire Hâ Abilàh, et comprendre la célèbre ville de ce nom, qui est, elle aussi, exactement à l’est d" Ayoûn. En descendant le long du Yarmouk la frontière « touchait à l’épaule de la mer de Kinnèrèf (c’est-à-dire aux hauleurs qui dominent le lac de Tibériade) vers l’est ».

Avouons que l’identification de Bérotha avec Bàris, à 20 kilomètres à l’ouest de la Khirbet Serâdâ, est assez précaire. En remarquant que les Septante au lieu de Bêrôtâh Sibrayim donnent MaiêG7jpi(ç *E6paij….) (B) ou MauTST ; pà( ; ’Espaji…) (A), on pourrait supposer une faute de copiste et penser à la Khirbet Bouqueiréh (Survey Map, Planche H Ob ; Memoirs, . i, p. 91), qui

n’est qu’à quatre ou cinq kilomètres de la même ruine. Ne discutons pas trop sur le Béroth du second livre des Rois (II Sam.), rai, 8. Il peut être identique à celui d’Ézéchiel, mais le nom y est encore plus douteux, le passage parallèle des Paralipomènes, les Septante et Josèphe présentant trois autres leçons. Voir Biïroth 3, t. i, col. 1625-1627. Il nous suffit de constater que sur Béroth nous ne savons rien d’assez certain pour abandonner notre hypothèse au sujet de la direction générale de la frontière.

D’après cet exposé, les limites de la Terre Promise des Nombres et d’Ézéchiel se confondent (ou à peu près) avec celles du pays conquis par Josué et habité encore par les Israélites aux temps de David, I Par., xiii, 5, de Salomon, III Reg., viii, 65 ; II Par., vii, 8, et de Jéroboam II, fils de Joas. IV Reg., xiv, 25 ; Amos, vi, 15. Alors, d’après tous ces passages, l’entrée d’Émath marquait la frontière « réelle » du territoire israélite, — comme ailleurs du reste elle est mentionnée avec Rohob, Num., xm, 22, ville d’Aser, Jos., xix, 28, 30 ; Jud., i, 31, et avec Baalgad sous le mont Hermon, Jos., xiii, 5, Jud., iii, 3, qui semble être identique à Bâniyâs. — Voir Baalgad. Cette manière de voir est confirmée encore par deux passages de la Mischna, Challâh, iv, 8 ; Schebiith, vi, 1, où le pays occupé par les Israélites « venus de l’Egypte » est décrit comme allant « jusqu’au fleuve et à VAmânâh ». Ce dernier nom, employé dans les Targums pour le mont Hor, ne peut désigner que le Liban méridional, tandis que « le fleuve » doit être le Nahr el-Qâsimîyeh.

Ajoutons que notre hypothèse seule rend compte d’un détail très remarquable du chap. xlviii d’Ézéchiel. Ici le prophète, en allant du nord au midi, divise la terre d’Israël, décrite au chapitre précédent, sur sa largeur entière en douze bandes égales, assignées aux douze tribus, — sans compter une zone plus large, qu’il appelle la Terournâh, « l’offrande, » et qui est considérée comme le partage des prêtres et des lévites. Elle consiste principalement dans Un carré de 25000 cannes (150000 aunes saintes) de côté, au milieu duquel, ou à peu près, est placé le « sanctuaire de Jéhovah », tandis que « la ville » sainte semble être à peu de distance, vers le midi. Ce qui reste à l’ouest et à l’est du carré est appelé la terre du Prince. On s’attend à voir cette Teroumâh placée au centre du pays ; mais Ézéchiel la place plus loin vers le midi, entre la septième et la huitième tribu. Si l’on demande la raison de cet arrangement, on n’en trouve pas d’autre que celle qui est donnée par Keil, Ezéchiel, Leipzig, 1868, p. 188, savoir : que « la ville » et son territoire (nous dirions plutôt : le sanctuaire, comme centre religieux) devait rester dans les environs de l’ancienne Jérusalem, — ce qui convient du reste avec la circonstance que la Teroumâh est placée entre les deux tribus de Juda et de Benjamin.

Malheureusement, si Ézéchiel, au chapitre précédent, étendait la Terre Sainte jusqu’à Er-Reslàn, toute la Teroumâh resterait à une distance très considérable au nord de Jérusalem. Et Keil lui-même, ouvrage cité, planche IV, n’échappe pas à cet inconvénient, quoiqu’il n’étende la frontière septentrionale que jusqu’à la Aïn Leboueh, au nord de Baalbek. Dans notre hypothèse, au contraire, le « sanctuaire de Jéhovah » reste exactement à la latitude du temple de Jérusalem. La distance de cette ville au Nahr el-Qâsimîyeh, en ligne droite et en chiffres ronds, est de cent soixante-dix kilomètres ; celle de Jérusalem à la frontière méridionale (’Aïn Qadis, 30° 33’latitude nord) est de cent trente kilomètres. En tenant compte <les diverses opinions sur la longueur de l’aune sainte (voir Keil, ouvr. cité, p. 492 ; Trochon, Ézéchiel, p. 278 ; Schegg, Bibl. archœol., p. 298), on peut évaluer les vingt-cinq mille cannes de la Teroumâh à environ soixante-dix kilomètres ; mais, mesurées selon les accidents d’un terrain montagneux, elles ne prendraient pas plus de soixante

kilomètres sur la carte^ La Teroumàh s’étendrait donc à trente kilomètres au nord et au midi du « sanctuaire » : ce qui laisse une distance de cent kilomètres (le tiers de la longueur totale du pays) pour les cinq tribus du midi, et cent quarante kilomètres pour les sept tribus du nord. Chaque tribu prend ainsi un quinzième de la longueur totale (vingt kilomètres), la Teroumàh un cinquième (soixante kilomètres). Ce résultat nous semble une confirmation remarquable de notre opinion.

Le « pays de Chanaan » comprenait donc la Palestine occidentale depuis 30° 33’jusqu’à 33° 18’latitude nord, avec le Djaulan occidental ( entre le Jourdain et le Rouqqâd). Ici encore le pays de Galaad (la Pérée) en reste exclu. D’après le texte d’Ézéchiel, la terre d’Israël était bornée par le territoire d’Émath au nord, par celui de Damas au nord-est, par le Hauran et le pays de Galaad à l’est. Voir Auran.

Voilà les renseignements que nous trouvons dans la Bible sur l’étendue du « pays de Chanaan ». Faut-il comprendre dans le même sens « la frontière du Chananéen » mentionnée Gen., x, 19 ? « La frontière du Chananéen est de Sidon vers Gérare jusqu’à Gaza, vers Sodome, et Gomorrhe, et Adama, et Séboïm jusqu’à Lésa (hébreu : Lésa’). » C’est la frontière ouest de la Palestine, la côte de la mer, de Sidon vers le midi (direction de Gérare) jusqu’à Gaza ; et la frontière sud-est est formée par la Pentapole. Sur Lésa’il y a deux opinions : d’après les uns, il est identique à Callirhoé, à l’est de la mer Morte ; d’après les autres, il faudrait lire un hé au lieu du’aïn final, et comprendre Lais, ville près de la frontière nord-est de Chanaan, qui après la conquête des Danites, Jos., xix, 47 ; Jud., xviii, 27-29, reçut le nom de Dan. Ce n’est que dans cette dernière hypothèse que le texte trace vers l’orient une ligne de démarcation complète. Nous avons dans ce cas les quatre angles d’un parallélogramme : Sidon au nord-ouest, Gaza au sud-ouest, la Pentapole au sud-est et Laïs au nord-est. Ce parallélogramme n’est pas bien loin de répondre au pays de Chanaan, décrit plus haut. Et « le Chananéen », d’après cette exposition, comprendrait toutes les tribus qui occupaient le pays avant les Israélites, et qui souvent sont désignées en bloc sous le même nom. Néanmoins, dans beaucoup d’autres passages, « le Chananéen » ne désigne qu’une seule tribu, ou du moins un groupe des tribus palestiniennes, habitant la’Arâbâh, le long du Jourdain, Deut., xi, 29-30, et la côte de la Méditerranée, Jos., v, 1 ; xm, 3 ; Deut., i, 7 ; cf. II Sam. (Reg.), xxiv, 7 ; en d’autres termes, les « pays bas » de la Palestine, Num., xiv, 25, à l’est et à l’ouest des montagnes, Num., xiii, 30 ; Jos., XI, 3. Voir Chananéen 1. Dans les temps des prophètes, quand les Chananéens avaient disparu du pays des Hébreux, le nom désignait encore les Phéniciens, Abd., 20, et le nom de « Chanaan » tout court est employé pour le pays phénicien, Is., xxiii, 11, ou philistin, Soph., h, 5. Dans ce sens, l’emploi de ces mots s’est perpétué jusqu’à l’époque du Nouveau Testament : la femme « syrophénicienne » de Marc, vii, 26, est une « Chananéenne » chez saint Matthieu, xv, 22. Voir Chananéenne. Etienne de Byzance connaît le mot Xvâ comme le nom ancien de la Phénicie, et d’après saint Augustin, In Rom., vin, 13, t. xxxv, col. 2096, les Pœni de son temps s’appelaient encore Chanani. Cet usage plus récent explique aussi l’erreur des Septante, qui parfois ont traduit « le pays de Chanaan » par tj « Êoivixr, ou f, yûçix râv « Êoivîxmv, même dans des passages où il s’agit de la partie orientale du pays de Chanaan, de la vallée du Jourdain. Exod., xvi, 35 ; Jos., v, 12. Il est même probable qu’en même temps le nom restait en usage soit pour la vallée du Jourdain supérieur, près du lac El-Hoûleh, soit pour un de ses affluents occidentaux. Du moins vers l’an 1000 de notre ère, le géographe arabe El-Moqaddasi mentionne un Ouâdî Kan’ân faisant partie du district du Jourdain, et situé, à ce qu’il paraît, entre

Tibériade et Bâniâs. Voir Gildemeister, Zeitschrift des deutschen Palâsïma-Vereins, année 1884, t. tu, p. 144, 153, 223. Il s’agit peut-être de VOuâdi el-taurâhin, « vallée des moulins, » avec un courant d’eau assez important, qui descend de Meiroun vers le Jourdain, et qui, à l’est de Safed, est dominé par le Djebel Kan’ân, montagne de 1050 mètres de hauteur. Voir Survey of Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 194-209. Cette application spéciale du nom de « Chananéen » nous semble enfin convenir mieux au texte cité de Gen., x, 19 : dans ce sens, le « Chananéen » habitait la côte entre Sidon et Gaza, et la vallée du Jourdain, (deLaïs-Dan [ ?]) jusqu’à la Pentapole.

Mais après tout le passage entier n’est que d’une authenticité douteuse. Dans le texte samaritain, il est remplacé par un autre tout différent, et qui semble être mieux en rapport avec le verset précédent, où sont énumérés tous les peuples descendant de Chanaan, dont plusieurs avaient leurs sièges bien loin au nord du « pays de Chanaan ». Les Héthéens nommément s’étendaient jusqu’à l’Euphrate. Cf. Gen., xv, 18 ; Jos., i, 4. Et le texte samaritain, au lieu du passage cité plus haut, a ces paroles-ci : « Et la frontière du Chananéen ( comprenez : de tous les descendants de Chanaan, énumérés au ꝟ. 18) s’étend du fleuve de l’Egypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve de l’Euphrate, et [de l’Euphrate] jusqu’à la mer postérieure (ou occidentale, la Méditerranée). » C’est le seul passage géographique où « le pays » ou « la frontière du Chananéen » comprend tous les pays occupés par les descendants de Chanaan ; mais évidemment ce sens est ici à sa place après le ^. 18, dont les derniers mots mentionnent la dispersion des familles chananéennes. Aussi sommes-nous bien tenté de l’admettre comme authentique. Plus tard, croyons - nous, quand l’expression « pays du Chananéen » avait un sens beaucoup plus restreint, on n’a plus compris ce verset, et une main audacieuse se sera permis de refondre le texte selon la signification plus récente de l’expression. Ce qui est certain, c’est que l’acception la plus large du « pays du Chananéen » apparaît ici dans le texte samaritain. Il y a d’autres passages, Gen., xv, 18 ; Deut., i, 7 ; xi, 21 ; Jos., i, 4, où tous les pays en deçà de l’Euphrate sont promis aux Israélites, — promesse qui ne s’est vérifiée que sous David et Salomon, — mais ils n’y sont pas appelés « pays du Chananéen » ou « pays de Chanaan ». — Il n’y a que les documents cunéiformes, plus anciens que le Pentateuque, qui sont mieux d’accord avec le texte samaritain. Leur mal Ki-na-ah-hi, « pays de Chanaan, » semble comprendre la Phénicie septentrionale, le pays A’Amourra, aussi bien que la Phénicie méridionale, avec la vallée d’Akka. Voir A. J. Delattre dans les Proceedings of the Society of biblical Archxology, 1891, t. xiii, p. 223, 234.

Pour la description du pays, voir Palestine ; pour les

I habitants, voir Chananéen 1. J. van Kasteren.

i

| 3. CHANAAN (LANGUE DE). Isaïe, Xix, 18, appelle I ainsi la langue hébraïque. La langue parlée par les Chananéens proprement dits était pour le fond l’hébreu. Voir Hébreu.

    1. CHANAANA##

CHANAANA (hébreu : Kena’ànâh ; variante : Kena’nâh ; Septante : Xavaavi). Ce nom semble avoir la signification « bas, humble, vil », comme le nom « Chanaan » (Kena’an), où la terminaison est rejetée (cf. Chanaan et Chanana), II Par., xviii, 10, où il est donné au père d’un certain Sedecias, un des faux prophètes qui promettaient à Achab et à Josaphat la victoire sur les Syriens. J. van Kasteren.

    1. CHANANA##

CHANANA (hébreu : Kena’ànâh ; Septante : Xavavdcv ; B : Xavavdc), nom d’un Israélite de la tribu da Benjamin, mentionné I Par., vii, 10. Il descendait de Benjamin par Jadihel et Balan. — Sur l’origine et la signi

fication du nom (bas, humble, vil), voir Chanaan. En hébreu, le même nom est encore donné à un autre personnage, Il Par., xviii, 10 ; mais là il est rendu dans la Vulgate par Chanaana. Voir cet article.

J. VAN KASTEREN.

1. CHANANÉEN (hébreu : Kena’anî ; Septante : XavavaTo ?, une fois « toiviÇ, Exod., VI, 15 ; Vulgate : Chananseus), 1° descendant de Chanaan, fils de Cham, Gen., x, 18, etc. Voir Chanaan 1.

I. Diverses tribus chananéennes. — L’Écriture désigne sous le nom général de Chananéens les divers peuples qui habitaient la terre de Chanaan, Gen., xii, G ; xxiv, 3, 37 ; xxxiv, 30 ; Exod., xiii, 11 ; mais elle énumère en particulier six tribus établies dans le pays et qui devaient être expulsées par les Hébreux de la Terre Promise : 1° les Chananéens proprement dits ; 2° les Héthéens ; 3° les Amorrhéens ; 4° les Phérézéens ; 5° les Ilévéens ; 6° les Jébuséens. Exod., iii, 8, 17 ; xxiii, 23 (28) ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 ; Deut., xx, 17 ; Jos., ix, 1 ; xii, 8 ; Jud., iii, 5. Les Phérézéens sont omis Exod., xiii, 5. Cf. I Esdr., ix, 1 ; II Esdr., ix, 8. — 7° Les Gergéséens sont ajoutés, Gen., x, 16 ; xv, 21 ; Deut., vii, 1 ; Jos., iii, 10 ; xxiv, 11. Cf. I Par., L, 13 ; II Esdr., ix, 8 ; — Gen., xv, 19-21, contient quatre noms de plus : 8° les Cinéens ; 9° les Cénézéens ; 10° les Cedmonéens ; 11° les Raphaïm. Elle omet les Hévéens. — La Genèse, x, 15-18, et le passage parallèle, I Par., i, 15-16, énumérent comme descendants de Chanaan les Sidoniens, les Iléthéens, les Jébuséens, les Amorrhéens, les Gergéséens, les Hévéêns, les Aracéens, les Sinéens, les Aradéens, les Samaréens et les Amathéens ou Hamathéens. Les Amathéens sont les habitants d’Émalh. Les quatre avant-derniers ne sont , nommés nulle autre part dans l’Écriture, à part les Aradéens dont il est question dans Ezéchiel, xxvli, 8, 11. Voir chacun de ces mots.

2° Le mot Chananéen est employé comme synonyme de « marchand », Job, xl, 30 (Vulgate, 25 : negotialores) ; Prov., xxxi, 24 ; Zach., xiv, 21 (Vulgate : mercator), parce que les Chananéens, en particulier les Phéniciens, s’adonnaient beaucoup au commerce.

3° La tribu qui portait spécialement le nom de Chananéens, à l’exclusion des autres descendants de Chanaan, Gen., xiii, 7 ; xv, 21 ; Exod., m ; 8, 17 ; xiii, 5 ; xxiii, 23, 26 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11, habitait « près de la mer (Méditerranée) et sur les bords du Jourdain », Num., xm, 30 (29), ainsi que « dans les vallées » avec les Amalécites. Num., xiv, 25, cꝟ. 43. L’auteur sacré appelle sans doute Chananéens, dans ce sens restreint, les descendants de Chanaan qui n’appartenaient pas à quelqu’une des autres tribus énumérées avec eux sous un nom particulier dans les passages cités.

IL Histoire générale des tribus chananéennes. — Nous avons peu de détails sur leur histoire. Elles occupaient déjà le pays qui portait leur nom quand Abraham y arriva. Gen., xv, 19-21. Dieu, à cause de leur idolâtrie et de leurs crimes, donna leurs possessions aux enfants d’Israël, qui les soumirent sous Moïse et Josué, et en tuèrent ou chassèrent la majeure partie. La conquête avait été commencée du temps de Moïse par une première victoire remportée sur le roi chananéen Arad, au sud de la Palestine. Num., xxi, 1-3. Séhon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan, furent ensuite battus, et leurs royaumes, situés à l’est du"jourdain, devinrent le partage des tribus de Ruben et de Gad et de la moitié de la tribu de Manassé. Num., xxi, 21-35 ; xxxii ; Deut., ii, 30 ; iii, 17. Josué, après avoir battu les Chananéens du sud près de Gabaon, Jos., x, et ceux du nord au lac Mérom, Jos., xi, passa ensuite le Jourdain et conquit toute la Palestine. Si Ton pouvait en croire Procope, Bell. Vand., ii, 10, édit. de Bonn, 1. 1, p. 450, une partie des Chaiianéens vaincus aurait alors émigré en Afrique, mais son témoignage, datant du ve siècle de notre ère, est de peu d autorité, quoiqu’il prétende l’appuyer sur une

inscription. — Il resta cependant encore des Chananéens en Palestine. Jud., i, 21, 27-35 ; II Reg., v, 6 ; I Par., xi, 41. Ils furent même assez forts, du temps des Juges, pour asservir les tribus du nord, jusqu’à ce que Décora et Barac les eussent vaincus, Jud., iv-v. Salomon imposa un tribut à ceux qui existaient encore de son temps. lit Reg., xi, 20-21. On voit dans I Esdr., ix, 1-2, qu’il y avait encore après la captivité de Babylone des Chananéens avec qui les Israélites s’étaient alliés par des mariages illicites. Les Nathinéens, qui étaient voués au service du Temple, I Par., ix, 2 ; Esd, ii, 43, etc., étaient, au moins en partie, des Chananéens. Voir Nathinéens. Pour la Chananéenne de l’Évangile, Matth., xv, 22’, voir Chananéenne. F. Vigouroux.

2. CHANANÉEN (Kavavixi)ç ; Chananseus), surnom donné, Matth., x, 4 ; Marc, iii, 18, à l’apôtre saint Simon, frère de l’apôtre saint Jude, pour le distinguer de plusieurs autres Simon, nommés dans le Nouveau Testament, en particulier de Simon-Pierre et de Simon, « frère de Jésus. » Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3. Ce surnom ne désigne pas la nationalité de l’apôtre ; il vient de l’adjectif araméén ywp, Qan’ân, KavavÎTr, ; , et non de l’ethnique >2y23, Kena’anî, Xavavaîo ; . Ces deux mots sont

complètement différents dans le texte original, quoique la Vulgate transcrive l’un et l’autre de la même manière. Chananseus. Saint Luc nous a appris quel était le véritable sens du surnom de l’apôtre en le traduisant en grec par ÇrjWriî < ;  ; Vulgate : Zelotes, Luc, vi, 15 ; Act., i, 13, c’est-à-dire « plein de zèle » pour la religion, soit que Simon appartînt à la secte juive connue sous le nom de Zélotes, Josèphe, Bell, jud., IV, iii, 9, etc. ; soit qu’il se fut fait simplement remarquer par sa piété et sa ferveur pour la cause de Dieu. Voir Simon i.e Chananéen et Zélote. F. Vigouroux.

    1. CHANANÉENNE##

CHANANÉENNE (Xavavafa). C’est par ce nom eth La Chananéenne. Sarcophage du cimetière du Vatican. D’après Bosio, Rotna sotterranea, p. 65.

nique grec que saint Matthieu, xv, 22, désigne la femme qui vint au-devant du Seigneur, aux confins de la Phénicie, lui demandant la guérison de sa fille possédée du démon (fig. 183). Celte femme, qui était de la race des Chananéens, est appelée en saint Marc, vii, 20, ’EXXrçvi’; , 51l

CHANANÉENNE — CHANDELIER

542 « païenne » (de religion), et Supo ? oiviuaa tû y^’^'i « syrophénicienne de nation. » À cette époque, en effet, la Phénicie était réunie à la province romaine de Syrie. La Chananéenne avait sans doute appris quelque chose de l’attente messianique ; elle savait par les Juifs que le grand prophète devait être de la race de David, et peut-être le lui avait-on désigné par la dénomination de fils de David. C’est ainsi qu’elle l’appelle, Matth., xv, 22, quand elle se prosterne à ses pieds. Marc, vii, 25. Elle avait commencé à supplier Jésus sur le chemin, elle le suivit dans la maison où il entra pour se soustraire aux importunités de la foule. Marc, vii, 24. Le silence calculé de Jésus, et son double refus, ne la découragèrent pas, mais plutôt lui fournirent l’occasion de manifester sa foi. Car non seulement elle persista dans sa demande, Matth., xv, 26, mais son humilité lui inspira une admirable réponse. Notre - Seigneur, en effet, lui avait déclaré qu’il n’était pas venu pour les païens, mais seulement pour les brebis perdues de la maison d’Israël, Matth., xv, 24 ; il avait dit qu’il n’était pas bon que le pain fût soustrait aux enfants pour être donné aux chiens. Matth., xv, 26 ; Marc., vii, 27. La Chananéenne repartit que les chiens étaient bien admis à se nourrir des miettes tombées de la table de leur maître. Matth., xv, 27 ; Marc, vii, 28. Cette réponse pleine de foi lui valut l’éloge du Sauveur, Matth., xv, 28, et obtint la guérison de sa fille, qu’elle trouva, à son retour, tranquille sur sa couche et délivrée du démon. Marc, vii, 30. P. Renard.

CH AN AN EL ben Chuschiel, ou plus exactement Iîananêl ben Husiêl, célèbre rabbin, né à Kairouan, en Tunisie, vers 990, et mort vers 1050. Tosaphiste remarquable par sa science talmudique, et adversaire des caraïtes, il se fit connaître aussi par ses travaux d’exégèse, notamment par un commentaire sur le Pentateuque, dont il ne reste plus que des fragments. S. L. Rapaport a puhlié une leçon de ce commentaire dans sa biographie de Hananel, Tôledôt rabbênû Hananêl, in-8°, Vienne, 1831-1832. E. Levesque.

    1. CHANANI##

CHANANI (hébreu : Keuâni, abréviation de Kânanyâhû, « Dieu protège ; » Septante : Xwvsvi ; Codex Alexandrinus : Xavavi), un des lévites qui, après avoir confessé publiquement les péchés du peuple et lu la Loi, renouvelèrent l’alliance avec le Seigneur sur l’ordre d’Esdras. II Esdr., ix, 4. Les Septante ont uni le nom propre précédent, Bani, avec Chanani, en l’interprétant comme s’il y avait Benê, « . les fils de, » ulol Xwvevî.

    1. CHANATH##

CHANATH, Nom., xxxii, 42, ville à l’est du Jourdain, dont le nom est écrit Canath I Par., ii, 23. Voir Canath.

CHANCELIER. On traduit par ce mot impropre, dans plusieurs versions françaises de la Bible, l’hébreu ntazklr, qui signifie littéralement, non celui qui garde et appose les sceaux, comme notre expression chancelier ; mais <i celui qui fait souvenir », c’est-à-dire celui qui est chargé de conserver la mémoire des événements, le rédacteur des annales royales (diberê hay-yâmin ; Vulgate : verba dierum) ou l’historiographe officiel (Septante : âva|ju|ivir]<jx(ov ; Vulgate : a commentariis). Voir Historiographe.

    1. CHANDELIER##

CHANDELIER (hébreu : menôrâh, cf. nêr, « lampe ; » Septante : vyyia ; Vulgate : candelabrum) au sens strict désigne aujourd’hui un ustensile supportant la chandelle ou flambeau composé d’une mèche enduite d’une substance combustible enroulée autour. Dans l’Ancien Testament et dans les Évangiles, il s’entend toujours d’un support portant une ou plusieurs lampes. Le mot « candélabre », qui a la même, étymologie, s’applique ordinairement en français au chandelier à haute tige ou à plu sieurs branches ; mais, dans la Vulgate, candelabrum s’employe seulement pour exprimer un porte-lampes.

I. Chandelier a sept branches. — 1° Description. — Il y eut d’abord dans le Tabernacle, puis dans le Temple, de Jérusalem, un candélabre célèbre, qu’on appelle ordinairement le chandelier à sept branches, à cause des sept lampes qu’il portait. On l’appelait aussi, à cause de sa matière, « chandelier d’or, » menôrat zâhâb, Exod., xxv, 31, , et, à cause de son usage saint, le « chandelier pur », Lev., xxiv, 4 ; le « chandelier sacré ». Eccli., xxvi, 22. Il avait été fait sur l’ordre de Dieu, selon le modèle que Moïse avait vu au Sinaï. Exod., xxv, 40 ; Num., viii, i. La Sainte Écriture le décrit assez en détail. Exod., xxv, 31-39 ; xxxvii, 17-24. Il repose sur un pied, yérék, Exod., xxv, 31 ; xxxvii, 17, ou base, pâo-tç, Josèphe, Ant. jud., III, VI, 7, dont le texte sacré ne nous fait pas connaître la forme ; selon la tradition juive, la base, convexe en dessus et concave en dessous, aurait été soutenue par trois pieds. H. Opitz, Disquisitio de candelabri mosaici structura, in-4°, Iéna, 1708, p. 10-11. De la base monte une tige toute droite, qâneh, Exod., xxv, 31 ; xxxvii, 17 ; de chaque côté de cette tige, à égale distance, partent sur un même plan vertical trois branches parallèles, qânim, Exod., xxv, 32 ; xxxvii, 18. Ces six branches, en se recourbant, comme en éventail, atteignent par leur extrémité la même hauteur que le sommet de la tige centrale. La tige et. les branches, assez minces, Xerc-rof, Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5, comme des roseaux, qânéh, sont ornées de divers motifs de décoration, non surajoutés, mais ne formant avec le candélabre qu’un seul tout. Exod., xxv, 31. Ce sont, des coupes, des boutons ( de fleurs) et des fleurs épanouies. Exod., xxv, 33-34 ; xxxvii, 19-20. Les coupes (hébreu : gebî’im ; Septante : xparripe ;  ; Vulgate : scyphi), au nombre de trois sur chaque branche et de quatre sur la tige cen. traie, Exod., xxv, 33-34, ressemblaient, dit Maimonide, De domo selecta, iii, 8, dans Crenii Opuscula, fasc. vi, p. 23, à des coupes d’Alexandrie aux bords larges et au, fond étroit. Les coupes étaient mesuqqâdîm, Exod., xxv, 33-34, c’est-à-dire en forme de fleur d’amandier, cequi répond assez bien à la description précédente. Seloni d’autres auteurs, elles étaient en forme de fruit d’amandier, quand les amandes sont encore jeunes, Maimonide, domo selecta, iii, 2, dans Crenius, p. 22, ou découpées eni plusieurs parties rappelant chacune la forme d’amande. Reland, De spoliis Templi, in-12, Utrecht, 1775, p. 106. In modv.ni nucis de la Vulgate est la traduction de èx-rs--TU 7cto|X£vot xapuc<r/ouç des Septante, qui s’entend de la. noix grecque ou amande. Gesenius, Thésaurus, p. 1473. Les boutons (hébreu : kaftôrîm ; Septante : cçaipwrîjps ;  ; Vulgate : spheerulse) étaient de forme un peu oblongue ovoïde. Maimonide, De domo selecta, va, 9, dans Crenius, p. 23. La décpration était complétée par des fleurs, (hébreu : ferâhîm ; Septante : xpiva ; Vulgate : lilia), qu’on regarde généralement comme des lis, d’après les Septante et le Targum ; ou au moins des fleurs aux pétales, lancéolés et recourbés. Maimonide, De domo selecta, p. 24. Les interprètes ne s’entendent pas sur le nombre des boutons et des fleurs et sur la place de ces ornements. D’après le texte, Exod., xxv, 35, il y avait un bouton sur la tige centrale aux trois endroits d’où partaient les branches ; mais il ne paraît y avoir eu qu’un bouton et une fleur sur chaque branche. Exod., xxv, 33. Aussi les rabbinscomptent-ils généralement vingt-deux coupes, onze boutons et neuf fleurs pour le tout. Ugolini, Thésaurus, t. xr, col. dccccxxvi. Le nombre de soixante-dix, que Josèphe, Ant. jud., III, vi, 7, donne comme le nombre total de cesornements, est difficile à justifier. Il est vrai qu’il signale un ornement de plus que la description biblique, po ; <rxoiç, « des grenades ; » mais qui pourrait bien n’être que la traduction de mesuqqâdîm. Tous ces ornements étaient en or, comme le candélabre lui-même. La tige, les branches avec leurs ornements, tout était en or pur, Exod., xxv, 31 ; xxxvii, 17 ; Num., viii, 4, ciselé au tour, miqsah ; ce fut.

l’œuvre du célèbre Bézéléel, aidé d’Ooliab et d’habiles artisans, Exod., xxxi, 2 ; xxxvii, 1, 17. Le poids de l’or employé pour le candélabre et ses accessoires était d’un talent. Exod., xxv, 39 ; xxxvii, 24. L’Écriture ne nous donne nulle part ses dimensions ; selon les rabbins, il aurait eu trois coudées ou dix-huit palmes de haut sur deux coudées ou douze palmes de large, Menachoth, ꝟ. 28 b : ce qui donne l m 575 sur’l m 05.

Ce candélabre portait sept lampes mobiles en or, Exod., xxxv, 14, qu’un prêtre préparait matin et soir, à l’heure où l’on brûlait l’encens sur l’autel des parfums. Exod., xxx, 7-8. Il se servait pour cela de pincettes d’or, et c’est dans un vase d’or qu’il jetait les débris. Exod., xxv, 38. On employait l’huile d’olive la plus pure, Exod., xxvir, 20 ; Lev., xxiv, 2, un demi-Zog, 0, 15, par lampe. Selon Ja plupart des commentateurs, elles ne brûlaient que la nuit ; et le texte sacré paraît l’indiquer, Exod., xxvii, 21, en disant qu’elles brûlaient jusqu’au matin. La préparation des lampes matin et soir, Exod., xxx, 7-8, consistait donc à les garnir, à les allumer ou à les éteindre. D’après Josèphe, Ant.jud., III, viii, 3, toutes les lampes auraient été allumées pendant la nuit, et trois seulement durant le jour. D’après Reland, Antiq. sacres, i, v, 9, in-12, 1717, p. 39, la lampe placée sur la tige centrale aurait brûlé nuit et jour dans le second Temple.

Le candélabre était placé, non dans le Saint des saints, mais en avant du voile, Exod., XX vii, 21, dans la partie du tabernacle appelée Saint, Exod., XL, 22 ; Hebr., ix, 2, sur la gauche, c’est-à-dire du côté de la paroi méridionale, Exod., xxvi, 35 ; xl, 22 (hébreu, 24) ; Num., viii, 2, les lampes tournées du côté de l’orient, c’est-à-dire vers le Saint des saints. Num., viii, 2 (hébreu). D’après le texte actuel de la Vulgate, les lampes auraient regardé le mur septentrional, le long duquel était placée la table des pains de proposition. Mais toute la seconde partie de ce verset, qui manque dans l’hébreu, les Septante et les anciens manuscrits de la Vulgate, paraît bien être une glose introduite vers le IXe siècle. Heyse, Biblia sacra latina, in-8°, Leipzig, 1873, p. 129.

2° Chandelier du Tabernacle. — Le candélabre d’or, don des enfants d’Israël, Exod., xxxix, 36, fut placé dans le Tabernacle, le premier jour du premier mois, un an après la sortie d’Egypte. Exod., XL, 2, 4, 22 (hébreu, 24). Avant de s’en servir, on le consacra par l’onction de l’huile sainte. Exod., xxx, 27 ; XL, 9. Les Caathites, chargés de veiller sur l’arche et les vases sacrés, eurent la garde du chandelier d’or. Num., iii, 31. Quand on levait le camp, ils le couvraient d’une couverture en étoffe de couleur hyacinthe et d’une peau de dugong. Num., iv, 9. 3° Chandelier du Temple de Salomon. — Dans le Temple bâti par Salomon, au lieu d’un seul candélabre, on en plaça dix devant le Saint des saints, dans le Saint, cinq à droite et cinq à gauche. III Reg., vii, 49 ; II Par., iv, 7. Les rabbins disent qu’on les mit à côté du chandelier à sept branches du Tabernacle, mais ils ne sont pas d’accord sur la question de savoir si les dix candélabres étaient placés à droite et à gauche du Saint, comme semble le dire le texte sacré, ou bien à droite et à gauche du candélabre de Moïse (cf. II Par., xiii, 11), et tous sur la gauche du Saint. Scheqalim, vi, 3, trad. Schwab, 1882, t. v, p. 307, et Babyl. Menachoth, 90 b ; cf. A. Jehuda Léo, In descriptione Templi, lib. ii, cap. xxii, 26 b, dans H. Opitz, Disquisit. de candelab., p. 54, 55. Ils furent faits sur le modèle du candélabre mosaïque, comme il ressort de l’expression kemispatùm, « selon les prescriptions qui les concernent, » II Par., iv, 7, allusion à la Loi de Moïse. Exod., xxv, 31-39. Aussi le troisième livre des Rois et le deuxième des Paralipomènes n’en donnent pas une description détaillée ; ils font seulement mention des fleurs ou corolles qui terminaient la tige et les branches, et aussi des lampes, des mouchettes et des plateaux, le tout en or pur, comme il est prescrit dans la Loi. III Reg., vii, 49 ; II Par., iv, 20-21. Tous ces objets furent exécutés sous la

direction d’un habile artisan, Hiramabi ou Hiram, de Tyr, 11J Reg., vii, 13, selon le plan indiqué à Salomon par David, qui le tenait d’une révélation divine, et avec l’or que le roi-prophète avait mis en réserve. I Par., xxviii, 15. Il est question dans ce plan de candélabres d’argent, I Par., xxviii, 15 ; mais comme il n’en est pas fait mention dans les travaux exécutés par Salomon ni nulle part ailleurs, il est à croire qu’ils n’ont jamais été fabriqués. D’ailleurs les dix candélabres d’or, ajoutés pour augmenter la magnificence du Saint agrandi, ne paraissent pas avoir eu le caractère sacré du candélabre mosaïque, qui demeurait toujours, au temps d’Abia, « le candélabre d’or, garni de lampes, qu’on doit allumer chaque soir, selon la loi du Seigneur. » II Par., xiii, 11. À la prise de Jérusalem par

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184. — Chandelier à sept branches de l’arc de triomphe de Titus.

Nabuchodonosor, les candélabres furent enlevés avec les autres vases sacrés et transportés à Babylone. Jer., lii, 19 ; cf. IIReg., xxv, 15 ; II Par., xxxvi, 6, " 10, 18.

4° Chandelier du second Temple et du Temple d’Hérode. — Dans le second Temple on ne plaça qu’un seul candélabre d’or, construit toujours sur le même modèle. Il fut enlevé et brisé par Antiochus IV Épiphane, I Mach., I, 23 ; mais Judas Machabée le rétablit. I Mach., IV, 49 ; II Mach., i, 8 ; x, 3. L’auteur de l’Ecclésiastique, xxvi, 22, y fait allusion dans une de ses comparaisons :

La beauté du visage dans l’âge mûr,

C’est la lampe brillante sur le chandelier sacré.

Il fut conservé dans le Temple restauré par Hérode. Les talmudistes, Yoma, ꝟ. 39 b, rapportent que vers la quarantième année avant la destruction de Jérusalem (époque de la prédication et de la mort de Jésus-Christ), la lampe placée au milieu du chandelier à sept branches s’éteignit, ce qui fut considéré comme un présage de la ruine du Temple. À la prise de Jérusalem par Titus, le candélabre sacré fut enlevé et emporté à Rome pour le triomphe du vainqueur. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5. Il figure sur un des bas-reliefs de l’arc de triomphe de Titus (fig. 184). L’artiste qui l’a sculpté n’a pas reproduit l’original avec une rigoureuse exactitude. L’ensemble répond bien à l’idée que donne la description de Moïse, mais il en diffère notablement pour certains détails. La 5 £5

CHANDELIER

546

principale différence consiste dans les figures d’animaux chimériques sculptées sur la base : ce qui est incompatible avec l’esprit de la loi mosaïque et les coutumes juives. H. Reland, De spoliis Templi, p. 49-126. Après ie triomphe, Vespasien le déposa dans le temple de la Paix. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 7. Il ne périt pas dans l’incendie de ce temple, sous Commode. Hérodien, i, 14. S’il est vrai que, suivant une tradition mal autorisée, W. Smith, Dictionary of the Bible, t. i, 2= édit., p. 498, Maxence le fit jeter dans le Tibre, lors de sa défaite au pont de Milvius, Constantin l’en aura fait retirer et déposé au palais impérial. En 455, quand Rome fut pillée parGenséric, les dépouilles du Temple de Jérusalem furent emportées à Carthage. Anastase le Bibliothécaire, Chronologia, t. cxxvii, col. 707. Bélisaire, vainqueur des Vandales, en 534, les emporta avec lui à Constantinople, où

185. — Chandelier à sept branches de Nebratein. D’après raies-Une Exploration Fund. Tiuenty-one years’work m the Eoly Land, Londres, 1886, p. 42.

ils figurèrent à son triomphe. Procope, Bell. Vandal., ii, 9, édit. de Bonn, t. i, p. 440 ; cf. Anastase, Chronologia, col. 760. Mais, sur les représentations d’un juif de Constantinople, Justinien renvoya ces dépouilles à Jérusalem. Procope, ibid., ii, 9, p. 416. À partir de cette époque on en perd la trace ; peut-être le candélabre sacré fut-il détruit ou emporté par Chosroës II, roi de Perse, lorsque, en 614, il prit et pilla Jérusalem. H. Reland, De spoliis Templi, c. xiii, p. 192-202 ; Salomon Reinach, L’arc de Titus et les dépouilles du Temple de Jérusalem, in-8°, Paris, 1890, p. 22-26.

Le candélabre à sept branches a été souvent représenté dans ses traits généraux, sur les murs des synagogues antiques, comme à Tabariéh (de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, atlas, pi. xlvi), à Nebratein (fig. 185), sur des lampes (fig. 186), des fonds de verres ou sur des tombeaux juifs, en Palestine, dans les ruines du Carmel, Palestine Exploration Fund, 1884, p. 41 ; à Carthage, dans les cimetières d’Italie de l’époque romaine. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 1877, p. 113 ; Bosio, Roma sotterranea, p. 143 ; Perret, Catacombes de Borne, t. IV, pi. 24, fig. 23, 29 ; pi. 28, fig. 61. « Il y parait comme le symbole de leur foi et de leur espérance, comme une allusion au Temple détruit, qu’ils comptent voir se relever un jour. » G. Perrot, Histoire de l’art, t. IV, p. 312.

5° Signification symbolique du chandelier à sept branches. — Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5, dit que les sept branches symbolisaient la sainteté de la semaine juive ; ailleurs, Ant. jud., III, VI, 7, Josèphe et Philon,

DICT. I)E LA BIBLE.

De Yita Mosis, 1. iii, in-f°, Paris, 1640, p. 669, y voient à tort le symbole des sept planètes. Sur les significations diverses, cf. Cornélius a Lapide, Comment, in Exoduni, édit. Vives, t. i, p. 650 ; Ribera, De Ternplo, 1. ii, c. xiii, in-4°, Lyon, 1593, p. 112. Quoi qu’il en soit des interprétations variées et plus ou moins arbitraires, il est certain que le nombre sept est dans l’Ancien Testament un nombre sacré, et qu’avec l’or pur, employé pour le candélabre sacré, il a ici une signification symbolique manifeste. Cf. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5. — Voir Ch. L. Schlichter, De lychnucho sacro ejusque mysterio, in-4°, Halle, 1740 ; H. Opitz, Disquisitio historico-philologica de candelabri mosaici admirabili structura, ejusdemque positu in sancto, in-4°, Iéna, 1708 ; M. Dœderlein, Exercitatio de candelabris.

186. — Lampe Juive antique représentant le chandelier à sept branches. D’après Twenly-one years’work, etc., p. 54.

Judxorum f-acris, dans Ugolini, Thésaurus, t. xi, col. dccclxxxv-dcccciv, et Bl. Ugolini, Dissertatio de candelabro, t. xi, col. dccccv-mcx. Dans ce dernier ouvrage, col. dccccxxv, et dans Reland, De spoliis Templi, p. 85, on trouve différents essais de restitution du chandelier d’or.

II. Chandelier ordinaire. — Le chandelier faisait partie du mobilier des plus simples maisons orientales. Dans la petite chambre haute que la pauvre Sunamite prépare pour le prophète Elisée, elle place un lit, une table, un siège et un menôrâh, ccindelabrum. IV Reg., iv, 10. Notre-Seigneur, qui prend ordinairement ses comparaisons dans les objets familiers à ses auditeurs, compare au chandelier ou porte-lampe,-jyv : .x, le prédicateur de l’Évangile, qui doit faire resplendir la vérité. « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. » Matth., v, 15 ; Marc, iv, 21 ; Luc, viii, 16 ; xi, 33. Voir Boisseau. De là est venu le proverbe a être sur le chandelier », pour désigner « être en vue, être dans une haule position ». Pour éclairer ainsi tout l’appartement, il fallait un chandelier à tige élevée, semblable probablement à ces chandeliers de style phénicien, figurés sur des monuments de Carthage (fig. 187), Corpus inscriptionum semiticarum, part, i, t. i, fasc. ii, p. 179, et sur un bas-relief égypto-phénicien, trouvé à Damdjné. Renan, Mission de Phénicie, p. 654. Ils portent, il est vrai, des vases à feu et non des lampes ; mais le support ou candélabre était semblable. Les chaii II. — 18

547

CHANDELIER

CHANGEURS DE MONNAIE

543

deliers des pauvres devaient être en bois ou en terre ; chez les riches, ils étaient de métal plus ou moins précieux, et prenaient les formes les plus diverses. — En dehors des usages sacrés, il n : est plus fait dans la Bible mention expresse d’un candélabre, si ce n’est dans le récit du fameux festin de Balthasar. « Au même instant apparurent des doigts d’une main d’homme, et ils écrivaient vis-à-vis du candélabre, sur l’enduit de chaux du mur du palais. » Le mot chaldéen nébrastâ, qui ne se lit

qu’en cet endroit de la

Bible, peut désigner un

candélabre placé sur la

table à laquelle le roi était

assis, ou suspendu au dessus de sa tête. Les

monuments nous ont con servé peu de candélabres

qui puissent nous donner

une idée de l’art assyrien

ou babylonien en ce genre.

Dans un bas-relief de

l’obélisque de Nimroud,

près d’un autel chargé

d’offrandes, on peut voir

une sorte de grand can délabre. Voir t. i, fig. 320,

col. 1159. Cf. Rawlinson,

The five great monar chies, t. ii, p. 35, Mais

si le texte sacré.fait peu

souvent mention expresse

des candélabres, il les

suppose plusieurs autres

fois, comme, par exemple,

dans le récit des Actes,

qui nous montre saint

Paul dans la chambre

haute d’une maison de

187. — Candélabre carthaginois. Troas, prolongeant jus-D’après le Corpus Inscript, semit, qu’au milieu de la nuit part, i, t. i, p. 179. son discours. « Les nom breuses lampes, » Act.,

XX, 8, qui éclairaient la salle, étaient évidemment supportées par des candélabres de style grec. Cf. Job, xviii, 6 ; xxix, 3.

III. Candélabres de la fête des Tabernacles. — D’après les talmudistes, Soucca, v, 2, trad. franc, de Schwab, t. vi, p. 43, pendant la fête des Tabernacles, on dressait dans le parvis des Femmes deux candélabres d’une grande élévation, portant des lampes énormes, qu’on ne pouvait atteindre qu’au moyen d’échelles. On peut voir un essai de reproduction dans Surenhusius, Mischna, part, ii, p. 260. Ils avaient quatre ou cinq branches, et non sept, ce qui était interdit. Rosch Haschanna, ꝟ. 25 a, et Gem. Abodah Zarah, ꝟ. 43 a. Quant à y voir des candélabres tout en or, de cinquante coudées de haut, supportant des vases qui contenaient chacun cent vingt log d’huile, et éclairant toute la ville de Jérusalem, Soucca, ꝟ. 52 b, ce sont des circonstances merveilleuses ajoutées par l’imagination exubérante des talmudistes. Par ces candélabres, Israël voulait rappeler la colonne lumineuse qui avait accompagné ses pères à travers le désert. On a pensé que Notre -Seigneur, parlant dans le Temple pendant la solennité des Tabernacles, y fait allusion quand il dit, Joa., viii, 12 : « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie. » Ce qui donne un certain poids à ce rapprochement, c’est que dans les mêmes circonstances, Joa., vii, 37, 38, le Sauveur se compare à l’eau vive, allusion à une autre cérémonie de la même fête, par laquelle Israël, voulait rappeler le rocher changé par Moïse en source d’eau. Un prêtre allait solennellement remplir un vase d’eau à la fontaine de Siloé, et venait la

répandre en libation sur l’autel au milieu des acclamations de la foule remerciant Dieu d’avoir abreuvé son peuple au désert. Stanley, Sinai and Palestine, in-8°, 1877, p. 428.

IV. Candélabres dans les visions prophétiques. — 1° Zacharie, dans une vision, iv, 2-12, voit apparaître devant lui un candélabre tout en Or, dont la tige porte un vase et dont les branches soutiennent sept lampes avec sept canaux pour faire couler l’huile dans chacune de ces lampes, et près du candélabre deux oliviers, l’un à droite du vase, l’autre à gauche, et laissant couler l’huile dans deux canaux en or, qui la conduisaient au vase ou réservoir central servant à alimenter les lampes. On ne peut reconnaître ici le chandelier à sept branches, qui n’avait pas de réservoir central et dont les lampes étaient garnies d’huile chaque jour. Dans ce candélabre prophétique, les sept lampes devaient être rangées en cercle autour de la tige centrale, pour s’alimenter facilement au réservoir commun. Cornélius a Lapide, édit. Vives, Comment, in Zachariam, t. xiv, p. 396. Si l’on place les lampes comme sur le candélabre mosaïque, il faut alors mettre la lampe centrale en avant du réservoir d’huile, comme le fait H.Wright, Zeckariah and his prophecies, in-8°, Londres, 1879, p. 84, dans la restitution qu’il propose. Cf. dom Calmet, Dictionnaire historique de la Bible, in-f°, Paris, 1728, t. iii, p. 140. Ce candélabre représente la restauration de la théocratie, grâce au secours divin donné à Israël par les deux instruments du sacerdoce et du pouvoir gouvernemental, représentés alors par Jésus et Zorobabel.

2° Au début de sa vision, à Patmos, saint Jean entendit derrière lui une grande voix qui lui ordonnait d’écrire aux sept Églises d’Asie. Il se retourna pour voir et aperçut sept candélabres d’or, Apoc, I, 12-13, symboles des sept Églises, et au milieu le Fils de l’homme, c’est-à-dire Jésus-Christ. Ces sept candélabres ressemblaient-ils au chandelier à sept branches du Temple, ou aux candélabres grecs à une seule tige ? l’Apôtre ne le dit pas. Le lieu où il se trouve, les Églises auxquelles il s’adresse, donnent plutôt à penser à cette dernière hypothèse. Cependant plus loin, Apoc, xi, 4, les deux oliviers et les deux candélabres rappellent la vision de Zacharie, iv, 2-12, et feraient croire que saint Jean a en vue le candélabre juif. E. Levesque.

    1. CHANDLER Samuel##

CHANDLER Samuel, ministre dissident de Londres, né à Hungerford (Berkshire), en 1693, mort à Londres le 8 mai 1766. Il acheva ses études à Leyde et devint un des défenseurs du rationalisme en Angleterre. Il penchait vers l’arianisme et publia plusieurs ouvrages contre le catholicisme. On a de lui sur les Saintes Écritures : A Paraphrase and critical Commentary on the Prophecy of Joël, in-4°, Londres, 1735 ; À critical History of the Life of David in which the principal events are rangea in order of titne ; the chief objections of Mr. Bayle and others against the character of this prince, and the Scripture account of him, and the occurrences of his reign, are examined and refuled, and the Psalms which refer to him are explained, 2 in-8°, Londres, 1766 (ouvrage le plus important et le plus estimé de l’auteur) ; À Paraphrase and Notes on the Epistles of St Paul to the Galatians and Ephesians ; with doctrinal and practical Observations ; together with a critical and practical Commentary on the two Epistles of St Paul to the Thessalonians, in-4°, Londres, 1777 (œuvre posthume, publiée par Nathaniel White). — Voir W. Orme, Bïbliotheca biblica, 1824, p. 95-97. F. Vigolrolx.

CHANGEURS DE MONNAIE. Grec : v.ou^azai, Matth., xxi, 12 ; Marc, si, 15 ; Joa., ii, 15 ; xep[iaxi<jTaî, Joa., Il, 14 ; Vulgate : numularii. Les changeurs de monnaie ne sont nommés que dans les Evangiles. Saint

Matthieu, xxi, 12 ; saint Marc, xi, 15, et saint Jean, ii, 15, racontent que NotreSeigneur chassa du Temple, en même temps que les marchands de victimes pour les sacrifices, les changeurs de monnaie, et qu’il renversa les tables de ces derniers. Simon Machabée avait obtenu, en l’an 138 avant J.- C. d’Antiochus VII Sidètes le droit de battre monnaie. I Mach., xv, 6. C’est probablement à partir de cette époque que le change commença à exister en Judée. Dès ce moment devait circuler dans le pays la monnaie des Séleucides et des Ptolémées, sur laquelle étaient représentées les têtes de ces princes et les images des divinités païennes. Plus tard, les Romains introduisirent à leur tour leur propre monnaie. Or l’impôt d’un demisicle que les Juifs devaient au Temple ne devait être payé par eux régulièrement qu’en monnaie juive. De là vint la nécessité d’avoir recours à des changeurs. Du 15 au 25 du mois d’Adar, époque pendant laquelle l’impôt était recueilli à travers le pays (voir Capitation), les changeurs accom J/

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188. — Changeur de monnaie. Bas-relief du Musée du Vatican.

pagnaient les collecteurs dans les villes et dans les villages. A dater du 25 Adar, l’impôt n’était plus perçu qu’à Jérusalem, sur les indigènes et sur les étrangers qui venaient dans cette ville pour les fêtes de la Pâque ; les changeurs s’installaient alors dans la cour des Païens. En agissant ainsi, ils violaient le respect dû au Temple, et leur présence à l’intérieur du parvis, quoiqu’elle fût tolérée en pratique, était un abus. Mischna, Berakhoth, IX, 5 ; Talmud de Babylone, Yebamoth, fol. 6 b. Cf. E. Stapfer, La Palestine au temps de JésusChrist, 6e édit., in-8°, Paris, 1893, p. 394. Les Israélites zélés furent donc heureux de voir Notre -Seigneur rappeler sévèrement les changeurs et les marchands à l’observation des règlements.

L’agio payé pour le change de la monnaie s’appelait en grec xô).), ’jëoç. Ce mot se trouve déjà dans Aristophane, Pax, 1200 ; cf. Schol., ad Pacem, 1176, pour désigner une petite pièce de monnaie ; il est probablement d’origine phénicienne, et la Mischna le donne sous la forme rra’ip. Surenhusius, Schekalim, i, 6, t. ii, p. 179 ; Buxtorf, Lexicon chaldaicum, p. 2032. Cicéron l’emploie également, en le latinisant, pour désigner l’agio en général. In Verreni ad., Il, iii, 78, 180 ; Epist. ad Atlic, xii, 6. Son dérivé xoX>.yêio~riit, « changeur, » est employé par Lysias. Pollux, Onomasticon, vii, 33.

D’après le Talmud, le xôXVjëo ; payé pour le change d’un demi-sicle équivalait à une obole d’argent, soit environ à quinze centimes de notre monnaie. Comme chacun devait payer un demi-sicle, si deux personnes payaient un sicle pour leur impôt collectif, elles devaient donner le change en plus. Maimonide, De siclis, iii, pars I, ꝟ. 268. Cf. Buxtorf, Lexic. chaldaic, p. 2032 ; Othon, Lexic. rabbinic, p. 411 ; Lightfoot, Horsehebraicæ, p. 411. Les changeurs ne bornaient pas leurs opérations au change nécessaire à l’impôt du demi-sicle, ils fournissaient aussi de la petite monnaie ou des pièces de plus grande valeur, suivant les besoins du commerce. Ils faisaient aussi la

banque en prêtant de l’argent à intérêt, comme nous le voyons dans la parabole des talents, où saint Matthieu, xxv, 27, les appelle TpaTteÇiVai, numularii. Saint Luc, xix, 23, dit que c’est « donner son argent à la banque », xpâiteÇa. Plusieurs anciens Pères attribuent à Notre-Seigneur et citent souvent une parole qui ne se lit pas dans le Nouveau Testament : « Soyez de bons banquiers. » rîvc<r6e êe 50v.tfj.oi TpaiteÇitai. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 28, t. viii, col. 924, etc. Voir toutes les citations réunies dans A. Resch, Agrapha, in-8°, Leipzig, 1889, p. 116-127.

Il n’existait de changeurs m chez les Égyptiens ni chez les Assyriens, du moins ni les textes ni les mo 189.

D’après Boldetti, Osi

— Autre changeur de monnaie.

rrazionl lopra)’cimelcri, Borne, 1720, p. 212.

numents n’en parlent. Leur absence s’explique d’ellemême, puisque ces peuples n’avaient pas de monnaie. Au contraire, les Grecs connurent les changeurs dès l’époque classique. 1) en est souvent fait mention dans les auteurs sous le nom de xpaiteÇiTou. Lysias, Frag., 2, 2 ; Démosthène, édit. Baiter, p. 1180, 7. Polybe, xxxii, 13. Cf. Plaute, Asin., ii, 4, 30-34 ; Curcul, v, 2, 20. Ce nom leur venait de ce qu’ils s’installaient sur les places publiques, assis à une table (xpiitEÇot, Matin., xxi, 12 ; Marc, xi, 15 ; Luc, Xix, 23 ; Joa., Il, 15), sur laquelle ils plaçaient leurs pièces d’or et d’argent, comme ils le font encore aujourd’hui dans les villes d’Orient au coin des rues ou sur les places publiques. Aussi les auteurs grecs appellent-ils leur métier « le métier de la table », t) èpfairia y) ttj ; TpanéÇ/iç. Démosthène, édit. Backer, p. 946, 4 ; 895, 15, etc. ; Isoerate, ibid., p. 358, 6. Plus tard, on leur donna le nom de x£pfj.aTiaTai, du mot x£pu.a, qui signifie petite pièce de monnaie. Maxime de Tyr, édit. Reiske, Diss. ii, n. 13. Cf. Athénée, Deipnosoph. , p. 533 a, 568 f, etc. ; Antholog., xi, 271. C’est le terme par lequel saint Jean, ii, 14, désigne la menue monnaie qui est sur la table des changeurs de Jérusalem. Les changeurs apparaissent pour la première fois à Rome vers l’an 309, sous le nom i’argentarii. Tite Live, ix, 40, 16. Ils faisaient le change des monnaies d’argent du sud de l’Italie et de l’Etrurie contre du bronze romain. Ils sont encore désignés sous le nom de numidarii et de mensarii ou mensularii. Suétone, Oclav., 4. Rs faisaient non seulement le change, mais toutes les opérations finan

cières : payement, encaissement des sommes dues, placements de toute nature, etc. Il semble cependant qu’au temps d’Auguste le nom de numularii (c’est le mot qu’emploie la Vulgate, Matth., xxi, 12 ; xxv, 27 ; Marc, xi, 15 ; Joa., ii, 14, 15) était plutôt donné aux changeurs, et celui d’argentarii aux banquiers. Certains numularii étaient des employés de la monnaie, vérificateurs des pièces nouvelles. Ils avaient une mensa où ils échangeaient ces pièces contre de vieilles pièces ou contre des monnaies étrangères, d’après le cours fixé au forum.

1° L’Écriture, indépendamment des chants composés pour célébrer de grands événements historiques, comme le passage de la mer Rouge, la victoire de Barac sur Sisara, etc., mentionne un certain nombre de chants profanes, rythmés, qu’on devait chanter sur des airs composés exprès ou déjà connus, ainsi que le supposent les litres d’un certain nombre de Psaumes qui, d’après l’explication commune, indiquent l’air sur lequel ils devaient être chantés. Ps. IX, 1 ; XXI (hébreu, xxii), 1 ; Ps. xirv (xl), 1 ( ?) ; lv (lvi), 1 ; lvi (lvii), 1 ; lvii

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190. — Joueur de flûte et chanteur excitant les moissonneurs au travail. Tombeau de Ti, à Saqqara. Musée Guiræt.

Corpus Inscr. latin., t. vi, n » s 298, 8461, 8463 ; t. x, n° Cicéron, Pro Quinctio, 4, 17 ; Apulée, Métam., x, 9. D’autres étaient dé simples particuliers. Les inscriptions désignent souvent leurs boutiques par le nom du monu-’ment auprès duquel elles sont établies. Corpus Inscr, latin., t. vi, n « 9173, 9178, 9181, 9182, 9709, 9711, 9712, etc. ; Tite-Live, xxvi, 11 ; Plaute, Asin., i, i, 103-113 ; Curcul., iv, 2, 21 ; Térence, Phormio, v, 7, 28, etc.

Les tables sur lesquelles étaient installés les changeurs s’appelaient mensse argenlarise. Digeste, ii, 13, 4. On ne connaît pas de monuments grecs représentant des changeurs. Les changeurs romains, au contraire, sont représentés sur plusieurs monuments antiques. Un bas-relief du Vatican (fig. 188) nous montre un changeur assis derrière sa table, au-dessus de laquelle on remarque un compartiment grillé, semblable à ceux qu’on voit encore aujourd’hui devant les bureaux des caissiers. Près de lui est un monceau d’argent. La tête du changeur est tournée vers un personnage qui apporte un sac. Un fond de verre peint (fig. 189) représente un autre changeur. Il est assis derrière sa mensa, « table » (Matth., xxi, 12), couverte de pièces de monnaie. Un homme debout lui présente des pièces sur une tablette. Derrière lui sont des sacs remplis d’argent avec un chiffre marquant leur contenu, cccxx, cclv. Au bas est écrit : SACVLV.

E. Beurlier.

    1. CHANSON##

CHANSON (hébreu : Sir ; Septante : àsy.* ; I s i xxiii, 15), chant profane, par opposition à cantique ou chant sacré, le chant a toujours été une des expressions naturelles de la joie et un accompagnement des fêtes, en particulier en Orient. Tous ceux qui ont visité ce pays, et spécialement l’Egypte, ont remarqué que tous les ouvriers accompagnent de chant leur travail, surtout quand ils exécutent quelque chose de fatigant et de pénible. Cet usage remonte à la plus haute antiquité (fig. 190 ; . Champollion, dans son voyage en Egypte, en 1828, retrouva sur un tombeau d’Eiléthya (aujourd’hui El-Kab), la Chanson des Bœufs, qu’on chantait pendant le dépiquage du blé. Lettres écrites d’Egypte, lett. xii, in-8°, Paris, 1833, p. 195-196. Cf. la chanson des bergers et celle des âniers, G. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, fasc. i, 1888, p. 73, 89 ; Id., Histoire ancienne de l’Orient, 1895, t. i, p. 340-342. Aussi les monuments figurés nous montrentils souvent des chanteurs et des chanteuses (fig. 191), accompagnant leur chant de battements de mains. Cf. G. Maspero, Éludes, ibid., p. 81.

(lviii), 1 ; lix (lx), 1 ; lxvih (lxix), 1 ( ?) ; lxxiv (lxxv), 1 ; lxxix (lxxx), 1. Quelques-uns des chants que rappellent ces titres pouvaient être des chants sacrés ; mais il est probable que quelques-uns au moins étaient des chants profanes, à en juger par les premiers mois qui en sont rapportés, de même que les airs qui sont indiqués dans nos collections de cantiques.

191. — Musiciens, chanteuses et chanteurs égyptiens. D’après E. Newberry, BéniHassan, 1893, t. i, pi. 12, t. ii, pi. 4.

2° Quoi qu’il en soit, l’usage du chant dans les festins et les réjouissances profanes, comme dans les fêtes religieuses, est mentionné dans l’Ecriture. Il est probable que le chant accompagnait ordinairement comme aujourd’hui la musique, quoiqu’il ne soit expressément question que de celle-ci en plusieurs endroits, Is., y, 12 ; Eccli., xxxii, 5, 7-8 ; xlix, 2. Le chant est expressément nommé dans Isaïe, xxiv, 9, lorsqu’il dit qu’on ne boira plus le vin en chantant, lorsque Dieu frappera son peuple.

553

CHANSON — CHANT SACRÉ

554

Notre -Seigneur a fait lui-même allusion aux chants des enfants qu’on entend encore aujourd’hui en Palestine comme dans tous les pays du monde. Matth., xi, 17 ; Luc, vii, 32. C’est le plus souvent dans les festins que l’on chanle, comme dans le grand repas que donne le père de l’enfant prodigue pour célébrer le retour de son fils. Luc, xv, 25. C’est aussi aux mariages, Jer., vii, 31 ; Ezéch., xxvi, 13 ; et dans les grandes réjouissances publiques, principalement après une victoire, II Par., xx, 27-28 ; Is., ix, 3 ; on improvise alors un chant sur l’événement qui vient de se produire, Jud., xv, 16-17 ; I Reg., xvin, 7 ; xxviii, 11, ou bien on le célèbre par un poème déjà connu. II Par., xx, 21. Le cérémonial des funérailles comportait des chants élégiaques ou des lamentations, usités encore aujourd’hui en Palestine, et faisant l’éloge du mort, comme nous en avons entendu, par exemple, à Nazareth. II Par., xxxv, 25 ; Eccle., xii, 5 ; Jer., ix, 17, 20 ; Amos, v, 16 ; Luc, vii, 32 ; Marc, v, 38 ; Luc, viii, 32 ; cf. Matth., ix, 23 ; II Reg., i, 19 27 ; iii, 33-34. On chantait également lorsqu’on dansait, I Reg., xviii, 6 ; xxi, 11 ; Luc, xv, 35, etc. ; pendant la moisson, ls., îx, 3, les vendanges et lorsqu’on foulait les raisins pour faire le vin. Jud., IX, 27 ; Is., xvi, 10 ; xxv, 6 ; Jer., xxxi, 4-5 ; Xlviii, 33. Dans toutes ces circonstances, une partie au moins de ces chants étaient des chansons profanes.

3° Il nous est resté dans l’Écriture quelques débris de chants profanes. Il faut ranger sans doute dans cette catégorie le chant de Lamech, le plus ancien de tous. Gen., IV, 23. — Nous avons des morceaux de chants militaires sur les victoires remportées contre les Moabites, Num., xxi, 14-15 ; sur la défaite de Séhon, roi d’Hésébon, Num., xxi, 27-30 ; l’acclamation à David, vainqueur de Goliath. I Reg., xviii, 7. — Le livre des Nombres, xxi, 17-18, nous a conservé sans doute un de ces chants que chantaient les. Israélites en travaillant au creusement d’un puits. — L’Ecclésiastique, ix, 4, fait une allusion aux chanteuses des rues. Isaïe fait de même, xxiii, 1516, et il cite dans ce passage, ꝟ. 16, quelques vers d’une chanson tyrienne. — Pour le chant religieux, voir Chant sacré, Chantres du Temple, Chef des chantres.

F. Vigouroux.

CHANT SACRÉ. Le chant et le jeu des instruments, jouissance indispensable des peuples de l’Orient, ont servi de tout temps. à rehausser l’éclat des’cérémonies religieuses, des sacrifices, des fêtes publiques et privées, des festins, des funérailles. Voir Fr. Chabas, VEgyptologie, juillet 1874, p. 49. Cf. Photius, Biblioth., ccxxxix, t. ciii, col. 1200-1208. Il en fut de même dans l’antiquité hébraïque. Le chant se joignait à toutes les fêtes (voir Chanson), mais principalement aux solennités de la religion ; et dés le séjour dans le désert il fit partie du culte sacré. Exod., xv, 20 ; Num., x, 10. Cf. Jud., xxi, 21.

Les anciennes nations suppléaient aux monuments écrits par des traditions orales et chantées. Deut., xxxi, 19. Aussi le chant fut-il cultivé dans les écoles des prophètes.

I Reg., x, 5 ; xvx, 20 ; IV Reg., iii, 15 ; Eccli., xliv, 5. Targum sur I Par., xv, 22, 27. Eusèbe, Prsep. Evang., xi, 5, t. xxi, col. 852, nous apprend que ces sages de la nation instruisaient leurs disciples au moyen de sentences, d’énigmes, de récits rythmés, de chants et de refrains mesurés en vers. Aussi dans le langage de la Bible les termes de « voyant ou prophète » et Ceux de « musicien ou chantre » sont-ils souvent pris l’un pour l’autre. I Par., vi, 33 ; xxv, 2, 3, 5. Cf. Quintilien, Insiit. orat., x, 9, 10. C’est dans ce sens que Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 11, t. IX, col. 309, appelle David « musicien et prophète », àiW.tùv y.ai îrpo ?r ; -£j<i)v. Des écoles prophétiques, les traditions musicales passèrent aux ministres du culte, lorsque David, en préparant la construction du Temple, organisa les offices des lévites.

II recueillit, nous dit Josèphe, Ant. jud., VII, xii, 3, les hymnes anciens, en même temps qu’il en composa de nouveaux (voir Psaumes), et il établit l’ordre des chants

sacrés pour les fêtes et les cérémonies religieuses, I Par., xxill, 5, 30 ; Eccli., xlvii, 9-12. Les titres des cantiques, le contexte, ou encore le témoignage des autres livres de l’Écriture, déterminent l’usage liturgique de certains psaumes. Par exemple, le Psaume xxiv (Vulgate, xxiii), qui fut composé vraisemblablement pour le transport de l’arche, est un chant de procession ; les Psaumes xevi (xcv) et cv (civ) paraissent se rapporter à l’établissement de l’arche dans le Tabernacle, I Par., xvi, 8-34 ; le Psaume lxviii (lxvii), à la prise de Rabbath, II Reg., xii, 26 ; le Psaume xxx (xxix), à l’inauguration de l’emplacement du Temple. II Reg., xxiv, 25. On voit également que les Psaumes iv, xx (xix), i.xvi (lxv) se joignaient à l’offrande des sacrifices. D’ailleurs il ne se faisait pas dans le Temple la moindre oblation qui ne fut accompagnée du chant des Lévites. 1 Par., xxiii, 30, 31. Le Psaume cxli (cxl) était réservé pour l’offrande du soir, le Psaume xci (xc) et le Psaume m font encore partie de la prière du soir au rituel juif. Enfin sept psaumes étaient assignés à chacun des jours de la semaine pour être chantés au sacrifice du matin. C’étaient pour le premier jour le Tsaume xxiv (xxm), pour le deuxième jour le Psaume xlviii (xlvii), pour le troisième jour le Psaume lxxxii (lxxxi), pour le quatrième jour le Psaume xciv (xcm), pour le cinquième jour le Psaume i.xxxi (lxxx), pour la veille du sabbat le Psaume xcm (xcii), et pour le jour du sabbat le Psaume xcii (xci). Thamid, 7, 4. Voir Mousaph, ou Prière additionnelle du sabbat, fin. Les titres attribués à ces psaumes par les Septante, en dehors du texte hébreu, confirment exactement les indications des livres juifs. Le Psaume xxxviii (xxxvii) est pareillement affecté par les Septante au jour du sabbat. Les Juifs emploient encore le Psaume lxxxi (lxxx) pour le premier jour de l’année (RoS haSanah), et les psaumes du Hallel, Cxm (cxii)-cxviii (cxvii), aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte, de la Dédicace, des Tabernacles et aux néoménies ; mais, avant de faire partie du Hallel, le Psaume cxvi (cxiv-cxv) était destiné à servir uniquement au repas de l’Agneau pascal, et le Psaume cxviii (cxvii) devait servir spécialement a la fête des Tabernacles. Plusieurs des psaumes sus-mentionnés sont postérieurs à David ; au surplus, les indications fournies par les titres grecs ou hébreux ne sont que d’une antiquité relative. Quoi qu’il en soit, le service quotidien établi par David dura dans son ensemble jusqu’à la captivité, II Par., xxxv, 15 ; Nébémie le reconstitua pour le second temple, I Esdr., iii, 10 ; vii, 7 ; II Esdr., vil, 45 ; xii, 45, et le même ordre persévéra dans le temple d’Hérode. Le chant des hymnes sacrés eut la principale place dans les cérémonies de la religion d’Israël ; le culte du vrai Dieu ne le céda pas en cela aux religions étrangères.

Le peuple prenait part au chant en répondant aux strophes par le « refrain », ou en poussant des acclamations, ferû’âh, Ps. xxxm (xxxii), 2, 3 ; lxxxix (lxxxviii), 15, prises en dehors du texte chanté, telles que l’Amen ou l’Alleluia (voir ces mots, t. i, col. 369 et 475). I Par., xvi, 36 ; Ps. evi (cv), exi (cx)-cxviii (cxvii), cxxxv (cxxxiv), cxlv (cxliv)-cl, titre. Cf. Eusèbe, Comment, in Psahnos, t. xxiii, col. 66-75. II faut indiquer aussi le refrain ou l’acclamation "non c¥.yb’3,

Quoniam in seternuni misericordia ejus, du Psaume cxxxvi (cxxxv) ; cf. I Par., xvi, 41 ; II Par., v, 13 ; vii, 6 ; XX, 21 ; I Esdr., iii, 11 ; le iy.înz y.ai ûnep’j^ovre a-jrôv e !  ; . to’jç aîûva ; , Laudate et superexaltate eum in sœcula, du cantique des Enfants, Dan., iii, 57-88 ; le Quoniam sanclus est, N’.n n/iip’2, du Psaume xCix (xcvm). Enfin

le chant était accompagné d’une manière analogue à celle qui est représentée sur les monuments antiques (fig. 192), par le jeu bruyant des instruments de musique, les claquements des mains et les divers mouvements de la danse religieuse. Voir Danse.

CHANT

CHANTRES DU TEMPLE

556

La terminologie musicale dans le vocabulaire hébreu est fort restreinte. Le mot sir désigne le « chant », aussi bien le texte destiné à être chanté que le jeu des instruments (kelé sir, II Par., xxxiv, 12). Niggên, « toucher avec la main, palper, » et zammêr, « couper, tailler, » d’où « diviser les sons » sur les cordes de la harpe ou avec la voix, « moduler, » appliqués d’abord au jeu des instruments à cordes, comme le grec" J/iXXtn, signifièrent également le chant lui-même et les paroles chantées, iti).u.o ; . Hnmôn et hémyâh signifient le « bruit » de l’instrument, la « vibration » des cordes, ^>bz : mDTi îj’Hiî ï*nn, « le bruit de tes chants et le son

de tes harpes. » Amos, v, 23. Voir Is., xvi, 11. Terû’âh, le « bruit », les clameurs, les cris de joie, est chez les juifs modernes le nom d’une sonnerie particulière de la trompette. Voir Trompette. Tegî’àh s’applique au son prolongé des trompettes et des instruments à vent (voir Musica vet. Rébrxorum, c. i, dans Ugolini, Thésaurus,

neté des diverses sortes de chants dont ils usent de nos jours ne peut être prouvée. J. Parisot.

CHANTEURS. Voir Chant sacré, Chanson, Chantres DU TEMPLE.

CHANTRES DU TEMPLE. Le service musical dans les cérémonies religieuses du peuple juif fut organisé sous le règne de David. Jusqu’à cette époque, il ne paraît pas que le chant religieux eût reçu de réglementation. En distribuant les offices des ministres sacrés, David établit vingt-quatre classes de musiciens, sous la direction des chefs de chœur Àsaph, Héman, Idithun (Éthan). I Par., xv, 16, 22 ; xvi, 4-42 ; xxiii, 5, 30 ; xxv. L’auteur des Paralipomènes porte à deux cent quatrevingt-huit le nombre des maîtres musiciens, choisis entre quatre mille chanteurs. I Par., xxv, 7, et xxiii, 5. David lui-même les formait au chant sacré, d’après Josèphe,

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192. — Chanteurs susiens précédés do musiciens. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. II, pi. 49.

t. xxxii, col. ix-xi), et sebdrîm, dans l’hébreu moderne, aux sons détachés bu « brisés, » trilles. Pârat, Amos, vi, 5, signifie, comme plus haut zammêr, « distinguer » les sons, « moduler ». Qôl, la « voix », s’emploie, de la même manière que le syriaque qàlàh, pour désigner le « ton », la « note » musicale. Voir Siltê haggibôrim, dans Ugolini, Thésaurus, t. xxxii, col. x, xi. On emploie encore dans le sens de « chanter » hasmiâ’, « faire entendre, » donner de la voix, Ps. xxvi (xxv), 7 ; II Esdr., xii, 42 ; ’ânâh, « élever la voix, répondre, » et rânan, « retentir, pousser des cris ». Dans l’hébreu rabbinique, on trouve niggûn, dérivé de naggén (ci-dessus), « musique » ; ne’imâh, « chant, mélodie, » sens dérivé probablement de l’expression niTDT am, « agréable par ses chants ».

II Reg., xxiii, 1. Voir Musique.

Vraisemblablement il n’exista dans l’antiquité hébraïque ni notation, ni nomenclature musicale, ni enseignement théorique. Les mélodies se transmettaient par la seule voie de la pratique ou de la routine, les signes musicaux, qui apparurent chez les Grecs plusieurs siècles avant J.-C, n’ayant commencé à être adoptés par les diverses nations orientales que vers le IVe siècle de notre ère. Aussi la destruction du Temple et la dispersion du peuple juif amenèrent - elles l’anéantissement des traditions musicales des lévites. Des instruments de musique, non plus que du mobilier du Temple, il ne resta rien, si ce n’est quelques représentations fournies par les bas-reliefs de l’arc de Titus ou les peintures sur verre des catacombes. Les émigrés juifs emportèrent cependant partout où ils s’établirent les pratiques de leur culte, la lecture des livres sacrés et leurs formules de prières ; mais l’ancien Ant. jud., VII, xi, 3. L’influence de Samuel ne fut peut-être pas étrangère à cette organisation. Cf. I Reg., x, 5 ; xix, 20 ; Ps. xcix (xcvni), 6 ; I Par., ix, 22. Le prophète avait pu la préparer ; toujours est - il que ses fils et ses disciples y eurent un rôle prépondérant. Samuel fut, en effet, l’aïeul du chantre et psalmiste Héman, que l’auteur des Paralipomènes appelle « le premier prophète du roi pour le chant des hymnes sacrés », I Par., vi, 33 ; xxv, 4, 5 ; et sur le nombre des vingt-quatre chefs musiciens institués par David, nous trouvons quatorze fils d’Héman. I Par., xxv, 4, 5.

Vêtus comme les prêtres de tuniques de liii, I Par., xv, 27 ; II Par., v, 12 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, les chantres occupaient dans la cour intérieure du Temple, ou cour des Prêtres, un lieu élevé, — si l’on peut interpréter en ce sens le texte de Néhémie, II Esdr., ix, 4 (la tradition juive dit une « estrade », jdit, dûkân), — en

face du tabernacle, I Par., vi, 32, à l’orient de l’autel des holocaustes, II Par., v, 12 ; Eccli., XL vii, 11, près de la porte qui séparait la cour des Prêtres du parvis du Peuple, ou parvis d’Israël. Selon d’autres textes rabbiniques, ce lieu élevé attribué aux chantres était soit la plate-forme située au haut de l’escalier qui du parvis d’Israël donnait accès à la cour des Prêtres, soit encore le perron placé devant les portes extérieures. L’une et l’autre tradition peuvent se concilier. Il est possible que les lévites musiciens, qui devaient se tenir près de l’autel durant l’offrande des sacrifices, sortissent de l’enceinte réservée aux prêtres lorsque les cérémonies se déployaient à l’extérieur et que le peuple devait prendre part au chant. Les chantres de service avaient leur habitation,

lésukkôt, I Par., IX, 33, en face de celle des prêtres sacrificateurs, dans la cour intérieure, du côté nord. Ezech., XL, 44. C’est là que se conservaient les instruments de musique et les vêtements que les chantres et les exécutants portaient durant les cérémonies.

Nul texte ne détermine le nombre des musiciens employés dans les cérémonies du Temple. Les traditions rabbiniques fixent seulement un minimum de douze chantres pour l’office quotidien. Tr. Erachin, ii, 6. Les lévites n’étaient admis à chanter auprès de l’autel qu’à l’âge de vingt ans accomplis, I Par., xxiii, 27-30, et il fallait avant d’entrer en charge qu’ils se fussent exercés durant cinq années sous la direction de leurs anciens, silté haggibbôrim. Ugolini, Thésaurus, t. xxxil, col. v. Cependant de jeunes lévites se joignaient aux prêtres pour fournir les voix aiguës, mais seulement lorsque le chœur se tenait dans les cours extérieures ; l’accès du parvis des Prêtres n’était permis régulièrement qu’aux lévites remplissant leurs fonctions. Quant aux femmes, elles n’étaient pas admises, selon les rabbins, à chanter dans les cérémonies du culte. Voir Naumbourg, dit* utin

Recueil de chants religieux et populaires des Israélites’, précédé d’une étude historique, Paris, 1874, p. m. Un certain nombre d’auteurs cependant, voir Calmet, Z) issertation sur la musique, dans la Bible de Vence, t. ix, p. 451453, croient que les femmes chantaient dans le Temple. Ils apportent en preuve, sinon le texte de I Par., xxv, 5, — qui n’est qu’une parenthèse dans le dénombrement des musiciens fait par David, — du moins les témoignages d’Esdras et de Néhémie, qui comptent à la reconstruction du Temple, le premier <c deux cents », l’autre « deux cent quarantecinq chanteurs et chanteuses » (la leçon rYn"Wa étant supposée exacte). I Esdr., ii, 65 ; II Esdr.,

vu, 67. On allègue aussi l’autorité des Targums sur l’Ecclésiaste, qui rapporte au service du Temple ce que Salomon dit des splendeurs de son palais et paraphrase ainsi, Eccle., ii, 8 : « J’ai fait dans la maison du sanctuaire des instruments de musique pour les chanteurs et les chanteuses ; » et encore le texte de Philon, Vit. contempl., c. xr, fin, édit. Mangey, 485, 486, qui témoigne de l’usage où étaient les thérapeutes d’alterner leurs chants, composés selon les traditions antiques, entre des chœurs d’hommes et de femmes. Mais de tous ces témoignages il ne résulte nullement que les chanteuses aient pris part aux fonctions du sanctuaire. Si elles apparaissent dans les cérémonies religieuses, Exod., xv, 20, 21 ; Ps. lxviii (lxvii), 12, 26 ; Jud., xxi, 21 ; II Par., xxxv, 25, c’est toujours en dehors du Temple. On sait d’ailleurs que les femmes ne pouvaient franchir l’enceinte du parvis des Israélites. Quant à l’expression nin^y, ’âlàmôt, qu’on

peut à la rigueur prendre au sens obvie dans les textes musicaux (comme si elle désignait les chanteuses, le chœur des jeunes filles. Voir’Almiôt, t. i, col. 333), il est préférable de l’appliquer soit aux cordes « aiguës » des harpes, soit aux sons « élevés » des flûtes, par analogie avec l’acuité de la voix de femme (c’est de la même manière que les Grecs appelaient a-5Xô ; îtapôlvio ; une espèce particulière de flûte de très petite dimension et d’une sonorité aiguë. Voir Athénée, ûeipnos., c. xxiii, xxiv) ; plus simplement on peut, en rapprochant le terme’âlàmôt de la racine by, ’al, le traduire par « voix hautes ». Ce sens s’explique bien par l’expression du livre des Paralipomènes, rihya 1 ; Vns Vpz : « Les lévites chantaient

à voix haute, en élevant le ton, » II Par., xx, 19, expression que la langue syriaque rend exactement par l^i Il n- > beqâlà ràmâ. La version des Septante transcrit ici le mot’âlàmôt sans le traduire : ètù à).ai|xw9.

Dans tout l’Orient, les femmes prenaient part aux cérémonies du culte. En Egypte, dès le temps de l’Ancien Empire, des musiciennes étaient attachées à presque tous les temples. Fr. Leuormant, Histoire ancienne de

l’Orient, 9e édit., t. iii, p. 9. Les femmes juives, en dehors des fonctions religieuses, chantaient et jouaient des instruments dans toutes les réjouissances. Jud., xi, 34 ; Judith, xv, 15 ; 1 Reg., xviii, 6. Salomon, comme tous les rois de l’Orient, entretenait dans son palais des troupes de chanteurs et de musiciennes. Eccl., ii, 8. David lui-même eut des chanteuses à son service. II Reg., xix, 35.

J. Parisot.

    1. CHAOS##

CHAOS, état de l’univers et de la terre en particulier, avant que le Créateur n’en eût ordonné les éléments.

— Dans la Genèse, i, 2, cet état est exprimé par les deux mots tôhû bôhû, qui sont passés dans la langue française pour caractériser le désordre et la confusion. Le mot tôhû vient d’un radical tâhâh, en chaldéen feliâ’, « être vaste et désert ; » bôhû se rattache au radical arabe bâhàh, qui a les deux sens corrélatifs de « être pur et net » et <c être vide ». Les Chaldéens faisaient du désordre primordial une déesse Bahu. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. i, p. 208. En disant que la terre était tôhû vâbôhû, l’auteur sacré veut donc marquer qu’elle se trouvait alors à l’état d’immensité déserte et vide, dépourvue par conséquent de ce qui a constitué depuis sa physionomie, les reliefs orographiques, les cours d’eau sillonnant des continents, la végétation, les animaux, etc., et de plus la lumière éclairant toute sa surface. Les versions traduisent équivalemment ce sens de l’hébreu. Septante : la terre était iôpiro ; y.a’t àxaTaaxsOaaroç, « invisible et sans préparation, » par conséquent à l’état obscur et informe ; Aquila : xévwpia xal où8 ; v, « un espace vide et rien ; » Symmaque : àpyôv xai àSiàxpiTov, « quelque chose d’inactif et sans ordre ; » Théodotion : xsvbv xal oÙShv, « le vide et rien ; » Vulgate : inanis et vacua, « sans consistance et vide. » Cette dernière traduction et celle des Septante rendent le mieux le sens de l’hébreu. Le mot tôhû se retrouve dans la Bible pour désigner tantôt ce qui est vaste et désert, Deut., xxxii, 10 ; Job, vi, 18 ; xii, 24 ; xxvi, 7 ; Ps. cvn (evi), 40 ; tantôt la dévastation, Is., xxiv, 10 ; la vanité, I Reg., xii, 21 ; Is., xxix, 21 ; xii, 29 ; lix, 4, et ce qui n’est « rien », Is., xiiv, 9 ; xlix, 4. Les deux mots réunis se lisent encore dans Jérémie, iv, 23 : « Si je regarde la terre, elle est tôhû vâbôhû, » c’est-à-dire toute en désordre. Isaïe, xxxiv, 11, reproduit l’expression de la Genèse et l’applique au pays des Iduméens, frappé par le châtiment divin : « On étendra sur lui le cordeau de tôhû et le fil à plomb de bôhû. » Le sens des deux mots n’est donc pas douteux : il implique désordre, confusion, solitude, obscurité, en un mot l’état de la matière informe au début de l’œuvre organisatrice de la puissance divine. Les Grecs donnaient à la matière primordiale le nom de -/io ; . Ils personnifiaient même le chaos et en faisaient un dieu précédant tous les autres êtres. Hésiode, Theog., 116 ; Aristophane, Aves, 693 ; Platon, Conv., 178 b. Cf. Ovide, Metam., i, 5. Les Pères se sont servis du mot chaos pour traduire l’idée représentée par le fô/iû vâbôhû de la Genèse ; mais jamais ils n’ont attaché à ce terme le sens que lui prêtaient les philosophes grecs. Ils se sont contentés d’appeler chaos l’état de la matière primordiale créée par Dieu, comme l’enseigne le premier verset de la Genèse, et déjà soumise à l’action des lois générales posées par lui. Voir S. Bonaventure, Sentent., lib. ii, dist. xii, art. i, q. 3, édit. Vives, t. ii, p. 532 ; Pétau, De theolog. dogmat., de mund. opificio, I. ii, 1-10 ; iii, 1-4, édit. de 1868, t. iv, p. 237-244 ; F. Vigouroux, La cosmogonie mosaïque, Paris, 1882, p. 67-68. Les partisans du concordisme entre le récit de la Genèse et les systèmes eosmogoniques modernes pensent que le tôhû vâbôhû marque l’état de la terre pendant la condensation de la nébuleuse primitive, telle que la décrit Laplace dans l’exposé de sa célèbre hypothèse. Voir Cosmogonie, et Motais, Origine du monde, Paris, 1888, p. 58-61. — Dans la parabole du mauvais riche, Abraham dit à celui-ci, qui est enseveli dans l’enfer : « Entre D59

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nous et vous, un grand chaos a été établi, de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici à vous ne le pourraient, pas plus que traverser de là-bas jusqu’ici. » Luc, xvi, 26. Ce que la Vulgate appelle chaos est nommé en grec -/i<Tfi.a, « abîme, gouffre, grand espace béant. » Cet abîme « a été établi », èoT^pixTai, a été creusé irrévocablement par Dieu, et il est infranchissable. Par conséquent, le damné ne pourra jamais passer de l’enfer au ciel.

CHAPITEAU DES COLONNES DU TEMPLE.

Voir Colonnes du temple.

CHAPITRES DE LA BIBLE. Ce sont des divisions plus ou moins étendues, qui ont été établies au cours des siècles dans les textes manuscrits ou imprimés de la Bible pour en faciliter la lecture. Différents systèmes de sectionnement ont précédé la « capitulation » universellement employée aujourd’hui. Nous distinguerons donc les chapitres anciens des chapitres modernes.

I. Chapitres anciens. — Autres sont ceux des textes originaux, autres ceux des anciennes versions. Leur histoire détaillée présente plus qu’un intérêt de curiosité ; elle a une importance critique et sert à classer les manuscrits et à fixer le texte lui-même.

I. Chapitres des textes orioin aux. — On ignore si les plus anciens manuscrits hébraïques étaient partagés en sections. Plusieurs critiques pensent que le texte était transcrit d’une façon continue, sans séparation de paragraphes et d’alinéas. Les premières divisions connues sont les sections, appelées sedarîm (pluriel de sedér, « ordre, série, section » ), que les massorètes adoptèrent pour leurs études grammaticales et critiques. Le Pentateuque en comprenait 156 (la Genèse 42, l’Exode 29, le Lévitique 23, les Nombres 32, le Deutéronome 27), Josué 14, les Juges 14, les deux livres de Samuel 34, les deux livres des Rois 35, Isaïe 26, Jérémie 31, Ezéchiel29, les petits prophètes 21, les Proverbes 8, les Psaumes 19, Job 8, l’Ecclésiaste 4, Esther 5, Daniel 7, Esdras et NéhémielO, les Chroniques 25 ; au total, 443. Ruth, le Cantique et les Lamentations n’en avaient pas. Cf. de Voisin, Observationes ad proœmium Pugionis fidei, Leipzig, 1687, p. 102-103 et 137-140. — On ignore aussi quand, comment et par qui le texte grec du Nouveau Testament fut sectionné pour la première fois. Clément d’Alexandrie, Stromat., vii, 14 ; t. ix, col. 517, appelle ^ii(jxr t i mptxotit, - ; une partie de I Cor., vj. Tertullien, Ad uxorem, il, 2, t. i, col. 1290, désigne I Cor., vii, 12-14, comme un capitulum particulier. Ailleurs, de Pudicitia, 16, t. ii, col. 1012, il blâme les hérétiques qui condamnent tout un livre sacré à cause d’un capitulum douteux. Denys d’Alexandrie, cité par Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 697, nous apprend que quelques anciens discutaient l’Apocalypse chapitre par chapitre, xa6’é’xaaTov xe ?a-Xjiov. Il y a là un indice certain d’un sectionnement déterminé ; mais, dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de dire s’il s’agit de sections liturgiques ou simplement de passages cités ou commentés par ces Pères. — Les sectionnements connus des livres du Nouveau Testament se ramènent à quatre groupes, ceux des Évangiles, des Actes des Apôtres et des Épîtres catholiques, des Épîtres de saint Paul et de l’Apocalypse.

1° Chapitres des Évangiles. — 1° Le plus ancien sectionnement des Évangiles se trouve dans les deux manuscrits onciaux B (Vaticanus 1209) et S (Zacynthius). Il comprend : Matth. 170 sections, Marc. 62, Luc. 152, Joa. 80. Ces sections sont d’inégale longueur ; ainsi la 136e de saint Matthieu correspond à xxiv, 1 et 2 ; la 137e à xxiv, 3-35 ; la 138e à xxiv, 36-41, et la 139e à xxiv, 45-51. — 2° Une autre division, presque aussi ancienne, compte : Matth. 68 chapitres, Marc. 48, Luc. 83, Joa. 18° On la trouve dans les onciaux ACXRZ. Elle est souvent d’accord avec la précédente. Chaque chapitre, xeçâXxtov, a un titre, ti’tXo ; , qui résume son contenu ; le 1 er cha pitre de saint Matthieu est intitulé ne.p tôv ^iy<av, « des mages ; » le 2°, rcepi x&v àvatpcôévxùv 71aiSîwv, « des enfants occis. » Dans ANZ, les titres sont placés à la partie supérieure ou inférieure des pages, à coté de la section correspondante ; dans ACR, leur liste est écrite en têle de chaque Évangile. Leur étendue varie notablement ; ainsi le chapitre 55° de saint Matthieu correspond à xxii, 41-46, ’et le 56e à xxiii, 1-xxiv, 2. Le début de chaque Évangile n’a pas de titre. La l re section de saint Matthieu commence donc à ii, 1 ; celle de saint Marc à i, 23 ; celle de saint Luc à ii, 1, et celle de saint Jean aussi à ii, 1. Mill attribuait cette absence de titre à une omission des premiers copistes ; Griesbach pensait que le titre général de l’Évangile servait à désigner le début ; Gregory considère ce commencement comme une section préliminaire, un avant-propos, qui n’était pas numéroté. On a attribué, mais sans raison suffisante, cette division à Tatien ; l’abbé Paulin Martin la rapportait à Ammonius d’Alexandrie. Ces titres ont passé dans toutes les anciennes versions ; ils ont subi des retouches. Les Arméniens et les Copies ont remanié complètement ceux de l’Évangile de saint Jean. Cf. R. Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, 1689, p. 424-427 ; Mill, Novum Testamentum grs, ce, édit. Kuster, 1710, p. 39 ; Griesbach, Commentarius criticus in textum grsecum N. T., pars 2 a, léna, 1811, p. 50 ; Gregory, N. T. græce, prolegomena, t. iii, p. 141-142 ; J. P. P. Martin, Introduction à la critique textuelle du N. T., partie théorique, 1882-1883, p. 554-569. Sur les titres latins, voir Patr. lat., t. clxv, col. 63-70. — Si on veut désigner les Tf-rXot sous le nom de xeçâXaia, il faut les appeler xEçâXaia majeurs, pour les distinguer des xsipâXaia proprement dits ou sections ammoniennes (voir ce mot, t. i, col. 493-494), que l’on dénommera alors xEçiXaia mineurs. Ceux-ci sont moins étendus et plus nombreux que les précédents : 355 en saint Matthieu, 235 en saint Marc, 343 en saint Luc et 232 en saint Jean. Cf. R. Simon, op. cit., p. 427-429 ; J. P. P. Martin, ouvr. cit., p. 569-614 ; Gregory, loc. cit., p. 143-153 ; G william, The Ammonian Sections, Eusebian Canons and Harmonizing Tables in the Syriac Tetrævangelium, dans les Studia biblica et ecclesiastica, t. ii, Oxford, 1890, p. 241-272.

2° Chapitres des Actes et des Épîtres catholiques. — La plus ancienne division connue de ces livres est reproduite dans le Vaticanus À et comprend : Act. 36 chapitres, Jac. 9, I Petr. 8, I Joa. 11, Il Joa. 1, III Joa. 1, Jud. 2 ; la seconde épître de saint Pierre n’a pas de sections. 31 chapitres des Actes correspondent à l’exOsutç -/Eçakîiov d’Euthalius. Ce diacre d’Alexandrie, sur la demande du prêtre Athanase, publia, vers 458, une édition stichométrique des Actes et des Épîtres catholiques et y introduisit un double sectionnement, le premier de 57 leçons ou lectures, àvjyvcîxrEi ; , qui paraissent avoir été destinées à l’usage liturgique, et le second de chapitres, xE ?aXai « : Act. 40, Jac. 6, I Petr. 8, II Petr. 4, I Joa. 7,

II Joa. 1, III Joa. 1, Jud. 4 ; au total, 71. Beaucoup de ces chapitres avaient des subdivisions, (ispixat ircoSiapéiTEt : , dont la première n’est pas comptée. Leur nombre est : Act. 48, Jac. 9, I Petr. 5, II Petr. 1, I Joa. 8, II Joa. 1,

III Joa. 1, Jud. 1. Cf. Zacagni, Collectanea monumentorum veterum Ecclesix grxcx ac latinse, Rome, 1698, et Patr. gr., t. lxxxv, col. 627-790. Les critiques ne sont pas d’accord sur l’auteur de cette division. Sur la foi du Codex Coislianus, n » 25 (Moutfaucon, Bibliolheca Coisliniana, Paris, 1715, p. 75), on l’a atlribuée au martyr saint Pamphile. Mais les mots toj rian^o-j semblent avoir été ajoutés à tort par le copiste ; Euthalius affirme seulement qu’il a eollationné le texte sacré sur les exemplaires les plus corrects de la bibliothèque d’Eusèbe Pamphile de Césarée. D’autres en font honneur à Euthalius. Mais Albert Ehrhard, Codex H ad EpUtulas Pauli und Euthalios diaconos, dans le Centralblalt fur Biblioteckswesen, t. viii, Leipzig, 1891, p. 385-411, a prétendu 5C1

CHAPITRES DE LA BIBLE

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que l’existence d’Euthalius ne peut se démontrer historiquement, et que très vraisemblablement on a pris pour lui le copiste du manuscrit, qui se nomme Evagrius et qui est peut-être Evagrius Ponticus (345-399). Le codex H serait l’autographe. Cf. Centralblatt, février 1893, et Journal of Philologij, t. xxiii, 1895, p. 241-259. — Le Vaticanus contient une autre division : Act. 69 chapitres, Jac. 5, I Petr. 3, II Petr. 2, I Joa. 3, 1£ Joa. 2. La 3e épître de saint Jean et celle de saint Jude n’ont pas de sections. La division des Actes correspond en partie au sectionnement introduit dans le Sinaiticus par la seconde main. Cf. Tischendorf, N. T. grœcum ex Sinaitico Codice, Leipzig, 1865, p. xxxvi, adn. 1, et N. T. Vaticanum, p. xxx ; Westcott et Hort, The New Testament in the original Greek, introd., 1882, p. 266, n° 349.

3° Chapitres des Épitres de saint Paul. — Dans son édition de l’Apôtre, Euthalius ou Evagrius a encore reproduit, avec quelques modifications cependant, un sectionnement en chapitres, établi par « un très sage et très aimé Père en Dieu ». Ce prédécesseur, qu’il ne désigne pas autrement, serait, au jugement de plusieurs critiques, Théodore de Mopsueste. Pour M. Ehrard, c’est un écrivain ecclésiastique égyptien, peut - être contemporain d’Evagrius. Quoi qu’il en soit, cette division comprend 19 chapitres Rom., 9 I Cor., Il ou 10 II Cor., 12 Gal., 10 Eph., 7 Philip., 10 Coloss., 7 I Thess., 6 II Thess., 22.Hebr., 18 I Tim., 9 II Tim., 6 Tit., 2 Philem. ; au total, 148 ou 147. On y remarque quelques subdivisions : 6 Rom., 16 I Cor., 4 II Cor., 1 Coloss., 3 II Thess., 8 Hebr., 2 I Tim. ; au total, 40. — Ici encore, le Vaticanus a deux séries de divisions. La plus ancienne traite les 14 lettres comme un seul livre et partage le texte comme s’il était continu. La seule particularité à noter, c’est que dans cette supputation l’Épitre aux Hébreux suit celle aux Galates, quoique le manuscrit la contienne après la seconde aux Thessaloniciens. Le nombre des chapitres est de 21 Rom., 21 I Cor., Il II Cor., 5 Gal., Il Hebr., 6 Eph., 4 Philip., 6 Coloss., 4 I Thess., 4 II Thess. L’autre, plus récente, ne compte que 8 chapitres Rom., 11 1 Cor., 8 II Cor., 4 Gal., 3 Eph., 2 Philip., 3 Coloss., 2 I Thess., 2 II Thess. On ignore le chiffre des chapitres de l’Épitre aux Hébreux, dont le texte est incomplet.

4° Cfiapitres de l’Apocalypse. — André, archevêque de Césarée en Cappadoce, qui vivait à la fin du v 6 siècle, a partagé l’Apocalypse en 24 Xôyou ; , conformément au nombre des vieillards qui siégeaient autour du trône de Dieu, Apoc, IV, 4, et en 72 xeçiiaia, obtenus par la multiplication de 24 par 3, chiffre des éléments constitutifs de la nature humaine. Comment, in Apocalypsim, Patr. gr., t. cvi, col. 220, etc. Cf. Mill, ouvr. cit., p. 62-63, 86-87 et 96 ; Gregory, op. cit., p. 153-161.

II. Chapitres des anciennes versions, de la version des Septante et des versions latines. Ceux des autres traductions sont moins importants et moins connus.

1° Chapitres de la version des Septante. — Leur histoire n’est pas encore complètement élucidée, parce que les manuscrits n’ont pas été examinés sous ce rapport. Il est certain cependant que les Grecs étendirent à l’Ancien Testament l’usage des ti’tîioi ou résumés des chapitres, qu’ils écrivaient sur les marges des manuscrits de l’Évangile. Bernard de Montfaucon, Præliminaria in Hexapla Origenis, Patr. gr., t. XV, col. 78-79, et Bibliotheca Coisliniana, l a pars, Paris, 1715, c. i, p. 4-31, a tiré du Coislinianus I (aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de Paris, fonds grec, n » 1) deux séries de divisions marginales pour les premiers livres de l’Ancien Testament. L’une est accompagnée d’arguments écrits au sommet des pages, l’autre est simplement numérotée et sans titres. La première comprend : Gen. 106 chapitres, Exod. 84, Lev. 54, Num. 50, Deut. 68, I Reg. 53, II Reg. 50. La seconde en a : Gen. 99, Exod. 110, Lev. 61, Num. 51, Deut. 91, I Reg. 73, II Reg. 53. Le total des chapitres du livre de Josué est inconnu, parce que le

manuscrit est mutilé. Dans les Juges, il n’y a pas de division ; les servitudes des Hébreux et les Juges sont simplement comptés. Le Coislinianus VIII (aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale, fonds grec, n° 9) a : I Par. 83 chapitres, II Par. 86, Tobie 21, Judith 34, Esther 55. Bibliotheca Coisliniana, p. 45-52. — On a publié dans les Critici sacri, Londres, 1660, t. viii, p. 23-46, cf. Patr. gr., t. xcni, col. 1339-1386, une division d’Isaie et des douze petits prophètes, intitulée 2ti-/T|PÔv et attribuée au prêtre Hésychius, probablement Hésychius de Jérusalem († 440). Isaïe a 88 sections, Osée 20, Joël 10, Amos 17, Abdias 3, Jonas 4, Michée 13, Nahum 5, Habacuc 4, Sophonie7, Aggée 5, Zacharie 32 et Malachie 10. Un correcteur du VIIe siècle a numéroté les sections d’Isaïe dans le manuscrit du Sinaï. h’Aleocandrinus contenait aussi une division de ce prophète. Breitinger, Vêtus Test, ex versione Septuaginta, Zurich, 1732, t. iii, p. h 3. Le Chisianus et le Marchalianus gardent des vestiges de deux sectionnements des prophètes. On les a constatés dans ce dernier pour Jérémie, l’épître de Jérémie et Ézéchiel ; ces chapitres concordent en grande partie avec ceux du Vaticanus, mais ne sont jamais d’accord avec ceux de la version syriaque hexaplaire, qui ont des rapports avec la Synopsis Sacrse Scriplurse, attribuée à saint Jean Chrysostome et éditée Patr. gr., t. lvi, col. 313-386. Ceriani, De Codice Marchaliano, Rome, 1890, p. 24-26. Consulter encore Bugatus, Daniel secundum LXX, Milan, 1788, p. 1 ; H. Middeldorpf, Liber I V Regum, Berlin, 1835, p. iv ; Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. ii, p. xm et 2.

2° Chapitres des versions latines. — Les plus anciens manuscrits latins des deux Testaments contiennent divers systèmes de sectionnements, indistinctement appelés tituli, brèves ou capitula. De soi, ces désignations ont un sens différent ; mais, en fait, elles sont appliquées à des sommaires numérotés, qui reproduisent les.premiers mots ou résument le contenu de la section qu’ils accompagnent. Souvent ces rubriques sont réunies en tête de chaque livre et en forment une sorte d’abrégé ou de table des matières. Quoique beaucoup de ces textes aient été publiés, un classement définitif n’a pas encore été opéré. On ne trouvera donc ici que des indications générales.

Le Pentateuque a plusieurs groupes de sommaires. Notons seulement les trois principaux. Le premier, fait sur l’ancienne version latine et reproduit dans le plus grand nombre des vieux manuscrits, comprend : Gen. 82 sections, Exod. 139, Lev. 89, Num. 74 et Deut. 155. Le second, qui se lit dans la Bible de Théodulphe et qui, sauf pour la Genèse, est d’accord avec VAmiatinus, compte : Gen. 38 chapitres, Exod. 18, Lev. 16, Num. 20 et Deut. 20. Le troisième, celui des manuscrits espagnols et méridionaux, a : Gen. 46 sections, Exod. 21, Lev. 16, Num. 20 et Deut. 14. Josué est divisé dans la Vulgate de saint Jérôme en 33, 11, 14, 19, 110, 78 sections ; les Juges en 18, 9, 10, 30, 58 et 14. Le sectionnement de Ruth est du IXe siècle et semble sortir de l’école de Tours ; il comprend 10, 8 ou 4 chapitres. Les quatre livres des Rois présentent deux divisions principales : la premièrea 98 sections pour les deux livres de Samuel, et 91 pour les deux livres des Rois ; la seconde, 135 dans Samuel et 220 dans Rois. Les Paralipomènes étaient respectivement divisés en 23 et 18, 104 et 74, 24 et 33 sections. Une de ces divisions est l’œuvre de Cassiodore. De institutione divinarum litterarum, c. ii, t. lxx, col. 1114. Les deux livres d’Esdras ont des sections très diverses. Tobie compte 16, 30, 27 ou 9 chapitres ; Judith 23, 28, 37, 8 ; Esther 23, 22 ou 10 ; Job 28, 29, 36, 21, 33. Une division des livres sapientiaux provient d’une ancienne version ; une autre a été faite par Cassiodore, ouvr. cit., c. v ; ibid., col. 1117. Pour les grands prophètes, une seule série est ancienne et comprend : Isaïe 181 sections, Jérémie 189, Ézéchiel 128 et Daniel 31 ; il est probable qu’elle provient du grec. Une autre a des chapitres plus longs ; par suite,

leur nombre est moindre : Isaïe 32, Jer. 63, Ezech. 59 et Dan. 15. Les pelits prophètes ont aussi une double série de longs et de courts chapitres. Les Machabées sont divisés, le premier en 61 sections, et le second en 55.

On a conservé un assez grand nombre de sommaires des Évangiles. Les plus anciens se ramènent à deux types principaux. L’un qui contient : Matth. 73 chapitres, Marc. 46, Luc. 80 et Joa. 35, se rencontre presque uniquement dans les manuscrits de l’ancienne version « européenne » ou dans ceux dont le texte est fortement mêlé.

II est en relation certaine avec la division du manuscrit grec Vaticanus et avec les leçons liturgiques du Cornes. Un autre groupe, emprunté à la même version, se rencontre sous deux formes différentes. La plus ancienne a 28, 12, 20 et 14 chapitres ; la plus récente 28, 13, 21 et 14. Ce second groupe se rapproche en saint Matthieu des 33 sections du commentaire de saint Hilaire de Poitiers, Pair, lat., t. ix, col. 915-918. Il est probablement l’œuvre de l’évêquc d’Aquilée, Fortunatien. Cf. S. Jérôme, De vh illust., c. 97, t. xxiii, col. 698. D’autres sectionnements ont 73, 46, 80 et 35 chapitres ; 28, 51, 88 et 48 ; 81, 46, 94 et 45. Des divisions des Actes, deux, ayant respectivement 63 et 74 sections, correspondent à l’ancienne version et coïncident le plus souvent avec le sectionnement des plus anciens manuscrits grecs. Deux autres comptent 63 et 70 sommaires. Les divisions des Épitres de saint Paul méritent une attention particulière. Celle de l’Épître aux Romains en 51 chapitres, tirée d’une vieille version, ne tient pas compte des deux derniers chapitres actuels, sauf de la doxologie finale, xvi, 24-27. Cf. Hort et Westcott, The New Testament, introd., append, p. 111-112. Les épîtres suivantes présentent deux systèmes. Le plus ancien (I Cor. 25, II Cor. 20, etc.) mentionne simplement les premiers mots de chaque paragraphe et se rapproche du sectionnement attribué à Euthalius. Le plus récent comprend : I Cor. 72 chapitres, II Cor. 29, Gai. 37, Eph. 31, Philip. 19, Coloss. 29 ou 31, I Thess. 25, II Thess. 9, I Tim. 30, II Tim. 25, Tit. 10, Philem. 4, Hebr. 39. La division la plus répandue des Épitres catholiques provient d’une ancienne version et contient : Jac. 20 chapitres, I Petr. 21, IlPetr. 11, I Joa. 20, II Joa. 5, III Joa. 5, Jud. 7. La plus simple, où les chapitres ne sont marqués que par leurs premiers mots, est en accord presque absolu avec la liturgie gallicane : Jac. 12, I Petr. 13, II Pelr. 8, I Joa. 13, II Joa. 3,

III Joa. 4, Jud. 4. Plusieurs divisions de l’Apocalypse dérivent évidemment du grec. Celle qui compte 48 sections correspond en grande partie aux Xô^oi d’André de Césarée. Une autre n’a que 25 chapitres :

Cf. Carus (card. Thomasi), Sacrorum Bibliorum… veteres tituli sive capitula, sectiones et stichometrise, Rome, 1688, ouvrage édité et complété par Vezzosi, Thomasii opéra omnia, Venise, t. i, p. 1-499 ; Martianay, Vulgata antiqua latina et itala versio Ev. secundum Matthœurn, Paris, 1695, et Prolegomena in divinam S. Hieronymi bibliotkecam, prol. iv, Patr. lat., t. xxviii, col. 101-109 ; Vallarsi, Opéra S. Hieronymi, Pair, lat., t. xxviii-xxix ; Sabatier, Bibliorum sacrorum latinse versiones antiquse, 3 vol. ; Bianchini, Evangeliarium quadruplex, Rome, 1719 ; Tischendorf, Codex Amiatinus, Leipzig, 1851 ; Abbot, Evangeliorum versio antehieronytniana ex Codice Vsseriano, Dublin, 1884 ; Belsheim, Codex f 2 Corbeiensis sive quatuor Euangelia ante Hieronymum translata, Christiania, 1887 ; J.Wordsworth, Tlie Gospel according to St Matthew, Oxford, 1883, et Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford, . 1889-1895 ; S. Berger, Histoire de la Vulyale pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 307-315 et 343-362.

II. Chapitres siodernes. — Les anciens sectionnements de la Bible ont été en usage jusqu’au xii « siècle. Au début du xine siècle, une nouvelle division en cha pitres à peu près égaux les supplanta et devint d’un emploi universel. Son auteur est Etienne Langton, professeur à l’Université de Paris, puis archevêque de Cantorbéry et cardinal (-J- 1228). Des écrivains rapprochés de son époque, Nicolas Trivet, Chronicon, année 1228, dans Luc d’Achery, Spicilegium, t. iii, p. 189 ; Knyghton de Chester, cité par du Boulay, Hist. Universitalis Parisiensis, 1665, t. iii, p. 711, rapportent qu’il fit ce travail à Paris, par conséquent avant 1206. Le manuscrit 487 de la bibliothèque Bodléienne, à Oxford, fol. 110, et un autre, conservé à la bibliothèque municipale de Lyon, Sous le n° 340, confirment ces renseignements. L’oeuvre de Langton, longtemps ignorée, a été retrouvée dans le manuscrit 14417 de la Bibliothèque Nationale de Paris, fol. 125 et 126, et publiée pour la première fois par l’abbé Paulin Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament, Paris, t. ii, 1887-1888, p. 461-474. Le nombre des nouveaux chapitres est : Gen. 50, Exod. 40, Lev. 27, Num. 36, Deut. 24, Jud. 21, Rutli 4, I Reg. 31, II Reg. 24, III Reg. 22, IV Reg. 21, I Par. 13, II Par. 20, Esdras et Néhémie, ne formant qu’un seul livre, 36 ; Tob. 11, Judith 26, Esth. 22, Job 41, Prov. 31, Eccl. 12, Cant. 8, Sap. 19, Eccli. 51, Is. 66, Jer. 52, Lament. 5, Baruch 4, Ezech. 47, Dan. 14, Ose. 14, Joël 3, Amos 9, Abdias 1, Jonas 4, Mich. 7, Nahum 3, Habac. 3, Soph. 3, Agg. 2, Zach. 14, Malach. 3, I Mach. 16, II Mach. 15 ; Matth. 28, Marc. 15, Luc 23, Joa. 20, Rom. 16, I Cor. 16, II Cor. 12, Gai. 5, Eph. 6, Philip. 4, Coloss. 4, I Thess. 5

II Thess. 3, I Tim. 6, II Tim. 4, Tit. 3, Philem. 1, Hebr. 13, Jac. 5, I Petr. 5, II Petr. 3, I Joa. 5, II Joa. 1,

III Joa. 1, Jud. 2, Act. 27, Apoc. 22. — Nonobstant de nombreuses divergences, ces chapitres sont étroitement apparentés à ceux de nos Bibles imprimées. La division, des Paralipomènos, des livres d’Esdras, de Judith et d’Esther est spéciale et n’a pas été conservée. Nos Bibles ont 3 chapitres de plus dans Tobie, 2 dans Haruch, 1 dans le IV* livre des Rois, Job, Ézéchiel, Malachie, Marc, Luc, Jean, Actes, II Cor., Gal., et 1 de moins dans l’Épitre de saint Jude. Des différences moins importantes se remarquent au début de 123 chapitres de Langton ; ils commencent ou finissent quelques mots seulement ou un verset au plus avant les nôtres.

Cette division nouvelle remplaçait avantageusement les anciens systèmes si variés et si compliqués, et facilitait les recherches dans les manuscrits aussi bien que les références bibliques. Aussi fut-elle bien accueillie. Les docteurs de l’Université de Paris l’adoptèrent, et les libraires l’introduisirent, vers 1226, dans l’édition de la Vulgate qui s’est appelée la Bible parisienne. Recopiée dans les manuscrits, elle obtint une grande vogue. Elle subit cependant des remaniements, dont les travaux critiques du xiiie siècle portent la trace. On est arrivé graduellement à la capitulation moderne, qui finit par devenir uniforme et d’un usage général. Le cardinal Hugues de Saint-Cher, à qui Génébrard, Chronographix libriiv, Cologne, 1581, p. 970 et 972, a fait l’honneur, mais à tort, de cette innovation, a eu sa part dans ce travail de retouche et de remaniement. Toutefois la division qu’il suit dans ses Postilles diffère à la fois de celle de Langton et de la nôtre. Il n’a donc pas mis la dernière main au sectionnement actuel. Des divergences se remarquent encore dans les premières Bibles latines imprimées. La capitulation moderne a été introduite dans un petit nombre de manuscrits grecs occidentaux. Les Juifs eux-mêmes l’adoptèrent dans la transcription du texte hébraïque de l’Ancien Testament. Les Bibles, imprimées dans toutes les langues, la contiennent sans notables divergences. Cf. Gregory, Prolegomena, p. 164-166 ; S. Berger, De l’histoire de la Vulgate en France, Paris, 1887, p. 10-12 ; Denifle, Die Handschriften der Bibel-Correctorien des 13 Jahrhunderts, dans l’Archiv fiir Literatur und Kirchengeschichte des Mitlelalters, Fribourg-en-Brisgau, t. iv, 1888, p. 281-282 et 289-291. - Sur tout l’ensemble <>

de la question, consulter Otto Schmid, Ueber verschiedene Eintheilungen der heiligen Schrift, in-8°, Gratz, 1892.

E. Mangenot. CHAPPELOW Léonard, orientaliste anglais, né d’une famille du comté d’York en 1683, mort le 13 janvier 1768. Il fut professeur d’arabe à l’université de Cambridge. On a de lui, outre quelques publications sur la grammaire et la littérature arabes, une édition du De legibus Hebrseoruni de Spencer, 2 in-f>, Cambridge, 1727, et À Commentary on the Book of Job, in which is inserled the Hebrew text and English translation ; with a Paraphrase from the third verse of the third chapter, where it is supposed the mètre begins, to the

dans la vie ordinaire, les rois et leurs principaux officiers. Le mot rékéb, qui désigne les chars en hébreu, n’indique pas le nombre de chevaux dont ils étaient attelés ; il est cependant très probable que les Hébreux ne se servirent jamais, comme les autres peuples du reste, que de chars à deux chevaux, soit pour la guerre, soit pour l’usage journalier. Le mot quadriga, « char à quatre chevaux, » dont se sert la Vulgate en plusieurs passages, ne doit pas être pris à la lettre. Les quadriges n’ont existé que chez les Grecs et chez les Romains, encore seulement pour les courses du stade ou pour les fêtes et les. triomphes. Les chars égyptiens n’ont que deux chevaux, et si les chars assyriens et les anciens chars grecs en.

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193. — Coureurs royaux devant le char d’Amenhotep IV. xvrn » dynastie. Tell el-Amarua. D’après Lepsius, Denlemaler,

Abth. iii, Bl. 92.

seventh verse of the forty-second chapter where it ends, 2 in-4°, Cambridge, 1752. Chappelow croit que le livre de Job fut composé d’abord en arabe par Job lui-même, et qu’il fut plus tard traduit en hébreu et disposé dans sa forme actuelle par un Israélite. La paraphrase est très diffuse. C’est un disciple de Schultens, auquel il emprunte beaucoup ; il abuse des étymologies arabes dans l’explication du texte. — Voir Stanley Lane-Poole, dans L. Stephens, Dictionary of national Biography, t. x, 1887, p. 61. F. Vigouroux.

CHAR (hébreu : rékéb ; grec : ap|ia, Gen., xli, 43 ; xlvi, 29 ; Jud., v, 28 ; III Reg., xxii, 35, etc. ; I Mach., i, 18 ; II Mach., ix, 7 ; AcL, viii, 28, etc. ; îmtoç, Jos., xvii, 16 et 18 ; àvoiêdar, ; , Deut., xx, 1 ; Is., xxi, 7 et 9 ; xxii, 6, etc. ; 'Pv/ïê, Jud., i, 19 ; hàôaaa ; , Ps. cm [Vulgate, civ], 3 ; Vulgate : currus, Gen., xli, 43 ; xlvi, 29 ; L, 9 ; Exod., xiv, 6, etc. ; ascensor, Is., xxi, 7, etc. ; biga, Is., xxi, 9 ; quadriga, Jud., v, 28 ; I Reg., viii, 11 ; II Reg., x, 29 ; IPar., xviii, 4, etc.), véhicule à deux roues, destiné à porter les guerriers sur le champ de bataille, et,

avaient trois, le troisième était un cheval de rechange. W. Helbig, L'épopée homérique, trad. franc., 1895, p. 170.

I. Chars des Hébreux. — L’usage des chars de guerrene paraît avoir commencé chez les Juifs qu'à l'époque des rois. L’absence des chars était, en effet, la conséquence de la loi qui défendait de multiplier le nombre des chevaux, afin que le peuple comptât avant tout surla protection de Dieu. Deut., xvii, 16. Dans le passageoù Samuel annonce au peuple tous les maux qu’il aura à subir, s’il veut un roi comme en ont les nations voisines, il leur dit : « Il prendra vos fils et les placera sur ses chars… ; il les fera courir devant ses chars… ; il en fera des fabricants de chars. » I Reg., viii, 11-12. C’està-dire il introduira tout ce service de coureurs, de conducteurs, de fabricants, qui existait en Egypte et chez les peuples voisins des Israélites. On ne voit pas cependant que les premiers rois aient eu beaucoup de chars dans leur armée. Dans sa lutte contre Adarézer, roi de Soba, pays situé entre l’Euphrate et Damas, David fait prisonniers, selon le texte de II Rois, viii, 4, dix-sept cents cavaliers ou

soldats montés sur des chars, ou, selon le texte de I Paralipomènes, xviii, 4, mille chars et sept mille cavaliers, et il fait couper les jarrets de tous les chevaux, à l’exception de cent chars qu’il se réserve. Un peu plus loin, il met en fuite l’armée du même roi et fait périr l’attelage de sept cents chars et quarante mille cavaliers, sans même en réserver pour lui. II Reg., x, 18 ; I Par., xix, 18. — Absalom, révolté contre son père, se fait construire des chars ; il a des hommes qui les montent et d’autres qui courent devant. II Reg., xv, 1. Adonias fait de même quand il veut usurper la royauté. III Reg., i, 5. Le fait d’avoir des chars et des coureurs devant soi est donné dans ces deux cas et dans Jérémie, xvii, 25 ; xxii, 4, comme une des prérogatives royales. Sous le règne de Salomon, les chars jouent un rôle important dans la composition de l’armée juive. Quand il prend possession du trône, le jeune roi réunit immédiatement des chars au nombre de quatorze cents et douze mille cavaliers. III Reg., x, 26 ; II Par., I, 14. Certaines villes étaient spécialement affectées aux parcs des chars de guerre. III Reg., IX, 19 ; x, 20 ; II Par.,

Dans la pompe funèbre de Jacob figurent des chars. Gen., L, 9. Les chars de guerre égyptiens sont nommés au moment où le pharaon poursuit les Hébreux quittant l’Egypte pour aller vers la Terre Promise. C’est d’abord le char du roi, Exod., xiv, 6 et 9 ; xv, 4 ; ce sont ensuite les chars des guerriers de son armée. Exod., xiv, 7, 9, 17, 18, etc. Tous ces chars, qui étaient au nombre de six cents, Exod., xiv, 7, sont engloutis dans la mer Rouge avec ceux qui les montaient. Exod., xiv, 23-28 ; xv, 4, 19 ; Deut., xi, 4 ; xx, 1. Le souvenir de cette destruction est souvent rappelé comme l’événement le plus important de l’histoire d’Israël. Jos., xxiv, 6. Il est encore question des chars égyptiens dans le récit de l’invasion de Sésac sous Roboam. II Par., xii, 3. Les chars de l’Egypte sont toujours considérés comme une des principales forces de son armée. IV Reg., xviii, 24 ; Jer., xlvi, 9.

Sur les monuments égyptiens, les chars de guerre apparaissent dès le xviie siècle avant J.-C. Aahmès I er, qui délivra l’Egypte de la domination des Hyksos, combattait i sur un char. Chabas, Études sur l’antiquité historique,

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104. — Char cypriote. Eol et sa suite. Sarcophage. D’après G. Rawlinson, History oj Phenida, p. 206.

I, 14 ; viii, 6 ; IX, 25. Quand Jéroboam se révolta contre Roboam, ce dernier s’enfuit vers Jérusalem sur son char.

III Reg., xii, 18 ; II Par., x, 18. Les livres des Rois mentionnent encore le char du roi Achab, III Reg., xviii, 44 ; II Par., xviii, 34 ; celui du roi Josaphat, III Reg., xxii, 32, 35, 38 ; ceux de Joram, d’Ochozias, de Jéhu. IV Reg., IX, 21, 24, 27, 28. Un second char suivait celui du roi. II Par., xxxv, 24. Le préposé du temple, Is., xxii, 18, et les principaux officiers avaient également des chars,

IV Reg., ix, 25 ; x, 2, 15, 16 ; Jer., xxii, 4, ainsi que les éclaireurs. IV Reg., ix, 17, 18, 19. Deux personnes prenaient place sur le char. IV Reg., x, 16. Il n’est question d’un corps de guerriers montés sur des chars que dans deux passages, IV Reg., xiii, 7, et xix, 23. Dans ce dernier endroit, Dieu reproche aux Israélites d’avoir trop de confiance dans la multitude de leurs chars. Ce reproche n’est pas sans ironie, car jamais les Juifs n’en eurent un grand nombre, excepté au temps de Salomon. David oppose à la confiance que les étrangers ont dans leurs chars celle que les Israélites ont dans le Seigneur. Ps. xix (hébreu, xx), 8. Aussi quand les Syriens sont effrayés par un bruit de chars qu’ils entendent la nuit, ils en concluent que le roi d’Israël amène avec lui les rois des Héthéens et des Égyptiens. IV Reg., vii, 6. C’est d’Egypte que Salomon faisait venir ses chars, qu’il payait au prix de six cents pièces d’argent. III Reg., x, 29. Il en fournissait les rois des Héthéens et les rois de Syrie. Ibid.

II. Chars des Égyptiens. — Les chars égyptiens sont les plus anciens qui soient mentionnés dans la Bible. Le pharaon, pour faire honneur à Joseph, le fait monter dans un char qui suit immédiatement le sien. Gen., xii, 43. Joseph monte dans un char pour aller au-devant de son père Jacob, quand il vient en Egypte. Gen., xlvi, 29.

2e édit., p. 422 et 441. Il semble qu’il ait été antérieurement en usage chez les peuples de l’Asie. Brugsch, Geschichle Aegyptens, p. 273 ; Ebers, Aegypten und die Bûcher Moses, t. i, p. 221. Cf. Helbig, L’épopée homérique, trad. franc., p. 160. Le char de guerre égyptien contenait deux personnes, le guerrier et le conducteur (t. i, fig. 258, 259, col. 975, 978). Cf. Wilkinson, The manners and customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 223, fig. 56, 2 ; p. 224, fig. 57. On voit cependant des chars contenant trois personnes dans les cortèges triomphaux ; alors, avec le conducteur, montaient deux jeunes nobles, portant le sceptre royal ou les éventails. En campagne, chaque guerrier avait son char et son conducteur. Pour conduire les chevaux, le cocher était armé d’un fouet à une ou plusieurs lanières de peau. Voir Cocher, Fouet. Les insignes de sa fonction étaient fixés derrière le char, et par conséquent le combattant pouvait librement se servir de ses armes. Wilkinson, Manners, t. i, fig. 57, p. 224. Quand à la ville ou à la campagne le maître conduisait lui-même, ses serviteurs couraient devant lui (fig. 193), comme cela se fait encore aujourd’hui en Egypte. Aux moments d’arrêt, ils tenaient les rênes, mais sans monter dans la voiture. Wilkinson, Manners, t. i, fig. 3, p. 33. Les rois sont souvent représentés seuls dans leur char, tenant les rênes ou les ayant passées autour de leur corps (voir t. i, fig. 218, col. 899) ; mais il est probable qu’en les représentant ainsi, l’artiste égyptien a simplement voulu laisser à la figure principale toute son importance, et qu’en réalité les rois avaient, eux aussi, un conducteur dans leur char. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. i, p. 23, fig. 13 ; p. 271, fig. 173 ; p. 276, fig. 174 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. ii, p. 230, 231. 245, etc. ; cf. p. 227 ; le roi, descendu He son char, tient à la main les rênes et CHAR

570

un arc. Les chars avaient parfois un siège, placé sur le devant ou sur le côté. Sur quelques chars, le plancher, c’est-à-dire la partie sur laquelle s’appuyaient les pieds de ceux qui le montaient, était formé par un cadre entourant un treillis de ceurroies ou de cordes, destiné à rendre les secousses moins dures et à remédier à l’absence de ressorts.

La matière employée pour la construction des chars était le bois. Plusieurs bas-reliefs représentent des charrons travaillant le bois pour faire des chars. Wilkinson, Manners, t. i, p. 231, fig. 61. Nous y voyons en particulier la confection du timon. Le corps du char était extrêmement léger ; le cadre de bois était simplement orné

de tablier en se relevant en pointe ou en bande jusqu’au haut du char. Des courroies de peaux reliaient sur les côtés le haut du cadre, qui formait comme une main courante, à la pièce inférieure. Les différentes opérations nécessaires à la confection du char et à la disposition des morceaux de peau sur le bois sont représentées sur les monuments égyptiens. Wilkinson, Manners, t. i, p. 232, fig. 65. Les roues étaient également de bois et avaient généralement six rais. Elles étaient maintenues par une. cheville, mais elles seules tournaient. L’essieu restait immobile. Aux côtés était attaché extérieurement un carquois.

Les chars de plaisance avaient la même forme que les

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195. — Char royal a trois chevaux. Niinroud. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 21.

et consolidé à l’aide de peau et de métal. Le fond du char, qu’il fut de bois plein ou formé d’un treillis, s’appuyait sur l’essieu, auquel était également fixée l’extrémité inférieure du timon. L’essieu était placé non au centre, mais à l’arrière. Le timon, qui formait une barre horizontale sur laquelle s’appuyait le fond du char, se relevait ensuite par une légère courbe terminée en ligne droite. Il était attaché au haut de l’avant du char par une courroie partant de la partie relevée, peu après l’endroit où finissait la courbe. À l’extrémité du timon était fixé un joug qu’on posait sur le cou des chevaux et auquel on les attachait par des sangles passées sous le poitrail. Le poids des chars était supporté par les roues et par les chevaux. Comme un homme pouvait facilement le manier, il est évident que deux personnes n’étaient pas une charge trop lourde pour les chevaux. Quand le char était dételé, le timon tombait à terre, ou on le soutenait par un support de bois, qui parfois représentait un captif. Le char était ouvert à l’arrière. Rares sont les caisses entièrement fermées sur les côtés. On en voit cependant quelques exemples. Rosellini, Monumenti di Egitto, t. i Monumenti reali, pi. 103. Le plus souvent les côtés étaient ouverts. Sur le fond cependant s’élevait une pièce de bois qui formait ensuite à l’avant une sorte

chars de guerre, mais les côtés étaient souvent fermés. Quelquefois on y fixait un parasol pour garantir du soleil. A la place de chevaux, les Égyptiens se servaient pour traîner leurs chars de plaisance de bœufs ou de mulets. Voir t. i, fig. 560, col. 1834. Cf. Wilkinson, Manners, t. i, p. 222-237.

III. Chars des Chananéens. — Quand les Hébreux entrèrent dans la Terre Promise, les Chananéens, contre lesquels ils eurent à lutter, avaient des chars dans leur armée. Jos., xi, 4. Ces chars sont appelés dans l’hébreu rékéb barzél. Jos., xvii, 16 et 18. Les Septante, au ꝟ. 16, traduisent par ïtckoz ètcOiîxto ; xa’t <n’5ï]poç, « une cavalerie choisie et du fer ; » mais au ꝟ. 18 ils ont supprimé aifiï]poç. La Vulgate, dans les deux passages, traduit par ferrei, « de fer. » Il est évident qu’il ne s’agit pas de chars faits entièrement de ce métal ; car Dieu dit à Josué, si, 4, de ies brûler. Il ne peut s’agir non plus de simples ornements de fer ; ils n’eussent pas rendu les chars plus redoutables. Il reste donc à supposer que ce sont des chars blindés de fer ou armés de faux. Cette dernière interprétation est adoptée par la Vulgate dans le livre des Juges, 1, 19. « Les Israélites, dit le texte hébreu, ne purent s’emparer des vallées de la terre de Chanaan, parce que les habitants avaient des chars de fer. » Les Septante, dans ce

passage, ont supprimé l’épilhète et fait du mot hébreu un nom propre. Ils ont traduit : ôt ! ’P^/àë BieareftaTo’o’ItoΠ; , « parce que Réchab leur résista. » La Vulgate traduit par currus falcati, « des chars armés de faux. » Plus loin, Jud., iv, 3, 13, il est question des neuf cents chars de Jabin, roi des Chananéens. Cf. Jud., iv, 7, 15, 16 ; v, 11, 28. Les Septante traduisent par âpu.aTa <jt8° ip5, et la Vulgate par currus falcati, Il est fort douteux cepen--dant que cette interprétation soit exacte, car ni chez les Égyptiens ni chez les peuplés d’Asie on ne connaît de chars armés de faux à cette époque. On ne les connut dans l’Asie occidentale que du temps de Cyrus. Xéno t. i, p. 235, fig. 67 ; les Héthéens. IV Reg., vii, 6. Les chars des Héthéens sont représentés sur les monuments égyptiens. Ils sont beaucoup moins ornés que ceux d’Egypte. La caisse est fermée sur les côtés. Voir t. i, fig. 582, col. 1882. D’après le poème de Pentaour, qui décrit les campagnes de Ramsès II contre les Héthéens, les chars formaient une des principales forces de leur armée. Chacun de leurs chars contenait trois personnes, le conducteur, un soldat armé d’une lance et d’un bouclier et un archer. Records of the past, t. ii, p. 69 ; Wilkinson, Manners, p. 258, 259, fig. 84, 5 ; F. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. ii, p. 222.

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196. — Char emporté comme butin. D’après Botta, Monument de Ninive, t. 1, pi.

20.

phon, Cyrop., vi, 1, 27, 30. Les chars des Chananéens devaient donc être simplement recouverts d’une plaque de fer.— Les monuments phéniciens et cypriotes repré--sentent des chars (fig. 194), mais ils ne sont pas d’une époque très ancienne.

IV. Chars des Madianites, des Philistins, des Héthéens, etc. — Les Madianites, Jud., v, 28, et les Philistins avaient également des chars de guerre. Dans les combats qu’ils livrent à Saûl, ces derniers mettent en ligne, dit le texte hébreu tel que nous le possédons aujourd’hui, trente mille chars. I Reg., xiii, 5. Ce chiffre paraît excessif pour un si petit peuple, aussi la plupart des commentateurs ont-ils cru à une erreur de copiste ; mais on n’a pu trouver jusqu’ici quel devait être le véritable chiffre. Cette leçon est en tout cas très ancienne, caries Septante et Josèphe, Ant. jud., VI, VI, 1, l’ont adoptée. La Bible mentionne encore parmi les peuples qui avaient des chars : les Syriens, II Reg., viii, 4 ; III Reg., xx, 1, 21, 25 ; IV Reg., v, 9, 21, 26 ; vi, 14, 15, 17 ; les Iduméens, IV Reg., viii, 21 ; les Ammonites, I Par., xix, 6 ; les Éthiopiens, II Par., xiv, 9 ; d’après les peintures égyptiennes, les chars éthiopiens avaient la même forme que les chars d’Egypte. Wilkinson, Manners,

V. Chars des. Assvriens, des Chaldéens et des Babyloniens. — Ils sont mentionnés dans Judith, iv, 13 ; ix, 9 ; Jer., iv, 13 ; l, 37 ; li, 21 ; Ezech., xxiii, 24 ; xxvi, 7, 10. Les monuments assyriens, comme les monuments égyptiens, nous fournissent de nombreuses représentations des chars de guerre. Le roi montait toujours sur un char. Les officiers de haut rang faisaient de même. Les chars de guerre assyriens étaient en bois, ouverts par derrière, mais fermés sur le côté et par devant. La caisse du char était magnifiquement ornée. Les roues étaient au nombre de deux et placées soit tout près de l’arrière, soit à l’arrière même, de sorte que, comme dans les chars égyptiens, le centre de gravité était à l’avant. La jante de la roue était large et composée généralement de deux cercles intérieurs plus étroits et d’un troisième extérieur plus large, fait d’une ou de plusieurs pièces. Le tout était maintenu par un cercle de métal. Les rais étaient au nombre de six ou huit ; ils étaient de grosseur moyenne. Les roues étaient attachées à un essieu fixe sur lequel elles tournaient. La caisse était placée directement sur l’essieu et sur le timon, sans être soutenue par des ressorts. Le timon, attaché à l’essieu, soutenait d’abord la caisse du char en suivant une ligne horizontale ; il se

relevait en courbe en avant du char, jusqu’à peu près à la hauteur du sommet du char, puis suivait une ligne droite. Vers l’extrémité était fixé un joug auquel on attachait les chevaux. L’extrémité elle-même était ornée de lèles d’animaux, de bœufs, de chevaux ou même de sujets plus compliqués. Une ou plusieurs barres, probablement de métal, attachaient le timon au haut de la caisse. IL n’y avait qu’un seul timon. Sur un seul monument publié par Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 24, on a cru voir un char à deux timons ; mais le dessin représente la perspective de deux chars.

L’attelage était composé de deux ou trois chevaux (lig. 195), jamais de quatre. Deux des chevaux étaient attachés au timon par le joug, le troisième à une corde. Il était

pas de carquois sur les côtés, mais une case destinée à recevoir les flèches est fixée à l’avant de la caisse. Le tout est couvert d’une ornementation formée de rosaces et d’un entrelacement de lignes dentelées. Les timons sont pleins et sans ornements, sauf la tête qui les termine. A la place de la pièce de tapisserie des chars de la période précédente, ils ont seulement une barre ou même une simple corde. Il n’y a pas de bouclier suspendu à l’arrière, mais parfois une draperie, ce qui supposerait que la partie supérieure est fermée par une barre. Voir t. ii, fig. 73, col. 225. Cf. G. Rawlinson, Thé fine great monarchies, t. i, p. 407, 413, n° n ; p. 414, 416 ; Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 42, 47, etc. ; Botta, Monument de Ninive, t. ii, pL 76 ; Place, Ninive et

Char perse de Persépolis. British Muséum. D’une photographie.

là en supplément et destiné surtout à remplacer un des deux autres, en cas d’accident. Les jougs étaient de formes très variées, tantôt droits, tantôt courbes. Voir Joug. On rencontre dans les monuments assyriens deux types de chars. Ceux de la période fa plus ancienne sont plus bas et plus courts, les roues ont six rais et sont de diamètre plus petit, la caisse est pleine et ornée seulement d’une bordure. Ils sont arrondis sur le devant comme les chars égyptiens et les chars grecs ; enfin de chaque côté sont suspendus des carquois. On y voit aussi, à la partie supérieure de l’arrière, une poche pour recevoir la partie inférieure de la lance. Cette poche a souvent la forme d’une tête humaine. Du haut de l’avant de la caisse à l’extrémité du timon s’étend une ornementation qui semble être une tapisserie tendue sur un cadre de bois. Parfois aussi on voit un bouclier suspendu à l’arrière de la caisse et formant comme une porte. Voir t. i, fig. 47, col. 305 ; fig. 229, col. 905 ; fig. 260, col. 983 ; fig. 367, col. 1263 ; t. ii, fig. 37, col. 99. Cf. G. Rawlinson, The five great monarchies of the ancient Eastern world, 4e édit., 1879, t. i, p. 412, fig. i ; Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 14, 22, 27 ; Botta, Monument de Ninive, t. ii, pi. 100. Les chars de la période plus récente sont plus hauts et plus larges, les roues sont d’un plus grand diamètre et ont huit ravons. La caisse est de forme carrée. On ne voit

l’Assyrie, pi. 50, 51 ; F. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. v, p. 54 ; Perrot, Histoire de l’art, t. III, pi. xii, et p. 625, fig. 307.

Le harnachement des chevaux est le même dans les deux périodes. Il consiste essentiellement dans une têtière, un collier et une sangle de poitrine. Le tout était orné de rosettes d’ivoire, de nacre ou de bronze. Layard, Nineveh and Babylon, p. 177 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 767, fig. 440. Les auteurs profanes parlent dans le même sens des chars assyriens. Ctésias, dans Diodore de Sicile, ii, 5, 4 ; 17, 1 ; 22, 2 ; Xénophon, Cyrop., ii, i, 5. Les chars assyriens portaient généralement trois ou quatre personnes. Place, Ninive, pi. 50, 51, 60 ; Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, art. Currus, t. i, p. 1634, fig. 2199. D’après le même Ctésias, ibid., les Assyriens auraient eu des chars armés de faux dès la plus haute antiquité, tandis que Xénophon, Cyrop., vi, i, 30, en attribue l’invention aux Perses. Perrot et Chipiez, op. cit., t. ii, p. 162, fig. 211, pi. x.

Les chars des rois assyriens étaient surmontés d’un parasol ou des insignes de la royauté, quand ils s’en servaient en dehors du champ de bataille. Voir t. i, fig. 263, col. 987. Cf. Layard, Monuments, t. i, pi. 21, 22 ; K. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 373. Un basrelief de Khorsabad, qui est au musée du Louvre, repré

sente un char d’une forme toute différente des chars ordinaires (fig. 196). Cf. F. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. y, p. 40 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 100, fig. 23.

VI. Chars des Élamites et des Perses. — Isaïe, xxii, 6, mentionne les chars des Élamites. Dans ce passage, les Septante traduisent le mot hébreu rékéh par àviSdcTai avôpwTtoi è ?’îmrotç, « des cavaliers sur des chevaux ; » Aquila : èv ap[i.aTi àvOptônwv Smréuv, « un char sur lequel sont montés des cavaliers, » et la Vulgate : currum hominis equitis, a le char d’un cavalier. » Au ꝟ. 7, le même prophète annonce que la vallée de la Vision sera remplie de chars ; la Vulgate traduit ce mot par qua’drigx. Les Élamites dont il est question ici sont des

equitum, « un homme qui monte un char de cavaliers traîné à deux chevaux. »

VII. Chars des-Séleucides. — Daniel, xi, 40, prophétisant les victoires du roi de l’aquilon, c’est-à-dire d’Antiochus IV Épiphane, parle des ch’ars de son armée. Le premier livre des Machabées, i, 18, signale aussi des chars dans l’armée de ce roi qui envahit l’Egypte, et aussi dans celle d’Antiochus V Eupator. I Mach., viii, G. Le char royal est nommé à part. II Mach., ix, 7. Les chars de l’armée des Séleucides étaient, comme les chars grecs de cette époque, formés d’une caisse dont les côtés étaient pleins et dont l’arrière était ouvert (fig. 198). Le second livre des Machabées, xm, 2, indique dans l’armée du même Antiochus V Eupator la présence de trois cents chars armés de faux, à’puaTi

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198. — Char de combat grec. Bas-relief en terre cuite. Cabinet des médailles.

peuples d’Asie, associés souvent sur les inscriptions cunéiformes aux Babyloniens. Frd. Delitzsch, Wo lag dus Parodies, in-8°, Leipzig, 1881, p. 237. Dans le chapitre précédent, xxi, 7, Isaïe, prophétisant la chute de Babylone, rapporte ainsi ce que voit la sentinelle : « Elle vit un char, un couple de cavaliers, un chariot traîné par des ânes, un chariot traîné par des chameaux. » Ici encore le mot hébreu est rékéb, et les Septante traduisent par « vaêâTaç, Aquila par apy.%, et la Vulgate par : currum duorwm equitum, ascensorem asini et ascensorem camélia La version syriaque et la version chaldéenne traduisent comme la Vulgate. Les peuples qui sont ici désignés et qui doivent détruire Babylone, ce sont les Élamites et les Médes. Is., xxi. 2. Nous savons par Xénophon que les Mèdes avaient des chars dans leur armée, et que Cyrus inventa, comme nous le dirons plus loin, les chars armés de faux. Xénophon, Cyrop., vi, 1, 29. Dans les chars des Mèdes et des Perses, la caisse était assez élevée, les côtés étaient pleins, les roues avaient jusqu’à douze rais, le timon était rattaché au-devant de la caisse par une tige. Voir lig. 197. Cf. Wilkinson, Manners, t. i, p. 241, fig. 73 ; Museo Borbonico, t. viii, pi. xxxvi. Hérodote, i, 188 ; vi, 86, parle de chais traînés par des ânes ; mais il n’est pas question ailleurs qu’ici de chars traînés par des chameaux. Plus loin, Is., xxi, 9, un personnage monté dans un char annonce la chute de Babylone ; le texte hébreu de ce verset porte : rékéb iê sëmér pârâsim, « le char d’un homme, un couple de cavaliers ; » les Septante traduisent : ovaSâTr, ; ^jMwpïSoq, « un homme monté sur un char à deux chevaux, » et la Vulgate : ascensor vir bigx

Sporaavijçdpa. Les successeurs d’Alexandre avaient emprunté ces chars aux Perses. Xénophon en attribue l’invention à Cyrus. « Ce prince, dit l’historien grec, abolit dans son armée l’usage des chars tels qu’étaient ceux des Troyens et des Cyrénéens, les seuls employés jusqu’alors par les Mèdes, les Assyriens, les Arabes et les autres peuples d’Asie. Il en fit construire d’une forme nouvelle. Les roues en étaient plus fortes, par là moins sujettes à se briser ; l’essieu long, car ce qui a de l’étendue est moins sujet à se renverser ; la caisse, d’un bois épais, s’élevait en forme de tour, mais ne couvrait le cocher que jusqu’à la hauteur du coude, afin qu’il eût la facilité de conduire ses chevaux ; chaque cocher, armé de toutes pièces, n’avait que les yeux découverts ; aux deux bouts de l’essieu étaient placées deux faux de fer longues d’environ deux coudées et deux autres par dessous, dont la pointe tournée contre terre devait percer à travers les rangs ennemis. » Xénophon, Cyrop., vi, 1, 29. Crésus adopta ces chars pour combattre Cyrus. Cyrop., VI, 2, 17. Les chars armés de faux figurèrent désormais dans toutes les armées asiatiques et dans celles des Séleucides. Xénophon, Anab., i, 7, 10 ; 8, 10 ; Quinte-Curce, iv, 25, 1 ; Tite Live, xxxvii, 11 ; Diodore de Sicile, xvii, 53.

VIII. Char de l’elxlql’E éthiopien. — Enfin le livre des Actes mentionne le char de l’eunuque de la reine Candace d’Ethiopie. Act., viii, 28-29, 38. Ce char devait être plutôt un chariot de transport ; l’eunuque, d’après les Actes, y était assis et lisait.

IX. Char d’Eue, char des chérubins, char au figuré. — En dehors des chars de guerre, la Bible parle

encore du char de feu sur lequel le prophète Élie fut enlevé au ciel. IV Reg., Il, 11, 12 ; Eccli., slvih, 9. — L’Ecclésiastique, xlix, 10, nous dit que le prophète Ézéchiel a vu Dieu sur un char conduit par les chérubins. Voir Chérubins. — Les chars sont souvent pris pour symbole de la puissance. Ps. xix (hébreu, xx), 8 ; lxvii (hébreu, lxviii), 18 ; cv (hébreu, civ), 3. Dans ce dernier passage, les Septante traduisent le mot rekûb, « char ou attelage, » par S’jvaareîa ; , et la Vulgate par potentias, « puissances. » Voir Chariot.

X. Bibliographie. — J. G. Wilkinson, The manners and customs of the ancient JEgyptians, in-8°, Londres, 1878, t. i, p, 222-242 ; Textor de Ravisi, Études sur les chars égyptiens, dans le Congrès provincial français des

le but vers lequel tendait Judas, et c’est vers Dathemaii que, d’après le premier livre, marchait le héros asmonéen, puisque là l’appelaient les cris de détresse. Enfin la troisième, et la plus forte, nous montre dans Characa un mot syro - chaldéen, qui signifie « forteresse », munitio. Or, quand l’auteur de I Mach. mentionne Datheman, il dit, d’après la Vulgate : Et fugerunt in Datheman munitionem ; mais il est plus que probable que ces derniers mots étaient rendus en syro-chaldéen par N3-D inni, be-Dateman keraka’. Il faut ajouter à cela la coutume qui aura sans doute prévalu de désigner Datheman, non par le nom propre, mais par l’appellation antonomastique Keraka, « la forteresse ; » ce qui, du reste, ressort du premier livre, où, sur quatre fois qu’elle

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199. — Char romain. Musée du Tatlcan. D’après une photographie.

orientalistes, Égyplologie, bulletin I, t. ii, p. 439-464 ; G. Rawlinson, The five great monarchies of the Eastern world, 4e édit., in-8°, Londres, 1879, t. i, p. 406-420 ; W. Helbig, L’épopée homérique, trad. franc., in-8°, 1895, p. 160-198 ; Scheffer, De re vehiculari veterum, in-8°, Francfort, 1671 ; Ginzrot, Die Wagen und Fuhrwerke der Griechen und Rômer, in-8°, Munich, 1817.

E. Beurlier.

    1. CHARACA##

CHARACA (e’i ? tôv Xâpaxa), localité mentionnée une seule fois dans l’Écriture, II Mach., xii, 17. Elle était située à l’est du Jourdain, dans le pays de Galaad, et était habitée par des Juifs appelés « Tubianéens ». Voir Tob, Tubin. La question, très difficile, qui se pose ici, est de savoir si nous sommes en présence d’un nom commun ou d’un nom propre. — Le texte grec porte l’article, et -/ipaxoc est l’accusatif de yâçiiX, « camp entouré de palissades. » De là on a conclu que Characa est « la forteresse » de Datheman, dont parle le récit parallèle de I Mach., v, 9, et dans laquelle s’étaient réfugiés les Juifs persécutés. Patrizi, De consensu utriusque libri Machabseorum, in-4°, Rome, 1856, p. 276, apporte à l’appui de cette opinion les raisons suivantes. La première, qu’il regarde à bon droit comme légère, c’est que Characa, au second livre des Machabées, est placé dans la région de Tob, comme Datheman, au premier. La seconde, plus grave, c’est que Characa était l’objeetif ou


est citée, elle apparaît trois fois sous la simple dénomination de « forteresse », keraka (cf. I Mach., v, 9, 11, 29, 30), et ceci nous explique pourquoi l’auteur du second livre a employé le nom commun plutôt que le nom propre.

— Ces derniers arguments ne manquent pas d’une certaine valeur ; mais l’hypothèse ne nous paraît pas non plus sans difficultés. On comprend que l’auteur du premier livre des Machabées, après avoir nommé une première fois « la forteresse de Datheman », se contente de l’appeler dans la suite « la forteresse », to ô^ypra^aMais l’auteur du second livre, n’en faisant qu’une seule mention, restait-il intelligible en la désignant seulement sous le nom de-bv -/âpixa, « le camp ou le retranchement ? » Nous ne le croyons pas, à moins que cette expression ne fût devenue, dans la bouche du peuple, un vrai nom propre, l’équivalent de Datheman. Et, dans ce cas, reste encore un point obscur. On lit, I Mach., v, 29, que Judas et ses compagnons partirent de Bosor pour venir à « la forteresse », tandis que, d’après II Mach., xii, 17, ils vinrent de Casphin à Characa, à une distance de sept cent cinquante stades. La concorde, d’ailleurs remarquable, établie entre les deux récits par Patrizi, ouvr. cit., p. 218, 220, fait, il est vrai, disparaître cette apparente contradiction ; mais nous nous demandons si son agencement des textes n’est point trop ingénieux. Il place du reste Casphin à l’ouest du Jourdain, ce qui nous

ÏI. - 19

semble moins conforme aux données exégétiques et géographiques. — Il est donc permis de voir un nom propre dans Characa : c’est ainsi que l’ont entendu la Vulgate et la Peschito, qui porte JLs » 9, Karka'. Mais où retrouver cette localité? Assurément il est impossible de l’assimiler à l’ancienne XapïXfiwôï (Qir Mô'àb, Is.., XV, 1), aujourd’hui El-Kërak, située à l’est de la mer Morte, au sud à'Er-Rabbali (Rabbath-Moab). Celle ville moabite était loin du pays de Tob et dans une direction diamétralement opposée à celle que devait suivre Judas Machabée. Il faut évidemment la chercher au milieu d’autres places où étaient bloqués les Juifs, comme Barasa (Bosra), Bosor (Bousr el-Hariri), etc. Voir Bosor 2, 3, t. i, col. 1857, 1858, et Carnion. Quelques auteurs la reconnaissent dans El-Harâk, sur Youadi el-Ghar, au nordouest de Bosra, au sud-ouest de Bousr el-Hariri. Cf. K. Furrer, Zur ostjordanischen Topographie, dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xiii, 4890, p. 200. Il nous semble qu’elle correspond aussi bien, et même mieux au point de vue onomastique, à El-Kérak, située au sud-est d’El-Harâk, sur Youadi et-Ta’al ou Ta lit. Voir la carte de Manassé oriental. Placé à l’embranchement de deux ouadis, à une altitude de 683 mètres, cet endroit a dû avoir une certaine importance. Cette identification souffre cependant une difficulté, c’est que la distance qui sépare El-Kérak de Kliîsfîn ( emplacement supposé de Casphin) est loin d'égaler les sept cent cinquante stades (près de 139 kilomètres) indiqués par le texte sacré, II Mach., xii, 17. D’autres savants croient retrouver Characa à Araq-elEmir, à seize kilomètres au sud-ouest d’Ammàm. Cf. R. von Riess, Bibel-Atlas, 2 B édit., Fribourg-enBiisgau, 1887, p. 8. La distance marquée trouve mieux ici son application ; mais, outre que la ressemblance onomastique est moins complète, la marche de Judas Machabée nous paraît aussi moins facile à suivre. — Fautil enfin ne voir ici qu’une contrée, qui aurait tiré son nom d’un « camp » ou d’une « forteresse », ce que semblerait indiquer le texte sacré en disant que Timothée ne fut pas rencontré « dans ces lieux », èit’t twv 'Ô/tuv, II Mach., Xiï, 18? C’est une question difficile à trancher. Nous avons exposé et discuté les éléments du problème : la solution ne repose pas seulement sur l’explication du mot et sur l’assimilation des noms ; elle dépend aussi de la manière dont on établit l’harmonie entre le double récit de I Mach., v, 9-54, et II Mach., xii, 10-31, et dont on comprend l’expédition du héros asmonéen au

pays de Galaad.
A. Legendre.

1. CHARAN (hébreu : Kerân ; Septante : Xappiv), dernier fils de Dison, un des fils de Séir l’Horréen. Gen., xxxvi, 26 ; I Par., i, 41.

2. CHARAN. Le texte de la Vulgate, Tob., xi, 1, dit que lorsque l’ange Raphaël et le jeune Tobie retournèrent à Ninive, ils arrivèrent le onzième jour de leur voyage à Charan, qui est à moitié chemin d’Eebatane à Ninive. Ce nom est altéré ou du moins inconnu. Il ne peut être question de la ville syrienne de Haran (voir Charan 3), qui n'était pas sur la route, et aucun auteur ancien ne mentionne de Charan dans ces parages. Le texte grec ordinaire n’indique aucune ville dans Tob., xi, 1. Un texte grec amplifié (B) porte Katrapewv, au lieu de Charan ( Fritzsche, Exegetisches Handbuch zu den À pokryphen, part. ii, in-8°, Leipzig, 1853, p. 98), leçon également inacceptable. L’ancienne Italique lisait Charam ou Caracha ; le syriaque a Bazri. Il est actuellement impossible de rétablir la véritable leçon. H. Reusch, Das Buch Tobias, in-8°, Fribourg, 1857, p. 103-104 ; C. Gutberlet, Das Buch Tobias, in-8°, Munich, 1877, p. 269.

3. CHARAN (Xappdcv). Le livre de Judith, v, 9, et les

Actes, vii, 2, 4, écrivent sous la forme Charan le nom de la ville de Syrie qui est appelée ailleurs Haran. Voir Haran.

    1. CHARANÇON##

CHARANÇON, nom vulgaire donné à la plupart des espèces d’insectes coléoptères qui forment la nombreuse famille des Curculionides ou Rhyncophores. Ce qui les caractérise est surtout ce rostre ou bec plus ou moins allongé, qui leur à fait donner le nom de Rhyncophores ou porte-becs. Ils vivent sur les végétaux de toute espèce ; c’est à l'état de larve qu’un bon nombre d’entre eux sont très nuisibles aux céréales. En particulier le charançon du blé (calandra granaria) (fig. 200), que les Égyptiens nommaient Mkit, cause parfois d'énormes

200. — Charançon du blé. a, grain de blé percé par le charançon pour y déposer son œuf. — 6, larve dans un grain de blé. — c, nymphe. — d, insecte parfait fortement grossi. — e, grandeur naturelle.

dégâts dans les greniers. Ce charançon et nombre d’autres espèces comme le charançon du palmier (voir Calandre, col. 54), du pin, du chêne, du gland, devaient exister autrefois en Palestine, où l’on constate actuellement leur présence. Voir L. Fairmaire, Les Coléoptères, in-12, Paris, 1889, p. 247 ; M. Girard, Traité d’entomologie, 1873, t. i, p. 691. Mais la Bible ne les nomme pas. Le hargol, dans lequel quelques auteurs ont cru le reconnaître, est le nom d’une espèce de sauterelle. Il en faut dire autant de V’arbéh, autre espèce de sauterelle nommée dans le même verset du Lévitique, xi, 22. Les versions ont traduit ce dernier mot par <jpo0-/o ; , bruchus, qui est le nom d’une sauterelle, Théophraste, Frag., xiv, 4, par conséquent d’un orthoptère, tandis que le mot français correspondant, « bruche, » désigne un coléoptère d’une tribu voisine des charançons proprement dits

ou curculionides.
H. Lesêtre.
    1. CHARBON DES BLÉS##

CHARBON DES BLÉS, appelé aussi Nielle. Hébreu : siddâfon, Deut., xxviiii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; II Par., vi, 28 ; Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 ; Septante : àvc|ioç60p ! oi, Deut., xxviii, 22 ; II Par., vi, 28 ; è^nuptaiio ; , III Reg., vin, 37 ; Ttûpiouiç, Amos, iv, 9 ; « copia, Agg., ii, 17 ; Vulgate : aer corruptus, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; serugo, II Par., vi, 28 ; ventus urens, Amos, iv, 9 ; Agg., Il, 18. — On trouve une fois dans l’hébreu sedêfâh, IV Reg., xix, 26 : Septante : iraTïjpa ; Vulgate : arefacta est ; et dans le passage parallèle, Is., xxxvii, 27, sedêmdh, avec un d, mem, mis par erreur pour un s, phé ; Septante : ayptaaziç ; Vulgate : exarcuit. Cf. le participe sedûfôf, Gen., xii, 6, 23, 27 ; Septante : àveu.ôj ûopoi ; Vulgate : percussx uredine, vento urente percussx.

I. Description. — Champignon entophyte, de la famille des Ustilaginées, vivant sur diverses graminées des cultures (blé, avoine, orge, etc.) et même sur plusieurs autres sauvages. Les espèces, assez nombreuses, se rangent dans

le genre Ustilago, et la plus répandue est l’Ustilago Carbo (fig. 201). — Les spores, souvent mêlées aux graines des céréales, germent avec elles, et presque simultanément, sur les sillons où le semis a été opéré. Il en sort un court filament, invisible à l’œil nu, nommé promycélium, qui donne naissance au bout de peu de jours à d’autres spores secondaires, d’une extrême petitesse, ou sporidies, destinées à se développer immédiatement, si le vent les porte en un milieu favorable" ; autrement elles périssent. Ce milieu n’est autre que l’épiderme du blé naissant ; le parasite pénètre par un stomate, vers le collet de la jeune racine, pousse un long tube, qui se ramifie à l’intérieur

201. — Ustilago Caria. « , épi d’orge charbonné. — 6, groupe triftore vu par le (Jo3, grossi. — c, spores à divers états de germination, grossies environ 1 000 fois. — d, Promycelium.

des tissus de la plante nourrice, jusqu’à l’envahir totalement. C’est le vrai mycélium, dont les branches innombrables ne se contentent pas de serpenter dans les espaces libres entre les cellules, mais poussent des suçoirs jusque dans la profondeur de leur protoplasma. Malgré la pénétration intime de tous ses organes par le parasite, le blé continue son développement normal en apparence. L’état maladif et les lésions internes ne se manifestent qu’au moment où le charbon va former ses spores, juste à l’époque où le blé va lui-même fleurir. Alors les filaments mycéliens se pelotonnent en un glomérule mucilagineux à l’intérieur de l’ovaire de la graminée, se substituent à la graine qui devait y prendre naissance, et remplissent l’organe d’une multitude de cellules noires, imitant la poussière de charbon, qui ne sont autres que les spores et qui ont donné son nom à la maladie. À la maturité l’ovaire charbonné se rompt, et les spores incluses sont mises en liberté. Celles-ci ne germent pas immédiatement, mais restent à un état de vie latente, qui peut se prolonger de longues années, jusqu’à une prochaine saison favorable, au retour des pluies.

Les anciens considéraient les maladies du charbon comme une dégénérescence spontanée des grains. Adanson et B. de Jussieu reconnurent leur origine parasitaire. Il ne faut pas confondre le charbon avec la carie des blés, champignon entophyte du genre Tilletia, très voisin de l’Ustilago par ses caractères et son mode de vie. Il en diffère par le promycelium non cloisonné et les filaments

sporigènes, qui ne subissent pas d’altération mucilagineuse. Enfin les spores ne sont pas mises en liberté par la rupture spontanée de l’organe qui les renferme. La principale espèce est le Tillelia Caries. F. Hy.

II. Exégèse.— Le siddâfôn est un des fléaux dont Dieu menace son peuple s’il est infidèle, Deut., xxviii, 22 ; et qu’il détournera s’il vient le prier dans son temple. III Reg., viii, 37-40 ; II Par., vi, 28. Ce fléau sévit plusieurs fois. Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 18 (hébreu, 17). Les traducteurs grecs et latins ne sont pas bien fixés sur le sens de ce mot, qu’ils rendent de façons très diverses. D’après son étymologie, sadaf, « brûler, noircir, » le siddâfôn pourrait être le charbon ou la carie. L’union habituelle de ce fléau avec le yêrâqôn, autre maladie des céréales, la rouille, rend plausible cette opinion maintenant assez suivie. Quant à distinguer entre le charbon ou la carie, il est probable que les Hébreux, comme souvent les cultivateurs de nos jours, confondaient les deux maladies à cause de leur étroite ressemblance.

E. Levesque.

    1. CHARBONS ARDENTS##

CHARBONS ARDENTS (hébreu : gahélét, d’un radical gâl}al, probablement analogue à l’arabe gâham, « allumer le feu, » Gesenius, Thésaurus, p. 280, et gahâlê’êS, e charbons de feu ; » Septante : av6paxe ; « vpé ; , aMSpaxti, « brasier ; » Vulgate : carbones, ignis, pruna). La Sainte Écriture parle assez souvent de charbons ardents, mais en différents sens.

1° Sens propre. — Le charbon noir (non enflammé), péfyâm, se change en gahélét, « charbon ardent », Prov., xxvi, 21. Exceptionnellement, pêhâm, qui vient du radical pâham, « être noir, » désigne aussi des charbons enflammés. Is., xliv, 12 ; liv, 16. Ils sont employés pour brûler l’encens. Lev., xvi, 12 ; pour cuire le pain, rôtir la viande, Is., xliv, 12, 19, et les poissons, Joa., xxi, 9 ; Tob., vi, 8 ; vin, 2 ; pour chauffer la forge, Is., liv, 16, faire bouillir la chaudière, Ezech., xxiv, 11, et alimenter les réchauds au moyen desquels on se garantit du froid. Jer., xxxvi, 22 ; Joa., xviii, 18. Le Sage, pour marquer le danger des mauvaises fréquentations, les compare aux charbons enflammés qui brûlent les pieds de ceux qui marchent dessus. Prov., vi, 28.

2° Sens métaphorique. — 1° Dans sa description du crocodile, l’auteur de Job, xli, 12, dit de l’animal :

Son souffle allume des charbons,

Et la flamme se précipite de sa bouche.

Par cette métaphore hardie, l’écrivain sacré veut donner une idée du curieux effet de lumière qui se produit quand le saurien projette violemment de l’eau par la bouche ou les narines, sous les rayons d’un soleil éclatant. Voir Crocodile. — 2° Le charbon ardent est parfois considéré comme le dernier reste qui pourrait rallumer le feu. Il devient alors l’image du dernier héritier d’une famille. Pour apitoyer le roi en faveur d’Absalom, une femme de Thécué, à laquelle Joab a fait la leçon, vient trouver David et se plaint qu’on veuille éteindre « le charbon qui reste », c’est-à-dire mettre à mort son dernier enfant. II Reg., xiv, 7. La Vulgate rend ici le mot gahélét par scintilla. C’est sous cette forme d’  « étincelle » et non de « charbon enflammé » que la métaphore a passé dans notre langue. La locution proverbiale dont se sert Notre-Seigneur, à la suite d’Isaïe, xui, 3, « ne pas éteindre la mèche qui fume encore, » Matth., xii, 20, n’est pas sans analogie avec celle du livre des Rois, quant à la forme sinon quant au sens. Isaïe, xlvii, 14, se sert aussi de l’image du charbon pour signifier qu’il n’y aura plus de maisons, quand il dit qu’après la ruine de Babylone il ne lui restera plus « ni charbon auquel on se chauffe, ni feu devant lequel on puisse s’asseoir ». — 3° Le Siracide recommande de « ne pas enflammer les charbons des méchants », c’est-à-dire de ne pas exciter leurs mauvais instincts, même par de justes remontrances, « de peur d’être consumé par le feu de leurs forfaits. » Eccli., viii, 13.

583

CHARBONS ARDENTS — CHARGAMIS

584

L’auteur du Psaume cxx (cxrx), 4, dit également de la langue astucieuse :

Ge sont les flèches du fort, cuisantes Comme les charbons de genêts.

Saint Jérôme, Ep. lxxiii, ad Fabiolam, xv, t. xxii, col. 710, croit que l’arbuste ici nommé, le rotém, est le genévrier, et il prétend que le feu de son charbon se conserve sous la cendre jusqu’à une année entière. Cet arbuste n’est pas le genévrier, mais le genêt du désert, dont les racines servent à faire du feu. Voir Genêt. Les Arabes l’emploient à. la préparation d’un charbon fort estimé au Caire, où il atteint un plus haut prix que les autres. Les racines sont plus fortes et plus compactes que les branches. Elles fournissent en conséquence un charbon durable et très calorifique, comme celui des bois durs. Par là s’explique la comparaison du Psalmiste. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 360. — 4° On lit au Psaume xviii (xvii), 9, 13 ; II Reg., xxii, 9, dans lequel David décrit l’apparition majestueuse de Jéhovah :

Le feu dévorant sort de sa bouche,

De lui jaillissent des charbons de feu…

De la splendeur qui l’entoure s’élancent des nuées,

De la grêle et des charbons de feu.

Dans ce passage, qui rappelle la théophanie du Sinaï, les charbons de feu, mêlés aux nuées et à la grêle, représentent les éclairs et la foudre. Au Psaume cxl (cxxxix), 11, c’est encore la foudre, par conséquent la vengeance divine, qui est appelée sur les méchants par ces paroles :

Que sur eux soient secoués des charbons de feu.

— 5° Enfin dans les Proverbes, xxvi, 21, on lit ces paroles que répète saint Paul, Rom., xil, 20 :

Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; S’il a soif, donne-lui à boire ; Ainsi tu amasseras des charbons sur sa tête, Et Jéhovah te récompensera.

Les charbons de feu ne sont certainement pas ici un signe de malédiction. Appeler la malédiction sur son ennemi ne serait ni mériter la récompense de Jéhovah, ni « vaincre le mal par le bien », comme ajoute saint Paul, Rom., xii, 21. Celte expression est ainsi expliquée par saint Jérôme, Ep. cxx, ad Hedibiam, i, t. xxii, col. 983 : « Quand nous rendons service à nos ennemis, nous élevons notre bienveillance au-dessus de leur malice, nous amollissons leur dureté, nous inclinons leur esprit irrité à la douceur et à la bonté ; … et de même que le charbon pris sur l’autel par le séraphin purifia les lèvres du prophète, ainsi les péchés de nos ennemis sont purifiés, et nous vainquons le mal par le bien. » Les charbons ardents désignent donc ici les soucis cuisants, la honte salutaire, le remords que l’homme bienveillant suscitera par sa charité dans l’esprit de son ennemi. Les Arabes appellent de même « charbons du cœur » lès inquiétudes qui dévorent lame, et dans leur langage, « laisser au cœur de quelqu’un des charbons de tamaris, » c’est lui causer un souci qui se prolongera, comme le feu que gardent longtemps les charbons provenant de cette plante. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 280.

3° Sens symbolique. — Les chérubins de la vision d’Ézéchiel, I, 13, ressemblent à des charbons ardents, à cause du vif éclat qui les pénètre et qui symbolise la majesté de Dieu et ses attributs terribles. Deut., iv, 24. — Dans une autre vision, x, 2, le même prophète voit entre les chérubins des charbons ardents que le Seigneur ordonne de répandre sur Jérusalem coupable. Les charbons représentent ici le feu du ciel, celui de la colère divine, qui a consumé les villes criminelles d’autrefois, Gen., xix, 24, et que plus tard deux apôtres voudront faire descendre sur les cités de la Samarie. Luc, ix, 54.

— Enfin, dans la vision où il est investi du ministère prophétique, Isaïe, vi, 6, voit un séraphin qui tient un caillou pris au foyer de l’autel et lui en touche les lèvres pour le purifier. Les Septante appellent ce caillou un « charbon de feu » ; mais en réalité c’est une pierre chauffée dans un brasier et remplissant ensuite le rôle du charbon ardent. Il y a ici un symbole de purification

indiqué par le texte même du prophète.
H. Lesêtre.
    1. CHARCAMIS##

CHARCAMIS (hébreu : Karkemîs ; Septante : X « pjist’ç, dans Jer., xlvi, 2 ; ils l’omettent II Par., xxxv, 20, et Is., X, 9 ; inscriptions assyriennes : Gar - gamis ou Kar-ga-miS ; égyptiennes : Quairqamasa ou Karkamisa), ville très ancienne, située sur la rive droite du haut Euphrate, et, depuis

la chute de Cadès dans

les incursions des pha raons de la xviif et de

la xixe dynastie, l’une des

principales capitales de la

confédération héthéenne

et siège d’un roi puissant

(fig. 202). Elle était située

sur la route qui mettait en

communication l’Egypte

et la Palestine avec l’As syrie et la Babylonie, le

désert empêchant de se

rendre en droite ligne

d’Egypte à Babylone, et

la route moins septen trionale et moins longue

de Thadmor ou Palmyre

n’étant pas encore ouverte

au commerce et étant peu

praticable aux armées.

Cette ville avait été con quise par Thothmès III,

pharaon de la xviii 6 dy nastie, et même déjà peut être par Thothmès I er ;

Ramsés II et Ramsès III

durent lutter avec ses

troupes, quand ils entre prirent d’imposer leur

joug à la confédération héthéenne. Maspero, Histoire de l’Orient, 1886, p. 190 et 199-200, p. 220 et 232 : Records of the Past, t. ii, p. 67 ; nouv. sér., t. v, p. 38 ; t. vi, p. 34. Charcamis trouva bientôt après des ennemis plus voisins et plus redoutables, Théglathphalasar I er, roi d’Assyrie, Salmanasar H (fig. 203) et ses successeurs, qui dans leurs nombreuses expéditions contre la Syrie, la Phénicie et la Palestine, la pillèrent et la rançonnèrent jusqu’à ce que Sargon mit fin à son indépendance et lui donnât un gouverneur assyrien, pour s’assurer la route de l’Asie occidentale et de l’Egypte. Isaïe, x, 9, fait allusion, dans sa prophétie contre l’Assyrie, à la prise de cette ville par le roi de rs’inive. C’est la première fois qu’elle est nommée dans l’Écriture. Elle y est nommée une seconde fois à l’occasion de la campagne de Néchao II. Elle avait conservé sous la domination de l’Assyrie son importance commerciale. Celui qui la gouvernait pouvait aspirer au titre de limmu ou consul-éponyme, comme les plus hauts fonctionnaires de la cour assyrienne et comme le roi lui-même. Voir The Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. i, pi. 42, 1. 74 ; A. Schrader, Keilinschrifen und Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 221-225. Quand l’empire assyrien eut succombé, la possession de cette ville tenta le roi d’Egypte. En 608, le pharaon Néchao II voulut prendre sa part des dépouilles de l’Assyrie en conquérant l’Asie occidentale et la route de l’Euphrate jusqu’à Charcamis, dont il s’empara, après avoir battu à Mageddo

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202. — Rot de Charcamis.

Stèle de basalte. Britlsh Muséum.

585

CHARCAMIS

586

Josias, roi de Juda, qui refusait de lui livrer passage et qui périt dans le combat ; il y laissa même une garnison égyptienne. Nabopolassar, roi de Babylone, regarda la prise de cette ville comme une menace pour son propre royaume ; et, en 603, il envoya contre le roi d’Egypte son fils Nabuehodonosor. Néchao vint à sa rencontre pour défendre sa nouvelle conquête, mais fut totalement battu aux environs de Charcamis, perdit ses conquêtes asiatiques et fut poursuivi jusqu’à Péluse : là Nabuchodonosor apprit la mort de son père et se hâta de rentrer à Babylone, non plus en suivant la longue route de Charcamis, mais en se lançant à travers le désert à la tête d’une légère escorte. Jer., xlvi, 2 ; II Par., xxxv, 20 ; cf. II (IV) Reg., xxiii, 29 ; Josèphe, Ant. jud., X, vu, 11.

Malgré la conquête assyrienne, cette ville resta tou x, 9, édit. de 1714, p. 125 ; sur IV Rois, xxiii, 29, édit. de 1721, p. 716, la placèrent à Circésium, actuellement AbouSerai, sur la rive gauche de l’Euphrate, au confluent du Chabour ; l’identification reposait d’abord sur la ressemblance des deux noms, biblique et classique, et ensuite sur ce fait que Circésium, comme Charcamis, était situé sur l’Euphrate, à l’endroit où l’on traversait communément ce lleuve. Ammien Marcellin, 1. xxiii, c. 5. Mais on n’a pas encore trouvé de ruines héthéennes à Circésium ; de plus, les textes assyriens lui donnent le nom de Sirhi et la distinguent soigneusement de Garga-niis. G. Rawlinson, guidé par les textes assyriens, constata que Charcamis devait êlre située beaucoup plus haut sur le cours de l’Euphrate, et indiqua comme sa situation probable Hiérapolis, Maboug dans les textes syriaques, — l’Ancien Testament syriaque remplace, en

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203. — Ambassadeurs do Charcamis payant te tribut à Salmanasar II, rot d’Assyrie. D’après The Bronze Ornctments

of the Palace Gates of Balawat, E, 4.

jours un centre de commerce très actif entre l’Orient et la Mésopotamie et la Babylonie d’une part, et de l’autre l’Asie Mineure, la Phénicie et l’Egypte. L’Euphrate y offrait un passage facile, et y commençait à devenir navigable : c’était un lieu tout indiqué pour les échanges. Aussi les textes assyriens mentionnent - ils souvent, comme un poids connu partout, la mine de Charcamis. The Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. iii, pi. 47, n. 1, 6 et 9. On peut donc admettre avec vraisemblance qu’insensible aux changements politiques, elle fut davantage atteinte par un changement d’itinéraire des caravanes pour la traversée du haut Euphrate, qui vint lui enlever sa prospérité et la réduire à l’abandon. De fait, sous les Perses, qui succédèrent aux Babyloniens comme ceux-ci avaient remplacé les Assyriens, on ne trouve plus de mention de cette ville, et bientôt l’ancienne capitale héthéenne, ensevelie sous ses propres ruines, tombe dans le inème oubli que les capitales assyriennes, laissées elles-mêmes quelque temps inhabitées, comme en témoigne Xénophon, Anab., iii, 4, et bientôt après devenues des amas de décombres. Le nom de Charcamis fut conservé par la Bible et par Josèphe ; à notre époque, on l’a retrouvé dans les inscriptions égyptiennes et assyriennes ; mais la situation exacte de cette ville est restée ignorée jusque dans ces dernières années.

Benjamin de Tudèle et Bochart, suivis de la plupart jdes anciens, Calmet, Commentaire littéraire sur Isaïe,

effet, le nom de Charcamis par celui de Maboug, — actuellement Menbidj. G. Rawlinson, The five great monarchies, 4e édit., Londres, 1879, t. ii, p. 67. M. Maspero, s’appuyant sur les inscriptions égyptiennes qui traçaient l’itinéraire des pharaons en Asie, rejeta également le site de Circésium, et admit comme certain celui de Maboug. De Charchemis oppidi situ et historia antiquissima, 1872, p. 14 et suiv. ; Histoire des peuples de l’Orient, 1886, p. 180. — Nôldeke arriva à la même conclusion négative quant à Circésium, mais donna la préférence à Kala’at Nadjem, Gôtting. Nachricht., 26 janv. 1876, n. 11, 13, 15 ; cette localité est située un peu à l’est de Maboug, et toujours sur la rive droite de l’Euphrate. En effet, la Bible et les textes assyriens placent la capitale héthéenne sur l’Euphrate. Or Maboug en est assez éloignée. — À son tour, Eb. Schrader, Keilinschriflen und Geschichtsforschung, 1878, p. 225, montra par les inscriptions assyriennes que Kala’at Nadjem est encore trop méridionale, que, spécialement d’après l’inscription de Samsi-Ramman, ibid., p. 223, Charcamis était située en face de Kar-Salmanasar, plus anciennement Tul-Barsip, et au nord du confluent du SaJjour. — Déjà, en 1876, Georges Smith, quelques jours avant sa mort, avait exploré cette région, particulièrement les Jeux sites de Yarabolous et de Biradjik (suivant sa transcription], l’un sur la rive droite, l’autre sur la rive gauche de l’Euphrate, y avait remarqué des ruines héthéennes considérables,

et avait identifié la première avec Charcamis, d’après ses notes, publiées par Delilzsch, Wo lag das Paradies, p. 266 ; voir aussi Eb. Schrader, Keileinsc.hr. und Geschichtsf., p. 225. — H. Sayce, The Academy, 4 novembre 1876, p. 454, et Delitzsch admirent cette identification, ouvr. cit. — J. Menant, Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xxxii, part. ii, 1891, p. 201-273, montra, p. 236-271, que de ces deux amas de ruines, celui de la rive gauche de l’Euphrate était bien Tul-Barsip = Kar-Salmanasar, et celui qui se trouve sur l’autre rive, un peu au sud, Charcamis. (Voir la carte d’Assyrie, t. i, vis-à-vis la col. 1147.) Cette situation est exactement celle qu’indiquent les textes assyriens, notamment celui d’Assur-nazir-apal, roi de Ninive, qui, venant d’Assyrie, traverse d’abord l’Euphrate avant d’entrer dans Charcamis, puis rencontre à l’ouest le fleuve Apri’, VAfrin actuel ; YArante ou l’Oronte, le Labnana ou Liban, et la mer du pays d’Aharru, la mer Méditerranée. Voir Menant, ouvr. cit., p. 228-232, 240, et Annales des rois d’Assyrie, p. 88-89. D’ingénieux rapprochements permettent de croire que M. J. Menant a retrouvé, parmi les textes exhumés à Djeràblus, le nom même de la vieille capitale. Ce nom est composé de deux signes idéographiques, l’un ayant l’apparence d’une flèche, l’autre d’une sorte de fleur jointe au déterminalif en forme de cercle qui désigne les dieux : or cette fleur jointe au cercle est précisément le nom du grand dieu figuré sur le bas-relief de Yasili-Kaïa. Le nom de la capitale héthéenne serait donc composé d’un nom commun, puis d’un nom propre de dieu. , D’autre part, Charcamis se décompose tout naturellement, comme l’avait déjà entrevu Gesenius, en Char-Chamos, « forteresse du dieu Chamos. » — Le nom actuel, Djirbâs ou Djerâbis, d’où Maundrell a fait à tort Djerabolus, par une fausse identification avec Hiérapolis-Maboug, parait provenir du nom grec de cette localité, ’Qpmrcôc ou’Eupmic6{. Voir Isidore de Charax, Mansiones Parthicss, dans les Geographi grœci minores, édit. Didot, t. i, p. 244 et note 3 ; Pausanias, x, 29, édit. Didot, p. 532. — Après la mort de G. Smith, la localité fut fouillée par Henderson, et les objets ou textes découverts furent déposés au Musée britannique de Londres. Cf. Transactions of the Society of Biblical Archxology, t. vii, p. 429.

A en juger par ses ruines, la cité proprement dite n’était pas très grande, et n’avait que trois kilomètres de tour environ ; mais ses faubourgs se prolongeaient dans la direction du sud, le long de l’Euphrate. Le côté de la ville que le fleuve ne protégeait pas était défendu par un double rempart, encore présentement haut de huit à dix mètres. Au nord-est de l’enceinte oblongue ainsi formée se trouve un tertre où était la cité royale, et où l’on a retrouvé des ruines de palais et des restes de bas-reliefs ; une déesse ailée et nue comme l’Istar-Vénus de Babylone, et coiffée d’une sorte de cône tronqué ; des personnages velus d’une longue robe ou d’une courte tunique frangées, et chaussés des bottines à pointe recourbée, caractéristiques des monuments héthéens. Ces bas-reliefs tapissaient les parois d’une sorte de grande salle longue et étroite (vingt mètres sur cinq), analogue à celle des palais assyriens. Voir Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 531 et 807-811 ; Vigouroux, Mélanges bibliques, 2e édit., p. 885-411.

E. Pannier.
    1. CHARCHAS##

CHARCHAS (hébreu : Karkas ; Septante : ©ap*gct), le septième des sept eunuques du roi Assuérus. Esth., i, 10. D’après Oppert, Commentaire historique et philologique du livre d’Esther, dans Annales de philosophie chrétienne, janvier 1861, p. 25, c’est le nom perse karkaça, qui désigne un oiseau.

CHARDON. Hébreu : hoah ; Septante : à’xav, IVReg., xiv, 9 ; àx/owxi II p a r - ! x xv i 18 ; xvi’Sii, Job, xxxi, 40 ;

| « xav8ai, Prov., xxvi, 9 ; Cant., ii, 2 ; Ose., rx, 6, et omis dans Is., xxxiv, 13 ; Vulgate : carduus, IV Reg., xiv, 9 ; II Par., xxv, 18 ; tribulus, Job, xxxi, 40 ; spina, Prov., xxvi, 9 ; Cant., ii, 2 ; paliurus, Is., xxxiv, 13 ; lappa, Ose., ix, 6.

I. Description. — Le chardon est un genre de plantes herbacées, épineuses, de la famille des Composées, tribu des Cynaroïdées. La tige, dressée, simple ou rameuse, est terminée par des capitules globuleux ou ovoïdes ; les feuilles épineuses ou bordées d’épines ; les fleurs égales, tubuleuses, en général pourpres ou quelquefois blanches ; les écailles de l’involucre presque toutes terminées par

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204. — Notobasts syriaca. D’après un spécimen du mont Sion,

une épine. Autrefois ce genre comprenait un très grand nombre d’espèces, mais on a créé à ses dépens plusieurs genres nouveaux. Cependant le langage vulgaire continue d’appeler du nom de « chardon » les diverses espèces de ces différents genres voisins ; et même il applique improprement ce nom à beaucoup de plantes armées d’épines, qui n’ont avec lui qu’une ressemblance assez lointaine. Le chardon est une plante très nuisible à l’agriculture, qu’on a de la peine à détruire ; il se propage très facilement, à cause de ses graines aigrettées que le vent transporte au loin. La Palestine est riche en chardons de tout genre. Parmi les Carduacées les plus communes, on peut citer le Carduus pycnocephalus, le Carduus argentatus, les Circium lanceolatum et arvense, et surtout le Notobasis syriaca (fig. 204) aux puissantes épines, répandu dans toute la Palestine. En dehors des Carduacées, mais dans les genres voisins, l’Atractylis comosa (fig. 205), le Carthamus oxyacantha, le Scolymus maculatus, sont très abondants dans les champs et les plaines de la Terre Sainte.

II. Exégèse. — Le Iioah est présenté dans l’Ecriture comme une de ces mauvaises herbes qui poussent dans les ruines, Is., xxxiv, 13, et sont le signe d’une terre abandonnée, Ose., ix, 6 ; comme une plante très nuisible aux céréales, Job, xxxi, 40, croissant dans les champs à côté des lis ou anémones, Cant., ii, 2 ; comme une plante

méprisable. IV Reg., xiv, 9 ; II Par., xxv, 18. Ce n’est pas un terme général pour indiquer les épines ou mauvaises herbes, mais une plante particulière, placée dans les énumérations à côté de l’ortie, Is., xxxiv, 13, ou lui répondant dans les membres parallèles d’un distique, Ose., IX, 6 ; mise comme terme de mépris en opposition avec le roi des arbres, le cèdre, dans la parabole du roi Joas. IV Reg., xiv, 9 ; II Par., xxv, 18. Tous les caractères du hoal} conviennent très bien au chardon, pourvu qu’on

Î05. — Atractj/Us comosa. D’après un spécimen du couvent de Sainte -Croix, près de Jérusalem.

entende toutes les plantes comprises sous ce terme vulgaire. — Salomon dit dans les Proverbes, xxvi, 9 :

Comme un hoah qui vient en la main d’une homme ivre, Ainsi est une belle maxime dans la bouche d’un insensé.

Plusieurs exégètes (Celsius, Hierobotanicon, 1. 1, p. 470-479) croient plus juste de voir ici le prunellier, Prunus siîvestris. Mais cet arbuste ne remplit pas les conditions indiquées plus haut ; et les chardons à tige haute, forte, qu’on trouve encore dans la plaine d’Esdrelon, vérifient très bien la sentence des Proverbes. — Gesenius, Thésaurus, p. 497, et d’autres exégètes regardent hàvâhim, □>mn, de I Reg., xiii, 6, comme un pluriel irrégulier de

l.ioah pour hôhim. Mais le sens de « chardons » ne convient pas bien dans cette phrase : « Les Israélites allèrent se cacher dans les cavernes, les chardons, les rochers, les antres et les citernes, a Dans cette énumération, on s’attend plutôt à trouver un nom signifiant quelque trou de rocher, comme traduit ; la dernière édition de Gesenius, Hebrâisches Handvôrterbuch, 1895, p. 226, en faisant toutefois remarquer qu’il y a là probablement une faute de copiste pour ni-vrt, horim, » trou de rocher, » qu’on

lit dans le chapitre suivant, I Reg., xiv, 11 : « Et les Israé lites sortent des cavernes, hahôrîm, » où ils s’étaient cachés. E. Levesque.

    1. CHARIOT##

CHARIOT (hébreu : ’âgàlah ; Septante : âu. « $ « ; Vulgate : plaustrum), véhicule traîné par un attelage de bœufs et destiné au transport des voyageurs ou des marchandises, distinct du char de guerre, rékéb. Voir Cijar.

I. Chariots dans l’Écriture. — Les chariots sont mentionnés pour la première fois dans la Genèse. Le pharaon permet à Joseph d’envoyer un certain nombre de chariots pour ramener en Egypte les femmes et les enfants de son père Jacob. Gen., xlv, 19, 21, 27 ; xlvi, 5. Après la sortie d’Egypte et le dénombrement des Israélites, les principaux de la nation offrent à Dieu des chariots couverts. Num., vii, 3. Ces chariots sont distribués aux lévites. Num., vii, (i-9. Lorsque les Philistins, que la présence de l’arche au milieu d’eux affligeait de maux nombreux, voulurent la renvoyer aux Israélites, ils la placèrent sur un chariot attelé de deux jeunes vaches. I Reg., vi, 7, 8, 10, 11, 14. David mit de même l’arche sur un chariot quand il la fit transporter à Sion. II Reg., vi, 3 ; I Par., xiii, 7, Le prophète Amos, ii, 13, parle aussi de chariots remplis de gerbes.

II. Description. — Les chariots étaient en bois, puisque David s’en sert pour faire le feu d’un sacrifice. II Reg., xxiv, 22. Ils étaient parfois recouverts. Tels sont ceux qui sont offerts après le dénombrement. Num., vii, 3. — Les chariots égyptiens sont représentés rarement. On les voit cependant dans un camp à côté des chars (t. ii, fig. 36, col. 95). On voit également sur les monuments les chariots dont faisaient usage les nations voisines, et qui durent à l’occasion être employés en Egypte. Le fond de la caisse est plat ; sur les côtés s’élèvent des clôtures pleines ou à claire-voie ; les roues, qui sont au nombre de deux, sont pleines et maintenues à l’essieu par des chevilles. Wilkinson, Manners and customs of’the ancient J£gyplians, t. i, p. 249, fig. 80. Ces chariots ne sont pas couverts. Une peinture peut nous donner l’idée du chariot sur lequel fut transportée l’arche. Elle représente un chariot qui porte une barque sacrée sur laquelle est une momie. Il est formé d’un fond plat porté sur quatre roues de huit rayons. Wilkinson, Manners, t. i, p. 237, fig. 69. Les chariots sont plusieurs fois représentés sur les monuments assyriens. Tantôt ils sont traînés par des chevaux, Layard, Monuments of Nineveh, t ii, p. 33-31 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 111, fig. 31 ; tantôt par des mulets, F. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. v, p. 114 ; tantôt par des bœufs ; voir t. i, fig. 563, col. 1837 ; t ii, fig. 73, col. 225, ou même des esclaves (fig. 206). Cf. Layard, Monuments, 1. 1, pi. 58 ; t. ii, pi. 22, 26, 35 ; F. Lenorrnant, Hist. anc, t. iv, p. 197, 305, 365 ; t. v, p. 60 ; Perrot, Uist. de l’art, t. ii, p. 543, fig. 253. Les uns son fermés sur les côtés, les autres sont à clairevoie. Les roues sont à rayons, et les jantes sont très massives. Ces chariots servaient avant tout au transport des objets ; mais les personnes y montaient également, tantôt assises sur des sièges qu’on plaçait sur le fond du char, tantôt sur les objets mêmes qui étaient transportés. Aucun de ces chariots n’est couvert. Les chariots couverts n’apparaissent que sur les monuments étrusques et romains. Micali, Monumenti di antichi popoli italiani, in-f", Rome, 1810, pi. 27, 28. — Le passage où Isaïe compare le pécheur au captif qui traîne un chariot auquel il est attaché par des cordes est rendu sensible par plusieurs bas-reliefs assyriens. On y voit, en effet, des captifs remplaçant les chevaux et les bœufs et attelés à de lourds chariots. Layard, Monuments, t. ii, pi. 13, 15, 16, 17, 18 ; F. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 316 ; t. v, p. 97 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 336, fig. 151 ; p. 338, fig. 152. — Isaïe, xxviii, 27, 28, désigne encore sous le nom de’âgâlâli l’instrument à l’aide duquel les Israélites écrasaient les grains sur l’aire, Is., m

CHARIOT — CHARLES LE CHAUVE (BIBLES DE)

592

xxv, 10 ; xxviii, 27, 28 ; xli, 15 ; Amos, i, 3. Voir Aire, t. i, col. 326. La Vulgate traduit’âgâlàh par plaustrum, Is., xxviii, 27, 28. Elle ajoute ce mot Is., xxv, 10, pour mieux préciser le sens ; mais il n’a pas d’équivalent dans l’original. Plaustrum, Is., xli, 15, est la traduction de môrag, et dans Amos, i, 3, celle de ftârûs, deux mots qui

regarde comme si nécessaire, qu’il menace des plus grands châtiments ceux qui y manquent. Mattli., v, 22. Entre tous les apôtres, saint Jean est le grand docteur de la charité. Il en fait le plus grand éloge en proclamant que Dieu est charité. I Joa., iv, 8, 10. De là il loue la charité prévenante de Dieu pour nous, I Joa., iv, 10, 19, mani — : -. : c--.^wTi’ï ri’lt- — m — r

— Captifs assyriem traînant des chariots charges de cordes et de leviers. Koyoundjik. D’après Layard, Monuments

o/ Nineveh, t. a, pi. 17.

désignent l’un et l’autre un instrument à battre le blé, t. ï. col. 320. E. Beurlier.

CHARITÉ. L’hébreu’ahâbâh, que les Septante rendent par à-fânY], et la Vulgate par charitas, désigne un mouvement affectueux, sans détermination spéciale. C’est par le contexte que ce terme est déterminé à signifier l’affection de Dieu pour les hommes, Deut., vii, 8 ; Jer., xxxi, 3 ; III Reg., x, 9 ; des hommes pour Dieu, Deut., xi, 13, 22 ; Jos., xxii, 5 ; xxiii, 11 ; des hommes entre eux. I Reg., xviii, 3 ; xx, 17 ; II Reg., i, 26 ; Cant.,

II, 4 ; v, 8 ; viii, 6, 7. Dans Osée, iii, 1, ce mot, qui est répété trois fois au même verset, désigne deux fois l’amour charnel, et une fois l’amour de Dieu pour les hommes. On le trouve opposé à sln’âh, « haine. » Ps. cvm (hébreu, Cix), 3, 4, 5 ; Eccle., IX, 1. Le Nouveau Testament étant établi sur la charité de Jésus-Christ, il n’est pas surprenant que Notre - Seigneur et les apôtres en parlent fréquemment, soit pour rappeler le précepte de la charité, déjà énoncé dans l’ancienne Loi, soit pour en déclarer l’excellence. La charité résume et couronne la Loi et les Prophètes ; elle est le plus grand commandement, Matth., xxii, 37-40 ; Marc, xii, 30-31 ; Rom., xiii, 8-10 ; Gal., v, 14 ; I Tim., ï, 5, et le lien de la perfection. Col., iii, 14. Elle l’emporte en excellence sur le don des langues et des miracles, I Cor., xiii, 1-2 ; sur l’aumône et les œuvres les plus généreuses, I Cor., xiii, 3 ; sur la foi et l’espérance, 1 Cor., xm, 13 ; elle est la racine de la vie spirituelle, Ephes.,

III, 17 ; elle renferme toutes les autres vertus, I Cor., xiii, 4-8 ; elle est une douce et sainte servitude opposée à la criminelle liberté de la chair, Gal., v, 13 ; elle est l’un des fruits du Saint-Esprit. Gal., v, 22.

Son objet est Dieu et le prochain, Matth., xxii, 37-40 ; Marc, xii, 30-31 ; I Joa., iv, 20-21 ; v, 1-2, et par prochain JésusChrist veut qu’on entende les ennemis eux-mêmes. Matth., v, 25, 39-40, 44-47. Cette charité fraternelle est plus précieuse devant Dieu que l’oblation des sacrifices, Matth., v, 23-24 ; elle obtient le pardon des plus grands péchés, I Petr., iv, 8, et Notre - Seigneur la

festée particulièrement par l’Incarnation. I Joa., iv, 9. Mais cette charité appelle celle des hommes pour Dieu,

I Joa., iv, 19, et avec un si parfait abandon, qu’elle exclut toute crainte. I Joa., iv, 17, 18. Incompatible avec l’amour du monde, I Joa., ii, 15, elle consiste à observer les commandements, Joa., xiv, 15, 21, 23, 24 ; I Joa., v, 2, 3 ;

II Joa., 6, et surtout ce commandement nouveau qui a pour objet la charité des hommes entre eux. Joa., xiii, 34. Celte charité fraternelle est nécessaire pour le salut : Dieu, de qui elle émane, 1 Joa., iv, 7, et qui nous en donne l’exemple, I Joa., iv, 11, la commande à tous, Joa., xv, 12, 17 ; I Joa., iv, 21 ; sans elle on demeure dans la mort, I Joa., iii, 14 ; on est homicide, I Joa., iii, 15 ; on vit dans les ténèbres. I Joa., ii, 9, 11. Avec elle, au contraire, on demeure et on vit en Dieu, Joa., xiv, 23 ; I Joa., iv, 12, et on possède Dieu en soi, I Joa., iv, 16 ; on est dans la lumière. I Joa., ii, 10. Elle doit d’ailleurs, pour être vraie, se manifester par des actes, I Joa., iii, 18 ; cf. Jac, 1, 27 ; il, 14-18, 20-26, et elle devient parfaite quand elle se traduit par le sacrifice de soi embrassé volontairement pour l’amour du prochain. Joa., xv, 13. Cet enseignement dépasse tellement la doctrine des fausses religions, que la charité fraternelle est donnée comme le signe distinctif des disciples de JésusChrist. Joa., xiii, 35. Saint Paul compare la charité à une cuirasse contre laquelle viennent s’émousser les traits de l’ennemi du salut. I Thess., v, 8.

P. Renard.

    1. CHARKEL ou Héraclée##

CHARKEL ou Héraclée (probablement dans la Cyrrhesticé, Ptolémce, v, 15, dans la province de l’Euphrate), patrie de Thomas, évêque de Maboug, surnommé de Charkel, à cause de son origine. Il publia une révision de la tradition syriaque du Nouveau Testament par Philoxène ; elle est connue sous le nom de charkléenne. Voir Syriaques (versions) des Saintes Écritures.

    1. CHARLES LE CHAUVE##

CHARLES LE CHAUVE (BIBLES DE). Le nom

de l’empereur Charles le Chauve († 877) est attaché à plusieurs manuscrits, spécimens célèbres de la calligraphie carolingienne. DlCT. DE LA BlBl.E

LETOUZEY et ANÉ. éditeurs

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ps. cxvii, 28 - cxviii, 8 Bibliothèque Nationale de Paris 593 CHARLES LE CHAUVE (BIBLES DE) — CHARME CONTRE LES SERPENTS 594

1° Le manuscrit n° 1 du fonds latin de la Bibliothèque nationale, connu sous le nom de « première Bible de Charles le Chauve », est un volume de grand format (495 millimètres sur 375), comptant 423 feuillets à deux colonnes de 51 lignes, relié aux armes de Colbert. Jusqu’en 1675, il appartint au chapitre de la cathédrale de Metz, qui à cette date en fit présent à Colbert. En tête, on trouve une dédicace à l’empereur :

Rex benedicte tibi hæc placeat bibliolheca Carie… A la fin, une peinture représente l’empereur sur son trône ; devant lui un personnage fait avancer douze clercs, dont l’un présente au prince un grand livre relié en rouge ; une dédicace en vers renferme le nom du donateur, le comte Vivianus, abbé de Saint -Martin, à Tours ({ 851), et peut-être les noms des copistes et enlumineurs, Haregarius, Amandus, Sigraldus. Cette Bible a été exécutée à l’abbaye de Saint -Martin de Tours, entre 845 et 851, dans la grande école calligraphique que posséda le monastère dans la première moitié du IXe siècle. L. Delisle, Mémoire sur V école calligraphique de Tours, Paris, 1885. Il est vraisemblable que cette Bible, donnée à Charles le Chauve par l’abbaye de Tours, aura été donnée par Charles le Chauve à la cathédrale de Metz, où, le 9 septembre 869, il fut couronné roi des États de Lolhaire. Les inscriptions en vers sont écrites en capitales d’or sur fond pourpre, les préfaces en onciales d’or sur pourpre. Le texte biblique est en onciale, les incipit en or sur pourpre, les initiales à entrelacs ou à sujets. Les canons d’Eusèbe, les sommaires ou capitula, sont écrits sous des arcades d’où pendent des lustres, et surmontées de figurines animées. De grandes peintures à pleine page complètent l’ornementation du volume. Il renferme toute la Vulgate. Voir la description et un facsimilé dans L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. iii, Paris, 1881, p. 234 et pi. xx.

2° Le manuscrit latin n° 2 de la Bibliothèque nationale est connu sous le nom de « deuxième Bible de Charles le Chauve » : grand format (430 millimètres sur 335), 444 feuillets à deux colonnes de 52 lignes, relié aux armes d’Henri IV. Jusqu’en 1598, où elle passa dans la bibliothèque du Roi, cette Bible appartint à l’abbaye de Saint-Denis. Ici encore, en tête, on lit une dédicace à l’empereur : JBiblorum seriem Karolus rex inclitus islam Contexit chryso, corde calens catharo…, poème qu’une allusion qu’il renferme à la mort du fils de l’empereur, Charles, roi d’Aquitaine, permet de dater des environs de 865. Cette Bible a dû être la Bible personnelle de Charles le Chauve, et être léguée par lui en mourant à Saint-Denis. Peut-être même avait-elle été exécutée dans l’abbaye de Saint -Denis. Les inscriptions en vers sont en capitales d’or sur fond pourpre ; le texte est en minuscule, les premiers versets en onciales d’or ; les initiales sont de grandes lettres ornées. Comme le précédent, ce manuscrit renferme toute la Vulgate. Voir description et fac-similé du manuscrit dans L. Delisle, ouvr. cit., t. III, p. 259 et pi. xxviii.

3° La Bibliothèque Nationale possède encore, n° 1152 du fonds latin, un troisième manuscrit du même empereur, « le Tsautier de Charles le Chauve, » d’un format moindre que les précédents (210 millimètres sur 185), 173 feuillets, écrit à pleine page sur 20 lignes, ayant encore sa reliure ancienne avec ivoires sculptés et cabochons. Il renferme le texte gallican du psautier, plus les cantiques, le TeDeum, le Symbole de Nicée, le Quicumque vult, enfin des litanies où Dieu est invoqué pour Charles, la reine Hermintrude († 869) et leurs enfants, et à la fin desquelles le copiste a mis son nom :

Hic calamus facto Liuthardi fine qidevit. Le manuscrit contient comme les autres une image de dédicace à Charles le Chauve. Il est écrit tout entier en onciales d’or, à l’exception de quelques pages en minuscules, et de quelques versets messianiques qui sont sur

fond pourpre. Grandes initiales peintes. Description et fac-similé dans L. Delisle, ouvr. cit., t. iii, p. 320. Le fac-similé que nous en donnons ci-joint (fig. 207) contient Ps. cxvii, 28- cxviii, 8.

4° La Bibliothèque royale de Munich, sous le n° 14000, possède un quatrième manuscrit portant la reliure en or que lui fit donner Ramvold, abbé de Saint -Emrneran, à. Ratisbonne (975-1001) ; grand format (420 millimètres sur 320), 126 feuillets à deux colonnes de 40 lignes. Ce splendide volume a été exécuté en 870 ou C71, par les copistes Beringarius et Liuthardus, ce dernier le même que pour le psautier ci-dessus. Le manuscrit est écrit en entier en lettres d’or. Une image représente Charles le Chauve béni par la main de Dieu, avec l’inscription : Francia grata tibi, rex inclite, munera defert… Ce manuscrit des quatre Évangiles est connu sous le nom d’  « Évangiles de Saint-Emmeran ». Légué à l’abbaye de Saint -Denis à la mort de Charles le Chauve, il aurait été échangé vers 893, par l’abbé de Saint -Denis, contre la moitié du corps de saint Denis, dérobé à l’abbaye par les gens de l’empereur Arnoul, lequel le passa à Saint-Emmeran. Les Évangiles de Saint-Emmeran, le Psautier de Charles le Chauve, comme aussi le Codex Paulinus, auquel nous consacrerons un article spécial, auraient été copiés à l’abbaye de Corbie. — Voir sur ces manuscrits et sur les manuscrits carolingiens en général le mémoire de M. H. Janitschek, dans la publication qui a pour titre Die Triérer Ada-Handschrift, Leipzig, 1889, p. 63-111, et S. Berger, Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 243-299. P. Batiffol.

CHARME contre les serpents. Moyen employé par les charmeurs pour prendre les serpents ou les rendre inolfensifs. — 1° Les Hébreux appelaient le charme laliaS, de la racine MhaS, usitée à la forme pihel, lihês, <.< siffler, parler à voix basse, chuchoter, » parce que les charmeurs, melahasim, « les siffleurs, » Ps. lviii, 6, attirent le serpent en sifflant et en chuchotant une conjuration plus ou moins intelligible. Voir Charmeurs de serpents. — L’Ecclésiaste, x, 11, compare le médisant au serpent (ndhâs) qui mord lorsqu’il n’en est pas empêché par le charme (lahas). (La Vulgate traduit le mot hébreu par « en silence », mais elle ne rend pas le sens de l’original.) — Jérémie, vin, 17, menaçant son peuple, au nom de Dieu, de grands châtiments, leur dit : « Je vais envoyer contre vous des serpents (nehâSim) et des vipères (sife’ônim) contre lesquels il n’y a pas de charme (laljaS), et ils vous mordront. » La Vulgate traduit exactement dans ce passage lahas par incantatio. — 2° Isaïe, iii, 3, appelle le charmeur nebôn lahas, « celui qui connaît les charmes. » Vulgate : prudentem eloquii mystici. Saint Jérôme, In Is., iii, 3, t. xxiv, col. 62, dit qu’il traduit ainsi d’après Symmaque (Théodotion et Aquila, au rapport du même saint docteur, ibid., avaient traduit justement : « prudent enchanteur » ), et eloquium mysticum doit s’entendre du charme. Les Septante ont traduit inexactement : ouvstôv àxpoaîT|v, « un intelligent auditeur, » ou, comme beaucoup l’interprètent, mais non moins faussement, « un orateur éloquent. » (Schleusner, Thésaurus sive Lexicon in LXJC, 1824, t. i, p. 133.) — 3° D’après une interprétation très vraisemblable, parce qu’elle s’appuie sur le sens du mot lahaS qui vient d’être exposé, le bijou mentionné par Isaïe, iii, 20, sous le nom de leliâsim ( Vulgate : inaures, « pendants d’oreilles » ) et porté par les femmes juives, était une amulette sur laquelle on avait écrit une formule ou charme contre les morsures des serpents. La forme en est inconnue. Voir t. i, col. 531. Quelques-uns ont supposé que les lehâSwi avaient la forme de serpents.

F. VlGOUROl’X.

CHARMEL. La Vulgate, à la suite des Septante, qui portent XÉpjisX, a rendu comme un nom propre, désignant le mont Carmel (S. Jérôme, In Is., xxix, 17, t. xxiv, col. 335), le substantif commun hébreu kcutnél,

qui signifie « champ cultivé et fertile », dans ce passage d’isaïe, xxix, 17 : « Ne verra-t-on pas bientôt et dans peu de temps le Liban se changer en Charmcl et le Charmel devenir une forêt ? » Le texte original doit se traduire : « Le Liban (qui n’est qu’une forêt inculte) ne sera-t-il pas dans peu de temps changé en un champ cultivé ( karmél), et les champs cultivés (karmél) ne deviendront-ils pas une forêt (inculte comme le Liban) ? » c’est- à- dire ce qui paraissait stérile comme le Liban deviendra fertile, et ce qui promettait une abondante récolte ne portera aucun fruit. L’alliance égyptienne sur laquelle les Juifs avaient compté pour les sauver de leurs ennemis, les secours humains sur lesquels ils s’appuyaient, sont comparés à un champ fertile ; ils leur sont inutiles ; mais Dieu, qui est comparé au Liban, les protégera et les délivrera. — Le Carmel étant une montagne boisée comme le Liban, il n’y a pas d’antithèse possible entre l’un et l’autre ; aussi l’auteur sacré n’a-t-il point dit, comme l’a supposé saint Jérôme, que le Carmel deviendrait une forêt, car il l’était déjà. F. Vigouroux.

    1. CHARMEUR DE SERPENTS##

CHARMEUR DE SERPENTS (hébreu : melahàiim, Ps. lviii [Vulgate : lth], 6 ; nebôn lahas, Is., iii, 3, de lâlias, « siffler ; » Septante : èTuxSôvTE ; -, sraiot80 !  ; VuIgate :

208. — Charmeur de serpents sur un vase égyptien en bronze. Musée du Louvre.

incanlantes, incanlalor), nom donné à celui qui a l’art de découvrir et de prendre les serpents, de jouer impunément avec eux, et au besoin de les apprivoiser. On se servait aussi des serpents pour une espèce de divination appelée ophiomancie. Celui qui la pratiquait est appelé dans le Deutéronome, xviii, 10, menahvs, dendhâs, « serpent ; » mais il est différent du charmeur. Voir Ophioman’CIE.

I. L’art du charmeur. — Cet art remonte à une très haute antiquité. On le constate chez les Égyptiens dans les temps les plus reculés ; un de leurs anciens vases de bronze, conservé au Louvre, représente un psylle qui a enchanté un serpent et le tient par la partie supérieure du corps (fig. 208). Les auteurs de l’antiquité racontent des choses merveilleuses sur les exploits des charmeurs de serpents. Aristote, Jlirab., 151 ; Élien, Hist. animal., I, 57 ; Pline, H. N., ii, 2 ; viii, 38, xxviii, 6 ; Strabon, xvii, 44 ; Silius Ital., iii, 302 ; Lucain, Phars., ix, 890 ; Virgile, JEneid., vii, 753, etc. ; Bochart, Hierozoicon, III, 161 ; Bôhmer, De Psyllorum, Marsorum et Ophiogenum adversus serpentes virtute, Leipzig, 1745. L’art de ces enchanteurs ne s’est point perdu. On rencontre fréquemment, en Egypte et dans les pays orientaux, des hommes qui savent se faire obéir des serpents (fig. 209). Ils les obligent à sortir de leurs trous, les manient comme des

bêtes inoffensives, les mettent dans leur sein, se les lancent les uns aux autres comme des balles, les dressent à exécuter certains exercices et même parfois les mangent tout vivants. Cf. J. Bruce, Travels to discover the source of the Nile, Edimbourg, 1790, t. v, p. 208-209 ; W. G. Browne, Travels in Africa, Egypt and Syria, Londres, 1799, p. 84, 104 ; H. von Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1839, t. ii, p. 115, 116 ; de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode, Paris, 1811, p. 22-27 ; Vigouroux, La Bible et les.découvertes modernes, Paris, 6= édit., 1896, t. ii, p. 298-304, 593-607. Voici comment, d’après Tristram, The nalural history of the Bible, Londres, 1889, p. 272, les choses se passent aujourd’hui. Le charmeur se sert d’un procédé fort simple. Il fait entendre au serpent les sons aigus de la flûte, les seuls que puisse bien distinguer cet animal,

fi S- 209. — Charmeur de serpents au Caire. D’après une photographie.

chez lequel le sens des sons est fort imparfait. Il doit pardessus tout avoir du sangfroid, du courage et assez de délicatesse de main pour manier le serpent sans l’irriter. Les charmeurs ne sont pas des imposteurs. Quelquefois, sans doute, ils peuvent retirer au reptile ses crochets venimeux ; mais il est incontestable qu’ils les laissent habituellement subsister. Du reste, ils opèrent aussi volontiers sur celui qu’ils viennent de prendre que sur un autre depuis longtemps en leur possession. Mais il leur répugne beaucoup de faire l’expérience sur une autre espèce que le cobra, le pétén hébreu ou aspic. Cf. t. i, col. 1124.’Quand il a découvert un cobra dans un trou, le charmeur l’attire dehors en sifflant, puis il le saisit soudain par la queue et le tient à longueur de bras. Ainsi suspendu, le serpent est incapable de se retourner pour mordre. Lorsque ses vains efforts l’ont épuisé, on le place dans un panier muni d’un couvercle. Ce couvercle est ensuite soulevé pendant qu’on joue de la flûte, et à chaque tentative du serpent pour se précipiter dehors, on.

597

CHARMEUR DE SERPENTS

CHARPENTIER

598.

rabat le couvercle sur lui, jusqu’à ce qu’il ait appris à se tenir tranquille sur sa queue, à se balancer au son de la musique et à ne plus essayer de s’enfuir. S’il devient plus agité que d’ordinaire, on lui extrait ses crochets par ; mesure de précaution. — Les charmeurs qui opèrent de nos jours en Egypte obtiennent les résultats les plus surprenants. Ils ont un certain flair qui leur permet de reconnaître la présence d’un serpent caché dans une vieille muraille et même d’indiquer sa taille avant de l’avoir vu. Ils le font sortir en promenant une simple baguette le long du mur, le saisissent par la tête, lui font mordre leurs vêtements et lui arrachent les dents en le tirant brusquement pendant cette morsure, le prennent eux-mêmes dans leur bouche, le projettent à terre, le ressaisissent, etc. Ces exercices, se font dans des conditions qui excluent tout soupçon de supercherie. Toutefois le charmeur ne réussit pas toujours à se préserver des morsures de l’animal. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. ii, p. 595-602.

II. Les charmeurs dans la Bible. — 1° Les magiciens de l’Exode. — Le premier signe de sa mission que Moïse donna au pharaon d’Egypte consista à faire changer en serpent la verge d’Aaron. Les magiciens en firent autant, « au moyen d’incantations. » Mais la verge d’Aaron dévora les leurs. Exod., vii, 10-12. II ressort du contexte que Moïse agit en cette circonstance d’après l’ordre de Dieu et avec le concours de sa puissance surnaturelle. Exod., vu, 9. Quant aux magiciens, il est probable que le démon vint à leur aide, surtout à une époque et dans un pays où sa puissance s’exerçait avec une liberté presque entière. C’est le sentiment de la plupart des commentateurs. Voir Calmet, Commentaire littéral sur l’Exode, Paris, 1717, p. xiv-xxviii. Toutefois, une partie du pouvoir des charmeurs égyptiens leur venait aussi de leur habileté naturelle. On prétend que certains jongleurs, en prenant avec les doigts la nuque du cobra, réussissent à le faire tomber dans un état magnétique qui le rend raide et immobile, comme s’il était changé en verge ou en bâton. Tristram, Natural history, p. 273. Les magiciens égyptiens auraient donc pu se présenter avec des serpents ainsi réduits en une sorte de catalepsie, et rendre le mouvement à ces reptiles en les projetant à terre. Toujours est-il que le pouvoir dont Moïse était investi dépassait de beaucoup le leur, comme le montra le dénouement de la scène.

2° Les charmeurs chez les Hébreux. — Saint Jacques, m, 7, admet que le pouvoir du charmeur peut être purement naturel, quand il dit que « toutes les espèces de bêtes, d’oiseaux et de serpents seront domptés par l’homme ». Salomon avait déjà dit d’une manière analogue : « Le serpent mord, faute d’incantation. » Eccle., x, 11. Mais comme cet art pouvait servir à tromper et surtout à voiler l’intervention du démon, Moïse défend de tolérer parmi son peuple le hôbêr hâbér, celui qui « pratique les enchantements ; » ce qui, d’après l’interprétL « tion probablement trop étroite de Raschi, s’appliquerait spécialement aux charmeurs de serpents. Deut., xviii, 11.

— Les charmeurs ne réussissaient pas toujours dans leur entreprise. Tristram, The natural history, p. 273, remarque qu’aujourd’hui encore « il n’est pas rare que, malgré toutes les précautions, la vie du charmeur soit sacrifiée dans quelqu’une de ses exhibitions ». Les charmeurs le savaient par leur expérience, et ils étaient parfois victimes du danger auquel ils s’exposaient. « Qui aura pitié du charmeur (ènacuSôv, incantator), mordu par le serpent, ou de ceux qui approchent des bêtes ? » dit le fils de Sirach. Eccli., xii, 13. D’ailleurs toutes les espèces de serpents ne sont pas sensibles à l’action du charme. Jérémie, viii, 17, annonce que le Seigneur enverra pour punir les Israélites « des serpents contre lesquels il n’y a pas de charme, lal.ias ». Le psalmiste, Ps. lviii (lvii), 5, 6, dit aussi des juges iniques : Leur venin est semblable au venin du serpent, De l’aspic sourd qui ferme son oreille,

Qui n’entend pas la voix des enchanteurs, Du charmeur habile dans son art.

Ce texte ne suppose pas qu’il existe des serpents naturellement sourds. La « vipère sourde qui ferme son. oreille » est simplement un serpent qui entend, mais qui agit comme s’il n’entendait pas, et qui ne subit pas l’action du charme. La comparaison est alors très juste entrele reptile rebelle à l’incantation et le juge inique volontairement sourd à la voix de Dieu et de la conscience. Les serpents sont dépourvus d’oreille externe, ce qui a fait supposer par quelques-uns qu’ils n’entendent pas. Mais ils ont une oreille interne qui leur permet de percevoir les sons et même de se montrer très sensibles i certains d’entre eux. Les histoires de serpents se bouchant les oreilles avec la queue ou avec de la poussière, pour ne pas entendre la voix du charmeur, proviennent d’une interprétation trop servile du texte cité plus haut, et ne reposent sur aucun fondement. — Notre -Seigneur donna aux soixante-douze disciples le « pouvoir de marcher sur les serpents » avec leurs pieds nus, Luc, x, 19, et à tous ceux qui devaient croire en lui celui de « saisir les serpents » avec leurs mains. Marc, xvi, 18. Bien entendu, le pouvoir ainsi conféré n’est pas celui du charmeur. Sans doute, quand il plaira à la divine Providence, le disciple du Sauveur pourra toucher les serpentssans courir aucun danger, comme il arriva pour saint Paul. Act., xxviii, 3. Mais ce pouvoir de fouler aux pieds ou de saisir les serpents est surtout symbolique ; car cesserpents, ce sont les démons, que les disciples ont la mission de combattre et d’écraser. Cf. Apoc, xii, 9 ; Ps. xc, 13.

H. Lesêtre.

CHARMI. Nom de trois personnages, dont deux sont : mentionnés dans le texte hébreu et un dans le livre de-Judith.

1. CHARMI (hébreu : Karmî ; Septante : Xapjii), quatrième fils de Ruben, Gen., xlvi, 9 ; Ex., vi, 14 ; Num., xxvi, 6 ; I Par., v, 3, chef de la famille des Charmites. Num., xxvi, 6. Ecrit Carmi, I Par., v, 3.

2. CHARMI (hébreu : Karmî ; Septante : Xocpni), fils, ou plutôt descendant de Juda, I Par., iv, 1 ; il était fils de Zabdi ou Zamri et petit-fils de Zara, I Par., ii, 6 ; Jos., vil, 18, et père ou ancêtre d’Achan, qui fut lapidé par ordre de Josué. Jos., vii, 18.

3. CHARMI (Septante : Xapii ? ;  ; Codex Alexandrinus : Xa), [x.e ;  ; ), un des anciens du peuple, auquel Judith se plaignit de ce qu’Ozias avait promis de rendre Béthulie, si Dieu ne les secourait pas dans cinq jours. Judith, vi, 11 ; vm, 9 (Septante : vi, 15 ; viii, 10). Les Septante, qui le mentionnent, de plus, nommément x, 6, en font le fils de Melchiel, et non seulement un des anciens, îip£<r6u~Épo : , mais un des trois chefs de la cité, apxovreç, VI, 15. La Vulgate, vi, 11, dit que Charmi s’appelait aussi Gothoniel ; mais il doit y avoir une lacune dans le texte. Les Septante, qui dans trois passages nomment les trois anciens de Béthulie, (tandis que le texte latin abrège ou supprime même les noms, comme Judith, x, 6), disent expressément, Judith, vi, 15, que Gothoniel était le père d’Abris (pour Chabri) ; il est par conséquent différent de-Charmi. E. Levesque.

    1. CHARMITES##

CHARMITES (hébreu : hak-Karmi ; Septante : Xap[u ; Vulgate : Charmitse), descendants de Charmi, quatrième fils de Ruben. Num., xxvi, 6. Voir Charm 1.

CHARPENTIER. Hébreu : Ifârâs, de haras, « tailler, » l’artisan qui taille et travaille le bois, et qui pour cela est appelé assez souvent : hârâi’êsim, « celui qui taille les bois ; » hôtêb, de hâtab, « fendre ; » Septante : ~ ; y.Tù>v, £uXox<fao ;  ; Vulgate : faber, lignorum exsor. Ces différents.

S99

CHARPENTIER

COO

termes servaient chez les Hébreux à désigner tous les ouvriers qui travaillaient le bois et exerçaient à la fois les métiers aujourd’hui spécialisés du bûcheron, du charpentier, du charron, du menuisier, de l’ébéniste, etc.

ou menuisiers au travail (fig. 210). L’un des ouvriers applique un morceau de bois noir sur une pièce de bois ordinaire. Devant lui on voit une herminette plantée dans un billot, une espèce de règle et une équerre ; au-des 210. — Charpentiers égyptiens coupant les arbres, les équarrissant, les façonnant et les transportant, quand leur ouvrage est fini. Pyramides de Saqqara. IVe dynastie. D’après Lepsius, Denlsmàler, Abth. ii, El. 103.

Quant à la charpenie proprement dite, elle n’était guère employée que dans le Temple, les palais et les édifices considérables. Les maisons ordinaires ne comportaient

sus est un coffret, sans doute fabriqué dans l’atelier. Un autre ouvrier scie une barre de bois dans le sens de sa longueur ; son compagnon taille à l’herminette des

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211. — Charpentiers orientaux au travail. D’après une photographie.

que des solives grossièrement préparées pour soutenir les dalles du toit, quand la maison n’était pas voûtée, et quelques pièces de bois pour la porte. C’est en Egypte que les Hébreux durent apprendre à tailler le bois. Les monuments de ce pays nous montrent des charpentiers

pieds de sièges ou de meubles. Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, t. ii, p. ld’1-119. Le métier passait pour assez dur. Les anciens textes disent du charpentier égyptien : « L’artisan de toute espèce qui manie le ciseau n’a pas autant de mouvement

que celui qui manie la houe ; mais ses champs à lui c’est le bois, son affaire c’est le métal ; et la nuit, quand l’autre est libre, lui il fait œuvre de ses mains en surplus de ce qu’il a déjà fait, car la nuit il travaille chez lui à la lampe. » Papyrus Sallier, ii, pi. rv ; Maspero, Histoire, ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 311.

— Des charpentiers, initiés à leur métier en Egypte, travaillèrent à la fabrication de l’arche d’alliance et à la construction du tabernacle et de son mobilier, sous la direction de Béséléel. Exod., xxv, 10 ; xxxv, 10-18 ; xxxvi, 1 ; xxxvii, 1, 10, 15, 25 ; xxxviii, 1.— Moïse ordonne à tous de renouveler l’alliance, « depuis celui qui coupe le bois jusqu’à celui qui porte l’eau. » Deut., xxix, 11. La Vulgate traduit, contrairement au texte original : exceptis lignorum czesoribus. Sous Josué, ix,

un voyageur en parlant de son passage à Nazareth, on est à peu près certain d’y retrouver ce qu’on voyait, il y a près de dix-neuf siècles, dans la modeste échoppe de Joseph. Nous faisons donc visite à plusieurs charpentiers, qui nous accueillent avec une touchante déférence. Ils fabriquent des charrues, des jougs, des fourches et quelques coffres grossiers destinés à servir d’armoires dans les maisons. Leur science et les besoins de la clientèle ne vont guère au delà. La charpente proprement dite est rarement employée ici, où les bonnes maisons ont des toitures en voûtes et les mauvaises se contentent de quelques couches d’herbes sèches et de terre glaise, supportées par des arbres grossièrement travaillés. Les instruments du charpentier sont rudimentaires. Une hachemarteau, quelques ciseaux, un maillet, morceau de bois

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212. — Charrue égyptienne. D’après Prisse d’Avesnea, Monuments égyptiens, pi. 43.

21, 23, 27, des Gabaonites sont admis à se joindre aux Hébreux en qualité de « coupeurs de bois ». Ces hommes qui coupent le bois ne sont évidemment pas des charpentiers proprement dits, mais de simples bûcherons, occupant un rang infime dans la société. — Les charpentiers habiles dans leur art faisaient défaut parmi les Hébreux. Aussi est-ce au roi sidonien, Hiram, que David en demanda quand il voulut bâtir son palais. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1. Salomon renouvela la même demande, quand il s’agit de construire le Temple, III Reg., v, 6-14 ; II Par., ii, 8-14, et d’autres bâtiments importants. III Reg., vii, 2-12. À l’époque de Joas, on mentionne des charpentiers attachés à l’entretien du Temple. IV Reg., xii, 11. — Isaïe.XLiv, 13 ; Jérémie, x, 3, et l’auteur de la Sagesse, xiii, 11, se moquent des idoles que les charpentiers ont fabriquées à coups de hache.

— Après la captivité, les charpentiers deviennent plus nombreux. C’est alors que « le charpentier et le constructeur sont absorbés la nuit et le jour », pour combiner leurs plans et en préparer l’exécution. Eccli., xxxviii, 28. — Sur les outils à l’usage du charpentier, voir t. i, col. 1045, C.

Saint Joseph était charpentier, téxtuv, faber, terme qui comporte toute la variété de travaux dont il a été parlé plus haut. Le divin Maître prit naturellement le métier de son père adoptif. Il fut « charpentier, fils de charpentier ». Matth., xiii, 55 ; Marc, VI, 3. Saint Justin, Cont. Tryph., 88, t. vi, col. 688, parle de charrues, de jougs et d’autres ouvrages fabriqués par lui. Théodoret, H. E., iii, 18, t. lxxxii, col. 116, semble supposer qu’il pouvait avoir à faire des coffres pour mettre les morts. « Comme rien ne change dans ces pays de l’Orient, dit

très dur arrondi par un bout et’aminci de l’autre, un vilebrequin tournant à l’aide d’une corde, quelques scies à poignée, suffisent à ces ouvriers, qui réussissent à se passer d’étau en serrant entre leurs pieds nus (fig. 211) la pièce qu’ils fabriquent tout assis. » Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. ii, p. 94, 95. Ainsi en devait-il être déjà à Nazareth à l’époque où vivait le Sauveur. H. I.esétre.

    1. CHARRUE##

CHARRUE (hébreu : ’êf, Septante : apotpov ; Vulgate : aratrum), instrument qui sert à labourer la terre

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213. — Charrue chaldéenne. Intaille de la Bibliothèque nationale.

(fig. 212). La charrue orientale ne fut pas autre chose qu’une houe agrandie et retournée, avec un manche allongé pour qu’elle pût être tirée par des bœufs. Une intaille chaldéenne conservée au cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale (fig. 213) représente une charrue très <503

CHARRUE

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primitive, que tirent deux bœufs attelés en flèche. Le laboureur pèse sur les deux bâtons bruts qui servent d’oreilles, tandis que des valets excitent les bêtes. En Egypte, on labourait conjointement avec la houe et avec la charrue (fig. 214). Voir t. i, fig. 46, col. 283. Mais souvent on employait la charrue seule, tirée quelquefois par des chevaux (voir Cheval) et habituellement par deux bœufs (fig. 214). Voir t. i, fig. 45 et 61, col. 278 et 307. Le semeur suivait immédiatement en lançant la semence. Voir la description détaillée de la charrue égyptienne et de la manière dont on s’en servait dans G. Maspero, La culture et les bestiaux dans les tableaux

petite bêche large de dix centimètres. Voir t. i, col. 308 ; Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 260 ; cf. Pline, H. N., xviii, 49. Jusqu’à l’époque des rois, les Hébreux furent tributaires de leurs voisins, particulièrement des Philistins, pour tout ce qui dépendait des industries métallurgiques. Sous Saûl, c’est chez eux que tout Israël descendait pour faire aiguiser la mahârêSâh, la charrue {’et), la hache (qardôm) et la rnaliârését. I Reg., xiii, 20. Les deux mots non traduits viennent de hâraS, « labourer, » et désignent peut-être quelques pièces de la charrue elle-même. Les Septante traduisent par ôpsmtvov, « faux, » et ôépcoTpov, « vêtement d’été ; » le chaldéen par’ù'sféyh,

214. — Charrue tirée par des bœufs. Ancien Empire. — An haut, à droite, le propriétaire préside au travail des ouvriers. — La partie intérieure de la gravure est la continuation de la partie supérieure. On voit deux laboureurs qui conduisent la charrue, trois semeurs, des ouvriers qui travaillent h la houe. À l’extrémité, à gauche, un ouvrier altéré boit de l’eau à une outre. — D’après les Mémoires archéologiques du Caire, t. V. Tombeau de Makhti, ꝟ. 2, pi. 476 et pi. IV.

des tombes de l’Ancien Empire, dans ses Études égyptiennes, t. ii, fasc. i, in-8°, 1888, p. 68-71 ; 74-77.

La charrue hébraïque a dû être très simple, si l’on en juge par celles qui sont encore en usage en Syrie (fig. 215 et 216). Elle était munie d’un soc en fer. Pour enlever l’argile et les herbes qui s’attachaient au soc, sans cependant se déranger de sa place, le laboureur se servait de son long aiguillon, semblable à celui qui se voit encore aux mains des paysans de Célésyrie. Voir t. i, fig. 61 et C2, t. î, col. 3Ô7 et 308. Au côté opposé à la pointe dont on aiguillonne les bœufs, cet instrument se termine par un morceau de fer long d’un pied, pesant plus d’une livre et ayant la forme d’une « leur hache, » et perâSêyh, « leur aiguillon ; » la Vulgate par vomer, « soc, » et sarculum, « hoyau. » Gesenius, Thésaurus, p. 530. Les charrues hébraïques n’avaient pas de roues. Elles étaient traînées par deux animaux qui devaient être de même espèce ; on ne pouvait atteler ensemble un bœuf et un âne pour labourer. Deut., xxii, 10. Théophraste, Des causes des plantes, iii, 25, et Pline, H. N., xviii, 47, attestent qu’en Syrie on se servait de petites charrues. Aussi comprend-on qu’Isaïe, ii, 4, et Michée, IV, 3, parlent du changement des glaives en socs de charrue, et qu’au contraire Joël, m (hébreu, iv), 10, conseille de changer ces socs en glaives et en lances. — L’auteur de l’Ecclésiastique, xxxviii, 25, 26, range parmi 605 CHARRUE — CHARTREUX (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 606

ceux qui n’ont pas le loisir d’acquérir la sagesse le laboureur « qui tient la charrue, qui est fier d’agiter l’aiguillon, qui mène les bœufs au biton…, met tout son cœur à retourner les sillons ». — Notre -Seigneur dit proverbiale rnxa%), le premier des sept grands seigneurs de Perse, les Orosanges, qui sont admis en présence du roi. Esth., i, 14. Le roi le consulta pour savoir le châtiment qu’il fallait infliger à Vasthi, son épouse. C’est le nom perse

.-if, . E j* >*i* : > --*

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215. — Syrien labourant. D’après une photographie.

ment que « celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu ». Luc, IX, 62. Pour bien labourer, il faut apporter la plus grande attention à la manœuvre de la charrue, de manière que

Karsehna, d’après Oppert, Commentaire historique et philologique du livre d’Esther, dans Annales de philosophie chrétienne, janvier 1864, p. 25. D’autres rapprochent ce nom du zend keresna « noir

Î10. — Charrue employée aujourd’hui en Syrie. D’après le Palestine exploration fund, Quarterly Statement, 1891, p. 113.

le sillon ait toujours la même profondeur et la même direction. Arator, nisi incurvus, prœvaricabitur, dit Pline, H. N., xviii, 29, « le laboureur qui ne demeure pas penché sur sa charrue ne fait rien de bon. » De même, quand il s’agit du salut, il faut s’y appliquer tout entier, sans se laisser distraire du travail spirituel par les soucis

de ce monde.
H. Lesêtre.
    1. CHARSENA##

CHARSENA (hébreu : Karsenâ’; Septante : ’Apxe CHARTREUX (TRAVAUX DES.) SUR LES SAINTES ÉCRITURES. — De tout temps l’étude des Livres Saints a été en honneur chez les Chartreux. C’est un héritage qu’ils ont reçu de leur saint fondateur et qu’ils ont gardé soigneusement. Saint Bruno, ancien écolàtre de l’Eglise de.Reims, et auteur de commentaires remarquables sur les Psaumes et sur les Épîtres de saint Paul, s’étant retiré au désert de la Chartreuse (1084), et plus tard dans la solitude de la Tour, en Calabre (10W), 607 CHARTREUX (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

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où il termina sa vie, en 1101, partageait son temps entre la prière, les offices divins, la contemplation et l’étude des Saintes Écritures. Ses compagnons suivirent son exemple, et cet amour pour l’étude des textes sacrés s’est conservé dans Tordre à travers les âges. Aussi n’est-il pas rare de lire dans les chroniques des différentes maisons de l’ordre cet éloge rendu aux religieux les plus célèbres : Vir in divinis humanisque litleris eruditus. Car, sans parler des études que chaque sujet avait pu faire avant de quitter le monde, il est facile de comprendre que l’obligation d’avoir à copier les Livres Saints et les œuvres des Pères et des écrivains ecclésiastiques contribuait beaucoup à instruire les religieux, à former leur esprit aux grandes conceptions de la science divine, et fournissait aux plus savants d’entre eux l’occasion de composer eux-mêmes des commentaires et d’autres ouvrages sur les Écritures. Mais cette très utile occupation, à la fois intellectuelle et manuelle, ne fut pas la seule cause qui engagea les Chartreux à l’étude des Saintes Lettres. Leur règle ordonne de lire en entier, chaque année, tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, soit au chœur, soit au réfectoire, soit au chapitre ; elle prescrit qu’à la suite de la lecture capitulaire les religieux discutent entre eux sur les choses entendues ; les pieux cénobites doivent par conséquent seniir le besoin d’approfondir le sens caché des divines paroles. C’est la remarque que les auteurs de YHistoire littéraire de France, t. i, p. 120, édit. Palmé, ont faite en traitant des études chez les enfants de saint Bruno : « L’ordre des Chartreux, disent-ils, réussit par là, sans qu’on y enseignât les sciences par principe, à former grand nombre de savants, solitaires et autres, qui devinrent célèbres par leur mérite et les dignités auxquelles ils furent élevés. » Une ordonnance des premiers chapitres généraux, insérée dans les statuts de dom Guillaume Raynaud (1368), a donné lieu aux auteurs que nous venons de citer de faire encore cette remarque : « Les plus habiles copistes corrigeaient aussi les fautes qu’ils découvraient dans les exemplaires qui leur servaient de modèle. Mais il ne leur était pas permis de le faire de leur propre mou. vement et suivant leurs idées, à l’égard des livres de l’Écriture Sainte, de ceux du chœur et des ouvragés des auteurs ecclésiastiques. Il fallait que le prieur de la maison et les plus éclairés d’entre les Pères jugeassent que la faute était réelle. Alors on la corrigeait sur les plus fidèles exemplaires qui fussent dans les maisons de l’ordre. Attention aussi utile qu’admirable, qui a contribué à nous transmettre dans sa pureté le texte de la Bible et des Pères de l’Église. »

L’invention de l’imprimerie exempta en grande partie les Chartreux du travail de transcription des manuscrits, mais elle ne diminua pas leur goût pour les études bibliques. Au contraire, grâce aux produits de l’art nouveau, ils eurent plus de ressources et de loisir pour acquérir une plus grande connaissance des Écritures, à l’aide des nombreux commentaires qui parurent à cette époque. Cette abondance de nouveaux auteurs fut même un écueil pour un certain nombre d’entre eux, contre qui le chapitre général, en 1542, porta des peines sévères pour les détourner de l’étude immodérée du grec, sans lequel, prétendaient-ils, on ne pouvait avoir la véritable intelligence du sens des paroles divines.

Au commencement du Xvn c siècle, l’ordre, pour se conformer aux vœux du pape Paul V, décida que dans la promenade hebdomadaire un des religieux désigné par le prieur de chaque maison ferait à ses confrères une conférence sur l’Écriture Sainte. Mais on ne tarda pas à constater que cette ordonnance présentait bien des inconvénients, et surtout qu’elle privait les solitaires des avantages qu’ils retirent de leur sortie dans la campagne. Aussi, avec l’agrément du Saint-Siège, on supprima cette conférence et on revint à l’ancien usage, qui laisse à chaque sujet la liberté d’étudier en particulier les Livres Saints, selon ses moyens personnels et sous la direction

générale de son prieur. C’est pour continuer cette tradition avec une certaine méthode que le Père général Innocent Le Masson, dans le programme d’études inséré dans ses Annales, engage les religieux à se borner pendant les cinq ou six premières années de profession aux commentaires de Bellarmin sur les Psaumes et aux ouvrages de Ménochius et de Tirin sur le reste de l’Écriture. Le zèle de cet illustre général de l’ordre lui fit entreprendre de pieuses explications du Cantique des cantiques et des Psaumes des divers offices que récitent les Chartreux, à l’usage des moniales ou religieuses chartreuses, afin que ces vierges sacrées pussent accomplir l’œuvre divine avec intelligence, attention intérieure et avec une sainte ferveur.

Jusqu’à l’époque de la grande révolution, dans toutes les maisons de l’ordre, on garda l’usage très ancien de faire apprendre par cœur le psautier aux novices, afin de les habituer à la psalmodie des nocturnes, pendant laquelle les religieux éteignent les lampes. Tout le monde sait, dit un auteur du xv s siècle, combien cette coutume contribue à entretenir le recueillement dans les offices, et de combien de distractions l’obscurité nous délivre.

Si nous considérons le nombre des Charlreux auteurs de commentaires sur nos Livres Saints, il nous sera facile de constater que même sous ce rapport les enfants de saint Bruno ont fidèlement imité ses exemples, et qu’ils peuvent figurer avec honneur dans la glorieuse phalange des interprètes sacrés issus des autres ordres monastiques. Cependant il faut remarquer que, suivant l’esprit de leur vocation, beaucoup ne destinaient pas leurs œuvres au public. Éloignés du commerce des hommes et vivant dans la solitude, ils ne songeaient qu’à nourrir leur âme de la divine parole, et tout au plus à en instruire leurs confrères. Toute autre ambition n’entrait même pas dans Jeur esprit. Mais cet amour de la vie cachée nous a été préjudiciable sous plusieurs rapports, et nous regrettons à présent d’ignorer leurs doctes travaux et jusqu’aux noms des écrivains des premiers siècles de l’ordre. Dans les temps plus rapprochés de nous, on commença à rédiger les chroniques des différentes maisons et à noter les œuvres composées par les religieux. C’est grâce à des recherches spéciales concernant la bibliographie cartusienne que nous pouvons présenter ici un tableau sommaire des auteurs d’ouvrages scripturaires.

Saint Bruno, comme nous l’avons déjà dit, a laissé des commentaires sur les Psaumes et les Épîtres du grand Apôtre, qui ont mérité les suffrages des auteurs de 17/tstoire littéraire de la France, de dom Cellier et des Bollandistes. — Peu de temps après sa mort entrait à la Grande-Chartreuse un jeune aspirant, qui plus tard devait succéder à saint Hugues sur le siège de Grenoble et devenir enfin archevêque de Vienne. Hugues, c’est aussi son nom, ne fut pas seulement illustre par ses dignités et ses vertus, mais aussi par sa science. Il composa des sermons sur la Genèse et des opuscules ascétiques. On croit qu’il mourut en 1155.

Au xme siècle, nous trouvons Hugues de Miromars, prieur de Montrieux (Var) (-j-1242), auteur d’un court commentaire sur l’Apocalypse, actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris ; — Martin de Laon (-j- 1270 environ), qui pour affermir un novice dans sa vocation lui écrivit un traité en forme de lettre, composé uniquement des textes de l’Écriture, ce qui a fait dire à un poète que ce chartreux avait surpassé saint Bernard ; — enfin D. Guigues du Pont († 1297), à qui on attribue une explication d’Habacuc.

tin chartreux anglais, Guillaume Lundtlinchton († 1309), est le premier de notre liste des écrivains scripturaires du XIVe siècle. Il a laissé un commentaire sur saint Matthieu, très loué par ses contemporains. — Hubertin de Casale, frère mineur, mort chartreux vers 1312, a appliqué à l’Église l’Apocalypse de saint Jean. Son ouvrage, intitulé Ile septem Ecclesise slatibus, parut à Venise, en G09

    1. CHARTREUX##

CHARTREUX (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

610

1515 et 1525. — D. Porchetti Salvagio, chartreux de Gènes (f vers 1350), s’est illustré par son livre Victoria adversus impios Hebrœos, dans lequel, à l’aide de l’Écriture Sainte et avec des extraits du Talmud et des auteurs admis par les Juifs, il prouve la vérité de notre foi. Cet ouvrage fut publié à Paris, en 1520, par les soins du P. Justinianj, dominicain. — Enfin, dans le même siècle, Ludolphe de Saxe quitta l’ordre des Frères Prêcheurs pour se retirer à la chartreuse de Strasbourg (1340), d’où il jeta un vif éclat sur la famille cartusienne par ses éminentes vertus et par ses ouvrages célèbres, la Vita Christi et VExpositio in Psalterium.

Les renseignements sur les auteurs du XVe siècle sont heureusement plus abondants. Vers 1400, un chartreux Se Paris, Verner ou Guerner, ancien religieux de Saint-Victor, composa ses Enucleamenta Biblise en seize livres, tirés des œuvres de saint Grégoire le Grand et publiés à Paris, en 1508 et 1608. Un autre religieux de la Grande-Chartreuse écrivit un ouvrage du même genre : Expositkmes quarumdam dictionum et sententiarum Biblise, manuscrit in-f°, à la Bibliothèque de Grenoble. — Henri Kernenadius de Coesfeld, prieur de la chartreuse de Hollande (-j- 1410), a laissé une explication mystique sur l’Exode et une autre sur l’Épitre aux Romains. — Bonitace Ferrier, frère de saint Vincent Ferrier et général de l’ordre (-j- 1417), traduisit toute la Bible en espagnol. Son ouvrage fut imprimé à Valence, en 1478. — Henri de Hassia, prieur d’Arnheim († 1427), a écrit sur la Genèse, l’Exode, le Cantique des cantiques, les Proverbes de Salomon et sur l’Apocalypse. — Jean Rode († 1439) a laissé un commentaire incomplet sur la Genèse. — Jean Institor, chartreux de Buxheim, dans la Souabe (-j- 1440), avait réuni dans un manuscrit cent soixante objections sur la Bible. Ce codex a été vendu dernièrement à Munich. — Antoine le Cocq, piémontais, mort à Val-de-Pezio, en 1458, composa un traité sur Job, qu’il dédia à la duchesse de Savoie. — Gérard Haghen, mort à la chartreuse de la Capelle (Belgique), en 1465, a expliqué le psaume lxvii, Exurgat Deus… — Henri Reicher, religieux de Wurtzbourg (j- 1466), a interprété le Cantique des cantiques. — Jacques Junterbuck ou de Clusa, abbé cistercien, mort chartreux à Eriurt, en 1466, a laissé les ouvrages suivants : Passio Domini secundum I V Evangelia ; Scrutinium Scripturarum ; Collatio pro divines scientiœ commendatione ; De septem statibus Ecclesise in Apocahjpsi descriplis : ce dernier, publié par les protestants à différentes époques, a été mis à l’index avec la Monarchia de Golstad. — Un prieur de la chartreuse de Ferrare, André de Hongrie († 1469), nous est connu comme auteur d’une paraphrase sur les Psaumes et d’une autre sur le Cantique des cantiques, qui existe encore. — Jean le Riche (Divitis) de Gand, prieur du Mont -Dieu (-J-1470), écrivit un traité intitulé : Quo pacto secularibus non semper conducant libri Sacras Sc.ripturse malemo idiomate translati. — Le 12 mars 1471 mourut en odeur de sainteté Denys le Chartreux, auteur de commentaires sur toute l’Écriture. Voir Denys le Chartreux. — Au mois d’août de la même année, la mort enleva Guillaume Abselius, prieur de Bruges, qui figure parmi les écrivains de l’ordre à cause des ouvrages suivants : Super Genesim ; item in Psalterium et Canlicum canticorum ; Tractalus de anwre sponsi super Canticum canticorum, manuscrit à la Vaticane avec l’autre traité : De amore sponsat in Canticis canticorum. — Jacques de Gruytrcede, prieur de Liège († 1472), Psalterium cum glossa interlineari et marginali, manuscrit. — Un autre commentateur sur tous les Livres Saints, issu de l’ordre des Chartreux, est le célèbre Jean Haghen de Indagine († 1475), dont il sera lait mention dans un article à part, à cause du grand nombre de ses ouvrages scripturaires, bien qu’ils soient tous restés manuscrits. — Henri Loen, prieur de Bruxelles († 1481), a composé des commentaires sur les Psaumes.

— En l’année 1487 moururent deux commentateurs char

treux, Henri Arnoldi et Henri Dissenius ; le premier, prieur de Bâle, a écrit des commentaires sur saint Marc et saint Jean et une Passion selon la concordance des Evangiles qui existe encore manuscrite à la Bibliothèque de Bâle ; le second, religieux de la maison de Cologne, a laissé : Viridarium in Psalterium, 4 vol., manuscrit ; Postillœ inEvangelio de sanctis, 1 vol., manuscrit ; Expositio Apocalypse, manuscrit ; In Evangelio dominicalia expositiones, manuscrit ; Consolationes in Cantica canticorum, 8 vol., manuscrit. — On trouve dans les deux derniers tomes de la Bïbliotheca ascetica de Bernard Pez, bénédictin, les huit livres d’explications sur le Cantique par Nicolas Kempf, strasbourgeois, prieur de la chartreuse de Gemnitz (Autriche), mort en 1497. — Enfin, c’est pendant le xve siècle qu’écrivirent leurs ouvrages les religieux suivants : Werner Rolewinck, chartreux à Cologne (fl502) : In Thobiam Expositio ; In Acta Apostolorwm commentarii ; Vita sancti Pauli libri vu ; In omnes D. Pauli apostoli Epistolas et in omnes Epistolas canonicas expositio. — Pierre Roux des Bettons ( Ruffi), général de l’ordre († 1503), auteur de commentaires sur les Psaumes et sur le Cantique des cantiques, tvmbroise Alentsen, prieur de Nordlingen (Allemagne) († 1505), dont la bibliothèque de la ville de Bâle conserve les manuscrits, intitulés : Psalterium Davidis cum glossa interlineari, in-f° ; Glossa interlinearis in vu capita Matthasi cum prologo et conclusione in Evangelistas et Evangelium, in-f°. — Jean de Louvain († 1507) : Principium utriusque Testamenti, manuscrit de la bibliothèque de Strasbourg.

Le XVIe siècle nous fournit plusieurs écrivains chartreux dont les travaux sur l’Écriture Sainte n’honorent pas moins l’ordre que ceux de leurs confrères du siècle précédent. Et d’abord il convient de louer les religieux de la chartreuse de Cologne qui entreprirent de livrer à l’impression les commentaires de Denys sur les Livres Saints et tous ses autres ouvrages. Plus de vingt volumes in-f° et un certain nombre d’autres de divers formats resteront comme un monument impérissable du zèle de ces savants religieux et du bien qu’ils ont procuré à l’Église de Dieu. En 1531, Thierry Loher, vicaire de cette maison (-j- 1554), le plus infatigable de ces éditeurs, publia en un volume in-16 le Monotessaron de Gerson et le Monopanton de Denys, pour faciliter l’intelligence d’une lecture suivie des Evangiles réunis en un seul livre, et des Épîtres de saint Paul exposées sur un plan uniforme et divisées selon les matières dont elles traitent. Cet opuscule fut réimprimé en 1546 et 1586. Le même religieux retoucha une vieille traduction allemande des Psaumes et des hymnes de l’Église, faite par un chartreux anonyme, y ajouta un commentaire tiré des œuvres de saint Augustin, de Denys et de Ludolphe, et la publia sous ce titre : Psalter lalein und teutsch, etc., Cologne, 1535, 1536 et 1562. — Jean Aldenrait ( 1532) enrichit l’édition des commentaires de Denys d’une table des sentences les plus remarquables, qui a été reproduite dans d’autres éditions. — Jean Juste Lansperge († 1539) composa, en la même chartreuse de Cologne, des paraphrases et des sermons sur toutes les épltres et sur tous les évangiles de l’année, ainsi que des homélies et des considérations sur la passion du Sauveur. Ces ouvrages ont été imprimés plusieurs lois. — Laurent Surius, le célèbre auteur des Vitse sanctorum, mérite une place dans ce groupe par la traduction en latin des ouvrages de Frédéric Staphylus : Apologia de vero germanoque Scriptural Sacrât intellectu, De Bibliorum in idioma vulgare translatione, Cologne, 1561 ; Prodromus in defensionem Apologise, Cologne, 1562 ; Absoluta responsio de vero Scripturse Sacrât intellectu, Cologne, 1563. De plus, Surius publia aussi le Recueil des homélies des Pères sur les évangiles de l’année, par Alcuin, et l’enrichit de sermons exégétiques, Cologne, 1567, 1569, 1576, 1604, et Venise, 1571.

II.

20 Cil CHARTREUX (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

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— Jean Reckschenkel, prieur de cette même chartreuse de Cologne († 1611), composa des commentaires sur les Psaumes, dont une partie (Ps. lvii-cxxxiii) était devenue dans ces derniers temps la propriété de sir Philipps, à Jliddlehill (Angleterre). — Enfin Théodore Petrejus († 1640) publia en 1595, à Cologne, l’histoire de Jonas en vers latins, avec les commentaires sur le même prophète du P. Feu-Ardent. — Dans les autres chartreuses d’Europe, il y eut aussi, à la même époque, des hommes remarquables par leur science, dont les ouvrages sur les Livres Saints méritent une mention : François Dupuy, général de l’ordre († 1521), est l’auteur d’une Catena aurea super Psalmos, Paris, 1510, 1520, etc. — Michel Torrez, espagnol († 1527), a écrit sur les Psaumes et sur les grands Prophètes (manuscrit). — Thomas Spenser, anglais (-j-1528), a laissé une exégèse de l’Épitre aux Galates. — Jean Batmanson, prieur de Londres (-ꝟ. 1531), a expliqué le Cantique et les Proverbes. — Guillaume de Branteghem, chartreux d’Anvers, a publié : 1° Enchiridion, compluscula eorum quss in Veteris Testamenti sacris Bibliis traduntur picluris expressa conlinens, addito insuper textu, Anvers, 1535 ; 2° Jesu Christi vitajuxta IV Evangelistarum narraliones artificio graphices picla, Anvers, 1537, 1540, etc. ; traduite en français, Anvers, 1537, 1539, 1540 ; Paris, 1540 ; Lyon, 1541, etc. — Pierre Cousturier (Sutor), prieur de la chartreuse de Paris, écrivit son livre De translatione Biblise et novarum interpretationum reprobatione, Paris, 1524, 1525, contre les traductions de Le Fèvre d’Étaples et d’Érasme. Celui-ci ayant publié une apologie en sa faveur, Baie, 1525, Cousturier lui répliqua par une Anti-Apologia, Paris, 1526. — Un certain Paul Denys, chartreux, publia à Venise un recueil de sentences tirées des Épîtres de saint Paul, 1538. — Jean Picus, prieur de Dijon [f 1545), a fait imprimer un commentaire sur le Cantique, P’errare, 1492 ; Paris, 1524 ; des paraphrases sur les Psaumes Miserere et Deus misereatur nostri, Paris, 1540, ainsi que sur les Psaumes pénitentiaux, Paris, 1542, et sur les autres Psaumes. — Jean Volon, général de l’ordre († 1553), a aussi commenté le Psautier, manuscrit. — Lœvin Ammonius, belge († 1558) : Tractatus in parabolani de filio minore natu, Louvain, 1542. — Les huguenots, en détruisant par le feu la chartreuse de Castres, en 1567, nous ont privés de huit gros volumes de commentaires sur rÉcriture Sainte, composés par Jean de Libra, prieur de cette maison († 1582). — Le vénérable Schoonhceven, condamné à être pendu, en haine de la foi catholique, par les calvinistes de Hollande, mais qu’une mort subite surprit au pied de la potence (1572), avait composé en langue vulgaire une explication du Décalogue par d’autres textes de l’Écriture, manuscrit. — On attribue à Jean Billy, prieur de Bourbon-lès-Gaillon (fl580), une petite Bible spirituelle. — André Capilla, chartreux de Scala Dei (Espagne), mort évêque d’Urgel, en 1609, est l’auteur d’un commentaire sur Jérémie, imprimé en 1586, à la chartreuse de Scala Dei. — Sylvius Badulati, prieur de Rome († 1587), écrivit des opuscules sur les Épîtres de saint Paul. — Le 27 décembre 1591 mourut à Val-de-Christo (Espagne) Jean de Alba, qui a laissé de nombreux travaux sur tous les Livres Saints, et dont quelques-uns ont été livrés à l’impression : Sacrarum Semioseon animadversionum ex utriusque Testamenti lectione commentarius, Valence, 1610 ; Venise, 1631 ; Selectx annotationes in varia utriusque Testamenti difficillima loca, Valence, 1613 ; Floridus manipulus divinse Scripturse, Valence, 1615. — Pierre Carbo, prieur de Briinn, en Bohême (1591), a publié plusieurs ouvrages scripturaires. Voir col. 253. — L’Espagne fournit à l’ordre un autre religieux célèbre par sa science : c’est Etienne de Salazar († 1596), qui se démit de sa charge de prieur afin d’avoir plus de temps à consacrer aux commentaires de l’Écriture qu’il avait entrepris. Nous en ferons mention dans un article à part. — Enfin Jean Gérulphe, chartreux de Louvain († 1605), clôt cette liste d’écrivains du xvie siècle par

sa traduction des Proverbes et de l’Ecclésiaste en hexamètres latins (manuscrit).

Le xviie siècle ne le cède guère aux deux siècles précédents par le nombre et le mérite des travaux sur l’Écriture dus à l’ordre des Chartreux. — Jean Valero, prieur de Scala Dei {-f 1614), a laissé, manuscrit, un travail intitulé Annotationes et glossse inBibliam sacram. — Faustin Salerno, chartreux de Naples (-f 1623), a commenté les Psaumes (manuscrit). — Jean Dagonneau, prieur du Mont-Dieu († 1623), publia en 16Il son ouvrage Susanna Danielica. Il avait aussi expliqué l’Évangile de saint Jean ( manuscrit). — Pierre Torres, profès de Porta - Cseli (Espagne) († 1631), mérite d’être cité pour son manuscrit Èxplicaciones de varias lugares de la Sagrada Escritura. — Bruno d’Attringues, général de l’ordre († 1632), composa des commentaires sur l’Écriture, surtout sur les Psaumes, qui n’ont jamais été imprimés.

— Jean Dinges, religieux de la chartreuse de Cologne († 1636), a écrit deux livres sur les Psaumes, et quatre autres intitulés Compendium commentariorum Salomonis (manuscrit). — Polycarpe de la Rivière, mort vers 1640, publia l’ouvrage suivant : L’éloquent amoureux, ou Saintes pensées sur le Cantique de Salomon.

— Jean Poullet, prieur de Valprotonde († 1647), a aussi fait un exégèse du Cantique (manuscrit). — Vers 1650 vivait à la chartreuse de Naples Vincent Suriano, auteur des manuscrits suivants : 1° Homiliarium secundum Matthseum, 2 vol. ; 2° Sermones in aliquos Psalmos ; 3° In EvangeliumS. Joannis ; 4° De creatione hominis ; 5° De Paradiso terreslri ; 6° De Adam et Eva. — Un autre chartreux de Bologne, François de Bruneltis († 1648), a laissé cinq volumes in-f° de commentaires sur le Pentateuque, les Actes des Apôtres et la concordance des Évangiles. — Thomas Cantini, prieur de la chartreuse de Calabre (-j- 1649), est l’auteur d’un opuscule publié à Naples, en 1859, intitulé Expositio in Canticum canticorwm (in-32). — Laurent Wartemberg, prieur de Gemnitz (-j- 1667), a composé un commentaire sur la Genèse, dont une partie se trouvait encore, au siècle dernier, dans la bibliothèque de la susdite maison. — François Ganneron, chartreux du Mont-Dieu (-f 1668), auteur d’un très grand nombre d’ouvrages, presque tous inédits, a écrit les traités scripturaires suivants : 1° Scénopégie, ou Description des tabernacles des anciens Hébreux, distingués en 72 mansions, qui se retrouvent depuis la vocation d’Abraham jusqu’à l’entrée de la Terre Promise (manuscrit à la bihliothèque de Mézières) ; 2° Medulla totius vitse spiritualis ex meris locis et exemplis Sacrse Scripturse elicilæ (manuscrit, ibid.). — Bruno de Solis y Valenzuela, américain, profès de Paular (Espagne) (fl677), a écrit les ouvrages suivants : 1° Aller Job, Tobias (manuscrit ) ; 2° El Panai de Sanson (manuscrit) ; ’S Enchiridion Veteris et Novi Testamenti (manuscrit) ; 4° Commentariolus in Psalmos (manuscrit). — Vers 1680, le chartreux napolitain Innocent Casanova († 1727)’publia trois volumes de sermons intitulés Gli empirei fiori dei Vangelo moralizzato, nel corso festivo di tutto V anno. On a aussi du même auteur : Expositio septem Psalmorum pœnitentialium (manuscrit). — À la chartreuse de Miratlorès, près de Burgos (Espagne), mourut en 1685 le savant religieux François Lamberto y Chabarry, auteur d’une histoire de la Bible en trois volumes in-f° (manuscrit). — Janvier de Simone, chartreux de Naples († 1687), a laissé un manuscrit portant ce titre : Totius Sacrse Scripturx flores cum scholiis glossx ordinariæ et interlinearis Nie. Lyrani et Emm. Sa. — Pierre Antoine de Mouxy de Loche, prieur de Turin (-f-1688), composa une Catena sacra in Cantica canticorum (manuscrit). — Joseph Bonanat, profès de Scala Dei (Espagne) (fl69I), rédigea en vers latins, dans le sens mystique, une exégèse des Psaumes et une autre sur le Cantique. — Joseph Le Tellier, prieur de Rouen († 1693), composa en français une Explication morale du livre de Job, publiée à Naples, 613 CHARTREUX (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES — CHASLUIM 614

en 1858. — Charles Jacquet, profès de Paris, a laissé une paraphrase du Pentateuque, qui se trouve actuellement à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg. — Nous avons signalé plus haut quelques-uns des ouvrages scripturaires d’Innocent Le Masson († 1703). On trouvera dans un article particulier les titres de ses autres opuscules. — Swibert Moeden, chartreux de Mayence († 1705), publia en 1697, à Francfort, son Florilegium Evangelicum sive Comment, in Monotessaron 1 V Evangeliorum (in-f°). — Bonaventure d’Argonne, religieux de Bourbon-lés-Gaillon († 1704), est le dernier écrivain chartreux que nous ayons à signaler au xviie siècle. Son Histoire de la théologie fut publiée en deux volumes, en 1785, à Lucques, en Italie, par les soins du R. P. Fassini. Les trois premiers livres de cet ouvrage, qui forment le premier volume, sont consacrés à la théologie de l’Ancien Testament, c’est-à-dire aux questions qui servent aujourd’hui d’introduction aux Livres Saints. La Grande-Chartreuse conserve encore un traité manuscrit du même auteur : Introduclio ad lectionem Sacrae Scripturæ collecta ex sanclis Patribus et scriptoribus ecclesiasticis.

Au xviiie siècle, les chartreux n’abandonnèrent pas leurs anciennes traditions au sujet de l’étude de l’Écriture Sainte. Mais la suppression de presque toutes les maisons de l’ordre et la création de la congrégation d’Espagne eurent pour résultat la distraction de la plupart des monuments qui pouvaient nous renseigner à cet égard. Voici néanmoins quelques noms d’auteurs que nous avons pu recueillir : Urbain de Malarcher, prieur de Bosserville, près Nancy († 1709), écrivit un commentaire : In Canticum canticorum ex divo Bernardo, ouvrage manuscrit in-f°, qui se trouve à la bibliothèque de Grenoble. — Bonaventure Bonnet, profès du Val-Saint-Pierre († 1728), est l’auteur d’un opuscule manuscrit conservé à la même bibliothèque, intitulé Malleolus crucis mysticx, id est, enucleatio veritdtis quse latel in cortice Scripturarum canonicarum. — Jean Wagener, mort prieur de la chartreuse de Cologne (1730), a laissé un commentaire manuscrit sur les cinquante premiers psaumes, et publié une paraphrase abrégée du Psautier : Psalterium Davidis paraphrastico-morale, in-8°, Cologne, 1725. — Innocent Hubernagel, allemand, profès de Trisulti (États pontificaux ) (-j- 1735), a écrit en vers latins sur les sujets suivants : In fastos mosaïcos ; in Psalmos Davidis ; in IV Evangelistas ; in Acta aposlolica. — Raymond Nicolan, religieux de la chartreuse de Majorque, vers 1737, a expliqué les Figuras del Viejo Testamenlo alusivas à la Virgen Maria (manuscrit). — Claude Guichenon, prieur d’Orléans († 1740), a laissé un manuscrit in-4° intitulé : Brèves annolationes in prsecipua et dif/iciliora loca Psalmorum, qui se trouve à la bibliothèque de Loches.

— Un religieux anonyme écrivit, en 178(3, un traité de perfection religieuse composé uniquement des textes de l’Écriture. Cet ouvrage manuscrit est aux archives de la Grande -Chartreuse. — Joseph de Martinet, chartreux de Marseille, célèbre par ses vertus et par son zèle à exercer lé saint ministère dans cette ville pendant la Terreur, mort en odeur de sainteté, le 12 juin 1795, a laissé un certain nombre de traités et de commentaires sur les Livres Saints, dont il sera parlé avec plus de détails dans un article spécial.

Au commencement de notre siècle, un chartreux anonyme de Venise entreprit de mettre en un meilleur ordre la partie littérale du commentaire de Denys Rickel sur les Psaumes. Ce travail, en un gros volume in-f°, se trouve à la chartreuse de Sélignac (Ain). D’autres religieux de l’ordre ont continué à notre époque à s’adonner à l’étude des Saintes Écritures et à composer des commentaires pour leur usage personnel, mais ils n’ont pas été donnés au public.

Pour développer de plus en plus le goût et l’intelligence du texte sacré et pour en faciliter l’élude, l’ordre a fait réimprimer, à la chartreuse de Montreuil-sur-Mer, les

commentaires de saint Bruno, de Ludolphe et de Denys le Chartreux, et en a mis des exemplaires dans toutes les cellules des religieux de chœur. De l’imprimerie de cette maison sont sortis aussi les ouvrages scripturaires suivants : Liber Psalmorum Vulgalx editionis, in-16, 1881 ; Biblia sacra Vulgalas editionis ad usum sacri Ordinis cartusiensis, 1 in-f°, 1884 ; SanclaJesu Christi Evangelia, in-8°, 1884 ; Epistolm B. Pauli apostoli, in-8°, 1884. Elle prépare en ce moment une nouvelle édition des œuvres complètes de Denys. Ses seuls commentaires sur l’Écriture Sainte formeront quinze volumes grand in-8°, à deux colonnes. Le texte sera conforme aux éditions données par les chartreux de Cologne. M. Autore.

    1. CHASELON##

CHASELON (hébreu : Kislôn, « espérance ; » Septante : XotuXwv), père d’Élidad, de la tribu de Benjamin. Num., xxxiv, 21.

    1. CHASLUIM##

CHASLUIM (hébreu : Kasluhim ; Septante : Xoto^wviet’p. ), nom d’un peuple descendant de Mesraïm, mentionné seulement dans la Genèse, x, 14, et dans le passage parallèle du premier livre des Paralipomènes, I, 12 (Dans le premier endroit, la Vulgate écrit Chasluim, et dans le second Casluim). Le Targum de Jonathan rend Kasluhim par Pentapolites ; celui de Jérusalem, par Pentascénites. Voir Walton, Biblia Polyglotta, t. iv, p. 18.

I. Identification. — Il est impossible de dire avec certitude quel est le peuple ainsi désigné. — 1° Bochart, Phaleg, iv, 31, Opéra, Leyde, 1C92, col. 285-290, l’a identifié avec les Colchidiens, qui étaient une colonie égyptienne, d’après plusieurs auteurs anciens. Apollonius, Argonaut., iv, 277 ; Valerius Flaccus, Argonaut., v, 421 ; Hérodote, II, 104 ; Diodore de Sicile, i, 28, 55 ; Denis Périégète, p. 689 ; Ammien Marcellin, xxii, 22, etc. Un grand nombre d’exégètes ont adopté cette opinion : Gesenius, Thésaurus, p. 702 ; Frd. Keil, Genesis und Exodus, 2e édit., 1866, p. 119, etc. La Colchide fut célèbre dans l’antiquité par l’expédition fabuleuse des Argonautes, qui allaient y conquérir la toison d’or. C’est une contrée d’Asie d’une fertilité merveilleuse, arrosée par le Rioné, ancien Phase, et le Tchorok, ancien Bathys. Elle avait pour limites le Caucase au nord, l’Ibérie à l’est, l’Arménie au sud, et le Pont-Euxin à l’ouest. Elle forma aujourd’hui le gouvernement russe de Kotatis, comprenant les provinces d’Iméréthie, de M ngrélie et de Gourie.

— Chardin, Voyage en Perse, 3 in-4°, Amsterdam, 1711, ’t. i, p. 41, dit en parlant des Mingréliens : « Je n’ai pu… m’assurer autant que j’aurais voulu de l’origine de cette nation, que Diodore le Sicilien et d’autres auteurs font sortir de l’Egypte et être une colonie de Sésostris, ce qui n’est pas fort vraisemblable. » Quoi qu’il en soit d’ailleurs, il y a tout lieu de croire que la Genèse n’a pas voulu désigner par les Chasluim les habitants de la Colchide. Fr. de Hummelauer, Commentarius in Genesim, in-8°, Paris, 1895, p. 323. Elle énumère, en effet, ces descendants de Mesraïm au milieu d’autres peuples qui habitaient l’Egypte ou son voisinage, et semble indiquer par là qu’ils demeuraient dans les mêmes régions.

2° D’autres exégétes, tels que Chr. J. Bunsen, Vollstàndiges Bibelwerk, t. i, Leipzig, 1858, p. 26, croient que les Chasluim habitaient entre Gaza et Péluse, sur les bords du lac Serbonis et le long du rivage de la Méditerranée, dans la province de Cassiotis ou Cassiotide, ainsi nommée du mont Casius, à la frontière nord-ouest de l’Egypte. Pline, H. N., v, 12, 14 ; Strabon, xvi, p. 759 ; Etienne de Byzance, p. 455. On ne peut du reste donner d’autre preuve en faveur de cette opinion que la similitude de la première syllabe dans Kas-luhhn et Cas-siotis, ce qui est un argument bien faible. Cf. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, in-8°, Leipzig, 1850, p. 290. M. G. Ebers a cherché à établir plus solidement cette opinion dans son Aegypten und die Bûcher Mose’s, in-8°, Leipzig,

1868, p. 120-127. Il rapproche la forme grecque de ce nom dans les Septante, Xz<J| « ùviei’|a, du mot égyptien hesmen, qui signifie « sel, nitre », et il en conclut que les Chasmonim (Chasluim) habitaient une terre salée ou nitreuse, comme les environs du mont Casius, et s’occupaient de préparer le nitre ou de saler soit les cadavres humains, soit les poissons qu’on conservait de la sorte et dont on Élisait une grande consommation en Egypte. Cette étymologie et, par suite, les conséquences qu’en tirent les savants allemands sont fort contestables. Tant qu’on n’aura pas trouvé dans les documents égyptiens le nom des Chasluim, on ne pourra émettre à leur sujet que des hypothèses plus ou moins plausibles. La seconde opinion paraît d’ailleurs plus probable que la première.

II. Les Chasluim et les Philistins. — La Genèse, x, 14, ajoute en parlant des Chasluim, d’après la traduction de la Vulgate : « d’eux sont sortis les Philistins. » le texte hébreu porte à la lettre : « Les Kasluhim, que de là (miS-sàm) sont sortis les Philistins. » Sdm est un adverbe de lieu et s’applique par conséquent au pays qu’habitaient les Chasluim, de sorte que ce membre de phrase exclut le lien généalogique entre les deux peuples et signifie seulement que les Philistins, avant de s’établir dans la Philistie, avaient habité le pays des Chasluim. Amos, ix, 7, dit que les Philistins venaient de Caphtor, et Jérémie, xlvii, 4, les appelle « les restes de l’île de Caphtor » (texte hébreu). H n’existe aucune contradiction entre ces divers passages, puisque les Philistins pouvaient venir de Caphtor en passant par le pays des Chasluim. On n’est donc pas obligé de supposer une interversion dans le texte de la Genèse, x, 14, comme l’ont fait certains commentateurs, et de lire : « Mesraïm engendra les Ludim…, et les Chasluim et les Caphtorim, d’où sont sortis les Philistins ; » au lieu de la leçon de nos Bibles : « Mesraïm engendra les Ludim…, et les Chasluim, [de la terre] desquels sont sortis les Philistins, et les Caphtorim. » Ce membre de phrase a été ajouté par l’auteur sacré à cause du pays qu’habitèrent les Philistins à côté des tribus israélites et du rôle important qu’ils jouèrent dans l’histoire du peuple de Dieu. Cf. Exod., xiii, 17 ; xv, 14. Pour l’origine des Philistins, voir Philistins. F. Vigouroux.

    1. CHASPHIA##

CHASPHIA (hébreu : Kâsifyâ’; Septante : èv àpyupi’cp toO touou), ville ou contrée habitée par une importante colonie de Juifs exilés, dont la plupart étaient des jN’athinéens. I Esdr., viii, 17. Esdras, parti de Babylone depuis neuf jours, pour retourner à Jérusalem, et s’arrétant près du fleuve Ahava, remarqua qu’il n’y avait pas un seul lévite dans sa caravane, alors que les serviteurs du Temple auraient dû être les premiers à se présenter pour rentrer dans la ville sainte. Il envoya donc une délégation de onze membres à Eddo, chef de la colonie, pour lui demander des ministres sacrés. I Esdr., viii, 15-17. — Chasphia est jusqu’ici resté complètement inconnu. Les Septante, rattachant le mot à késéf, <t argent, » ont donné une traduction incompréhensible, à moins de supposer avec certains exégètes qu’il s’agit ici d’une « maison du trésor » à Babylone même ; ce qui n’est guère vraisemblable. Quelques auteurs placent cet endroit dans le royaume de Perse ou au sud de la Médie, là où se trouvaient, au dire de Strabon, xi, 506, et d’Hérodote, vu, 67, de nombreuses colonies de Caspiens, dans une région adjacente à la mer Caspienne, d’un côté, et, de l’autre, à la Babylonie, peu éloignée par là même du pays de l’exil. Cf. G. B. Winer, Biblisches Realworterbuch, 1847, t. i, p. 223 ; J. Furet, Hebrâisches Handwôrterbuch, 1876, t. i, p. 617. Le premier de ces savants fait remarquer que le livre de Tobie, I, 16 ; iii, 7, mentionne des Juifs dans cette contrée, et le second consacre l’article Kâsifyâ à établir des rapprochements entre ce mot, qui veut dire blanc, et Y Albanie, située au pied du Caucase,

près de la mer Caspienne ; puis la Caspiana, le mont Caspius, et les portes Caspiennes des anciens. Quoi qu’il en soit de ces assimilations, le territoire indiqué nous semble trop éloigné pour répondre aux données du contexte. Esdras, en effet, pendant les trois jours qu’il passa près du fleuve Ahava, eut le temps d’envoyer chercher et de recevoir les lévites, I Esdr., viii, 15, 18 ; ils ne devaient donc pas habiter très loin. Voilà pourquoi il semblerait plus naturel de chercher Chasphia dans le pays de

Babylone.
A. Legendre.
    1. CHASSE##

CHASSE (hébreu : sayid ; Septante : aypi ; Vulgate : venatw), poursuite et prise du gibier (fig. 217). La pratique de la chasse est presque aussi ancienne que l’humanité. Elle découle naturellement de la supériorité que Dieu accorda à nos premiers parents sur le reste de la création, Gen., i, 26, 28, et devint bientôt un des moyens de subsistance de l’homme. Gen., ix, 2-4. De plus, à une époque où l’humanité était encore peu répandue sur la terre, tandis que les animaux y étaient très multipliés, la chasse dut être un des moyens de défense auxquels l’homme eut bientôt à recourir. Cf. Exod., xxiii, 29. Même après de longs siècles de civilisation, de vastes provinces étaient tellement infestées par des bêtes fauves, que des monarques puissants organisèrent contre elles des battues générales non moins importantes à leurs yeux et à ceux de leurs sujets que leurs grandes expéditions militaires. C’est ce que nous apprennent les inscriptions assyriennes, et en particulier celle de Théglathphalasar I « (cf. A. H. Sayce, dans les Records of the past, nouv. série, t. i, p. 112-113). Nemrod, le premier chasseur que nomme l’Écriture, est représenté dans la Bible comme le « robuste chasseur devant Jéhovah » et un puissant conquérant. Gen., x, 8-10. — Ismaël, destiné à vivre dans le désert de Tharan, « devint habile à tirer de l’arc, » Gen., xxi, 20, 21, et tel fut aussi, semble-t-il, la pratique ordinaire d’Ésaù. Gen., xxv, 27-28. — Le long séjour d’Egypte familiarisa sans doute les descendants de Jacob avec l’art de la chasse, et la loi mosaïque leur en permit la pratique. Lev., xvii, 13 ; Deut., xii, 15. Mais la Bible ne nous donne aucun renseignement sur leur manière de la poursuivre. Elle nous dit seulement que Salomon put chaque jour fournir sa table et celle de ses nombreux serviteurs du gibier le plus exquis et le plus abondant. III Reg., IV, 23. Mais la loi mosaïque énumérant parmi les animaux dont il était permis de manger la chair un certain nombre d’animaux sauvages, Deut., xiv, 5, 11-18 ; Lev., XI, 13-19 (voir t. i, col. 622), elle suppose par là même la pratique de la chasse.

I. Animaux poursuivis a la chasse. — Ils peuvent être divisés en deux catégories : les bêtes sauvages et les oiseaux.

— 1° Bêtes sauvages. — À leur arrivée jeu Palestine, les Israélites y trouvèrent de nombreux animaux sauvages, Exod., xxiii, 29 ; Jud., xiv, 5, 6 ; xv, 4, et du gibier en abondance. Lev., xi ; Deut., xiv. Voici la liste alphabétique des animaux sauvages poursuivis à la chasse : Addax, Deut., xiv, 5, une espèce d’antilope, t. i, col. 669, probablement représentée sur les sculptures de Béni -Hassan. Cf. Wilkinson, Manners and cusloms of the ancient Egyptians, 2e édit., 1878, t. ii, p. 90. — Ane sauvage. Job, xxxix, 5-8 ; Eccli., xiii, 23. Les traits sous lesquels le livre de Job décrit l’onagre correspondent bien à ce que nous en apprennent les monuments assyriens, où on le voit capturé par une meute de chiens, G. Rawlinson, Ancient monarchies, 2e édit., t. i, p. 517 ; pris au lasso par les chasseurs, G. Rawlinson, ibid., ou succombant sous leurs flèches. G. Rawlinson, ibid., p. 516. — Aurochs. Ps. XXI, 22 (hébreu : xxii, 21) ; Job, xxxix, 9-12 ; Is., xxxiv, 7. La Bible en parle en des termes qui dénotent sa vigueur et son naturel farouche, et tel il apparaît sur les bas-reliefs de Nimroud. L’un d’eux nous le représente luttant avec un lion, G. Rawlinson, ibid., p. 512 ; d’autres nous le montrent poursuivi par le roi dans

son char et suivi de ses chasseurs. G. Rawlinson, ibid., p. 513. Parfois non moins de cinq flèches paraissent avoir été nécessaires pour lui donner la mort. Voir Aurochs, t. i, col. 1203. — Béhémoth ou hippopotame. Job, xl, 10-19. Les allusions de Job à la manière de chasser l’hippopotame correspondent exactement à ce que nous montrent les chasses représentées sur les monuments égyptiens. Voir Béhémoth, t. i, col. 1552-1553. — Bouquetin. Prov., v, 19 ; Job, xxxix, 1-4. Ce gracieux animal était chassé en Assyrie, Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 18 ; G. Rawlinson, Ancient monarchies, t. i, p. 521, aussi bien qu’en Egypte. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 88, 92. Voir Bouquetin, t. i, col. 1893. — Bubale. Deut., xiv, 5 ; III Reg., iv, 23. Celte espèce d’antilope à la chair délicate était poursuivie

Hist. anc, t. iii, p. 324 ; là, on aperçoit des gazelles poursuivies par des chiens, G. Rawlinson, Ancient Egypt, t. i, p. 281 ; ailleurs, on remarque un homme portant trois gazelles destinées à un parc de bêtes sauvages. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 83. Sur un monument de Khorsabad, Layard découvrit un chasseur rapportant une gazelle sur ses épaules. G. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p. 522. Enfin elle est représentée poursuivie par un chien sur le monument de Kaïm-Hurmul. Van Lennep, Bible Lands, in-8°, NewYork, 1875, t. i, p. 250.

— Hyène. Jer., xii, 9. Les monuments deThèbes nous la montrent poursuivie par les chasseurs, Wilkinson, ibid., t. ii, p. 92, ou rapportée par eux, les pattes liées à une perche. Wilkinson, ibid., p. 78. — Léopard. Hab., i, 8 ; Ban., vii, 6. Deux espèces de léopards apparaissent sur

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218. — Héthéens chassant le cerf. Bas-relief du x « siècle environ avant J.-C. Musée du Louvre.

en Egypte avec arc et flèche (voir Bubale, 1. 1, col. 1955) ; elle était aussi prise au lasso. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 87. — Cerf, Gen., xlix, 21 ; Deut., xiv, 5 ; III Reg., IV, 23 ; Ps. xli, 2 (hébreu : xlii, 1). La fuite du cerf poursuivi par le chasseur est vivement représentée sur un monument héthéen du Louvre (fig. 218) et sur les sculptures de Koyoundjik. G. Rawlinson, Ancient monarch., t. i, p. 518, 519. Un basrelief de Ninive nous montre plusieurs cerfs pris au filet. Voir plus haut, fig. '150, col. 447. Parmi les animaux à détruire comme nuisibles à l’agriculture, les inscriptions ehaldéennes nomment le cerf. J. Menant, La bibliothèque du palais de Ninive, p. 168. Voir Cerf, t. ii, col. 416. — Chacal ou renard. Jud., xv, 4 ; Cant., n, 15. Il était activement poursuivi en Egypte. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 91. Voir Chacal, t. ii, col. 475. — Crocodile. Job, iii, 8 ; XL, 20-xli. (hébreu, 25-xli) ; Is., xxvii, 1 ; Ezech., xxix, 3-4 ; xxxii, 2-4. Ce que l'Écriture nous en dit est confirmé par les monuments égyptiens. On le chassait en canot, lance en main. G. Rawlinson, Ancient Egypt, 1. 1, p. 561.

— Gazelle, autre espèce d’antilope. Deut., xii, 15 ; xiv, 5 ; III Reg, iv, 23 ; Prov. vi, 5 ; Eccli., xxvii, 22. Is., xiii, 14. Ce gracieux et agile animal est souvent représenté sur les monuments d’Egypte. Ici, on voit le chasseur rapportant une gazelle sur ses épaules, Fr. Lenormant,

les sculptures de Béni-Hassan. Wilkinson, ibid., t. ir, p. 90. Le léopard est aussi représenté sur une coupe de Nimroud. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p. 223. — Lièvre. Lev., xi, 6 ; Deut., xiv, 7. Il était poursuivi comme gibier par les anciens Égyptiens et Assyriens. Ainsi, sur un tombeau de Thèbes, on voit un chasseur rapportant un lièvre vivant, Fr. Lenormant, Hist. anc, 9e édit., t. iii, p. 324 ; une scène analogue se remarque sur un bas-relief de Khorsabad. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p. 522. Sur une coupe de bronze découverte à Nimroud, on aperçoit une série de chiens et de lièvres qui alternent, ce qui prouve que la chasse à courre était connue des Assyriens. Rawlinson, ibid., p. 523. — Lion. Gen., xlix, 9 ; Num., xxiv, 9 ; Ps. xc, 13 ; Job, iv, 10 ; Jer., ii, 15 ; v, 6 ; xii, 8, 9 ; Ezech., xix, 3, 4, 6, 8, 9 ; xxxii, 2-3 ; Eccli., xlvii, 3 ; Amos, m, 12 ; Nah., ii, 11-13. Point d’animaux dont le nom soit plus souvent mentionné dans la Bible. Lt chasse aux lions est représentée sur les monuments égyptiens et surtout sur les monuments assyriens. Sur une des peintures de Béni-Hassan, on voit le chasseur se servant d’un lion apprivoisé et dressé à la chasse. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 88. Voir Lios. — Oryx, espèce d’antilope. Deut., xiv, 15 ; Is., li, 20. Il est représenté sur une peinture d’une chasse dans le désert de la Thébaïde. Wilkinson, ibid., t. n. p. 91. — Ours. I Reg., xvii. 31, 35, 37 ; II Reg., xvii, 8. Il n’apparaît sur les monuments

d’Egypte que dans des scènes où des étrangers payent leur tribut annuel au pharaon, Wilkinson, ibid., t. iii, p. 271 ; il est représenté sur le rebord d’une coupe assyrienne. G. Rawlinson, Ancient mon., t. i, p. 528.

2° Oiseaux. — La loi mosaïque permettait la chasse aux oiseaux, Lev., xvii, 13 ; mais par suite des règlements prohibant de manger la chair des oiseaux impurs, Lev., xi, 13-47 ; Deut., xiv, 12-19, il est très probable que les Hébreux ne firent jamais la chasse qu’à un petit nombre d’espèces d’oiseaux. De fait, on ne trouve dans la Bible d’allusions à la chasse aux oiseaux qu’au sujet des suivants : Autruche. Job, xxxix, 13-18. Cf. Rawlinson, Ane. mon., t. i, p. 228. Voir Autruche, t. i, col. 1280, 1289.

— Passereau. Ps. x, 2 (hébreu : xi, 1) ; cxxiii, 7 ; Lev., xiv, 4, 49. — Perdrix. I Reg., xxvi, 20 ; Eccli., xi, 32. Cf. Rawlinson, Ane. mon., t. i, p. 228 ; Fr. Lenormant, Hist. anc, t. v, p. 127.

IL Instruments de chasse. — 1° Chasse des bêtes sauvages. — Les instruments le plus souvent employés pour la chasse des bêtes sauvages étaient l’arc et les (lèches, le piège, la trappe, le filet et probablement le lasso. — L’arc et les flèches étaient usités chez les Hébreux comme chez tous les autres peuples. Gen., xxi, 20 ; xxvii, 3 ; Job, xii, 19 ; Is., vii, 24, etc. Les monuments nous les montrent employés dans la poursuite des animaux les plus féroces, tels que le crocodile, le lion, l’aurochs. Cf. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p. 513 ; Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 79. — Le piège et la trappe ne sont point représentés sur les monuments, mais ils sont très souvent mentionnés dans la Bible. Piège : Ps. lvi, 7 ; cxviii, 61, 110, etc. ; Job, xviii, 9, 10 ; Jer., xvin, 22 ; Eccli., xxvii, 29, 32 ; trappe : Ps. vii, 16 (hébreu, 15) ; ix, 16 (hébreu, 15) ; Job, xviii, 10 ; Is., xxiv, 17, 18, 22 ; xxviii, 13, etc. Le filet est également souvent mentionné dans l’Écriture, Ps. IX, 16 ; xxiv, 15 ; xxx, 5 ; Job, xviii, 8 ; xix, 6 ; Is, , li, 20 ; Ezech., xii, 13 ; xvii, 20 ; Osée, v, 1, etc. ; mais, de plus, il est représenté sur les anciens monuments. Les sculptures égyptiennes nous montrent parfois une vaste étendue de territoire couverte de filets où des animaux de tout genre sont capturés et finalement dépêchés par les traits du chasseur. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 80. Sur une sculpture assyrienne, on voit le filet employé d’une manière analogue. Voir fig. 150, t. ii, col. 447. — Le lasso n’est probablement mentionné que dans I Cor., vii, 35 ; mais il figure maintes fois sur les monuments assyriens et égyptiens. En Egypte, on s’en servait pour s’emparer de la gazelle et de l’aurochs. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 87 ; en Assyrie, on voit l’âne sauvage pris au lasso. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p. 517. — Dans la chasse à V hippopotame, le livre de Job, XL, 17-20, fait mention d’engins moins usités : l’épée, le javelot, la lance, la fronde, la massue et le dard. — On voit par les monuments des Égyptiens et des Assyriens qu’ils se servaient du cheval et du chien dans leurs parties de chasse. La Bible n’a qu’une seule allusion à l’emploi du cheval dans la poursuite du gibier. Elle se trouve dans Job, xxxix, 18, et a rapport à l’autruche, c’est-à-dire à un animal que les Hébreux regardaient comme impur, Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15, et qui n’existait qu’en dehors de la Palestine.

2° Chasse des oiseaux. — L’arc et les flèches étaient sans doute employés pour la chasse aux oiseaux, Ps. x, 2, 3, cf. Rawlinson, Anc. mon., t. i, p.’228 ; Lenormant, Hist. anc, t. v, p. 332 ; mais c’est surtout avec des pièges et des filets de toute dimension qu’on leur faisait la guerre. Eccle., IX, 12 ; Prov., i, 17 ; vii, 23 ; Ps. cxxiii, 7 ; Jer., v, 26, 27 ; Amos, iii, 5 ; Osée, VU, 12, etc. Pour se faire une idée exacte de ces divers pièges et filets, on n’a qu’à étudier ceux dont les monuments d’Egypte nous ont laissé tant de représentations. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 102, 103, 110. — Un autre engin qui était très probablement employé par les Hébreux, quoiqu’il ne soit

pas mentionné dans la Bible, est un projectile que les Bédouins de nos jours manient avec non moins de dextérité que les anciens Égyptiens. Il était fait de bois pesant, aplati, et n’offrait qu’un minimum de résistance â l’air dans la direction où il était projeté, de sorte qu’un bras vigoureux et exercé pouvait le lancer à une distance considérable, bien que d’ailleurs on s’efforçât toujours de s’approcher des oiseaux le plus possible, à l’abri des buissons ou des roseaux. Il est souvent représenté sur les monuments d’Egypte, Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 104, 107, 108, et rappelle le boumërang d’Australie. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de. l’Orient, t. i, 1895, p. 59 ; J. Lubboek, L’homme préhistorique, in-8°, Paris, 1888, p. 402-403. — Dans l’Ecclésiastique, xi, 31-33, on trouve une allusion à un autre moyen de faire la chasse aux oiseaux. Il consistait à se servir d’animaux comme appeaux. Cette méthode est aussi souvent représentée sur les monuments égyptiens. Wilkinson, Manners and customs, t. ii, p. 104, 107, 108.

III. MÉTAPHORES EMPRUNTÉES À LA CHASSE. — L’exer cice de la chasse et la pratique de la guerre présentent de nombreux traits de ressemblance. Dans l’une et l’autre, on poursuit une proie avec ardeur et acharnement, ou on la capture au moyen de stratagèmes analogues. Plusieurs engins sont communs à la chasse et à la guerre, et dans l’une et l’autre ori court souvent des dangers sérieux. Les impressions diverses qu’éprouve le gibier traqué par le chasseur sont également éprouvées par l’homme innocent ou désarmé fuyant devant un ennemi mortel. Ces analogies expliquent comment toutes les langues, et l’hébreu en particulier, abondent en métaphores empruntées à la poursuite du gibier ou des animaux sauvages.

1° Métaphores tirées des chasseurs. — Souvent ils sont pris comme type d’ennemis dangereux et acharnés, Ps. ix (hébreu, x), 9, 10 ; xxx, 5 (hébreu, xxxi, 4) ; Mich., vii, 2, etc. ; la mort elle-même, le plus formidable ennemi de l’homme, est assimilée au chasseur qui a fini par atteindre sa proie, et qui ne lui permet en aucune façon de s’échapper. Ps. xvii (hébreu, xviii), 5, 6 ; exiv, 3. Ailleurs les impies sont représentés sous l’image d’oiseleurs patiemment aux aguets pour surprendre leurs victimes. Jer., v, 26 ; Ps. cxviii, 61, 110. Dans le prophète Jérémie, xvi, 16, nous trouvons les guerriers nombreux, puissants et acharnés de l’Assyrie désignés sous le nom de chasseurs et d’oiseleurs envoyés par Jéhovah pour punir le peuple d’Israël. Cf. Ezech., xix, 3-8. Si l’on traduit Ézéchiel, xxxii, 30, comme fait la Vulgate : « là sont tous les princes de l’aquilon et tous les chasseurs, » on voit que les guerriers qui accompagnaient leurs princes dans une expédition militaire sont assimilés à des chasseurs de profession chargés d’accompagner leur maître à la chasse.

2° Métaphores tirées des animaux qui poursuivent leur proie. — Ils forment un second genre de chasseurs, qui fournit une nouvelle source de métaphores. Suivant Isaïe, lvi, 9, et Jérémie, xii, 9, les Gentils sont des bêtes féroces que Jéhovah invite à faire la chasse à son peuple rebelle. Cf. aussi Is., v, 29 ; Jer., L, 17. De même, Cyrus est représenté comme un oiseau de proie, Is., xlvi, 11, et Nabuchodonosor comme un aigle puissant. Jer., xlviii, 40 ; Ezech., xvii, 3, 12. Le riche qui traite le pauvre sans merci est semblable au lion qui dévore un âne sauvage, Eccli., xiii, 23 ; les ravages causés parmi le peuple de Dieu par les faux prophètes et les mauvais princes font assimiler les premiers à des lions ravissants, les seconds à des loups dévorants. Ezech., xxii, 25, 27.

3° Métaphores empruntées aux animaux poursuivis par le chasseur. — Ces métaphores sont aussi nombreuses qu’intéressantes. Semblable au cerf poursuivi par le chasseur et se précipitant altéré vers le ruisseau d’eau vive, le Psalmiste fuyant devant ses ennemis soupire vivement après les consolations divines. Ps. xli, 2 (hébreu, xlii, 1). Comme le passereau, le juste n’a, humainement parlant, C23

CHASSE

CHASTETE

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point d’autre ressource que la fuite pour ne pas tomber au pouvoir de puissants ennemis. Ps. x, 2-4 (hébreu, xi, 1-3). Plus heureuse que l’animal environné de toutes parts de pièges et de filets, l’âme dont les regards sont habituellement dirigés vers Jéhovah peut aisément échapper aux mille perplexités d’ici-bas. Ps. xxiv (hébreu, xxv), 15 ; cf. Ps. xxx (hébreu, xxxi), 9 ; xc (hébreu, xci), 3. L’oiseau qui se précipite vers le piège sans soupçonner le danger est une figure expressive de l’âme qui se précipite sans trop s’en douter vers sa ruine. Prov., vii, 23. De même que la gazelle qui a été prise au filet et a réussi à s’en dégager s’enfuit pour toujours, ainsi l’amitié d’un homme qu’on a blessé au vif ne saurait être regagnée. Eccli., xxvii, 22 ; cf. xxii, 25. Qui n’a souvent admiré la comparaison gracieuse du Ps. cxxm (hébreu, cxxiv), 7 ? Israël, délivré de la captivité, ressent la même joie que le passereau qui voit soudain se briser le filet qui le retenait captif. Les efforts si courageux que fait la gazelle pour se délivrer, ou l’oiseau pour s’échapper, sont une image pittoresque des efforts énergiques qu’un homme doit faire pour se soustraire aux difficultés qu’il rencontrera s’il continue à être caution même pour un ami. Prov., vi, 1-5.

4° Métaphores tirées des engins^ de chasse et des manières de s’en servir. -~ Elles sont les plus nombreuses. La trappe, c’est-à-dire la fosse soigneusement recouverte de branchages et d’un peu de terre, dans laquelle on espère faire tomber les bêtes fauves, est la figure de pièges tendus à un ennemi dont on médite la perte. Ps. lvi, 7 ; lxvhi, 23 ; cxxxix, 6, etc. ; Jer., xviii, 20, 22 ; Eccli., xii, 15 ; Prov., xxii, 14 ; Rom., xi, 9 ; I Cor., vii, 35. L’emploi de la trappe a aussi fourni le proverbe souvent répété dans la Bible : « Celui qui creuse une fosse y tombera, » pour exprimer la manière dont la justice divine s’exerce envers les méchants. Prov., xxvi, 27 ; Ps. vii, 16, etc. — Pour capturer les bêtes sauvages, on se servait également du piège, que l’on cachait sur leur passage. Prov., i, 15-16 ; xxii, 5, il désigne par métaphore les dangers invisibles, mais réels, que l’on court dans la fréquentation des pervers. Cf. Eccli., ix, 3, 20. Le piège se composait de deux parties maintenues séparées par un morceau de bois, et qui, se refermant au moindre contact, retenaient leur captif par la patte : de là les expressions figurées qu’on lit dans Job, xviii, 9, 10. — Sous la plume d’Isaïe, xxiv, 17-18, et de Jérémie, xlviii, 43-44, nous trouvons combinées ces deux méthodes de s’emparer des animaux savages. Elles forment un proverbe qu’Isaïe formule ainsi : « Habitant de la terre, l’effroi, la fosse et le piège te sont réservés. Celui qui à la voix de la crainte aura fui tombera dans la fosse ; celui qui se sera tiré de la fosse sera pris au piège. » Nous avons ici une manière pittoresque de décrire une ruine complète et assurée. De plus, il est probable que dans les expressions « l’effroi t’est réservé ; celui qui à la voix de la crainte aura fui », il faut voir des métaphores empruntées aux grands cris poussés par les chasseurs quand ils faisaient une battue, et au bruit desquels les animaux s’enfuyaient remplis de crainte. — L’emploi du filet pour prendre bétes sauvages et oiseaux a donné lieu à de nombreuses métaphores. C’est ainsi qu’il sert à désigner les machinations des impies, Ps. ix, 9, 10 ; xxiv, 15, etc., aussi bien que les effets terribles et certains de la vengeance divine. Ezech., xii, 13 ; xvii, 20 ; xix, 3, 4, 8, etc. On retrouve même dans le Psaume ix, 9, 10, une allusion à la manière dont les Égyptiens se servaient du filet pour la chasse aux oiseaux. Dans une peinture égyptienne (tombeau à Béni-Hassan, Lenormant, Histoire ancienne, t. ii, p. 121), on voit les chasseurs baissés, blottis derrière un buisson et tirant à eux un filet rempli d’oiseaux ; en un mot^ les chasseurs sont représentés tels que le Psaume suppose les méchants.

— Mentionnons en terminant que plusieurs auteurs voient dans les expressions d’Ézéchiel, xix, 3, une allusion à la coutume égyptienne de dresser à la chasse des lions

apprivoisés ; et que l’on trouve dans Eccli., XI, 31-33, une allusion à un usage souvent représenté dans les peintures égyptiennes, à savoir celui de se servir d’animaux comme appeaux, image trop fidèle des attraits trompeurs qui se trouvent dans la compagnie des impies. F. GiGOT.

CHASSEUR. Il en est plusieurs fois question dans l’Écriture. La Genèse, x, 9, dit que Nemrod était un robuste chasseur (hébreu : gibbôr sayid ; Septante : y’Y « î -cjmt]y4 ;  ; Vulgate : robustus venator). — L’Ecclésiaste, vu, 27, compare une mauvaise femme « au piège des chasseurs » ; mais le mot venalores, qu’on lit dans la Vulgate, n’est exprimé ni dans l’hébreu, Eccle., vii, 26, ni dans le grec, quoiqu’il soit impliqué dans les expressions mesôdîm et e^psujjia, « pièges de chasse. » — Le Seigneur, dans Jérémie, XVI, 16, dit aux Juifs qu’il enverra des chasseurs, sayyâdîm, c’est-à-dire les Chaldéens, qui, pour les punir de leurs infidélités, les chasseront sur les montagnes, et sur les collines, et dans les trous des rochers. — Saint Jérôme a probablement lu aussi sayijâdim dans Ezech., xxxii, 30, car il a traduit venatores dans ce passage, comme dans Jer., xvi, 16 ; mais le texte hébreu porte Sidônî, « le Sidonien, » de même que la Peschito, Symmaque, Aquila, etc. Les Septante ont aussi lu inexactement ffTparviYoi’Aaaoip, « les généraux d’Assyrie. » Voir Chasse.

    1. CHASSIEUX##

CHASSIEUX (YEUX). La Genèse, xxix, 17, dit en

parlant des yeux de Lia, la sœur de Rachel, qu’elle avait les yeux rakkôt ; la Vulgate a rendu cette épithète par lippi, « chassieux ; » mais elle est la seule des versions anciennes qui ait ainsi interprété le mot hébreu. Rak (pluriel : rakkôt) signifie » tendre, délicat, faible ; » c’est ce dernier sens qui paraît le mieux convenir ici : àa-zsv £Ï ; , comme ont traduit les Septante. Le Targum d’Onkélos, suivi par la version arabe, l’a entendu dans le sens de « beaux », ijà’âijân, signification qui est en désaccord avec le sens du mot hébreu original et aussi avec le contexte, qui met en opposition un défaut de Lia avec la beauté de Rachel. Cf. aussi I Sam., xvi, 12, où il est dit que David était yefêh’ênayîm, « aux beaux yeux » (Vulgate : pulcker aspectu).

CHASTETÉ. Cette vertu, qui consiste essentiellement dans l’abstention des relations sexuelles illicites, et à un degré supérieur dans l’éloignement de toute pensée et désir impurs, n’est désignée dans l’Ancien Testament par aucun terme spécifique. Judith, xv, 11 ; xvi, 26, est louée pour avoir aimé la chasteté ; mais le premier de ces passages ne se trouve pas dans les Septante, et au lieu du second on y lit : Kat îtoMoi È7U£60[i.T)aav ocJtïjv, « Elle eut beaucoup de prétendants, » ce qui sans doute, avec le reste du verset, signifie l’amour de Judith pour la chasteté, mais sans exprimer le nom de cette vertu. Il en est de même Sap., iv, 1, où, selon la Vulgate, se trouve l’éloge de la race des hommes chastes, tandis que les Septante expriment un aphorisme où la chasteté est impliquée sans être exprimée : « Mieux vaut la privation d’enfants avec la vertu. » Le mot hébreu que la Vulgate rend par castilas, castus, est tehôrôt, Ps. xi, 7, qui dans ce passage signifie « exemption d’erreur », cf. Ps. xviii, W (hébreu, xix, 10), bien qu’ailleurs il désigne la pureté ou l’éclat, soit d’un lieu, Lev., iv, 12 ; vi, 4 ; x, 14, soit d’un vêtement, Zach., iii, 5, soit d’un métal, Exod., xxv, 11-Job, xxviii, 19, ou encore la pureté légale, Lev., vii, 19 ; x, 10 ; xi, 36, 37 ; xiii, 13, etc., enfin la pureté morale ou l’exemption de péché. Job, xiv, 4 ; Ps. ii, 12. Jamais il ne signifie la chasteté proprement dite. Dans les Septante et dans le Nouveau Testament, les mots grecs employés pour désigner la chasteté et l’homme chaste sont èYï-paTEÏa, Act., xxiv, 25 ; CTx.pxrf l ç, Eccli., xxvi, 20 ; Tit., i, 8, qui signifient « modération, répression », et, par suite, « continence, » bien que Sap., viii, 21, et Eccli., vi, 28, .

il ait un autre sens ; et « yvecoe, I Mach., xiv, 36 ; I Tim., IV, ’12 ; v, 2 ; âY v< 5°H> ll Cor., vi, 6 ; âfvk, II Cor., xi, 2 ; I Tim., v, 22 ; TH., ii, 5 ; I Petr., iii, 2. En deux autres passages, le mot grec répondant à castilas de la Vulgate est ue|j.v<Stï]î, I Tim., ii, 2 ; iii, 4, qui signifie « sainteté, dignité ».

La Sainte Écriture loue la chasteté, soit celle qui préside à la vie des époux dans le mariage, Tob., iii, 16, 18 ; Sap., iii, 13 ; soit celle qui, sous une forme plus absolue ou plus parfaite, s’appelle la virginité. Voir Célibat, Virginité. Elle montre la nécessité de garder la chasteté, au moins d’une manière temporaire, pour l’accomplissement de certaines œuvres saintes, comme manger les pains de proposition, I Reg., XX, 4 ; recevoir des communications divines, Exod., xix, 15 ; ou seulement prier avec plus de liberté. I Cor., vii, 5. La chasteté procède d’un cœur pur, comme la luxure procède d’un cœur corrompu, Marc, vii, 21-23 ; le moyen de la pratiquer fidèlement, c’est d’être modeste dans ses regards, Job, xxxi, 1 ; de se revêtir intérieurement de Jésus-Christ, Rom., xiii, 14 ; de respecter son corps comme le temple du Saint-Esprit. I Cor., vi, 15-19. Le vice opposé est constamment llétri dans l’Écriture, Exod., xx, 14 ; Lev., xviii, 22-23 ; XX, 13-16 ; Deut., xxii, 20-30 ; xxiii, 17 ; Prov., v, 3-6 ; vi, 24 ; vii, 5-27 ; Jer., xxix, 23 ; Ezech., xxii, 11 ; Luc, xviii, 20 ; Act., xv, 20 ; Rom., i, 26-27 ; xiii, 13 ; I Cor., vi, 9, 10 ; Gal., v, 19 ; Ephes., v, 5 ; Coloss., iii, 5 ; Hebr., xiii, 4 ; Jac, ii, 11 ; Apoc, xxi, 8 (voir Luxure, Fornication, Adultère) ; et tandis que ces crimes sont punis par Dieu avec une extrême sévérité, Gen., xix, 24 ; xlix, 4 ; Num., xxv, 1-9 ; Jud., xx, 1-46, etc., les héros de la chasteté sont exaltés, comme Joseph, Gen., xxxix, 7-12 ; Judith, xvi, 26 ; Susanne. Dan., xiii, 63.

P. Renard.

CHAT (Septante : aftoupo ;  ; Vulgate : calta), carnassier de la famille des félins, à l’allure souple et élégante, aux poils assez longs, fins, diversement colorés, au caractère déliant, aux mœurs qui gardent presque toujours

Chat.

quelque chose de sauvage, même dans la domesticité, (lig. 219). Les Hébreux l’avaient certainement connu en Egypte.

1° Le chat en Egypte. — Les Égyptiens l’ont souvent représenté (fig. 220). Ils avaient reçu tout domestiqué le chat originaire d’Abyssinie, felis maniculata, qui vit encore à l’état sauvage en Nubie. Ils l’appelaient miou ou maou. Ce nom, qui est une onomatopée, était d’ailleurs commun au chat, au lion et à la lionne, ainsi qu’aux bêtes sauvages en général. Brugsch, Hieroglyphisch - demolischen Worterbuch, Leipzig, 1868, t. ii, p. 565. On voit le chat sur les tombeaux de Béni-Hassan (xir 3 dynastie). Dès le Moyen Empire, on utilisa l’animal pour la chasse aux oiseaux aquatiques, pour la destruction des rats et celle des serpents. Dans une caricature égyptienne du temps de Ramsès III, on voit un chat conduisant des oies. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. ii, fig. 2, p. 27. Les Égyptiens tenaient beaucoup à leurs chats et les entouraient même d’un respect superstitieux qui dut étonner les fils

de Jacob pendant leur séjour dans la terre de Ges-. sen. Dans le conte de Sinouhit, qui date de la xil" dynastie, le héros se dispose à défendre contre l’agresseur ses chats, ses chèvres et ses vaches. Les chats tiennent la première place dans son énumération comme dans son estime. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 1895, t. i, p. 472. Le nom de Tamiou, « la chatte, » était assez usité comme nom de femme. À la mort du chat familier, toute la maison prenait le deuil. Hérodote, n, 66. Le chat devint de bonne heure un animal sacré. Il personnifiait Pacht, l’épouse de Ptah, qui, déesselionne sous l’ancien empire, se transforma ensuite en déesse-chatte portant le nom de Bast. Voir t. i, col. 1959. On voit aussi, sur une stèle du musée de Ghizéh, une déesse-chatte représentant Moût, dame du ciel et

320.

Chatte égyptienne en bronze. Musée du Louvre.

femme d’Ammon, en tête à tête avec Smonou, l’oie d’Ammon qu’on nourrissait dans le temple de Karnak. Maspero, Histoire ancienne, p. 87, 102. Le chat, destructeur des animaux immondes, personnifia aussi Ra, le dieu-soleil, qui remporte la victoire sur les puissances typhoniennes. E. de Rougé, Étude sur le rituel funéraire des anciens Égyptiens, dans la Revue archéologique, 1860, t. i, p. 339. Les chats sacrés étaient soigneusement embaumés. Leurs momies remplissent certaines hypogées et forment un monticule auprès de Bubaste, ou s’élevait un temple célèbre en l’honneur de Bast (t. i, col. 1959).

2° Le chat dans les autres pays. — Le chat est resté inconnu des Assyriens et des Babyloniens. On n’en trouve pas la moindre mention dans leurs monuments. Il n’existe pas de nom hébreu pour le désigner. Baruch, VI, 21, est le seul écrivain sacré qui en parle. Pour se moquer des idoles, il dit que les oiseaux voltigent tout autour et que « les chats courent aussi dessus ». Il s’agit sans nul doute dans ce texte, non du chat domestique d’Egypte, mais du chat sauvage à longue queue. Le chat ne figure pas davantage dans les monuments des Grecs et des Romains, et leur littérature ne le mentionne qu’à l’occasion des Égyptiens. Aristote, Hist. animal., v, 2, 3, ne le connaît qu’à l’état sauvage. Notre chat domestique, felis catus, a été importé par les Romains, quand ils eurent fait la conquête de l’Egypte, comme le prouve son nom de catus, qatô en syrien, qitt en arabe et schau en copte. Fr. Lenormant, Premières civilisations, Paris, 1874, 1. 1, p. 356^360, 365-374. Le chat domestique est aujourd’hui plus commun en Palestine qu’autrefois, bien qu’il n’y soit presque jamais complètement apprivoisé. Les chats sauvages y appartiennent à plusieurs espèces. On rencontre princi€27

CHAT — CHAUDIERE

C28

paiement le felis chaus, qui a deux fois la taille du chat domestique et ressemble plutôt au lynx. Il se tient de préférence dans les fourrés qui avoisinent le Jourdain. Le felis maniculata est aussi rare à l’ouest du Jourdain qu’il est commun à l’est. Le felis syriaca, analogue au chat sauvage d’Europe et reconnaissable à sa longue queue,

  • st une variété particulière au pays. Du reste, tous ces

-animaux ne s’aperçoivent qu’assez rarement. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 18 ; Id., The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 67 ; Socin, Palâstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. lx ; Placzek, The Weasel and the Cat in ancient Times, dans les Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. ix, p. 155-166 ; cf. A. Lowy, dans les Proceedings de la même société, t. vii, p. 97 ; Lefébure, ibid.,

p. 193.
H. Lesêtre.
    1. CHATHUANT##

CHATHUANT (hébreu : Mît ; Septante : èvoxev-Taûpoç ; Vulgate : lamia). En décrivant la désolation de l’Idumée, Isaïe, xxxiv, 14, dit que « le lilit s’y retire et y trouve sa demeure ». Le mot lilit ne se lit qu’en cet endroit de la Bible, et les anciens traducteurs l’ont rendu par des termes qui n’en déterminent guère le sens. Gese-Jiius, Thésaurus, p. 749, prétend que le lilit, dont le nom

vient de làîl, « nuit, »

est un spectre noc turne, une sorte de

démon femelle, ana logue à la ghula

des Arabes, qui at taque les enfants et

même les hommes

pour sucer leur sang.

Rosenmùller, Scho lia, Jesaise Valici nia, Leipzig, 1793,

t. ir, p. 732, qui

soutient la même

opinion, enregistre

pourtant le senti ment de Dœderleim,

qui voit là un oiseau

de lente allure, Yolis

des anciens, l’ou tarde. Robertson,

Thésaurus linguse

sanctse, Londres,

1680, p. 474, avait

déjà traduit le mot hébreu par strix, « oiseau de nuit. » C’est, en effet, le sens que suggère l’étymologie de lilit ; c’est aussi celui que réclame le contexte. Dans tout ce passage d’Isaïe, xxxiv, 13-15, en effet, l’Idumée est représentée comme un pays devenu sauvage et désert ; seules, les bêtes y habitent. Les versions parlent ici, il est vrai, de dragons, de démons, d’onocentaures, etc., et plusieurs commentateurs anciens et modernes ont pensé que le prophète faisait allusion à des êtres fantastiques appartenant à la mythologie populaire. Mais il est difficile de croire qu’Isaïe ait évoqué l’idée d’êtres purement fabuleux, et de fait, en hébreu, les mots que les versions ont traduits si singulièrement sont des noms de bêtes sauvages ou d’animaux qui habitent les ruines et les déserts : fannîm et Hyyïm, les chacals ; benôt-ya’ânâh, les filles’de l’autruche ; siyyîm, des bêtes du désert, peut-être les hyènes ; ia’ir, le bouc sauvage ; lilit, et ensuite qippôz, la chouette de l’espèce duc, et enfin dayyôt, les vautours. Le lilit qui vient dans l’énumération en tête des oiseaux est très vraisemblablement un oiseau lui-même, et le plus exclusivement nocturne de tous les animaux du genre chouette, le chathuant. Le chat-huant (fig. 221) se distingue des autres rapaces nocturnes par le disque complet de plumes qui entoure ses yeux et par sa grosse tête immédiatement rattachée au corps. Voir Choleïïe.

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521. — Chat-huant.

Il n’a absolument rien de commun avec le chat, le nom de chat-huant n’étant qu’une altération de l’ancien mot français « chavan », qui venait du bas-latin cavannus. Littré, Dictionnaire de la langue française, t. i, p. 575. Le lilit appartient sans doute à l’espèce du Syrnium aluco, commun en Egypte et dans certaines parties de la Palestine. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 196. Cet oiseau a les couleurs plus claires en Syrie que dans nos pays. Il pousse pendant la nuit des cris lugubres et plaintifs. Il caractérise donc bien la désolation

d’une contrée maudite.
H. Lesêtre.

CHASTEIGNER DE LA ROCHEPOZAY Henri Louis, évêque de Poitiers, né à Tivoli, en Italie, le 6 septembre 1577, mort à Dissay, dans le diocèse de Poitiers, le 30 juillet 1651. Il était fils de l’ambassadeur de Henri III à Rome. Il fut destiné de bonne heure à l’état ecclésiastique, et, après avoir été pourvu de plusieurs riches abbayes, devint le coadjuteur de ila r Geoffroy de Saint-Belin, évêque de Poitiers, auquel il succéda en 1612. Il ne recula devant aucune fatigue pour procurer le bien de son diocèse, et, voulant purger le Poitou des erreurs du calvinisme, il y appela un bon nombre de communautés religieuses. Il commenta presque tous les livres de la Sainte Écriture : Remarques françaises sur saint Matthieu, in-4°, Poitiers, 1619 ; Exercitationes in Marcuni, Lucam, Johannem et Acla Apostolorum, in-4°, Poitiers, 1626 ; in Genesim, 1628 ; in Exoduni, in libros Numerorum, Josue et Judicum, 1629 ; in IV libros Regum, 1626 ; in librum Job, 1628 ; in librum Psalmorum, 1643 ; in prophelas majores et minores, in-4, Paris, 1630. Tous ces divers travaux furent réunis en un seul volume, qui fut publié à Poitiers, in-f°, 1640.

— Voir Gallia christiana, t. ii, col. 1206.

B. Heurtebize.

CHASTILLON Sébastien. Voir Castalion.

CHÂTIMENTS. Voir Supplices.

CHATONS de l’éphod. Voir Érncn.

CHAUDIÈRE. Hébreu : dûd, sir, pârûr, kiyyôr, substantifs tirés des verbes dûd, sir, pâ’ar, hûr, qui tous les quatre signifient « bouillir » ; qallahat, de qâlah, « verser. » Le mot sir est celui qu’on rencontre le plus souvent ; les quatre autres se lisent dans un même verset, I Reg., ii, 14 ; dûd se retrouve aussi Job, xli, 11 ; II Par., xxxv, 13 ; pârûr, Nom., xi, 8 ; Jud., vi, 19, et qallahat, Mich., iii, 3 ; Septante : XouttJp, Xéêi) ; , -^oiXxeïov, X’-> T 9 a > Vulgale : lebes, caldaria, olla, cacabus. Dans deux passages, Joël, ii, 6 ; Nah., ii, 10 (hébreu, 11), les versions ont lu pârûr là où le texte massorétique porte actuellement pâ’rûr, « couleur du visage ; » et dans Amos, iv, 2, elles ont traduit le pluriel sirôf par « chaudières », là où convient mieux le sens de « crochets, hameçons », qu’a aussi ce mot.

La Bible parle une vingtaine de fois des chaudières, soit dans le sens propre, soit dans un sens figuré. La signification des cinq mots hébreux qui servent à nommer ces ustensiles est trop générale pour qu’on puisse établir une différence certaine entre les objets qu’ils désignent. Ces objets sont des récipients de terre ou de métal, de forme et de grandeur diverses, destinés à être placés sur le feu pour l’ébullition des liquides et la cuisson des aliments. Ils correspondent à ce que nous appelons chaudière, chaudron, casserole, pot, marmite, etc.

1° Au sens propre. — Au désert, les Hébreux regrettent le temps où, en Egypte, ils étaient « assis auprès des marmites de viandes ». Exod., xvi, 3. Les monuments égyptiens nous ont conservé des dessins de ces marmites (fig. 222). On y voit cuire des viandes tandis que des cuisiniers activent le feu et remuent le contenu des récipients. Les monuments assyriens nous offrent des re

présentations analogues (fig. 223). — Des chaudières de toutes sortes furent fabriquées par Béséléel pour le service du tabernacle, Exod., xxxviii, 3, et plus tard par Hiram pour le service du Temple. III Reg., vii, 40, 45 ; II Par., iv, 11, 16. Ces dernières sont mentionnées sous le règne de Josias, II Par., xxxv, 13, et finalement emportées par les Chaldéens. IV Reg., xxv, 14 ; Jér., lii, 18.

— C’est dans la marmite appelée pârûr que les Hébreux faisaient cuire la manne pour en former des espèces de gâteaux. Num., xi, 8. — Un passage des Juges, vi, 19, nous donne une idée de la manière dont on servait alors un hôte de distinction. Gédéon reçoit la visite de l’ange, qu’il prend pour un étranger. Il fait cuire un chevreau, puis en met la viande dans une corbeille et le jus dans un pârûr pour les offrir au visiteur. — Les victimes offertes au tabernacle étaient mises à cuire dans les quatre vases

comme dans un sîr et comme de la viande dans un qallahat. » Mich., iii, 3. Quand les princes de Jérusalem prétendent demeurer dans la ville avec l’aide des Égyptiens, malgré l’invasion prochaine des Chaldéens, ils disent de Jérusalem : « Voilà la chaudière ; nous, nous sommes la viande, » nous resterons donc dans la ville comme la viande reste dans la chaudière. Le Seigneur leur fait répondre : « La viande » qui restera en place, « ce sont ceux que vous ferez périr au milieu de la ville » par votre résistance présomptueuse ; « la chaudière, la voilà, » en effet, c’est Jérusalem, « mais je vous en chasserai pour vous livrer aux mains des ennemis. » Ezech., xi, 3, 7-11. Le jour où commence le siège de Jérusalem, Ézéchiel, xxiv, 3-6, compare la ville à une marmite dans laquelle cuisent toutes sortes de morceaux de viande et même les os. Mais la marmite est rouillée, et malgré

A. M

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222. — Chaudières dans lesquelles on fait cuire des viandes. Ve dynastie. Ghizéh. D’après Lepsius, DenkmaUr, Abth. ii, Bl. 52.

appelés kiyyôr, dûd, qallahat et parût : Les enfants d’Héli venaient avec des fourchettes à trois dents et enlevaient pour eux ce qu’ils pouvaient saisir. I Reg., ii, 14.

— On chauffait les chaudières avec des broussailles et des branchages. L’Ecclésiaste, vii, G (Vulgate, 7), compare le rire du fou au crépitement des épines sous la chaudière. Le texte contient ici un jeu de mots sur le singulier sîr, qui veut dire « chaudière », et le pluriel sîrîni, qui signifie « épines » : keqôl hassîrbn lahat hassir, « comme le bruit des épines sous la chaudière. » — Dans un temps de famine, du vivant d’Elisée, un serviteur reçoit l’ordre de préparer la nourriture et fait cuire des coloquintes dans un sir. En goûtant de ce mets, les fils des prophètes se mettent à crier : « C’est la mort qui est dans le sir ! » Elisée intervient alors et rend cet aliment inoffensif. IV Reg., iv, 38-41. — Antiochus fait chauffer des chaudières d’airain pour le marlyre des sept frères Mæhabées. II Mach., vii, 3. C’est aussi dans une chaudière d’huile bouillante que l’apôtre saint Jean fut plongé à Rome, et il en sortit plus vigoureux qu’auparavant. Tertullien, De prxscript., xxxvi, t. ii, col. 49 ; S. Jérôme, Cont. Jovin., i, 26, t. xxiii, col. 259. Toutefois la Bible ne mentionne pas ce dernier événement.

2° Au sens figuré. — Dans l’Ecclésiastique, xiii, 3, tm lit cette sentence : « Comment la marmite de terre (x’JTpa, cacabus) s’associera-telle au chaudron ()iSr, ç, olla)’! Celui-ci heurtera, et celle-là sera brisée. » Cette comparaison se retrouve dans Ésope, 329, 295 : Ollse, et elle est devenue le thème d’une fable de La Fontaine, Le pot de terre et le pot de fer, V, n. — Job, xli, 11, 23 (Vulgate, 22), dans sa description du crocodile, dit que la vapeur s’échappe des narines de l’animal comme d’une chaudière, et que, quand il s’enfonce dans l’eau, celle-ci bouillonne comme dans une chaudière. — Les prophètes empruntent à la chaudière des comparaisons très expressives. Jérémie, i, 13, voit une chaudière en ébullition, symbolisant les peuples qui vont fondre du nord sur Jérusalem. Les grands persécutent le peuple, « ils le hachent

l’ébullition la rouille n’a pas disparu. Cette rouille est l’emblème du sang répandu, et la ville de sang périra par le feu. Enfin, pour marquer l’affluence de ceux qui accourront au temple de Jérusalem à l’époque de la grande restauration, par conséquent au temps messianique, Zacharie, XIV, 20, 21, dit que « les marmites qui

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223. — Chaudière assyrienne. Bas-relief de Ninive.

sont dans la maison de Jëhovah serviront de coupes devant l’autel » pour présenter les offrandes, tant celles-ci seront abondantes ; que « tout ce qu’il y a de chaudières à Jérusalem et en Judée sera consacré à Jéhovah » et

qu’on y fera cuire les victimes.
H. Lesêtre.

CHAUDRON. Voir Chaudière.

CHAUFFAGE. Voir Feu.

    1. CHAUME##

CHAUME (hébreu : qânêh, « roseau, tige ; » Septante : m ; 6u.r|V ; Vulgate : culmus), tige des graminées et en particulier des céréales. Le songe du pharaon, Gen., xli,

5, 22, nous montre sept épis pleins sortant d’une mémo tige, qànéh. Le mot qâmàh est traduit une fois dans la Vulgate, Ose., rai, 7, par culmus ; mais il désigne plus précisément la tige avec son épi, et est pris collectivement peur la moisson sur pied, Deut., xvi, 9 ; xxiii, 25 (hébreu, 26) ; IV Reg., xix, 26 ; Is., xvii, 5 ; xxxvii, 27 ; Ose., viii, 7, par opposition à la moisson en gerbe. Exod., xxii, 6 (hébreu, 5) ; Jud., xv, 5. — Saint Paul, I Cor., m, 12, parlant des différentes prédications faites à Corinthe après qu’il eut posé le fondement de cette église, recommande aux prédicateurs de l’Évangile de ne pas construire avec des matériaux fragiles comme le bois, la paille et le chaume (xaXâ|JUi ; Vulgate : stipula), car au

Dans Isaïe, ix, 4 (Vulgate, 5), le mot se’on, qui est traduit dans les Septante par (jto).t|, et dans la Vulgate par violenta preedatio, signifie, selon certains interprètes, le « soulier du soldat », caliga. Gesenius, Thésaurus lingux hebreese, p. 932.

I. Chaussures des Hébreux. — 1° Mentions de la chaussure dans la Bible. — La chaussure est mentionnée dans l’Écriture dès le temps des patriarches. Abraham refuse, en effet, d’accepter du roi de Sodome même une courroie de chaussure, de peur que ce roi ne puisse dire : « J’ai enrichi Abraham. » Gen., xiv, 23. Quand Moïse s’approche du buisson ardent, Dieu lui dit de retirer ses chaussures, parce que ce lieu est saint. Exod., iii, 5 ;

"IMnillll’n…’, , , , ’.".’/// ///7/ //, ., „, , …’f/Â

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uiiiiiiiiiMiiMiiuinii ! i ! lïllll(||iiii’! iiiiiiiV/iVinuNiuVi’ii… ; ’l’V//// ; ^r’i’224. — Israélites portant le tribut à Salmanasar II. Obélisque de Nimroud. D’après le fac-similé du Louvre.

jour de l’épreuve tout serait détruit par le feu. L’Apôtre tire sa comparaison d’une maison bàtio en bois ci en terre pétrie avec de la paille et couverte de chaume.

E. Levesque.

    1. CHAUSSURE##

CHAUSSURE (hébreu : na’al, Deut., xxix, 4 ; Jos., v, 15 ; 1Il Reg., ii, 5, etc. ; grec : ûitôS^ixa, Gen., xiv, 23 ; Exod., iii, 5 ; xii, 11 ; Deut., xxv, 9, etc. ; uav51).iov, Marc, vi, 9 ; Act., xii, 8 ; Vulgate : calceamentum, Deut., xxix, 5 ; Jos., v, 16, etc. ; Matth., iii, 11 ; x, 10 ; Marc, i, 7, etc. ; sandalia, Judith, x, 3 ; xvi, 11 ; Marc, vi, 9). Le mot na’al signifie une chose qui enferme, parce que le pied est enfermé dans la chaussure, à l’aide des courroies qui l’enserrent ; il se dit ordinairement de la sandale ; iiriSï]u.a désigne à proprement parler la semelle qui est placée sous le pied, la sandale ; cepen nt les écrivains grecs de l’époque alexandrine emploient ce mot pour toute espèce de chaussure. Josèphe, Ant. jud., Vꝟ. 1, 8, s’en sert même en parlant de la caliga du soldat romain, qui était un véritable soulier. Le mot trïvSiiiov signifie la sandale proprement dite. Calceamentum est en latin le terme qui s’applique à la chaussure en général, sans indication de forme. Il tire son origine du mot cake, « talon, » parce qu’il est destiné à protéger cette partie du pied. Dans le Deutéronome, xxxiii, 25, les Septante portent ûjiôS/ ; u.a, et la Vulgate calceamentum, tandis que le texte hébreu donne le mot min’àl, qui signifie « verrou » ou « forteresse ».

Act., vii, 33. Josué reçoit l’ordre de faire de même en une circonstance semblable. Jos., v, 15 (Vulgate, 16). Au moment de la sortie d’Egypte, lorsque les Hébreux reçurent l’ordre d’immoler et de manger l’agneau pascal, il leur fut prescrit de faire ce repas en costume de voyageur et les pieds chaussés. Exod., xii, 11. Ce rite fut conservé, par ordre de Dieu, dans la célébration de la Pàque qui avait lieu chaque année. Pour marquer qu’il les protégea pendant leur voyage à travers le désert, Dieu leur rappelle que leurs chaussures ne se sont pas usées sur leurs pieds. Deut., viii, 4 ; xxix, 5. II Esdr., ix, 21. L’Ecclésiastique, xlvi, 22, faisant l’éloge de Samuel, dit qu’il ne reçut aucun présent, pas même des chaussures. L’usage des chaussures nous est encore signalé au temps des rois. Joab fait couler le sang d’Abner et d’Amasa jusque sur les chaussures de ces officiers. III Reg., ii, 5. Quand le roi d’Israël Phacée eut vaincu le roi de Juda Achaz, le prophète Obed défendit, au nom du Seigneur, de garder les soldats de Juda. Les principaux chefs de la tribu d’Éphraïm, obéissant à cet ordre, renvoyèrent les prisonniers, après leur avoir fait donner des vêtements et des chaussures. II Par., xxviii, 15. Quand Judith va trouver Holopherne, les sandales sont mentionnées parmi les objets dont elle se pare Judith, x, 3. — Dans le Nouveau Testament, les chaussTires sont plusieurs lois nommées. Saint Jean-Baptiste, pour marquer son rôle de serviteur à l’égard du Sauveur, dit qu’il n’est pas digne de dénouer

la courroie dé ses chaussures, Marc, i, 7 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 27 ; Act., xiii, 25, ou de les porler. Matth., iii, 11. Notre-Seigneur, quand il envoie ses disciples prêcher, leur ordonne, pour montrer leur confiance en la Providence, de ne pas porter de chaussures, Matth., x, 10 ; Luc, x, 4 ; xxii, 35 ; ce qui veut dire qu’ils ne doivent pas avoir dans leur besace de chaussures de rechange, et qu’ils doivent se contenter des sandales qu’ils portent aux pieds. Marc, vi, 9. L’enfant prodigue, quand il rentre repentant à la maison paternelle, reçoit de son père des vêtements et des chaussures. Luc, xv, 22. Enfin quand l’ange délivre saint Pierre de sa prison, il lui commande de mettre ses sandales. Act., xii, 8.

2° Forme des chaussures chez les Juifs. — La Bible ne donne pas de descriptions des chaussures dont se servaient les Juifs, mais les expressions qu’elle emploie supposent que ces chaussures ressemblaient à celles des peuples voisins. Il est question, en effet, de courroies (hébreu : serôk ; grec : îjià ;  ; Vulgate : corrlgia), comme celles qui attachaient les chaussures des Égyptiens, des Assyriens, des Grecs et des Romains. Gen., xiv, 23. La forme la plus ancienne et celle qui demeura la plus commune jusqu’à la fin, ce furent les sandales, c’est-à-dire de simples semelles protégeant le dessous du pied contre l’humidité en hiver, contre le sol brûlant et les pierres en été. Ces semelles étaient maintenues par les courroies dont nous venons de parler. Nous trouvons une preuve de l’emploi de cette forme de chaussure dans l’usage de laver les pieds des voyageurs dès qu’ils arrivaient dans une tente ou dans une maison. Abraham et Lot offrent de quoi se laver les pieds aux anges qu’ils prennent pour des voyageurs. Gen., xviii, 4 ; xix, 2 ; cf. xxiv, 32 ; xliii, 21, etc. Voir Bain, t. i, col. 1388. — Le seul monument ancien qui représente des Israélites chaussés est l’obélisque de Nimroud, conservé actuellement au British Muséum (fig. 224). On y voit les envoyés du roi d’Israël Jéhu apportant un tribut à Salmanasar II. Aux pieds des Assyriens apparaissent très nettement des sandales. Il est, par contre, assez difficile de distinguer quelle sorte de chaussure portent les Israélites. Cependant, comme ni les doigts de pieds ni les courroies ne sont visibles, et que, d’autre part, l’extrémité de la chaussure a une forme pointue et est relevée, il est clair que le sculpteur a voulu figurer des souliers ou des babouches et non des sandales. G. Rawlinson, The five great monarchies in the Eastern world, 4e édit., in-8°, Londres, 1879, t. ii, p. 105 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., in-8°, Paris, 1885, t. iv, p. 190-191.

3° Matières dont étaient faites les chaussures. — Le Talmud nous apprend qu’on se servait, pour confectionner les chaussures, de peau, d’étoffes ou de bois, Mischna, Yebam., xii, 1-2, et qu’elles étaient même parfois ferrées. Ibid., Sabb., vi, 2. — Ces matières ayant une médiocre valeur, les chaussures étaient considérées comme des objets de peu de prix. Eccli., xlvi, 22. C’est pourquoi Amos, ii, 6 ; viii, 6, prophétisant contre les royaumes d’Israël et de Juda, reproche à leurs rois d’avoir vendu ou acheté le pauvre pour une paire de chaussures.

4° Chaussures des femmes. — Il y avait cependant des chaussures de luxe faites de peaux teintes en couleurs brillantes, mais elles étaient à l’usage des femmes. Le prophète Ézéchiel, montrant la bonté de Dieu à l’égard de Jérusalem, compare cette ville à une femme revêtue par le Seigneur des plus belles parures. Ses chaussures sont faites de la peau du tahaS, c’est-à-dire du dugong (Septante : îàvBivo ;  ; Vulgate : ianthinus, « violet » ). Ezech., xvi, 10. Voir Dugong. Les sandales de Judith étaient richement ornées, puisqu’elles charmèrent les yeux d’Holopherne. Judith, xvi, 11. L’époux du Cantique énumère les chaussures parmi les ornements de l’épouse. Cant., vu, 1. Dans Isaïe, iii, 16, 18, les mots tife’érét hâ’âkâsini, que les Septante traduisent par 86 ?av xoû î|iaTiff|i.oO, et la Vulgate par ornamenta calceamentorum, désignent peut être les anneaux que les femmes portaient aux doigts des pieds. S. Jérôme, in Isaiam, iii, 18, t. xxiv, col. 69 ; S. Basile, in Isaiam, 125, t. XXX, col. 320-321.

5° Usages relatifs à l’emploi de la chaussure. — 1. La fragilité des chaussures et la difficulté de trouver des cordonniers pour les réparer faisaient que les Juifs portaient quelquefois avec eux en voyage une paire de sandales de rechange dans leur besace. Notre-Seigneur fait allusion à cet usage quand il recommande à ses disciples, pour montrer leur confiance en la Providence, de ne pas porter de chaussures, Matth., x, 10 ; Luc, x, 4 ; xxii, 35 ; cette recommandation ne signifie pas qu’ils doivent marcher nu-pieds. Marc, vi, 9. — 2. Retirer sa chaussure était chez les Juifs une marque de respect, c’est pour cela que Dieu ordonne à Moïse et à Josué de se déchausser dans les passages cités plus haut. David marche également nu-pieds devant l’arche. II Reg., xv, 30. Pour la même raison les prêtres remplissaient leurs fonctions

225. — Sandales modernes. D’après J. Benziger, Eebrdische Archdologie, 1894, p. 104.

dans le Temple nu-pieds. Théodoret, ad Exodum, quest. 7, t. lxxx, col. 230. Le Talmud dit même qu’il était interdit à tout Israélite d’entrer dans le Temple sans retirer sa chaussure. Mischna, Berach., ix, 5. Celte forme de respect n’est pas particulière aux Juifs. Les Samaritains montaient pieds nus sur le mont Garizim. Ed. Robinson, Biblical researches, in 8°, Londres, 1867, t. ii, p. 378. — A Rome, les prêtres de Cybèle célébraient leur culte nupieds. Prudence, Peristephanon, x, 154, t. lx, col. 457. Il en était de même des prêtres d’Isis, dans le sanctuaire de leur divinité. "W. Helbig, Vie Wandgemàlde Campaniens, in-4°, Leipzig, 1868, fig. 11Il et 1112. Chez les Romains certaines fêtes en l’honneur des dieux portaient même le nom de nudipedalia. Tertullien, Apol., 40, 1. 1, col. 487. Les musulmans, quand ils entrent dans une mosquée, retirent leurs chaussures ; les Mésopotamiens en font autant près des tombeaux de leurs saints. Layard, Nineveh and ist remains, t. i, p. 282. Les prisonniers étaient également déchaussés en signe d’humiliation. II Par., xxviii, 15. Ainsi sont représentés les Juifs emmenés captifs par Sennachérib, après la prise de Lachis. Voir t. ii, fig. 73, col. 225-226. C’est pourquoi Dieu ordonne au prophète Isaïe de se déchausser pour figurer la captivité dans laquelle vont tomber les Juifs. Is., xx, 2, 4. Pour indiquer l’action de retirer sa chaussure, le texte hébreu emploie les mots nasal, Exod., iii, 5 ; Jos., v, 15 ; hâlas, Deut., xxv, 10 ; Is., xx, 2, et salaf, Ruth, iv, 7, 8. Le passage où saint Jean nous montre Marie oignant les pieds de Jésus, pendant qu’il est à table chez Lazare, suppose que les Juifs, comme les autres peuples de l’antiquité, avaient l’habitude de retirer leurs chaussures en cette circonstance. Joa., xii, 3. II est même à supposer qu’il ne les gardaient jamais à l’intérieur de leurs maisons. Les Juifs retiraient parfois leurs chaussures pour courir plus vite, comme le font en tous pays les personnes

qui portent des chaussures qui n’enserrent pas solidement le pied ou dont les semelles sont lourdes. C’est pourquoi Jérémie, ii, 25, avertit le peuple de ne pas retirer sa chaussure pour courir plus vite après les idoles. 6° Chaussures modernes des habitants de la Palestine.

— Les habitants de la Palestine ont conservé l’usage de chaussures qui doivent ressembler beaucoup à celles que portaient les Israélites. Ce sont souvent des sandales de cuir ou de bois (fig. 225) liées au cou-de-pied par une courroie et munies à l’extrémité d’une autre courroie par laquelle

226. — Sandales attachées au pied. D’après J. Benziger, nebrdische Archaologie, 1894, p. 104.

passe le gros orteil (fig.’226). D’autres fois la courroie du cou-de-pied est rattachée à l’extrémité de la sandale par un cordon qui est passé entre les orteils. C. Niebulir, Beschreibung von Arabien, in-8°, Hanovre, 1772, p. 64, pi. ii, lig. E. G. D’autres fois ils portent des chaussures

K7. — Chaussures modernes en Palestine. D’après Benziger, IHblische Archaologie, 1894, p. 106.

grossièrement faites de peau cousue ou collée. Cf. C. Niebulir, Reisen in Arabien, in-8°, Hanovre, 1774-1778, t. ii, p. 108. Plusieurs ont adopté les babouches turques ou des bottines relevées à l’extrémité (fig. 227), dans le genre des chaussures que portent les envoyés de Jéhu.

II. Chaussures des peuples étrangers. — Tant qu’ils vécurent au milieu des populations étrangères, les Juifs portèrent sans doute les chaussures en usage chez ces

peuples. Moïse et le peuple entier, quand ils sortirent d’Egypte, avaient aux pieds des sandales égyptiennes. De même les Juifs à Ninive et à Babylone portèrent des chaussures assyriennes et babyloniennes, des chaussures perses à Suse et à Ecbatane, et adoptèrent les chaussures grecques et romaines sous la domination des Séleucides et des Césars.

1° Chaussures égyptiennes. — Les Égyptiens marchaient souvent pieds nus, cependant l’usage des sandales (fig. 228) était fréquent dans la classe moyenne. Les rois, les

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228. — Sandales égyptiennes. Musée Gfuimet.

personnes d’un rang élevé et les femmes en portaient de richement ornées. Elles apparaissent sur les monuments à partir de la Ve dynastie. Leur forme varie peu. Elles consistaient en une simple semelle fixée au pied par une lanière passant entre le gros orteil et les autres doigts, et attachée à une bande qui serrait le cou-de-pied et était fixée des deux côtés à la semelle (fig. 229). Celles des gens de la classe supérieure et des femmes sont relevées à l’extrémité. G. Wilkinson, The manners and customs of theancient Egyptians, t. ii, p. 335, fig. 443, n° 7 ; p. 336, fig. 444, n° 1 ; F. Lenormant, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 9e édit., t. ii, p. 159, 227, 321 ; t. iii,

229.

Sandale égyptienne. Thèbes. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. m. Bl. 1.

p. 8, 25, 26, 171, 194 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, in-4°, 1895, t. i, p. 269, 273, etc. Quelques-unes avaient l’extrémité pointue, . G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 335, fig. 443, n os 5, 6 ; d’autres l’avaient arrondie. Elles étaient faites d’une sorte de tresse de feuilles de palmier ou de papyrus, on en voit aussi en paille tressée ou en cuir, sandales de peau blanche, sandales de peau noire, dit-on dans les textes. G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 335, fig. 443, n 88 5, 6 ; p. 336, fig. 444, n" 2 ; F. Lenormant, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. ii, p. 75. Parfois elles étaient revêtues d’une doublure sur laquelle on peignait un ennemi captif, foulé ainsi aux pieds par le vainqueur. Quelquefois on y lit cette inscription : « Tes ennemis sont sous tes sandales » (fig. 230 ; . G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 336, fig. 444, n° 3. Les prêtres dans l’exercice de leurs fonctions sacrées, et les sujets en présence du roi, reliraient leurs sandales en signe de respect. Silius 037

CHAUSSURE

G38

Italicus, iii, 28. On a trouvé dans quelques tombeaux de Thèbes des chaussures ressemblant à des pantoufles, G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 335, fig. 443, n os 1-4 ; mais elles appartiennent à l’époque des Ptolémées. Sur les monuments égyptiens, ce sont les étrangers qui portent des chaussures de ce genre. Les

230. — Semelles égyptiennes. D’après un papyrus de la Bibliothèque nationale.

Égyptiens sont nu-pieds ou portent des sandales. G.Wilkinson, The manners, t. ii, p. 335-337. Cependant une stèle représente le roi Menepthah et deux autres personnages chaussés de sortes de souliers. F. Lenormant, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. ii, p. 291. Les sandales figurent de tout temps dans le mobilier des morts. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 57. Plusieurs monuments représentent des cordonniers égyptiens, ainsi

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231. — Sandales assyriennes. Musée du Louvre.

que leurs instruments de travail. Voir t. i, fig. 87, col. 343. Cf. G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 187, fig. 394 ; p. 188, fig. 395 ; F. Lenormant, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. ii, p. 291 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 313.

2° Chaussures des peuples de Chanaan. — Les peuples du pays de Chanaan portaient des chaussures. Nous le voyons à la ruse dont se servent les Gabaonites pour obtenir d’être épargnés par Josué. Afin de faire croire au successeur de Moïse qu’ils venaient de très loin, ils se présentèrent à lui avec des chaussures raccommodées, et lui dirent qu’ils les avaient usées par la longueur de la route. Jos., ix, 5, 13.

3° Chaussures des Assyriens et des Babyloniens. — Daniel, iii, 21, raconte que les trois jeunes Israélites, Sidrac, Misach et Abdénago, furent jetés dans la fournaise par ordre de Nabuchodonosor, avec leurs vêtements et leurs chaussures. Ces jeunes gens étaient habillés à la

mode babylonienne, ils portaient donc la chaussure en usage à Babylone. Les monuments assyriens nous font connaître les chaussures que portaient le roi, la reine, les principaux officiers et les soldats. Les chaussures des rois et des officiers royaux sont tantôt des sandales, tantôt des espèces de chaussons. La forme la plus simple de la sandale, telle que nous la rencontrons au temps de Sargon, consiste dans une mince semelle avec une enveloppe protégeant le talon. Cette enveloppe est représentée sur les monuments de Khorsabad comme formée de lanières cousues ensemble et alternativement rouges et bleues. Souvent la sandale entière est rouge. Elle était maintenue par une courroie passée au-dessus du gros orteil et par un cordon lacé en avant et en arrière à travers le cou-depied (fig. 231). G. Rawlinson, The five great monarchies of the ancient Eastern world, 4e édit.,

Londres, 1875, t. i, p. 468, 486, 502 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. iv, p. 197, 206, 249, 2C8, 281, 285, 207, 299, etc. ; t. v, p. 16, 33, 40. Botta a vu des sandales du

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232. — Bottine assyrienne.

D’après Botta, Monumentde Ninive^

t. ii, pi. 108.

233. — Sandale grecque. Hermès de Praxitèle. D’après le fac-similé du Musée du Trocadéro.

même genre aux pieds des habitants actuels de la Mésopotamie. Botta, Monument de Ninive, t. v, p. 85. Une autre forme de sandale qu’on voit sur les monuments.

Vase grec en forme de crépidc. Musée du Louvre.

d’Assurnasirpal se distingue de la première par une semelle beaucoup plus épaisse vers le talon. L’enveloppe qui protège le talon défend aussi les deux côtés du pied, les orteils et le cou-de-pied sont seuls à découvert. Des lanières qui partent de chaque côté de la semelle, près des orteils, s’entre - croisent au - dessus du pied en pas

sant par des anneaux attachés à l’enveloppe de peau et sont probablement fixées par une boucle. G. Rawlinson, The five great monarchies, t. i, p. 488, 500 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. iv, p. 432, 433 ; t. v, p. 48. Enfin les derniers rois portent une sorte de chausson de peau, arrondi au bout du pied, orné de rosettes ou de croissants et de rosettes. Tels sont les souliers que porte Sennachérib. G. Rawlinson, The five great monarchies, , ., p. 488, 500 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. v, p. 42. Les souliers de la reine sont du même genre. G. Rawlinson, ibid., p. 493. Les soldats, cavaliers et fantassins, portaient des bottines lacées par devant (fig. 232). Ces bottines étaient en peau et sans semelles. Celles des cavaliers montaient plus haut que celles des fantassins ; elles atteignaient par derrière le milieu du mollet, et dépassaient même cette hauteur par devant. G. Rawlinson, The five great monarchies, t. i, p. 425-428 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. v, p. 57. Les fantassins portèrent d’abord

238.

wi.Mt ( »

Chaussure romaine. Musée du Louvre.

la simple sandale, G. Rawlinson, ibid., p. 429, 431, 432 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. iv, p. 201 ; puis ils furent chaussés d’une bottine de même forme que celle des cavaliers, mais un peu moins haute. Ibid., p. 434, 435, 438, 446, 475, 478, 480, 517, 540 ; F. Lenormant, Histoire ancienne, t. iv, p. 183, 222, 225, 305, 323, etc. Les rois à la chasse et en guerre portaient la bottine militaire. Ibid., p. 506, 507. On trouve sur des monuments des personnages de rang inférieur, des musiciens, par exemple, chaussés, suivant les époques, de sandales, ibid., p. 529, 530, ou de chaussons. Ibid., p. 533, 543.

4° Chaussures des Mèdes et des Perses. — Les Mèdes portaient des souliers ouverts par devant et attachés à gauche sur le dessus du pied par des boutons. G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 316. Les souliers des Perses étaient fermés et maintenus au pied par un cordon qui les serrait en haut. Ibid., t. ii, p. 172, 174, 224, 233.

5° Chaussures des Grecs. — Les chaussures portées par les Grecs peuvent se diviser en deux classes principales, les sandales et les souliers. Les sandales portaient ie nom générique d’-J7to8ru.aTa. C’étaient, à proprement parler, de simples semelles attachées par des lanières <ju des cordons qui s’entrecroisaient (fig. 233). Homère, Odyss., xv, 369 ; Hérodote, i, 195, etc. Cependant ce mot désigne quelquelois des souliers qui enveloppent tout le pied. Aristophane, Plutus, 983. La aav8àÀ.iov ou adtvSocXov est une première transition vers le soulier. À son extrémité est fixée une bande de peau appelée Ç-jyéç ou Çuyév, dans laquelle passent les orteils. Aristophane, Lysistrata, 416, et le scholiaste, ad loc. La crépide, xpr^îç, consiste dans

une forte semelle de cuir souvent munie d’une empeigne qui garantit le talon, et dans laquelle sont pratiqués des œillets destinés à des liens de cuir qui couvrent le dessus du pied et qui se nouent sur la cheville ou même plus haut. Les vases grecs nous montrent que les formes des sandales grecques variaient beaucoup dans le détail. Nous donnons ici (fig. 234) un exemple de sandales qui tiennent le milieu entre le uotvSiXiov et la xpr, * !  ; , d’après un vase du Ve siècle. Monumenti delV Inst. archeol., 1830, pi. xxv. On voit aussi sur les monuments de véritables souliers fermés par des boutons, Millin, Peintures de vases, t. ii, pi. 8, ou des bottines lacées. Millin, ibid., pi. 69. Les femmes portaient aussi des souliers ornés et noués par des rubans. Millingen, Peintures de vases, pi. 69.

6° Chaussures des Romains. — Chez les Romains les sandales à lacets (sandalia, solex), les pantoulles sans lacets (socci), les chaussures grecques dites crepidse.

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230. — Autre chaussure romaine. Musée du Louvre.

étaient en usage dans la vie ordinaire ; mais la véritable chaussure romaine était le calceus, qui était l’insigne du citoyen au même titre que la toge. C’était une chaussure montante et fermée analogue à nos souliers. Clarac, Musée de sculpture, t. iii, pi. 277, n° 2315. Les sénateurs et les patriciens portaient un calceus particulier appelé calceus senatorius ou calceus patricius. Clarac, ibid., pi. 277, n° 2373. La chaussure des soldats romains portait le nom de caliga. La caliga consistait en une forte semelle ferrée de clous, à laquelle étaient attachées des lanières de cuir qui formaient un réseau autour du talon et du pied. Les doigts restaient à découvert (fig. 235, 236).

III. Symbolisme de la chaussure. — La chaussure jouait un rôle symbolique dans plusieurs actes légaux. Quand le beau-frère d’une veuve refusait de l’épouser, ainsi que le demandait la loi, celle-ci s’approchait de lui devant les anciens et lui arrachait la chaussure du pied en prononçant ces paroles : « C’est ainsi qu’on agira à l’égard de l’homme qui ne soutiendra pas la famille de son frère. » Dès lors la maison de cet homme s’appelait la maison du « déchaussé ». Deut., xxv, 10. De même quand une personne renonçait au droit de retrait lignager, c’est-à-dire au droit de racheter un bien de famille mis en vente, cette renonciation se faisait en donnant sa chaussure à celui à qui on cédait ce droit. Le livre de Ruth, iv, 7-8, nous fait connaître cette coutume. Noémi, bellemère de Ruth, avait mis en vente un champ qui lui venait de son mari. Rooz, un des parents du mari, est averti par Ruth, belle-fille de Noémi. Mais Rooz, qui n’a le droit de retrait qu’en seconde ligne, doit d’abord obtenir

la renonciation de celui qui possède ce droit avant lui. Il obtient cette renonciation. « Or, dit le texte sacré, c’était une ancienne coutume en Israël, qu’en cas de droit de retrait lignager et de subrogation, pour confirmer la chose, l’homme retirait sa chaussure et la donnait à son parent, et c’était là un témoignage en Israël. Quand donc celui qui avait le droit de retrait lignager eut dit à Booz : Acquiers pour toi, il retira sa chaussure. Et Booz dit aux anciens et à tout le peuple : Vous êtes aujourd’hui témoins que j’ai acquis tout ce qui appartenait à Élimélech. » — Dans les Psaumes lix (hébreu, lx), 10, et cvn (hébreu, cviii), 10, Dieu dit qu’il jette sa chaussure sur Édom. Les commentateurs ont interprété diversement ce passage. Les uns y ont vu un signe de mépris, les autres une prise de possession du territoire. — Dans saint Paul, Ephes., vi, 15, les chaussures, qui font partie de l’armement du chrétien, symbolisent la fermeté dans la marche, le zèle, la promptitude et la générosité.

IV. Bibliographie. — Bynseus, De calceis Hebrseorum, in-8°, Dordrecht, 1715 ; Weiss, Kostumkùnde, in-8°, Stuttgart, 1860, t. i, p. 128-204 ; G. Wilkinson, The manners and customs of the ancient Egyptians, 2e édit., t. ii, p. 335-337 ; A. Frauberger, Antihe und frûhmittelalteiiichte Fussbekleidenigen aus Achmin-Panopolis, Dusseldorfꝟ. 1890 ; A. Baumeister, Denkmâler des klassichen Altertums, t. i, p. 574-570 ; W. Becker-Gôll, Charikles, in-18, Berlin, 1878, t. iii, p. 207-277 ; Gallus, in-18, Berlin, 1883, t. iii, p. 227-230 ; Gùhl etKôner, £a vie privée des anciens, trad. franc., in-8°, Paris, 1885, t. i, p. 248-250 ; t. ii, p. 322-323. E. Beurlier.

    1. CHAUVE -SOURIS##

CHAUVE -SOURIS (hébreu : ’atallêf ; Septante : vOxTuipi ;  ; Vulgate : vespertilio, noctua). La chauvesouris (fig. 237) est un petit mammifère de l’ordre des chéiroptères, ou animaux à « mains ailées ». Ce nom rappelle la particularité la plus caractéristique de la chauvesouris. Chez cet animal, les quatre derniers doigts de

^-.r *£

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237. — Chauve - soui-13.

la main sont très allongés et reliés ensemble par une membrane, qui s’étend tout autour de la partie inférieure du corps et enveloppe presque complètement les pattes de derrière. Cette membrane remplit l’office de véritables ailes. Aussi la chauve-souris se traîne-t-elle à terre assez difficilement. Elle est surtout organisée pour voler. Il n’est donc pas étonnant que Moïse, voulant la proscrire de l’alimentation, l’ait rangée parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 19 ; Deut., xiv, 18. À première vue, la chauve-souris paraît être, en effet, une sorte d’oiseau, et Moïse eût singulièrement étonné ses contemporains, s’il eût placé cet animal qui vole en compagnie des quadrupèdes. Il a parlé ici conformément au langage populaire, sans s’inquiéter d’aucune classification scientifique. La chauvesouris a le pelage très fin. Le sens du toucher est extrêmement développé chez elle. Pendant le jour, elle se confine dans les cavernes, les ruines et les réduits obscurs. Elle n’en sort que le soir au crépuscule, ou le matin aux premières lueurs de l’aube, pour chercher sa nourriture. On la voit alors se précipiter au dehors, voler

circulairement dans l’air ou raser la surface des eaux, pour se saisir des insectes nocturnes, comme fait l’hirondelle des insectes du jour. C’est un animal hibernant, qui reste engourdi pendant tout l’hiver et subsiste alors aux dépens de sa propre graisse. Aux environs de la mer Morte cependant, la chaleur se maintient à un tel degré, que la chauvesouris reste active toute l’année. Dans les retraites où il habite, l’animal se suspend aux parois par les pattes postérieures, munies d’ailleurs d’ongles solides et recourbés, et il demeure ainsi la tête en bas et les ailes repliées. Parfois les chauves-souris sont ainsi suspendues les unes au-dessus des autres en nombre incroyable et forment une masse compacte. En Orient, il n’est pas rare de les voir élire domicile dans les maisons habitées, et se suspendre aux voûtes des caves ou même au plafond des chambres obscures, sans souci du mouvement qui se produit autour d’elles. On en trouve des quantités énormes dans les tombeaux et les monuments d’Egypte. En Palestine, les carrières royales de Jérusalem en abritent de telles légions, qu’on n’y peut pénétrer sans que les torches soient bientôt éteintes par l’agitation de leurs ailes. Toutes les cavernes qui avoisinent la mer Morte, le Jourdain et le lac de Génésareth, en sont peuplées. Les chauves-souris sont donc les hôtes des endroits ténébreux et en général inhabitables. C’est pourquoi Isaïe, ii, 20, dit qu’un jour on jettera les idoles d’or et d’argent « dans les creux des rats et des chauvessouris » (texte hébreu), c’est-à-dire dans des endroits où personne n’aura l’idée, de venir les chercher. Baruch, vi, 21, parle aussi de chauves-souris voltigeant autour des idoles, pour marquer l’abandon et le délabrement dans lesquels ces idoles sont laissées.

Il existe en Palestine plusieurs espèces de chauvessouris. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 25 ; The natural liistory of Uie Bible, Londres, 1889, p. 40, en compte quatorze espèces. Il cite spécialement le Vesperugo kuhlii, aux environs de Jérusalem ; le Rhinopoma microphyllum, autour de la mer Morte et dans la vallée du Jourdain ; le Taphozous nudiventris et le Plecotus auritus, en Galilée et autour du lac de Génésareth ; le Xantharpia segyptiaca, dans les régions boisées, et enfin le Rhinolophus ferrum-equinum, le Rhinolophus clivosus et le Vespertilio murinus.

H. Lesêtre.
    1. CHAUX##

CHAUX (hébreu : sid ; Septante : xovîoc ; Vulgate : calx), oxyde de calcium obtenu par la calcination des calcaires. Le produit de cette opération est la chaux vive, qui une fois saturée d’eau devient de la chaux éteinte et fournit une matière très divisée et très blanche, dont on s’est servi dans tous les temps pour enduire les murs. Isaïe, xxxiii, 12, fait allusion à la calcination du calcaire dans les fours à chaux, lorsque, prédisant le désastre de Sennachérib, il dit que les peuples ennemis seront « comme des incendies de sid », par conséquent dévorés par le feu de la colère divine. Amos, ii, 1, accuse les Moabites d’avoir « brûlé par la sîd », comme s’ils étaient des pierres a chaux, les os du roi d’Idumée, exerçant ainsi une vengeance sauvage jusqu’au delà du tombeau. — Moïse ordonne de blanchir à la chaux les stèles sur lesquelles les Israélites écriront les paroles de la Loi, après le passage du Jourdain, et de dresser ensuite ces stèles sur le mont Hébal. Deut., xxvii, 2, 4. Le texte de la Vulgate dit : « Tu les enduiras de chaux afin que tu puisses écrire dessus, » ce qui donnerait à supposer une écriture tracée à la couleur sur un fond blanc. Mais dans l’hébreu on lit : « Tu les enduiras de chaux, et tu écriras sur elles. » Des stèles destinées à être dressées en plein air ne peuvent recevoir d’inscriptions à la détrempe, à moins qu’on ne veuille que ces inscriptions soient rapidement effacées par les intempéries. Or l’intention évidente de Moïse est que ces inscriptions du mont Hébal soient durables. Par conséquent elles seront gravées dans la pierre, et la stèle sera ensuite blanchie. Le ꝟ. 4 le dit formel II. - 21 G43

CHAUX

CHEF

644

lement : « Vous dresserez les pierres que je vous prescris aujourd’hui sur le mont Hébal, et vous les enduirez de chaux. » On doit les blanchir pour attirer l’attention du passant, qui en apercevant la stèle éclatante la distinguera facilement des rochers ordinaires du pays et viendra lire l’inscription. — Pour une raison analogue, au dernier mois de l’année, en Adar, les Juifs blanchissaient à la chaux l’extérieur des tombeaux. Les pèlerins, si nombreux aux solennités de la Pâque, qui tombait le mois suivant, étaient ainsi avertis par la couleur blanche de ne pas approcher des sépulcres, dont le contact produisait une souillure légale. Matth., xxiii, 27 ; Jerus. Maasar Scheai, v ; Shekalin, i, 1, traduct. Schwab, t. iii, 1879, p. 246-247 ; t. v, 1882, p. 259. Voir Enduit, col. 1783.

H. Lesêtre.

1. CHAYIM ou Hayyîm Joseph David Asulaï benSerachia, rabbin, né à Jérusalem en 1726, passa la plus grande partie de sa vie à Livourne et y mourut le 21 mars 1807. Il a laissé, outre une célèbre bibliographie des auteurs juifs, ëêm haggedôlim, « Le nom des grands, » plusieurs ouvrages d’exégèse : un commentaire sur le livre de Ruth, Simhap hârégél’al Rûp, « Joie de la fête, sur Ruth, s in-4°, Livourne, 1782 ; un commentaire sur Esther, Simhat hârégél’al’Esfêr, « Joie de la fête, sur Esther, » in-4°, Livourne, 1782 ; des remarques sur le Pentateuque avec des notes tirées des anciens auteurs, Penê David, « Face de David, » in-f°, Livourne, 1792 ; un commentaire sur le Pentateuque, Nahal Qedûmîm, « Torrent de Qedumîm, » Jud., v, 21, in-4°, Livourne, 1800 ; un commentaire sur les cinq Megillôt (Cantique, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther) ; Nahal’eskôl, « Torrent d’Eskol, » in-f°, Livourne, 1808 ; un commentaire sur les Psaumes, Yôséf lehillôt, « Multipliant les louanges, » in-4°, Livourne, 1801. E. Levesque.

2. CHAYIM ben Josua. Voir Hurwitz Chayim.

3. CHAYIM ibn Athar. Voir Athar 2.

    1. CHAZZEKÛNI##

CHAZZEKÛNI, surnom de Chiskia ben Manoach. Voir Chiskia ben Manoach.

    1. CHEBBON##

CHEBBON (hébreu : Kabbôn ; Septante : Xaêpà ; on lit Xaêëûv, Xagiiv, dans plusieurs manuscrits), ville de la tribu de Juda, mentionnée entre Églon et Leheman. Jos., xv, 40. Elle fait partie du second groupe des cités de « la plaine » ou de la Séphéla, et est peut-être identique à Machbéna (hébreu : Makbênâ") de I Par., Il, 49. Le nom et la place qu’elle occupe dans rénumération de Josué répondent suffisamment à une localité actuelle, El-Qoubêibéh, située au sud-ouest de Beit-Djibrin, et qui se trouve précisément entre Khirbet Adjlân (Églon) et Khirbet el-Lahm (Leheman). Voir la carte de la tribu de Juda. Cette colline semble avoir été jadis comme place forte la clef des montagnes de Juda. Cf. Van de Velde, Reise durch Syrien und Palàstina, Leipzig, 1855, t. ii, p. 156 ; Rôbinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 50, 51. Les deux voyageurs ne signalent rien de particulier et ne font aucune allusion à la cité biblique. L’identification, admise par Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 131, et d’autres, paraît cependant acceptable. Cette localité est distincte du village plus connu, El-Qoubéibéh, situé au nord-ouest de Jérusalem, et que plusieurs regardent comme l’Emmaùs

de l’Évangile.
A. Legendre.
    1. CHÉBRON##

CHÉBRON (Xegpwv), orthographe, dans I Mach., v, 65, du nom de la ville d’Hébron. Voir Hébron.

1. CHEF. Terme générique, d’une signification peu déterminée, par lequel sont désignés dans l’Écriture tous ceux qui à un titre quelconque exercent l’autorité.

1. Dans l’Ancien Testament. — Le peuple hébreu était

divisé en tribus. Nous trouvons : 1° les chefs de tribus, en hébreu : neèi’im ; Vulgate : principes, duces, Gen., xxv, 16 ; Num., vii, 11, etc., ou ra’sim, principes, caput,

I Reg., xv, 17, etc., constitués pour gouverner une portion du peuple. Ils remplissaient particulièrement les fonctions de juges, quelquefois de commandants militaires. Nous les voyons, Jos., ix, 15, former avec Josué un conseil suprême pour dicter à l’ennemi les conditions de la paix. — Les tribus se subdivisaient en familles, d’où

2° Chefs de famille, ra’Sê’abôt, principes familiarum, titre donné aux principaux ancêtres d’une famille, Exod., vi, 14, 25, etc., par le nom desquels on désignait leurs descendants, par exemple : les fils de Phinées, les fils d’Ithamar, etc. I Esdr., viii, 1-14 ; cf. II Esdr., vii, 70-71 ; viii, 13, etc. — La distinction du peuple hébreu en tribus et en familles remonte à l’origine même de la nation. — À partir de l’établissement de la royauté, l’organisation de l’armée et du service religieux du Temple donna naissance à de nouvelles dignités.

3° Chef s de l’armée, officiers, désignés ordinairement par l’hébreu sârîm, auquel s’ajoute quelquefois une détermination plus spéciale : èar’asérét, « chef de dix » (Vulgate : decani), Éxod., xviii, 21 ; Sar hamissim, « chef de cinquante, » Septante : it£VTT)xdvT « px 01 : j quinquagenarium principem, IV Reg., i, 9 ; Is., iii, 3 ; idrê mê’ôt, « chefs de cent, » centuriones, Deut., i, 15 ; Sar’ëlëf, « chef de mille, » tribunum super mille viros, I Sam. (I Reg.), xviii, 13 ; I Par., xv, 25 ; èar has-sàbà’, « chef de l’armée, » Septante : àp-/[aTâpTïiyo ;  ; Vulgate : princeps exercilus, Gen., xxi, 22 ; èar sebâ’, Vulgate : magister militise, I Reg., xii, 9 ; sar hat-tabbâl.nm, « chef des satellites, » Septante : àf/’M-^Y^’P ? i Vulgate : magister militum, Gen., xxxvii, 36 ; xxxix, 1 ; xli, 10 ; Jer., xl, 1 ; ou simplement sar, « chef, » qui se dit indistinctement d’un chef de milice. Num, xxi, 18 ; IV Reg., ix, 5 ; II Par., xxxii, 21 ; Job, xxxix, 25 ; Is., xxi, 5 ; xxxi, 9. Dans le Nouveau Testament, le chef d’armée est appelé ^Aî-xp/o{, qui d’après l’étymologie désignerait un chef établi sur mille soldats. Il est employé pour signifier indistinctement tout chef militaire. Marc, vi, 21 ; Joa., xviii, 12 ; Act., xxi, 31-37 ; xxv, 23. — Parmi les chefs sont à signaler spécialement les chefs appelés en hébreu rôs hasâlisi, ou mieux sâlisim, titre donné à Jesbaam l’Achamonite, l’un des plus braves guerriers de David, II Reg., xxm, 8 ; I Par., xi, 11 ; à Abisaï, II Reg., xxiii, 18, et à Amasaï. I Par., xii, 18 ; cf. IV Reg., vii, 2, 17, 19 ; ix, 25 ; xv, 25. Voir Armée, t. i, col. 978.

4° Chefs des chantres et musiciens, qui dirigeaient les chœurs des lévites, particulièrement Asaph, Héman, Idithum. Voir ces mots. I Par., xvi, 5, 7, 37, 41 ; xxv, 1-4, 6 ;

II Par., v, 12 ; xxix, 13, 14 ; xxxv, 15. Voir Chantres du Temple.

5° Chefs des eunuques. — Dans le livre de Daniel, i, 11, il est question du chef qui, à la cour de Babylone, était chargé de veiller sur les eunuques, èar has-sdrîsim, princeps eunuchorum, et de diriger et contrôler leur service.

II. Dans le Nouveau Testament. — Plusieurs espèces de chefs, dont il n’est pas question dans l’Ancien Testament, sont nommés dans le Nouveau.

1° Chefs des prêtres, ip^tepeîç ; Vulgate : principes sacerdotum, « princes des prêtres, » dont il est question Matth., ii, 4 ; xvi, 21 ; xx, 18 ; xxi, 15, etc. Plusieurs exégètes veulent les confondre avec les grands prêtres actuellement ou autrefois en fonction, parce que du temps de Notre -Seigneur il en existait plusieurs, qui s’étaient succédé à brefs intervalles. Cette opinion est peu vraisemblable. D’autres pensent que ces chefs des prêtres étaient les chefs des vingt-quatre familles sacerdotales, comme II Par., xxxvi, 14, èarê hak -. kôhânîm, principes sacerdotum.

2° Chefs de la synagogue^ en grec àp-/w.waY<iYOt, Marc, v, 22 ; Act., xiii, 15, appelés aussi ïp/ovTe ; , Matth.,

ix, 18, 23 ; Luc, viii, 41, magistrats qui présidaient à l’administration des synagogues, réglaient les litiges, admettaient les prosélytes. Voir Synagogue.

3° Chefs de la milice du Temple, a-pxrf t Yr> : , magistratus, Luc, xxii, 4, 52, officiers chargés de présider à la garde du Temple, qui était faite sous leurs ordres, par un groupe déterminé de lévites. Cf. Act., iv, 1 ; v, 21, 26.

4° Chefs d’armée. — Le commandant des soldats romains en Palestine est appelé dans le Nouveau Testament fMttf/fiit proprement « chef de mille ». Ce mot désigne le preefectus cohortis ou le tribunus militum, Joa., xviii, 12 ; Act., xxi, 31-33, 37 ; xxii, 24, 26-29 ; xxiii, 10, 15, 17-19, 22 ; xxiv, 7, 22 ; xxv, 23 ; et par extension tout chef de soldats. Marc, vi, 21 ; Apoc, vi, 15 ; xix, 18.

5° Chef d’Asie, dénomination impropre pour désigner un asiarque, ’Auiap/Ti ; , prêtre de l’empereur et président de l’assemblée provinciale d’Asie Mineure. Act., xix, 31. Voir Asiarque, t. i, col. 1091. P. Renard.

2. CHEF DES CHANTRES (menassêah). Le terme nïHO, menassêah, employé cinquante-six fois dans la

Bible (dans cinquante-cinq Psaumes et Hab., iii, 19) comme indication musicale, est le participe du verbe nui, nissêafy quhel), « présider, » « diriger un travail, »

I Par., xxiii, 4 ; II Par., ii, 17 ; xxxiv, 12 ; I Esdr., iii, 8-9, spécialement « conduire le chant et la musique ». Cette dernière signification fait de menassêah un synonyme du grec -îiYlt 1 " ? « cne f du chœur » ou <c chef musicien ». — Dans l’organisation que David donna à la musique du Temple, les maîtres musiciens, melummedê Sîr, « habiles dans l’art du chant, » étaient au nombre de deux cent quatre-vingt-huit, chargés les uns de conduire les chanteurs, les autres de commander aux joueurs de nable, aux harpistes ou aux joueurs de cymbales. I Par., xxv, 1-7. La Prothéorie sur les Psaumes, publiée à la suite des œuvres de saint Jean Chrysostome, Pair, gr., t. lv, col. 531-534, nous représente David distribuant les chœurs des musiciens sous la conduite de leurs chefs, et donnant les Psaumes à chanter à l’un ou à l’autre. On choisissait l’instrument dont le caractère convenait au cantique, ou bien dont l’étendue ou l’accord répondait au mode de chant qu’on voulait employer. Le chef musicien recevait le Psaume, l’adaptait à l’air sur lequel il devait être chanté, et en préparait l’exécution. Tel est le sens dans les titres des Psaumes de l’expression lamenassêah binegînôt, « au chef des [joueurs d’] instruments à cordes, » Ps. iv, vi, liv (lui), lv (liv), lxvii (lxvi), lxxvi (lxxv) ; Hab., iii, 19 ; — lamenassêah’al-negînôt, Ps. lxi (lx), et lamenassêah’al-haggitlit, Ps. vm ; lamenassêah’el-hannehîlôt, Ps. v ; lamenassêali’al-mahâlat, Ps. un (lu), lxxxviii (lxxxvii) ; lamenassêah’al-hassemînîf, Ps. XH (xi), et d’autres où lamenassêah est suivi du nom d’un instrument de musique. Ps. ix (voir Alamot, t. i, col. 333), xlv(xliv), xlvi (xlv), lvi(lv), lx (lix). Ailleurs lamenassêah est joint au nom de l’auteur du Psaume, de cette façon : lamenassêah le-David, ou lamenassêah mizmôr le-David, ou encore lamenassêali le-David mizmôr, que l’on doit traduire : « Psaume composé par David et remis au chef de chœur. » Le Targum ajoute Nnaur, leSabâhâ’, « pour

être chanté. » Ps. XI (x), xm (xii), xiv (xm), xviii (xvii), xix (xviii), xx (xix), xxi (xx), XXII (xxi), XXXI (XXX), XXXVI (XXXV), XL (XXXIX), xli (xl), li (l), lu (li), lvii (lvi), lviii (lvh), lix (lviii), lxiv (lxiii), lxv (lxiv), lxviii (lxvii), lxx (lxix), cix (cviii), cxxxix (cxxxviii), cxl (cxxxix). Les Psaumes xlii-xliii (xli XLII), XL1V (XLIIl), XLV (XLIV), XLVI (XLV), XLVII (XLVl), XL1X (XLVIIl), LXXXIV (LXXXIIl), LXXXV (LXXXIV), LXXXVIII

(lxxxvii), portent de la même manière le nom des fils de Coré, et le Psaume lxxv (lxxiv) le nom d’Asaph. On trouve encore lamenassêali avec le nom de l’auteur du

psaume et celui du chef musicien, lamenassêah l-Yidûtûn mizmôr le-David, « Au chef de chœur Idithun. Psaume de David, » Ps. xxxix (xxxviii), lxii (lxi) ; lamenassêah’al-Yedûtûn le-’Asdf mizmôr, « Au ehef de chœur Idithun. Psaume d’Asaph. » Ps. lxxvii (lxxvi). Enfin lamenassêah se trouve sans aucun nom au Psaume lxvi (lxv). Il faut noter que cette inscription ne se lit pas dans le quatrième livre des Psaumes (xc [lxxxix]-cvi [cv]), et qu’elle ne se rencontre que trois fois dans le cinquième (cvii [cvi]-cl). Ce fait peut s’expliquer par la circonstance que les cinq livres du psautier ne furent pas recueillis à la même époque, ni peut-être dans la même région.

Le chef de musique dirigeait, commandait (niséah) le chant, en chantant lui-même, ou bien en jouant d’un instrument (Aben-Esra, Comment. inPs. iv), ou encore par le mouvement de la main, comme le xopuçafo ; ou ïjfoiniv des chœurs grecs, que les Latins appelaient manuductor. Cf. Burette, Dissertation sur le rythme de l’ancienne musique, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. v, part, ii, 1729, p. 160. Les thérapeutes d’Egypte avaient aussi leurs r^r^à-i, qu’ils choisissaient parmi les plus habiles d’entre les musiciens et leurs chants étaient accompagnés des gestes de la main. Philon, Vita contempl., xi, édit. Mangey, p. 485. De nos jours encore, dans les églises grecques, le jipo)Toiic(), Tr, ç dirige le chant par les gestes de la main ; et les divers signes manuels reproduits par l’écriture constituent la notation byzantine, appelée du nom même de -/s’P°voqua, qui veut dire « geste ». Cf. Villotteau, Da l’état actuel de l’art musical en Egypte, dans la Description de l’Egypte publiée par ordre du gouvernement français, Paris, t. xiv, an VII, c. IV, p. 692 ; Christ et Paranikas, Anthologia grseca carminum christianorum, in-4°, Leipzig, 1871, p. cxiv et cxxiv. Les versions anciennes n’ont pas rendu exactement la vraie signification de lamenassêah ; mais l’impossibilité où se sont trouvés les anciens interprètes de traduire plusieurs des termes contenus dans les titres des Psaumes est une preuve en faveur de leur authenticité. Cf. Reusch, Enleitung in das Aile Testament, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1870, § 21, p. 54. Aux titres des Psaumes cités les Septante traduisent eiç ta téXoç, et la Vulgate d’après eux in finem, comme si le texte portait nï : S, lenêsah.

Les autres versions se sont rapprochées davantage de la vérité en traduisant vixonoiw (Aquila), èmvixio ; (Symmaque), eî ; tô vïxo ; (Théodotion), victori (saint Jérôme, Patr. lat., t. xxviii, col. 1 130, etc.). La racine rati, nâsah, possède ce sens de « surpasser, vaincre », dans l’hébreu lui-même, (I) Esd., iii, 8, etc., et dans les langues congénères. J. Parisot.

    1. CHÉLÉAB##

CHÉLÉAB (hébreu : Kil’âb ; Septante : Aa), ovti), second fils de David ; il l’eut d’Abigaïl, qu’il prit pour femme, après la mort de Nabal. II Reg., iii, 3. Au passage parallèle, I Par., iii, 1, il est appelé Daniel. On a dit qu’il pouvait porter deux noms. Bochart, Opéra omnia, Leyde, 1692, t. ii, 1. ii, cap. 55, p. 663. Mais il est assez probable que nous avons dans Kil’âb, 3Nb3, une erreur de copiste, assez explicable, si l’on considère que le mot suivant commence par trois lettres semblables, S ; cxb. Les Septante, II Reg., iii, 3, du reste portent Aa), ou :  : *. Daniel serait donc plutôt le vrai nom du second fils de David. Voir Daniel 1. E. Levesque.

    1. CHÉLIAU##

CHÉLIAU (hébreu : Kelûhy ; qeri : Kelûhû ; Septante : XeXxta), un des fils de Bani qui après le retour de la captivité renvoyèrent les femmes étrangères qu’ils avaient épousées contrairement à la loi. I Esdr., x, 35.

    1. CHÉLION##

CHÉLION (hébreu : Kilyôn ; Septante : XeXaiwv ; Codex Alexandrinus : XeX&ûv), fils d’Élimélech et do Noémi. Ruth, i, 2. Lorsque la famille d’Élimélech fut

obligée par la famine de se retirer au pays de Moab, Chélion y épousa une Moabite, Orpha, et mourut dix ans après. Ruth, i, 5 ; iv, 9, 10.

    1. CHELLUS##

CHELLUS (XsXo’Jç, XsUo’j ;  ; Codex Sinaiticus : Xeo-Xo-J ; ), nom de lieu, omis dans la Vulgate, mentionné dans le texte grec du livre de Judith, I, 9. Il désigne une des villes situées au sud de Jérusalem, dont le roi d’Assyrie exigeait la soumission immédiate. Citée entre Bétané (Betxvïj, peut-être la B^Oavsa ou Br, 9avlv d’Eusèbe, dans la région montagneuse d’Hébron ; cf. Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 220) et Cadès (KâS » ) ; , Aïn Qadis), cette place a sa position tout indiquée dans le sud-ouest de la Palestine. Aussi est-ce avec beaucoup de vraisemblance que Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 717, a cherché à l’identifier avec l’ancienne Élusa, la talmudique ffalûsah (cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 410), aujourd’hui Khalasah, au sud-ouest de Bersabée (Bir es-Séba’) et au nord de Cadès. On trouve en Cet endroit des ruines assez considérables, mais ces restes d’une ville autrefois importante sont trop confus pour qu’on puisse en suivre nettement le pian. Les habitants de Gaza en ont emporté des débris de toutes sortes pour bâtir leurs maisons. Élusa fut célèbre surtout à l’époque romaine et dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Cf. Robinson, Biblical Besearches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 201-202 ; E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Cambridge, 1871, t. ii, p. 385.

— Un certain nombre d’auteurs ont confondu et identifié Chellus avec Cellon, pays mentionné également une seule fois, dans le même livre de Judith, ii, 13 (grec, 23), à propos de la première campagne d’Holopherne. "Voir à l’article Cellon la réfutation de cette erreur.

A. Legendre.
    1. CHELMAD##

CHELMAD (hébreu : Kilmad ; Septante ; X « pu.div), nom d’une localité ou d’une ville qui entretenait un trafic suivi avec Tyr. Ezech., xxvii, 23. Les noms de Hâran, Assur et Éden, qui précèdent, la font placer également dans la Mésopotamie ; la nature des objets de trafic confirme cette induction : les tapis et les étoffes brodées de Babylone étaient célèbres dans toute l’antiquité. Cependant on n’a pas encore trouvé le nom de Kilmad dans les textes cunéiformes, et sa situation précise demeure inconnue. Bochart, Phaleg, Francfort, 1681, p. 480, la confond avec la XapjiâvSr) de Xénophon, ville riche, située dans une région déserte, au delà de l’Euphrate, la liquide b ou l étant changée en r par les Perses, dont Xénophon nous donne la prononciation, comme elle l’était dans Babirus pour Babilu, le nom de Babylone dans les inscriptions trilingues des Achéménides. C’est peut-être aussi une faute du copiste hébreu, les Septante ayant transcrit Xap[i<%v, où on a cru voir la Carmanie. Calmet, Commentaire littéral, Ezéchiel, Paris, 1715, p. 278, l’identifie avec la C/wlmadora de Ptolémée, v, 25, en Commagène. G. Rawlinson, The five great monarchies, Londres, 1879, t. i, p. 15, 21, 168 ; G. Smith, dans les Transactions of the Society of Biblical Archseology, 1872, p. 62, et Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, 1881, p. 206, la confondent avec la Chelmada moderne, petite localité proche de Bagdad, où l’on a trouvé des anneaux de bronze avec inscription cunéiforme au nom du roi babylonien Hammourabi. Le Targum traduit : « la Médie. » Hitzig, Der Prophet Ezéchiel, in-8°, Leipzig, 1817, p. 207, à la suite de Joseph Kimehi, y voit non pas une localité, mais le mot limmud, précédé de la particule comparative ke, et traduit ce passage : « Assur a été comme ton disciple en négoce. » Ce sont là autant d’hypothèses entre lesquelles il est impossible de faire un choix raisonné. Voir J. Knabcnbauer, Commentarius in Ezechielem, in-8°, Paris, 1890, p. 281-282.

E. Pannier.
    1. CHELMON##

CHELMON (Septante : K-jxulùv ; syriaque : Qadmôn ; arabe : Qalîmôn), localité aux environs de Béthulie. —

D’après les Septante, Judith, vii, 3, l’armée assyrienne formant le siège de Béthulie « établit son camp dans la vallée voisine de Béthulie, près de la fontaine, s’étendant en largeur de Dothaïn jusqu’à Belthem, et en longueur depuis Béthulie jusqu’à Kyamôn, qui est en face d’Esdrelon ». La version syriaque s’exprime un peu différemment : a L’armée, dit-elle, campa dans la vallée qui est devant la ville, près de la’fontaine des eaux ; elle s’étendait en largeur de Doteim jusqu’à’Abelmehata’, et en longueur depuis Qadmôn jusque vers Jczraël. » La "Vulgate diffère davantage : « Ils vinrent, dit-elle, par le faîte des montagnes jusqu’à la hauteur qui regarde sur Dothaïn, depuis le lieu appelé Belma jusqu’à Chelmon, qui est en face d’Esdrelon. » Ces versions concordent cependant à montrer Chelmon non loin de Dothaïn et en face d’Esdrelon, autrement dit Jezraël. — Ni Eusèbe ni saint Jérôme ne nous renseignent sur cette localité, non plus que sur Béthulie. Le nom de Chalmount se lit dans une charte de 1139, par laquelle le comte de Tripoli cède à l’église du mont Thabor le casai de Bethsan et une terre du territoire de Béthélion. Gocelin de Chalmount et Pierre -Raymon de Balma sont nommés comme témoins. Rien dans l’acte ne détermine la situation des lieux dont ces seigneurs portent les noms. Voir Sébastian o Paoli, Codice diplomatico del sâcro militare ordine Hierosolymitano, in-f°, Lucques, 1733, t. i, n° 18, p. 19. Les relations des pèlerins se taisent sur Chelmon. Jacques Ziegler, Palmstina, in-4°, Strasbourg, 1532, ꝟ. xxxv b, indique Chelmon entre Helma (Belma) et Béthulie ; Helma entre Seythopolis et Béthulie ; Dothaïn à douze milles au nord de Samarie, et, ꝟ. xxxii b, Béthulie aux degrés 66° 39’et 32° 25’. Ces indications nous mènent au sud de la plaine d’Esdrelon, non loin de Dofân et à l’orient de Bal’amêh. Elles nous paraissent toutetois plutôt une interprétation de l’Écriture, appuyée sur l’Onomaslicon d’Eusèbe, que l’expression de la connaissance topographique traditionnelle. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, p. 732, croit Chalmon identique à KapiMovâ d’Eusèbe et Cimona de saint Jérôme, placés par eux, De locis et nominibus hebraicis, t. xxiir, col. 887, dans la grande plaine, à six milles au nord de Légioun. D’après Bonfrère, Onomasticon, édit. Clericus, inf°, Amsterdam, 1707, p. 55, elle était « près d’Esdrelon et de Béthulie, dans la Galilée inférieure ». — Les modernes la cherchent également en divers lieux, suivant l’opinion adoptée par eux sur le site de Béthulie. F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la Terre Sainte, in-12, Paris, 1877, au mot Chelmon, p. 105, écrit qu’  « il est impossible de ne pas reconnaître dans le mont Chelmon le petit Hermon, qui est nommé aujourd’hui Djébel-Dahy » ; au mot Cyamon, ibid., p. 108, il ajoute : « C’est probablement le village actuel de Koumiéh, qui est au pied du Djebel -Dahy, et à une heure de marche à l’estnord-est de Zéraïn. » Ce village, assis sur une colline dominant l’Ouadi-Djâloud, n’a rien de particulier. Cette identification serait tris probable si Beth-IIfa, comme l’a cru le consul Schulz, était Béthulie ; mais de Saulcy voit Béthulie dans Sanour, qui est à plus de trente kilomètres au sud de Koumiéh : on peut se demander comment, à cette distance, Koumiéh pouvait entrer dans la ligne d’investissement de Béthulie. — Victor Guérin, Samarie, t. i, 1874, p. 306-307, propose Koumiéh, « à cause de son nom et de sa position en face de la grande plaine d’Esdrelon, » ou El-Fouléh, « la fève, » qui pourrait être « la traduction fidèle en arabe du mot grec Kyajirôv, qui signifie « champ de fèves », de -/.’jau-o : , « fève. » El-Fouléh est aussi en face d’Esdrelon. C’est le Castrum Fabse ; « Château de la Fève, » des croisés. Cette citadelle, située sur une colline peu élevée, au milieu de la plaine d’Esdrelon, avait des murs très élevés, dont il reste une partie. Voir V. Guérin, Galilée, t. i, p. 110. La distance qui la sépare de Sanour, identifiée avec Béthulie par M. Guérin, est à peu près celle de Koumiéh. En 1875, dans La Samarie, t. i, p. 241-2H, Victor Guérin identifie Chelmon avec Tell-Kaimoun, le C49

CHELMON — CHEMINÉE

650

Ka[i(iwvâ d’Eusèbe, Tell-Kaimoun est une ruine située au pied du Carmel, assez étendue, mais informe, sur la lisière est de la plaine d’Esdrelon, presque en face de Zéraïn, l’antique Jezraël ou Esdrelon, à treize kilomètres au nord de Légioun. G. Armstrong, Conder et Wilson, Names and places in the Old Testament and apocrypha, in-8°, Londres, 1887, p. 45, adoptent la même identification. Tell-Kaimoun est à plus de quarante kilomètres de Messiliéh, identifiée par Conder avec Béthulie ; à quarante-cinq de Sanour et autant de Tell-Khaibâr, proposée comme lîéthulie par d’autres membres du Palestine Exploration Fund. — M. J. Fahrngruber, Nach Jérusalem, in-18,

bourgen-Brisgau, 1872, p. 58, s’est rallié, Bibelvtlas, 2e édit., in-f°, ibid., 1887, p. 18, à l’identification proposée par Fahrngruber. Si l’on considère que la plupart des villages de la Galilée et de la Samarie sont peuplés par des habitants de race syrienne, et que les Syriens en général ne prononcent pas la lettre Q, mais disent’Odes pour Qodes, ’Ana pour Qâna, ’Yamôn dans la bouche de ces populations est absolument identique à Qyamôn, nom qui, suivant les règles de transcriptions usitées par les Septante, doit se transcrire en grec par Kuaiiiov. Yâmôn est à huit kilomètres au nord-ouest du Khirbet Bal’améh, et à peu près à la même distance au

Wurzbourg, ’° édit. (sans date), p. 305, note **, propose Yamôn (fig. 238). Yamôn est un grand village lormé de deux quartiers s’étendant de l’est à l’ouest. Il est assis sur une grande colline située au pied et non loin du sommet élevé appelé Seheikh-Schibel, que nous croyons la montagne de Béthulie, et de I.Iaraieq, du côté du nord. Voir t. i, fig. 533, col. 1751. De cette colline, qui se dresse au-dessus des premières élévations, bordant au sud-ouest le Merdj-Ibn-’Amer (plaine d’Esdrelon), le regard embrasse cette plaine dans toute son étendue Les alentours sont couverts de superbes plantations d’oliviers et de bosquets de figuiers et de grenadiers. Non loin, vers l’est, est un grand puits d’eau vive appelé Bir-Sebà’. M. J. Khalîl-Marta, qui identifie Béthulie avec Ilaraiéq, ruine située sur la montagne, au-dessous du Seheikh-Schibel, adopte, Intorno al vero silo di Belulia, dans la Terra Santa, in-i », Florence, 1887, n° s 9 et 10, et tirage à part, p. 15 et suiv., l’identification de Yâmon pour Chelmon. Le D r Riess, qui hésitait d’abord, Biblische Géographie, in-f", Fri nord de Tell-Dotân. Ces trois localités se trouvent sur le cercle qui entoure les montagnes de Seheikh-Schibel et Bîarraiéq et de Saliel’Arrabeh, appelé quelquefois encore Sahel Dotân.Vok la carte de Béthulie, Dictionnaire de la Bible, 1. 1, col. 1758. Si Tell-Dotân est le Dothaïn du livre de Judith, et Bal’améh, Belma ou Balamon, il faut admettre, ce semble, presque nécessairement, que Yamôn est le K’jafjiidv du même livre, compris dans la ligne d’investissement de Béthulie. Voir Béthulie, Belma et

Dothaïn.
L. Heidet.
    1. CHÉLUB##

CHÉLUB (hébreu : Kelûb ; Septante : 8 Xs).où8), père d’Esri, un des intendants de Salomon. I Par., xxvir, 26.

CHEMIN. Voir Route.

CHEMINÉE. L’usage de la cheminée n’exisle pas en Palestine. Il n’en est jamais question dans la Bible. La Vulgate, il est vrai, emploie quelquefois le mot cami

nus ; mais à ce terme correspondent en hébreu des mots assez divers : kibsân, le fourneau à fondre les métaux, Exod., îx, 8, 10 ; kûr, autre fourneau servant au même usage, Prov., xvii, 3 ; tannûr, le four à cuire le pain, Is., xxxi, 9 ; Mal., iv, 1 (m, 19) ; ’attûn, la fournaise, Dan., iii, 17, 23, et kîyyôr, la casserole, Zach, xii, 6. Les maisons des pauvres n’avaient qu’une ouverture, la porte. On n’allumait de feu que pour faire la cuisine, et cette cuisine fort simple se préparait ordinairement dehors. Les foyers à cuisine, mebaslôt, nayeipeîoc, culinse, dont parle Ézéchiel, xlvi, 23, dans sa description du Temple, sont en plein vent, ou du moins sous des portiques aérés. Les maisons plus importantes avaient quelques fenêtres, mais petites, peu nombreuses et fermées par jje simples treillages de bois. Quand on allumait du feu à l’intérieur, la fumée s’échappait par la fenêtre la plus proche. En parlant du châtiment réservé à Éphraïm, Osée, xiii, 3, dit que cette tribu sera emportée « comme la paille soulevée de l’aire par le tourbillon, comme la fumée au sortir de la fenêtre », ’ârubbâh, fumarium. Le mot hébreu ne désigne qu’une fenêtre à grillage. On comprend que dans de pareilles conditions la fumée s’échappât difficilement ; les yeux des habitants en souf^ fraient, comme le suppose cette sentence des Proverbes, X, 26, où l’on dit que le paresseux, c’est « du vinaigre sur les dents, de la fumée dans les yeux ». Dans l’Ecclésiastique, xxii, 30, il est fait aussi mention du foyer, xi|nvo ; , caminus, d’où s’élèvent la vapeur et la fumée. Le chauffage des maisons était chose inutile en Palestine ; le climat n’y est pas humide, et la température y descend rarement au-dessous de zéro, et encore cet abaissement ne se produit-il que sur les plateaux élevés, comme à Jérusalem. Les riches personnages, habitués à plus de délicatesse, éprouvaient seuls le besoin de se chauffer dans leurs maisons. Une seule fois, la Bible mentionne un réchaud ou brûloir d’appartement, ’ah, èo-xipa irjpii ; , arula, dont le roi Joakim se servait au neuvième mois, qui correspond à novembredécembre. Jer., xxxvi, 22. Le brasier, ivOpowia (ad primas), dont parle saint Jean, xviii, 18, dans le récit de la passion, est allumé au milieu d’une cour, pour combattre la fraîcheur toujours très grande en Orient pendant la nuit. Il n’y a évidemment pas là de cheminée. De même pour le feu qui est allumé sur le rivage du lac de Tibériade. Joa., xxi, 9 (àv9paxia, pnmas).

H. Lesêtre.
    1. CHENE##

CHENE (hébreu : Kannêh ; Septante : Xavotâ), ville mentionnée par Ézéchiel, xxvii, 23, avec Haran et Éden, comme faisant le commerce avec la ville de Tyr. Ptolémée, Vi, 7, 10, parle d’une ville commerçante appelée Cane, et certains commentateurs ont pensé que c’était d’elle qu’il élait question dans le prophète. Cette identification n’est pas possible, parce que la Cane de Ptolémée est située dans l’Arabie Heureuse, et qu’Ézéchiel place Chené en Mésopotamie, puisqu’il la nomme entre Haran et Éden, qui sont deux villes de Mésopotamie. Cf. Is., xxxvii, 12. — On admet aujourd’hui presque universellement que l’hébreu Kannêh est une contraction de Kalnêh (Vulgate : Chalanné). Un manuscrit hébreu porte même ruSs, Kalnêh, au lieu de riîs, Kannêh,

J. Knabenbauer, Comment, in Ezech., 1890, p. 281. Voir Chalaxsé.

CHÊNE. 1° Hébreu : ’allôn ; Septante : pi).avo ; , Gen., xxxv, 8 (deux fois) ; Is., ii, 13 ; vi, 13 ; BpC ; , Ose., iv, 13 ; Amos, ii, 9 ; Zach., xi, 2 (et dans le Codex Alexandrinus et le Sinaiticus, Is., xliv, 13) ; jÀir-.vo ; , Ezech., xxvii, 6 ; Vulgate : quercus ; — 2° hébreu : ’êlôn ; Septante : fiïXavo : , Jud., IX, 6 ; opù ; , Gen., xii, 6 ; xiii, IS : xiv, 13 ; xviii, 1 ; Deut., xi, 30 ; Jud., iv, 11 ; I Reg., x, 3 : ’HX « jv[j.attdvev=i|i (uni au mot hébreu suivant me’ônenîm. « devins » ), Jud., ix, 37 ; et omis ou altéré, Jos., six, 33, Vulgate : quercus, Jud., ix, 6, 37 ; I Reg., x, 3 ; convallis, Gen., xii, 6 ; xiii, 18 ; xjv, 13 ; xviii, À ; vallis, Deut.,

xi, 30 ; Jud., iv, 11 ; Elon, Jos., xrx, 33 ; — 3° hébreu : tirzâh, Is., xi.iv, 14 ; Septante : omis dans le Codex Vaticanus, mais àypto61).avoî dans le Codex Alexandrinus et le Codex Sinaiticus ; Vulgate : ilex ; — 4° dans l’histoire de Susanne, Dan., xiii, 58 ; Septante : irpivoç ; Vulgate : prinus.

I. Description. — Arbre de l’ordre des Amentacées, pour ses fleurs unisexuelles, dont les miles sont groupées en chatons, et type de la famille des Cupulifères, caractérisé par son fruit ou gland, solitaire et enchâssé à la base dans une cupule indivise, recouverle d’écaillés. La saillie plus ou moins prononcée de ces écailles permet de distinguer parmi les chênes d’Orient deux séries bien tranchées, qui peuvent chacune se subdiviser d’après la persistance plus ou moins accentuée des feuilles.

1° Dans la première série, les écailles qui garnissent la cupule demeurent courtes et apprimées ; en outre, le fruit mûrit l ! année même de sa formation. — 1. Le Quercus Robur, commun dans toute l’Europe moyenne, se trouve représenté dans la région du Liban par la variété Cedrorum, à feuilles plus longues et plus étroites que dans le type de la plaine, et par une autre variété pinnatifida, à lobes foliaires plus profonds, dépassant

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239. — Quercus pseudo-cocdfera.

le milieu du limbe. — 2. Le Quercus infectoria, malgré ses variations fort nombreuses, se distingue aisément du précédent par ses feuilles plus petites, coriaces et bordées de dents aiguës. Celles-ci, sans être absolument persistantes, se détachent toutefois plus tard des rameaux et peuvent même y rester en partie vivantes jusqu’à la fin des hivers doux ou dans les localités mieux abritées. C’est l’arbre qui fournit la noix de galle, lorsque ses bourgeons viennent à être piqués par un insecte hyménoptère du genre Diplolepis. — 3° L’yeuse ou chêne vert (Quercus llex) doit son nom à ses feuilles, qui demeurent vertes jusqu’au printemps, et ne se détachent qu’au moment où les nouvelles vont se développer. Cet arbre : caractérise le mieux la région méditerranéenne, où il se rencontre partout spontané ou cultivé.

2° La deuxième série se reconnaît à la cupule recouverte d’écaillés ordinairement saillantes et recourbées ; , en outre, les glands, mettant deux ans à se développer, ne s’observent à l’état de maturité parfaite que sur le bois de la seconde année. — 1. De ce nombre est le Quercus coccifera, appelé chêne kermès, parce qu’il nourrit la cochenille de l’ancien monde. C’est un arbrisseau reproduisant l’aspect de l’yeuse, mais sous une forme réduite dans toutes ses parties végétatives. Du reste, des hybridations fréquentes établissent entre les deux typesune série presque continue de formes, répandues en Syrie, et regardées jusqu’à ce jour comme de simples variétés, sous les noms de Calliprinos, Pseudo-coccifera ( fig. 239, , etc. La forme Palsestina est plus élancée et atteint la taille d’un petit arbre, avec les écailles de la cupule remarquablement réfractées. — 2. Enfin trois dernières espèces possèdent en commun des feuilles amples et plus ou moins franchement caduques, à diviG53

CHÊNE

654

sions aiguës ou mueronées, avec un fruit à cupule volumineuse. Le type européen du Quercus Cet-ris, vulgairement Gland -Châtain, a été retrouvé sur les pentes du Liban avec le Quercus JEgilops (fig. 240), qui s’en distingue par ses fruits plus gros du double, par ses feuilles moins profondément découpées, plus fermes et subpersistantes. Ce dernier, connu en Grèce sons le nom de chêne Velani, n’est représenté en Syrie que par deux variétés d’abord admises comme espèces : Quercus Ithaburensis Decaisne, à feuilles largement ovales, et Quercus Look Kotschy. Le Quercus Libani (fig. 241) observé dans la région du Liban se rattache à la même section par ses fruits à maturation bisannuelle, mais la cupule n’est pas hérissée. Les espèces les plus répandues en

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840. — Quercus segilops.

Palestine sont le Quercus JEgilops et le Quercus pseudococcifera. — Cf. A. de Candolle, Cupuliferse, in De. Prodr. regni veget., pars xvi, sect. 2, fasc. 1 ; Kotschy, Eichen Europ. und Orient., in-f°, Vienne, 1858.

F. Hy.

IL Exégèse. — i. identification : — Les noms’êlâh, ’allâh, ’allôn, ’êlôn, qui dérivent d’une racine Vin, S>n, ’ail, ’il, exprimant de l’aveu de tous la force, et désignent par conséquent des arbres vigoureux, ont été très diversement rendus par les versions. Si l’on ne tient pas compte des points-voyelles (adjonction traditionnelle sans doute, mais quelquefois fautive, et en tous cas moins importante qu’une terminaison de consonnes), ils se ramènent à deux types : rns et pbs. Or le texte sacré dislingue nettement entre le -Vn, ’êlâh, et le jVw, ’allôn. ls., vi, 13 ; Ose.,

iv, 13. D’autre part, ’allôn, sur neuf fois qu’il se présente dans la Sainte Écriture, est traduit par « chêne », huit fois dans les Septante et toujours dans la Vulgate. Et la plupart des exégètes anciens et modernes s’accordent à lui donner ce sens. Au contraire, ’êlâh est rendu tantôt par « chêne », tantôt par « térébinthe » dans les versions, et les interprètes conviennent généralement de lui laisser ce dernier sens.’Allah, n^x, qui ne se rencontre qu’une fois, Jos., xxiv, 26, et ne diffère du précédent que par la ponctuation, s’y rattache et a le sens de o térébinthe », que lui donnent d’ailleurs les Septante. Pour’êlâh et’allâh, voir Térébinthe. Le’êlôn, au contraire, qui n’est qu’une ponctuation différente du’allôn (jiba, fi’îs), a la même signification ; mais il y a ceci de

particulier, qu’il ne se rencontre que dans les désignations topographiques : serait-ce que la vraie prononciation se serait mieux conservée dans ces noms de lieu, ou bien ce mot désigne-t-il plutôt un bois de chêne, une chênaie ? — Quant au mot’èl, qui ne se présente qu’une fois au singulier et en composition avec un autre mot pour former un nom propre, ’El-paran, Gen., xiv, 6, et à sa forme plurielle’êlim, ls., i, 29 ; lvii, 5 ; lxi, 3 ; Ezech., xxxi, 14, il désigne des grands arbres en général

ou des futaies, comme l’araméen’ilân, Dan., iv, 7, 8, 11, 17, 20, 23, que les Septante rendent bien par ôévêpov, et

laVulgate par arbor. Cf. syriaque ^*j>’ilon, « grand

arbre ». Aussi cette expression convient aussi bien à des palmiers, cf. Exod, xv, 27 ; III Reg., IX, 26, qu’à des chênes ou à des térébinthes. Et si l’on veut voir une espèce déterminée dans Isaïe, 1, 29, ce serait plutôt le térébinthe que le chêne. Cf. Is., i, 30 (hébreu). — La plupart des langues ont deux mots pour désigner le chêne et le chêne vert ou yeuse (grec : SpO ?, itpîvoç ; latin : quercus, ilex), il en

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241. — Quercus Libani.

est probablement de même de l’hébreu. Le mot’âllôn ou’êlon désigne toute espèce de chêne ; mais quand il s’agit de préciser, il existe un terme spécial, tirzâh (d’une racine exprimant la dureté, la fermeté), et qui se trouve placé à côté du chêne proprement dit, ’âllôn, dans Isaïe, xliv, 14. La Vulgate traduit par ilex, et Celsius, Hierobotanicon, X. ii, p. 269, comme E. F. K. Rosenmûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, p. 312, approuvent cette traduction. Le texte demande un bois propre à être travaillé, sculpté : ce qui convient à merveille au chêne vert. — C’est par le mot Trpîvoç, « chêne vert, » Dan., xiii, 58, que le traducteur grec de l’histoire de Susanne a rendu le terme de l’original, soit qu’il y eût, en effet, une yeuse, ou que, pour conserver le jeu de mots, il eût changé le nom de l’arbre. Voir Susanne.

ii. le chêne dans L’ÉCRITURE. — C’est à l’est du Jourdain, surtout dans le pays de Basan, que se trouvaient les chênes les plus célèbres et par leur grosseur et par leur nombre. Is., ii, 13 ; Ezech., xxvii, 6 ; Zach., xi, 2. Dans les contrées de Galaad et de Basan, Burckhardt, Travels in Syria, 1822, p. 205, 348, vit encore des forêts de beaux chênes. Depuis elles ont en grande partie disparu sous la hache des Bédouins, qui ne prennent pas soin de garantir les jeunes pousses de la dent de leurs troupeaux. Cependant on y trouve encore des bois de gros chênes. Voir Basan, t. i, col. 1489. C’est le Quercus ASgilops qui domine, et cette espèce paraît bien être le fameux chêne de Basan mentionné dans l’Écriture, digne d’être mis en parallèle avec le cèdre du Liban. Is, ir, 13. Adrichomius, Theatrum Terrée Sanctse, in-f°, Cologne, 1600, p. 79, décrivant le pays de Basan, et la partie de cette contrée qui longeait le lac de Génésareth et le Jourdain, remarque l’abondance des glands produits par ses nombreux chênes, et la facilité qu’on avait par là d’y élever sans peine des troupeaux de deux mille porcs, comme celui qui se précipita dans les Ilots après la gué

rison du possédé par Notre - Seigneur. Matth., viii, 30 ; Marc,-v, 11 ; Luc, viii, 32. Ces chênes de Basan donnaient un bois très estimé, qu’on exploitait à Tyr, où il servait à la construction des vaisseaux, en particulier à la fabrication des rames. Ezech., xxvii, G. Son bois très dur et qui se conserve bien dans l’eau convenait parfaitement à cet usage. Théophraste, Hist. Plant., v, 8 ; Strabon, iv, 1, édit. Didot, p. 162. Les chênes croissaient aussi à l’ouest du Jourdain, surtout en taillis couvrant les collines de Judée et de Galilée. Les beaux types de chênes paraissent y avoir été plus rares, et souvent isolés. C’est au pied d’un de ces beaux chênes ou dans un bois de chênes, près de Sichem, qu’on se réunit en assemblée

in-8°, Paris, 1820, t. ï"V, p. 349. — La force du chêne était devenue proverbiale chez les Hébreux comme chez nous. Amos, ii, 9. Pour eux cet arbre vigoureux, au port majestueux, était le symbole de la puissance, Zach., xi, 2, et de la puissance orgueilleuse, que Dieu châtie. Is., Il, 13. Le chêne auquel on coupe les branches en ne laissant plus que le tronc, mais qui conserve assez de vie pour se couvrir ensuite de nouveaux rameaux verdoyants, est pour le prophète, Is., vi, 13, l’image de la vitalité d’Israël, qui sera décimé par les épreuves, mais retrouvera aux temps messianiques sa force et sa gloire.

III. NOMS DE LIEUX DANS LESQUELS ENTEE LE MOT DE

cilÉSE. — Plusieurs localités de Palestine étaient dési 242. — Chêne d’Abraham, à Hébron. D’après une photographie.

pour établir roi Abimélech. Jud., ix, 6. Sous leurs frais ombrages on offrait des sacrifices aux faux dieux. Ose., iv, 13. Cf. Is., i, 29 ; lvii, 5 ; Virgile, Georg., iii, 332 ; Ovide, Métamorph., vii, 743 ; Kiesling, De superstitioso Isrælis sub quercubus cultu, in-4°, Leipzig, 1748 : Au pied de grands arbres les nomades ensevelissaient leurs morts, comme cela se pratique encore pour des scheikhs arabes ou des personnages célèbres par leurs vertus. Cf. I Reg.. xxxi, 13. C’est au pied d’un chêne que Débora, la nourrice de Rébecca, fut enterrée. Gen., xxxv, 8.

— Le chêne, ’allôn, et l’yeuse ou chêne vert, tirzâh, sont mentionnés ensemble parmi les bois durs que l’idolâtre choisit pour se faire une statue de dieu, Is., xliv, 13 (hébreu, 14) : du reste, ajoute le prophète avec ironie, il se chauffe et fait cuire ses aliments, y. 16-17. Ces deux espèces de bois sont précisément indiquées parmi celles dont se servaient les anciens pour leurs statues de divinités. Pausanias, Description de la Grèce, trad. Clavier,

gnées par le nom d’un chêne ou d’une chênaie. Ainsi 1° le chêne auprès duquel, près de Béthel, fut ensevelie Débora, la nourrice de Rébecca, était connu dans le monde patriarcal sous le nom de « chêne des Pleurs », ’allôn Bâkût. Gen., xxxv, 8, cf. t. 1, col. 390. Au xme siècle, Brocard, Descript. Terras Sanctse, vii, 15, in-12, Cologne, 1624, p. 31, et dans Ugolini, Thésaurus, t. vi, col. mxlvi, vit encore un monument qu’on avait élevé en ce lieu. — 2° Le chêne de Moréh, ’ùlôn Môrëh, Gen., xii, 6, ou plutôt les chênes ou la chênaie de Moréh, ’êlônê Môréh, Deut., XI, 30, près de Sichem, où Abraham, à son arrivée dans le pays de Chanaan, vint habiter. Près de ce lieu, les Israélites, entrant, eux aussi, dans la Terre Promise, trouveront, leur dit Moïse, l’Hébal et le Garizim, où ils doivent se réunir. Deut., xi, 30. La Vulgate traduit ces mots par « vallée illustre », Gen., xii, 6, et par « vallée qui s’étend et s’avance au loin ». Deut., xi, 30. Les Septante ont G57

CHÊNE — CHÉRUBIN

658

Lien rendu’êlôn par 8p3ç, « chêne ; » mais au lieu de voir un nom propre dans Moréh, ils mettent v^y, ), ^ ; , « élevé, » l’épithète habituelle du chêne chez les poètes anciens. Celsius, Hierobotanicon, t. i, p. 65. Voir Moréh.

— 3° La chênaie de Mambré, ou le bois de chêne, près d’Hébron (car l’expression est toujours employée au pluriel, ’êlônê Mamrê), lieu où séjourna Abraham, Gen., xin, 18 ; xiv, 13, où il dressa un autel au Seigneur, Gen., Xin, 18, et où Dieu lui apparut à l’entrée de sa tente. Gen., xviii, 1. Il ne s’agit donc pas d’un arbre en particulier ; mais les Septante ayant traduit par ôp-Gç, « chêne, » au singulier, on fut amené à regarder comme l’arbre d’Abraham le plus beau des arbres de cet endroit. Et on l’appela tantôt chêne, tantôt térébinthe, soit qu’on confondit ces deux espèces d’arbre, soit qu’en réalité des types de l’une et de l’autre espèce aient porté successivement le nom d’arbre d’Abraham. Josèphe, Bell, jud., IV, IX, 7, l’appelle un térébinthe ; mais, Ant.jud., i, x, 4, il dit qu’Abraham habitait près du chêne nommé Ogygès. Eusèbe, Onomasticon, édit. Larsow et Parlhey, 1862, p. 172, en réunissant les deux mots dans la même phrase, donne ce sens confus : « Le chêne de Mambré, situé près d’Hébron ; c’est le térébinthe que l’on montre encore aujourd’hui à l’endroit où campait Abraham. » Saint Jérôme reproduit ce passage avec la même confusion, et ajoute qu’on voyait encore ce chêne à l’époque de son enfance et du règne de Constance : ce qui semble indiquer qu’il n’existait plus au temps où il écrivait ; et du reste il nous montre sainte Paule, t. xxiii, col. 886, visitant « les vestige du chêne d’Abraham ». À l’époque de Constantin, des superstitions étaient pratiquées par les païens auprès de ce chêne ; l’empereur fit renverser l’autel et les idoles et ériger une basilique chrétienne. Socrate, H. E., i, xviii, t. 67, col. 124. Après saint Jérôme, les pèlerins continuèrent de vénérer le chêne de Mambré : il faut donc qu’un nouvel arbre ait reçu ce nom. C’est ce que signale Brocard, Descript. Terrse Sanclx, édit. Laurent, 1864, t. ix, p. 81, en disant que c’est un rejeton né de ses racines. Celui que la tradition populaire regarde maintenant comme le chêne d’Abraham (ùg. 242) est un bel arbre de 30 mètres de haut et de 8 mètres 45 de tour ; « de son tronc vigoureux s’élancent trois grands bras qui se subdivisent en de puissants rameaux. À midi, il couvre de son ombre un terrain dont l’étendue de l’est à l’ouest est de trente-deux pas, et de trente du nord au sud. » Guérin, La Judée, t. m j p. 267. Il est dans l’oued Sebta, à l’ouestnord -ouest d’Hébron ; mais il ne paraît pas que ce soit là l’emplacement de la vallée de Mambré ; elle se trouve plutôt au Haram Ramet el-Khalil. Cf. Guérin, La Judée, p. 279, et voir Mambré. — La Vulgate, aux trois endroits cités, traduit’êlônê par convallis, « vallée, » suivant en cela lesTargums. — 4° Le chêne de Sichem, appelé’êlôn mussâb, « chêne du poste militaire, » selon quelques exégètes, ou plutôt « chêne de la stèle », appelé ainsi de quelque stèle ou pierre debout placée au pied de cet arbre. Est-il fait allusion à la « grande pierre que Josué érigea en témoignage pour le peuple » ?Jos., xxiv, 26-27. La difficulté est qu’il est question d’un’allâh, « téré"binthe, » et non d’un chêne. À moins d’admettre une faute de copiste pour’âllon, nS « pour p’iN, il faut reconnaître deux endroits différents. C’est près de ce chêne que les hommes de Sichem firent roi Abimélech. Jud., ix, 6. — 5° Le « chêne des enchanteurs », ’êlôn me’onànim, autre chêne près de Sichem, qui donnait son nom à un chemin d’où Gaal, un des chefs de la cité, vit venir les troupes. d’Abimélech. Jud., ix, 37. La Vulgate supprime le mot me’onânîm ; les Septante l’unissent au mot’ëlon pour en faire un seul nom propre : ’LLù>v[jlo<(ovev£iu.. — 6° Le « chêne en Saananim », ’éïon be-Sa’ânannîm, Jos., xix, 33, ou’êlôn be-Sa’ânnayhn, Jud., iv, 11, localité près de Cédés. Dans le premier passage, la Vulgate traduit « Élon en Saananim » ; dans le second, « jusqu’à la

vallée qui s’appelie Sennim. » Voir Élon. — 7° Le « chêne de Thabor », ’élon tâbôr, I Sam., x, 3, endroit par où Saiil doit passer après qu’on lui aura annoncé que les ânesses de son père sont retrouvées. Il ne s’agit pas évidemment de la montagne du Thabor, mais d’une localité près de Béthel. Voir Thabor 2. E. Levesque.

CHENILLE. La Vulgate a rendu par eruca, « chenille », Joël, i, 4 ; ii, 25 ; Am., iv, 9, l’hébreu gdzâtn. Voir Sauterelle.

    1. CHÉRÉAS##

CHÉRÉAS (Septante : Xaipéaq ; Vulgate : Chxréas), gouverneur de la forteresse de Gazara (appelée ordinairement Gazer), qu’assiégea Judas Machabée. II Mach., x, 32-33. Cf. I Mach., v, 8. Il était frère de Timothée, le chef des Ammonites adversaires des Juifs. II Mach., x, 37. Cf. I Mach., v, 6. Chéréas et Timothée furent mis à mort dans une citerne où ils s’étaient cachés après la prise de la forteresse. II Mach., x, 37.

    1. CHÉRUB##

CHÉRUB (hébreu : Kerûb ; Septante : X ; po’jg), localité chaldéenne ou de la partie méridionale de la Mésopotamie, d’où partirent pour suivre Zorobabel en Palestine certaines familles qui se prétendaient d’origine juive, mais sans pouvoir « faire connaître leur maison paternelle et leur race, pour prouver qu’ils étaient véritablement d’Israël ». I Esdr., Il, 59 ; II Esdr., vii, 61. — Les textes cunéiformes n’ont pas encore révélé de localité de ce nom. Quelques interprètes doutent si ce nom doit être isolé du suivant, ou s’y joindre sous la forme Chèrub-Addon ou même Chérub-Addon-Immer. Keil, Chronik, in-8°, Leipzig, 1870, p. 420. Toutefois le texte de II Esdras peut être allégué dans l’hébreu contre la troisième lecture, la Vulgate et les Septante contre la seconde, car ils renferment la conjonction entre les différentes parties de ce mot. On fait valoir à rencontre que la troisième lecture donne trois localités au lieu de cinq, comme lieu de départ des trois familles mentionnées I Esdr., ii, 60. Calmet admet même que ces noms, Chérub, Adon et Émet ; sont des noms de personnes, Commentaire littéral, Esdras, Paris, 1722, p. 16 ; mais c’est à tort, car les familles en question sont nommées au ꝟ. 60.

E. Pannier.
    1. CHÉRUBIN##

CHÉRUBIN (hébreu : kerûb ; Septante : yzpovê ; Vulgate : cherub ; au pluriel : y_epou6f|ji, cherubim, être surhumain ministre de la puissance divine, ou représenté pour rappeler et symboliser cette puissance.

I. Nature et nom. — L’Écriture mentionne : 1° les chérubins du paradis terrestre, 2° les chérubins sculptés sur l’arche d’alliance, 3° dans le sanctuaire, 4° brodés sur les tapisseries du Temple, et 5° décrits dans les visions d’Ézéchiel. On n’a jamais hésité à reconnaîre des anges dans les chérubins du paradis terrestre. Mais les chérubins du sanctuaire et surtout d’Ézéchiel ont toujours paru enveloppés d’un mystère impénétrable. Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 3, écrit à propos des chérubins du Temple : « Personne ne peut ni dire ni conjecturer ce qu’ils étaient. » Saint Grégoire de Nazianze, Orat. xxviii, 19, t. xxxvi, col. 52, parle de même de ceux d’Ézéchiel, et saint Jérôme, In Ezech., i, 4, t. xxv, col. 19, fait cette déclaration, à propos de la vision du prophète : « Toutes les synagogues des Juifs sont muettes au sujet de son interprétation ; ils disent qu’il est au-dessus des forces de l’homme de tenter d’expliquer ce passage et celui qui traite de la construction du Temple, à la fin de cette prophétie. » L’étymologie même du mot kerûb, jusqu’en ces derniers temps, demeurait conjecturale. Pour éviter qu’on ne la tirât du radical chaldépn kârab, « labourer, » et que le kerûb n’éveillât l’idée du veau d’or ou du bœuf Apis, les rabbins talmudistes préféraient lire kerabija’, ce qui signifie « comme un enfant », et permettait d’assimiler le kerûb à un enfant. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 550. D’autres ra^

tachèrent le mot hébreu au grec yp-fy, pluriel ypyqplç, qui désignait une espèce d’oiseau fantastique, le griffon. Hérodote, iii, 116 ; Élien, Hist. anim., iv, 27. Le chérubin aurait été un génie à nez crochu. Renan, Histoire des langues sémitiques, 1™ édit., p. 460, tient pour cette explication. Gesenius, Thésaurus, Leipzig, 1840, p. 711, essaye d’identifier quant au sens les deux racines kârab et hâiam, « défendre » et « consacrer », d’où le sens de « gardien sacré », prêté par lui à kerûb. — La découverte des grands taureaux ailés de Ninive par Layard, Nineveh and its remains, Londres, 1849, t. i, p. 65-67, projeta tout d’un coup une vive lumière sur le problème des chérubins bibliques. Les êtres mystérieux décrits par Ézéchiel apparurent magnifiquement sculptés et dans des proportions gigantesques. La plupart de ces colosses, aujourd’hui transportés dans les musées d’Europe, sont le commentaire le plus clair et le plus simple dont on puisse se servir pour comprendre le texte du prophète. En 1858, dans ses Addenda au Thésaurus de Gesenius, p. 95, Rœdiger remarquait, au mot kerûb : « Aujourd’hui personne n’omettra de comparer avec les chérubins les colossales figures de taureaux et de lions ailés et à face humaine, qui ont été extraites des ruines des villes assyriennes et que Botta, Layard et d’autres ont décrites. » La suite de cet article montrera par le détail jusqu’à quel point les sculptures ninivites répondent aux descriptions bibliques. On a voulu rattacher le mot kerûb aux langues indoeuropéennes ; mais, quoique l’étymologie n’en soit pas encore établie avec certitude, Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 283-284, on peut dire que le mot kerûb es ! purement sémitique et a été employé comme substantif pour dire un taureau, en tant que l’animal fort, puissant par excellence. Nous en avons la preuve par la comparaison des deux passages parallèles du prophète Ézéchiel, i, 10 ; x, 14, où kerûb s’échange avec sôr, <i taureau, » et où « face de kerûb » et « face de taureau » sont deux expressions synonymes.

II. Les chérubins du paradis terrestre. — Après avoir prononcé la sentence contre nos premiers parents prévaricateurs, le Seigneur « chassa Adam, plaça devant le jardin d’Éden les kerabim et la flamme glaive tournoyant, pour garder le chemin de l’arbre de vie ». Gen., m, 24. Le texte sacré n’indique ni la nature, ni le nombre, ni la forme de ces chérubins. Mais ce sont des êtres déterminés, puisque leur nom est accompagné de l’article ; leur fonction est nettement indiquée : ils sont là « pour garder le chemin de l’arbre de vie ». Enfin auprès d’eux se voit le glaive de feu tournoyant, sans qu’il soit parlé de l’action qu’ils peuvent avoir sur ce glaive. Tout ce qui ressort du texte, c’est que ces chérubins sont des ministres de la puissance divine, assez forts pour intimide ] - l’homme et lui ôter la tentation de revenir auprès de l’arbre de vie, soit seul, soit plus tard avec le secours de ses descendants. Pour atteindre ce but, ils ont dû être revêtus d’une forme visible, peut-être même terrifiante. Il faut aussi remarquer que le Seigneur les plaça à demeure, yaskên, littéralement « les fit habiter » à la porte du paradis. Leur mission a donc duré un certain laps de temps, et leur présence prouvait à l’homme que la fermeture de l’Éden était définitive. Dans le récit de la tentation, le texte sacré a déjà donné lieu de conclure à l’existence d’un esprit supérieur à l’homme, mais malfaisant, opposé à Dieu et se cachant sous la forme d’un serpent. Il est donc naturel de penser que les chérubins sont aussi des esprits supérieurs à l’homme, mais obéissant à Dieu et capables de revêtir, au moins en apparence, une forme sensible.

Les assyriologues n’ont pas manqué de signaler les rapports assez frappants qui existent entre les chérubins du paradis et les taureaux ailés des palais assyriens. Ces derniers n’étaient pas de simples sujets décoratifs. Un être surnaturel était censé résider dans leur corps et exercer les fonctions de gardien et de protecteur. C’est là

un point sur lequel les inscriptions ne permettent aucun doute. Les taureaux ailés sont, aux yeux de l’Assyrien, des sêdu, des génies surnaturels vivant sous une enveloppe matérielle, mais exerçant l’office de gardiens puissants. Prisme d’Assaraddon, col. vi, 33-35 ; E. Budge, History of Esaraddon, in-£°, Londres, 1880, p. 83-85, 97. Bien plus, une des représentations qu’on rencontre le plus fréquemment sur les monumenls figurés est celle des deux génies de forme humaine et munis de quatre ailes, qui montent la garde de chaque côté de l’arbre de vie. Voir t. i, fig. 619 et 620, col. 1939 et 1941. La tradition biblique paraît d’ailleurs, sur bien des points, antérieure et préférable aux traditions chaldéennes, dans l’état où elles se présentent actuellement. Voir Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. i, p. 274-275 ; Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 174, 4.

Certains auteurs ont prétendu que les chérubins du paradis n’étaient que des spectres ou des fantômes, Théodore d’Héraclée, dans Théodoret, Quœst. xi in Gen., t. lxxx, col. 141-144 ; Procope de Gaza, In Gen., iii, 24, t. lxxxvii, col. 228 ; des espèces d’êtres mythologiques, Winer, Biblisches Bealwôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 263 ; des produits de l’imagination populaire, Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, Paris, 1851, p. 136-138 ; Jahn, Biblische Archâologie, Vienne, 1817, t. iii, p. 266 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 145 ; Reuss, L’histoire sainte et la loi, Paris, 1879, 1. 1, p. 300. Mais la Bible parle des chérubins du paradis de la manière la plus positive, et l’absence même de toute description montre que l’imagination n’est pour rien dans ce récit. Cf. Vigoureux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., 1891, t. IV, p. 167-170. On ne peut donc pas non plus les assimiler aux kirubi assyriens, comme l’a fait Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, Leipzig, 1881, p. 150-155.

III. Les chérubins d’or de l’arche d’alliance. — Le Seigneur lui-même en donne la description à Moïse et en indique la raison d’être. Exod., xxv, 18-22 ; xxxvii, 7-9. Ce sont deux chérubins en or repoussé, destinés à être placés de chaque côté du propitiatoire qui recouvre l’arche. Ils occupent les deux extrémités du propitiatoire même, ont le visage tourné vers lui et étendent leurs ailes de manière à le recouvrir en l’entourant. L’emplacement circonscrit par ces ailes est l’endroit d’où le Seigneur fera entendre ses oracles à Moïse et où sa majesté résidera. — Ces chérubins de métal ne sont pas présentés comme des êtres vivants, ni même comme des figures abritant des génies ou des anges, mais comme de simples images matérielles. Sans doute ils évoquent, dans l’esprit du peuple hébreu, soit la pensée des anges invisibles, soit le souvenir des êtres supérieurs à forme matérielle auxquels on donne habituellement le nom de kerubim. Mais, dans la Bible, ce ne sont en réalité que de simples représentations inanimées, et le seul être invisible et réel qui soit mentionné dans la description de l’arche est le Seigneur lui-même. Un certain nombre d’auteurs ont assimilé ces chérubins à ceux d’Ézéchiel et ont conclu de l’identité du nom à l’identité de la chose. Rosenmûller, Scholia in Exodum, Leipzig, 1795, p. 581. De Saulcy lui-même, Histoire de l’art judaïque, Paris, 1858, p. 22-29, s’est efforcé d’établir que les chérubins de l’arche et du Temple étaient des taureaux ailés semblables à ceux de Ninive. On se figure difficilement des images de taureaux placées sur l’arche et dans le tabernaclepeu après l’adoration du veau d’or. De plus, la description que fait l’Exode « ne peut en aucune façon s’appliquer à des kiroubi à l’assyrienne, en forme de taureaux dont les ailes étendues, d’après la direction qu’on leur donne toujours et dont elles s’implantent dans leur corps, n’auraient été en mesure de couvrir le propitiatoire, ou couvercle de l’arche, qu’à condition qu’on les eût placés se tournant le dos », ce qui est précisément contraire

aux données bibliques. La description de l’Exode « convient bien mieux à ces figures de forme humaine, que les monuments égyptiens nous montrent fréquemment placées face à face des deux côtés des naos des dieux, et étendant pour les envelopper leurs bras garnis de grandes ailes. Tout est d’ailleurs… égyptien de forme dans le mobibier sacré du tabernacle…, comme il était naturel que cela fût au lendemain de la sortie d’Egypte ». Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 125126. Toutefois ces chérubins, imités des figures ailées de l’Egypte, avaient certainement des visages humains, et non des têtes d’oiseaux, comme ceux qu’on aimait à représenter sur les bords du Nil. Voir t. i, col. 914, et pour les figures de chérubins, fig. 242-241, col. 915-918. Le nom de kevûb est sémitique et chaldéen. Cependant, en égyptien, on trouve la racine jrp, yrb ou yrpu, signifiant « figure, simulacre », et désignant souvent les représentations figurées comme ornements sur les plaques de métal, les portes, etc. Brugsch, Hieroglyphisch-demotisches Wôrterbuch, Leipzig, t. vi, 1881, p. 961. En parlant de kerûbîm, Moïse n’évoquait donc pas une notion qui fut étrangère aux Hébreux sortant d’Egypte.

Les deux chérubins de l’arche, entre lesquels le Seigneur rendait ses oracles, Num., vii, 89, sont considérés par les écrivains sacrés à un point de vue qui exclut toute idée d’idolâtrie : ils ne sont que l’escabeau sur lequel monte le Seigneur, le trône sur lequel il siège. « Celui qui est assis sur les chérubins » est une expression qui apparaît à l’époque de Samuel, I Reg., iv, 4, et que les écrivains postérieurs reproduisent volontiers. II Reg., vi, 2 ; I Par., xiii, 6 ; IV Reg., xix, 15 ; Ps. lxxix, 2 ; xcvm, 1 ; Is., xxxvii, 16 ; Dan., iii, 55. Mais ce trône est constitué par des êtres pourvus d’ailes ; on peut dès lors le concevoir comme transformé en char aérien. C’est David qui emploie cette poétique image :

Il incline les cieux et descend ;

Un nuage sombre est sous ses pieds.

Porté sur le chérubin, il vole,

Il plane sur les ailes des vents.

Ps. xviii (xvii), 10, 11 ; ir Reg., xxii, 11.

Il est donc naturel que saint Paul appelle les chérubins de l’arche des « chérubins de gloire », Hebr., IX, 5, c’est-à-dire des êtres sur lesquels rejaillit la gloire du Seigneur. IV. Les chérubins du Temple de Salomon. — Le roi Salomon fit entrer les chérubins comme motif de décoration dans le Temple. Tout d’abord il plaça deux grands chérubins de forme colossale dans le Saint des saints. On les avait sculptés en bois d’olivier, et recouverts de lames d’or. Ils étaient debout, de chaque côté de l’arche qu’ils regardaient. Hauts de dix coudées, soit environ cinq mètres, ils avaient des ailes de même longueur. Celles-ci étaient étendues ; les ailes inférieures se touchaient au-dessus du propitiatoire, et les supérieures atteignaient jusqu’aux murs. III Reg., vi, 23-28 ; II Par., iii, 10-13. Le texte ne dit pas de quelle forme étaient les chérubins. Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 3. Il est assez probable qu’on ne s’écarta guère du type égyptien, dont on avait le modèle sous les yeux dans les chérubins mêmes de l’arche. Les chérubins du Saint des saints auraient alors ressemblé à ces génies égyptiens, à figure humaine, qui encadrent dans leurs ailes étendues un personnage divin. Voir t. i, fig. 241 et 242, col. 913, 915. Cf. Wilkinson, Manners and customs of the ançient Egyptians, Londres, 1878, t. iii, pi. L. Munk, Palestine, p. 157-158, croit qu’en effet ces chérubins reproduisaient le type égyptien. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1880, p. 126, est d’un avis différent. « À cette époque, dit-il, l’influence égyptienne n’était plus seule à s’exercer sur les Hébreux. L’influence assyrobabylonienne la balançait… Il est très possible que les nouveaux keroubim exécutés alors aient été différents des anciens, tels que les décrit l’Exode. Il y a même de fortes

raisons de croire que dés lors ce furent des kiroubi à l’assyrienne. » Les Phéniciens, constructeurs et décorateurs du Temple, pratiquaient un art très composite, et il se peut qu’ils aient renoncé au type purement égyptien dans la fabrication des chérubins du sanctuaire. Les Assyriens sculptaient aussi des génies à tête humaine, debout et pourvus d’ailes. Voir t. i, col. 1 155. De fait, les animaux symboliques qu’Ézéchiel, x, 20, 21, voit dans le Temple de Jérusalem ressemblent aux taureaux ailés des Assyriens. Toutefois l’on ne peut conclure de la vision à la réalité, et rien ne permet de déterminer sûrement à quel type appartenaient les chérubins de Salomon. Voir Riehm, Die Cherubim in der Stiftshûtte und in Tempel, dans les Theologische Studien und Kriliken, 1871, p. 399-457. A en croire les traditions rabbiniques, Echa Rabbathi, 54, 1, les Ammonites et les Moabites se seraient emparés de ces chérubins, au moment de la prise de Jérusalem par les Chaldéens, et auraient cherché à les

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543. — Les chérubins d’Ezéchiel.

Miniature placée en tête du chap. I d’Ezéchiel, dans la Blblo manuscrite écrite par Goderan, moine de Lobbes, et achevée par M en 1084, D’après la Bévue de l’art chrétien, 1880, p. 359.

faire prendre pour des dieux adorés par les Hébreux. II est plus probable que ces statues de bois périrent dans l’incendie du Temple, après avoir été dépouillées de l’or qui les revêtait. Il n’est pas question de chérubins semblables dans le second Temple, privé d’ailleurs de la présence de l’arche. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 39.

Salomon fit encore tisser, pour masquer la vue du Saint des saints, un rideau précieux sur lequel étaient brodés des chérubins. II Par., iii, 14. Sur le vêtement royal d’Assurnazirpal, on voit aussi un grand nombre de génies ailés en broderie. Voir t. i, fig. G20, col. 1941. On sait d’ailleurs que les Phéniciens s’étaient acquis une grande habileté dans l’exécution de ces sortes d’ouvrages.

Enfin, sur tous les murs du Temple, des bas-reliefs représentèrent des chérubins alternant avec des palmes et des fleurs écloses. III Reg., VI, 29 ; Ezech., xli, 18-20, 25. Ici l’imagination des artistes put se donner libre carrière. « Ces keroubim, sculptés en très bas relief, se rangeaient le long des parois sacrées en files silencieuses, alternant avec des palmiers, semblables aux figures alignées sur les murs de Thèbes ou de Khorsabad ; ces processions étaient encadrées dans des frises de Heurs fermées ou épanouies, lotus ou papyrus en Egypte, lotus ou pavots en Assyrie, coloquintes à Jérusalem. » De Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. 33.

V. Les chérubins d’Ezéchiel. — Voici comment le prophète décrit la première vition qu’il eut des animaux symboliques, en Assyrie, sur les bords du fleuve Chobar : « Au milieu, la ressemblance de quatre animaux. Voici C63

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]eur aspect : ils avaient une ressemblance d’homme. A chacun quatre formes et à chacun quatre ailes. Leurs pieds étaient droits, et la plante de leurs pieds était comme la plante du pied d’un veau ; ils étaient étincelants comme l’airain poli. Il y avait des mains d’homme sous leurs ailes sur leurs quatre côtés. À tous les quatre étaient la même figure et les mêmes ailes. Leurs ailes se rattachaient l’une à l’autre. Ils ne revenaient pas sur eux Leur description ressemble à celle qui précède ; Ézéchiel ajoute cependant quelques traits nouveaux : « Le bruit des ailes des chérubins s’entendait jusqu’au parvis de la cour extérieure… Leur corps, leur dos, leurs mains, leurs ailes et leurs quatre roues étaient remplis d’yeux tout autour. .. C’était l’animal que j’avais vu au-dessous du Dieu d’Israël près du fleuve Chobar, et je compris que c’étaient des chérubins, ayant chacun quatre formes, quatre ailes

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244. — Taureau ailé à tête humaine. Musée du Louvre.

mêmes dans leur marche, et chacun s’avançait devant soi. Voici quelle était la ressemblance de leur forme : une forme d’homme et une forme de lion à tous les quatre sur la droite, une forme de taureau à tous les quatre sur la gauche, et une forme d’aigle à tous les quatre. Voilà leurs formes. Des ailes s’étendaient par-dessus ; elles se joignaient deux à deux, et deux d’entre elles recouvraient le corps. Chacun marchait devant soi ; là où l’esprit les poussait, ils allaient, sans se retourner dans leur marche. L’aspect des animaux était celui de charbons de feu brûlant comme des flambeaux. Ce feu courait entre les animaux ; il brillait, et de ce feu jaillissait l’éclair. Et les animaux allaient et venaient, semblables à la foudre. » Ëzech., i, 5-14. Dans une autre vision, les chérubins apparaissent au prophète dans le Temple de Jérusalem.

et sous les ailes une forme de mains humaines. » Ezech., x, 5, 12, 20, 21.

Le prophète avait sous les yeux les taureaux ailés de Ninive quand il écrivit la description de sa vision. Cette description, naguère incompréhensible malgré tous les efforts des exégètes, qui se représentaient les chérubins sous les formes les plus étranges (fig. 243), devient maintenant assez facile à expliquer, pourvu que l’on connaisse, au moins d’après les gravures qui en ont été faites, les colosses qui ornaient autrefois les palais assyriens. Sans doute les chérubins décrits par Ézéchiel ne répondent exactement à aucun de ceux que l’on a retrouvés jusqu’ici. Mais « il a toujours été facile aux poètes et aux prophètes de décrire des combinaisons compliquées de forme, que les artistes ont eu plus de peine à réaliser G65

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plastiqueraient. Nous sommes loin d’ailleurs de connaître encore tous les types religieux créés par l’art chaldéoassyrien, et plus encore toutes les variantes dont ces types ont été susceptibles ». Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1. 1, p. 123. Néanmoins les monuments découverts jusqu’à ce jour suffisent à rendre compte des détails consignés par le prophète dans le récit de ses visions.

Les quatre animaux « avaient une ressemblance d’homme ». Les taureaux ailés assyriens ont une tête d’homme. « La tête humaine qu’ils supportent est coiffée d’une mitre, formant un cône tronqué presque cylindrique, parsemée d’étoiles, surmontée d’une rangée de plumes, et armée sur le devant d’une rangée de cornes. Ces cornes, superposées l’une à l’autre, s’enroulent autour de la mitre, et sont au nombre de trois pour chaque

reaux, quant à la disposition générale… Les taureaux diffèrent peu des lions ; ils s’en distinguent sans doute par les parties nécessairement dissemblables, telles que la patte ; mais ils ont le même type… Il est digne de remarque que les lions alternent quelquefois avec les taureaux : ainsi les deux premières figures colossales transportées en Angleterre par M. Layard sont un lion et un taureau, qui gardaient chacun, comme de concert, un côté d’une même porte. Ailleurs, à Persépolis, et dans les ruines d’origine perse, mais qui proviennent de monuments imités de ceux des Assyriens, on a aussi observé cette réunion et cette disposition alternative des taureaux et des lions. » Feer, Les ruines de Ninive, p. 70-72. Dans les dernières lignes du Prisme trouvé dans le palais d’Assarhaddon, à Ninive, on lit : « Que dans ce palais le taureau suprême, le lion suprême, les gardiens de ma royauté

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245. — Personnage à quatre ailes, placé & côté du taureau ailé. D’après Place, Ninive et l’Assyrie, t. iii, pi. 12.

rangée chez les taureaux de la plus grande dimension, de deux seulement chez les moins grands. La figure, qui a une très belle expression et une grande régularité dans les traits, porte une longue barbe, frisée avec un soin tout particulier. Par suite de cette frisure, la barbe pendante parait divisée en bandes verticales distinctes, qui traversent plusieurs rangées horizontales de boucles. Les cheveux sont également frisés… L’ensemble de la figure exprime un singulier caractère de majesté, de calme et de force, dont on ne peut s’empêcher d’être surpris et comme saisi. » Feer, Les ruines de Ninive, in-8°, Paris, 1864, p. 69-70. « À chacun quatre formes : une forme d’homme et une forme de lion à tous les quatre sur la droite, une forme de taureau à tous les quatre sur la gauche, et une forme d’aigle à tous les quatre. » Ezech., i, 10. En hébreu, ces formes sont appelées pânim, mot qui signifie non seulement « face, figure », mais aussi « aspect, apparence ». Gesenius, Thésaurus, p. 1110. Les taureaux ailés n’ont pas quatre têtes ni quatre figures, mais seulement quatre aspects. Us sont hommes par le visage, aigles par les ailes, taureaux ou lions par le corps et les jambes. Voir un taureau ailé (fig. 214), et un lion ailé, t. i, fig. 69, col. 313. « Tandis que les colosses de Khorsabad sont généralement des taureaux, la plupart de ceux deNimroud sont des lions. Cos lions ressemblent beaucoup aux tau qui protègent mon honneur, brillent d’un éclat éternel, jusqu’à ce que leurs pieds se séparent de ces portiques. » J. Menant, Ninive et Babylone, Paris, 1888, p. 74. Cette alternance explique un détail de la vision. Le prophète dit que chaque animal a la forme de lion sur la droite et la forme de taureau sur la gauche. Comme dans les monuments une seule moitié de l’animal sort de la muraille, Ézéchiel suppose que la partie engagée diffère de la partie visible. On peut penser aussi qu’il a vu des animaux composites, lions d’un côté et taureaux de l’autre. On a d’autant plus droit de le conjecturer que les animaux de la vision sont vivants et en mouvement, pa. conséquent tout à fait dégagés des murailles d’où émergent à demi les bas-reliefs. « À chacun quatre ailes… Leurs ailes se rattachaient l’une à l’autre…, elles se joignaient deux à deux, et deux d’entre elles recouvraient le corps. » Ezech., i, 6, 9, 11. Les animaux à quatre ailes n’ont pas été retrouvés dans la sculpture assyrienne. Les génies à quatre ailes, au contraire, sont communs. Voir t. i, fig. 56, col. 302 ; fig. 133, col. 530 ; fig. 317, col. 1155 ; fig. 618, col. 1935. Dans les sculptures de la porte du palais de Khorsabad, les deux taureaux qui de chaque côté se présentent de profil sont séparés par des personnages à quatre ailes (fig. 245). Deux de ces ailes retombent et peuvent recouvrir le corps, les deux autres s’élèvent comme pour voler. Le dieu chai

déen de l’enfer, Nergal, est représenté en forme de chien à quatre ailes, dont les deux inférieures peuvent recouvrir son corps. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 691. « Leurs pieds étaient droits, et la plante de leurs pieds était comme la plante du pied d’un veau. » Ezech., i, 7. Ce dernier détail suppose que les quatre animaux, même ceux qui étaient à moitié lions, avaient le pied corné et fendu de l’espèce bovine. Les pieds qui sont droits s’expliquent par la vue même du taureau ailé (fig. 244). L’animal a cinq pattes. Vu de profil, il n’en montre que quatre, qui paraissent en mouvement ; vu de face, il

tête qui se tourne vers le spectateur, ne pourraient faire volte-face sans se heurter l’un l’autre (fig. 246). Ils sont immobiles dans les bas-reliefs, et dans la vision d’Ezéchiel il ne faut rien moins que l’esprit de Dieu pour les mettre en mouvement. « Leur corps, leur dos, leurs mains, leurs ailes, étaient remplis d’yeux tout autour. » Ezech., x, 12. Il est à présumer que le mot’ain ne désigne pas ici des yeux proprement dits, mais des yeux dans le sens métaphorique, c’est-à-dire des parties brillantes, étincelantes. Le mot se présente avec ce dernier sens dans le livre des Proverbes, xxiii, 31, où il est parlé du vin « qui donne son œil »,

/tf/^c/j) j-.

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246. — Taureaux allés des portes de Khorsabad, tels qu’Us étalent disposés

semble campé sur deux pattes de devant, qui sont rigides et au repos. « Il y avait des mains d’homme sous leurs ailes sur leurs quatre côtés, » Ezech., i, 8, c’est-à-dire sur le côté des quatre animaux. Ces mains d’hommes, assez rares dans les sculptures assyriennes, se voient cependant quelquefois, entre autres sur deux lions de Nimroud, actuellement au Musée britannique (fig. 247). Layard, Monuments of Nineveli, Londres, 1853, t. i, pi. 42. D’autres lions ont une tête et des bras d’homme sans ailes. Perrot, Histoire de Tart dans l’antiquité, Paris, 1881, t. ii, p. 580-581. « Ils ne revenaient pas sur eux-mêmes dans leur marche, et chacun s’avançait devant soi. » Ezech., i, 12. C’est l’attitude qu’ont les taureaux ailés des monuments. Debout le long des parois des murs dans lesquels sont percées les portes, ils semblent faits pour aller tout droit devant eux. En particulier, ceux qui sont sculptés sur le mur de façade et qui se montrent de profil, sauf la

c’est-à-dire évidemment « son éclat ». Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1018 ; Ch. de Linas, Les origines de l’orfèvrerie cloisonnée, 3 in-8°, Paris, 1877, t. i, p. 77. Cet éclat scintillant pouvait ressembler à celui de l’émail, dont Ézéchiel, i, 4, fait mention ; à celui de la peinture ou de la dorure dont étaient parfois revêtus les monuments figurés. J. Menant, Ninive et Babylone, p. 136-140. Du reste, la vision du prophète se produit au milieu d’un « feu étincelant » et d’une « lumière rayonnante », Ezech., I, 4 : les chérubins ressemblent « à des charbons de feu, brûlant comme des flambeaux ». Ezech., i", 13. Il n’est donc pas étonnant qu’ils lancent de toutes parts des « yeux », c’est-à-dire des rayons étincelants. Voir Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 183-243.

VI. Symbolisme des chérubins, — 1° Les chérubins du paradis terrestre ne sont pas des symboles, mais des réalités, des anges, en un mot, bien que revêtus de formes d’emprunt.

2° Les chérubins de l’arche et du Temple sont des figures symboliques. Us représentent les gardiens invisibles du sanctuaire. « Ils étendaient leurs ailes sur l’arche. Sans doute ils servent à symboliser la présence de Dieu, à indiquer un lieu réservé, où il n’était pas permis d’atteindre. En ce sens, ce sont encore des gardiens. Mais nous ne les trouvons plus aux portes, comme les gardiens placés par l’Éternel à l’entrée d’Éden… Dans ces êtres ou ces symboles, que la parole de Dieu nous décrit d’une manière très voilée, l’aile est le caractère essentiel et dominant. Il n’est pas moins certain que leur fonction est de garder ce qu’il y a de plus saint et de plus véné divin », un « jardin divin », c’est-à-dire la demeure de celui qui se dit et se croit un dieu. ꝟ. 2, 13. Il est comparé au chérubin mimsah, non pas d’  « onction », mais d’s extension », qui étend ses ailes pour couvrir et protéger ses trésors, comme les chérubins de l’arche et du sanctuaire étendent les leurs pour couvrir et défendre la majesté invisible du Seigneur. De sa montagne sainte à lui, sur laquelle il plane comme les chérubins sur la montagne de Sion, Dieu l’arrachera honteusement. Voir Rosenmûller, Scholia, Ezechiel, Leipzig, 1810, t. ii, p. 326-329 ; Gesenius, Thésaurus, p. 825 ; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 341-346. Saint

j.MÀiLZonz

dans le palais de Sargon. D’après Place, NLnive et l’Assyrie, t. iii, pi. SI.

rable. Il est donc permis de croire que les Assyriens, en donnant des ailes aux figures qui gardaient les portes des demeures royales, observaient une tradition antique et respectable, dont peut-être ils avaient perdu le sens, mais qui s’était perpétuée jusqu’à eux depuis les premiers âges du monde. » Feer, Les ruines de Ninive, p. 76. — Dans sa lamentation sur le roi de Tyr, Ézéchiel semble consacrer ce symbole. Il dit, en effet, de ce roi, orgueilleux de sa puissance et de ses richesses : « Tu es kerûb mimsaJf hassôkêk, un chérubin qui s’étend et qui protège, je t’ai placé sur la montagne sainte de Dieu, et tu marches au milieu des pierres de feu… Mais, à cause de l’étendue de ton commerce, ton cœur a été rempli d’iniquité et tu as péché ; c’est pourquoi je t’arracherai honteusement de la montagne divine et te perdrai, chérubin protecteur, du milieu des pierres de feu. » Ezech., xxviii, 14, 16. Ces pierres de feu sont les pierres scintillantes qui constituent le trésor et l’ornement du roi. y. 13. La montagne sainte de Dieu est Tyr, que le prophète appelle un « séjour

Thomas, Summa theologica, 1* 2 æ, en, 4, ad 6, dit aussi, au sujet des chérubins de l’arche : « Dieu, qui est au-dessus de tout, est incompréhensible à toute créature. C’est pourquoi ou ne mettait aucune image pour représenter son invisibilité, mais on plaçait comme une figure de son trône, (les chérubins) d’une nature incompréhensible, qui est au-dessous de Dieu comme le trône au-dessous de celui qui est assis. »

3° Le symbolisme des taureaux ailés, dont Ézéchiel fait la description, est plus compliqué. Cependant « rien de plus clair que l’intention et l’idée-mère de cette création. L’art a voulu réunir dans un seul être les plus hautes puissances de la nature et de la vie. Le taureau, le lion et l’aigle, ce sont les types divers de la force physique, qui n’a pas partout le même caractère et qui ne se manifeste pas de la même manière. Patiente et tenace dans le taureau, qui traîne la charrue et transporte les plus lourds fardeaux, elle est impétueuse et violente chez le lion, et dans l’aigle, à la redoutable vigueur du bec et G71

CHÉRUBl’N

672

de la serre s’ajoute la foudroyante rapidité du vol. L’homme enfin, qui est ici représenté par la tête et le visage, c’est la force intelligente, c’est la volonté réfléchie, devant laquelle s’incline et à laquelle se soumet tout ce qui vit ». Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 497. Dans le prophète, le symbole s’élève encore davantage. Les chérubins ne représentent plus seulement les forces de la nature et de la vie, divinisées par les anciens ; ils sont

vais, qui exercent leur action sur le monde et sur les hommes.

4° Le taureau à quadruple forme d’Ézéchiel, dont saint Jean reprend le type, Apoc, iv, 6-7, est devenu le symbole des quatre évangélistes, que saint Jérôme, Epist. lui, 8, t. xxii, col. 548, appelle le « quadrige du Seigneur « .Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 295-296.

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247. — Lion ailé à tête et à bras humains. D’après Layard, Monuments of. Mneveh, t. 1, pi. 3 et 42.

les images sensibles des êtres spirituels dont Dieu se sert pour exercer sa puissance. Sans doute ces images ne donnent qu’une idée grossière de la réalité ; mais elles sont appropriées au génie de l’époque et manifestent la puissance divine par ce qui frappait davantage l’esprit de l’homme : la puissance des êtres supérieurs de la création. L’auteur de Job a procédé d’une manière analogue quand, pour donner l’idée de la grandeur de DieU, il a décrit longuement les animaux les plus merveilleux, le crocodile, l’hippopotame, etc. Job, xxxix-xi.i. Daniel, vii-viii, représentera également sous le symbole d’animaux les divers empires que Dieu suscitera successivement, et saint Jean, Apoc, vi, ix, xir, xiii, xix, décrit à l’aide d’images analogues les anges, bons ou mau . 5° Dans la théologie chrétienne, le nom de « chérubins » a été donné à l’un des neuf choeurs des anges. Voir t. i, col. 980. Cette attribution se base sur le récit de la Genèse, puisque les chérubins du paradis terrestre étaient certainement des anges. Pour les anciens, Phi-Ion, De Vila Mosis, Londres, 1742, t. ii, p. 150 ; Origène, In Rom., iii, 8, t. xiv, col. 948 ; saint Jérôme, Epist. lui, 8, t. xxii, col. 548, etc., le nom de « chérubin » veut dire èTriyvtixji ; itoXXri, « science très grande. ». Voir Petau, De theologicis dogmatibus, de Angelis, ii, v, 8 ; Rosenmûller, Scholia in Exodum, Leipzig, 1795, p. 585. Cette étymologie ne se justifie pas en hébreu r même si on suppose que, par métathèse, kerûb puissevenir de kâbar, « être grand, nombreux, long. » Peut

être Philon, qui donne le premier ce sens à kerûb, a-t-il été tenté par le désir d’assimiler le kerûb hébreu au sphinx égyptien. L’un et l’autre sont symboliques. » Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 497. Le sphinx, composée d’un corps de lion et d’une tête humaine, représentait la force et l’intelligence réunies. On l’a même regardé comme le symbole de la grande divinité de Sais, Neith, mère du soleil et déesse de la sagesse, que les Grecs ont cherché à identifier avec leur Athénè. Il est donc à croire qu’en proposant cette étymologie, Philon a cédé à ses tendances hellénistes. Voir J. R. Bosanquet, The successive visions of the Chérubins,

in-12, Londres, 1871.
H. Lesêtre.
    1. CHÉRUBIN DE SAINTJOSEPH##

CHÉRUBIN DE SAINTJOSEPH (de son nom de

famille Alexandre de Borie), carme déchaussé, né à Martel, aujourd’hui département du Lot, le 5 août 1639, mort à Bordeaux le 4 avril 1725. Profès à l’âge de seize ans, prêtre à vingtdeux ans, il professa de longues années, avec une véritable supériorité, la théologie et la philosophie avec les mathématiques et les sciences naturelles, se procurant pour cela tous les livres nécessaires et utiles et les instruments les plus perfectionnés. Plusieurs fois prieur, définiteur, provincial, visiteur général, il s’appliquait avec tant de zèle au gouvernement des âmes et à l’observance régulière, qu’il paraissait ne pas même regarder les livres, et pendant ce temps-là il apprenait l’hébreu et vaquait à l’étude des Saintes Lettres, des conciles, des Pères et de l’histoire ecclésiastique, comme s’il n’avait pas eu d’autre souci. Il travailla jusqu’au jour de sa mort. On a de lui : Bibliotheca criticas sacrée circa omnes j’ere Sacrorum Librorum difficullales, 4 in-f° ; les deux premiers volumes, Louvain, 1704, et les deux derniers, Bruxelles, 1705 et 1706 ; Summa criticx sacras in qua scholastica methodo exponuntur universa Scriptural Sacrée prolegomena, 9 in-8°, Bordeaux, 1709-1716 ; et vingt autres ouvrages in-4° sur l’Écriture restés manuscrits. — Dans le premier de ces ouvrages, qui est incomplet, l’auteur se proposait de réunir en 12 in-folio tout ce qui avait été dit jusque-là pour la solution des difficultés de l’Écriture ; mais la publication en fut arrêtée au cinquième volume, par les guerres de la succession d’Espagne. Obligé de revenir de Bruxelles à Bordeaux, et n’y trouvant ni caractères hébraïques ni typographes exercés à ce genre de composition, et son âge avancé ne lui permettant plus de se transporter dans un autre pays, il prit le parti de faire de son immense travail un résumé, qu’il publia sous le titre de Summa criticee sacrée. Voir le Journal des savants, années 1705, 1711 ; les Mémoires de Trévoux, années 1710, 1711, 1712, 1713.

F. Benoit.

    1. CHESLON##

CHESLON (hébreu : Kesâlôn ; Septante : XauaXwv, « lieu fertile, » de la racine peu usitée kdsal, dont la signification primitive, d’après Fiirst, est : « être charnu, gros, massif, » ou bien place « forte », montagne « massive », d’après l’analogie d’autres dérivés de la même racine), yille de la tribu de Juda, mentionnée Jos., xv, 10, sur la frontière nord de la tribu de Juda, entre Cariathiarim et Bethsamés. Elle semble y être placée sur le versant septentrional du mont Jarim (Har Ye’àrim, « montagne des forêts » ) : « [La frontière] passe [de la montagne de Séir] vers l’épaule du Har Ye’ârlm du côté nord : c’est Kesâlôn. » — Tout le monde convient que c’est le À’esM.actuel. La forme arabe doit son origine à une forme hébraïque Kaslôn. Voir KampfTmeyer, Alte Namen im heutigen Syrien und Palâstina, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. xvi, année 1893, p. 46. Cela prouve que la transcription de la Vulgate (et des Septante) est plus exacte que la prononciation massorétique, à moins qu’on ne préfère admettre (avec KampfTmeyer) deux formes hébraïques différentes.

Le Keslâ actuel est ainsi décrit par Conder, dans le Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 23 : « Un


petit village en pierres dans une position très visible sur le sommet d’une hauteur raboteuse, avec une profonde vallée du côté nord. Il y a une source vers l’est et deux autres dans une vallée vers le midi. Les broussailles qui couvrent la montagne correspondent parfaitement à l’ancien nom de Yearim. » Sur la grande carte du Palestine Exploration Fund l’élévation est marquée à 2 082 pieds anglais (791 mètres). La profonde vallée vers le nord est VOuâdi el-Himâr, « vallée de l’âne, » venant A’Abôu-Gosch au nord-est, où il porte le nom SOuâdi el-Gadh ; « vallée du marais. » Près de Kesià il se dirige directement vers l’ouest, mais peu après il reprend sa direction sud-ouest sous le nom d’Ouâdî el-Gourâb, « vallée du corbeau ; » plus loin encore il est appelé Ouàdi el-Moutlaq, « vallée de l’affranchi ; » et c’est sous ce nom qu’il débouche dans la large vallée de VOuâdi es-Sourâr, « vallée des cailloux, » vis-à-vis de’Aïn Chenis (Bethsamés). — La source à l’est du village est’Aïn’el-Qasab, « fontaine des roseaux ; » celles du midi s’appellent’Aïn Keslâ et’Ain el-’Arab, « fontaine des Bédouins. » L’Ouâdi el-’Arab, au-dessous de la source, a une riche végétation de broussailles et d’arbrisseaux qui lui donnent un aspect charmant, mais sauvage. Je ne sais si la végétation actuelle correspond mieux au nom de Har Ye’àrim. qu’au nom précédent de Sè’ir. Le premier semble plutôt désigner une forêt d’arbres plus élevés ; sê’îr, « hirsute, hispide, » ferait plutôt penser à des broussailles. Néanmoins le texte nous oblige d’identifier le Har Ye’àrim avec la montagne de Keslâ, quoique le nom ait pu comprendre encore d’autres hauteurs à l’est de YOùâdi elGourâb. Le mont Séir semble être la montagne plus élevée qui, au sud de Saris et au nord-est de Keslâ, s’élève à 2347 pieds anglais (892 mètres). La frontière, d’après le texte de Josué, passait d’ici à Keslâ sur le Har Ye’àrim du côté nord. Nous comprenons ces mots dans ce sens : que la frontière traversait l’ouadi en allant du côté nord vers le midi. Mais si l’on voulait y lire qu’en traversant la vallée elle gagnait le versant nord de la montagne de Keslâ, on aurait aussi un sens admissible. Du reste, la frontière au midi de Keslâ ne devait pas s’éloigner beaucoup de VOuâdi el-Gourâb, car elle n’avait qu’à le suivre pour « descendre » tout droit « à Bethsamés ».

Cheslon n’a pas d’histoire. Après l’avoir nommé une seule fois dans la description de la frontière de Juda, l’Écriture n’en fait plus mention. L’histoire profane garde le même silence. Le nom néanmoins s’est conservé à travers les siècles depuis Josiié, et les forêts qui ont donné leur nom à la montagne, peut-être longtemps avant Josué, y ont laissé des traces encore reconnaissables.

J. P. van Kasteren.

CHETHIB. On transcrit souvent ainsi le mot hébreu 2>H3, ketib, qui signifie « ce qui est écrit », et indique une leçon jugée défectueuse par les Massorètes, mais conservée dans le texte, parce qu’ils l’ont trouvée « écrite ». La lecture qu’on doit lui substituer d’après eux est indiquée en marge dans le qerî, « ce qu’il faut lire ».

    1. CHEVAL##

CHEVAL (hébreu : sus ; — paras, mot qui désigne à la fois le cavalier et le cheval, comme du reste eques en latin ; A. Gelle, Noct. attic, xviii, 5 ; Macrobe, Saturnal. , vi, 9 ; — rékéS ; — qal, « léger, rapide », employé poétiquement une seule fois, Is., xxx, 16 ; — sûsâh, Cant., i, 9, et rammâk, Esth., viii, 10, la jument. Septante : îWoç ; Vulgate : equus). Le cheval (fig. 248) est un mammifère pachyderme de l’ordre des Jumentés et de la famille des Solipèdes ou Équidés. Les solipèdes sont ainsi nommés parce qu’ils n’ont qu’un seul doigt et un seul sabot à chaque pied. Le cheval se distingue des autres animaux de la même famille, âne, hémione, zèbre, par sa taille, la couleur uniforme de sa robe, sa queue garnie de poils dès la base, la beauté de ses formes et son intelligence, surtout quand il est convenablement traité. Il vit une trentaine d’années ; mais dans sa vieillesse il perd ses

H. — 22

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CHEVAL

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meilleures qualités. Il est originaire des grandes plaines de l’Asie centrale. Milne-Edwards, Zoologie, Paris, 1867, p. 392. Si loin qu’on remonte dans l’histoire des Aryas, on les voit employer le cheval comme animal domestique. C’est par leurs migrations que, d’après certains savants, les peuples aryens le propagèrent dans les autres pays. Fr. Lenormant, Noies sur un voyage en Egypte, Paris, 1870 (Noies sur l’âne et le cheval dans les antiquités des peuples aryens), p. 13-16.

I. Le cheval dans la. Bible, avant l’époque des rois.

— 1° Au temps des patriarches. — Ni Abraham ni ses premiers descendants ne se servaient de chevaux. Voués à la vie nomade, ils utilisaient les chameaux, les bœufs, les ânes, pour porter leurs fardeaux ou traîner leurs chariots, le bétail pour leur alimentation ; mais ils n’avaient

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248. — Cheval arabe.

que faire du cheval, que les anciens employaient surtout à cause de sa vitesse et de son aptitude à mener les chars de guerre. Du reste le pays de Chanaan, qu’habitèrent les premiers patriarches, était trop accidenté pour que les chevaux pussent rendre des services aux caravanes. Aussi dans tout le Pentateuque n’est-il jamais question de chevaux possédés par les premiers Hébreux.

2° En Egypte. — Le cheval n’existait pas en Egypte dans les temps antérieurs au xviii" ou XXe siècle av. J.-C. Les auteurs qui ont soutenu le contraire, Chabas, Etudes sur l’antiquité historique, Paris, 1873, p. 421-427, et M. Lefébure, Sur l’ancienneté du cheval en Egypte, dans les Annales de la faculté des lettres de Lyon, 1884, fasc. i, p. 1-11, et Le nom du cheval, dans les Proceedings of tlie Society of biblical Archseology, 1890, p. 449-456, n’ont pas réussi à prouver ni à faire accepter leur assertion. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 32, note 2. Le cheval ne fut introduit en Egypte que par les Hyksos, qui dominèrent dans la vallée du Nil pendant plus de quatre cents ans, jusque vers l’an 1600 av. J.-C. Ces conquérants, d’origine sémitique, acclimatèrent en Egypte le cheval de race mongolique, qu’ils avaient amené avec eux des déserts d’Arabie et de Syrie. C’est ce qui explique pourquoi les noms qui désignent l’animal en égyptien sont des noms asiatiques : sesni-t, la cavale, le coursier ; soumsim, les chevaux de guerre, rappellent le sus hébreu ; abiri, les coursiers forts et rapides, tirent leur nom de la racine sémitique’âbar ; le nom égyptien de l’étalon, kaoua, vient aussi sans doute du sanscrit açva, « cheval. » Chabas, Études sur l’antiquité historique, p. 438, 455, 456.

Si le cheval n’est entré en Egypte qu’avec les Hyksos, il n’est donc pas étonnant qu’il ne soit pas nommé parmi les animaux qu’Abraham reçut en présent, quand il vint dans la vallée du Nil sous un pharaon de la XIIe dynastie. Gen., xii, 16. Le cheval n’apparait d’ailleurs sur les monuments égyptiens qu’à partir de la XVIIIe dynastie. Les patriarches connaissaient pourtant bien cet animal pour l’avoir vu maintes fois monté par les Bédouins de l’époque. Jacob mourant compare Dan au céraste qui mord le pied du cheval pour faire tomber le cavalier. Gen., xlix, 17. A partir de la XVIIIe dynastie, qui régnait à la fin du séjour des Hébreux en Egypte, on voit communément apparaître les chevaux sur les monuments figurés, dont la série avait été assez longtemps interrompue. Ils ont le type mongolique : taille élevée, allure vigoureuse, profil de la tête légèrement busqué, cou effilé, croupe un peu étroite, membres assez maigres, queue longue et bien fournie. On se sert du cheval pour traîner les chars des grands personnages, pour amener les provisions de la campagne et pour labourer. Papyrus Sallier, i, 6, 5. On ne le monte que très rarement. Un cavalier représenté sur une hache découpée à jour, Wilkinson, Manne>'s and customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 406, et cinq autres qui sont figurés sur les monuments sont les seuls exemples connus de chevaux montés dans l’ancienne Egypte. Chabas, Études sur l’antiquité historique, p. 423-427. On s’en servait quelquefois pour labourer (fig. 249). À l’armée, ils étaient presque exclusivement employés à traîner les chars de guerre. Quand Moïse parle des chevaux et des chars des Egyptiens à la poursuite des Hébreux, il ne faut donc pas entendre ses paroles d’une cavalerie proprement dite, mais simplement d’attelages de guerre. Du reste, les chars sont toujours mentionnés conjointement avec les chevaux. Exod., ix, 3 ; xv, 1, 21 ; Deut., xi, 4. Cf. Is., xliii, 17. Le mot rakkâb, employé dans ces passages et dans d’autres et souvent traduit par cavalier, désigne à la fois l’homme à cheval et l’homme monté sur un char, du verbe râkab, qui signifie « aller à cheval ou en char ». Notons enfin que dès les premiers temps où ils représentent des chevaux, les monuments égyptiens mentionnent ceux de Naharaïn (Mésopotamie), ce qui confirme l’origine asiatique de la race chevaline des bords du Nil. Chabas, Etudes sur l’antiquité historique, p. 441 ; Fr. Lenormant, Notes sur un voyage en Egypte (Sur l’antiquité de l’âne et du cheval comme animaux domestiques en Egypte), p. 2-4 ; Premières civilisations, t. i, p. 306-313 ; C. A. Piètrement, Les chevaux dans les temps préhistoriques et historiques, Paris, 1883, p. 477-490 ; Ebers, Aegypten und die Bâcher Mose’s, Leipzig, 1861, t. i, p. 265-266. — Les Hébreux, en quittant l’Egypte, n’emmenèrent pas de chevaux avec eux. Ils n’en eurent pas dans le désert. Ces animaux étaient considérés surtout comme favorisant le luxe ou servant à la guerre. Aussi Moïse, sans défendre à son peuple d’en posséder, recommandat-il aux rois futurs des Israélites de ne pas en avoir un trop grand nombre. Deut., xvii, 16.

3° Au temps de Josué et des Juges. — Pendant cette période, les chevaux ne sont mentionnés que dans les armées des rois chananéens. Les peuples de Syrie, Chananéens, Khétas ou Héthéens, combattaient sur des chars, rarement à cheval. Lepsius, Denkmaler, Abth. iii, Bl. 145. Quand les Hébreux victorieux prennent des chevaux, ils reçoivent l’ordre de leur couper les jarrets, pour que personne ne puisse plus s’en servir. Jos., xi, 4, 6, 9. Dans son cantique, Débora fait allusion à la fuite des chevaux de Jabin. Jud., v, 22. Ce sont les deux seuls passages où il soit question de ces animaux, depuis la conquête de Chanaan jusqu’à Saùl. La nature du pays occupé par les Hébreux leur rendait, en effet, le cheval presque inutilisable. Cet animal ne pouvait ni courir à travers les rochers, Am., vi, 13, ni traîner des chars dans un pays montagneux dépourvu de chemins carrossables, ni labourer des terrains trop inclinés. Au contraire, les

Philistins et les Chananéens se servaient facilement de chevaux et de chars dans les régions qu’ils occupaient, les bords de la mer, la plaine d’Esdrelon et le nord-ouest de la Palestine. C’est ce qui fait que les Hébreux et les Philistins gardèrent si longtemps leurs positions respectives les uns en face des autres : les Hébreux inexpugnables dans la montagne, mais peu propres à faire face à l’irruption des chars de guerre quand ils s’aventuraient dans la plaine ; les Philistins facilement maîtres de la plaine, mais incapables de faire avec leurs chevaux l’assaut du pays montagneux. Le même fait se reproduisit plus tard, quand les Syriens attaquèrent les Israélites par le nord-est. Vaincus dans les montagnes où leur cavalerie était impuissante, les Syriens disaient : « Leurs dieux sont des dieux de montagnes, et c’est pourquoi ils nous ont vaincus. Combattons contre eux dans les plaines, et nous en viendrons à bout. » III Reg., xx, 23.

p. 161. Ils réussirent ainsi à former une race particulière de chevaux vigoureux, à la taille élevée, qu’on voit représentés sur leurs monuments. Voir t. i, fig. 259, col. 977. Dans ses inscriptions, Assurbanipal mentionne spécialement « les grands chevaux » dans l’énumération du butin qu’il fit à Thèbes, en 665. Cette race de grands chevaux ne s’est guère conservée intacte aujourd’hui que dans le Dongolah, en Nubie. Fr. Lenormant, Premières civilisations, p. 311-313 ; Chabas, Études sur l’antiquité historique, p. 445-455 ; Piètrement, Les chevaux dans les temps préhistoriques et historiques, p. 508-570 ; Hartmann, dans la Zeitschrift fur wjyptische Spraclie, 1864, p. 21. Salomon s’approvisionnait de chevaux en Egypte et en revendait lui-même à ses voisins. Il les payait cent vingt-cinq sicles par tête, soit environ quatre cent cinquante francs. Il en faisait venir aussi d’une localité appelée Coa. Voir Coa. III Reg., x, 28 ; II Par., i, 16 ;

24-). — Chevaux labourant en Égypt ». D’aprèa Prisse d’Avennes, Monuments

iens, pi. xxxv, 2.

II. Le cheval a l’époque des rois. — 1° Sous Saül et David. — Samuel, avant de donner un roi aux Hébreux, les avertit que ce roi prendra leurs fils pour les mettre sur ses chars et les faire aller à cheval devant lui. 1 Reg., vm, 11. Le vieux prophète prévoyait ce qui n’allait guère tarder à s’accomplir. Il est probable que Saûl, une fois sacré, tint à avoir des chevaux à son service. Pourtant David est le premier à qui la Sainte Écriture en attribue formellement. Après sa victoire sur Adarézer, il fit couper les jarrets des chevaux dont il s’était emparé, tout en réservant cependant de ces animaux pour cent chars. II Reg., viii, 4. Absalom, probablement à l’exemple de son père, se fit faire un char et voulut avoir une escorte de cavaliers. II Reg., xv, 1. David dut se servir quelquefois de ses chars à la guerre ; mais il ne semble pas avoir fait grand fond sur ses chevaux pour s’assurer la victoire. Ps. xix, 8 ; xxxii, 17.

2° Sous Salomon. — Sans prendre grand souci de la recommandation de Moïse, ce roi voulut posséder de nombreux et beaux chevaux. D’après certains commentateurs, il eut quatre mille chevaux de trait pour ses chars et douze cents chevaux de selle. III Reg., iv, 26 (hébreu, I Reg., v, 6) ; II Par., ix, 25. Des intendants étaient préposés à toute cette cavalerie. III Reg., ix, 22. De tout le pays, on amenait chaque année des chevaux à Salomon. III Reg., x, 25 ; II Par., ix, 21. Il en faisait aussi venir d’Egypte. Les Égyptiens s’appliquaient alors à l’élevage des chevaux avec d’autant plus de soin, qu’entre le xvie et le xi" siècle ces animaux devinrent plus rares en Syrie. Ils avaient créé des haras à Thèbes, à Memphis, à Hermopolis et dans les principales cités de la moyenne Egypte. Ils attachaient grand prix à la pureté de la race et conservaient la généalogie de leurs animaux, comme les tribus arabes ont continué depuis à le faire. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718,

ix, 28. Ses successeurs on firent acheter plus tard à Thogorma, en Arménie. Ezech., xxvii, 14.

3° De Salomon à la captivité. — Pendant cette période, les chevaux ne sont signalés formellement qu’une seule fois, dans l’armée de Ju..phat, roi de Juda. IV Reg., m, 7. Sous Ézéchias, Rabsacès pouvait ironiquement offrir deu.x^ mille ^.chevaux aux assiégés de Jérusalem, en prétendant qu’ils n’auraient pas assez de cavaliers pour les monter. IV Reg., xviii, 23 ; Is., xxxvi, 8. Les Israélites de Béthulie possédaient des chevaux, Judith, iii, 3, sans pouvoir probablement s’en servir à la guerre. Amos, iv, 10, et Michée, v, 10, font allusion à la présence de chevaux de guerre parmi les Hébreux. Néanmoins la rareté des textes bibliques qui parlent des chevaux de guerre donne le droit de conclure qu’au point de vue militaire, le cheval joua toujours un rôle très secondaire chez les Israélites. Pourtant ceux-ci cherchaient encore beaucoup trop à en posséder, contrairement aux intentions de Moïse, et Isaïe, ii, 8, leur en fait le reproche. Il est question une fois du cheval employé comme monture. Quand Salomon dit que la place du serviteur n’est pas à cheval, Eccle., x, 7, il suppose que cette monture était réservée de son temps aux personnages considérables. Le cadavre d’Amasias est ramené à Jérusalem sur ses propres chevaux. IV Reg., xiv, 20. Enfin le texte hébreu d’Isaïe, xxviii, 28, nous apprend qu’on se servait du cheval pour battre le blé en Palestine. C’est le seul passage de la Bible qui signale l’emploi de cet animal pour le service de l’agriculture. D’un autre texte, IV Reg., vu, 13, il ressort que les Israélites mangeaient leurs chevaux, au moins dans les temps de disette. Enfin l’historien sacré accuse les rois de Juda d’avoir consacré des chevaux au soleil, dans leurs accès d’idolâtrie. IV Reg., xxiii, 11. Les chevaux donnèrent leur nom à une des portes de Jérusalem. Jer., xxxi, 40 ; II Esdr., iii, 28.

679

CHEVAL

680

Cf. IV Reg., xi, 16 ; II Par., xxiii, 15. Voir Chevaux (porte des). — La Sainte Écriture mentionne fréquemment la présence des chevaux dans les armées étrangères, pendant la période des rois de Juda et d’Israël. Elle en signale dans l’armée de Bénadad, roi de Syrie, défait par Achab, III Reg., xx, 21, 25, et dans d’autres armées syriennes. IV Reg., vi, 14 ; vir, 7, 10. C’est sur un char traîné par des chevaux que Naaman vint en Palestine. IV Reg., v, 9. — La cavalerie assyrienne (fig. 250 ; voir t. r, col. 983, etr, .) est celle dont, il est le plus fréquemment question dans la Bible. Les Assyriens se servaient du

vrer la cavalerie par grandes masses, pour éclairer les marches, charger à fond, lancer la flèche pendant le galop et poursuivre les fuyards. On monta d’abord le cheval à nu, puis sur une simple couverture ou un caparaçon plus ou moins orné. On élevait les chevaux de guerre dans des haras, comme en Egypte. Hérodote, i, 192, mentionne un haras en Babylonie sous Xerxès. Dans la vallée de l’Euphrate, on avait. aussi l’habitude, empruntée aux Mongols, de manger le cheval. Avesta, Yesht, v, 28-31. Les écrivains sacrés ont souvent l’occasion de parler des chevaux assyriens et chaldéens. Judith, xvi, 5 ; Ps. lxxv, 7 ;

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550. — Chevaux assyriens à l’écnrle. D’après Layard, Monuments 0/ Nineveh, t. i, pi. 30.

cheval depuis les temps les plus reculés de leur histoire. Le cheval ou « âne de l’est » avait été primitivement introduit de la Haute Asie en Chaldée. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 560, De Théglafhphalasar I er à la fin des Sargonides, les Assyriens n’ont cessé d’introduire chez eux les chevaux de tous les peuples, les uns de race mongolique, les autres de race aryenne. Bien que la première race fût primitive, ils firent prédominer la seconde par sélection, et paraissent l’avoir estimée davantage. Piètrement, Les chevaux dans les temps préhistoriques et historiques, p. 408-412. Les chevaux de leurs bas-reliefs ont toujours le type aryen : tête petite et gracieuse de forme, encolure forte et cambrée, corps lourd, jambes fines et musculeuses, crinière et queue assez fournies. Les Assyriens n’employèrent d’abord leurs chevaux de guerre qu’à la conduite des chars ; de rares cavaliers étaient seuls réservés pour la transmission des messages. Sargon et Sennachérib furent les premiers à faire manœu Jer., vi, 23 ; viii, 16 ; xii, 5 ; l, 37 ; li, 21 ; Ezech., xxvi, 7, 10, 11 ; Nah., iii, 2. Isaïe, v, 28, remarque qu’ils ont la corne dure, parce que, en effet, on ne les ferrait pas ; les Bédouins d’aujourd’hui ne ferrent pas non plus les leurs. Jérémie, iv, 13, dit qu’ils sont « plus vites que les aigles ». Cf. Hab., i, 8. Ëzéchiel, xxiii, 6, 12, 23, parle des jeunes et beaux cavaliers babyloniens par lesquels Samarie et Jérusalem se laissent surprendre. — Il est encore fait mention par les écrivains de cette époque de la cavalerie des Égyptiens, Jer., xlvi, 4, 9 ; Ezech., xvii, 15 ; de celle desMédes, qui montaient des chevaux semblables à ceux des Assyriens, Jer., L, 42 ; ii, 27, et de celle du peuple qu’Ézéchiel, xxxviii, 4, 15 ; xxxix, 20, désigne sous le nom symbolique de Gog. Chez les Perses, le cheval servait aussi de monture de luxe. Esth., VI, 8-11.

III. Le cheval a partir du retour de la captivité.

— Les prophètes avaient annoncé que les captifs de Juda reviendraient avec honneur, leurs chefs montés sur des chars et des chevaux. Is., ixvi, 20 ; Jer., xvii, 25 ; xxii, 4.

631

CHEVAL — CHEVAUX (PORTE DES)

682

A leur retour, ils ramenèrent, en effet, sept cent trente-six chevaux. I Esdr., ii, 66 ; II Esdr., vii, 68. Ce nombre, beaucoup trop faible pour constituer une cavalerie proprement dite, suffisait parfaitement pour que les principaux personnages fussent montés. Dans les temps postérieurs à la captivité, il n’est parlé que fort rarement de chevaux, et seulement des chevaux de peuples en guerre avec les Juifs. Agg., ii, 23 ; Zach., xiv, 15, 20 ; I Mach., x, 81. Le Nouveau Testament n’en ferait absolument aucune mention, sans les indications symboliques de l’Apocalypse et sans un texte de saint Jacques, iii, 3, où il est parlé du frein à l’aide duquel on mène les chevaux. De tout ce qui précède il y a donc lieu de conclure que les Juifs n’ont jamais fait grand usage du cheval. La nature du pays rendait du reste cet usage difficile et dangereux, et seuls de rares voyageurs, comme peut-être le bon Samaritain, Luc, x, 31, allaient à cheval. Encore le mot jumentum, employé dans ce passage, peut-il désigner toute autre espèce de monture..

IV. Remarques bibliques sur le cheval. — Le livre de Job, xxxix, 18, 26, renferme une belle description du cheval de bataille. Après avoir parlé de l’autruche et de sa merveilleuse rapidité, l’auteur conclut ses remarques sur l’oiseau en disant :

Elle se rit du cheval et de son cavalier.

Puis il trace le portrait du cheval arabe dressé pour la guerre, tel qu’il le voyait de son temps :

Est-ce toi qui donnes au cheval la vigueur, Et qui ornes son cou d’une crinière flottante ? Peux-tu te faire bondir comme la sauterelle, Lui qui épouvante par la puissance de son souffle ? Du pied il creuse la terre, tressaille de bravoure ; Il court au-devant des traits,

Se rit de la peur, sans que rien l’émeuve, , Et ne recule pas devant l’épée.

Sur lui résonne le carquois,

Le fer étincelant de la lance et du javelot. Frémissant d’ardeur, il dévore la terre, Il est hors de lui au son de la trompette ; Dès qu’il l’entend retentir, il dit : Ha 1 De loin il flaire le combat,

Le cri tonnant des chefs, le fracas do l’armée.

Dans ce passage, dit Ilerder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, 1851, ve dialogue, p. 93, s le cheval est peint tel que l’Arabe le voyait et le voit encore, c’est-à-dire comme un être pensant, courageux et belliqueux, qui prend part à toutes les chances d’une bataille ; son hennissement est inséparable du cri de guerre du héros. » Cf. J. von Hammer-Purgstall, Das Pferd bei den Arabern, in-4°, Vienne, 1856. — Au livre des Proverbes, xxx, 31, c’est probablement aussi le cheval de guerre qui est désigné par l’expression zarzîr molnayîm, « celui qui est ceint des reins. » Le contexte réclame, en effet, un quadrupède dans l’énumération que fait l’auteur :

Il y en a trois qui s’avancent majestueusement. Et quatre qui marchent fièrement :

Le lion, le plus fort des animaux,

Qui ne recule à la vue de personne, L’animal aux reins ceints, le bélier, Et le roi à la tête de son armée.

Le cheval de guerre semble le mieux indiqué pour justifier la périphrase hébraïque, et accompagner le lion et le bélier. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 435. Il est encore parlé du cheval de bataille dans plusieurs autres passages, Prov., xxi, 31 ; Jer., viii, 6 ; Zach., x, 3 ; Apoc, ix, 7. La comparaison entre le cheval et la sauterelle est reproduite par Joël, ii, 4, et par saint Jean, Apoc, ix, 7, mais en sens inverse. Si valeureux qu’il soit pourtant, ce n’est pas le cheval qui assure la victoire, et le secours du Seigneur vaut mieux que la plus puissante cavalerie. Les auteurs sacrés reviennent souvent sur cette pensée,

afin de déprendre les Israélites de l’engouement que pouvaient leur inspirer les cavaleries de l’Egypte et de l’Assyrie. Judith, ix, 16 ; Ps. xxxii, 17 ; cxlvi, 10 ; Is., xxx, 16 ; xxxi, 1, 3 ; Os., i, 7 ; xiv, 4 ; Am., ii, 15. — Le cheval n’a pas toujours les brillantes qualités que célèbre le livre de Job. II est parfois dépourvu d’intelligence comme le mulet, Tob., vi, 17 ; Ps. xxxi, 9, en ce sens au moins qu’il ne connaît pas son Créateur. — Dans le désert, où le chemin est facile, il ne bronche pas, Is. lxiii, 13 ; mais il se montre parfois indomptable et rétif, Eccli., xxx, 8, et il faut le fouet pour le faire marcher. Prov., xxvi, 3. On lui met des mors, des rênes et différentes sortes de caparaçons. Ps. xxxi, 9 ; IV Reg., xix, 28 ; Jac, iii, 3. L’étalon, qui hennit à tout propos, est l’image de l’homme incontinent. Eccli., xxxiii, 6 ; Jer., v, 8 ; Ezech., xxiii, 20. V. Le cheval dans les apparitions symboliques. — Le prophète Élie est emporté au ciel par des chevaux de feu. IV Reg., ii, 11 ; Eccli., xlviii, 9. Des chars et des chevaux de feu apparaissent autour d’Elisée. IV Reg., vi, 17. Plus tard, un envoyé céleste à cheval terrasse Héliodore dans le temple, II Mach., iii, 25, et cinq cavaliers mystérieux combattent aux côtés de Judas Machabée, II Mach., x, 29. Ces différents chevaux sont le symbole de la puissance divine qui intervient en faveur des prophètes et des serviteurs de Jéhovah. Cette même intervention est manifestée par les chars et les chevaux qu’on entend ou qu’on voit évoluer dans les airs, comme pour entrer en lutte contre les ennemis du peuple de Dieu. IV Reg., vii, 6 ; II Mach., v, 2, 3. Le Seigneur est lui-même monté sur-des chevaux, pour combattre les nations. Hab., iii, 8. Mais au temps du Messie, qui est le Prince de la paix, il n’y aura plus de chevaux de guerre. Zach., ix, 10 ; XII, 4. Dans ses visions, le prophète Zacharie voit un homme monté sur un cheval roux, couleur qui rappelle le sang et symbolise la vengeance. Zach., i, 8. Le cheval de couleur noire est un présage de calamités sinistres, le cheval blanc un symbole de victoire ; les chevaux mouchetés semblent annoncer des malheurs de diverse nature, guerre, peste, famine, etc. Zach., i, 8 ; vi, 2, 3, 6. — Dans l’Apocalypse, saint Jean voit aussi des chevaux de différentes couleurs en rapport avec la fonction des cavaliers symboliques. Le cheval blanc porte un personnage puissant et victorieux ; le cheval roux, un cavalier qui déchaîne la guerre ; le cheval noir, un messager de famine et de vengeance ; la mort est montée sur un cheval pâle. Apoc, vi, 2, 4, 5, 8. Dans une autre vision, l’apôtre parle d’une armée de vingt millions de guerriers montés sur des chevaux terribles à la fois par leurs têtes et par leurs queues. Apoc, ix, 16-19. Ces bêtes sont donc doublement armées pour nuire. Plus loin, le Fils de Dieu apparaît sur un cheval blanc, symbole de majesté et de triomphe. Les armées célestes le suivent sur des chevaux de même couleur, parce qu’elles combattent pour sa cause et sous ses ordres. Apoc, xix, 11, 14.

    1. CHEVAUX##

CHEVAUX (PORTE DES) (hébreu : sa’ar hassùsim ; Septante : itjXt) imcuv ; Vulgate : Porta equorum), porte de Jérusalem, donnant sur la vallée du Cédron, vers l’angle sud-est de l’enceinte du Temple. Jer., xxxi, 40 ; II Esdr., iii, 28. Jérémie, xxxi, 40, avait annoncé qu’après la captivité Jérusalem reconstruite s’étendrait à l’est jusqu’à l’angle de la Porte des Chevaux. Et nous voyons qu’après le retour, lorsque Néhémie fait relever les murs et les portes, les prêtres bâtissent une partie du rempart près d’Ophel, à partir de la Porte des Chevaux, en remontant vers le nord, et chacun en face de sa maison. II Esdr., iii, 27-21. Son nom de Porte des Chevaux lui venait sans doute de ce qu’elle servait d’entrée aux chevaux du palais royal, construit au sud de l’aire actuelle du Haram. C’est là du reste qu’une tradition place les écuries de Salomon. V. Guérin, Jérusalem, in-8°, Paris, 1889, p. 230, 233. Près de cette Porle des Chevaux, sur l’ordre du grand prêtre Joïada, les centurions mirent à G83

    1. CHEVAUX##

CHEVAUX (PORTE DES) — CHEVEUX

GS4

mort Athalie, qu’ils avaient entraînée hors de l’enceinte sacrée. II Par., xxiii, 15 ; cf. IV Reg., xi, 16. On ne fit pas prendre à la reine le chemin direct du Temple au palais, parce que le roi Joas devait passer par là, IV Reg., il, 19 ; mais on inclina sur la gauche, dans la direction Au chemin qui conduisait du palais aux remparts, « le « hemin de l’entrée des chevaux. » IV Reg., xi, 16. Fr. Keil, Chronik, Esra, Nehemia, in-8°, Leipzig, 1870, p. 525, identifie à tort la porte des Chevaux avec la porte actuelle du Fumier, Bab et Moghâribeh, dans la vallée du Tyropœon : les textes de Jérémie, xxxi, 40, et de II Esdr., m, 28, indiquent nettement la position sud-est du rempart. George SaintClair, Nehemiah’s south ivall, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Slalement, 1889, p. 91, 97, 98. E. Levesque.

    1. CHEVÊCHE##

CHEVÊCHE (hébreu : kOs ; septante : wxxr/.iSpaÇ ; Vulgate : bubo, nycticorax). Le sens du mot kôs ne s’est pas présenté très clairement aux anciens traducteurs. Le mot se trouve trois fois dans la Bible ; les Septante le rendent deux fois par wxiixiSpaS, « corbeau de nuit ou hibou, »

et une fois par âpû S ; o ; , « héron ; » la

Vulgate le traduit

de trois manières

différentes : bubo, « hibou ; » herodium, « héron, » et nycti corax, et elle ré serve le mot noctua

pour traduire l’hé breu tahmds, qui

est le nom particu lier du hibou. Les

scribes qui copiaient

le texte hébreu n’é taient pas non plus

bien fixés sur le

sens de kôs, puis que saint Jérôme,

Ep. cri ad Sun. et

Fretel, 63, t. xxii,

col. 859, écrit que

de son temps les

manuscrits portaient

ios, par confusion entre les deux lettres 3 et 3. Les anciens traducteurs donnent généralement à kôs le sens de « hibou, oiseau de nuit », qui paraît de beaucoup le pins probable. Rosenmûller, Scholia, Psalmi, Leipzig, 1823, t. iii, p. 1585. Le sens de pélican, que préfère Gesenius, Thésaurus, p. 695, ne peut être adopté, puisqu’au Ps. en (hébreu), 7, le kôs est précisément opposé an qà’ât, dans lequel on s’accorde aujourd’hui à reconnaître le pélican. — La Sainte Écriture ne parle que trois fois du kôs : deux fois pour le mettre au nombre des « iseaux impurs, Lev., xi, 17 ; Deut., xiv, 16, et une fois pour le représenter comme un oiseau caractéristique des solitudes désolées :

Je ressemble au pélican (qâ’ât) du désert,

Je suis comme le kôs des ruines. Ps. en (hébreu), 7.

Cet oiseau qui habite les ruines, et dans lequel les verrions voient un oiseau de nuit, analogue au hibou, est fort probablement le boomah des Arabes, le petit hibou on chevêche, Athene persica, que les Arabes appellent, i peu près comme le psalmiste, uni eleharab, « mère des ruines. » Il est à croire d’ailleurs que le mot hébreu kôs désigne plusieurs des oiseaux qui appartiennent au genre Chouette. Mais de tous les oiseaux de ce genre, la Noctua on chevêche est de beaucoup le plus abondant en Palestine et en Syrie. On est donc en droit de l’identifier avec le kôs. Voir Chouette. — La chevêche (Gg. 251) se dis 251. — Chevêche.

tingue des autres chouettes par son disque périophtalmique incomplet et par l’absence de crêtes aux oreilles. Elle se nourrit de petits quadrupèdes, rats, souris, mulots, etc., et même d’oiseaux. Elle ne se met en mouvement que quand il y a nécessité ; elle perche ordinairement dans des endroits de couleur analogue à son plumage. Cet oiseau a un air à la fois comique et grotesque avec ses allures solennelles, ses deux grands yeux de face et les mouvements compassés de sa tête quand il observe ce qui se passe autour de lui. La chevêche se montre habituellement prudente et pourtant familière. Parmi les Arabes, on la considère comme un oiseau de bon augure ; on craint de la molester ; aussi se multipliet-elle beaucoup. C’est seulement le soir, au coucher du soleil, qu’on peut entendre son cri plaintif. Elle fait son nid dans les trous des arbres, dans les parois des rochers et spécialement dans les vieilles ruines. On la trouve dans les bois d’oliviers qui entourent les villages, dans les gorges rocheuses, dans les buissons au bord des eaux, dans les tombeaux et dans les ruines, a*u milieu des décombres des anciennes localités de Judée, dans les monticules sablonneux de Bersabée, etc. Ainsi se justifie la parole du psalmiste qui l’appelle le « kôs des ruines ». Cf. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 93 ; The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 193 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 371.

— « La chevesche est la marque de la monnoie d’Athènes. » Plutarque, Periclès, 26, trad. Amyot, Paris, 1619, p. 105 G. Les Juifs et les premiers chrétiens eurent souvent cette monnaie entre les mains. La déesse protectrice d’Athènes, Pallas Athéné, portait le surnom de YXavxwm : , « aux yeux d’azur » ou « aux yeux de chouette ». La chouette, yX « ïÇ, l’accompagnait pour symboliser la pénétration de son regard, la nuit aussi bien que le jour, au physique et au moral. Cf. Pausanias, i, 14 ; iii, 18, 2 ; Plutarque, Lycurgue, 11. La chouette athénienne, qui nichait en grand nombre dans les rochers de l’acropole, n’était autre que la chevêche de l’Europe méridionale, appelée par les naturalistes Athene noctua. La chevêche de Palestine, Athene persica, ne diffère de la première que par la couleur plus claire de son plumage.

H. Lesêtre.
    1. CHEVEUX##

CHEVEUX (hébreu : dallâh, Cant., vii, 6 ; péra’, Num., vi, 5 ; Ezech., xliv, 20 ; sa’ârâh, I Sam. (Reg.), xiv, 45 ; II Sam. (Reg.), xiv, 11 ; I Reg. (III Reg.), i, 52 ; Job, iv, 15 ; tê’âr, Jud., xvi, 22 ; II Sam. (Reg.), Xiv, 26 ; 1 Esdr., ix, 3 ; chaldéen : ie’ar, Dan., iii, 27 (Vulgate, 94) ; iv, 30 ; vii, 9 ; grec : 6p : Ç, Lev., xiii, 10, 30, etc. ; Matth., v, 36 ; x, 30 ; Luc, vii, 38, etc. ; Tpi-/(Du.a, Cant., vi, 4 ; 7Ù.if^.a, I Tim., ii, 9 ; nXôxiov, Cant., vii, 5 ; Vulgate : csesaries, Num., vi, 5 ; Deut., xxi, 12 ; II Reg., xiv, 16 ; capillus, Lev., xiii, 10, etc. ; Num., VI, 18 ; Jud., xvj, 22, etc. ; Matth., v, 36 ; Luc, vii, 38 ; capillatura, I petr., ni, 3 ; coma, Lev., xix, 27 ; Judith, xiii, 9 ; I Cor., xi, 14, etc. ; crines, Jud., xvi, 13 ; Judith, x, 3 ; Cant, iv, 9 I Tim., ii, 9). Les mots qui désignent en hébreu les cheveux ont pour origine plusieurs verbes de signification très différente. Dalàh veut dire « la chevelure qui pend ». Péra’vient du verbe para’, qui signifie « tondre » ; il désigne la chevelure entière. Sa’ârâh, sê’àr, désignent « les poils » en général. Tantôt ces mots sont employés seuls, 1 Sam. (Reg.), xiv, 45 ; Job, iv, 15 ; Cant., iv, 1 ; Dan., iii, 27 (94) ; tantôt avec le mot rô’s, « tête. » Jud., xvi, 22 ; II Sam. (Reg.), xiv, 26 ; Esdr., IX, 3. En grec, KX£yu.a et TiXôxtoy désignent spécialement les cheveux arrangés. En latin, exsaries a une étymologie semblable à celle du mot hébreu péra’; il vient du verbe cxdere, « couper. » Les autres mots sont les termes classiques en grec et en latin pour désigner les cheveux et la chevelure.

I. La chevelure chez les Hébreux. — Les Hébreux, en Chaldée, portaient les cheveux longs ainsi que la barbe. Voir Bajibe. Ils conservèrent cet usage au milieu « 85

CHEVEUX

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des Égyptiens, qui se rasaient ordinairement la tête. (Voir t. i, fig. 383, col. 1289.) Toutes les règles qui sont données par la loi mosaïque, relativement aux cas où les cheveux doivent être coupés et à la manière dont ils doivent l’être, supposent qu’habituellement les Hébreux portaient les cheveux longs.

1° Chevelure des prêtres. — Dieu avait imposé aux prêtres des règles strictes sur la façon dont devait être arrangée leur chevelure. La loi leur interdit de tondre en rond les coins de leur tête. Lev., xix, 27. Ils ne doivent ni se raser la tête ni laisser croître indéfiniment leurs « heveux, mais les couper simplement. Lev., xxi, 5 ; Ezech., xliv, 20. Par ces prescriptions, Dieu veut distinguer ses prêtres de ceux des dieux des nations. Lev., xix, 27 ; Deut., xiv, 1. « Il ne veut pas, dit saint Jérôme, qu’ils soient rasés à la manière des prêtres d’Isis et de Sérapis, jni qu’ils laissent croître leur chevelure à la façon des

ment pour les prêtres égyptiens, Hérodote, ii, 36, et pour d’autres prêtres orientaux. Voir Barbier, t. i, col. 1457. 2° Chevelure des nazaréens. — Parmi les observances auxquelles se soumettait celui qui faisait vœu de nazaréat était en premier lieu celle de laisser pousser ses cheveux sans les couper. Num., vi, 5 ; Jud., xiii, 5 ; xvi, 17 ; I Reg., i, 11. Si quelqu’un meurt auprès d’un nazaréen, celui-ci est souillé et rase sa tête au jour de la purification, c’est-à-dire au septième jour. Num., vi, 9. Lorsque le temps du nazaréat est terminé, le nazaréen rase aussi sa tête à l’entrée du tabernacle et met ses cheveux sous le feu du sacrifice des victimes pacifiques. Num., vi, 18-19. Parmi ceux qui firent ce vœu figure au premier rang Samson. La force extraordinaire de ce juge était attachée à la longueur de ses cheveux. Jud., xvi, 17. Il la perdit quand Dalila, qui lui avait arraché son secret, les lui eut coupés. Dès qu’ils furent repoussés, Samson recouvra sa

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252. — Tête de roi hyksos. Fragment d’une statue de la villa Ludovisi, à Epme.

larbares et des soldats, mais qu’ils aient une tenue convenable aux prêtres. » In Ezech., xiii, 17, t. xxv, col. 437. Les prêtres égyptiens avaient, en effet, comme tous leurs .compatriotes, la tête rasée, et même en dehors de l’Egypte les prêtres d’Isis adoptaient la même tenue. H. Helbig, Wandgemâlde Campaniens, in-4°, Leipzig, 1868, n M 1111 et 1112. La défense de couper les coins de la chevelure est faite dans un dessein semblable. C’est pour empêcher l’usage de superstitions habituelles à certains peuples voisins, comme était, par exemple, l’habitude qu’avaient certains Arabes d’offrir au dieu Orotal les cheveux plantés entre les tempes et les oreilles. Hérodote, iii, 8. Toutefois, comme il est remarqué à l’article Barbe, il est difficile de savoir exactement la signification du mot « coin », pê’âh, dans le passage d’Ezéchiel cité plus haut. Cf. t. i, col. 1452. Il est plus difficile encore de savoir si, dans Jérémie, ix, 26 (hébreu, 25) ; xxv, 23 ; xlix, 32, le prophète, en parlant des Arabes, les désigne par la coupe de leurs cheveux. Tandis que les Septante traduisent les mots qesûsé pê’âh par : « celui qui est rasé autour de sa face, » Tiâvxa Trepixe : p6[j.svov nrà xoctcc updffwTiov aùrou, et la Vulgate par : « ceux dont l’extrémité des cheveux est coupée, » abscissi extrema coma, un certain nombre d’interprètes appliquent le mot « extrémité » à la terre et traduisent : « ceux qui sont aux extrémités du désert. » Gesenius, Thésaurus, p. 1087.

Dans certains cas, il était prescrit aux prêtres de se raser entièrement le corps. C’était alors une partie de la cérémonie de la purification. Au moment de leur consécration les lévites devaient avoir la tête rasée, comme tout le reste du corps. Num., viii, 7. Cet usage existait égale force, renversa les colonnes de la salle où les Philistins faisaient un festin, en tua un grand nombre et périt lui-même sous les décombres. Jud., xvi, 22. Voir Samson. — Saint Paul fit également le vœu du nazaréat à Éphèse, et la période durant laquelle le fer ne devait pas toucher à ses cheveux expira pendant son séjour à Cenchrées. Il se fit couper les cheveux dans cette ville, avant de se rembarquer pour l’Orient. Act., xviii, 18. C’est bien à lui, en effet, que se rapporte le participe et non à Aquilas, comme l’ont cru à tort certains interprètes. C. Fouard, Saint Paul, in-8°, Paris, 1892, p. 268-269..

3° Chevelure du peuple. — Dans la vie ordinaire, les Juifs portaient les cheveux assez longs. Nous voyons, en effet, le prophète Habacuc enlevé par les cheveux. Dan., xiv, 35 ; et parmi les supplices infligés aux sept Machabées est indiqué celui qui consiste à arracher à l’un d’eux les cheveux et la peau du crâne. II Mach., vii, 7. C’est avec les cheveux longs que les bas-reliefs égyptiens et assyriens représentent les Juifs. Sur le monument de Sésac à Karnak, les cheveux sont liés par un bandeau qui entoure la tête et qui est noué par derrière. Voir Barbe, t. i, fig. 447, col. 1454. Sur l’obélisque de Nimroud, la tête est couverte d’un bonnet et le bas des cheveux est roulé, à quatre rangs de frisures. Voir Barbe, t. i, fig. 448, col. 1454. Sur le monument de Ninive où sont figurés des Juifs rendant hommage à Sennachérib, la tête de ce « x-ci est nue et sans bandeau et leurs cheveux sont bouclés. Voir Barbe, t. i, fig, 449, col. 1455.

On admirait chez les jeunes gens une chevelure abondante. Celle d’Absalom, qu’il coupait chaque année, dit le texte sacré, pesait deux cents sicles du poids royal. II Reg.,

xiv, 26. Ce chiffre paraît extraordinaire et a donné lieu à un certain nombre d’hypothèses pour l’expliquer. On a supposé notamment que la lettre caph, d, qui signifie 20, avait été changée par une erreur de copiste en resch, i, qui signifie 200. Mais toutes les anciennes

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253. — Esclave égyptienne, xviii « dynastie.

Tombeau d’Abd el-Qournah. D’après Lepsius, Denkmiiler,

Abth. iii, Bl. 42.

versions contiennent le nombre 200. Cf. Keil et F. Delitzsch, BMical comnientary on the books of Samuel, trad. angl., Edimbourg, 1886, p. 412. Josèphe, Ant. jud., VII, viii, 5, raconte qu’Absalom coupait ses cheveux tous les huit jours. C’est à la longueur de sa chevelure qu’il

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254. — La princesse Nofrit. Musée de GMzéh.

dut sa perte. II Reg., xviii, 9. Voir Absalom. Les gardes du roi Salomon portaient aussi les cheveux très longs, d’après Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, 3.

L’histoire de Samson prouve que les hommes mêmes, quand ils portaient les cheveux longs, les arrangeaient en tresses (hébreu : malilâfôt ; Septante : o-stpac ; Vulgate : crines). Jud., xvi, 13, 19 ; cf. Is., iii, 24. Cet usage existait aussi chez les Hyksos ou rois pasteurs d’Egypte,

qui étaient de race sémite (fig. 252), ainsi que chez les Grecs de l’époque archaïque. W. Helbig, L’épopée homérique, trad. Trawinski, in-8°, Paris, 1894, p. 221, 229, 298-310 ; Bulletin de correspondance hellénique, 1881, pi. xi ; Monuments publiés par l’association des études qrecques, 187H, pi. i ; O. Rayet et Max. Collignon, Histoire : de la céramique grecque, p. 81, fig. 43.

Les boucles des cheveux, en hébreu taltalim, sont comparées à des rameaux flexibles du palmier, selon les Septante et la Vulgate qui rendent ce mot par èXi-rai, et par elatx. Cant., v, 11. Le mot même qui désigne la chevelure dans ce passage, dallâh, signifie « un fil qui pend » ; les Septante le rendent par tiMxiov, et la Vulgate par coma. Dans le même livre, v, 2 et 11, les boucles sont appelées qevussot, mot que les Septante traduisent par p6<TTpv-/oi, et la Vulgate par cincinni. Dans

Èzéchiel, viii, 3, elles sont présentées sous l’image d’une frange (hébreu : sisi( ; Septante : xopûçn], « sommet de la tête ; » Vulgate : cincinni).

Les Juifs oignaient d’huile et parfumaient leurs chevelures. Ruth, iii, 3 ; II Reg., xiv, 2 ; Ps. xxii (hébreu, xxm), 5 ; Eccle., îx, 8 ; Is., iii, 24. Us le faisaient surtout quand ils assistaient à des festins, et souvent celui qui recevait fournissait des parfums à ses hôtes. Matth.,

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255. — Grecque du tempa

des Diadoches. D’après le iluseo

Borbonico, x, 11.

256.

Égyptienne, xviii 8 dynastie. Tombeau d’Abd el-Qournah* D’après Lepsius, Denkmater, Abth. iii, Bl. 42.

vi, 17 ; xxvi, 7 ; Luc, vii, 46. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIX, iv, 1.

Les cheveux des Juifs, comme ceux de tous les Orientaux, étaient noirs. L’épouse du Cantique compare ceux de son mari à l’aile d’un corbeau. Cant., v, 11. Parfois-on semait de la poudre dans les cheveux pour en rehausser l’éclat. Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, 3. L’usage de la teinture paraît inconnu aux Hébreux. Si Hérode le Grand se teignait pour dissimuler son âge, c’était parce qu’il avait adopté les usages grecs. Josèphe, Ant. jud., XVI, viii, 8. La couleur blanche est souvent signalée comme un

des signes caractéristiques de la vieillesse, Gen., xlii, 38 ; xuv, 29 ; III Reg., ii, 6 ; Ose., vii, 9 ; Prov., xvi, 31 ; SX, 29. La chevelure blanche sert à représenter l’éternité, divine. Dan., vii, 9 ; Apoc, i, 14. Plusieurs des peuples voisins de la Palestine, comme les Égyptiens et les Perses, faisaient usage de la perruque. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 324 ; Xénophon, Cyrop., i, 3, 2. Il ne semble pas qu’elle ait été usitée chez les Juifs. Josèphe, Vita, ii, ne signale qu’une fois l’emploi d’une perruque, mais c’est pour servir à un déguisement. 4° Chevelure des femmes. — La Bible nous fournit

quelques renseignements sur la manière dont les Juives arrangeaient leurs cheveux. Les termes dont se sert la Sainte Écriture sont généralement vagues. Il est dit de Jézabel qu’elle ornait sa tête (hébreu : tètèb ; Septante : Trouve, « elle rendit belle » ; Vulgate : ornavit). IV Reg., ix, 30. Cependant dans le livre de Judith, x, 3, le texte grec porte SiÉTaije, et la Vulgate discreminavit, « elle sépara, » ce qui semble indiquer l’usage d’un peigne. Ces peignes, suivant de nombreux commentateurs, sont désignés par le mot pe’êrim. Is., iii, 20. C’est la traduction que donne la Vulgate : discriminalia. Les Septante traduisent par : « l’arrangement de l’ornement de la gloire, »

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267. — Cylindre chaldéen.

D’après P. Lajard, Culte de Mithra,

pi. xxvii, n° 7.

aussi les Grecques (fig. 255). G. Wilkinson, The manners, t. ii, p. 335. C’est du moins le sens que donnent au mot hébreu sebisim, dans Isaïe, iii, 18, les Septante, qui traduisent par ètMiXôxta ; la Vulgate, qui traduit par reticulas, et le Talmud, Kelim, xxyiii, 10.

La comparaison que l’époux du Cantique fait des cheveux de son épouse à la pourpre du roi, Cant., vii, 5, n’indique en aucune façon que les femmes juives aient teint leurs cheveux. Le mot « pourpre » est employé ici dans le sens de « noir foncé », comme l’est parfois m>p ?ûpso ; en grec. Iliad., v, 83 ; Antholog., xi, 13, etc. — Pour les cheveux des Syriennes, voir la tête d’Astarté, t. i, fig. 333, col. 1185. Pour les Égyptiennes, voir fig. 256, et t. i, fig. 415, col. 1387.

5° La chevelure dans le deuil. — Se raser la tête était pour les Hébreux un signe de deuil. Lev., x, 6 ; Deut., xxi, 12 ; Is., iii, 17, 24 ; xv, 2 ; xxii, 12 ; Jer., vii, 29 ; xlviii, 37 ; Amos, viii, 10 ; Josèphe, Bell, jud., II, xv, 1. Parfois même ils s’arrachaient violemment les cheveux. Ezech., xxvii, 31 ; Mich., i, 16 ; I Esdr., ix, 3. Us suivaient donc l’usage contraire à celui des Égyptiens. Ceuxci, en effet, laissaient pousser leur chevelure en signe de deuil, Hérodote, ii, 36, et la coupaient quand leur deuil était terminé. Les Grecs, à l’époque classique, avaient la même coutume que les Juifs. Homère, Iliad., xxiii, 135, 152 ; Odyss., iv, 198 ; Sophocle, Electr., 449 ; Euripide, Alcest., 434 ; Plutarque, Consolatio ad uxorem, l ; Athénée, Deipnosoph., xv, 16 ; Lucien, De Luctu, 11 ; Monuments de l’instit. arch. de Borne, 1864, pi. iv et v ; Benndorf, Griechische und Sicilische Vasenbilder, pi. 1, 16, 17, 21, etc. À l’époque grécoromaine, au contraire, où l’habitude était de porter les cheveux courts, on les laissait pousser pour marquer la

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258. — Statuette grecque.

D’après Baumelster, Denkmaler des

klasslschen Alterthums, t. i, fig. 682.

259. — Statuette de jeune Grecque. Musée du Louvre. Rotonde d’Apollon.

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260. — Chevelure frisée au fer.

Statuette grecque. D’après Baumelster,

t. i, fig. 684.

ttjv 5Ûv(te<Tiv toO xô(7|jiou Tïjç 8(5 ?ïjç. Ailleurs, dans Ézéchiel, xxiv, 17, saint Jérôme traduit le même mot par « couronnes ». Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1089. Les cheveux étaient divisés en nattes ou en tresses comme celles que portent des esclaves égyptiennes (fig. 253). Une seule tresse de l’épouse suffit à séduire le cœur de l’époux, d’après la Vulgate, Cant., IV, 9, mais le mot hébreu’ânaq, qu’elle traduit par crinis, signifie non pas « un cheveu », mais « un collier ». (Septante : èv8é[jia, « collier ».) Plus loin, Cant., vii, 5, la chevelure de l’épouse est comparée à la pourpre du roi attachée par des anneaux (hébreu : rehâtim, proprement « galeries, canaux » ) ; les anneaux sont, en effet, ronds comme les conduites d’eau (Septante : jiapaSpojjii’ai ; Vulgate : canales).

Les femmes juives maintenaient probablement les tresses à leur place par un filet ou bandeau, comme le faisaient quelquefois les femmes égyptiennes (fig. 251) et

douleur. Plutarque, Qusest. rom., 14. Les Romains laissaient également pousser leurs cheveux en pareil cas. Suétone, Caligula, x, 24 ; cf. Tite Live, xxvii, 34.

6° Prescriptions relatives à la chevelure dans les maladies de la peau. — Pour l’examen de certaines maladies qui rendaient impur celui qui en était atteint, en particulier de la teigne et de la lèpre, le Lévitique ordonne de considérer avec soin la couleur des cheveux et des poils. Si le poil devient jaune, la maladie est évidente, Lev., xiii, 10, 30, 36, 42 ; au contraire, elle n’existe pas, si le poil conserve sa couleur noire. Lev., xiii, 31, 37. Lorsque le lépreux est guéri, il doit par deux fois, à sept jours d’intervalle, se raser la tête et tout le corps avant d’accomplir les sacrifices de purification. Lev., xiv, 8-9.

II. Chevelure des Babyloniens. — En parlant des trois jeunes gens qui furent jetés dans une fournaise par ordre de Nabuchodonosor, la Bible nous dit qu’aucun cheveu

de leur tête ne fut brûlé. Dan., iii, 94 (hébreu, 27). Ils portaient le costume du pays, et leurs cheveux devaient être arrangés à la mode babylonienne. Les monuments assyriens nous montrent quel était cet arrangement. Les cheveux étaient longs, ondulés et terminés au bas par plusieurs rangs de boucles frisées. Lenormant et Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. v, p. 33, 42, 48, etc. Voir t. i, fig. 136, 435, col. 553, 1427, etc. Telle devait êlre aussi la chevelure d’Holopherne. Judith, xin, 9 (grec, 7). Un ancien cylindre chaldéen nous montre comment était arrangée, dans la patrie de Sara, la chevelure des femmes (fig. 257).

III. La cheveluhe dans le Nouveau Testament. — L’Évangile ne nous dit pas comment était la chevelure

261. —Femme chrétienne.

D’après Gamicci, Storia dell’arte, t. iv, fig. 225.

de Notre-Seigneur. Une tradition qui remonte aux premiers âges de l’Église et qui est déjà fixée dans une peinture de la catacombe de Saint-Callixte donne au Sauveur une longue chevelure, séparée sur le milieu du front et retombant des deux côtés en longues boucles. Voir t. i, col. 1533. Les Évangiles mentionnent la chevelure ; de sainte Madeleine, avec laquelle elle essuya les pieds du Sauveur. Luc, vii, 38, 44 ; Joa., xi, 2 ; xii, 3. L’apôtre saint Paul recommande aux hommes de ne pas porter les cheveux longs, car cela esl une honte ; au contraire, la femme doit laisser croître ses cheveux, qui sonl pour elle comme un voile. I Cor., XI, 14-15. Les papes et les conciles ont souvent rappelé aux clercs les préceptes de saint Paul. Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. 134. Cf. S.Jérôme, in Ezech., xii, 20, t. xxv, col. 441 ; Cod. Théod., xvi, 2, 38. Cette règle a toujours été maintenue dans l’Église latine ; dans l’Église grecque, au contraire, les prêtres laissent pousser leurs cheveux comme leur barbe. Saint Paul recommande ailleurs aux femmes la simplicité dans le soin de leur chevelure. Il veut qu’elles s’abstiennent de porter des nattes ou d’autres coiffures compliquées, comme en portaient les païennes. I Tiin., ii, 9. Saint Pierre leur fait la même recommandation. IPetr., ni, 3. Les terres cuites et les médailles nous montrent, en effet, que les coiffures des femmes grecques et romaines étaient variées à l’infini (fig. 258, 259 et 260). Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. i, fig. 1823-1832, p. 1361 ; fig. 1857-1871, p. 1368. Les peintures des catacombes attestent, au contraire, que les femmes chrétiennes se" contentaient de séparer leur chevelure en deux bandeaux (fig. 261). J. Spencer Northcote et "W.R. Brownlo’w, Romesouterraine, trad. P. Allard, p. 378, ꝟ. 35, pi. rv.

IV. MÉTAPHORES TIRÉES DELA CHEVELURE. — Les Juifs

empruntaient plusieurs métaphores au nombre et à la nature des cheveux. 1° Ils comparaient à la masse des

cheveux une quantité innombrable. Ps. xxxix (hébreu, XL), 13 ; lxviii (hébreu, lxix), 5. Aussi, pour montrer que la Providence divine s’occupe des moindres détails, Notre-Seigneur dit-il que tous les cheveux de notre tête sont comptés. Matth., x, 30 ; Luc, xii, 7. — 2° Le cheveu représente une chose sans aucune valeur ; de là esl venue, pour indiquer qu’un homme n’aura pas à subir le moindre dommage, l’expression proverbiale : « On ne touchera pas à un cheveu de sa tête. » I Reg., xiv, 45 ; II Reg., xiv, 11 ; III Reg., i, 52 ; Dan., iii, 94 (hébreu, 27) ; Luc, xxi, 18 ; Act., xxvii, 34. — 3° Le cheveu représente un objet extrêmement mince et difficile à atteindre ou à saisir. Pour montrer l’habileté des frondeurs de la tribu de Benjamin, il est dit qu’ils ne manquaient pas un cheveu quand ils le visaient. Jud., xx, 16. — 4° Une chevelure abondante et soignée est donnée comme un des traits caractéristiques de l’orgueil. Ps. lxvii (hébreu, lxviii), 22.

E. Beurlier.

    1. CHÈVRE##

CHÈVRE (hébreu : ’êz, rarement se’îràh, féminin de Èâ’îr, « bouc ; » Septante : à’iij ; Vulgate : eapra).

1° Histoire naturelle de la chèvre. — La chèvre (fig. 262), femelle du bouc (voir Bouc), est un mammifère de l’ordre des ruminants et de la famille des bovidés. Elle a les cornes dirigées en haut et en arriére, les jambes robustes et la queue courte. Elle porte deux mamelles. Son pelage se compose de deux sortes de poils : les uns longs et grossiers, et par-dessous ceux-ci d’autres poils plus courts, souples et laineux. Ces poils servent à fabriquer des étoffes et des tentures plus ou moins fines, suivant qu’on emploie ceux de dessus ou ceux de

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262. — Chèvre (Capra membrica).

dessous. La Sainte Écriture parle de rideaux du tabernacle et d’autres étoffes en poils de chèvres. Exod., xxxv, 4, 23, 26 ; xxxvi, 14 ; Num., xxxi, 20 ; I Reg., xix, 13. Voir Cilice. Avec la peau, on fabrique des outres pour la conservation ou le transport des liquides, eau, viii, lait, huile, etc. Voir Outre. La chèvre constituait encore pour les Hébreux une précieuse ressource alimentaire par son lait, Prov., xxvii, 27, et sa chair, qu’il était permis de manger. Deut., xiv, 4.

2° La chèvre de Palestine. — La chèvre commune, Capra hircus, est représentée en Palestine par deux variétés principales. On pourrait s’attendre à trouver de nombreux traits de ressemblance entre ces variétés et la race-type de la Capra xgagrus, qui est originaire de la Perse et de l’Arménie, et de laquelle semble provenir la chèvre domestique. Cette ressemblance n’existe pas, et même les chèvres de Syrie s’éloignent davantage du type C93

CHEVRE

694

primitif que ne le font les autres animaux du même pays. La principale variété est celle de la Capra membrica, reconnaissable à ses fortes cornes, à sa taille plus grande que celle de nos chèvres, et surtout à ses oreilles pendantes qui ont un pied de longueur. Amos, iii, 12, fait allusion à ces oreilles énormes quand il dit que « le pâtre arrache à la gueule du lion deux cuisses et le bout d’une oreille ». Il fallait que cette oreille fût longue pour qu’on put en saisir une partie entre les dents du lion. Les chèvres de Palestine ont presque toujours le poil noir. Dans le Cantique, iv, 1 ; vi, 4, les cheveux de l’épouse sont comparés aux troupeaux de chèvres qui couronnent le sommet de Galaad. Ces noirs troupeaux pouvaient ressembler à une sorte de chevelure posée sur le

tiens, le laboureur était suivi du semeur, puis d’un troupeau de chèvres ou de moutons qui piétinaient la semence pour l’enterrer. Les chevriers faisaient avancer les animaux en chantant quelque refrain, comme le montre une scèn.e empruntée au tombeau de Tl (fig. 263). Les Hébreux réunissaient ensemble les chèvres et les brebis, mais seulement pour les garder ou les mener paître. Un bas-relief assyrien (fig. 264) représente des chèvres et des brebis ainsi conduites. La nuit, on les enfermait dans les mêmes bercails ou les mêmes cavernes, pour les soustraire aux attaques des carnassiers. Voir Brebis, t. i, col. 1915. — Pour les conduire aux pâturages, les bergers d’autrefois procédaient comme font ceux d’aujourd’hui. Le berger du troupeau mêlé de brebis et

^^fJS^^l^ff^f

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263. — Troupeau de chèvres piétinant un champ ensemencé. Tombeau de Ti, à Saqqara. D’après une photographie.

sommet calcaire de la montagne. — Dans le voisinage de l’Hermon se rencontre une autre variété, la Capra angorensis, aux oreilles et aux cornes plus courtes, au poil plus long et plus soyeux, mais aux formes plus massives. Sa couleur prédominante est également le noir. La variété appelée Capra sinaitica par les naturalistes, la même que la Capra beden des Arabes, ne vit que dans les districts les plus sauvages. CJn la rencontre encore aujourd’hui dans les ravins de Moab et dans le désert de Juda, près de la mer Morte. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 6. La chèvre vit de préférence dans les contrées montagneuses et rocheuses, où elle trouve sa nourriture sur les buissons. Elle broute les jeunes rejetons et les feuilles de thym et de petits arbrisseaux. Elle est ainsi cause que certaines régions désertes de Palestine ne peuvent se reboiser, et même que plusieurs espèces végétales, qui couvraient autrefois les hauteurs, ont totalement disparu entre le Jourdain et la Méditerranée. De nombreux troupeaux de chèvres trouvent à vivre dans les maigres herbages du désert du sud. Les arides plateaux de l’Arabie ne leur conviennent pas ; aussi ne sont-elles pas mentionnées parmi les troupeaux de Job. Elles laissent aux moutons les succulents pâturages des plaines maritimes. Les hauteurs qui occupent toute la Palestine, d’Hébron au Liban, sont leur séjour préféré, et dès les premiers temps on les y a élevées en grand nombre.

3° Les anciens troupeaux de chèvres. — La Sainte Écriture mentionne les troupeaux de chèvres de Laban, Gen., xxx, 32 ; xxxi, 38, ceux de Jacob, qui envoie deux cents chèvres en présent à son frère, Gen., xxxii, 14, les mille chèvres du troupeau de Nabal, au Carmel, I Reg., xxv, 2, les chèvres des habitants de Béthulie, Judith, m, 3, etc. Les riches propriétaires n’étaient d’ailleurs pas seuls à posséder des chèvres. Comme cet animal trouve aisément sa nourriture, les plus pauvres familles pouvaient en avoir au moins une, ou parfois plusieurs composant un petit troupeau. En face de la nombreuse armée des Syriens qui envahit le pays sous le règne d’Achab, les Israélites paraissaient être comme « deux petits troupeaux de chèvres ». III Reg., xx, 27. — Chez les Égyp de chèvres marche toujours le premier. Les brebis suivent docilement, les unes après les autres, par les chemins les plus aisés. On voit, au contraire, les chèvres gambader en désordre, sauter de roc en roc, grimper par les passages les plus abrupts et donner libre carrière à leur humeur vagabonde. S’agit-il de pénétrer dans le bercail ou dans la caverne qui sert de refuge pour la nuit ? Boucs et chèvres se précipitent de tous les rochers et au

264. — Troupeau de chèvres et de brebis en Assyrie. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pL 58.

besoin bondissent par-dessus le dos des brebis. Pourqufc chaque troupeau occupe en paix la place qui lui revient dans le bercail, le berger est obligé de faire passer les brebis d’un côté et les chèvres de l’autre, en se mettant lui-même entre les deux auprès de la porte. C’est cette manière de faire qui a donné lieu à la comparaison dont se sert Notre-Seigneur, Matth., xxv, 32, 33, pour représenter la séparation des bons et des méchants au jour du jugement. Voir t. i, col. 1871. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 92 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 199.

4° Les chèvres dans les sacrifices. — Les chèvres pou695

CHÈVRE — CHEVREAU

vaient être offertes dans les sacrifices. Quand le Seigneur voulut sceller son alliance avec Abraham, il lui fit immoler trois animaux de trois ans, une vache, une chèvre et un bélier. Gen., xv, 9. On offrait des sacrifices pacifiques de chèvres. Lev., iii, 12-16. L’holocauste d’une chèvre était prescrit quand un homme du peuple tombait dans un délit par ignorance, Lev., iv, 28 ; Num., xv, 27, et quand on avait fait un serment frivole. Lev., v, 6. Néanmoins on ne pouvait offrir l’animal que le huitième jour après

sa naissance. Lev., xxii, 27.
H. Lesêtre.
    1. CHEVREAU##

CHEVREAU (hébreu : gedî, « qui coupe et arrache » la verdure dont il se nourrit ; une fois gedyyâh, la chevrette, Cant., i, 7 (hébreu, 8) ; Septante : eptço ; , èpiçiov ; Vulgate : hsedus), le petit de la chèvre. Il occupe une place assez notable dans la Sainte Écriture. — 1° Tout d’abord, il servait dans les sacrifices. Num., xv, 12. Après sa captivité, Darius ordonna à ses satrapes de fournir aux Juifs des veaux, des agneaux et des chevreaux pour les holocaustes. I Esdr., vi, 9. La victime pascale devait être « un mâle sans tache, d’un an, d’entre les brebis et d’entre les chèvres ». Exod., xii, 5 (hébreu). L’usage prévalut de choisir pour le repas solennel de la Pâque un agneau plutôt qu’un chevreau. Néanmoins Josias fait distribuer

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265. — Offrande d’un chevreau. Cylindre chaldéen.

D’après J. Menant, Recherches sur la glyptique orientale,

t. i, p. 163-164.

au peuple trente mille agneauxet chevreaux pour un festin pascal. II Par., xxxv, 7. Jusque dans les derniers temps, il fut loisible de substituer le chevreau à l’agneau, ce qu’on faisait sans doute quand il y avait quelque difficulté à se procurer la victime habituelle. On lit dans le Talmud : « Si quelqu’un dit à son disciple : Va et sacrifie-moi la Pâque, et que celui-ci sacrifie un chevreau, qu’il en mange. » Pesachim, viii, 2. Le sacrifice du chevreau et sa présentation au dieu sont figurés sur les cylindres chaldéens et les bas-reliefs assyriens (fig. 265). Cf. Botta, Monument de Nivive, t. i, pi. 43 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 1895, t. i, p. 681. — 2° Un chevreau servait de salaire ou de présent. C'était un salaire honteux, dans le cas de Juda et de Thamar, Gen., xxxviii, 17, 20, 23 ; un salaire honorable, quand il rémunérait le travail de la femme de Tobie. Tob, II, 20. On payait parfois en chevreaux le champ qu’on avait acheté. Prov., xxvii, 26. Le don d’un chevreau était un présent très sortable. Quand Samson va voir Thamnatha, l'épouse qu’il s’est choisie dans le pays philistin, il emporte avec lui un chevreau pour lui en faire cadeau. Jud., xv, 1. Sur l’indication de Samuel, Saùl rencontre près du chêne de Thabor des hommes qui portent des pains, une outre de vin et trois chevreaux. I Reg., x, 3. Ils se rendent à Béthel, probablement dans l’intention de présenter ces offrandes au sanctuaire de cette ville. Quelques années après, quand Isaï envoie son fils David à Saül pour lui jouer du kinnor, il ne manque pas de le charger de présents pour le roi. Ces présents se composent aussi de pains, d’une outre de vin et d’un chevreau. I Reg., xvi, 20. — Le chevreau est un petit animal très doux. Au temps du Messie, il habitera avec le léopard, Is., xi, 6,

symbole de l’union de tous les peuples sous la houlette du divin Pasteur. L'épouse du Cantique, i, 7, fait pailre ses chevrettes auprès des tentes des pasteurs, image gracieuse de l'Église qui prend soin des âmes dociles. — 3° Le chevreau servait surtout dans l’alimentation. Sa chair est fort tendre. Le jeune Samson écharpait un lion avec autant d’aisance qu’un chevreau. Jud., xiv, 6. Pour rendre cette chair plus savoureuse, on la faisait cuire dans du lait. C’est ce que pratiquent encore aujourd’hui les Arabes. Toutefois, pour inspirer aux Hébreux l’horreur de toute cruauté inutile, la Loi défendait de faire cuire le chevreau dans le lait de sa mère. Cette prohibition est répétée jusqu'à trois fois. Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21. On tuait le chevreau de préférence à l’agneau, parce qu’on laissait grandir ce dernier pour en recueillir la laine, dont on tjrait un meilleur profit que du poil de chèvre. C’est pourquoi Jérémie, ii, 40, déclare aux Juifs que le Seigneur les mènera à la mort comme « des béliers avec des chevreaux ». Le chevreau était ordinairement le premier animal qu’on saisissait, quand on voulait préparer rapidement un mets présentable. Lorsque Rébecca veut obtenir pour Jacob la bénédiction qu’Isaac destinait à Ésaii, elle envoie son plus jeune fils au troupeau pour en rapporter « les deux meilleurs chevreaux », et ensuite elle les apprête comme le vieillard les aimait, avec une sauce analogue à celle qui accommodait la venaison d'Ésaû. Isaac, dont le goût était sans doute émoussé par l'âge, fut trompé d’autant plus aisément, que Rébecca avait mis de la peau velue des chevreaux autour du cou et des mains de Jacob et qu’elle l’avait revêtu des habits de son frère, pour qu’au toucher et à l’odorat le vieillard aveugle crût reconnaître son fils aîné. Gen., xxvii, 9-16. Plus tard, Jacob devenu vieux reçut la tunique de son fils Joseph, trempée par ses frères « dans le sang d’un chevreau qu’ils avaient tué », sans doute pour en faire ensuite leur repas. Gen., xxxvii, 31. Le chevreau est utilisé aujourd’hui encore toutes les fois qu’on a un hôte à recevoir au désert. « Dans toutes les parties sauvages de la Palestine, raconte Tristram, chaque fois qu’un voyageur s’arrête dans un campement arabe ou fait sa visite au scheick du village, on le presse d’attendre, jusqu'à ce que le chevreau puisse être tué et préparé. On voit aussitôt, sur le devant même de la tente, prendre le chevreau et l’apprêter pour la cuisson. Les femmes l’emportent alors pour le faire cuire, loin du regard, dans le compartiment intérieur. À moins d'être forcé par la nécessité, l’hôte ne peut refuser d’accepter, sans une excuse raisonnable. S’il tient à passer pour un homme bien élevé, il faut qu’il attende jusqu'à ce que le festin soit prêt. Le chevreau fraîchement tué est extrêmement tendre et bon, et le palais le plus difficile ne peut découvrir de différence entre le chevreau et l’agneau. Le bouc déjà âgé ne fournit pas un bon aliment, bien qu’on le mange au lieu de mouton dans la plus grande partie de la Palestine. » The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 91. La scène ainsi décrite se lit deux fois dans le livre des Juges. Quand Gédéon reçoit la visite de l’ange qui lui ordonne d’attaquer les Madianites, il lui dit : « Ne vous éloignez pas d’ici, jusqu'à ce que je revienne à vous, avec le présent que je veux vous offrir. Il répondit : J’attendrai ton retour. Gédéon entra donc et fit cuire un chevreau et des pains azymes avec une mesure de farine. Puis, mettant la viande dans une corbeille, et versant le jus dans une marmite, il porta le tout sous un chêne et le présenta à l’ange. » Jud., vt, 18, 19. Lorsque Manué, le Danite, a devant lui l’ange qui lui annonce la naissance de Samson, il lui dit aussi, au nom de sa femme et au sien : « Je vous en prie, agréez ma prière ; laissez-nous nous retirer et vous apprêter un chevreau attaché à la chèvre. » Jud., xiii, 15. Dans lès deux cas, l’ange refuse le repas, qui devient alors matière à sacrifice. — Du temps de Notre - Seigneur, le chevreau occupait toujours bonne place dans les festins. C’est ainsi que le frère aîné du prodigue se plaint à son père de n’avoir G97

CHEVREAU — CHIEN

698

jamais reçu de lui un chevreau, pour faire la fête avec

ses amis. Luc, xv, 29.
H. Lesêtre.

CHEVREUIL. Le chevreuil, Cervûs capreolus, est un ruminant du genre cerf. Il ressemble au cerf proprement dit par ses formes générales ; il en diffère par sa taille plus petite, ses bois courts et rugueux, son pelage fauve ou gris-brun, mais blanc à l’arrière-train. Quelques auteurs ont supposé que le chevreuil pourrait être l’animal que la Bible appelle 'aqqô, et qu’elle range parmi ceux dont il est permis de se nourrir. Deut., xiv, 5. La chair du chevreuil est, en effet, excellente ; mais l’animal est d’une circonspection et d’une agilité qui le rendent fort difficile à saisir. Du reste, il est plus que douteux que les Hébreux aient jamais connu le chevreuil, soit le Capreolus pygargus du nord de l’Asie, soit 1' 'ahu' des Persans, qui n’est autre que la Gazella subgutturos’a.. — Selon d’autres auteurs, surtout parmi les anciens commentateurs juifs, l"a<jr<jrô serait plutôt le bouquetin, Capra ibex. Ce dernier a été connu des Hébreux, il est vrai ; mais la manière dont ils en parlent prouve assez qu’ils n’ont jamais cru possible de s’en emparer, à plus forte raison de le compter au nombre des aliments d’usage ordinaire. Voir Bouquetin. — La chèvre sauvage, Capra œgagrus, commune dans les montagnes escarpées de la Perse, pourrait être l’animal en question, si quelque indice permettait d’affirmer qu’elle est jamais arrivée jusqu’en Palestine. — Tristram, The natural hislory of the Bible, Londres, 1889, p. 97, pense que Moïse a pu avoir en vue la Capra beden ou sinaitica, espèce de chèvre sauvage qui abonde dans la péninsule sinaïtique. Mais il n’y a encore là qu’une probabilité, et rien n’est certain en ce qui concerne l’identification de Y 'aqqô. D’après Gesenius, Thésaurus, p. 128, ce nom viendrait du verbe 'ânâq, et désignerait un animal à l’encolure longue et mince. Mais quel est cet animal ? Les versions l’appellent tpa^ÉXaso ; , tragelaphus, mot composé qui signifie « bouccerf », et ne désigne aucun animal réel. Le sens d' 'aqqô reste donc douteux. Quant au chevreuil, il est à peu près certain qu’il n’en est nullement question dans la Bible. Dans l’Ecclésiastique, xi, 32, il est vrai, on lit que « la perdrix est amenée dans la cage et la caprea dans le filet ». La caprea peut être soit la chèvre sauvage, soit le chevreuil. Mais la « caprea dans le filet » n’existe que dans le texte latin. Dans le texte grec, la perdrix paraît être amenée dans une cage pour servir d’appeau. On n’en peut dire autant du chevreuil, d’où il suit que l’addition du texte latin a modifié le sens général du texte grec, et que la mention du chevreuil dans l’original hébreu doit être regardée comme plus que douteuse. Aujourd’hui encore, le Cervus capreolus est très rare en Palestine, qui est du reste la région la plus méridionale où il se rencontre. M. Tristram en a vu un sur les crêtes qui sont au sud du Liban, et le capitaine Conder un autre au mont Carmel. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 4.

H. Lesêtre.
    1. CHICORÉE##

CHICORÉE, une des plantes qui, selon les Juifs, Pesachim, ii, 6, sont comprises dans les merôrîm, « herbes amères, » que l’on devait manger avec l’agneau pascal, et que la Vulgate traduit par « laitues sauvages ». Exod., xii, 8 ; Num., ix, 11. Voir Herbes amères.

    1. CHIDON##

CHIDON (AIRE DE). Voir Aire 3, t. i, col. 328.

    1. CHIEN##

CHIEN (hébreu : kéléb, en arabe kelb, du radical kâlab, il clabauder, aboyer ; » Septante : xvwv, xuvâpiov ; Vulgate : canis, catellus), mammifère Carnivore, qui ne diffère que légèrement du loup et du renard (fig. 266). Il est digitigrade, avec cinq doigts aux pieds de devant, quatre à ceux de derrière. Ses dents sont au nombre de quarante-deux. À l'état sauvage, les chiens hurlent et vivent à peu près à la manière des chacals ; ils chassent

par troupes et ne craignent pas alors de s’attaquer même au lion et au tigre. À l'état domestique, auquel il se plie très aisément, cet animal aboie et se montre le plus intelligent et le plus fidèle des compagnons de l’homme. Il existe un très grand nombre de variétés de chiens.

1. Les chiens dans l’ancien Orient. — 1° En Egypte. — Dès les temps les plus antiques, les Égyptiens ont utilisé le chien. Leurs monuments en représentent plusieurs variétés très distinctes (fig. 267). Le chien propre au pays était le chien-renard à robe fauve, dont on a retrouvé les momies dans plusieurs nécropoles antiques. Cf. t. i, col. 1513, fig. 464. Il partageait avec le chacal l’honneur de représenter le dieu Anubis. Voir Chacal. La race de Dongolah avait la taille plus petite et l’allure plus svelte. À la chasse, les Égyptiens se servaient du sloughi ou grand lévrier du nord de l’Afrique et du chien hyénoïde. Ces deux espèces apparaissent sur les monuments primitifs qui représentent des scènes de chasse dès la IVe dynastie. Dans les bas-reliefs du tombeau des Beni-Hassan, on voit le chien courant de haute taille, introduit sous la XIIe dynastie. Wilkinson, Manners and cusloms of the ancient Egyptians, 2e édit.,

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266. — Le chien.

t. iii, p. 22. Le chien de grande taille était appelé par onomatopée ouou et ououou. Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Paris, 1875, p. 128. Enfin, sous cette même dynastie exclusivement, est représentée une race de bassets d’origine étrangère. Fr. Lenormant, Notes sur un voyage en Egypte, 1870, l re note, p. 1 -4. Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux furent témoins de la vénération idolâtrique qu’on avait pour les chiens d’Anubis et des usages divers auxquels on employait les différentes variétés de ces animaux. En Chaldée, le chien de chasse, aux membres trapus et à tête de dogue, apparaît sur les plus anciens monuments (fig. 268).

2° En Palestine. — Le chien de Palestine ne diffère pas aujourd’hui de celui d’autrefois. C’est la même race qui sert aux bergers et qui erre dans les bourgs et les campagnes. L’animal a les oreilles courtes et pointues, le museau aigu, le pelage et la queue fauves et peu fournis. C’est à peu près le type du chien sauvage, très rapproché du chacal, avec lequel il s’unit assez communément. Par une curieuse exception, les Hébreux et les habitants de la Syrie n’ont jamais accordé au chien la place qu’il obtient chez presque tous les autres peuples. Ils tolèrent cet animal comme un voisin méprisable et importun ; mais ils ne l’admettent jamais dans leur familiarité. Aussi chez eux reste-t-il toujours à demi sauvage, alors qu’une domestication plus complète le rendrait aussi doux et aussi familier que les chiens des autres pays. « En Syrie, le chien de berger n’est pas l’intelligent compagnon et le suivant de son maître ; il ne sert qu'à garder le troupeau pendant la nuit contre les bêtes sauvages. On entretient habituellement un nombre déterminé de C99

CHIEN

700

chiens, jamais moins de six ensemble. Ils couchent hors du bercail et font retentir leurs aboiements chaque fois qu’on entend les hurlements du chacal. Malgré leurs services, ils sont durement traités et battus, et ils meurent à moitié de faim. Pourtant leur fidélité est inébranlable, s Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 80, 141. Dans les villes, les chiens « sont l’in un silence qui succède aux aboiements qu’avait occasionnés le premier bruit de vos pas… Au désert, dans les tribus nomades, il y a toujours plusieurs chiens dans un campement ; les uns sont de garde et de la même espèce que ceux des villes ; les autres, destinés à la chasse, sont de la race des lévriers frisés. Les premiers sont traités avec la même négligence que dans les villes ; les seconds

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207. — Chiens représentés sur les monuments égyptiens. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, t. iv, pi. 426 et 428.

quiétude des voleurs pendant la nuit et l’effroi des étrangers pendant le jour… Depuis le coucher du soleil jusqu’à son lever, à moins d’être du quartier, il est dangereux de traverser les rues sans le gardien de chacune des circonscriptions. Car les chiens, au premier aboiement de leurs sentinelles avancées, se réunissent, s’excitent, et bientôt dévoreraient le malheureux qui serait sans protection. Le gardien vous précède donc avec une lanterne, il connaît les chiens et il est conna d’eux ; il parle aux plus doux, frappe de sa canne ceux qui ne se dérangent pas assez vite et impose à tous, par son autorité,

sont, au contraire, l’objet des plus grands soins, nourris avec attention toute l’année, habillés de longues robes l’hiver. Ils sont avec le cheval des êtres de prédilection, parce qu’ils s’associent au plus grand plaisir de l’homme, la chasse à courre ». L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, Paris, 181l, p. 59. Les Hébreux n’ont jamais été grands chasseurs ; aussi ne trouve-t-on dans la Bible aucune mention du lévrier employé à la chasse. Quelques commentateurs ont pourtant pensé, à la suite de l’auteur de la Venela, que l’animal « ceint des reins » dont il est parlé dans les Pio

verbes, xxx, 31, n’est autre que le lévrier. Mais cette interprétation demeure problématique. Gesenhis, Thésaurus, p. 435, et Rosenmùller, Scholia, Proverbia, Leipzig, 1829, p. 712, croient que l’animal en question est plutôt le cheval de guerre. — Les chiens de Palestine sont grands aboyeurs quand ils voient des étrangers ; mais il suffit qu’on ait un bâton à la main pour les tenir en respect. Il faut cependant se défier avec soin des chiens de bergers. Dans les villes, ils se nourrissent de tous les débris, de toutes les choses immondes et des cadavres d’autres animaux qu’on jette dans les rues. Ils se chargent ainsi eux-mêmes de la voirie, au grand profit dé la salubrité publique. Actuellement encore, il est impossible d’avoir avec soi un chien d’une race étrangère,

26B. — Chiens de ohasse assyriens.

D’après Place, Ninlve et V Assyrie, t. iii, pi. 62 Us.

parce que, sitôt qu’il sort dans la rue, tous les chiens indigènes se précipitent sur lui. Le pays a gardé une très belle race de lévriers destinés à la chasse. Socin, Palâstina und. Sijrien, Leipzig, 1891, p. xl, lx. La rage n’atteint qu’assez rarement les chiens de Palestine ; mais ils n’en sont pas exempts, comme quelques auteurs l’ont écrit.

II. Les chiens dans la Sainte Écriture. — Le chien est nommé une quarantaine de fois dans les Livres Saints. La manière dont les auteurs sacrés en parlent reflète exactement les sentiments qu’on a pour cet animal en Palestine. C’est à peine s’il est fait allusion aux services que rend le chien, quand il garde les troupeaux, Job, xxx, 1, ou qu’il aboie à propos pour signaler un danger. Is., lvi, 10. En trois endroits, la Bible mentionne des traits de mœurs du chien, qui happe l’eau pour boire, Jud., vu, 5 ; qui accompagne son maître en agitant la queue pour marquer sa joie au retour, Tob., vi, 1 ; xi, 9 (cette dernière remarque s’applique au chien qui vit en Médîe), et qui lèche les plaies du pauvre Lazare. Luc, xvi, 21. Dans tous les autres passages, l’Écriture parle du chien avec défaveur. — 1° Le chien, animal famélique et vorace. On lui donne à dévorer les cadavres des ennemis égorgés, Ps. lxvii, 24 ; on abandonna à sa voracité les corps des descendants de Jéroboam, III Reg., xiv, 11, et de Baasa, III Reg., xvi, 4 ; les corps d’Achab, III Reg., xxi, , 19 ; de Jézabel et de ses descendants, III Reg., xxi, 23, 24 ; xxii, 38 ; IV Reg., ix, 10, 36. Au Psaume lviii, 7, 15, les ennemis sont comparés à ces chiens faméliques qui rôdent le soir tout autour de la ville pour y chercher leur proie. Cf. Rosenmùller, Dos alte und neue

Morgenland, Leipzig, 1818, IVe part., n° 834, p. 7(j ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 40. Enfin ils sont insatiables. Is., lvi, 11. — 2° Le chien, ennemi dangereux. Les chiens sont considérés comme des assaillants aussi redoutables que le taureau, le lion et l’aurochs, quand ils s’acharnent contre une victime. Ps. xxi, 17, 21. Malheur à qui les agace en les saisissant par les oreilles ! Prov., xxvi, 17. Ils ne sont pas longs à écharper leur ennemi. Jer., xv, 3. Les chiens se montraient ordinairement si hargneux, que leur silence passait pour le signe d’une tranquillité parfaite. Quand on voulait marquer que tout était calme et que personne n’avait à redouter quoi que ce fût, on disait proverbialement : « Pas même un chien n’aiguisera sa langue contre quelqu’un. » Exod., xi, 7 (Jos., x, 21) ; Judith, xi, 15. — 3° Le chien, animal méprisable. On lui abandonnait ce qu’une autre bête avait déjà entamé. Exod., xxii, 31. On n’avait même pas l’idée de lui donner du pain, Matth., xv, 26 ; Marc, vii, 26, et c’est parce que les salles de festins demeuraient ouvertes à tous, que les petits chiens pouvaient se glisser à la dérobée et happer les miettes qui tombaient sous la table. Matth., xv, 27 ; Marc, vii, 28. Reaucoup de commentateurs pensent que, quand Notre - Seigneur dit que les chiens venaient lécher les ulcères de Lazare, il ne suppose aucune compassion de la part de ces animaux, mais ajoute un nouveau trait à l’affliction du pauvre, incapable de se défendre même contre les chiens. Cf. Fillion, S. Luc, Paris, 1882, p. 297 ; Knabenbauer, Evang. sec. Lucam, Paris, 1896, p. 473 ; Stapfer, La Palestine au temps de N.- S., Paris, 1885, p. 219. Les Juifs appelaient du nom de « chiens » les idolâtres, de même que plus tard les musulmans appelèrent giaours les chrétiens. Cette injure date de loin. Goliath disait à David : « Tu me prends donc pour un chien ? » I Reg., xvii, 43. Abner se plaint qu’on le traite cemme une « tête de chien », c’est-à-dire comme ce qu’il y a de plus méprisable. II Reg., iii, 8. Abisaï appelle Séméï « chien mort », II Reg., xvi, 9, ce qui est moins que rien. Quand Salomon dit que « chien vivant vaut mieux que lion mort », Eccle., ix, 4, il oppose le plus abject des animaux au plus noble. Quelquefois, dans les formules hyperboliques familières aux Orientaux, Gesenius, Thésaurus, p. 685, on prenait soi-même par humilité le nom de chien, IV Reg., viii, 13, et même de chien mort. I Reg., xxiv, 15 ; Il Reg., ix, 8. — 4° Le chien, animal impur. Chez les Hébreux, le chien était regardé comme le type de l’impudence et de l’obscénité. On donnait au débauché le nom de kéléb, et la loi défendait de recevoir son offrande dans le temple. Deut., xxui, 18. Cf. t. i, col. 1187, sur les « chiens » d’Astarthé. Le texte de l’Ecclésiastique, xiii, 22, où il est dit en grec : « Quelle paix entre l’hyène et le chien ? » est traduit parlaVulgate de cette autre manière : « Quel accord entre l’homme saint et le chien ? » Notre-Seigneur défend de donner les choses saintes aux chiens, c’est-à-dire aux impurs. Matth., vii, 6. Saint Paul, Phil., iii, 2, et saint Jean, Apoc, xxii, 15, emploient le nom de l’animal daus le

même sens.
H. Lesêtre.

CHIFFRES. Voir Nombres.

    1. CHIHOR##

CHIHOR, mot hébreu qui s’écrit de trois manières, l’uvar, ninir et "ihtf, sihôr et Sihôr, et qui signifie « noir », mais qui est employé comme nom propre. — 1° Pour désigner le Nil, à cause de ses eaux bourbeuses et de la terre noire qu’il dépose au moment de l’inondation, lorsque, comme le dit Virgile, viridem Aïgyptum nigra fecundat arena. Georg., iv, 291. Is., xxiii, 3 ; Jer., ii, 18. Dans le premier passage, la Vulgate traduit Cliihôr par « Nil », et dans le second par « [eau] trouble », au lieu de traduire par « [eau] du Nil ». Voir Nil.

2° Dans deux passages, Jos., xiii, 3, et I Par., xiii, 5, l’hébreu emploie les mots èihôr’âsér’alpenê Misraïm, « le Chihor qui est devant l’Egypte », et Sihôr Mi$raïm T 703

CHlHÔR — CHINOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE

704 « le Chihor d’Egypte, » pour marquer la frontière méridionale de la Palestine. La Vulgate traduit, Jos., xiii, 3, par fluvio turbido gui irrigat JEgyptum, « le fleuve aux eaux troubles qui arrose l’Egypte, » et I Par., xiii, 5, par Sihor. D’après la version du premier passage, saint Jérôme a cru qu’il s’agissait du Nil, et plusieurs interprètes sont de cet avis, par exemple, Gesenius, Thésaurus, p. 1393. Cependant, comme le Nil n’est pas « devant l’Egypte », mais au milieu même de l’Egypte, et que ce fleuve n’était pas la limite de la Palestine, d’autres commentateurs croient avec plus de vraisemblance que Chihor signifie dans Josué et les Paralipomènes « le torrent d’Egypte », l’ancien Rhinocolure, aujourd’hui ouadi el-Arisch, appelé ordinairement dans l’Écriture nahal Misravni, « ruisseau ou torrent d’Egypte, s et fixant l’extrême frontière méridionale de la Terre Promise, Num., xxxiv, 5 ; Jos., xv, 47 ; III Reg., viii, 65, etc. Voir Sihor 2 et Torrent d’Egypte.

3° Un autre Chihor est nommé Jos., xix, 26, et il est distingué du Chihor d’Egypte par l’addition du nom de Libenath ou Libnah. La Vulgate l’a transcrit sous la forme Sihor et l’a séparé de Libnah, prenant ces deux mots pour les noms de deux villes, Sihor et Lebanath. Le Chihor Lebanatli est d’après les uns le Bélus, aujourd’hui Nahr Naaman, du sable duquel les Phéniciens fabriquèrent d’abord le verre ; d’après d’autres, un cours d’eau au sud du Carmel, peut-être le Nahr Zerka. Voir

ISlHOR 1. F. VlGOUROUX.

    1. CHINOISES##

CHINOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. —

|1° Versions catholiques. — Il n’existe aucune édition icomplète de la Bible en chinois, faite par les catholiques.’On dit qu’il aurait été fait une version des Écritures à une époque très reculée. Une inscription trouvée sur un monument de la province de Shen-si, en 1625, relaterait qu’un missionnaire chrétien du nom d’Olopen, arrivé en Chine en 637 après J.-C, aurait obtenu de l’empereur de faire traduire les Livres Saints. À supposer que le fait fut vrai, on ne sait si la chose fut exécutée ; toujours est-il qu’il ne reste pas trace de cette version. Pour l’Ancien Testament, il n’existe qu’une version du décalogue mosaïque, dont l’auteur est le P. Fr. Brancato, sicilien, mort exilé à Quang-heu, en 1671. Le P. Emmanuel Diaz, portugais, mort en 1659, composa aussi une traduction semblable des dix commandements. Catalogus codicum manuscriptorum Bibliothecx regiee, in-f°, Paris, 1739, t. i, p. 389, n™ xxxvi et xxxvii. Pour le Nouveau Testament, les essais ont été plus nombreux et plus Complets. En 1548, à (ioa, un chrétien japonais, Anger, appelé ensuite Paul de la Sainte -Foi, traduisit l’Évangile de saint Matthieu en entier sur le texte de la Vulgate. — On trouve aussi des extraits de l’Évangile traduits en chinois dans un ouvrage intitulé Mémoires et notice du Seigneur, en douze fascicules, dont quatre (5 à 8) sont à la Bibliothèque Nationale. Ce livre est différent d’un ouvrage représentant en figures Les actions et les miracles du Christ avec une courte explication, composé par les missionnaires jésuites. En 1740, le P. de Mailla, S. J., publia le Ching kïng kouang i, ou selon la transcription adoptée par la librairie des Missions, Chèn kïn kouàng ï, « Explication des évangiles des dimanches et des principales fêtes de l’année ; » il est encore en usage.

— Le British Muséum possède un manuscrit contenant la vie de Notre -Seigneur tirée des Évangiles, suivie des Actes des Apôtres et des Épitres de saint Paul (sauf celle aux Hébreux, dont il n’y a que le premier chapitre, interrompue peut-être par la mort du traducteur). C’est l’œuvre d’un missionnaire catholique ou d’un Chinois converti. M. Hodgson avait fait faire cette copie sur l’original, à Canton, en 1737-1738, et l’offrit, en 1739, à sir Hans Sloane, qui le donna au British Muséum. C’est un manuscrit in-f° de 375 feuilles (750 pages notées en chiffres arabes), d’une très belle exécution. Les 107 pre mières feuilles sont en papier européen épais, le reste est en papier de Chine très fin et, selon l’usage, plié en deux. On signale un Nouveau Testament traduit par J. Basset, en 7 vol. in-8°, à la bibliothèque de la congrégation de la Propagande, d’après le catalogue des livres de cette congrégation par Andréas Candela. En 1867 parut un Nouveau Testament intitulé : Ngotang kiu sche tchu Yesu sin wei tchao chu. Nostri Salvatoris Domini Jesu Novi Testamenti liber, 4 in-8° ; et, en 1871, un Évangile selon saint Luc, texte chinois avec traduction interlinéaire, par Hamelin, in-8°, Rennes. Dernièrement, en 1892, la librairie de Nazareth, que les Missions étrangères possèdent à Hong-Kong, a édité Se chè chén Kïn i tchoû (Ssé szë ching Kïng ï tchû), Traduction des quatre Évangiles avec des notes par J. Dejean, missionnaire apostolique du Kouang-tong. La même librairie a publié également un abrégé d’histoire sainte. Cf. Ch. Th. de Murr, Diatribe de sinicis SS. Bibliorum versionibus, publié à la suite de Ign. Kœgler, Notitise SS. Bibliorum judxorum in imperio sinensi, in-8°, 2e édit, Halle, 1805. 2° Versions protestantes. — En 1806-1807, David Brown, prévôt du collège de Fort -William, fit traduire saint Matthieu par un chrétien arménien né en Chine, Jean Lassar : on l’imprima à la façon chinoise, c’est-à-dire avec planches de bois sur papier plié double. J. Marshman, orientaliste et fondateur de l’établissement des missionnaires baptistes à Serampore, mort à Canton en 1834, continua l’œuvre, aidé du même J. Lassar. En 1811, il publia saint Marc, imprimé d’abord à la façon chinoise, avec planches en bois, sur 56 feuilles ou doubles pages format in-8° ; puis avec les types de métal fondus pour l’imprimerie de la mission à Serampore. Abel Rémusat en a fait la critique sévère, mais juste : Notice d’une version chinoise de l’Évangile de saint Marc, publiée par les missionnaires anglais du Bengale, dans le Moniteur universel du 9 novembre 1812. Les autres livres du Nouveau Testament parurent successivement, de 1813 à 1822. La traduction complète de l’Ancien et du Nouveau Testament fut achevée en 1822 : Bible in Chinese translated by J. Lassar and J. Marshman, 5 part. in-8°, Serampore, 1815-1822. — Une autre version fut faite par le D r Morrison ; il’s’aida pour le Nouveau Testament du manuscrit d’Hodgson, conservé au British Muséum, et donna deux éditions du Nouveau Testament : une petite in-12, et une autre in-4°, en caractères cursifs assez élégants. Il termina en 1823, avec l’aide de Milne, la traduction de l’Ancien Testament. La Bible entière, imprimée au collège anglo - chinois de Malacca, en 1823, parut sous le titre Les Livres Saints du ciel spirituel, traduction de la Bible en chinois par Morrison et Milne, 21 cahiers in-12, sur papier de Chine ; une nouvelle édition fut donnée en 1834. La version de Serampore est la plus littérale ; celle de Canton plus conforme au goût des Chinois : l’une et l’autre sans notes ni explication historique ou géographique. — Ces versions sont défectueuses. Aussi les missionnaires protestants réunis à Hong-Kong, en 1843, émirent-ils le vœu d’une nouvelle traduction. Ils choisirent un certain nombre d’entre eux, qu’ils déléguèrent à cet effet. L’œuvre fut commencée en 1847 ; le Nouveau Testament était traduit en 1850, et l’Ancien Testament en 1855 : Bible in Chinese, 4 in-8°, Shanghaï et Hong-Kong, 1855, édition tirée à cinquante mille exemplaires. C’est la version adoptée maintenant dans les missions protestantes. Une belle édition de la Bible entière, Ku sin yo ching chu, Veteris Novi Testamenti sanctus liber, fut publiée à Shanghaï, 5 in-8°, 1873, sur papier blanc. Un Nouveau Testament, Sin yo tsiuen chu, Livre complet du Nouveau Testament, a également été édité in-18 carré, sans date. — Enfin, en 1875, parut à Pékin : Old Testament in the Mandarin colloquial, in-8°, traduit par Schereschevvsky. Toutes ces versions sont imparfaites : c’est un chinois européanisé, en général peu correct.

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: n  705 CHINOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — CHISIANUS (CODEX)

Voir J. Darling, Cyclopœdia bibiiographira, 1859, t. ii, Chinese versions of tha Bible, col. 75 ; The Bible of evcry Land, in-4°, Londres, Bagster, 1860, p. 5-6 ; dans Chinese repository, t. iv, octobre 1835, p. 249-261 ; E. C. Bridgman, Chinese version of the Bible ; manuscript in the British Muséum ; one version undertaken in Bengal and another in China, xvith brief notices of tlie means and measures employée ! to publish the Scriptures in Chinese previous to A. D., 1830, et dans le t. iv, janvier 1836, p. 393-398 ; cf. Gùtzlaff, Revision of the Chinese version of the Bible ; necessity of the work, wit/i suggestions respecting the manners in ichich itought to be accomplished ; Abel Rémusat, .Sur les traductions de ta Bible en langue chinoise, dans ses Mélanges asiatiques, in-8°, Paris, 1825, t. i, p. 1-27 ; H. Cordier, Bibliotheca sinica, in-8°, Paris, 1881, t. i, p. 595.

E. Levesque.

CHIO (grec : Xioz ; Vulgate : Chius). L’île de Chio (fig. 269) est mentionnée dans les Actes des Apôtres,

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260. — Monnaie de Chio.

Sphinx assis à gauche : devant, une grappe île raisin.

— É, . AEl’Xl’AO^ XIOX, amphore et corne d’abondance.

xx, 15. En allant d’Alexandrie de Troade à Milet, saint Paul passa par Mitylène ; la nuit suivante, le navire qui le portait jeta l’ancre en face de Chio, puis le lendemain arriva à Samos. Chio est une des iles de l’archipel silure à l’ouest du golfe de Smyrne, en l’ace de la presqu’île d’Erythrée ou de Karabotitoun. Le liras de mer qui sépare la presqu’île de l’île a dix-huit kilomètres dans sa plus grande largeur. Au nord du détroit se trouve un certain nombre de petites iles rocheuses. L’île est oblongue et recourbée. Sa plus grande dimension est de cinquante-cinq kilomètres, la largeur est d’environ vingt kilomètres. Le sol est l’orme d’un fond de marbre sur lequel est une couche peu épaisse de terre végétale. Le climat est doux et salubre. La parlie nord est montagneuse et la partie sud plus basse. Les vins de Chio étaient renommés dans l’antiquité et le sont encore aujourd’hui. Pline, II. iV., xiv, 7. Les habitants prétendaient même avoir connu les premiers l’art de cultiver la vigne et de faire le vin. Athénée, Deipnosoph., i, p. 26 b. Pline signale également parmi les produits de Chio la gomme mastic, encore aujourd’hui un des principaux produits de l’île. Pline, H. N., xii, 17.

Au temps de saint Paul, l’île de Chio appartenait à la province d’Asie, mais elle jouissait du privilège de l’autonomie, à cause de sa fidélité à l’égard des Romains pendant la guerre contre Milhridate. Pline, II. N., v. 136 ; Corpus Inscriptionum grxcarum, n » 2222. Les habitants de l’île de Chio sont de très habiles agriculteurs et réussissent admirablement dans le commerce. Les autres Grecs prétendent qu’ils descendent d’une colonie juive ou phénicienne, lis ont, en effet, quelque chose du type sémitique, surtout les femmes. Comme les Juifs, ils se marient entre eux, et les relations commerciales sonl facilitées par ces liens de parenté. Xous n’avons aucune preuve directe de l’origine juive des Chiotes ; mais il est : remarquable qu’lférode le Grand, qui aimait à protéger les Juifs dispersés dans le monde, se montra d’une particulière bienveillance envers les habitants de Chio. Dans ! un voyage qu’il fit pour rencontrer Agrippa, l’ami d’Auguste, à I.esbos, il fut obligé par le vent du nord de |


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s’arrêter à Chio. Il fit de riches présents à l’île, et fit relever à ses frais un splendide portique détruit peu dant la guerre de Mithridate. Josèphe, Ant.jud., XVI, 11 ! 2 - — v oir Fustel de Coulanges, Mémoire sur Vile de Chio, dans les Archives des missions scientifiques, t. v 1856, p. 481-642 ; D’A. Testevuide, L’île de Chio, dans le Tour du monde, t. xxxvi, 1878, p. 337-368.

E. Beurlier.

CHION. On transcrit souvent de cette manière le nom qui est écrit dans Amos, v, 26, r->r, Kîôn, et qui désigne une divinité, d’après beaucoup de commentateurs modernes. Voir Kion.

CHIQUITILLA. Voir Gikatilia Moïse.

    1. CHIRINO DE SALAZAR Ferdinand##

CHIRINO DE SALAZAR Ferdinand, jésuite espagnol, né à Cuenca (Espagne) en 1576, mort à Madrid le’t octobre 1616. Il entra chez les Jésuites en 1592, enseigna douze ans l’Écriture Sainte à Murcie, à Alcala et à Madrid, fut qualificateur du Saint-Office, prédicateur d ; L roi Philippe IV, confesseur du comte d’Olivarès. Il refusa énergiquement l’évêché de Malaga et l’archevêché de Charcas (Pérou), que le roi voulut le contraindre d’accepter. On a de lui : 1° Expositio in Proverbia Salomonis, 2 in-f », Alcala, 1618 ; Paris, 1619-1621, 1625-1626 ; Cologne, 1621-1622 ; Lyon, 1636-1637. Cornélius a Lapide dit au sujet dé cet ouvrage : « Post omnes et pra ? omnibus fusé et eruditè (scripsit) noster F. a Salazar, qui multam non solum sacram, sed et profanam eruditionem routine ! , ac liberalius ad conceptus élégantes et morales etiam a gentilibus petitos digreditur. » — 2° Canticum canticorum Salomonis, allegovico sensu, et prophetica mystira, hypermistica expositionc produclum, in-f°, Lyon, 1042. C. Sommkiîvogel.

    1. CHISIANUS##

CHISIANUS (CODEX). Ce manuscrit grec appartient à la bibliothèque du palais Chigi, à Homo, où il est coté lî. vii, 45. Voir le fac-similé, tig. 270, contenant Dan., xii, 7-13 et la souscription. L’écriture est cursive et d’une main du XIe siècle, et non du IX », comme on l’a quelquefois dit par suite d’une faute de déchiffrement relevée par Mabillon le premier. M. Swete croit y reconnaître la main d’un calligraplie calabrais, conjecture qui ne paraît pas fondée. C’est un volume de 102 feuillets grand formai. Il contient Jérémir, Barneh, les Lamentations, l’épilre de Jérémie, Daniel selon les Septante, une parlie du commentaire dllippolyte sur Daniel, Daniel selon Théodolion, Ezéchiel, lsaïe. — Dans un inventaire dressé en 1706 des manuscrits grecs de la collection Chigi, et dont on trouvera le texte dans le n » lvi, 9 (fol. 109), des Archives Vaticanes, notre manuscrit porte le n° 6 et est intitulé « Prophétie inaiores ex exaplis Originis » [sic). Nous ne pensons pas que le Chisianus soit arrivé à Rome avant le XVIIe siècle, les éditeurs de l’édition sixtine des Septante (1586) ne l’ayant pas connu, ou du moins pas utilisé. Voir notre livre, La Vaticane de Paul III à Paul V, Paris, 1890, p. 87-91. Mais dès le temps du pape Alexandre Vil (1055-1667), qui était de la famille Chigi, Allatius en parle comme d’un manuscrit appartenant au pape personnellement, « le manuscrit de NotreSeigneur. » Allatius désirait l’imprimer, y voyant le pur texte des Septante, tel qu’il avait figuré dans les Hexaples, et sans les mélanges de leçons que les copistes, qui ont travaillé d’après les Hexaples, y ont, disait-il, arbitrairement et maladroitement introduites ; l’édition devait être imprimée à Paris. Le projet d’Allatius ne fut pas réalisé par lui, non plus que par Bianchini, qui se l’était aussi proposé. Ce fut Simon de Magistris qui l’exécuta : Daniel secundum Sepluaginta ex letraplis Origenis, Rome, 1772. Cette édition a été réproduite plusieurs fois, Gœttingue, 1773 ; Utrecht, 1775 ; Leipzig, 1844 ; finalement par Migne, Patr.gr., t. xvi, col. 2767-2906. Dans l’édition de 1772,

II. —’23

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    1. CHISIANUS##

CHISIANUS (CODEX) — CHLOÉ

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on trouve le Daniel des Septante et le Daniel de Théodotion, tels que les contient le Chisianus, plus le texte du commentaire d’Hippolyte : malheureusement cette reproduction de textes manque de la littéralité scrupuleuse qu’on y voudrait trouver. De nos jours on a réédité le Daniel des Septante : Cozza, Daniel secundum LXX interprètes ex unico Codice Chisiano, Rome, 1877.

il suffit de jeter les yeux sur l’édition de M. Swete, qui a imprimé en regard le texte de Daniel, plus Susanne, Bel et le Dragon, à gauche selon les Septante, à droite selon Théodotion, pour se rendre compte des divergences des deux versions, et de l’intérêt qu’il y a à posséder le pur texte des Septante : c’est le service que nous rend le Chisianus, alors que des manuscrits comme le Vaticanus, le Marchalianus, V Alexandrinus, ne donnent que Théodotion, suivant un usage consacré déjà au temps de S. Jérôme. Prol. in Dan. t. xxv, col. 493. De plus, le texte des Septante donné par le Chisianus a des chances d’être un texte de très bon aloi et représentant bien celui que lisait Origène et qu’il a inséré dans ses Hexaples. Il s’accorde, en effet, avec le texte syriaque du Codex SyroHexaplaris Arnbrosianus, lequel est une version littérale des Septante de l’édition hexaplairo, version exécutée, en G16, par Paul Telia. Comme le texte de V Arnbrosianus, le texte du Chisianus porte les obèles et les astérisques, c’est-à-dire les signes critiques, mis par Origène à son texte des Septante. Et entiji le Chisianus, comme Y Arnbrosianus, porte à la dernière ligne de Daniel la souscription suivante, en majuscules grecques : Écrit d’après un exemplaire qui portait cette annotation : Écrit d’après les tétraples et collalionné sur eux. — Voir H. B. Swete, The old Testament in Greek, t. iii, 1894, p. xii. P. Batiffol.

    1. CHISKIA##

CHISKIA, ou plus exactement Hizqiyyàh ben Manôah, rabbin français, qui composa, vers 1240 ou 1260, un commentaire littéral et cabalistique sur le Pentateuque, intitulé Hazzeqûni. De là le nom sous lequel l’auteur lui-même est vulgairement connu. Ce commentaire, souvent cité, n’est en somme qu’une large compilation d’une vingtaine de commentaires antérieurs, surtout de Raschi. In f », Venise, 1524 ; in-4°, Crémone, 1559 ; in-f°, Bâle, 1606, et dans la Bible rabbinique de M. Frankfurter, in-f°, Amsterdam, 1724-1727. Voir Histoire littéraire de la France, t. xxvii, 1877, p. 436. E. Levesque.

    1. CHLAMYDE##

CHLAMYDE (grec : x>. « [i-jç ; Vulgate : chlamys). 1° Le mot « chlamyde » est employé par les Septante et par la Vulgate, I Reg., xxiv, 5, 6, 12, pour désigner le manteau militaire de Saùl ; mais ce manteau n’avait pas la même forme que la chlamyde des Grecs et des Romains. Voir Manteau.

2° Dans l’Évangile de saint Matthieu, xxvii, 28, 31, la chlamyde est le manteau militaire des Romains. Les soldats chargés de garder Notre -Seigneur dans le prétoire de Pilate, après l’avoir dépouillé de ses vêtements, placèrent sur ses épaules une chlamyde de pourpre, comme insigne de sa royauté, qu’ils tournaient en dérision. — . La chlamyde est un manteau d’origine thessalienne ou macédonienne. Pollux, Onomasticon, ii, 46 ; x, 121. D’après Plutarque, Alexandre, 26, c’était une pièce d’étoffe rectangulaire dont l’un des côtés était arrondi. Pline, H. N., v, 101, ajoute que le côté arrondi formait deux pans, qui tombaient à droite et à gauche ; on appelait ces pans des « ailes thessaliennes », Hesychius et Suidas, au mot ŒrraXixa : ’jmpvye ; . Les représentations de la chlamyde qui se trouvent sur les vases peints nous montrent l’exactitude de cette comparaison. Museo etrusco gregor., t. ii, pi. lix ; cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. i, fig. 1417, p. 1115. La chlamyde fut adoptée par lous les Grecs, qui en firent leur manteau à la guerre, à la chasse et en voyage. Athénée, Deipnosoph., vi, 37, p. 240 c. Pollux, Onoma sticon, x, 146. Tantôt ils s’en enveloppaient le haut du corps et les bras ; tantôt ils la portaient attachée autour du cou par une agrafe. La facilité avec laquelle la chlamyde glissait sur les épaules la rendait commode pour tous les mouvements. Au besoin les Grecs s’en enveloppaient le bras gauche pour se défendre, tandis qu’ils brandissaient la lance ou l’épieu de la main droite. Mionnet, Description des monnaies grecques, t. i, p. 578, 830, etc. ; Xénophon, Cyneget., VI, 17. — 2. La chlamyde fut adoptée par les Romains (fig. 271), qui imitèrent les mœurs grecques ; mais l’opinion publique blâma

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271. — Chlamyde.

Statue de l’empereur Claude. Musée du Louvre.

ceux qui portaient ce manteau au lieu de la toge dans la vie civile. Cicéron, Pro Rabirio, x, 27 ; Valère Maxime, m, 2. Les auteurs grecs, désignent sous le nom de chlamyde le manteau militaire des Romains appelé en latin sagum ou paludamentum parce que ce manteau avait à peu près la forme de leur chlamyde. Dion Cassius, lix, 17 ; lx, 17 ; i.xv, 5, 16, etc. De là ce mot est passé dans la langue latine avec le même sens. Plaute, Miles rjloriosus, v, 4, 30 ; Lampride, Alexandr. Serer., 40 ; Tacite, Hist., ii, 89 ; Cod. Theodos., xiv, 10. C’est un de ces manteaux militaires que les soldats placèrent sur les épaules de Notre -Seigneur. La couleur de pourpre était celle du manteau impérial ou royal. Il est probable que les soldats fabriquèrent grossièrement cette chlamyde avec un morceau d’étoffe rouge, car ils ne devaient pas avoir de chlamyde de pourpre à leur disposition.

E. Beurlier.

    1. CHLOÉ##

CHLOÉ (XXôyj, « herbe verte » ), nom d’une chrétienne. Ce fut par « ceux de la maison de Chloé », c’est-à-dire par ses esclaves ou ses affranchis (cf. Rom., xvi, 10, 11), que saint Paul fut averti des divisions qui s’étaient introduites dans l’Église de Corinthe, comme nous l’apprend l’Apôtre. I Cor., i, 11. On ne sait absolument rien sur elle. On ignore même si elle demeurait à Corinthe ou à Éphèse. La première Épître aux Corinthiens fut écrite à Ephèse. On peut également supposer, comme l’a fait Théophylacte, que Chloé habitait Corinthe, et que quelques-uns de ses gens étaient allés à Éphèse, ou bien qu’elle demeurait à Éphèse et que ses gens y rapportèrent des nouvelles de Corinthe au retour d’un voyage dans cette dernière ville. Voir Alford, The Greek Testament, édition de 1894, t. ii, p. 476. Certains écrivains, comme saint Ambroise, ont cru à tort que Chloé pouvait être un nom de lieu.

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CHOAGH — GHODCHOD

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CHOACH. C’est ainsi qu’on transcrit quelquefois le mot hébreu mn, Ijiôali, qui désigne le chardon. Voir Chardon.

    1. CHOBAR##

CHOBAR (hébreu : Kebdr ; Septante : Xo6âp), nom d’un cours d’eau, rivière ou canal de la Chaldée, sur les rives duquel les Hébreux furent transplantés par Nabuchodonosor ; c’est là également qu’Ezéchiel eut ses premières visions. Ezech., i, 3 ; iii, "15 ; x, 15. Il ne faut pas le confondre avec le Habor mentionné dans IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 11, où furent déportés une partie des captifs d’Israël sous Osée. On a cru longtemps que c’était le Xaêwpa ; ou’Aêôppaç des anciens, le Khabour actuel, affluent gauche de l’Euphrate, à la hauteur de Circésium. Rosenmùller, Scholia in Vet. Test., Ezechiel, t. i, p. 54 ; Keil, Ezechiel, Leipzig, 1868, p. 12 ; Hitzig, Ezechiel, Leipzig, 1847, p. 4 ; Calmet, Commentaire littéral, Ezechiel et Daniel, in-4°, Paris, 1715, p. 2. Mais le nom de Haboras, en assyrien IJa-bur, ne pourrait pas se transcrire Kebar en hébreu ; il exigerait un n (heth) et non un 3 (caph) comme initiale ; de plus ce fleuve arrose la partie septentrionale de la Mésopotamie, tandis que l’expression biblique « la terre des Chaldéens » en indique toujours la partie méridionale. Voir Chaldée. — Saint Jérôme suppose que Chobar peut être un adjectif signifiant « fort, puissant » (voir kabbir, dans Isaïe, xvii, 12 ; xxviii, 2), et désignerait le Tigre ou l’Euphrate. Comment, in Ezech. prophet., t. xxv, col. 18. Mais Kebar en hébreu n’est jamais employé dans le sens de « puissant ». Si l’Euphrate est désigné par le mot « fleuve », Nahar, c’est sans épithète ; enfin le contexte d’Ézéchiel paraît bien indiquer un nom propre : c’est pourquoi les commentateurs n’ont pas généralement suivi saint Jérôme. — Comme la Babylonie ne renferme pas d’autre fleuve que le Tigre et l’Euphrate, le Chobar désigne évidemment soit l’un des bras du bas Euphrate, soit l’un des canaux multiples qui arrosaient la Chaldée et qui portaient également le nom de nahar ou fleuve. On a même supposé qu’il n’était autre que le Nahar Malcha, le canal royal, le principal d’entre eux. Pline dit qu’il fut creusé par un architecte du nom de Chobar ou Gobaris, H. N., 1. vi, c. xxx, édit. Lemaire, Paris, 1828, t. ii, p. 689. Cf. S. Bochart, Phaleg, Francfort, 1681, p. 38-39 ; G. Rawlinson, The flve great monarchies, Londres, 1879, t. iii, p. 56. Cependant aucun texte babylonien ne nous permet de croire que le nom de l’architecte fût jamais donné au canal lui-même : le Chobar, s’appelait en assyrien Kabaru, d’après les découvertes des archéologues américains. Il était situé dans le voisinage de la ville de Nippour « n Babylonie, Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1898, p. 55. Voir Habor, 30, t. iii, col. 386.

E. Pannier.

CHODCHOD. Hébreu : kadekôd, Is., liv, 12, ol kadkôd, Ezech., xxvii, 16 ; Septante : ïzamq, Is., liv, 12, et %op-/4p, Ezech., xxvii, 16 ; Vulgate : jaspis, Is., liv, 12, et chodchod, Ezech., xxvii, 16.

I. Description. — Le rubis oriental est un corindon hyalin d’un beau rouge cramoisi (fig. 272). C’est un composé d’alumine presque pure, colorée par l’oxyde de fer. Sa pesanteur spécifique est 4, 283 ; sa dureté n’est surpassée que par celle du diamant. Ces qualités, jointes à sa transparence, à son poli et à son velouté, lui donnent le second rang parmi les pierres précieuses. Il vient immédiatement après le diamant, qu’il dépasse parfois dans certaines conditions exceptionnelles. Il supporte parfaitement l’action du feu sans altération, et même sa couleur y gagne en vivacité et en limpidité. Les plus beaux rubis viennent de l’île de Ceylan, de l’Inde et de la Chine. On donne aussi le nom de rubis à des pierres plus communes, moins riches en alumine, d’une moindre valeur, qui sont des variétés du genre spinelle, comme Je rubis oriental est une variété particulière de corindon.

C’est le rubis spinelle, qui tire sur le rouge ponceau, et le rubis balais (altération de Balakschan, nom du lieu qui le fournissait), d’un rouge clair ou rouge groseille. Ch. Barbot, Guide pratique du joaillier, ou Traité des pierres précieuses, 4e édit., in-12, Paris, 1888, p. 306-310. IL Exégèse. — Isaïe, liv, 12, annonçant la reconstruction de la nouvelle Jérusalem en pierres précieuses, dit au nom de Dieu : « Je ferai tes créneaux en kadkod ; » ce que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par « jaspe ». Le même mot ne se représente que dans Ezechiel, xxvii, 16, où le prophète nous montre le Syrien exposant sur le marché de Tyr le kadkod avec les perles, la pourpre, le corail, etc. Dans ce dernier passage, les traducteurs grecs, par ignorance sans doule du sens, transcrivent simplement le mot du texte hébreu, mais

272.

Rubis oriental.

en lisant deux resch, ~a~o, au lieu de deux daleth, 1213 : -/op-/ôp. La Vulgate se contente également de transcrire le mot, mais on lisant, comme dans le texte hébreu actuel, deux daleth : chodchod. « Ce que signifie chodchod, je n’ai pu le trouver jusqu’à présent, » dit saint Jérôme, Comment, in Ezechielem, 1. viii, c. xxvii, 16, t. xxv, col. 255. Cependant dans Isaïe, liv, 12, il avait traduit par jaspe ; il est vrai qu’en cela, selon son aveu, il ne fit que suivre les Septante. Comment, in Isaiam, t. xxiv, col. 521. Mais cette traduction est inexacte : le jaspe a son nom bien connu en hébreu. Selon l’opinion dominante des exégètes, le kadkod doit s’entendre du rubis, que la Bible ne mentionnerait nulle part, s’il n’en est pas question ici. Si l’on rapproche kadkod de kîdod, « étincelle, » Job, xli, 11 (de V3, kîd, « jeter des feux » ),

nous sommes amenés à y voir une pierre brillante. De

plus, le mot arabe &j*Sj£, kadzkadzat, désigne le rouge vif. Il est à remarquer que le Targum de Jérusalem rend par « 313-3, kadkedânâ’, le mot red/’efcdeExod., xxviii, 18,

qui signifie « escarboucle », pierre qui par sa couleur rouge a de l’analogie avec le rubis. Symmaque traduit kadkôd ou plutôt karkod (comme il semble avoir lii, et comme portent encore quelques manuscrits) par -/apyijSâvio ;  : ce qui n’est pas la calcédoine, mais bien le carbunculus carchedonius de Pline, H. N., xxxvii, 25. Or ce carbunculus carchedonius, par son nom spécifique, rappelle le kerkend, dont la traduction arabe d’Aristote dit : « Le kerkend ressemble à l’ynqout roujre (rubis oriental), mais il ne soutient pas comme lui l’action du feu. » Ce serait donc le rubis spinelle ou balais. Clément-Mullet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54. Si l’on ne peut faire la preuve certaine, il y a donc des raisons de croire que le kadkod est le rubis, au moins le rubis spinelle ou balais. À l’époque d’Isaïe et surtout d’Ézéchiel, le rubis oriental, apporté de l’Inde ou de la Chine, pouvait très bien être connu dans la Palestine et la Syrie. On sait que Babylone était le plus ancien et le plus important marché de pierres précieuses. Movers, Die Phônizier, t. ii, part. 3, Bonn, 1856, p. 266. Or il

est dit par le prophète, Ezech., xxvii, 16, qu’Aram, c’est-à-dire le Syrien, apportait ces pierres précieuses sur le marché de Tyr. Par Aram on peut très bien entendre la Syrie mésopotamienne. E. Levesque.

    1. CHODORLAHOMOR##

CHODORLAHOMOR (hébreu : Kedorlâ’ômér ; Septante : XoSoMoyoïiép), roi des Élamites. Gen., xiv. Les inscriptions assyriennes nous font connaître l’existence d’une dynastie élamite de Koudourides, ainsi nommés à cause du premier élément, Kutir ou Kudur ( forme babylonienne), du nom royal de plusieurs de ces souverains élamites ; ils

nous apprennent aussi que

l’Asie occidentale, y com pris le pays de Chanaan,

fut conquise par ces princes.

— Assurbanipal, roi de Ni nive, se vante d’avoir re trouvé et réintégré dans

son temple, vers l’an 650,

où il conquit l’Elam et pilla

Suse, sa capitale, la statue

de la déesse Nanâ, empor tée du pays d’Akkad mille

six cent trentecinq ans

auparavant, par Kudur-nan hundi l’Élamite, « qui, con fiant dans sa propre force,

avait étendu la main sur

tous les temples » de la

Chaldée. L’invasion de la

Babylonie par Kudur-Nan (mndi eut donc lieu vers

l’an 2285. Ce ne fut pas une

occupation passagère. Car

plus tard KudurMabug,

roi d’Élam, fils de l’Élamite

Simti-Silhak, prend dans

ses inscriptions le titre de

AD-DA MAR-TU, c’est-à dire « prince ( ou conqué rant) du pays d’Occident »,

terme par lequel on dési gnait la Syrie et le pays de

Chanaan, ce roi élamite a

même laissé quelques monu ments en Chaldée (fig. 273) ; ensuite son fils (É)-rim-Aku, roi de Larsa, qui est sans doute l’Arioch de la Genèse (voir Arioch), a restauré un bon nombre de temples chaldéens, et cela, dit-il dans les inscriptions dédicatoires, « pour sa vie à lui, Éri-Aku, roi de Larsa, et pour la vie de Kudur-Mabug, prince d’Élam, » namtvmusu u namti Kudurniabug ddda Imutbala. — Chodorlahomor est peut-être Kudur -Mabug, roi d’Élam et suzerain de la dynastie élamite de la basse Chaldée, comme la Bible nous le représente. Gen., xiv, 4, 5, 17. Le premier élément de son nom, Kudur, se retrouve dans d’autres noms royaux d’Élam ; l’autre élément est le nom d’une divinité de ce pays, Lagamar, invoquée dans une inscription du roi Kudur-Nanhunti II, et dont la statue fut pillée par Assurbanipal dans la conquête de l’Élam ci-dessus rappelée : ce Lagamar est devenu La’omer dans la ponctuation massorétique, et Aoyoy.6p dans les Septante.

La Genèse ne nous donne qu’un épisode de la domination élamite ; elle nous représente les populations palestiniennes comme ayant supporté patiemment le joug étranger jusqu’à la treizième année de Chodorlahomor. Gen., xiv, 1-3. Une révolte, qui eut lieu la treizième année de son règne, lui fit traverser le Tigre et l’Euphrate, et paraître en Palestine la quatorzième année, avec ses trois vassaux, Arioch de Larsa, Amraphel de Sennaar et Thadal de Guti (Vulgate : rex gentium). Il suivit la route du haut Euphrate à cause du désert qui

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273. — Statuette canéphore

en bronze, portant une dédicace

de Kudur-Mabug à la déesse

ÏTana. Musée du Louvre.

sépare la Mésopotamie de la Palestine, et arriva par le nord, comme plus tard le firent encore les Assyriens et les Babyloniens. Il descendit à l’est du Jourdain, battant d’abord les Raphaïm à Astaroth - Carnaïm, à la hauteur du lac de Génésareth, les Zuzim à Ham (ou bien « avec ceux-là, » comme traduisent les Septante, le syriaque et la Vulgate, suivant une leçon hébraïque légèrement différente de la nôtre, bahém pour behâm), les Émirh à Savé-Cariathaïm, à la hauteur de la mer Morte. Les rois de la Pentapole (Sodome, Gomorrhe, Adamâ, Seboïm et Bala-Ségor) les laissèrent passer jusqu’au sud de la Palestine, où ils battirent successivement dans le désert les Horréens et les Amalécites, puis remontèrent sur la rive occidentale du Jourdain, et battirent les Amorrhéens à. Asasonthamar-Engaddi, à la hauteur de la mer Morte. C’est alors que les cinq rois les attaquèrent dans la vallée de Siddim (Vulgate, Sylvestris), pleine de puits de bitume, et dont il reste encore une portion au sud de la mer Morte. Le roi d’Élam fut vainqueur, et les révoltés, ayant perdu deux de leurs chefs, se dispersèrent et se réfugièrent sur les hauteurs, ce qui permit à Chodorlahomor de piller le pays. Chargés de butin et d’esclaves,

— y compris la famille de Lot, — ils reprirent la route du nord en longeant le Jourdain. Arrivés à Dan, au nord de la Palestine, aux sources du Jourdain, ils furent pris à l’improviste et nuitamment par la troupe d’Abraham et celle de ses alliés, les tribus chananéennes d’Aner, Escol et Mambré : n’étant plus sur leurs gardes, ils furent facilement défaits, leur campement fut pillé tandis qu’ils prenaient la fuite, abandonnant butin et esclaves, dans la direction du gué de l’Euphrate. Abraham les poursuivit et les harcela jusqu’à Soba, à gauche, c’est-à-dire au nord de Damas. C’est en cet état que Chodorlahomor et ses alliés traversèrent la haute Mésopotamie, la Babylonie, pour rentrer en Chaldée et en Ëlam. Voir Amraphel, Arioch et Thadal. — Voir J. Oppert, Ueber Kedorlaomer, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1871, p. 509-512 ; F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 481-504 ; Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885, t. i, p. 121-123 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 91-97 ; et pour les textes allégués, Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 269 ; Babylone et la Chaldée, p. 53-56 et 108-110 ; Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. iii, part. i, p. 92-99 ; p. 110, inscr. c ; p. 126, inscr. I ; G. Smith, Records of the Past, l re série, Early history of Babylonia, t. iii, p. 19 ; v, p. 64-75 ; t. i, p. 90 ; History of Assurbanipal, 1871, p. 250-251 ; The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. v, n. 16 ; n. 3 ; pi. IV, n. 15 ; t. iv, pi. 36 et b7 t n. 21 ; t. iii, ꝟ. 23, 1. 8 ; pi. 35, n. 1, reverse, 1. 8.

E. Pannier.

CHŒNIX, mesure grecque de capacité pour les solides, x » ™ ?> l a seule mesure étrangère nommée dans le Nouveau Testament : « Un chœnix de blé se vend un denier, » dit saint Jean dans l’Apocalypse, VI, 6. La Vulgate traduit chœnix par bilibris, « deux livres. » Sa contenance était de 1 litre 079, la 48e partie du médimne attique. On considérait le chœnix comme équivalant à la quantité de nourriture quotidienne nécessaire à un homme sobre. Athénée, Deipnosoph., iii, 54 ; Hérodote, vii, 187. Saint Jean, en disant qu’un chœnix de blé se vend un denier, marque par là une grande disette ; car un denier était le prix ordinaire du boisseau de blé, c’est-à-dire de 8 litres 631 (voir Boisseau). Cicéron, Verr., iii, 81. Le denier était en même temps le salaire d’une journée d’ouvrier, Matth., xx, 2, de sorte qu’un chœnix de blé absorbait tout le gain d’une journée de travail.

F. Vigouroux.

CHŒROGRYLLE (hébreu : sâfân, du radical Sâfan, « cacher ; » Septante : x « P°ïP’jM » > ; , « porc-épic ; » Vulgate : Lev., xi, 5 ; Deut, xiv, 7 : chœrogryllus ; Ps.ciii, 18 : herinacius, « hérisson ; » Prov., xxx, 26 : lepusculus, « lièvre » ), nom grec du porc -épie conservé par saint Jérôme dans sa traduction du Pentaleuque.

1° Identification. — La traduction que les versions adoptent pour l’hébreu sâfân ne répond pas exactement aux données fournies par les textes bibliques dans lesquels ce mot se rencontre. Moïse proscrit le Sâfân de l’alimentation comme étant un ruminant dont les pieds n’ont pas de corne fendue. Le porc -épie et le hérisson ne présentent aucune apparence de rumination, et ils ont aux pieds, le premier quatre doigts, le second cinq doigts distincts et armés d’ongles. Le lièvre, que la Vulgate confond avec le Sâfân au livre des Proverbes, xxx, 26, réunit les conditions exigées, au moins quant aux apparences. Voir Lièvre. Mais cet animal ne peut être nommé deux fois de suite avec des noms différents : sâfân au verset 5 de Lev., xi, et’arnébét au verset 6. D’autre part, les textes du Ps. cm (civ), 18, et de Prov., xxx, 26, marquent

274.

Le daman.

comme caractéristique du sâfân qu’il gîte dans les trous des rochers ; le porc -épie et le lièvre habitent, au contraire, dans des terriers, et le hérisson dans les premiers trous venus. Bochart, Hierozoicon, Leipzig, ’1873, t. ii, p. 409, et Piosenmùller, Scholia in Leviticum, Leipzig, 1798, p. 61, ont identifié le Sâfân avec la gerboise. Mais cet animal ne vit, lui aussi, que dans des terriers. Aujourd’hui on admet généralement que le sâfân n’est autre que le daman, le thofun du sud de l’Arabie, le wabr du Sinaï et do la Palestine. C’est bien l’animal que saint Jérôme avait en vue, quand il écrivait, Ep. ad Suniarn et Fretellam, evi, 65, t. xxii, col. 861, que le sâfân n’est pas du tout le porc-épic, comme l’ont cru les versions, mais un petit quadrupède à peu près de même taille, habitant dans les trous des rochers et les creux du sol, et connu en Palestine sous le nom d’àpy.ToV-’Si « ratours, » parce qu’il a quelque chose de ces deux animaux.

2° Histoire naturelle. — Le daman, l’hyrax des naturalistes, malgré sa taille et ses apparences qui le feraient prendre pour un rongeur, appartient zoologiquement à l’ordre des mammifères pachydermes jumentés et à la famille des hyracidés, dans laquelle se range aussi le rhinocéros. On ne connaît que trois espèces de damans : l’une au sud de l’Afrique, l’Hyrax capensis ; une autre en Abyssinie, l’.-lscWiôfcô, que les Arabes appellent « brebis des fils d’Israël », et enfin une troisième en Syrie, l’Hyrax syriacus (fig. 274). Le daman ressemble extérieurement au lapin et à la marmotte. Il a la tête ronde, le museau obtus, les oreilles petites et la queue si courte, qu’on l’aperçoit à peine. Ses incisives ont la forme d’un ciseau, absolument comme celles de l’hippopotame. Sa fourrure est épaisse, d’un brun fauve ou roussàtre, avec une tache oblongue de couleur plus claire sur le dos, et une teinte moins foncée sous le ventre. Le daman est bas sur pattes. Il a quatre doigts à celles de devant et trois à celles de derrière, avec de petits ongles, mais point de griffes. Il se nourrit de fruits et d’herbages. L’animal vit ordinairement en troupe. Il ne se creuse pas de terriers, mais habite dans les trous des rochers inaccessibles ou dans les amas de pierres. C’est là qu’il fait son nid, qu’il cache ses petits et qu’il se retire lui-même à la moindre

alarme. Cette habitude lui a valu son nom en hébreu, sâfân, « celui qui se cache. » Le psalmiste a donc raison de dire, Ps. cm (crv), 18 :

Aux chèvres sauvages les cimes des monts, Aux damans l’abri des rochers.

Le daman est incapable de se défendre ; mais sa circonspection est extrême. Au moindre danger, un petit cri est poussé par celui qui a cru apercevoir l’ennemi, et toute la bande s’enfuit et disparait en un clin d’œil. Aussi est-il très difficile de s’emparer de l’animal, malgré sa faiblesse. L’auteur des Proverbes, xxx, 24-28, dit du daman :

Il y a sur la terre quatre petits êtres, Que la sagesse a rendus fort sages.

Ce sont les fourmis, les sauterelles, les lézards et

Les damans, peuple faible,

Qui placent leur gîte dans les rochers.

Le daman est commun dans l’Arabie Pétrée, où il se montre aussi timide qu’une souris. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 149. On le rencontre fréquemment en Palestine, surtout dans les gorges du Cédron, sur les coteaux rocheux à l’ouest de la mer Morte, dans les plaines d’Acre et de Phénicie, au nord de la Galilée et dans tout le Liban, Moïse a défendu de s’en nourrir. Lev., xi, 5 ; Deut., xiv, 7. Pourtant sa chair n’est pas désagréable, quoiqu’elle ait moins de goût que celle du lièvre, et qu’elle soit plus sèche et plus foncée en couleur. Les Arabes du mont Sinaï l’estiment ; - mais les chrétiens d’Abyssinie et les Bédouins mahométans ne la mangent pas. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 75-77 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 312-317. 3° D’après Moïse. — Le législateur indique deux signes qui doivent faire reconnaître le Sâfân comme animal prohibé : ses pieds ne sont pas fendus et il rumine. Il est certain que ce signalement n’a aucun caractère scientifique, et qu’il repose sur de simples apparences. Mais ce sont précisément ces apparences qui seules pouvaient constituer pour le peuple un signalement facile à reconnaître. Le daman a quatre doigts aux pattes de devant, et trois aux pattes postérieures ; mais ces doigts sont enfermés dans une gaine de peau et de poils qui ne permet pas de les apercevoir, et c’est à peine si l’on peut les distinguer de près par les petits ongles qui les terminent. Le daman n’est pas non plus un ruminant, bien que Moïse lui attribue ce caractère ainsi qu’au lièvre. Il faut observer pourtant que le verbe hébreu gârar ne signifie pas nécessairement et toujours : ramener les aliments d’un premier estomac dans la bouche pour les remâcher et les faire repasser dans trois autres estomacs successifs. Le mot gârar est une onomatopée qui désigne originairement le bruit que fait la scie, le racloir, les dents qui frottent l’une contre l’autre, la gorge qui se « gargarise ». Il ne se rapporte donc qu’à l’acte extérieur de la rumination. Cf. Gesenius, Lexicon hebraicum, édit. Hoffmann, Leipzig, 1847, p. 203. Ce qui, pour les Hébreux, caractêtérisait la rumination, n’était pas le passage invisible des aliments à travers quatre estomacs, mais le mouvement visible des lèvres. Or ce mouvement, qui donne à croire que l’animal mâche sans cesse, existe chez le lièvre, chez le daman et chez beaucoup d’autres quadrupèdes. « Le mot hébreu veut simplement dire « remâcher », et n’implique pas nécessairement la possession d’un estomac ruminant. Mais le législateur parle d’après les apparences, et quand on observe le mouvement continuel des mâchoires du petit animal, comme si ses dénis élaient en perpétuelle activité, on ne peut manquer de reconnaître combien l’expression est naturelle. » Tristram, The natural

history, p. 76.
H. Lesêtre.

CHŒUR (hébreu : maqhêlim, Ps. xxvi (xxv), 12, et maqhêlôt, Ps. lxvhi (lxvij), 27, de qàhàl, « assemblée ; »

715

CHŒUR — CHRÉTIEN

716

Septante : tiiY.r^ iai ; Vulgate : ecclesise ; — huyyedôt, Il Esdr., xii, 8, et tôdâh, HEsdr., xii, 31, 39, de yâdâh, « rendre grâces, » Septante : oî nspl ahiaitùt ; Vulgate : chori laudanlium), ensemble de personnes réunies pour l’exécution d’un chant. Dans la plupart des cas où les versions emploient le mot « chœur », -/opi ; , chorus, il est question d’autre chose en hébreu, surtout de danse, meholâh, Exod., xv, 20 ; xxxii, 19 ; Jud., xi, 34 ; xxi, 21, 23 ; I Reg., xviii, 6 ; xxi, 11 ; xxix, 5, ou mâhôl, Ps. cxlix, 3 ; cl, 4 ; Jer., xxxi, 4, 13 ; Lam., v, 15. C’est aussi de danse et non de « chœur » qu’il s’agit probablement dans Judith, iii, 10, et saint Luc, xv, 25. Voir Danse. Au livre des Juges, ix, 27, l’historien ne mentionne pas des chœurs, mais des hillûlim, « jours de fête » après la moisson. Les chœurs dont il est parlé II Reg., vi, 12, n’existent que dans les Septante, l’itala et la Vulgate. Les maqhêllm et les maqhêlôt, nommés chacun une fois dans les Psaumes, ne sont autre chose que l’assemblée elle-même du peuple réuni pour chanter les louanges du Seigneur. Cf. t. i, col. 1129. Les mots huyyedôt et tôdâh, la « louange », mis pour la réunion de ceux qui louent, n’apparaissent avec cette acception qu’après la captivité. En somme, il n’existe pas en hébreu de terme spécial pour désigner un chœur de chant. Pourtant il est certain qu’il existait à Jérusalem des corps spéciaux de lévites chargés d’exécuter les chants liturgiques. David établit des chanteurs dans ce but, IPar., vi, 31 ; ix, 33 ; Eccli., xlvii, 11, et les munit d’instruments pour accompagner les voix. I Par., xv, 16, 19, 27. Salomon institua aussi des chanteurs pour le service du Temple, II Par., v, 12, et leur fit fabriquer d’autres instruments. II Par., ix, 11. Ce prince avait même dans son palais un chœur profane de chanteurs et d’instrumentistes. Eccle., Il, 8 ; 1Il Reg., x, 12. Il est encore question des chœurs du Temple sous Josaphat, II Par., xx, 21 ; sous Ézéchias, II Par., xxix, 28, et sous Josias. II Par., xxxv, 15. Voir Chanteurs du Temple. Après la captivité, on mentionne avec soin les lévites chargés des chants liturgiques qui reviennent avec Zorobabel, I Esdr., ii, 41 ; Esdras, I Esdr., vii, 7, et Néhémie, H Esdr., vii, 1 ; x, 28 ; xi, 22 ; xii, 28, etc. Ce qui prouve qu’il y avait une organisation musicale nettement réglée depuis David, c’est que cinquante-trois psaumes et le cantique d’Habacuc, iii, 19 (hébreu), sont adressés lamnasêah. Le menasêah est le « préposé » au chant, le maître de chœur chargé de préparer et de diriger l’exécution des morceaux. Voir Chef des chanteurs. On ne sait rien sur la manière dont ces chœurs étaient organisés. — Dans le Cantique des cantiques, i, 4 ; ii, 7 ; iii, 5 ; v, 8, 16 ; viii, 4, apparaît de temps en temps un groupe de jeunes filles qui prennent la parole, et dont le rôle a une lointaine analogie avec celui du « chœur » dans les tragédies grecques. Il n’y a là, en tout cas, qu’un simple artifice de composition littéraire. Cf. col. 189.

H. Lesêtre.
    1. CHOLÉRA##

CHOLÉRA, mot grec, x°^^P 1t (de y.olr, , « fiel, bile » ), employé deux fois dans l’Ecclésiastique, xxxi, 23 ; xxxvii, 33, et conservé dans notre version latine. Il signifie une colique ou dérangement d’entrailles qui provoque une évacuation de bile. Les Septante l’ont employé aussi, Num., xi, 20, pour exprimer « le dégoût et la nausée », zârà’, prélude du vomissement. Dans les deux passages de l’Ecclésiastique, l’auteur sacré dit que l’excès dans le manger produit des vomissements et des coliques, et engage à éviter l’intempérance.

    1. CHOLHOZA##

CHOLHOZA (hébreu : Kol-I.iozéh, « tout voyant ; » Septante : XolzU, II Esdr., iii, 15, et Xùx’i, IL Esdr., xi, 5), homme de la tribu de Juda, père de Sellum, qui vivait au temps de Néhémie. II Esdr., iii, 15. Il est dit père de Baruch et ancêtre de Maasia, lequel fut désigné par le sort pour habiter Jérusalem au temps de Néhémie. II Esdr., xi, 5. Il est possible que ce soit le même personnage qui est désigné dans ces deux endroits ; mais le

second Cholhoza, II Esdr., XI, 5, peut aussi être un ancêtre du premier. II Esdr., iii, 15. E. LevesQUE.

    1. CHOMER##

CHOMER (hômêr), mesure hébraïque de capacité, que la Vulgate traduit ordinairement par corus. Voir Cor.

    1. CHOMPRÉ Pierre##

CHOMPRÉ Pierre, littérateur français, né à Marcy, près de Châlonssur -Marne, en 1698, mort le 18 juillet 1760 à Paris, où il tenait une pension pour l’éducation des jeunes gens. On doit à cet auteur un Dictionnaire abrégé de la Bible pour la connaissance des tableaux historiques tirés de la Bible et de Flavius Josèphe, in-12, Paris, 1755. Une seconde édition a paru à Paris, en 1806, in-8° et in-12. — Voir Qujrard, La France littéraire,

t. ii, p. 195.
B. Heurtebize.
    1. CHONÉNIAS##

CHONÉNIAS (hébreu : Kenanyâhù, « celui que Jéhovah protège, » et par abréviation : Kenanyâh, I Par., xv, 27 ; Septante : XmvevÎï et XwvEvt’a ; , I Par., xv, 27), chef des lévites chargés de porter l’arche de Jéhovah. Quand David transporta l’arche de la maison d’Obédédom, ce fut Chonénias qurprésida à la translation. I Par., xv, 22, 27. Les Septante l’appellent ap-^wv-ctov ô>8wv, I Par., xv, 22, 27 : ce que la Vulgate rend par prophétise prœerat, princeps prophétise. Le mot ntite, massa’,

employé ici dans le texte original, désigne l’action de porter, Num., iv, 19, 27 ; II Par., xxxv, 3 ; il a aussi le sens de « prophétie, prophétie de menace », Is., xiii, 1, et xv, I ; d’où les Septante ont dérivé à tort le sens de « chant ». Mais ni le sens de prophétie ni celui de chant ne s’adapte au contexte. Le premier, au contraire, convient très bien, puisqu’il s’agit du transport de l’arche. On peut donc traduire ce verset : Chonénias était chef des lévites chargés de porterl’arche ; il dirigeait le transport, car il savait tout ce qu’il y avait à faire pour cela. C. Fr. Keil, Chronik, in-8°, Leipzig, 1870, p. 149. Dans 1 Par., xxvi, 29, il est dit que Chonénias et ses fils étaient chargés des œuvres extérieures en Israël, c’est-à-dire qu’en dehors des fonctions du culte divin, ils en avaient d’autres qui regardaient le peuple, celles de scribes et de juges. Cf. I Par., xxiii, 4. E. LevesQUE.

CHORRÉENS. La Vulgate transcrit ainsi, Chorrsei, Gen., xiv, 6, le nom des habitants du mont Séir, qu’elle appelle ordinairement ailleurs Horréens. Gen., xxxvi, 20, 21, 29, 30 ; Deut., ii, 12, 22. Voir Horréens.

    1. CHOUETTE##

CHOUETTE, genre d’oiseaux de l’ordre des rapaces nocturnes, caractérisés par des yeux très grands à énormes, pupilles, dirigés tous les deux en avant et entourés d’un cercle tantôt complet et tantôt incomplet de plumes hérissées, qui donnent à la tête, déjà grosse par elle-même, un aspect singulier et parfois sinistre. Les chouettes ne sont pas organisées pour le vol prolongé. Elles s’établissent dans les bois touffus, dans les vieux troncs, d’arbres, dans les rochers et les ruines. Elles en sortent au crépuscule pour chasser leur proie, qui se compose de petits oiseaux, de petits quadrupèdes et d’insectes. Dans la Sainte Écriture, il n’est question des chouettes que d’une manière générale, et quelques-unes des espèces qui appartiennent à ce genre ont seules un nom en hébreu. Elles sont rangées parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 16, 17 ; Deut., xiv, 15, 16. — Les sous-genres, compris dans le genre chouette sont les suivants : la chouette proprement dite, Surnia et Slrix ulula, probablement désignée en hébreu par le mot kôs, comme la chevêche ; le duc, comprenant le grand-duc, Stria ; bubo, . le moyen-duc ou hibou commun, Strix otus, et le petitduc, Strix scops ; le chat-huant, Syrmium ; l’effraie, Slrix flammea et Slrix orienlalis ; la chevêche. Voir Chat-huant, Chevêche, Duc, Effraie, Hibou.

H. Lesêtre.
    1. CHRÉTIEN##

CHRÉTIEN (xpi<"t » vô ; ), nom donné aux disciples.

de Jésus-Christ et tiré du titre même de leur Maître, XpisTÔ : . On le trouve trois fois dans le Nouveau Testament. Âct., xr, 26 ; xxvi, 28 ; I Petr., iv, 16. Voir Christ. Tout d’abord les fidèles s’appelaient entre eux « choisis, élus », IxisxToi, Rom., viii, 33 ; xvi, 13 ; Colos., iii, 12 ; « disciples, » (laèirjTif, Act., ix, 26 ; xi, 29 ; « frères, » àSe ; .90Î, Act., 11, 29, 37 ; iii, 17 ; vi, 3 ; vii, 2 ; « saints, » i.i'.o : , Rom., viii, 27 ; XV, 25 ; « croyants, » Ttiff-cs-jovrs ; , Act., v, 14. Ce fut à Antioche, durant la prédication de saint Paul et de saint Barnabe, vers l’an 43, que pour la première fois ils furent désignés parle nom de « chrétiens ». Act., xi, 26. D’après Suidas, édit. Gaisford, 1. 11, col. 3930, et Malalas, Chronograph., x, t. xcvii, col. 378, ce nom leur aurait été imposé par leur premier évêque, Évodius, successeur de saint Pierre à Antioche. C’est là une supposition gratuite. Il est plus probable qu’il leur fut donné par les gentils qui habitaient Antioche et qui, selon l’usage reçu d’appeler les sectateurs du nom de l’auteur de la secte, prenant XptsTÔç pour un nom propre et non pour un titre, appelèrent ses disciples chrétiens, comme on appelait les partisans de César, de Pompée, d’Octave ou d’Hérode, Csesariani, Pompeiani, Octaviani, Herod’uxiii. Matin., xxil, 16 ; Marc, iii, 6 ; xii, 13. Il est à remarquer que le mot -/piuTiavôç, quoique grec, a une terminaison latine, comme ceux que nous venons de citer. Les Juifs d’Antioche, qui attendaient encore la venue du Messie ou Christ promis, auraient cru profaner ce nom sacré en l’appliquant aux disciples de celui qu’ils avaient crucifié. Ils les appelaient plutôt avec mépris « Nazaréens ». Act., xxiv, 5.

Le nom de « chrétien » n’est donc pas en lui-même un terme de mépris, quoique les habitants d’Antioche, célèbres par leur causticité, Ammien Marcellin, xxi, 14 ; Philostrate, Vita Apollon., iii, 10 ; Lucien, De Saltat., 26, aimassent à donner des surnoms et des sobriquets, Procope, De Bell, pers., ii, 8, édit. de Bonn, p. 105, et quoiqu’il ait pu être employé plus tard avec une signification d jrisoire. Cf. Tacite, Annal., xv, 44. Hérode Agrippa, qui l’emploie en plaisantant, Act., xxvi, 28, ne paraît pas y atlacher dans cette circonstance un sens injurieux. Cependant saint Pierre suppose qu’il servait aux persécuteurs de titre d’accusation, puisqu’il exhorte les fidèles à se glorifier d’avoir à souffrir à cause de lui. I Petr., iv, 16.

Ce fut seulement au 11e siècle que l’usage en devint général et que les fidèles l’adoptèrent comme leur nom authentique, au point de vue religieux. Mais le seul fait de l’imposition de ce nom aux chrétiens d’Antioche a une très glande importance, car il établit que dès lors les chrétiens, jusque-là confondus avec les sectes juives par les païens de Syrie, commencèrent à être distingués comme formant une communauté religieuse à part.

Le nom de -/pisnavi ; , christianus, fut plus tard défiguré par le langage populaire et devint -/p^onavôç, chrestianus, d’où vient que Suétone, Nero, 16 ; Claud., 25, appelle le chef des chrétiens Chrestus. De cette altération s’est formé notre vieux français chrestiens. — Par erreur ou piété, les fidèles, certains Pères eux-mêmes, aimaient à faire dériver le mot chrestianus du grec Xpiorô ; , « bon, excellent, » qui leur rappelait les vertus, surtout la suavité et la douceur, dont leur cœur devait être rempli. Tertullien, Apolog., 3 1., 1, col. 281 ; S. Justin, Apolog., 1, 4, t. vi, col. 333 ; Clément d’Alexandrie, Strom., 11, 4, t. viii, col. 919. P. Renard.

    1. CHRIST##

CHRIST (Xpi<ru6 ; ), traduction grecque du mot hébreu mâSiah, qui signifie « oint » d’huile. — 1° Il est appliqué particulièrement à Notre -Seigneur, 6 Xpis-cô ; , Matth., 11, 4, etc., le Messie ou Christ par excellence. Joa., 1, 41 ; Matth., 1, 16. Xpuruô ; vient de -/pûa, « oindre » avec la main, comme mâsîah vient de mâsah, « oindre » avec de l’huile ou avec un parfum. Les premiers chrétiens convertis de la gentilité parlaient grec, et à l’exemple des Apôtres ils appelaient souvent simplement le Sau veur 6 Xpi<ru6 ;  ; ce mot passa par leur intermédiaire dans la langue latine sous la forme Christus, « Christ. » Voir Messie et Jésus-Christ. — 2° Dans la Vulgate, le mot christus se dit quelquefois de celui qui a été « oint » par une consécration religieuse, et par extension de celui qui est envoyé de Dieu, comme le mot mâSiah hébreu qu’il traduit. — Dans l’Ancien Testament, mdHah signifiait seulement, au sens propre, celui qui avait reçu l’onction d’huile, cf. II Sam., 1, 21, tel que le prêtre, qui est appelé Lev., iv, 3, 5, 16 ; vi, 15 (Septante, 22), hak-kôhën hammâsiah, Septante : o îeptù ; à xP'<rrô ;  ; cf. II Mach., 1, 10, ot ^pis-rai îspEÏç ; tel aussi que le roi, I Sam., xxiv, 7, etc., qui avait été sacré par l’effusion de l’huile sainte ; ce sont surtout les rois qui sont ainsi qualifiés dans les livres historiques. — Par extension, Cyrus, choisi de Dieu pour délivrer son peuple de la captivité, est appelé 1' « oint » de Jéhovah (Vulgate : christus meus Cyrus). — Les patriarches hébreux sont appelés « oints » (Vulgate : christos meos) dans le Psaume cv, 15 (répété I Par., xvi, 22). — Ce titre est donné par excellence au Rédempteur futur. Ps. 11, 2 ; Dan., ix, 25, 26. Depuis l'époque de Daniel, les Juifs prirent l’habitude de l’appeler le Messie, et c’est d’eux que nous est venu le nom de Messie, comme celui de Christ nous est venu par les Grecs. Joa., 1, 41.

F. Vigouroux. CHRISTOPHE SILVESTRANO BRENZONI, carme, docteur en théologie, professeur à Venise, à Florence et à Pise, et prédicateur de talent, né à Vérone et mort à Pise, le 20 mai 1608. On a de lui : In psalmum cxxxvi Super ltumina Babylonis commentaria, in-8°, Vérone, 1593 ; en français, in-8°, Paris, 1698 ; In Cantica canticorum commentaria ; In D. Lucam comnientaria, Vérone, 1595 ; In canticum Magnificat lectionès, en italien, in-4°, Vérone, 1593 ; In Epislolas D. Pauli lectionès, en italien, in-8°, Vérone, 1591. F. Benoit.

    1. CHROMACE##

CHROMACE (Saint), évéque d’Aquilée, vers l’an 388, mort vers 406, prit une part active à toutes les discussions théologiques de son époque. Il fut un de ceux qui encouragèrent saint Jérôme à entreprendre sa traduction de l’Ancien Testament, et ce saint docteur lui dédia son commentaire sur le prophète Habacuc. D’un commentaire de saint Chromace sur saint Matthieu, il ne nous reste que quelques fragments, qui se trouvent avec les autres œuvres de ce saint évêque au t. xx, col. 217-436, de la Patrologie latine de Migne. B. IIeurtebize.

CHRONIQUES. Nom qu’on donne, en traduisant par ce mot le titre hébreu, dibrê hay-yâmîm, aux deux livres appelés dans la Vulgate, à la suite des Septante, Paralipomènes. Voir Paralipomènes.

CHRONOLOGIE BIBLIQUE. — On ne trouve pas dans la Bible une chronologie toute faite, ni une ère ou époque fixe à laquelle commence la numération des années, et dans ce sens on peut dire, en répétant la parole qu’on attribue à Silvestre de Sacy : « Il n’y a point de chronologie biblique. » Mais il y a dans l'Écriture des chiffres, des dates, des données chronologiques qui peuvent servir à former un système de chronologie biblique. Il en est de même des monuments égyptiens, qui indiquent seulement les années de règne à l’aide desquelles les chronologistes calculent les temps de l’histoire de l’Egypte. Nous avons donc autant le droit de parler de chronologie biblique que de chronologie égyptienne.

Mais la Bible ne contient pas une histoire ordinaire ; elle est l'œuvre de Dieu ; elle a été écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit. Il y a donc lieu de se demander si la chronologie biblique est inspirée et si elle fait partie de la révélation divine. Assurément, les écrivains sacrés ont écrit, sous l’action divine, des dates et fourni des données chronologiques qui étaient inspirées par Dieu et par conséquent exactes. Ces renseignements, qui fai

saient partie de la révélation divine, constitueraient une chronologie révélée, s’il étai t certain que les auteurs inspirés voulaient faire connaître l’âge du monde et la suite régulière des temps en Israël et qu’ils ont indiqué toutes les dates nécessaires. Quelques-uns sans doute ont eu le dessein de fixer chronologiquement l’époque des événements qu’ils racontaient ; mais tous n’ont pas eu ce souci, et les chronographes constatent dans leurs écrits bien des lacunes ou de simples approximations chronologiques. La Bible renferme donc des données chronologiques incomplètes ou insuffisantes pour former une chronologie révélée et certaine. On pourra les agencer systématiquement ; le calcul qui en résultera restera problématique et sera peut-être fautif ; il ne s’imposera à l’assentiment surnaturel d’aucun catholique, qui aura toujours le droit de le discuter et de le rejeter. D’ailleurs tous les chiffres de la Bible ne nous sont pas parvenus dans leur intégrité primitive, et les dates se présentent à nous avec des variantes telles, que la critique est impuissante à rétablir avec certitude le texte original. Cette altération évidente des dates augmente encore l’incertitude des calculs chronologiques. Aussi l’Église catholique n"a jamais eu de chronologie officielle. Elle a toujours permis de discuter les variantes numériques du texte sacré et de supputer librement la durée des temps bibliques. Nous exposerons brièvement les résultats obtenus par les chronologistes, en parcourant successivement les principales époques de l’histoire biblique.

I. Date de la création du monde. — La Bible ne la fixe pas ; elle dit seulement que Dieu créa le ciel et la terre « au commencement », sans préciser l’époque de ce commencement. Elle décrit aussi l’état primordial du globe terrestre comme un état de chaos, de confusion et de désordre, durant lequel d’épaisses ténèbres couvraient la surface des éléments confondus. Gen., i, 1 et 2. Elle ne dit pas qu’elle en fut la durée. Jusq u’au xixe siècle, on ne distinguait généralement pas la date de la création du monde de celle de la création de l’homme, dontelle n’était séparée, pensait-on communément, que par six jours de vingt-quatre heures. Auparavant cependant quelques esprits plus perspicaces, saint Justin, Apologia I pro christianis, x, t. iv, col. 340 ; saint Grégoire de Nazianze, Orat. ii, 81, t. xxxv, col. 488 ; Gennade de Marseille, De ecclesiasticis dogmdtxbus, c. x, t. lviii, col. 983 ; le P. Pétau, Demundi opificio, I, i, c. x, édit. Vives, p. 270, avaient admis une période indéfinie entre la création de la matière première et son organisation définitive. Cf. Motais, Origine du monde d’apt-ès la tradition, c. ii, p. 17-42. Les interprètes actuels reconnaissent à peu près unanimement que Moïse se tait sur l’espace de temps qui s’est écoulé entre la création primitive et la production de la lumière au premier jour génésiaque. Plusieurs considèrent même les jours de la création comme des périodes d’une durée indéterminée (voir Cosmogonie), et tous concèdent aux astronomes et aux géologues le temps nécessaire à la formation des astres et des couches géologiques. D’ailleurs, la science pas plus que l’exégèse ne possède aucun moyen d’évaluer cetemps avec précision et certitude. Les chronomètres sûrs font défaut. Toutefois les géologues, d’accord avec les astronomes, accordent des siècles à la phase stellaire de la terre, et c’est un fait irréfragablement démontré que sa phase planétaire remonte à une origine fort ancienne. Les stratifications terrestres, la configuration des continents, les changements de la flore et de la faune, ont exigé des siècles. Voir C. Grand-Eury, Flore carbonifère du département de la Loire et du centre de la France, p. 337-345 ; A. de Lapparent, Traité de géologie, l re édit., 1883, p. 780-786, 941-982, et dans le Correspondant, t. cvii, 1886, p. 94-114. Cf. Lavaud de Lestrade, Accord de la science avec le premier chapitre de la Genèse, 1885, p. 18-23 ; ilolloy, Géologie et révélation, trad. Hamard, 2e édit., 1881, p. 317-326. Les géologues qui s’aventurent

à fixer des chiffres aboutissent à des résultats très divergents. Leurs calculs, qui partent d’hypothèses différentes, sont fondés sur le temps nécessaire à l’action des causes actuelles. Mais tout en ayant toujours été identiques dans leur essence, les forces de lu nature ont certainement du varier dans leur mode d’action. Leur intensité a été plus ou moins puissante, et leurs associations, plus ou moins complexes, se sont écartées dans une large mesure des combinaisons actuellement réalisées. Il ne faut donc admettre qu’avec une très grande réserve les résultats numériques auxquels divers savants ont prétendu arriver. M. de Lapparent, à qui nous empruntons ces observations, ouvr. cit., p. 1254-1256, ne croit pas excéder en évaluant en millions d’années le temps nécessaire aux formations géologiques. Dans cette mesure, les chiffres pourront varier de 1 à 20, parfois de 1 à 100, sans que les résultats extrêmes méritent moins de confiance les uns que les autres. Il ne serait donc pas déraisonnable de renfermer entre 20 et 100 millions d’années la durée des sédimentations terrestres. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, 1. 1, p. 502-505 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4° édit., 1890, t. iii, p. 437-451 ; Constant, Science et révélation, Paris, 1892, p. 61-64.

II. Date de la création d’Adam. — Les temps bibliques ne peuvent se mesurer qu’après l’apparition de l’homme sur la terre. Toutefois le texte sacré ne détermine pas chronologiquement l’origine de l’homme d’une manière formelle et précise ; nulle part il ne dit : Adam a été créé à telle date. Cette date est le résultat du calcul de toutes les indications chronologiques que contient l’Ancien Testament. Or, en calculant les mêmes données et en employant les mêmes procédés, les chronologistes sont arrivés à des chiffres très divergents. Alphonse des Vignolles, Chronologie de l’histoire sainte, Berlin, 1738, t. i, p. 64, a recueilli plus de deux cents calculs différents, « dont le plus court ne compte que 3 483 ans depuis la création du monde jusqu’à Jésus-Christ, et le plus long en compte 6984. C’est une différence de trente-cinq siècles. » Riccioli, Chronologia reformata, Bologne, 1669, t. i, p. 292, avait dressé un tableau de soixante-dix de ces systèmes. Le P. Tournemine, Disse rtationes chronologies, à la fin de son édition de Ménochius, Avignon, 1768, t. IV, p. 120-121, donne les quatre-vingt-douze plus célèbres. L’art de vérifier les dates, Paris, 1820, p. vil-10, en indique cent huit. « Les Juifs modernes placent la création en 3761 avant notre ère ; Scaliger, en 3950 ; le P. Petau, en 3983 ; Usher (Ussérius), en 4004 ; Clinton, en 4138 ; la nouvelle édition (1820) de L’art de vérifier les dates, en 4963 ; Haies, en 541 1 ; Jackson, en 5426 ; l’Église d’Alexandrie, en 5504 ; l’Église de Constantinople, en 5510 ; Vossius, en 6004 ; Panvinio, en 6311 ; les Tables alphonsines, en 6984. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et lu critique, 4e édit., t. iii, p. 457. Ces chiffres si disparates proviennent de ce que les chronologistes suivent des recensions diverses du texte sacré et combinent a leur façon les données chronologiques de la Bible. Nous discuterons plus loin les bases de ces systèmes, et nous aurons à déterminer s’il y a lieu d’augmenter, comme beaucoup de nos contemporains le pensent, l’âge de l’homme sur la terre. Notre discussion ne sera gênée par aucune décision dogmatique. L’Église romaine, qui a choisi la Vulgate comme édition officielle de la Bible, a maintenu au Martyrologe, qui fait partie de sa liturgie, la date de 5199, tirée des Septante, pour la création de l’homme. Les Pères et les exégètes catholiques ont varié à ce sujet, et personne ne conteste aux géologues, aux paléontologistes et aux chronologistes le droit de chercher scientifiquement la mesure des temps écoulés depuis la création de l’homme jusqu’à Jésus-Christ. Cf. H. de Valroger, L’âge du monde et de l’homme d’après la Bible et l’Église, 1869, 2= part., p. 75-146.

Certains tenants de l’archéologie préhistorique ont abusé de cette liberté et assigné une antiquité très reculée

à l’humanité. M. l’abbé Hamard, qui a fait ici même, t. i, col. 195-205, bonne justice de ces exagérations, estime que ni la géologie ni l’archéologie préhistorique n’obligent à reculer de quelques milliers d’années la date de la création de l’homme. Toutefois nous devons reconnaître que tout en repoussant les chiffres fantastiques de M. de Mortillet, des savants catholiques admettent pour l’apparition de l’homme sur la terre une date plus élevée que celle qui résulte de la plus haute chronologie biblique. M. de Lapparent, dans la Revue des questions scientifiques, octobre 1893, p. 402-432, et Bulletin de la Société bibliographique, juillet 1895, p. 165-168, pense que l’origine de l’homme est interglaciaire et qu’elle remonte, autant qu’elle peut être exprimée en chiffres, à trente ou trente-deux mille ans à partir de maintenant. D’autres estiment que l’homme est d’origine postglaciaire, et plusieurs fois M. le marquis de Nadaillac a attribué par conjecture à l’existence de l’homme sur la terre une durée de dix à douze mille ans. L’origine et le développement de la vie sur le globe, dans le Correspondant, 10 novembre 1888, p. 440-452 ; Les premières populations de l’Europe, ibid., 10 novembre 1889, p. 450-457 ; L’homme, ibid., 25 octobre 1892, p. 242-245 ; Les dates préhistoriques, ibid., 25 novembre 1893, p. 632-635. Cf. N. Boulay, L’homme est-il inlerglaciaire ou postglaciaire ? dans la Revue de Lille, avril 1894, p. 561-575, mai 1894, p. 5-29 ; L’ancienneté de l’homme en France, ibid., juin et juillet 1894, p. 135-153, 269-290 ; Zahm, Bible, science et foi, trad. franc., 1895, p. 167-313 ; P. Schanz, Dos Aller des Menschengeschlechts nach der Heiligen Schrifl, der Profangeschichle und der Vorgeschichte, dans les Biblische Sludien, Fribourg-en-Brisgau, 1896, 1 er volume, 2e fuse. ; J. Guibert, Les origines, questions d’apologétique, Paris, 1896, p. 147-184. Quoi qu’il en soit, nous aurons à examiner plus loin si, à défaut de la géologie et de la paléontologie, l’histoire oblige à hausser la date de l’origine de l’homme et l’âge de l’humanité. Il nous faudra aussi déterminer à quelle époque biblique l’augmentation chronologique pourrait et devrait se faire.

III. D’Adam au ijéluge. — Le temps écoulé dans cet intervalle se calcule d’après la généalogie des descendants d’Adam dans la ligne de Seth. Gen., v, 1-31. Cette généalogie comprend dix patriarches et neuf générations ; elle indique l’âge de l’ascendant à l’époque de sa paternité, le nombre d’années durant lesquelles il a vécu après la naissance de son lils et la durée totale de sa vie. En additionnant les dix chiffres de l’âge des patriarches à la naissance de leur fils, on obtient facilement la durée de la période. Ce calcul si simple donne cependant des sommés notablement divergentes, parce qu’il est opéré sur des dates diûérentes. Nous possédons, en effet, trois recensions du Pentateuque ; la première est représentée par la version des Septante, la deuxième par le texte hébreu massorétique et la Vulgate de saint Jérôme, et la troisième par le texte hébreu des Samaritains. Le tableau suivant permettra de juger d’un seul coup d’oeil la différence des chiffres :

Noms des patriarches. Age à la naissance des fils.

Grec. Hébreu et Vulgate. Samaritain.

Adam 230 130 130

Seth 205 105 105

Énos 190 90 90

Caïnan 170 70 70

Malaléel 165 65 65

Jared 162 162 62

Enoch 165 65 65

Mathusalem 167 187 67

Lamech 188 182 53

Noé 500 500 500

De Noé au déluge.. 100 100 100

Total.

2242

1656

1307

On le voit, l’hébreu et le samaritain sont généralement d’accord et présentent avec les Septante une divergence de cent ans pour l’époque de la paternité de plusieurs patriarches et par génération, sauf pour Noé, au sujet de qui les trois textes sont d’accord. Mais il existe entre eux des différences de détails. Le samaritain diminue de 100 ans l’âge de Jared à la naissance d’Enoch, de 120 ans celui de Mathusalem à la naissance de Lamech, et de 129 ans celui de Lamech à la naissance de Noé ; il diffère donc de l’hébreu de 349 ans et des Septante de 935 ans. D’autre part, les manuscrits des Septante présentent des variantes. Nous avons adopté les chiffres du Vaticanus ; i’Alexandrinus a vingt ans de plus, et ce total coïncide avec les calculs de Jules Africain. Josèphe a abouti à un total de 2 156. On est réduit à des conjectures pour expliquer l’origine de ces divergences. Elles sont trop nombreuses pour se justifier toutes par la maladresse ou l’ignorance des copistes. Sans doute rien ne s’altère dans la transcription des manuscrits aussi facilement que les chiffres. Mais s’il fallait attribuer uniquement à cette cause accidentelle les divergences constatées, on ne rendrait pas compte du procédé à peu près régulier d’augmentation ou de soustraction de cent années. Aussi est-il nécessaire, semble-t-il, de soupçonner avec saint Augustin, De Civitate Dei, xv, 13, t. xii, col. 453, un remaniement volontaire des chiffres, sans qu’on puisse dire quand, où, par qui et comment il s’est produit. Qui en . tendrions-nous responsables, les Juifs de Palestine ou les Juifs alexandrins ? Les coupables ont-ils procédé par addition ou par soustraction ? Toutes les hypothèses sont permises. Quelques critiques ont supposé que les Juifs de Palestine avaient réduit l’âge des premiers hommes. « On dirait que l’Israélite ait voulu, en abrégeant systématiquement la durée de la succession des patriarches, couper court à ces généalogies sans fin, qui n’étaient autre chose que des cosmogonies, comme celle de Bérose et de Sanchoniathon, et combattre ainsi le polythéisme, dont elles étaient la source constante. » Ph. Berger, Encyclopédie des sciences religieuses, t. v, 1879, art. Généalogies, p. 463. Et F. Lenormant ajoute, Les origines de l’histoire, 2e édit., 1880, t. i, p. 276 : « Peutêtre serait-il permis de supposer que c’est vers l’époque de la captivité que les Hébreux, précisément quand ils eurent connaissance des fabuleuses périodes enfantées par l’imagination spéculative des Chaldéens, se sentirent pris de scrupules devant les chiffres de leurs propres livres, voulurent réagir contre le danger possible d’un entraînement analogue et raccourcir leur chronologie primitive, pour empêcher qu’elle ne s’allongeât indéfiniment comme celle des Gentils. » Paul Pezron, L’antiquité des temps rétablie et défendue contre les Juifs et les nouveaux chronologisles, Paris, 1690, ch. xvi, p. 439440, pensait que le rabbin Akiba avait osé mettre la main sur les divines Écritures et en avait abrégé les années dans le texte hébreu. D’autres critiques ont fait des suppositions analogues. Lenormant, qui admet le raccourcissement volontaire de l’hébreu, croit aussi, ouvr. cit., p. 278282, à un allongement systématique de la part des Septante. Les auteurs de la version alexandrine remanièrent le texte hébreu pour le mettre d’accord avec les calculs des Chaldéens, ou des Egyptiens etaugmentèrent de cent ans l’âge des patriarches à la naissance de leur premierfils. Saint Augustin, loc. cit., reconnaissait ces retouches intentionnelles ; mais au lieu d’en rendre responsable les Septante, il les attribuait à un scribe plus récent, qui les aurait introduites dans sa copie de la version grecque du Pentateuque. La recension samaritaine ne serait pas no » plus exempte d’altération volontaire, et sa chronologie seraitle résultat d’une combinaison artificielle. Le raccourcissement du texte hébreu est visible, et il a pour but de faire cadrer les dates ainsi obtenues avec le cycle des années sabbatiques. Lenormant, Les origines, p. 282-283.

Nous pouvons concéder que les chiffres des trois recen

sions du Pentateuque ne sont pas certains et qu’on peut désespérer d’en retrouver jamais la véritable leçon. Mais nous n’accorderons pas à Lenormant que les chiffres de durée énoncés à l’occasion des patriarches antédiluviens sont « des nombres cycliques » (p. 272). Nous leur maintiendrons le caractère historique qu’ils avaient dans le texte original et qu’ils auraient encore, si ce texte nous était parvenu intégralement. Quelques critiques pensent l’avoir retrouvé dans une des trois recensions. Pezron suivait la version des Septante. Pour le P. de Hummelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 202-204, elle est certainement fautive, puisqu’elle fait survivre Mathusalem de quatorze ans au déluge. Cf. S. Jérôme, Liber hebraicarum quiBstionum in Genesim, v, 25, t. xxiii, col. 947 ; S. Augustin, De Civitate Dei, 1. xv, 9, t. xli, col. 449-450. Ses chiffres sont moins sûrs que ceux du texte hébreu. La recension des Samaritains paraît préférable même à celle des Massorètes. Elles ne diffèrent que pour Jared, Mathusalem et Lamech. Or, tandis que . l’hébreu date la mort de Mathusalem seul de l’année du déluge, le samaritain fait périr encore Jared et Lamech la même année. Il semble au P. de Hummelauer que les Hébreux ont retouché les chiffres relatifs à ces deux patriarches afin de ne pas les confondre avec les impies, engloutis par les eaux. Mais il est loisible aussi de supposer que les Samaritains ont arrangé ces chiffres de manière à terminer la vie des trois patriarches la dernière année de leur système chronologique. Ma r Lamy, Commentarium in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883, t. i, p. 272, est favorable au texte massorétique, qui représente le texte reçu en Palestine et n’est pas démontré moins ancien que la recension des Septante. Une conclusion s’impose à tout lecteur impartial, c’est que pour cette période la chronologie biblique est tout à fait incertaine. On discute même, nous l’exposerons bientôt, la signification chronologique des généalogies patriarcales, qu’on suppose incomplètes.

IV. Du déluge a Abraham. — La durée de cette période est mesurée par la généalogie de Sem, fils de Noé, Gen., xi, 10-26, et se calcule par le même procédé que la longueur de la période précédente. Ici encore nous possédons trois recensions, qui diffèrent l’une de l’autre et ne sont pas entre elles dans le même rapport que précédemment. Le tableau suivant résume les données qui servent au calcul :

Noms

Age

à la naissance

des

patriarches.

Grec.

de leur fils Samaritain. I

lébrei

2

2

2

135

35

35

130°  »

130

130

30

134

134

34

Phaleg..

130

130

30

Reu…

132

132

32

130

130

30

79

79

29

Tharé…

70

70

70

Abraham

jusqu’à sa vocation). Total

75 1147

75

75

1017

367

Ainsi les trois textes ne se rencontrent que pour les années de Tharé et d’Abraham. Le samaritain, qui dans la période précédente était ordinairement d’accord avec l’hébreu, ne le suit qu’une seule autre fois, pour l’âge d’Arphaxad. Il coïncide avec les Septante pour six générations, dont cinq ont chacune cent ans de plus que l’hébreu, et une, celle de Nachor, cinquante ans seulement. Le grec compte une génération de plus que les deux autres, celle de Caïnan ; enfin ses manuscrits présentaient des variantes, qui ont produit des résultats différents. Eusèbe compte depuis le déluge jusqu’à Tharé

945 ans ; Théophile d’Antioche, 936 ; le Syncelle, 1070 ; Jules Africain, 993 ; Clément d’Alexandrie, jusqu’à la vocation d’Abraham, 1250.

Les nombres de la généalogie de Sem sont plus corrompus encore que ceux de la généalogie de Seth, et la critique est impuissante à les rétablir dans leur état primitif. Aucune raison ne nous impose le choix entre des opinions opposées. Aux yeux du P. de Hummelauer, Comm. in Gen., p. 341-347, le samaritain est ici moins sur et moins authentique que précédemment, puisqu’il indique seul la durée totale de la vie des patriarches de cette lignée. La différence de cent ans sur l’âge de l’ascendant à la naissance de son fils est le résultat d’une soustraction ou d’une addition. La soustraction aurait été opérée dans le texte hébreu, a-t-on dit, Crelier, La Genèse, 1889, p. 82, pour que les patriarches postdiluviens, dont la vie est diminuée, n’aient pas eu leur fils à un âge plus avancé que les patriarches antédiluviens. La raison est futile, car la liste généalogique de Sem peut omettre la première génération de ce patriarche, pour ne parler que de celle des ancêtres d’Abraham. On peut soutenir, pour une raison plus forte, que les chiffres de l’hébreu ont été diminués. Tandis que ce texte donne à Nachor 29 ans seulement à la naissance de Tharé, le samaritain et le grec lui attribuent 79 ans. Pourquoi ce nombre inférieur et pas 129 ans, si une addition de cent ans avait été faite aux chiffres précédents ? On comprend mieux la variante dans l’hypothèse d’une soustraction. Si on a retranché cent ans aux chiffres supérieurs à la centaine, cette opération a été impossible sur le chiffre de 79. Le calculateur a enlevé cinquante ans seulement et obtenu le nombre de 29 années. On a discuté ici, t. ii, col. 41-43, l’authenticité de Caïnan dans les Septante. L’affirmative s’appuie surtout sur la présence de ce personnage dans la généalogie de Jésus, dressée par saint Luc, iii, 36. Bien que la critique textuelle des Évangiles soit favorable à l’insertion de Caïnan dans cette généalogie par l’évangéliste lui-même, plusieurs exégètes catholiques, Calmet, Commentaire littéral, t. vii, 1726, p. 467 ; Fillion, Évangile selon saint Luc, 1882, p. 102-103 ; l’abbé Ch. Robert, dans la Controverse du 15 juillet 1886, p. 357-360 ; le P. de Hummelauer, loc. cit., présument que le nom de Caïnan a été glissé de bonne heure dans le texte de saint Luc par un copiste qui voulait faire concorder l’évangéliste avec les Septante. Cf. Lamy, Comment, in librum Geneseos, Malines, 1883, t. i, p. 388-390. Quoi qu’il en soit de ce point particulier, nous devons conclure une fois de plus que nous no sommes pas certains de posséder encore les véritables chiffres, écrits par Moïse dans la Genèse, et que nous ne pouvons pas en déduire une chronologie sûre.

Tandis que les commentateurs ont toujours pensé que Moïse avait eu l’intention de donner dans les généalogies de Seth et de Sem une chronologie réelle, qu’il est impossible de retrouver aujourd’hui, des apologistes modernes ont soutenu que l’auteur de la Genèse n’avait pas eu l’intention de fournir les éléments d’une chronologie générale. Les chronologistes anciens étaient persuadés qu’il n’y avait pas de lacunes dans la chaîne des générations patriarcales et que les listes généalogiques étaient continues. Or la Bible présente des exemples d’omissions intentionnelles et de chaînons sautés dans les généalogies. Afin d’avoir trois séries de quatorze noms dans la généalogie de Jésus, saint Matthieu, I, 8, omet trois rois, Ochozias, Joas et Amasias, entre Joram et Ozias. La liste des grands prêtres, I Esdr., vii, 1, est certainement abrégée, et il suffit pour s’en convaincre de la comparer avec I Par., vi, 1. Esdias lui-même, I Esdr., vii, 1-5, raccourcit sa propre généalogie, et entre Azarias, qu’il dit fils de Méraioth, et Méraioth lui-même, il omet cinq membres, Johanan, Azarias, Achimaas, Achitob et Amarias, nommés I Par., vi, 7-14. Or, dans ces généalogies fragmentaires, les membres disjoints sont cependant réu

nis par la relation de génération, yâlad ou hûlid, « il a engendré, » ou par le nom de bên, « fils. » Il en résulte que dans la Bible, comme on pourrait le démontrer par d’autres exemples, le verbe yâlad et le nom bên marquent la relation entre un aïeul et un descendant éloigné aussi naturellement qu’entre un père et son fils. L’emploi du verbe yâlad dans la généalogie de Sem n’est donc pas nécessairement une preuve de la continuité des générations, et il permet d’y intercaler, aussi bien que dans la généalogie de Jésus en saint Matthieu, des membres omis.

On a opposé, il est vrai, à cette conclusion que la forme particulière des généalogies patriarcales, dans lesquelles les noms sont encadrés dans deux ou trois séries de nombres, exclut l’idée d’une solution de continuité, et il semble contraire au sens obvie et naturel du récit mosaïque de traduire Gen., xi, 10, par : « Sem, à l’âge de cent ans, engendra un fils de qui est descendu Arphaxad, » alors qu’aux versets 12 et 13 le même nom désigne Arphaxad lui-même. Cf. de Hummelauer, op. cit., p. 349-350. À cette objection, le P. Brucker, dans les Études religieuses du 15 octobre 1895, p. 267, répond judicieusement que dans cette interprétation la même signification, parfaitement déterminée, est attribuée au nom d’Arphaxad dans tout le contexte. La métonymie n’est pas dans les noms, qui restent toujours les noms d’individus distincts ; elle est dans le verbe genuit, « il engendra, » qu’il faut entendre au sens de genuit médiate, « il engendra médiatement. » Donc les généalogies peuvent être discontinues et sauter par-dessus des générations, même quand la mention d’un patriarche est accompagnée de chiffres d’années. Contre l’hypothèse des lacunes, M’J r Grandclaude, La chronologie biblique des temps primitif s et la science contemporaine, 1895, p. 91-107, en a appelé à toute la tradition. Selon lui, tous les Pères de l’Église, en qualité d’interprètes autorisés de la Bible, et à leur suite tous les exégètes catholiques jusqu’à nos jours, ont reçu les généalogies bibliques comme la règle absolue des calculs chronologiques et n’y ont jamais supposé la moindre lacune. Il y a donc là un sentiment commun, qui ne peut être abandonné sans témérité, à moins qu’il ne soit évidemment insoutenable. Ce consentement unanime des Pères n’existe pas, puisqu’ils ont interprété diversement les chiffres de la Genèse, et leur avis ne constitue pas un enseignement traditionnel à l’encontre duquel il ne soit pas permis d’aller. On peut donc sans témérité soutenir que les généalogies bibliques ne sont pas continues.

B’ailleurs la discontinuité de la généalogie de Sem, en soi possible et probable, doit être nécessairement admise si on veut mettre l’histoire sacrée, du déluge à Abraham, d’accord avec l’histoire profane. Comparée à l’antiquité des peuples anciens, là chronologie tirée du texte hébraïque est insuffisante avec ses 367 années ; celle, plus longue, des Septante est certainement très étroite, sinon trop restreinte. Nous insisterons peu sur la haute antiquité des Chinois et des Hindous, car leurs traditions sont certainement fabuleuses. Le P. Gaubil a commencé l’histoire datée des Chinois au règne de l’empereur Yao, à l’an 2357 avant notre ère. Toutefois, à cette époque, la Chine était déjà assez peuplée et assez avancée en civilisation ; mais le temps nécessaire à l’établissement du Céleste -Empire se concilie facilement avec la chronologie des Septante. L’histoire suivie des Hindous ne remonte qu’au xve siècle avant notre ère. Cf. Wisernan, Discours sur les rapports entre la science et la foi, 4e discours, dans les Démonstrations évangéliques de Migne, t. xv, p. 225-252 ; de Nadaillac, Les dates préhistoriques, dans le Correspondant du 25 novembre 1893, p. 619-624. Les assyriologues admettent généralement que les premiers rois de Chaldée ne peuvent tomber beaucoup au-dessous du xxxe ou même du XL" siècle, c"est-à dire mille ou même deux mille ans avant l’époque

d’Abraham. Quoique les renseignements chronologiques fournis par Bérose soient en grande partie fabuleux, la haute antiquité de l’histoire chaldéenne nous est révélée par des monuments récemment mis au jour. Assurbanipal (668-628) raconte que dans sa conquête de la Susiane, en 633, il ramena à Érech une image de la déesse Nanâ, que Kudur-Nakhundi en avait enlevée 1635 années auparavant, par conséquent 2274 ans avant notre ère. Une date plus ancienne est inscrite sur un cylindre de Nabonide, roi de Babylone. En faisant réparer le temple du Soleil, à Sippara, ce prince trouva, à trente-deux pieds au-dessous du sol, la dédicace cornposée par le premier constructeur, Naram-Sin, fils de Sargina, 3200 ans auparavant. Comme Nabonide régnait aux environs de 550 ans avant J.-C, son calcul reporte le règne de Naram-Sin vers l’an 3800. Le déluge, qui était connu des Chaldéens et des Babyloniens, remonte donc à plus de 4000 ans, car Naram-Sin eut des prédécesseurs, postérieurs à ce cataclysme. Cf. Lenormant et Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. v, 1887, p. 3-7. La chronologie postdiluvienne des Septante, qui est la plus élevée, est donc insuffisante. La même conclusion ressort de l’histoire de l’Egypte. Manéthon, prêtre sébennytain du IIIe siècle avant notre ère, attribuait à l’Egypte une antiquité de 30000 ans avant Alexandre. En écartant les règnes mythiques, il reste encore trente dynasties historiques, qui commencent à Menés et qui remplissent un espace de 5000 ans environ. Or l’histoire de Manéthon, à partir de la XVIIIe dynastie, a été confirmée par les, , listes royales reproduites par le papyrus de Turin et sur les tables d’Abydos, de Saqqarah et de Karnak. Néanmoins les égyptologues sont encore en désaccord au sujet de la durée totale de l’histoire égyptienne, parce qu’ils prennent des points de départ différents et discutent sur la continuité ou la simultanéité desdynasties. Si toutes ont été successives, leur histoire remonte à 5000 ans ; si beaucoup ont été contemporaines ou collatérales, l’histoire peut se ramener aux limites de la chronologie des Septante. Mais il semble que si quelques-unes ont régné simultanément, la plupart se sont succédé, et la durée de leur existence dépasse les quinze générations que la Bible place entre lo déluge et Moïse. D’ailleurs, fùt-il absolument impossible de déterminer d’une manière précise le commencement de l’époque historique dans la vallée du Nil, il reste démontré que les origines de ce pays sont anciennes. Dès qu’elle nous est connue, l’Egypte nous apparaît avec une civilisation très avancée, une religion franchement polythéiste et la prétention d’une durée déjà longue. À ne considérer que ce qu’elle était au temps de Moïse, « peut-on (sans supposer des lacunes dans les généalogies du chapitre xi de la Genèse) faire tenir dans l’espace de quinze générations la multiplication de l’humanité après le déluge, la dispersion des peuples, l’oubli de la religion révélée ou naturelle, la naissance du polythéisme et de l’idolâtrie, la colonisation de l’Egypte, la formation d’une civilisation différente de l’asiatique, avec sa langue, son écriture et sa religion particulières, la différenciation des races, blanche, noire, bistrée, la succession, très généralement de père en fils, de plus de cinquante rois connus par leurs monuments pour avoir gouverné toute l’Egypte, sans tenir compte d’un nombre beaucoup plus considérable que ceux-là mentionnent, mais dont nous n’avons pas encore découvert les monuments ni les inscriptions ? » E. Pannier, La chronologie des temps primitifs, 1895, p. 18.

Si l’histoire profane oblige d’allonger la chronologie biblique, c’est dans la période qui s’étend du déluge à Abraham que l’augmentation doit se produire. Dans quelle mesure est-elle nécessaire, on ne peut le dire avec précision. Quelques égyptologues se reconnaissent seulement « un peu gênés » pour faire coïncider l’histoire d’Egypte avec la chronologie des Septante. F. Robiou, Chronologie

de l’Egypte, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de Jaugey, col. 1045-1058. D’autres exigent une augmentation de quelques milliers d’années. Les exégètes ne peuvent pas dire non plus entre quels chaînons de la généalogie de Sem ils placeront les lacunes Tiécessaires. Ce ne sera pas entre Noé et Sem, ni entre Tharé et Abraham, dont les rapports directs de paternité et de filiation sont expressément marqués dans récriture ; ce pourra être entre les autres anneaux de la liste généalogique, dont le lien est moins étroit.

Cf.Mo r Meignan, Lemonde et l’homme primitif selon la Bible, 3e édit., 1879, p. 289-359 et 389-397 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, t. i, p. 575-587 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, 1890, p. 452480 ; J. Brucker, La chronologie des premiers âges de l’humanité, et Quelques éclaircissements sur la chronologie biblique, dans La Controverse, 1866 ; nouvelle série, t. vi, p. 375-393 ; t. vii, p. 5-27, et t. viii, p. 87-120 ; E. Pannier, Genealogise biblicæ cum monumentis jEgyptiorum et Chaldœorum collatse, Lille, 1886 ; abbé de Broglie, Étude sur les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i, p. 92-153 ; Mo r Lamy, Comment, in lib. Gen., 1883, t. i, p. 274-279 ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses d’après la Bible et la science, Paris, 1890, t. i, p. 167-210.

V. De la vocation d’Abraham a la sortie d’Egypte.

— La Bible indique expressément les principales dates de cette période. Abraham avait soixante-quinze ans lorsqu’il partit de Haran pour se rendre dans le pays de Chanaan. Gen., XII, 4. Il était centenaire quand la naissance d’isaac lui fut annoncée. Gen., xvii, 1 et 17 ; xxt, 5. A l’âge de quarante ans, Isaac épousa Rébecca, et vingt ans après naissaient Ésaù et Jacob. Gen., xxv, 20 et 26. Quatrevintg-cinq années s’étaient donc écoulées depuis l’arrivée d’Abraham en Palestine jusqu’à la naissance de ses petits-lils. Jacob avait 130 ans quand il vint en Egypte. Gen., xl vii, 9. Ses fils demeurèrent dans ce pays 430 ans. Exod., xii, 40. Tous ces chiffres additionnés donnent pour la période un total de 645 années.

Seule, la date du séjour des Israélites en Egypte est contestée. La version des Septante et le Pentateuque samaritain présentent, Exod., xii, 40, une variante notable, qui est confirmée par les Targums du pseudoJonathan et de Jérusalem : « Le temps que les enfants d’Israël et leurs pères demeurèrent en Egypte et dans la terre de Chanaan fut de 430 ans. » Ce nombre a donc son point de départ à l’arrivée d’Abraham en Palestine. Or, comme depuis cette époque jusqu’à la venue de Jacob en Egypte il s’est écoulé 215 ans, le séjour des Hébreux dans la terre de Gessen eut une durée égale de 215 années. Josèphe, Ant. jud., II, xv, 2, reproduit ce calcul, et d’après Calmet, Commentaire littéral, Gen., xv, 13, 1724, t. i, p. 145, la plupart des commentateurs se rangent à cet avis et suivent la leçon des Septante. Mais cette variante ne se lisait pas dans tous les anciens manuscrits de la version grecque, car saint Théophile d’Antioche, Ad Autolycum, 1. iii, n° 10, t. vi, col. 1136, écrit que les Israélites ont séjourné 430 ans en Egypte. Saint Chrysostome, qui propose la durée de 215 ans, Ire Genesim, IJom. xxxvii, Patr. gr., t. lui, col. 344, admet cependant ailleurs, In Acta apost., Hom. xvi, Patr. gr., t. lx, col. 129, que les Hébreux sont restés dans la terre des Pharaons 400 ans et plus. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, trad. Schwab, t. vi, 1883, p. 218, signale ce verset 40 du chapitre xii de l’Exode comme un des treize passages que les Septante ont modifiés dans leur traduction du Pentateuque à cause du roi Ptolémée. D’ailleurs les mots : « et de leurs pères…, et dans la terre de Chanaan, » ne cadrent guère avec le contexte, qui ne parle que de l’Egypte, et paraissent être des gloses ajoutées au texte original.

Les tenants de la date la plus comte confirment leur

sentiment par le témoignage de saint Paul, Gal., iii, 17, et par le peu de longueur de la généalogie de Moïse. Cf. Dom. Palmieri, Comm. in Epist. ad Galatas, 1886, p. 141-144. L’Apôtre, en effet, parle incidemment de la date de la promulgation de la loi, faite 430 ans après la promesse. Mais il ne précise pas le point de départ de ces 430 années, et au lieu de le prendre à la première promesse de Dieu à Abraham, à son entrée dans le pays de Chanaan, on peut fort bien le rapporter aux promesses postérieures, réitérées à Abraham, Isaac et Jacob. Cf. Beelen, Comment, in Acta Apost., 1850, 1. 1, p. 122-124 ; Patfizi, In Actus Apost. comment., 1867, p. 46-50. Quant à la généalogie de Moïse, on peut à bon droit la considérer comme une dé ces généalogies raccourcies dont nous avons parlé. Voir Caath, t. ii, col. 1 -3.

Le texte hébreu, qui donne une durée de 430 ans, n’est pas isolé. Il est reproduit par le Targum d’Onkélos, la Peschito, la Vulgate latine, la version arabe de Saadias et la version grecque de Venise. Il est confirmé par d’autres données bibliques. Le temps de la captivité des Hébreux avait été prédit par Dieu à Abraham : r Sache que tes descendants vivront en qualité d’étrangers dans un pays qui ne leur appartiendra pas ; on les asservira et on les persécutera durant quatre cents ans. » Gen., xv, 13. Cette prophétie, rappelée par le diacre saint Etienne, Act., vii, 6 et 7, se lit aussi bien dans la version des Septante que dans le texte hébreu, et annonce en nombre rond la durée du séjour des Israélites en Egypte. Dieu ajoute, ꝟ. 16, que la postérité d’Abraham reviendra en Palestine à la quatrième génération (hébreu : dôr). Le mot dôr signifie « période de vie humaine », et peut s’entendre d’un siècle. Des interprètes rattachent aussi à cette prophétie la parole de saint Paul dans son discours à la synagogue d’Antioche de Pisidie. Act., un, 19-20. Ils adoptent la leçon de la Vulgate, qui au point de vue critique est la meilleure, et ils entendent le nombre de 450 ans environ des 400 années de Gen., xv, 13, plus les 40 ans de séjour dans le désert et les 7 de la conquête de la Palestine par Josué. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 59, note. Achior, général des Ammonites, rapporta plus tard, Judith, v, 9, à Holopherne, que les Israélites s’étaient multipliés en Egypte pendant quatre cents ans au point de former une armée innombrable. D’après quelques commentateurs, Knabenbauer, Comment, in Ezech., 1890, p. 56-60 ; Trochon, Les prophètes, Ézécliiel, 1884, p. 46-47, Ézéchiel, iv, 5 et 6, prédirait une seconde servitude d’Egypte, dont la durée est évaluée à 390, plus 40 jours, c’est-à-dire à 430 années, car les jours désignent les années.

A ces preuves exégétiques, on peut joindre en faveur du chiffre de 430 un argument tiré de l’histoire d’Egypte. Il est très vraisemblable que Joseph fut amené en Egypte sous les rois Pasteurs, et on pense généralement qu’il a été ministre du pharaon Apapi II, que Manéthon nomme Apophis. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 S édit., 1896, t. ii, p. 98-101. Or entre le règne de ce roi et celui de Menephtah, sous lequel a eu lieu l’exode, « il faut placer d’abord les 150 ans au moins qui, d’après les égyptologues, furent nécessaires aux chefs indigènes pour détruire la domination des Pasteurs ; puis toute la durée de la XVIIIe dynastie et d’une partie de la XIXe, c’est-à-dire plus de seize règnes, dont deux ( ceux de Thotmès III et de Ramsès II) embrassèrent à eux seuls 121 ans. » J. Brucker, dans La Controverse du 15 septembre 1886, p. 111. La durée du séjour des Hébreux en Egypte a donc été véritablement de 430 ans. Par conséquent, si, comme le pense M. Oppert, l’exode eut lieu en 1493 avant J.-C., l’entrée des Israélites en Egypte remonte à 1923, Jacob naquit en 2053, et Abraham arriva en Palestine en 2138. Mais ces chiffres sont loin d’être certains.

VI. De l’exode a la construction du temple de Salomon. — « Tous les égyptologues, guidés par le synchronisme des époques et par l’ensemble des faits, sont

d’accord pour placer la sortie des Hébreux sous la XIXe dynastie, mais ils sont divisés sur le nom du roi sous lequel s’accomplit ce grand événement. Pour quelques-uns, comme M. Maspero, c’est Séti II ; pour Lepsius, de Rougé et Chabas, suivis par presque tous les savants de France, d’Angleterre et d’Allemagne, par MM. Lenormant, Sayce, Brugsch, Ebers, etc., c’est Menephtah I er. » F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 236. Cette divergence d’opinions n’influe pas notablement sur la date de l’exode. On ne peut, en effet, la fixer exactement d’après la chronologie des rois d’Egypte, qui est encore trop incertaine. C’est d’après la Bible et l’histoire des rois de Juda et d’Israël qu’on la détermine. M. Oppert, Salomon et ses successeurs, ch. xvii, la rapporte au mois d’avril 1493 avant J.-C. Les autres chronologistes ne s’en écartent que de quelques années : Lauth aboutit à 1491, l’abbé de Moor à 1500.

L’intervalle qui sépare l’exode de la construction du temple de Salomon est mesuré en chiffres précis, III Reg., vi, 1 ; il fut de 480 ans selon le texte hébreu, et de 440 suivant les Septante. Cette date a été beaucoup discutée. On a contesté son authenticité, on a voulu en faire un chiffre cyclique, parce que 480 est douze fois quarante. Des chronologistes, les uns la trouvent trop faible et veulent l’élever ; les autres l’estiment trop haute et veulent l’abaisser. Les premiers se fondent sur la chronologie du livre des Juges. La durée de chaque judicalure est indiquée par l’écrivain sacré, et la somme totale des chiffres bibliques est de 410 ans. Si on y ajoute la judicature d’Heli, qui fut de 40 ans, I Reg., iv, 18, et l’intervalle d’Héli à la quatrième année de Salomon, intervalle qui est de 84 ans, on obtient la somme de 534. Avec les 65 ans écoulés de la sortie d’Egypte à la mort de Josué, en négligeant les deux chiffres inconnus de la judicature de Samuel avant l’avènement de Saül et du temps qui sépara Othoniel de Josué, on arrive, au plus bas chiffre, à un total de 599 ans. Il coïncide assez exactement avec la supputation de 592 ans que Josèphe compte de la sortie d’Egypte à la construction du temple. Ant. jud., VIII, m, 1. Les commentateurs des Actes, qui dans ce livre, xiii, 20, adoptent la leçon du « texte reçu », accordent à la période des Juges une durée de 450 ans et rejettent la date de III Reg., VI, 1. Crampon, Les Actes des Apôtres, 1872, p. 244-245. Cf. Crelier, Les Actes des Apôtres, 1883, p. 158-159. Pour concilier ces données en apparence contradictoires, Danlto, Historia revelationis divinse V. T., 1862, p. 213-215, a gratuitement supposé que l’auteur du livre des Rois, écrivant dans le sens théocratique, a passé sous silence les années durant lesquelles les Israélites s’étaient livrés à l’idolâtrie et avaient été réduits en servitude. La seule conciliation valable est d’admettre que plusieurs juges ont été contemporains. Une étude attentive du texte suggère d’ailleurs cette solution, bien qu’on ne puisse déterminer que par conjecture quels juges ont vécu simultanément. Cf. Vigoureux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 57-62 ; Clair, Les Juges et Ruth, 1880, p. 10-19 ; de Hummelauer, Comment, in lib. Judicum et Ruth, 1888, p. 12-13 ; de Moor, La date de l’exode, dans le Compte rendu du troisième congrès scientifique international des catholiques, 1895, 2e sect., p. 111-115. Des égyptologues ont poussé plus loin l’hypothèse de la simultanéité des judicatures, et dans le dessein d’établir un synchronisme parfait entre l’histoire sainte et l’histoire d’Egypte, ils ont réduit de 300 ou 350 années la période du désert, de Josué, des Juges et de David. Cf. Lenormant et Babélon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, 1888, p. 208. Mais la chronologie égyptienne au delà de la XXIIe dynastie n’est pas assez sûre pour infirmer la donnée du livre des Rois, que nous maintenons jusqu’à preuve contraire. Cf. de Moor, loc. cit., p. 117-121. Si donc l’exode a eu lieu en 1493, Salomon aurait commencé à construire le temple du Seigneur en 1013 avant J.-C- ; mais les synchronismes de l’histoire

ancienne semblent établir que ce ne fut que quelques années plus tard que Salomon entreprit cette grande œuvre.

VII. De la construction du temple de Salomon a sa destruction par les Chaldéens. — Les dates de cette période ont été notées avec soin dans les deux derniers livres des Rois. L’auteur, qui a consulté des sources aujourd’hui perdues ; donne deux listes royales, celle des rois d’Israël et celle des rois de Juda. Leur conciliation est extrêmement malaisée, et elle suscite des difficultés qui ne sont pas encore résolues. Saint Jérôme, qui les avait remarquées, écrivait au prêtre Vjtalis, Epist. lii, 5, t. xxii, col. 675-676, que s’arrêter à ces questions était plutôt l’affaire d’un homme oisif que celle d’un homme studieux. Sur le trône de Juda, Roboam a régné 17 ans,

III Reg., xiv, 21 ; II Par., xii, 13 ; Abia 3, III Reg., xv, 2 ; II Par., xiii, 2 ; Asa 41, III Reg., xv, 10 ; II Par., xvi, 13 ; Josaphat25, III Reg., xxii, 42 ; II Par., xx, 31 ; Joram 8,

IV Reg., viii, 17 ; II Par., xxi, 20 ; Ochosias 1, IV Reg., vm, 26 ; II Par., xxii, 2 ; Athalie 6, IV Reg., xi, 3 ; II Par., xxii, 12 ; Joas 40, IV Reg., xii, 1 ; II Par., xxiv, 1 ; Amasias 29 ; IV Reg., xiv, 2 ; H Par., xxv, 1 ; Ozias 52, IV Reg., xv, 2 ; II Par., xxvi, 3 ; Joatham 16, IV Reg., xv, 33 ; II Par., xxvii, 1 ; Achaz 16, IV Reg., xvi, 2 ; II Par., xxviii, 1 ; Ézéchias 29, IV Reg., xviii, 2 ; II Par., xxix, 1 ; Manassé 55, IV Reg., xxi, 1 ; II Par., xxxiii, 1 ; Amon 2, IV Reg., xxi, 19 ; II Par., xxxiii, 21 ; Josias 31, IV Reg., xxii, 1 ; II Par., xxxiv, 1 ; Joachaz 3 mois, IV Reg., . xxin, 31 ; II Par., xxxvi, 2 ; Joakim Il ans, IV Reg.. xxiii, 36 ; II Par., xxxvi, 5 ; Jéchonias ou Joachin 3 mois et 10 jours, IV Reg., xxiv, 8 ; II Par., xxxvi, 9 ; Sédécias Il ans, IV Reg., xxiv, 18 ; II Par., xxxvi, 11. Dans le royaume d’Israël, Jéroboam I er régna 22 ans, III Reg., xiv, 20 ; Nadab 2, ïbid., xv, 25 ; Baasa 24, xv, 33 ; Éla 2, xvi, 8 ; Zambri 7 jours, xvi, 15 ; Amri 12 ans, xvi, 23 ; Achab 22, xvi, 29 ; Ochozias 2, xxii, 52 ; Joram 12, IV Reg., m, 1 ; Jéhu 28, ibid., x, 36 ; Joachaz 17, xiii, 1 ; Joas 16, xm, 10 ; Jéroboam II 41, xiv, 23 ; Zacharie 6 mois, xv, 8 ; Sellum 1 mois, xv, 13 ; Manahem 10 ans, xv, 17 ; Phaceia 2, xv, 23 ; Phacée 20, xv, 27 ; Osée 9, xvii, 1. Plusieurs de ces chiffres ne cadrent pas avec d’autres données chronologiques des livres des Rois et des Paralipomènes. Il n’entre pas dans notre dessein de les discuter ici ; leur discussion aura sa place dans divers articles de ce Dictionnaire. On pourra d’ailleurs consulter J. Oppert, Salomon et ses successeurs, dans les Annales de philosophie chrétienne, t. lxxxviii, 1875, p. 258-272, 325-338 ; t. lxxxix, p. 182-197, 339-345 ; Clair, Les livres des Rois, 1884, t. i, p. 187-202 ; de Moor, La date de l’exode, p. 107-111.

Une difficulté plus générale provient de la différence que présentent les totaux de ces listes dans l’espace de leur coïncidence. Si on additionne, en effet, les chiffres depuis la première année de Roboam, on commence la séparation des deux royaumes, jusqu’à la sixième année d’Ézéchias, durant laquelle Samarie fut prise, IV Reg., xviii, 10, on trouve pour les rois de Juda une somme de 261 ans, et pour ceux d’Israël 240 ans seulement. II y a donc entre les deux listes un désaccord d’une vingtaine d’années. On a imaginé de nombreux systèmes de conciliation. Des critiques récents ont diversement allongé les règnes de Jéroboam II et de Phacée ; d’autres ont admis des associations au trône dans le royaume de Juda. Plus généralement, on pense que la succession a été régulière et constante sur le trône de David, et on introduit dans Israël deux interrègnes ou périodes d’anarchie. Le premier, qui dura onze ans, est placé entre le règne de Jéroboam II et celui de son fils Zacharie, qui commença à régner seulement la trente-huitième année d’Azarias ou Ozias de Juda. IV Reg., xv, 8. Le second, de neuf années, aurait existé entre Phacée et Osée. Cf. S. Munk, Palestine, 1881, p. 299-301. Mais le texte sacré semble affirmer que ces princes se sont succédé immédiatement, et il y a peu de

vraisemblance qu’à deux reprises différentes le trône d’Israël soit resté inoccupé pendant plusieurs années. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. IV, p. 117. Ces interrègnes, qui n’ont point de fondement direct dans la Bible, sont donc des hypothèses, inventées par des chronologistes embarrassés, et ils peuvent être un indice que la chronologie ordinaire des rois juifs est trop longue.

On a découvert à Ninive un canon chronologique assyrien, qui ne cadre avec les chiffres bibliques qu’à la condition de réduire d’une quarantaine d’années le total des règnes des rois de Juda. C’est une liste de personnages appelés limmu ou éponymes, qui donnaient leurs noms à l’année comme les archontes à Athènes et les consuls à Rome. Elle commence au règne de Binnirar II, en 893 avant J. -G., et s’étend au moins jusqu’à 647. F. Vigoureux, ibid., p. 38-39. Elle permet donc de contrôler les données bibliques correspondantes. Si les deux chronologies sont en parfaite concordance pour la prise de Samarie par les Assyriens, en 721, cf. F. Vigoureux, ibid., p. 148-150 ; Kl. de Moor, La date de l’exode, loc. cit., p. 90-107, il y a désaccord manifeste entre elles sur plusieurs points de rencontre. Les savants n’ont pas su jusqu’à présent s’entendre pour la conciliation des chiffres divergents. Les uns défendent la chronologie biblique, ’les autres l’abandonnent. Gomme elle est artificielle et que la discordance des chiffres du texte actuel de la Bible est certainement le résultat des fautes de copistes dans la transcription des nombres, il est permis d’accepter, « provisoirement du moins, que les personnages dont les noms se trouvent mentionnés ensemble dans les inscriptions cunéiformes et correspondent aux noms bibliques ont été contemporains, quelque embarras que l’on puisse éprouver d’ailleurs à faire concorder les dates fournies par la Bible d’une part, par les monuments assyriens de l’autre. » F. Vigoureux, ouvr. cit., p. 27. Examinons les points de contact qui créent difficulté.

D’après la chronologie biblique généralement reçue, Achab, roi d’Israël, mourut l’an 897 avant notre ère. Voir Achab, t. i, col. 120. Or les inscriptions assyriennes racontent qu’il fut battu avec les rois confédérés, à Karkar, par le roi de Ninive Salmanasar II, en 854, c’est-à-dire plus de quarante ans après la date qu’on assigne à sa mort. F. Vigoureux, La Bible, etc., t. iv, p. 47-51. L’affirmation des textes cunéiformes est claire et précise et ne souffre aucune équivoque, tandis que les calculs des chronologistes bibliques peuvent être erronés. Il faut donc admettre, semblet-il, la contemporanéité d’Achab et de Salmanasar II.

Ozias, roi de Juda, régna, dit-on, de 809 à 758. Or les inscriptions de ïhéglathphalasar II nous le montrent en guerre avec ce roi en l’an 742 ou 740, seize ou dix-huit ans après sa mort. Manahem, roi d’Israël, occupait le trône de 770 à 759, et vingt et un ans après la fin de son règne, en 738, le même Théglathphalasar le compte parmi ses tributaires. F. Vigouroux, ibid., p. 100-107. Pour maintenir la chronologie biblique, M. Oppert pense que l’Azriyahu des inscriptions n’est pas Azarias ou Ozias, père de Joatham et grand-père d’Achaz ; mais un usurpateur, le fils de Tabéel, dont parle Isaïe, vii, 6. Quant à Manahem, qui paya tribut à Phul, il est distinct de Manahem II, tributaire de Théglathphalasar. La chronologie biblique, etc., dans les Annales de philosophie chrétienne, t. lxxviii, 1869, p. 97-99, 236-242 ; Salomon et ses successeurs, ibid., t. xc, 1876, p. 31-42. Cette explication est inadmissible, et il faut reconnaître qu’Azarias, roi de Juda, Manahem, roi d’Israël, et Théglathphalasar, roi de Ninive, qui semble devoir être identifié avec Phul, mentionné IV Reg., xv, 19-20 ; I Par., v, 26 (sur cette identification, voir Vigouroux, ouvr. cit., p. 86-99), sont contemporains. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 5e édit., 1893, p. 397-398, note.

Sur un autre point, les documents bibliques et cunéi formes se trouvent encore en désaccord. Le IVe livre des Rois, xviii, 13, nous apprend que Sennachérib marcha contre les villes de Juda la quatorzième année du règne d’Ézéchias, c’est-à-dire en 713, puisque le roi juif était monté sur le trône en 727. Or, d’après le canon des éponymes, Sennachérib est devenu roi en 705, et son expédition contre la Palestine eut lieu en 701. Après son désastre se seraient produites seulement la maladie d’Ezéchias et l’ambassade de Mérodach - Baladan, roi de Babylone. IV Reg., xx, 1 et 12. Or Mérodach-Baladan aurait régné de 722 à 710. La meilleure réponse à cette difficulté est de reconnaître que le récit biblique a interverti les faits. La maladie d’Ézéchias eut lieu réellement la quatorzième année de son règne, puisque le roi vécut quinze ans encore après sa guérison et que son règne dura vingt-neuf ans. L’ambassade de Mérodach-Baladan lui est postérieure et peut être placée même en 703 ou 702, pendant que ce roi, originaire de la basse Chaldée, après avoir été chassé de Babylone, eût repris possession du trône de cette ville. L’invasion de Sennachérib se fit en 701. Si le livre des Rois met ces trois faits dans un ordre inverse, c’est probablement parce que son auteur a adopté l’arrangement non chronologique du prophète Isaïe, xxxvixxxix. La date, IV Reg., xviii, 13, serait déplacée 3t devrait venir en tête du récit de la maladie d’Ézéchias. Oppert, Salomon et ses successeurs, loc. cit., t. lxxxix, p. 184-185 ; Clair, Les livres des Rois, t. i, p. 209-211 ; F. Vigouroux, La Bible, etc., t. iv, p. 183-215.

Ce fut l’empire de Babylone qui renversa le trône de Juda. Avant sa royauté, Nabuchodonosor fit une campagne contre Néchao, roi d’Egypte ; Joakim, roi de Juda, se reconnut son tributaire. Mais il se révolta et refusa de payer le tribut. Quand Nabuchodonosor arriva en Judée, Joakim était mort et remplacé par son fils Jéchonias. Au bout de trois mois de règne, celui-ci fut emmené an captivité à Babylone. Son oncle Sédécias fut mis sur le trône ; il se révolta à son tour. Nabuzardan assiégea Jérusalem, qui, vaincue par la faim, se rendit en 599, après une longue résistance. Celte date termine la période que nous étudions.

On le voit, la chronologie de l’époque des rois d’Israël et de Juda n’est pas aussi ferme et aussi assurée qu’on le croit communément. Elle aurait besoin d’être raccordée avec la chronologie assyrienne. Le P. Brunengo, dans sa Chronologia biblico-assira, Prato, 1886, a essayé de le faire et a ramené le commencement du schisme des dix tribus à l’an 930 avant J.-C, au lieu qu’on lui assigne ordinairement l’an 976. Pour entrer dans cette voie, nous reproduirons ici la liste chronologique des rois juifs, adoptée par Lenormant et Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, 1888, p. 667 : Saul, 1050-1012 ; David, 1012-973 ; Salomon, 973-932. Dans le royaume d’Israël : Jéroboam I", 932-911 ; Nadab, 911-909 ; Baasa, 909-886 ; Éla, 886-885 ; Zambri, 885 ; Amri, 885-873 ; Achab, 873-843 ; Ochozias, 843-842 ; Joram, 842-830 ; Jéhu, 830-802 ; Joachaz, 802-785 ; Joas, 785-769 ; Jéroboam II, 769-744 ; Zacharie, 744 ; Sellum, 744 ; Manahem, Phacéia et Phacée, tour à tour renversés et rétablis, 744-732 ; Osée, 732-724. Chute du royaume d’Israël, en 721. Dans le royaume de Juda, Roboam, 932-915 ; Abia, 915-912 ; Asa, 912-870 ; Josaphat, 870-836 ; Joram, 836-831 ; Ochozias, 831-830 ; Athalie, 830-823 ; Joas, 823-783 ; Amasias, 783-764 ; Ozias ou Azarias, 764-739 ; Joatham, 739-735 ; Achaz, 735-729 ; Ézéchias, 729-688 ; Manassé, 688-645 ; Amon, 645-643 ; Josias, 643-612 ; Joachaz, 612 ; Joakim, 612-600 ; Jéchonias ou Joachin, 600-599 ; Sédécias, 599. Comparer avec la chronologie la plus communément reçue, qui est reproduite par J. Oppert, Salomon et ses successeurs, dans les Annales de philosophie chrétienne, t. xc, p. 212-214, et t. xci, p. 208-209, et par F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 98-99.

VIII. De i.a captivité de Babylone a la naissance de Jésus-Christ. — Pour cette période, une première d date est fournie par Jérémie, xxv, 11 ; mais les commentateurs ne sont pas d’accord sur le point de départ de cette durée de 70 ans de captivité. Les uns la font partir de la première déportation, qui eut lieu la quatrième année de Joakim, en 606 (ou 608), selon les calculs ordinaires, et trouvent 70 ans jusqu’à l’édit que Cyrus porta en 536 (ou 538), pour rendre aux Juifs le droit de rebâtir le temple de Jérusalem. I Esdr., i, 1. Cf. Clair, Esdras et Nehemias, 1882, p. 1-2, et Trochon, Jérémie, 1883, p. 165-166. Les autres prennent comme premier terme la destruction de Jérusalem, Il Par., xxxvi, 21-23, en 599, et comme dernier la reprise de la reconstruction du temple, qui se fit la deuxième année de Darius, fils d’Hystape, Aggée, i, 1-14, et I Esdr., v, 1, en 519.

Quoi qu’il en soit du commencement de la captivité de Babylone, prédite par Jérémie, la première année de Cyrus à Babylone, en 536, beaucoup de captifs retournèrent en Judée, sous la conduite de Zorobabel et du grand prêtre Josué, et dès leur arrivée ils firent les préparatifs nécessaires à la reconstruction du temple de Jérusalem. Mais, par suite de nombreux obstacles, cet édifice ne put être achevé que la sixième année de Darius, c’est-à-dire en 516. I Esdr., vi, 15. La septième année d’Artaxerxès, Esdras ramena en Judée d’autres captifs. I Esdr., vii, 7. La vingtième année d’Artaxerxès, Néhémie, échanson de ce prince, obtint l’autorisation de rebâtir les murs et les portes de Jérusalem. II Esdr., ii, 1-8. On discute aujourd’hui sur l’identité de ce roi. La plupart des exégètes admettent qu’Esdras et Néhémie ont su gagner, à treize ans de distance, les faveurs du même roi, qu’ils identifient avec Artaxerxès I", dit LongueMain, qui régna de 464 à 424. Esdras aurait donc ramené sa caravane en 457, et Néhémie aurait relevé les murailles de Jérusalem en 444, et il serait resté en Palestine jusqu’en 433, la trente-deuxième année du règne. II Esdr., v, 14. F. de Saulcy, Étude chronologique des livres d’Esdras et de Néhémie, Paris, 1868, p. 41-42, et Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., 1890, p. 208-211, tiennent pour Artaxerxès II, surnommé Mnémon. M. Van Hoonacker distingue les deux rois. Il pense que Néhémie est revenu en Judée la vingtième année d’Artaxerxès I er, mais qu’Esdras, au lieu d’avoir opéré son retour treize ans auparavant, n’avait relevé la religion juive que cinquante-neuf ans plus tard, sous Artaxerxès Mnémon (404358). Voir Artaxerxès, 1. 1, col. 1038-1043. Cf. Revue des questions historiques du 1 er juillet 1893, p. 5-48 ; Revue biblique, octobre 1894, p. 561-585 ; avril 1895, p. 186-202 ; Science catholique, 1895, p. 135-152, 437-459, 526-544.

Depuis Néhémie, dont la fin n’est pas connue, jusqu’aux Machabées, il s’écoule une période de 260 ans sur laquelle nous sommes peu renseignés et dont la Bible ne fixe pas la chronologie. Mais les deux livres des Machabées datent les événements qu’ils racontent d’après l’ère des Séleucides. Cette ère part de l’automne de 312 avant J.-C. Cf. Patrizi, De consensu utriusque libri Machabseomm, Rome, 1856, p. 15-41, et H. Waddington, Les ères employées en Syrie, dans les Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1865, p. 35-42. Il est donc facile de déterminer les dates des livres des Machabées. Mathathias se souleva contre Antiochus Épiphane l’an 145 des Séleucides, par conséquent l’an 167 avant l’ère chrétienne ; il mourut l’année suivante. I Mach., ii, 70. Son fils Judas fut à la tête de la révolte jusqu’à sa mort, en 161. I Mach., ix, 3 et 18. Jonathas, frère de Judas, continua la lutte jusqu’en 143. L’an 142, la première année de Simon, la nation juive redevint indépendante. I Mach., xiii, 41 et 42. Simon, qui mourut en 135, eut pour successeur son fils, Jean llyrcan. I Mach., xvi. Cf. Vigoureux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 220-221, 255-257, 843-844. Pour la suite de l’histoire juive, la Bible n’indique pas d’autre date que la mort d’Hérode le Grand. Dans l’intervalle, les princes ou rois qui gouvernèrent la Judée furent Jean

llyrcan I", 135-107 ; Aristobule I", 107-106 ; Alexandre Jannée, 106-79 ; llyrcan II, 79-66 ; Aristobule II, 66-63 ; Hyrcan II rétabli, 63-40 ; Hérode I er, 40-4 avant l’ère chrétienne.

IX. Durée de la vie de Jésus. — Le commencement de l’ère chrétienne a été fixé au vie siècle, par un moine, Denys le Petit, à l’an 754 de la fondation de Rome. D’après lui, Notre -Seigneur naquit le 25 décembre de l’an de Rome 753. Mais il se trompa dans ses calculs et fit commencer trop tard l’ère chrétienne. La date de la naissance de Notre -Seigneur est controversée. Ce qu’il y a de certain, c’est que Jésus-Christ est né sous Hérode, Matth., ii, 1, au moment où s’exécutait un recensement ordonné par Auguste. Luc, II, 1-5. La détermination de ces deux traits du récit évangélique marque l’époque précise de la naissance de Jésus. Selon Josèphe, Ant. jud., xviii, viii, 1, et Bellum jud., i, xxxviii, 8, Hérode a régné trente-sept ans, si on compte les années de son règne depuis la reconnaissance de sa royauté par le sénat romain, et trente-quatre, si on calcule son règne effectif à partir de son entrée à Jérusalem. Or le sénat déclara Hérode roi de la Palestine sous le consulat de Domitius Calvinus et d’Asinius Pollion, l’an 714.de Rome, 40 avant J.-C. Hérode s’empara de Jérusalem sous le consulat de Vipsanius Agrippa et de Caninius Gallus, l’an 717 dé Rome ou 37 avant l’ère chrétienne. La dernière année du règne d’Hérode fut donc l’an 750 de Rome ou 4 avant notre ère. D’après la durée des règnes de ses fils et successeurs, on peut conclure qu’Hérode mourut avant le 7 nisan ou 2 avril de cette année. Si Jésus est né le 25 décembre, ce n’a pu être plus tard que le 25 décembre 749.

D’autres dates pourront nous apprendre si la naissance de Jésus remonte à quelques années plus tôt. Saint Luc, n, 1, dit qu’elle eut lieu lorsque fut fait un premier dénombrement du monde romain, Quirinius (Vulgate : Cyrinus) étant gouverneur de Syrie. Or, d’après Josèphe, Ant. jud., xviii, I, 1, Quirinius fut envoyé en Syrie, avec la mission de recenser la Judée, la trente-septième année après la bataille d’Actium, c’est-à-dire environ dix ans après la mort d’Hérode, quand Archélaûs fut déposé du trône et la Judée réunie à l’empire. Pour concilier ces renseignements en apparence contradictoires, on a forgé toute sorte d’hypothèses. On a donné à 71pa>TT) le sens de npoTÉps, qu’il a, sinon dans le Nouveau Testament, du moins chez les auteurs classiques. On a traduit : « Ce dénombrement arriva avant celui qui se fit quand Quirinius gouvernait la Judée. » Mais Th. Mommsen, Res gestse divi Augusti, 2e édit., 1883, p. 161-178, a démontré qu’une inscription, trouvée à Tivoli en 1764, ne pouvait convenir qu’à Publius Sulpicius Quirinius. Or elle affirme qu’il fut deux fois légat de Syrie, iterum Syriam (obtinuit). Il n’est donc plus nécessaire de recourir à l’interprétation, en apparence forcée, de Ttpûïï] dans le sens de irparlpa. Toutefois la difficulté reste, car la première légation de Quirinius en Syrie n’a pu avoir lieu qu’en 751, ou au plus tôt à la fin de 750 de Rome, par conséquent après la mort d’Hérode. Pour la résoudre, on a pensé que le recensement dont parle saint Luc avait été commencé avant l’an 750 de Rome, par le gouverneur de ce temps, qui pourrait être Sentius Saturninus, nommé par Tertullien, Cont. Marcion., iv, 19, t. ii, col. 405 ; mais, interrompu par la mort d’Hérode, il ne put être achevé que quand Quirinius prit, vers 751, possession de sa province. Cf. E. Desjardins, Le recensement de Quirinius dans la Revue des questions historiques, 1867, t. ii, p. 5-65 ; Patrizi, Délia descritione universale mentovata da San Luca, Rome, 1876 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., 1896, p. 89-130. Ainsi entendu, le texte de saint Luc confirmerait l’opinion qui place la naissance du Sauveur avant l’an 750 de Rome. En effet, l’édit de recensement général de l’empire a dû être

postérieur à la pacification universelle, marquée par la fermeture du temple de Janus, à Rome. Ce fait ne se produisit qu’au milieu de l’été de l’an 746, huit ans avant l’ère vulgaire. La naissance de Jésus-Christ doit se fixer au 25 décembre de l’une des trois années 747, 748 et 749 de Rome.

La plupart des chronologistes choisissent l’une de ces trois années et justifient leur préférence par le rapport qu’ils établissent entre la naissance du Sauveur et les autres données chronologiques de l’Évangile. Or saint Luc nous apprend encore, iii, 1 et 23, que saint Jean-Baptiste commença sa mission la quinzième année de Tibère, et que Jésus était âgé d’environ 30 ans quand il reçut le baptême des mains de son précurseur. Mais on a supputé les années de Tibère de deux manières différentes. Si l’on adopte la façon ordinaire de compter, le règne de Tibère part de la mort d’Auguste, qui eut lieu le 19 août 767 de Rome. La quinzième année de Tibère court donc du 19 août 781 au 19 août 782, 28-29 de notre ère. En retranchant exactement 30 ans, la naissance de Jésus tomberait en 751 ; mais cette date ne se concilierait pas avec la mort d’Hérode, survenue en 750. Il faut donc entendre les mots « environ trente ans » dans un sens plus large, et au sentiment de Keppler, ils peuvent se dire d’un homme qui a plus de 25 ans et moins de 35. Si on suppose Jésus né en 747, il aurait eu de 34 à 35 ans l’an xv de Tibère ; s’il est né seulement en 749, il aurait eu alors de 32 à 33 ans. Plusieurs chronologistes ont compté la quinzième année de Tibère non de la mort d’Auguste, mais de l’association de Tibère à la puissance tribunitienne, l’an 765 ou 764 de Rome. Elle tomberait ainsi en 779 ou 778. Par conséquent, Jésus, fût-il né dès 747, n’aurait encore à l’époque de son baptême qu’environ trente et un ans.

Quant à la durée de la vie publique de Jésus, elle a été réduite à une année par quelques anciens pour des raisons peu fondées, que saint Irénée, Contra heereses, il, 22, t. vii, col. 781-783, a fortement réfutées. Eusèbe de Césarée, H. E., i, 10, t. xx, col. 112, et Demonst. ev., I. viii, t. xxii, col. 625 et 628, l’a étendue à trois ans et demi. Des commentateurs modernes adoptent ce chiffre, mais en se référant aux Pâques expressément mentionnées par saint Jean et en entendant de cette solennité la fête des Juifs, dont il est parlé, Joa., v, 1. Cependant beaucoup ne donnent à la prédication du Sauveur qu’une durée de deux ans et demi, et avec saint Irénée, loc. cit., et saint Jérôme, In Isaiam, 1. ix, t. xxiv, col. 330, ils ne reconnaissent que trois Pâques. La première suivit de près le baptême, Joa., ii, 13 ; la seconde fut précédée de peu par la multiplication des pains, vi, 4 ; la troisième fut celle de la passion, xiii, 1. Si donc Notre -Seigneur a été baptisé l’an xv de Tibère, la première Pàque de son ministère eut lieu en 782 de Rome, l’an 29 de l’ère vulgaire, et la dernière, celle de la passion, l’an 31 ou 32, 784 ou 785 de Rome.

La date de la mort de Jésus serait ainsi fixée à une année près, et on pourrait la contrôler en déterminant en quelle année le jour de la mort se trouve être un vendredi. Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, 31. Malheureusement cette question si simple se complique, et il s’agit de savoir si ce vendredi fut le 14 ou le 15 nisan. Or sur ce point les chronologistes et les commentateurs se partagent en deux camps. Voir t. ii, col. 408-413. Si le vendredi de la mort du Sauveur était le 14 nisan, il faut éliminer l’an 32, durant lequel le 14 nisan commença le samedi soir, et accepter l’an 33, durant lequel ce jour tomba, à la manière de compter des Juifs, du jeudi soir au vendredi soir. Préfére-t-on le 15 nisan, ce jour du premier mois n’est tombé un vendredi que l’an 30, 31 et 34 de l’ère vulgaire, pour restreindre les recherches entre les années 28 à 34. On le voit donc par ce court résumé, les dates et la durée de la vie de Jésus-Christ sont incertaines. Toutefois les travaux des

savants ont notablement réduit les limites de l’incertitude. Il semble en résulter qu’on doive fixer l’époque de la naissance du Sauveur entre les années 747 et 749 de Rome, ou 7 et 5 avant l’ère chrétienne, et celles de sa mort entre les années 29 et 33 de notre ère. La durée de la vie de Jésus flottera entre un minimum de 33 et un maximum de 38 années.

Cf. Magnan, De anno natali Christi, Rome, 1772 ; Keppler, De Jesu Christi vero anno natalitio, Francfort, 1606 ; De vero anno quo œternus Dei films humanam naturam in utero benedictse Virginis Mariée assumpsit, Francfort, 1614 ; Sanclemente, De vulgaris eerse emendatione, Rome, 1793 ; Fréret, Éclaircissement sur l’année et sur le temps précis de la mort d’Hérode le Grand, roi de Judée, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, 1754, t. xxi, p. 278-298 ; Huschke, Veber den zur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census, Breslau, 1840 ; Veber den Census und die Steuefærfassung der frûheren rômisheen Kaiserwelt, Breslau, 1847 ; Wieseler, Chronologische Synopse der vier Evangelien, Hambourg, 1843 ; Patrizi, De evangeliis libri 1res, Fribourg-en-Brisgau, 1853 ; H. Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 329-413 ; Zumpt, Dos Geburtsiahr Christi, Leipzig, 1869 ; H. Lutteroth, Le recensement de Quirinius en Judée, Paris, 1865 ; Mémain, La connaissance des temps évangéligues, 1886 ; Ljunberg, Chronologie de la vie de Jésus, Paris, 1878 ; Riess, Das Geburtsiahr Jesu Christi, Fribourg-en-Brisgau, 1880 ; Nochmals das Geburtsiahr Jesu Christi, ibid., 1883 ; Schegg, Das Todesiahr des Kônigs Rerodes und das Todesiahr Jesu Christi, Munich, 1882 ; Le Hir, Résumé chronologique de la vie du Sauveur, dans l’Université catholique, 1889, p. 6-27 et 189-202 ; M. Velieky, Quo anno Dominus noster mortuus sit, quœstio inslituitur, Prague, 1892.

X. Chronologie de l’histoire des Apôtres. — Nous n’avons pour la fixer que quelques dates des Actes des Apôtres et des épîtres de saint Paul. L’histoire apostolique commence à l’ascension de Jésus, qui eut lieu quarante jours après la résurrection. Dix jours plus tard, le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres. Act., ii, 1. Ces faits se passaient l’année même de la mort du Sauveur, leur date varie donc suivant celle qu’on adopte pour ce dernier événement. La mort d’Hérode Agrippa 1 er, rapportée Act., xii, 19-23, détermine l’époque du martyre de saint Jacques et de l’emprisonnement de saint Pierre. D’après Josèphe, Ani. jud., XIX, viii, 2, ce roi célébrait alors des jeux en l’honneur de l’empereur Claude. C’était en Tan 44 de notre ère. Il n’est pas nécessaire cependant d’admettre que la persécution d’Hérode Agrippa contre les chrétiens ait eu lieu l’année même de sa mort, et on peut supposer avec Patrizi, In Actus Apost. comment., 1867, p. 93 et 96, et Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, 1886, p. 527-531, qu’il s’est écoulé plusieurs années dans l’intervalle. Aussi ces. critiques placent-ils la mort de saint Jacques et l’emprisonnement de saint Pierre en l’année 42.

La première mission de Saul et de Barnabe est postérieure à la mort d’Hérode Agrippa. Il faut donc la fixer au plus tôt à la fin de l’année 44. Cette date peut servir de point de repère dans la vie de saint Paul. L’Apôtre des Gentils, avant son voyage à Jérusalem, avait passé un an à Antioche. Act., xi, 26. Si on lient compte de son retour à Tarse, Act., ix, 30 ; Gal., i, 21, et des trois années de séjour en Arabie et à Damas, Gal., i, 17, on doit reporter sa conversion à cinq ou six ans auparavant. D’autres considérations confirment ces conclusions, qui ne sont qu’approximatives. Arétas, roi d’Arabie, dominait à Damas, quand saint Paul dut en sortir. II Cor., xi, 32. Or on pense généralement que ce roi reprit cette ville après la mort de Tibère, survenue le 16 mars de Tan 37. Voir Arétas IV Philodème, t. i, col. 943-944. D’autre part, la persécution des Juifs contre les chrétiens.

737

CHRONOLOGIE BIBLIQUE

7118

à laquelle Saul prit part, Act., viii, 57, n’a pu avoir lieu qu’après le départ de Pilate.

Une autre date certaine nous est fournie par les rapports de saint Paul avec le procurateur Félix. L’Apôtre était captif à Césarée depuis deux ans, quand Félix fut remplacé par Portius Festus. Act., xxiv, 27. Or Félix fut rappelé à Home par Néron, en 00 ou Gl. Devant Festus, saint Paul en appela à César ; il voyagea tout l’hiver et arriva à Rome au printemps de l’année Gl ou G’2. Il demeura deux ans prisonnier. Act., xxviii, 30. C’est donc en 03 ou G4 que se passèrent les derniers événements racontés par le livre des Actes, et que peut-être cette histoire fut composée. Voir Actes des Apôtres, t. i, col. 155. Telle est la date extrême de l’histoire inspirée des Apôtres. Mais l’époque du départ de Félix aide à déterminer la place chronologique des faits antérieurs. Si saint Paul quitta Césarée en Gl, sa captivité en cette ville avait commencé en 59. Il était sorti d’Éphèse un an auparavant, Act., xx, 1 ; I Cor., xvi, 8, et son séjour dans cette ville avait duré près de trois ans. Act., xix, 8 et 10 ; xx, 31. Après sa seconde mission, qui avait été d’une année au moins, l’Apôtre était resté un an et six mois à Corinthe. Act., xviii, 11. Six années s’étaient donc écoulées avant le concile de Jérusalem, Act., xv, 4-0, qui eut lieu ainsi en l’an 52. Si l’on compte les quatorze années qui ont précédé la présence de saint Paul à ce concile, Gal., ii, 1, et les trois années qui ont séparé sa conversion de son premier voyage à Jérusalem, (jal., i, 18, on aboutirait à dater la conversion à l’an 34-. R. Cornely, Historica et criliea introductio, t. iii, 1881), p. 344-345, et Comment, in Nov. Test, parsn, t. iii, 1892, p. 418-419. Tout en maintenant l’intervalle de dix-sept ans entre le concile de Jérusalem et la conversion de Saul, on peut cependant placer cette dernière en 37, si on se rappelle « que les Juifs ont coutume de compter l’année inachevé* ; et incomplète, comme si elle était pleine ». Fuiiard, Saint Pierre, 1880, p. 5’27. En supputant ainsi, le premier voyage de saint Paul à Jérusalem aurait eu lieu en 39, et le second eu 52. Fouard, Saint l’util, ses fuissions, 1892, p. 533-537 : Anger, Ile lem)ioiiim in Artis Apostnlnrinn rutimie, Leipzig, 1H.’{3 ; Wicselor, Chrono-Imjie (tes npostnliclicn /.eitulieis, (iictlinguc, 1848 ; Patri /.i. In Aitiis Apiist. éliminent., Home, 1807, p. 209-225 ; Anderdon, l’asti (tjinstiiliei, Londres, 1882. Les dates de la composition des épilres et de l’Apocalvse sont du domaine de l’Introduction biblique et n’appartiennent pas à la chronologie sacrée, entendue strictement comme nous l’entendons ici..L Rucher, liie Chronologie des Neuen Testaments, Augshonrg, 1835.

XL — TaIU.F.AU CIIRONOI.OGK.irE IIES PRINCIPAUX ÉVÉ-NEMENTS miii.tQCES. — Ce tableau résumera notre travail et présentera, à titre de simple renseignement, les dates principales de la Bible. Toutes telles qui précèdent la prise de Samarie sont plus ou moins incertaines. Nous les indiquerons, à partir de la vocation d’Abraham, d’après la chronologie ordinairement reçue, quoiqu’elle soit douteuse, jusqu’à l’établissement de la royauté et que, même a cette époque, il y ait lieu de penser qu’elle fait commencer trop tôt les règnes des ruis de Juda et d’Israël, avant la prise de Samarie dont la date est assurée et incontestable :

Création du monde et création de

l’homme Date^ inconnues

Déluge Date inconnue

Arrivée d Abraham en Pali.-hne.. 2138 avant J.-C.

Naissance d’isaac 2113

Naissance d’Ésaû et de Jacob… - 2053 Descente de Jacob en Égvpte… 1923 Lxode et promulgation du Décalogue. 1493 Mort d’Aaron et de Moïse. Fin du séjour dans le désert 1453

Conquête de la terre promise par Jo sué 1153-1146


1428 avant J.-C. 1409-1401 1401-1301 1361-1343

1313-1263

1323-1263 1 2(0-1 256 1256-1216 1216-1213 1213-1190 1190-1168

Mort de Josué

Servitude sous Chusan Hasathaïm..

Othoniel et paix qui suivit

Servitude sous les Moabites

Aod et paix dans le sud de la Palestine

Servitude du nord de la Palestine. Débora et Rarac

Servitude sous les Madianiles…

Gédéon et paix

Abimélech

Thola

Jaïr

lléli et.servitude sous les Philistins

(ouest du Jourdain) 1108-1128

Exploits de Samson 1148-1128

Samuel jusqu’à la bataille de Mas pliath 1128-1108

Servitude sous les Ammonites (est du Jourdain) 1108-1150

Jephlé 1150-1 144

Abesan 1144-1137

Abialon 1137-1127

Abdon 1127-1119

Samuel depuis la bataille de Masphath jusqu’à Saul

Savil

David

Salomon

Construction du temple

Avènement de Roboam et de Jéroboam 1° 975

Mort de Roboam et avènement d’Abia. 958

Mort d’Abia et avènement d’Asa… 955

Nadab succède à Jéroboam pr., ij’A

Assassinat de Nadab et avènement de Raasa

1108-1095 1095-1055 1055-1015 1015-975 10Il avant J,

Lia succède à Raasa

Zambri règne sept jours

Aiiui le remplace

Avènement d’Acbab

Avènement de.losaphat en Juda.. Avènement dOrho/.ias, fils d Achab. Avènement de.lorain, tils d’Achab. Avènement de.loi’am en Juda…

Avènement d’Orhosias

Avènement de.léhu

Avènement d’Athalie

Avènement de Joas

Avènement de Joachaz, fils de Jéhu. Avènement de Joas, fils de Joachaz.

Avènement d’Amasias

Avènement de Jéroboam II

Avènement d’Ozias ou Azarias… Avènement de Zacharie, fils de Jéroboam Il

Avènement de Sellurn

Avènement de Manahern

Avènement de Phacéia, son fils..

Avènement de Phacée

Avènement de Joatham

Avènement d’Achaz

Avènement d’Osée

Avènement d Ezéchias

Prise de Samarie

Avènement de Manassé

Avènement d’Amon

Avènement de Josias

Avènement de Joachaz

Avènement de Joakim

Première déportation à Babylone.. Avènement de Jéchonias ou Joachin.

Avènement de Sédécias

II

ira

9.’(0

9 : 10

918 914

8’. 17 8 ! Mi 889 K84 884 883 877 856 840 838 824 809

772 772 771 701 759 757 741 729 720 721 097 642 040 609 609 606 598

598 avant J.-C. _ <>ï

445 433

: m

312 170 IC>7

106

104 Kit

llil- 143 143-133 142

i av. noire ère.

(i après J.-C. 8

9

12 14 1.-)’2li

20

Prise de Jérusalem r>87 avant J.-C.

Édil « le Cjrus pour rebâtir Jérusalem

et retour de Zorobabel 536

Achèvement du second temple… 510

lietour d’Ksdras 157

Retour de Néhémie

Départ délinitil’de Néhémie pour la

cour

Alexandre visite Jérusalem

l*>e des Sélcucides …

Antiochus Épiphano prend Jérusalem.

Soulèvement de Mathathias

Sa mort et avènement de Judas Ma chabée

Restauration du temple

Mort de Judas Mæhabée

Jonathas, grand prêtre

Simon, ethnarque et grand prêtre. Indépendance de la nation juive… Mort d’Hérode le Grand et naissance

de Jésus

Déposition d’Archélaiis et Coponius, 1 er procurateur de la Judée… Jésus au milieu des docteurs.. Marcus Ambivius, 2e procurateur.. Annius Rufus, > procurateur… Mort d’Auguste. Tibère, empereur Valerius Gratus, 4 « procuraleur… Contins l’ilatus, .V procurateur… Commencement de la vie publique de

Jésus

Mort de Jésus ; Ascension et l’ento culo 2 ! )

Mort de Philippe le tétrarque…(3

Conversion île saint Paul 34

Destitution de Pilule, qui est remplacé

par Mareellus, 0° procurateur… 30 Mort de Tibère et avènement de Ca lignla, ’17

Hérode Agrippa devient tétrarque de

la Trachouitidc ; )7

Exil il’lléroile Antipas if.)

Hérode Agrippa devient létraïquo de

la Caillée et de la IVrée

Premier voyage de saint Paul a Jérusalem

Meurtre de Caligula et aencnient de

Claude

Hérode Agrippa est roi de Judée.. Mort de saint Jacques et emprisonnement de saint Pierre

Mort d’Hérode Agrippa. La Judée est replacée sous la domination directe de Home ; Cuspius Fadus, 7- procurateur

Première mission de saint Paul… Tibère Alexandre, 8e procurateur..

Cumanus, 9e procurateur

Félix, 10e procurateur

Concile de Jérusalem et deuxième

mission de saint Paul

Hérode Agrippa Il devient tétrnrque.

Avènement de Néron 5t

Troisième mission de saint Paul.. 55 Saint Paul quitte Ephèse après un séjour de trois ans 58

Captivité de saint Paul à Cesarée.. 59 Porlius l’estus. Il" procurateur… 60 Saint Paul part de Césarée pour

Rome lit

Albinus, 12° procurateur 62

Saint Paul à Home et lin du récit des Actes 63

39 31)

II il

12

45

te

53

Gessius Florus, 13e procurateur.. 64 de notre ère.

Vespasien, légat impérial en Syrie. 67 Martyre de saint Pierre et de saint

Paul a Rome 07

Avènement de Galba C8

Avènement d’Othon, de Vitellius et

de Vespasien 00

Prise de Jérusalem par Titus …. 70

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CHRYSOLITHE. Hébreu : tarSis, Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13 ; Iv/.och., i, 10 ; x, 9 ; xxviii, 13 ; Cant., v, 14 ; Ilan., x, 0 ; Septante : yp-juiXiOo ; , Exod., xxviii, 20 ; . xxxix, 13 ; K/.ech., xxviii, 13 ; Sapai ; , Cant., v, 14 ; Pan., X, 6 ; Sapazii, K/.ech., i, 10 ; avOpxxo ; , Ezeeh., x, 9 ; Vulgate : Chrysolithus, Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13 ; K/.ech., x, 9 ; xxviii, 13 ; Dan., x, 6 ; hyacinthus, Cant., v, 14 ; r/i( « .si Visio maris, Kzech., i, 10. — Apoc, xxi, 20, yp’vffoX’.Oo ;  ; Vulgate, chrysolithus.

1. Dksc.iiu’Tion. — La chrysolithe des anciens ne parait pas être la pierre que nous appelons maintenant de ce nom. D’après Brongniart, Traité de Minéralogie, in-8 3, Paris, 1807, t. i, p. 241, nous nommons lopaze la chrysolithe des anciens, tandis que la topaze des anciens serait notre chrysolithe. Son nom grec de -/p’jtôXiôo ; , « pierre couleur d’or, » semble corroborer cette opinion, puisque de nos jours la chrysolithe est verte. Cependant un manuscrit hermétique, Enoch, dit que la chrysolithe est jaune comme l’or, qu’elle jette des rayons comme du feu, et qu’enfin « elle est semblable à l’eau de la mer ». S. Isidore, Etymolog., 1. xvi, c. xv. 2, t. lxxxii, col. 580, a copié cette dernière version : <> semblable à l’or avec l’aspect de couleur marine. » Un ouvrage anonyme de 1372, Le propriétaire des choses, dit également : « Crissolite est une pierre de Ethiopie, qui reluist comme or, et estincelle comme feu et a la couleur de la mer qui décline à verdure. »

La chrysolithe moderne (fig. 275, 1) cristallise en prisme oblong hexaèdre, à cotés inégaux, terminés par deux pyramides tétraèdres. Elle est d’un beau vert pomme, clair et vif. La topaze ou chrysolithe de l’antiquité (fig. 275, 2) est au contraire de forme octaèdre, tronquée, de couleur do

jonquille ou de citron. Elle contient une grande quantité d’alumine, 0, 47 à 0, 50 ; de silice, 0, 28 à 0, 30 ; de l’acide iluorique, 0, 17 à 0, 20, et du fer, à 0, 4. On trouve cette pierre précieuse à Ceylan, en Arabie, en Egypte. On estimait surtout celles de l’Inde et celles de Tibara, près du Pont-Euxin. Pline, H. N., xxxvii, 42. Ce naturaliste, H. N., xxxvii, 45, énumère plusieurs espèces de chrysolithes : la chrysélectre, jaune d’ambre ; la leucochryse, avec une veine blanche ; la mélichryse, ainsi nommée parce qu’il semble qu’un miel pur passe à travers un or diaphane ; enfin la xanthe tout à fait commune. Dans l’antiquité et au moyen âge on attribuait à la chrysolithe la vertu de chasser les craintes nocturnes et les

S75. — 1. Chrysolithe divine

2. Topaze orientale.

démons, et on la regardait comme excellente pour les maladies d’yeux. F. de Mély.

II. Exégèse. — Le mot hébreu qui correspond dans le texte original au -/pu<7<5X180ç des Septante et au chrysolithus de la Vulgate est tarsis. C’est la dixième pierre du rational ou pectoral du grand prêtre. Exod., xxviii, 20 ; xxxix, 13. Dans la fameuse vision des chérubins, Ezéch., I, 16 ; x, 9, dit que les roues avaient l’aspect du farsîs. Parmi les pierres précieuses qui ornaient les vêtements du roi de Tyr, Ézéch., xxviii, 13, est énuméré le (arsU. Les mains de l’épouse du Cantique, v, 14, sont chargées de bracelets d’or, ornés de tarsiS. Dans une de ses visions, Daniel, x, 6, aperçoit un homme vêtu de liii, les reins ceints d’une ceinture d’or et le corps couleur de tarsis. Aucun des caractères marqués dans ces textes ne nous fait connaître la nature et la couleur de la pierre ainsi nommée. On y a vu généralement la chrysolithe. C’est la traduction habituelle des Septante, quand ils ne transcrivent pas simplement le mot hébreu. La Vulgate rend aussi cette expression par chrysolithus, sauf deux fois où elle met hyacinthus, Cant., v, 14, et visio maris, Ezéch., i, 16. Aquila, Josèphe, Ant. jud., III, vii, 5 ; saint Épiphane, t. xliii, col. 300, voient un xpvo^’Ooç dans le tarsis qui figure parmi les pierres précieuses du rational. Les Targums, Exod., xxviii, 20, traduisent tarsis par nd> diid, kerûm yammâ ; le premier mot n’est peut-être que le grec xpû[i.a, couleur ; d’où le sens de couleur de mer, aiguë- marine.

Le nom hébreu du tarsis paraît en indiquer la provenance : farSii est un nom de pays qui désigne les contrées maritimes situées à l’ouest de la Palestine, probablement l’Espagne. C’est de là que les Phéniciens devaient apporter la pierre de (ai’Sis en Syrie et en Egypte. Or Pline, H. N., xxxvii, 43, mentionne une espèce de chrysolithe qu’on trouve en Espagne. — Quant

au chrysolithe de saint Jean, ce serait plutôt ce que nous appelons maintenant la topaze orientale ou corindon jaune doré. E. Levesque.

CHRYSOPRASE. Grec : -/puofSnpaffoç, avec les variantes ypu(ro7rpa<T<Toç, xP u<J ^ 7t P « ^to ; , ^pucoTcpa<rov ; Vulgate : chrysoprasus. Apoc, xxi, 20.

I. Description. — Cette pierre (fig. 276) tire son nom de sa couleur d’or, tpvaoç, jointe à celle du poireau, Ttpâffov, semblable à la fougère séchée. C’est une prase qui chatoie des rayons d’un vert jaunâtre, comme s’il renfermait des particules ou points d’or. C’est aussi la chrysoptère de l’antiquité. Pline, H. N., xxxvii, 20, la donne comme une sorte de chrysobéril. Plus loin, H. N., xxxvii, 34, il distingue plusieurs espèces de pierres vertes, et il ajoute : « À toutes ces espèces on préfère la

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276. — Chrysoprase.

Chrysoprase, qui, elle aussi, a la couleur du suc de poireau, mais dont la nuance va un peu de la topaze à l’or : la grosseur en est telle, qu’on en fait même des coupes et très souvent des cylindres. » Il faut remarquer qu’en ce dernier endroit, ch. 34, Pline écrit : chrysoprasius, et non plus chrysoprasus comme au ch. 20. Isidore de Séville, Etymolog., XVI, vii, 7 ; xiv, 8, t. lxxxii, 571, 579, suit Pline, même dans la distinction des deux noms, chrysoprasius et chrysoprasus. Mais il semble avoir été le premier à dire, ibid., col. 579, que la chrysoprase brillait dans l’obscurité. Il se pourrait que le vers de Prudence :

Te quoque conspicuum structum interserit, Ardens chrysoprase.

ait été le point de départ de cette croyance, conservée par quelques auteurs. Ou ne serait-ce pas plutôt une confusion avec ce que Pline, H. N., xxxvii, 56, dit de la chrysolampe ? Cf. Isidore de Séville, Etymolog., t. lxxxii, col. 579, note d. En résumé, c’est un silex dont la pesanteur spécifique est de 3, 25 ; elle contient 0, 96 de silice et 0, 01 de nickel : c’est à ce dernier qu’on attribue sa coloration verte. Il ne faut pas la confondre avec le quartz prase, qui est tout à fait différent. F. de Mély.

IL Exégèse. — La chrysoprase est nommée la dixième parmi les pierres de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 20. La difficulté d’identifier le -/pu<J<5npa<ro ; de saint Jean avec la chrysoprase moderne, vient de ee que celle-ci ne se rencontre maintenant dans l’ancien monde qu’en Silésie, et paraît avoir été inconnue aux anciens. Cependant W. King, Antique Gerns, in-8°, Londres, 1860, p. 59, prétend qu’on trouve quelquefois cette pierre dans les bijoux égyptiens, alternant avec des grains de lapislazuli ; aussi plusieurs interprètes y voient la chrysoprase de saint Jean. Si l’on admet que les pierres précieuses mentionnées par l’apôtre dans les fondements de la Jérusalem céleste ont toutes leur équivalent dans les douze pierres du rational, la chrysoprase correspondrait au

iebo, l’agate : la chrysoprase est bien, en effet, une sorte d’agate ou calcédoine verte. E. Levesque.

CHRYSOSTOME. Voir Jean Chrysostome.

CHUB (hébreu : Kûb), nom de pays ou de peuple qui ne se lit que dans Ézéchiel, xxx, 5. Chub est nommé avec Kus, Put, Lud, les Arabes (ou un mélange de mercenaires égyptiens) et « les fils de la terre de l’alliance », c’est-à-dire les Chananéens ou bien les Juifs réfugiés en Egypte (d’après la Vulgate, « l’Ethiopie, la Libye, les Lydiens, tout le reste des peuples et les fils de la terre de l’alliance » ). Le prophète leur annonce à tous qu’ils périront par le glaive. Chub devait être au milieu des peuples énumérés par Ézéchiel ou au moins dans leur voisinage, mais il est impossible de déterminer avec certitude ce qu’il faut entendre par ce nom. On a émis à ce sujet les hypothèses les plus diverses. — 1° D’après les uns, il s’agit d’une ville, soit Cobé ( Koé^), près de l’océan Indien, Ptolémée, iv, 7, 10, localité qui paraît trop éloignée pour que le prophète en ait parlé ; soit Chobat 0Lu>6âi) en Mauritanie, Ptolémée, iv, 2, 9 ; soit Cobion (Xeiêiov) dans le nome Maréotique, en Egypte. Ptolémée, iv, 5. Ces identifications peuvent s’accorder difficilement avec le texte, qui semble parler d’un peuple ou du pays qu’il habite, non d’une ville. — 2° D’autres supposent qu’il y a une altération dans le texte et qu’au lieu de Kûb il faut lire £ « 6, « les Libyens ». C’est ainsi, disent-ils, qu’ont traduit les Septante. On objecte contre cette hypothèse qu’il n’est pas certain que la version grecque rende Kûb par AîSue ; , parce que c’est peut-être le nom de Put qu’elle traduit ainsi, comme elle l’a fait dans d’autres endroits. Ezech., xxvii, 10 ; xxxviii, 5 ; Jer., xlvi, 9. De plus, dans le texte hébreu, les Libyens ne sont jamais désignés sous le nom de Lub, mais toujours sous celui de Lubîm. II Par., xii, 3 ; xvi, 8 ; Nah., iii, 9, etc. — 3° Un manuscrit hébreu lit 3133, Kenûb, au lieu de 313, Kûb. On a rapproché cette leçon de l’égyptien Keneb (H. Brugsch, Die âgyptische Vôlkertafel, p. 45), qui, dans la tablette statistique de Thothmès III (xviir 3 dynastie), désigne l’ensemble des habitants du pays du sud, nègres et Éthiopiens. — Les anciens interprètes, tels que saint Jérôme, ignoraient ce qu’était Chub ; nous l’ignorons encore.

F. Vigouroux.

CHUN (hébreu : Kûn ; Septante : èx râv êxÀcxT&v [îtqXêwv]), ville d’Adarézer, roi de Soba, prise par David, qui en emporta « beaucoup d’airain, dont Salomon fit la mer d’airain et les colonnes et les vases d’airain ». I Par., xvin, 8. Dans le passage parallèle de II Reg., viii, 8, le texte original porte Bêrôtai, et la Vulgate Bérolh, tandis que les Septante donnent la même traduction. Chun est-il une faute de copiste, ou bien représente- 1- il un autre nom de Béroth, ou enfin désigne- 1- il une ville différente ? Il est impossible de trancher cette question. Voir Béroth 3, t. i, col. 1625. Ceux qui le prennent pour une localité distincte l’assimilent à la Conna de l’Itinéraire d’Antonin (édit. P. Wesseling, Amsterdam, 1735, p. 199), mentionnée entre Héliopolis et Laodicée. Cf. Gesemus, Thésaurus, p. 667. Cette ancienne cité se retrouverait aujourd’hui dans Kouna, au sud-ouest de Ba’albek. Cf. K. Furrer, Die anliken Slâdte und Ortschaflen im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des deulschen Palâslina-Vereins, Leipzig, t. viii, 1885, p. 34.

A. Legendre.

1. CHUS (hébreu : Kûi ; Septante : Xoj ;  ; souvent transcrit Cousch par les auteurs modernes), nom du premier fils de Cham. Toute son histoire se résume dans les paroles suivantes de la Genèse, x, 6-8 : « Chus, fils de Cham, eut pour fils Saba (hébreu : Sebâ"), Hévila, Sabatha, Regma, Sabatacha. Les fils de Regma furent Saba (hébreu : ëebâ’) et Dadan. Chus engendra aussi Nemrod. » Cf. I Par., i, 8-10. Toutefois le mot KûS ne désigne pas seulement le premier-né de Cham ; c’est

encore le nom donné à la race issue de lui et aux régions qu’elle habita. Que nous disent du peuple et du pays de Cousch les monuments tant sacrés que profanes, et en premier lieu la Bible ? La Bible place d’abord le pays de Cousch à l’est de la Palestine. L’auteur de la Genèse, ii, 13, affirme, en effet, que le Gihon, un des quatre fleuves du paradis terrestre, entoure tout le pays de Kùs ; or il n’est pas douteux que l’on ne doive placer à l’est de la Palestine le berceau de l’humanité. De plus, Nemrod est Couschite, comme on l’a vu, et c’est lui qui fonda le royaume de Bàbylone. Gen., x, 8-10. De l’est, le pays de Cousch se porte vers le sud. Quand Moïse erre dans les terres de Madian, il épouse une fille d’un prêtre madianite qui est nommée , Couschite, Exod., ii, et Num., xii, 1. Le second livre des Paralipomènes, xxi, 16, nous dit à son tour que les Couschites sont limitrophes des Arabes. Enfin, dans les parties les plus récentes de ! a Bible, le pays de Cousch et les Couschites sont constamment placés au sud de l’Egypte, IV Reg., xix, 9 ; Is., xviii, 1 ; xx, 3, 5 ; xxxvii, 9, etc. On peut donc affirmer que, dans la géographie biblique, le pays de Cousch a compris successivement les diverses régions que traversèrent au cours des siècles les descendants du premierné de Cham, c’est-à-dire les peuples issus de ses cinq fils : Saba, Hévila, Sabatha, Regma et Sabatacha. (Voir ces mots.)

Cependant il n’est pas absolument certain que le mot Couschite (hébreu : KûU), dans la Bible elle-même, ait gardé jusqu’à la fin la signification précise de descendant de Cousch, fils de Cham. Quand Jérémie nous dit, xm, 23 : « Si un Éthiopien (Kûsî) peut changer sa peau, » il est bien évident qu’il fait allusion à la couleur brune, foncée, sinon noire, des peuples que l’on connaissait alors sous ce nom dans la partie sud de l’Egypte ; mais il est impossible de savoir si cette expression de Couschite est appliquée ici par le prophète à de véritables fils de Cousch, ou aux populations de couleur, quelle que fût leur origine, fixées dans le pays appelé pays de Cousch, du nom de ses anciens habitants : les noirs, en effet, ne sont pas nécessairement des Couschites, comme on l’a cru trop souvent.

Les traducteurs grecs de l’Ancien Testament et toutes les versions faites sur les Septante, notre Vulgate elle-même qui en a subi l’influence, ont contribué dans une certaine mesure à répandre cette erreur, en identifiant perpétuellement les Couschites de la Bible avec les peuples que l’antiquité grecque ou latine a nommés Éthiopiens, c’est-à-dire bruns ou noirs, selon le sens de ce mot, On remarque, en effet, que si Kùs en hébreu désigne la personne du fils de Cham, les Septante transcrivent exactement Xoiic, Gen., x, 6-8 ; I Par., i, 8-10 ; mais si le mot Kùs signifie la race, le pays de ce nom, elle traduit toujours par AîSi’oJ/, AÎOioitîa, « Éthiopien, Ethiopie. » On est assuré par le fait que, dans le langage des Septante, A ! 810’}/ et À ! 8107tîa se confondent avec la race ou le pays de Kùs du texte hébreu. On ne saurait en dire autant des auteurs profanes, grecs ou latins, qui ont appliqué la dénomination d’Éthiopiens d’abord et tout naturellement aux populations de couleur foncée, selon le sens du mot, puis ensuite à une multitude de peuples dont on ignorait l’histoire ou les origines, à peu près comme aujourd’hui nous appelons Indiens une multitude de races absolument étrangères aux habitants des Indes. (Voir Ethiopie.)

Les monuments égyptiens et assyriens ont au contraire gardé fidèlement le souvenir des fils de Cousch. Et d’abord ils connaissent par leur véritable nom les Couschites d’Afrique. En égyptien, le mot même de Kes a été conservé. Voir Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Paris, 1875, art. Ethiopie ; Maspero, Histoire ancienne, Paris, 1886, p. 105, note 2 ; p. 115 ; p. 194, note 2 ; Ebers, Aegypten und die Bûcher ilose’s, Leipzig, 1868, p. 57-63. Et ce qui prouve bien que ce n’est pas là une

rencontre purement fortuite de termes simplement homophones, mais bien un seul et même mot, c’est que les Égyptiens s’en servent, tout comme la Bible à ses dernières époques, pour désigner les peuples situés au sud de l’Egypte. Dès la xiie dynastie, par conséquent plusieurs siècles avant Moïse, les monuments égyptiens nous parlent du pays de Kes. (Lenormant, Histoire ancienne, Paris, 1882, t. ii, p. 109 ; Dillmann, Ueber die Anfànge des axumitischen Reiches, Berlin, 1879, extrait des Abhandl. der kônigl. Akad. der Wissenscliaften, 1878, p. 180.) Sous la xviiie et la xixe dynasties, l’héritier présomptif de la couronne d’Egypte portait le litre de fils royal ou prince de Kes (Masperp, Histoire ancienne, p. 115 et 194). Nul rapprochement philologique ne vaut de telles constatations, qui s’appuient sur les documents mêmes de l’histoire.

Chez les Assyriens, le Cousch africain est également connu et se lit Kusu. (Voir Strassmaier, Alphabetisches Verzeichniss der assyrischen Worter, Leipzig, 1880, n° 4570 ; Schrader, Die Keilinschriften und das Aile Testament, Giessen, 1883, p. 86-88 ; Fried. Delitzsch, Assyvische Grammatik, Berlin, 1889, p. 105.) Pour eux, comme pour les Égyptiens, le pays de Cousch est situé au sud de l’Egypte. C’est ce qu’établissent nettement les inscriptions cunéiformes à partir d’Asarhaddon, par conséquent à partir du vue siècle avant notre ère : Mat Musur mat Kusi, « pays d’Egypte et pays de Cousch, » deux noms accolés l’un à l’autre à chaque instant comme deux pays limitrophes. (Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 48, n. 4, 1. 2 et n. 5, 1. 5 ; t. iii, pi. 35, n. 4. Cf. A. Delattre, VAsie occidentale dans les inscriptions assyriennes ; extrait de la Revue des questions scientifiques, 1884-1885, p. 149.)

Il ja donc accord parfait entre l’Écriture d’une part, les monuments assyriens et égyptiens de l’autre, pour placer au sud de l’Egypte un pays de Cousch ou d’Élhiopie, selon la traduction plus ou moins heureuse des Septante. Pouvons-nous ajouter que les Couschites d’Asie dont nous parle aussi la Bible sont également mentionnés dans les sources profanes ? Si le mot Éthiopien était.Féquivalent de Couschite, il n’y aurait pas lieu d’hésiter : les anciens géographes grecs ou latins ont reconnu des Éthiopiens en Asie comme en Afrique. Malheureusement, nous l’avons dit, les Éthiopiens pour les classiques ne sont pas seulement les Couschites, mais bien encore tous les peuples d’origine inconnue et particulièrement les populations de couleur. Peut-être même faut-il ajouter qu’aucun écrivain grec ou latin, en dehors des Septante, n’a soupçonné le rapport ethnologique possible entre les Éthiopiens et les Couschites. Seul, Josèphe, qui appartient plus au monde juif qu’à la civilisation grecque, nous a parlé expressément de Couschites asiatiques. Il nous dit, en effet, que les Éthiopiens sur lesquels régna Cousch, le fils de Cham, avaient gardé la mémoire de leurs origines, qu’ils se nommaient eux-mêmes Couschites et que les peuples de l’Asie leur donnaient aussi ce nom : Aidions yip, wv v t p£ev (Xo’jç), eti xa vûv ùitb éauToiv ts xal twv =v tt]’A<rîa 71âvTwv Xouffxtoi xa).oijvTai. Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2.

On s’est demandé récemment s’il ne fallait point voir les Couschites asiatiques de la Bible dans les Kassi de la Babylonie, dont les rois KaraindaS, Agukakrimi, KarahardaS, s’intitulent eux-mêmes, au xve siècle avant notre ère, rois de Babilu, rois de Sumer et d’Akkad, rois des Kassi (Cuneiform Inscript, of Western Asia, t. iv, pi. 38, n. 3, 1. 6-11 ; t. v, pi. 33, col. 1, ]. 31-34 ; t. ii, pi. 65, 1. 8-11). On a pareillement recherché si nos anciens auteurs grecs et latins n’avaient point nommé des Couschites sans le savoir, quand ils parlent des Cissiens, Ki<T<Tiot, du pays de Ki-yai-t) (Hérodote, iii, 91 ; v, 49, 52 ; vu, 62, 86), ou bien encore des Cosséens, Kosaoeiot, situés à l’est du Tigre (Polybe, v, 44 ; Strabon, xi, 13, 6 ; xvi, 1, 18 ; Diodore, xvii, 111 ; Plutarque, Alex., lxxii ;

Arrien, Exp. Al.,-m, 15, l ; Hist. ind., xl ; Pline, H.N., vi, 31 ; Ptolémée, vi, 3). Ces questions ont été particulièrement débattues entre assyriologues, sans que la lumière ait pu se faire complètement. (Voir Fried. Delitzsch, Die Sprache der Kossâer, Leipzig, 1884 ; Hommel, Geschichte Babyloniens und Assyriens, Berlin, 1885, p. 275-278 ; Oppert, La langue cissienne, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, 1888, p. 423 ; Halévy, ibid., 1889, p. 205 ; Jensen, ibid., 1891, p. 340 ; Lehmann, ibid., 1892, p. 328.) Quelque opinion que l’on embrasse sur la nature de la langue des Kassi, ou sur la distinction à établir entre les Kassi, les Cosséens et les Cissiens, il reste parfaitement possible que ces divers peuples aient dû leur nom et leur origine à l’antique race des Couschites. Cette hypothèse — car ce n’est encore qu’une hypothèse — concorderait même très bien avec la Genèse, qui place, comme on l’a vii, le berceau des Couschites daus la plaine de Sennaar. Mieux vaut en tout cas s’en tenir provisoirement à cette opinion, que de corriger l’auteur de la Genèse avec cette confiance ingénue qui caractérise la critique rationaliste. Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 31-32 et 87-88. « La supposition, dit avec raispn M. Halévy, que l’auteur de la généalogie des Noachides aurait confondu le Cousch d’Afrique avec les Cashshites de Babylonie ne repose sur rien ; le double Cousch des Hébreux est parallèle a la double Ethiopie des Grecs. » Dans la Revue critique, 1884, i, p. 486. Ajoutons seulement que quand la double Ethiopie des Grecs ne correspondrait pas au double Kus de l’Écriture, celle-ci n’en demeurerait pas moins digne de foi et de toute créance. L. Méchineau.

2. CHUS (hébreu : Kûs), personnage de la tribu de Benjamin, appelé Chusi dans la Vulgate. Ps. vii, 1. Voir Chusi 2.

3. CHUS, localité dont le nom est omis dans notre Vulgate actuelle (Judith, vii, 8), mais qui est mentionnée sous cette forme dans l’ancienne Vulgate (P. Sabatier, Bibliorum Sacrorum versiones anliquse, seu Vêtus Italica, 31n-f°, Reims, 1743, t. i, p. 762) et, dans le texte grec du livre de Judith, vii, 18, sous les formes Xoij ; , Xouctî, Xouae ! , O-j ?. Voir Fred. Fritzsche, Handbuch zu den Apokryphen, t. ii, 1853, p. 159. Chusi était située dans les environs d’Écrebel. Nous lisons, en effet, dans le texte grec : « Et les fils d’Ésau montèrent avec les fils d’Ammon, et ils campèrent dans les montagnes vis-à-vis de Dothaïn, et ils envoyèrent de leurs hommes au midi et à l’est vis-à-vis d’Écrebel, qui est près de Chus (Chusi), sur le torrent de Mochmor, et le reste de l’armée des Assyriens était campé dans la plaine. » Il existe, à neuf kilomètres au sud de Naplouse, l’ancienne Sichem, un petit village appelé Kùzah ou Quzâh (voir la carte de la tribu d’Éphraïm), qui pourrait être le Chusi de Judith. Celte identification est d’autant plus plausible que Kùzah est dans le voisinage, c’est-à-dire à huit kilomètres environ à l’ouest d’Ékrebéh ouvqrabéh (voir t. i, col. 152), dont Écrebel peut n’être qu’une forme un peu altérée. Cf. The Survey of Western Palestine, Memoirs, 1882, t. ii, p. 285-286. F. Vigouroux.

    1. CHUSA##

CHUSA (XouïS : , Luc, viii, 3), intendant de la maison (ÈîttTpoTvoç) du roi Hérode Antipas. Sa femme Joanna était du nombre des saintes femmes qui suivaient le Seigneur dans ses missions et subvenaient à ses besoins et à ceux des Apôtres. Luc, viii, 3. Quelques interprètes ont pensé, mais sans pouvoir le prouver, que Chusa était ce fJaucXixô ; ou officier royal dont Jésus avait guéri le fils, et qui avait cru avec toute sa maison. Joa., iv, 46. En tout cas, il devait être bien disposé à l’égard du Sauveur, puisqu’il laissait à sa femme la liberté de le suivre. E. Levesque.

    1. CHUSAÏ##

CHUSAÏ (hébreu : Ifûsaï ; Septante, Xovui), appelé

II Reg., xv, 32, etc., l’Arachite, c’est-à-dire originaire ou habitant d’Arach (voir t. i, col. 869 et 932), Jos., xvi, 2, ami et conseiller de David. II Reg., xv, 37 ; xvi, 16 ;

I Par., xxvii, 33. Lorsque David dut prendre la fuite devant Absalom révolté, Chusaï s’empressa de venir offrir ses consolations et ses services au malheureux roi ; il le rencontra pendant qu’il gravissait la pente de la montagne des Oliviers. Chusaï devait être déjà avancé en âge, et par conséquent peu propre à faire la guerre, puisque David lui dit que sa présence serait pour lui un embarras plutôt qu’un secours, tandis qu’il pourrait servir très utilement sa cause en se rendant auprès d’Absalom. David venait, en effet, d’apprendre à l’instant même la défection de son conseiller Achitophel, devenu le conseiller du prince rebelle. II Reg., xv, 31. Il craignait beaucoup l’habileté d’Achitophel, mais il connaissait la sagesse de Chusaï, dont l’arrivée en ce moment semblait être la réponse de la Providence à une prière du roi fugitif, II Reg., xv, 31 ; il pensa que ce fidèle ami saurait trouver le moyen de déjouer les plans du traître, II Reg., xv, 31, et le succès prouva qu’il ne s’était pas trompé.

Chusaï arriva à Jérusalem dans le même temps qu’Absalom faisait son entrée dans la capitale à la tôle de ses partisans, ayant auprès de lui Achitophel. II Reg., xv, 37 ; xvii, 15. Il eut sans doute bientôt dissipé la déliance qu’Absalom sembla lui témoigner d’abord ; car le jeune prince invita sans retard Achitophel à conférer avec Chusaï sur ce qu’il y avait à faire. II Reg., xvii : 16-20. II paraît avoir joué un rôle tout à fait secondaire dans la première résolution qui fut prise, et en avoir laissé à Achitophel tout l’odieux comme toute la responsabilité.

II Reg., xvi, 21-23. Mais lorsque celui-ci, non content d’avoir réussi à faire outrager David, pressa Absalom de poursuivre son père sans perdre un moment, Chusaï, par un raisonnement captieux, persuada au prince rebelle de temporiser. II Reg., xvii, 1-14. Il donna aussitôt avis de ce qui avait été résolu aux grands prêtres Sadoc et Abiathar, pour qu’ils en transmissent la nouvelle à David par l’intermédiaire de leurs fils Achimaas et Jonathas, comme le roi l’avait lui-même réglé. II Reg., xv, 35-36. L’habile diplomatie de Chusaï sauva à son roi la couronne avec la vie. II Reg., xvii, 24 ; xviii, 1-17. Il n’est plus parlé de lui à partir de ce moment. Voir Absalom et Achitophel.

Chusaï est appelé plusieurs fois l’ami de David. Le titre d’  « ami du roi » paraît signifier le conseiller le plus intime, cf. III Reg., iv, 5. Voir Ami, t. i, col. 479-480. On trouve, en effet, I Par., xxvii, 33, dans l’énumération des officiers de David, le nom de Chusaï, « ami du roi, » immédiatement après celui d’Achitophel, « conseiller du roi, » ce qui suppose entre « conseiller » et « ami » une distinction emportant assurément, dans le cas présent, la supériorité du second titre sur le premier. Quoi qu’il en soit du caractère plus ou moins officiel des fonctions de Chusaï, il y eut entre lui et David des rapports de véritable amitié ; Absalom, qui les connaissait bien, appelle deux fois David l’ami de Chusaï. II Reg., xvi, 17. On voit toute la confiance que David avait pour Chusaï par le langage qu’il lui tint et par la mission qu’il lui confia, II Reg., xv, 33-36, de même que le dévouement de Chusaï paraît dans son empressement à s’acquitter de cette mission et dans son zèle à la remplir. Rien de plus touchant d’ailleurs que les marques qu’il donna de sa douleur en apprenant les malheurs de David : il vint aussitôt à sa rencontre, sur le mont des Oliviers, les habits déchirés et la tête couverte de terre en signe de deuil. II Reg., xv, 32. — On a fait à Chusaï, au sujet du rôle qu’il a joué auprès d’Absalom, le reproche d’avoir usé de fourberie envers ce jeune prince et d’avoir traîtreusement capté sa confiance pour le perdre. Ce reproche atteint aussi nécessairement David. Mais peut-on faire un crime à David de ce que l’on ne songe pas à blâmer chez les autres 7 Tout le monde admet qu’un prince ait

des émissaires dans le camp de l’ennemi ; or Absalom était plus qu’un ennemi : c’était un rebelle. Nous savons d’autre part que chez les Orientaux la ruse employée contre les ennemis était une arme dont tout le monde se servait sans scrupule. Voir Aod, t. i, col. 716. Absalom ne l’ignorait pas, et ses premières paroles à Chusaï, lorsque celui-ci vint le saluer roi, montrent, en effet, une certaine défiance. II Reg., xvi, 16-17. Absalom, d’ailleurs si coupable envers son père, ne devait donc s’en prendre qu’à lui-même d’oublier que David avait intérêt à le perdre et de donner si légèrement dans le piège en accordant une confiance aveugle à l’ami intime du roi. II Reg., xv, 17. Au demeurant, si la conduite de Chusaï et de David ne paraissait pas pleinement excusable, il ne faudrait pas perdre de vue qu’on n’est pas obligé de justifier dans toutes leurs œuvres les personnages même les plus saints de la Bible. E. Palis.

    1. CHUSAN RASATHAÏM##

CHUSAN RASATHAÏM (hébreu : Kûsan Ris’âtayîm ; Septante : XouoapffæatiV), roi de Mésopotamie (’Aram Nahârâyim) qui asservit les Hébreux pendant huit ans au commencement de la période des Juges. Jud., iii, 8-10. Son nom n’a pas été retrouvé dans les documents cunéiformes, et l’on ne peut faire jusqu’ici sur ce personnage que des hypothèses purement arbitraires. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 96-97. Tout ce que nous savons sur lui, c’est ce que nous apprend l’auteur sacré. Après avoir payé tribut pendant huit ans, les Israélites, sous la conduite d’Othoniel, se soulevèrent et le battirent dans un combat qui les délivra du joug et leur assura la paix pendant quarante ans. Jud., iii, 10-11.

CHUSI. Hébreu : Kû’iî ; Septante : Xoudî. Nom, dans la Vulgate, de quatre personnages, et d’une localité dans les Septante.

1. CHUSI, personnage mentionné à l’occasion de la mort d’Absalom. Le mot KûSi est précédé de l’article, hakkûsî, II Reg., xviii, 21, 22, 23, 31, 32 : ce qui fait croire que nous avons là plutôt un nom de nation, le Couschite ou Éthiopien. Le contexte favorise ce sens : ce Couschite paraît être un serviteur ou esclave de Joab. Lorsque Achimaas s’offre pour courir annoncer à David la victoire sur ses ennemis et la mort de son fils Absalom, Joab le retient, de peur de l’exposer au ressentiment du roi, et dépêche aussitôt Chusi. Et celui-ci avant de partir se prosterne devant Joab. Il fut devancé dans son message par Achimaas, qui annonça à David la défaite des rebelles en lui cachant la mort de son fils. Cꝟ. 1. 1, col. 140. Mais Chusi, arrivant peu après, dévoila sans réticence la triste nouvelle, en souhaitant aux ennemis du roi le sort d’Absalom. E. Levesque.

2. CHUSI (hébreu : Kûs) est mentionné dans le titre du Psaume vii, 1 : « Psaume que David chanta à Jéhovah à l’occasion des paroles de Chus le Benjamite. » Ce Psaume date du temps de la persécution de Saùl ; et Chusi paraît être un de ces courtisans qui, jaloux de David, le calomniaient auprès du roi afin de le perdre. Cf. I Reg., xxiv, 10.

3. CHUSI, père de Sélémias et ancêtre de Judi ; ce dernier faisait partie de la cour du roi Joakim. Jcr., xxxvi, 14.

4. CHUSI, père du prophète Sophonie. Soph., i, i.

5. CHUSI, Judith, vii, 18 (texte grec). VoirCiius3.

CHUTE DU PREMIER HOMME. Voir Adam, t. i, col. 175-176 ; Eve ; Péché originel ; Serpent tentateur.

CHYPRE. Voir Cvrp.E.

CHYTROPODE. Les Septante, Lev., xi, 35, ont traduit le mot hébreu d>i » d, kîraîm (au duel), qui ne se lit que dans ce passage de la Bible, par -/urpoTroSiç, littéralement « marmite à pieds » ou « pieds de marmite ». La Vulgate a conservé le mot grec : chytropodes. Il est dit dans le Lévitique, xi, 35, que le four ou les kîraîm qui auront touché le corps mort d’un animal seront impurs et devront être brisés. Beaucoup entendent par kîraîm une marmite avec son couvercle, d’autres l’orifice <lu four sur lequel est placée la marmite, d’autres encore les pierres sur lesquelles on place souvent en Orient la

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277. — Chytropode figuré sur un vase antique.

D’après W. Smith, Dictionary of Greek and Roman antiquitles,

p. 427.

marmite qu’on veut faire bouillir. Plusieurs commentateurs interprètent dans ce dernier sens le mot grec -/’Jfpon 68e{. Xi ; Tp<S7roLi ; désignait proprement en grec l’appui sur lequel était placé la x’jtp », Hésiode, Op. et Di., 748, comme nous le montre un vase antique (fig. 277), trouvé à Ganino, en Étrurie, et maintenant au British Muséum : on y voit Médée faisant bouillir un vieux bélier afin de le rajeunir et de persuader aux filles de Pélias d’en faire autant à leur père ; la -/ÙTpa a le fond rond et elle est placée sur un trépied sous lequel brûle le feu. Voir Marmite.

CIBSAIM (hébreu : Qibsaïm, « les deux monceaux ; » Septante : omis dans le Codex Vaticanus ; Codex Alexandrinus : rj KaëuctEi|ji), ville de la tribu d’Éphraïm, donnée, » avec ses faubourgs, » aux Lévites fils de Caath. Jos., xxi, 22. Dans la liste parallèle de I Par., vi, 68, on lit Jecmaam au lieu de Cibsaim. Y a-t-il là deux localités distinctes ou deux noms d’une même ville ? Nous ne pouvons le savoir au juste. Quelques-uns supposent une faute de copiste produite par la confusion de certaines lettres qui se ressemblent, comme le a, betli, et le -, mem ; le s, tsadé, et le y, ’aïn : O’ï-p, Qibsahn, —

Dynp>, Yoqme’âm. Condor, Handbook to tlie Bible,

Londres, 1887, p. 417, a proposé de reconnaître Cibsaim dans Tell et Qabbus, « près de Béthel, » mais bien plus

près de Jérusalem, vers le nord-est. L’inconvénient, c’est que cet endroit se trouve en pleine tribu de Benjamin.

Voir Jecmaam.
A. Legendre.

CIDARIS (Septante : xîîapi ; ), mot d’origine perse par lequel la version grecque et la version latine désignent dans plusieurs passages la coiffure du grand prêtre, appelée en hébreu : misnéfet, Exod., xxviii, 4 ; Lev., viii, 9 ; xvi, 4 ; Zach., iii, 5 ; et Ezech., xxi, 26, une coiffure royale. On écrit aussi xtTapiç et citaris. Les auteurs profanes entendent par cidaris quelquefois un simple diadème, d’autres fois une véritable coiffure qui s’appelle plus exactement tiare. Cf. S. Jérôme, Epist. Lxiy ad Fabiolam, m, 13, t. xxii, col. 610, 614. Ni les traducteurs grecs ni saint Jérôme n’ont rendu misnéfet d’une manière uniforme. La Vulgate traduit ce mot par tiara, Exod., xxviii, 37, 39, etc. ; par mitra, Exod., xxxix, 26 (hébreu, 28), 30 (31). Voir Coiffure, Mitre et Tiare.

CIEL. Hébreu : samayîm ; Septante : oùpavô ;  ; Vulgate : cœlum. Le Nouveau Testament emploie très souvent le pluriel oùpavo ! , cœli, sans doute par influence du pluriel hébreu, samayîm.

1. CIEL, espace au-dessus de la terre, qui paraît étendu en forme de voûte.

I. Étymologie et synonymes. — D’après Gesenius, Thésaurus, p. 1443, la racine de ce mot, toujours employé au pluriel, serait sâtnâh, avec le sens de « être élevé », « les hauteurs, » comme le mot oùpavri ; , qui vient du radical op, avec la même idée d’élévation. D’après Hommel, Sùdarabische Chrestomathie, in^i", Munich, 1893, p. 19, ce serait un saphel ou causalif, « ce qui produit les eaux » (cf. tnayim, « les eaux » ). Quoi qu’il en soit de l’étymologie, le même mot existe en araméen, en syriaque, en arabe, en éthiopien, en sabéen, en assyrien. Outre le mot samayîm, employé quatre cent vingt-cinq fois environ dans la Bible hébraïque, on trouve employé plus ou ou moins fréquemment divers synonymes. — 1° Mârôm, de la racine rùm, être élevé, « les hauteurs » en général, s’entend particulièrement du ciel en plusieurs endroits : Ps. vii, 8 ; xviii, 17 ; Is., xxiv, 18, 21 ; XL, 26 ; lvii, 15 ; lviii, 4 ; Jer., xxv, 30. Les Septante rendent cette expression par u’J>o ; , în)/TiXâ, o-jpavôî. ; la Vulgate par altum, summum, excelsa. — 2° Ràqîa’, la voûte céleste, en parallèle avec samayîm, Ps. xviii, 2, ce dernier terme exprimant la hauteur, l’autre l’étendue des cieux. Les Septante ont rendu ce mot par uT£péa)(ia, et la Vulgate par firmamentum. Voir Firmament. — 3° Sehdqîm, mot poétique, usité ordinairement au pluriel (au singulier, salfaq, Ps. lxxxix, 7, 38) pour désigner les espaces étendus, comme samayîm désigne les espaces élevés. Gesenius, Thésaurus, p. 1391. Ps. xix, 12. Il est en parallèle avec sâmai/mi, Deut., xxxiii, 26 ; Job, xxxv, 5 ; Ps.xxxvi, 6 ; lvii, 11 ; cviii, 5 ; .1er., li, 9.

II. Acceptions diverses du mot « ciel ». — 1° Le mot « ciel » désigne proprement les espaces élevés, qui paraissent comme une voûte demi-sphérique au-dessus de la terre. Comme les nuages semblent se mouvoir et les oiseaux voler sur la surface interne de cette voûte, la partie de l’espace qu’ils occupent prit le nom de « ciel » ; ainsi. on dit souvent « les nuées du ciel, les oiseaux du ciel ». En ce sens, le mot « ciel » est synonyme de l’air ou atmosphère dans ses parties élevées. Aussi quand les nuages s’abaissent, on dit que « le ciel s’abaisse sur la terre ». Ps. xviii, 10. Au-dessus de cette voûte, les astres semblent se mouvoir : cette partie supérieure de l’espace prend aussi le nom de ciel, par exemple, « les astres du ciel ». C’est en ce sens qu’on dit, dans l’Ancien Testament, « le Dieu du ciel, » II Par., xxxvi, 23 ; I Esdr., i, 2 ; IIEsdr., 1, 4 ; Jon., i, 9 ; Ps. cxxxvi, 26, etc., équivalent de la formule plus ancienne : s Élohim ou Jéhovah Sabaoth, Dieu des armées célestes, » c’est-à-dire de la multitude bien

ordonnée des astres. Ainsi on appelle ciel l’espace au-dessus et au-dessous de la voûte ou firmament du ciel. II y a là un fondement de la division du ciel en deux : le ciel atmosphérique et le ciel sidéral, qui ne se trouve nulle part cependant nettement exprimée, sauf peut-être II Cor., xii, 2, où l’on ajoute un troisième ciel, résidence de Dieu et des élus. — 2° Par delà le ciel sidéral, Job, xxii, 12, au delà de la portée de la vue, les Hébreux plaçaient le séjour de Dieu et de ses anges ; et le Nouveau Testament y place aussi le séjour des âmes justes. Voir Ciel 2..

III. Le ciel selon les idées des Hébreux. — Selon les idées populaires, les cieux étaient ces espaces supérieurs, séparés de la terre par une voûte, appelée « firmament du ciel », Gen., i, 14, 15 ; et aussi simplement « les cieux ». Job, ix, 8 ; Ps. xviii, 10 ; Is., xiiv, 24 ; xlv, 12 ; li, 13 ; Jer., x, 12 ; Zach., xii, 1. C’est pourquoi les cieux sont comparés poétiquement à un voile léger, à une tente. Is., xl, 22 ; Ps. civ, 2. Les points où la voûte céleste touche la terre sont les extrémités du ciel, Ps. XIX, 7 ; on y distingue les quatre points cardinaux. Jer., xlix, 36. Voir Cardinaux (points), t. ii, col. 258. L’ensemble de ces points de contact forme un grand cercle, l’horizon. Job, xxii, 14. Toute cette voûte est soutenue par quatre colonnes aux quatre points cardinaux. Job, xxvi, 11. De là partent les quatre vents du ciel. Zach., il, 10 ; vi, 5, etc.

Au-dessus de cette voûte solide, l’imagination populaire plaçait un océan céleste, les eaux supérieures, Gen., i, 7 ; vii, 11 ; Ps. xxix, 3 ; civ, 3 ; cxlviii, 4 ; réservoir des eaux de pluie. Job, xxxviii, 37. C’est par des fenêtres treillissées, Gen., vii, ii, ou des portes, Ps. lxxviii, 23, placées dans cette voûte, que tombait la pluie, Gen., vil, 11 (voir Cataractes du ciel, t. ii, col. 348), et la rosée du ciel. Gen., xxviii, 28. C’est par les portes du ciel que tombe aussi la inanne, le blé des cieux. Ps. i.xxviii (Vulgate, lxxvii), 23, 24 ; cv, 40 ; Sap., xvi, 20. C’est dans le ciel que Dieu a établi la demeure du soleil, Ps. xix, ^, de la lune et des étoiles, Gen., i, 14-19 ; xxii, 17 ; Exôd., xxxii, 13 ; Is., xtn, 10, etc. Le soleil le parcourt d’une extrémité à l’autre, Ps. xix, 7 ; une fois, sur l’ordre de Josué, il s’arrêta en son milieu. Jos., x, 13. Du ciel Dieu envoie la foudre et les éclairs, Job, xxxvii, 3 ; la lumière. Eccli., xxiv, 6.

IV. Locutions hébraïques et comparaisons. — Pour désigner l’univers, l’ensemble des êtres créés, les Hébreux disent : « les cieux et la terre. » Gen., i, 1 ; ii, 1 ; xiv, 19, 22. « Dieu, qui a fait les cieux et la terre, » est une expression qui revient souvent pour exprimer l’idée que Dieu est créateur de toutes choses, Ps. cxxxiii, 3, etc. « Sous les cieux, » Eccl., i, 13 ; ii, 3, etc., « sous tous les cieux, » Gen., vii, 19 ; Deut., ii, 25 ; Job, xxviii, 24, etc., sont comme dans nos langues occidentales l’équivalent de « sur la terre », « sur toute la terre. » De même, « jusr qu’au ciel » est une hyperbole pour désigner une très grande hauteur. Gen., xi, 4 ; Deut., iv, 11 ; Jos., viii, 20 ; Dan., iv, 8, etc. La même locution se prend au sens moral pour marquer un orgueil démesuré. Job, xx, 6 ; Is., xiv, 13-15, etc. « Les cieux et les cieux des cieux » est l’expression consacrée pour désigner les espaces infinis. Deut., x, 14 ; III Reg., viii, 27, etc.

E. Levesque.

2. CIEL, séjour de Dieu, des anges et des élus.

I. Le ciel demeure de Dieu. — On peut ramenef à trois catégories les différents passages qui contiennent l’enseignement de la Bible sur le premier point, la demeure personnelle de Dieu. — 1. D’abord, fl’une façon générale, le ciel est tellement son propre séjour, qu’il sert à marquer sa divinité. On l’appelle « Celui qui habite dans les cieux », Ps. ii, 4 ; ou encore le « Père céleste, le Père qui est aux cieux ». Matth., vi, 1 et 9 ; vii, 11 ; x, 32-33, etc. Celte dernière formule est celle qu’emploie d’ordinaire Jésus-Christ pour désigner Dieu le Père. En

général, le ciel, considéré comme demeure personnelle de Dieu, nous est présenté comme un palais, Ps. x, 5 ; xvii, 10 ; ou un sanctuaire, Mich., i, 2 ; ou un trône qui sert à la Divinité. Is., vi, 1 ; Matth., v, 34 ; Apoc, iv, 2. — 2. C’est presque toujours au ciel que les relations de Dieu avec l’homme ont leur point de départ. C’est de là, entre autres, qu’on entend la voix du Père, quand il veut lui-même annoncer au monde la filiation divine de JésusChrist. Matth., iii, 17 ; cf. Luc, ix, 35. C’est de là aussi que descendent le Fils et le Saint-Esprit : le premier, pour s’incarner dans le sein de la Vierge Marie, Joa., vi, 38, 41, etc. ; le second, pour se manifester au baptême du Christ sous la forme d’une colombe. Matth., iii, 16. — 3. Enfin le ciel, qui était dès l’origine la demeure du Fils de Dieu, considéré comme tel, est devenu en outre, après l’incarnation et l’ascension, le séjour de Jésus-Christ considéré comme homme. Marc, xvi, 19 ; Act., i, 11. C’est de là qu’il descendra, à la fin des siècles, pour juger le monde. I Thess., iv, 15.

— Notons bien que ce langage, en ce qui concerne du moins la Divinité proprement dite, ne doit pas être pris dans un sens trop exclusif ou trop littéral. La Bible enseigne nettement, et plus d’une fois, l’existence de cet attribut divin qu’on appelle 1 immensité. Loin d’être circonscrit ou limité par une demeure locale proprement dite, Dieu coexiste à tous les points de l’espace. « Ni le ciel, ni les cieux des cieux ne peuvent te contenir, à plusforte raison le temple que j’ai bâti. » III Reg., viii, 27 ; cf. II Par., ii, 6 ; vi, 18 ; ls., lxvi, 1. Lors donc que la Bible parle d’un séjour spécial de la Divinité, ce n’est pas pour exclure son omniprésence ni son immensité, c’est simplement pour s’accommoder à la faiblesse humaine qui a besoin de localiser toutes choses, et aussi pour nous apprendre que Dieu manifeste davantage au ciel sa puissance et son amour. Plus sa gloire se révèle quelque part avec éclat, plus sa présence y est accusée. Or le ciel est le théâtre par excellence des manifestations divines.

II. Le ciel demeure des anges. — Séjour de Dieu, dans le sens qu’on vient d’expliquer, le ciel est aussi la demeure des Anges. Matth., xxii, 30 ; Marc, xii, 25 ; Gal., i, 8. Saint Paul, parlant de la Jérusalem céleste, mentionne les milliers d’anges qui s’y trouvent. Hebr., xii, 22. L’ange Raphaël, dans son entretien avec Tobie, se donne comme « un des sept qui se tiennent devant le Seigneur ». Tob., xii, 15. La fonction des anges au ciel est de rendre gloire à Dieu. Apoc, v, 11, 12 ; cf. Is., vi, 3. Ils servent comme d’assistants à son trône, toujours prêts à exécuter ses ordres. Dan., vii, 10. Même quand ils remplissent une mission divine auprès des hommes > ils contemplent « la face du Père qui est aux cieux ». Matth., xviii, 10. Le ciel des anges n’est donc pas le ciel sidéral, comme quelques-uns l’ont prétendu. Kurtz, Bibel und Astronomie, 3e édit., 1853, p. 173. On ne peut invoquer aucun passage de la Bible pour soutenir cette opinion étrange, qui loge les anges dans les étoiles fixes.

III. Le ciel demeure des bienheureux. — Le ciel, d’après la Bible, est-il aussi le séjour des bienheureux ? La réponse affirmative n’est pas douteuse. Mais elle n’est pas donnée avec la même netteté, tant s’en faut, par l’Ancien et le Nouveau Testament. Les justes de l’ancienne loi étant obligés, après leur mort, d’attendre la venue du Messie pour aller au ciel, il n’est pas étonnant que la révélation juive ait été très sobre sur le lieu de leur éternelle destinée. C’est donc à bon droit qu’il faut distinguer ici la doctrine des deux Testaments.

1° Ancien Testament. — Il nous enseigne clairement la survivance de l’âme après la mort. Voir Ame. Mais il n’est pas si explicite, surtout à l’origine, quand il s’agit de marquer le sort qui est réservé dans l’autre vie à l’âme séparée. La révélation biblique a été progressive sur ce point, comme sur bien d’autres. L’eschatologie de l’Ancien Testament ne met en relief qu’une chose, au point

de vue que nous étudions : c’est la différence absolue de condition qui sépare les justes et les méchants dans la vie future. Et encore cette distinction n’est-elle formulée qu’assez tard, du moins avec toute la clarté désirable. — 1. Ni le Pentateuque, ni les autres livres les plus anciens de la Bible, n’exposent clairement le dogme des récompenses après la mort. Ce silence, — qui est loin d’être une négation, — s’explique de la part de Moïse, qui n’avait nullement l’intention de faire un exposé méthodique des croyances religieuses des Hébreux, et qui, se considérant avant tout comme un législateur civil et politique, ne voulut pas appuyer son œuvre sur une base essentiellement religieuse, telle que la sanction de la vie future. Il pouvait craindre aussi que la mention d’une récompense ultra-terrestre ne favorisât les tendances idolâtriques du peuple charnel qu’il gouvernait. La perspective des félicités d’ici-bas était beaucoup plus à la portée des Hébreux, et Moïse crut devoir s’en contenter. — 2. D’une façon générale, le séjour des âmes après la mort est appelé, dans l’Ancien Testament, le Se’ôl, lieu sombre et profond qui servait indistinctement de demeure aux bons et aux méchants. Gen., xxxvii, 35 ; Num., xvi, 30 ; Job, x, 21-22 ; Is., xxx viii, 18. Au reste, cette croyance à un séjour commun n’implique pas nécessairement, tant s’en faut, la croyance à une situation identique pour les justes et les impies. Mais Dieu n’ayant pas jugé à propos de révéler immédiatement la différence de condition qui les séparait, on s’explique l’obscurité et l’indécision qui enveloppent tout d’abord la doctrine biblique. Cette obscurité d’ailleurs se dissipe peu à peu, à mesure qu’on avance vers les temps messianiques. — 3. Certains interprètes ont cru voir dans le livre de Job, xix, 23-27, la croyance à une récompense céleste, quand Job s’exprime ainsi :

Je sais que mon vengeur est vivant,

Et que le dernier il sera debout sur la poussière.

De ce squelette, recouvert de sa peau,

De ma chair je verrai Dieu.

C’est bien moi-même qui le verrai ;

Mes yeux le verront, et non un autre ;

Mes reins se consument dans cette attente.

(Traduction sur l’hébreu.)

Ce passage contient sans doute la doctrine de la résurrection de la chair, mais non celle d’une récompense qui serait la vision de Dieu. Job n’affirme qu’une chose, c’est qu’il verra Dieu comme vengeur et justicier. « Il n’y a qu’une circonstance, dit avec raison M. Lesêtre, Commentaire sur Job, p. 129, où Job puisse voir Dieu de ses yeux, et où cette vision soit un argument pour ses amis, c’est le moment de la résurrection qui précédera immédiatement le dernier jugement. Le corps de Job sera dans le tombeau ; près de lui se dressera la stèle, témoin irrécusable de son espérance. Sur la poussière de la tombe se tiendra debout le Rédempteur, devenu juge universel ; par sa puissance, il rendra la vie à ce corps, autrefois si éprouvé ; il convoquera les amis de Job, ressuscites comme lui, et enfin il prononcera le jugement. Les trois amis se convaincront alors que Job est innocent, et qu’il a eu raison d’en appeler à cette sentence suprême. » — 4. On trouve quelques allusions plus ou moins nettes à une récompense future dans les passages suivants : Num., xxm, 10, où Balaam exprime le vœu que son âme meure de la mort des justes ; Ps. lxxii, 24, où le psalmiste affirme que Dieu le prendra plus tard dans sa gloire ; Ps. xvi, 15, où David prie Dieu qu’il puisse contempler sa face, et à l’heure du réveil se rassasier de sa vue. — 5. Le dogme d’une récompense éternelle est mentionné plus clairement par les prophètes de la captivité et les livres deutérocanoniques. Daniel nous affirme que « ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour un opprobre qui durera toujours. Les sages brilleront comme l’éclat du firmament, et ceux qui enseignent aux autres la justice

seront étincelants comme les astres pendant toute l’éternité ». Dan., xii, 2-3. — Dans le livre qui porte son nom, le vieux Tobie tient un langage analogue. Il n’est soutenu dans ses œuvres de charité que par l’espérance de la vie future. « Nous sommes les enfants des saints, et nous attendons cette vie que Dieu donnera à ceux qui lui restent fidèles. » Tob., ii, 18. La même pensée se retrouve dans les conseils qu’il donne à son fils. « Sois charitable, lui dit-il, en la manière que tu pourras. .. Tu amasseras ainsi un trésor de récompenses pour le jour du besoin. Car l’aumône délivre du péché et de la mort, et elle empêchera l’âme d’aller dans les ténèbres. » Tob., iv, 8-11. L’ange Raphaël est encore plus explicite : « L’aumône délivre de la mort ; c’est elle qui efface les péchés, et qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle. » Tob., xii, 9. — Le livre de la Sagesse, m, 1-4, nous apprend que « les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; le tourment de la mort ne les touchera pas. Aux yeux des insensés, ils ont paru mourir… ; mais ils sont en paix. Malgré les souffrances qu’ils ont endurées devant les hommes, leur espérance est riche d’immortalité », — Le second livre des Machabées, vii, 9, 11, 14, 23, 36, parle aussi en général des récompenses de la vie future, en les associant d’ailleurs, comme le livre de Daniel, à la résurrection des corps. — On voit, par ce court exposé, comment et jusqu’à quel point s’est développé, dans l’Ancien Testament, le dogme d’une récompense ultra-terrestre. Si Dieu a mesuré sa lumière aux Juifs avec une certaine parcimonie, c’est uniquement pour s’accommoder à leur faiblesse et à leurs besoins. Il convenait que le Christ seul nous révélât complètement le bonheur du ciel, puisque lui seul devait nous y introduire.

2° Nouveau Testament. — Il a ceci de commun avec l’Ancien, que tous deux proclament, — et c’est le point capital, — l’existence d’une sanction éternelle différente pour les bons et les méchants après leur mort. Les bons auront la « vie éternelle » : c’est la formule employée par les deux Testaments pour caractériser leur sort ultra-terrestre, Dan., xii, 2 ; Matth., xxv, 46, etc., formule qui équivaut de tous points à celle d’une récompense éternelle proprement dite. Mais la révélation juive se tait sur trois points de la plus haute importance, à savoir : le lieu général du séjour des justes, le moment précis où commence leur bonheur, et la nature de la récompense qui leur est réservée. La révélation chrétienne a merveilleusement complété la première sous ce triple rapport. Elle nous apprend, en effet, que les justes qui sont entièrement purifiés de leurs fautes vont au ciel, séjour de la Divinité ; que leur bonheur commence aussitôt après la mort, sans attendre la résurrection générale ; et que ce bonbeur consiste, d’une façon sommaire, à voir Dieu face à face pendant l’éternité.

1. Tantôt la récompense des justes est placée en propres termes au ciel, ou dans le royaume de leur Père : « Réjouissez-vous et tressaillez d’allégresse, car votre récompense est abondante dans les cieux, » Matth., v, 12 ; « les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père, » Matth., xiii, 43 ; cf. Luc, vi, 23 ; tantôt c’est avec Jésus-Christ lui-même qu’on nous montre les élus, I Thess., iv, 17 ; cf. Philip., i, 23 ; et tantôt on affirme qu’ils jouissent de la vue de Dieu tel qu’il est. I Joa., m, 2. Toutes ces formules sont équivalentes entre elles. Jésus-Christ, dans son discours après la cène, quelques 1 heures avant de quitter ses disciples, insiste également l sur la pens.ée du ciel : a II y a plusieurs demeures dans j la maison de mon Père. S’il en était autrement, je vous l’aurais dit, car je vais vous préparer une place. Et lorsque je serai parti et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous soyez aussi. » Joa., xiv, 2-3. Il résulte clairement de ce passage que Jésus-Christ ne jouira pas seul . de la félicité qui l’attend a^rès sa mort dans la demeure

de son Père, et que ses disciples seront associés à son bonheur et à sa gloire. Aussi, quand saint Paul nous le montre pénétrant au ciel, il l’appelle notre « précurseur » (Tcpo8pô|io ; ). Hebr., iv, 14 ; vi, 20. Saint Jean, dans l’Apocalypse, vu, 9, parle d’une « foule innombrable venue de toutes nations, tribus, peuples et langues, qui se tenaient devant le trône et en présence de l’Agneau ». Or cette description concerne le séjour des bienheureux et non un prétendu règne temporel du Christ à la fin du monde. — Rien, dans la Bible, ne justifie la théorie des sept cieux, qui est exposée par les cabbalistes juifs et les apocryphes chrétiens. Saint Paul parle bien d’un ravissement au troisième ciel, et au paradis, II Cor., xti, 2, 4. Mais la première expression désigne le ciel divin, par opposition au ciel atmosphérique et au ciel sidéral. Quant à là seconde, elle signifie, d’après les uns, non un ciel distinct de celui des bienheureux, mais un de gré plus élevé du même lieu et du même bonheur. D’après les autres, les deux formules de l’Apôtre sont entièrement synonymes. Voir R. Cornely, Comment. Altéra Epistola ad Corinthios, 1892, p. 320.

2. Les âmes des justes qui ont tout expié sont admises au ciel aussitôt après la mort, sans attendre le jugement général. Voici, en effet, ce que dit saint Paul, pour encourager les ouvriers apostoliques dans leurs pénibles labeurs d’ici-bas : « Nous sommes toujours pleins de confiance, sachant que pendant notre séjour dans le corps nous sommes loin du Seigneur en terre étrangère, puisque c’est le lieu de la foi et non de la vision. Aussi nous nous réjouissons, pleins de confiance à la pensée de quitter le corps et d’habiter avec le Seigneur. » II Cor., v, 6-8. Ailleurs, il s’exprime ainsi, tourmenté à la fois par le désir du ciel, qui suppose la mort, et par la pensée d’être utile à ses chrétiens en restant avec eux : « Je suis pressé d’un côté par le désir de voir mes liens se rompre et d’être avec le Christ, ce qui est de beaucoup le parti le meilleur, et de l’autre par la pensée que mon séjour dans le corps vous est nécessaire. » Phil., i, 23-24. Toutes ces déclarations de l’Apôtre n’auraient aucun sens, s’il n’avait espéré sa participation immédiate à la béatitude éternelle.

3. Deux traits généraux caractérisent la nature de la récompense céleste. Elle est à la fois absolue et relative, en ce sens que chacun des bienheureux jouit d’une félicité parfaite, puisqu’elle est divine, mais dans une mesure inégale et proportionnée aux mérites de chacun. — 1° Le bonheur du ciel, considéré au point de vue absolu, nous est présenté sous une double forme, négative et positive. Au sens négatif, il exclut toute souffrance ; les élus « n’auront plus ni faim ni soif, ils ne sentiront plus les ardeurs du soleil ni de l’été… Dieu essuiera toutes leurs larmes ». Apoc, vii, 16-17 ; cf. xxi, 4. Au sens positif, le bonheur du ciel consiste à voir Dieu tel qu’il est. « Maintenant nous voyons en un miroir et dans l’obscurité ; mais alors ce sera face à face. Maintenant je connais d’une façon très imparfaite ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu. » I Cor., xiii, 12. « Maintenant nous sommes les enfants de Dieu ; mais ce que nous serons plus tard n’apparaît pas encore. Nous savons au reste qu’au moment de cette apparition nous lui serons semblables ; car nous le verrons tel qu’il est. » I Joa., iii, 2. D’où les théologiens catholiques ont conclu avec raison qu’au ciel nous verrons Dieu sans intermédiaire et intuitivement. Cette vision intuitive n’ira pas d’ailleurs jusqu’à nous faire connaître Dieu autant qu’il se connaît lui-même ; en d’autres termes, elle ne sera pas la compréhension de la divinité. Quand saint Paul affirme qu’il connaîtra comme il est connu, ce n’est pas un rapport d’égalité impossible, mais de similitude, qu’il entend établir entre la connaissance de Dieu et celle des élus. — À rencontre des textes si formels qui placent le bonheur du ciel dans la vision de Dieu tel qu’il est, on pourrait objecter les passages bibliques où cette vision semble présentée comme inaccessible, impossible. I Tim., i, 17 ; VI, 16. Mais la réponse

est facile. Ces passages prouvent simplement le caractère surnaturel de la vision intuitive. Pour y atteindre, le secours de la grâce est absolument nécessaire à la créature. D’où cet autre mot de saint Paul : « L’œil de l’homme n’a pas vii, son oreille n’a pas entendu, et son cœur n’a pas soupçonné les biens que Dieu a préparés à ceux qui l’aiment. » I Cor., ii, 9. — Les descriptions que fait l’Apocalypse du bonheur du ciel étant symboliques, on ne s’étonnera pas que nous les passions sous silence. Elles reviennent d’ailleurs, en somme, aux deux traits généraux que nous avons signalés. — 2° Le bonheur des élus, quoique foncièrement le même, comporte cependant des inégalités réelles, qui sont proportionnées aux mérites de chacun. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. » Joa., xiv, 2. « Le Fils de l’homme viendra avec ses anges dans la gloire de son Père, et alors il rendra à chacun suivant ses œuvres. » Matth., xvi, 27 ; Cf. Rom., ii, 6 ; Apoc, xxii, 12. « Autre est la clarté du soleil, autre la clarté de la lune, autre la clarté des étoiles. Ainsi pour la résurrection des morts. » I Cor., xv, 41. Ce dernier passage suppose d’ailleurs la résurrection opérée.

Bibliographie. — Muratori, De paradiso regnique cœlestis gloria, non expectata corporum resurrectione, in-4°, Vérone, 1738 ; ’Plazza, Dissertatw anagogica, theologica, parsenetica de paradiso, in-4°, Palerme, 1762 ; Barcellona, La félicita de’Santi, in-4°, Palerme, 1801 ; Calmet, Dissertation sur la nature de l’âme et son état après la mort, d’après les Hébreux, dans ses Nouvelles dissertations, Paris, 1720 ; traduit en latin dans le Cursus completus Scripturss Sacræ, de Migne, t. vu ; Th. Henri Martin, La vie future suivant la foi et suivant la raison, in-12, 3e édit., Paris, 1870, p. 57-188 et 523-526 ; Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, in-12, 4e édit., Paris, 1884, t. iii, p. 101-180 ; Siuri, De novissimis, in-4°, Valence, 1756 ; Katschthaler, De regni divini consummatione seu eschatologia, in-8°, Ratisbonne, 1888 ; Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung im Alten und Neuen Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1890 ; Kahle, Biblische Eschatologie, A810 ; Hurter, Theologise dogmalicse compendium, 7e édit., Inspruck, 1891, t. iii, p. 588-590, 623-635 ; Chambers, Our life afler dealh, or the teaching of the Bible concerning the unseen world, in-8°, Londres, 189 ! -.

J. Bellamy.

CIGOGNE. Hébreu : liâsîdâh ; Septante : àtn’Sa, Job, xxxix, 13 ; Jer., viii, 7 (àssêa, qui n’a point de sens en grec, où cigogne se dit itEXapyô ; , n’est que la transcription de l’hébreu) ; Vulgate : ciconia. L’hébreu nomme six fois la cigogne ; les Septante dans quatre passages, et la Vulgate dans cinq, traduisent par héron, pélican, milan, huppe ; et même, dans le seul passage où elle porte ciconia, Jer., viii, 7, la Vulgate traduit hâsîdâh par « milan », et elle donne le nom de cigogne à la grue, ’àgûr.

I. Histoire naturelle de la cigogne. — La cigogne (fig. 278) est un échassier, appartenant au sous-ordre des hérodiens, comme le héron et la grue. Elle a un long bec pointu, le cou très allongé, les pattes très hautes, et aux pieds quatre doigts, dont trois réunis en avant par une membrane. Les ailes, sans être très grandes, donnent à l’oiseau le plus gracieux aspect quand il vole. Dans une de ses visions, Zacharie, v, 9, voit deux femmes qui volent, « avec des ailes comme celles de la cigogne. » Cet oiseau n’a point de cri ; mais il choque l’une contre l’autre les deux parties de son bec, et produit ainsi, surtout quand il est effrayé, un clapotement qui rappelle le bruit des castagnettes et s’entend fort loin. La cigogne vit de quinze à vingt ans ; elle habite au bord des rivières et des marais, et se nourrit de poissons, de reptiles et même de bêtes déjà mortes. Le nom hébreu de la cigogne signifie « la pieuse », par opposition avec l’autruche, que les Arabes appellent « l’oiseau impie ». Voir Autruche.

La cigogne est, en effet, remarquable par sa tendresse pour ses petits, et par la reconnaissance qu’elle témoigne à l’égard de ses parents, contrairement à ce que font la plupart des autres oiseaux. Aristote, Hist. anim. f IX, 14 ; Pline, H. N., x, 23 ; Elien, Hist. anim., iii, 23 ; x, 16. On a vu des cigognes faire toutes sortes d’efforts pour arracher leurs petits à l’incendie, et périr elles-mêmes avec eux, plutôt que de les abandonner. La cigogne s’attache aisément à l’homme et aux endroits où elle est née. Elle y revient chaque année en manifestant la plus grande joie et occupe la même place de génération en génération,

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270. — La cigogne.

pour peu qu’on l’y supporte avec bienveillance. Aussi les peuples anciens, particulièrement les Égyptiens, ont eu une sorte de vénération pour cet oiseau à la démarche grave et aux mœurs si sympathiques. Aujourd’hui encore, dans la plupart des pays, on accueille la cigogne comme une messagère de bonheur et on respecte son nid avec le plus grand soin. L’oiseau apprécie ces bons procédés au point de renoncer parfois à ses émigrations annuelles, pour demeurer aux endroits où il se sent bien traité. Il y a plusieurs variétés de cigognes. La « cigogne blanche » se trouve en Palestine et dans presque tous les pays. La « cigogne noire » est plus sauvage. Elle fuit le voisinage <lc l’homme, habite les déserts, fait son nid dans les arbres, au plus épais des forêts, et vit en troupes, comme le héron. Elle abonde autour du lac Mérom et de la mer de Galilée ; dans les bas-fonds de la mer Morte, elle se nourrit des poissons du Jourdain qui ont péri empoisonnés par les sels en dissolution dans les eaux de la mer. Les Arabes du nord de l’Afrique lui donnent le nom de « marabout », ou oiseau du prophète. Ce même nom sert aussi à désigner la cigogne à sac, autre variété qui vit dans les Indes et au Sénégal.

IL La cigogne dans la Sainte Écriture. — 1° Moïse range la cigogne parmi les oiseaux dont il est défendu de manger la chair. Lev., xi, 19 (hébreu) ; Deut., xiv, 18 (hébreu). Cette chair est, en effet, noire et de très mauvais goût. — 2° « La cigogne habite dans les berosîm, « cyprès. » Ps. civ (hébreu), 17. En Orient, cet oiseau place son nid dans les ruines, à proximité des eaux et des marais. On en voit une grande quantité sur les deux rives du Jourdain. Quand les ruines ou même les constructions plus modernes font défaut, la cigogne choisit un

arbre haut et fort, sur les branches duquel elle puisse établir une plate-forme de branchages pour y poser son nid. Il est à noter que du temps du psalmiste les ruines étaient rares et les cyprès beaucoup plus abondants qu’aujourd’hui. C’est donc sur les arbres que la majorité des cigognes de l’époque faisaient leur nid. — 3° « La cigogne connaît le temps de son retour. » Jer., viii, 7. La cigogne émigré tous les ans. Tristram a vu des bandes de cigognes apparaître soudainement et prendre leur vol vers le nord, le 22 mars en 1858, le 24 en 1864. L’émigration se poursuit jusqu’aux premiers jours de mai. Toutes partent, excepté celles qui peuvent trouver une nourriture suffisante dans quelques terrains marécageux. C’est au commencement de mai qu’elles arrivent en Russie. Contrairement à l’usage de la plupart des autres oiseaux émigrants, elles voyagent de jour et à une grande hauteur. Aux approches de l’hiver, elles quittent les pays du nord, où le froid ne leur permettrait plus de trouver leur nourriture, et elles reviennent à leur station hivernale. La Palestine est pour la cigogne un séjour d’hiver, tandis que nos pays et même l’Italie sont pour elle un séjour d’été. Virgile, Géorgiques, ij, 319. — 4° Job, xxxix, 13 (hébreu), dit de l’autruche, pour distinguer sa marche rapide d’avec le vol des autres oiseaux : « Est-ce l’aile de la cigogne et sa plume ? » L’aile de la cigogne a des pennes noires qui tranchent avec la blancheur des autres plumes. Cf. Zach., v, 9. Tristram, Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 111 ; The natural history of the Bible, Londres, 188D, p. 244 ; Wood, Bible

Animais, Londres, 1884, p. 478.
H. Lesêtre.

CIGUË. — I. Description. — On donne le nom vulgaire de ciguë à plusieurs herbes de la famille des ombel 279. — Grande cigu6 (Conlum maculatum").

lifères ayant un port analogue et surtout renfermant dans leurs tissus un alcaloïde nommé cicutine ou conicinc,

doué de propriétés narcotiques au plus haut degré. Elles peuvent d’ailleurs appartenir à des genres fort différents, dont plusieurs se trouvent en Palestine. La vraie Cicuta virosa (ciguë aquatique) n’est pas de ce nombre ; elle habite seulement la zone tempérée, froide, et ne descend pas jusqu’à la région méditerranéenne. Mais on rencontre en Syrie plusieurs ciguës terrestres connues par leur poison actif et caractérisées par leur odeur vireuse. Les principales sont : 1° le Conium maculatum ou grande ciguë (fig. 279), aussi commun en Syrie qu’en Europe ; il habite les lieux incultes et parmi les décombres, où il se reconnaît aisément à sa tige élancée, dépassant un mètre de hauteur, fétide et tachetée de points rougeàtres. Ses Heurs sont blanches, ses fruits à côtes crénelées. — 2° UJElhuta Cynapiam (petite ciguë, faux persil ou persil

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280. — Petite ciguë i^thusa Cynapium).

des fous) (fig. 280) croît dans les décombres, et aussi, fréquemment, dans les champs cultivés, où sa ressemblance avec le persil le rend fort dangereux. F. Hy.

II. Exégèse. —. D’après certains interprètes, tels que 0. Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 46, cette plante est désignée dans l’Écriture sous le nom de rô’S. Deut., xxix, 17 (Vulgate, 18) ; xxxii, 32, 33 ; Ps. lxix (Vulgate, lxviii), 22 ; Jer., viii, 14 ; ix, 14 ; xxiii, 15 ; Lam., iii, 5, 19 ; Ose., x, 4 ; Am., vi, 12. La raison principale sur laquelle ils s’appuient est que dans plusieurs de ces passées, comme Deut., xxix, 17 (Vulgate, 18) ; Ps. lxix (Vulgate, lxviii), 22, et surtout Deut., xxxii, 33, où il est mis en parallèle avec le venin du serpent, le rô’s semble une plante vénéneuse. Cependant le rô’s est habituellement en parallèle avec l’absinthe, et paraît, comme cette dernière plante, produire ordinairement un breuvage troublant plutôt qu’un poison violent et rapide. De plus, d’après Osée, x, 4, le rô’s croît dans les sillons des champs de blé ou d’orge : ce qui ne convient certainement pas à la grande ciguë ; on y trouve sans doute quelquefois la petite ciguë (que les Hébreux du reste pouvaient comprendre sous la même dénomination), mais pas assez habituellement ni en assez grande quantité pour vérifier la comparaison du prophète. Aussi la plupart des interprètes se prononcent pour l’ivraie ou pour le pavot, à qui tous lès caractères du rô’s s’appliquent beaucoup mieux. La Vulgate a traduit ordinairement rô’s par « fiel ». Voir Fiel. E. Levesque.

C1LICE, Hébreu : saq ; Septante : ra « io ;  ; Vulgate : saccuSj cilicium. Ce mot désigne : 1° une étoffe grossière

fabriquée avec des poils de chèvre ou de chameau ; 2° le vêtement qu’on fabriquait avec cette étoffe ; 3° le sac fait avec cette étoffe et dont on se servait pour renfermer et transporter des objets divers, grains, etc. Le mot hébreu Saq est employé dans ce dernier sens. Gen., xlii, 25, 27, 35 ; Lev., xi, 32 ; Jos., ix, 4. La Vulgate traduit iaq, dans tous ces passages, par saccus, excepté Lev., xi, 32, où elle a cilicia. Le mot Saq ne désigne expressément une étoffe que dans Is., iii, 24, mafiâgôrép saq (Vulgate : cilicium), « ceinture faite avec un tissu de poils de chameau. » Partout ailleurs iaq désigne une espèce de vêtement ou de couverture. — Il est question de tissu fait avec des poils de chèvre, ’izzîm (Vulgate : pili caprarum), à l’occasion de la construction du Tabernacle. Moïse demande des poils de chèvre au nom du Seigneur ; les Israélites les lui apportent et les femmes les filent, Exod., xxxv, 6, 23, 26, et l’on en tisse onze pièces pour couvrir le Tabernacle. Exod., xxxvi, 14-16. Cf. xxvi, 7.

I. Sa fabrication. — De tout temps on a fabriqué cette étoffe chez les nomades, les matières textiles d’origine animale se trouvant bien plus à leur portée que les matières végétales, et réclamant beaucoup moins de préparation que ces dernières. Aujourd’hui encore, les femmes arabes fabriquent avec le poil de chameau des étoffes épaisses, rugueuses, mais d’autant plus solides qu’elles ne souffrent pas des intempéries autant que les étoffes végétales. On se sert de préférence des poils qui poussent sur les bosses et sur la croupe de l’animal. Dans quelques endroits on les arrache, mais plus généralement on les tond une fois l’an, et les ouvrières les tissent ensuite. Tristram, The nalural history of the Bible, Londres, 1889, p. 66. La fabrication de ce tissu prit une grande extension en Cilicie, Pline, H. N., vi, 143, ce qui fit que dans le monde grec et romain le Saq prit généralement le nom de « cilice ». Les Ciliciens, grands pirates et hardis navigateurs, centralisaient chez eux la matière première et l’exportaient ensuite après l’avoir ouvrée. À Tarse, saint Paul apprit lui-même le métier de « faiseur de tentes i>, qui lui servit plus tard à gagner sa vie tout en prêchant l’Évangile. Act., xviii, 3 ; XX, 34 ; I Cor., iv, 12 ;

I Thess., iï, 9 ; II Thess., iii, 8, etc. Le métier consistait à tisser le poil de chèvre ou de chameau, en donnant à l’étoffe à peu près la forme définitive qu’elle devait avoir, de manière à éviter tout déchet dans l’assemblage. Tarse possède encore des tisserands dont les instruments très primitifs ne doivent pas différer beaucoup de ceux d’autrefois. « De belles mèches de poils de chèvre sont disposées dans un coin de l’atelier ; un homme les prend, les met à sa ceinture et les file. Le fil, qu’il a produit dans un mouvement en arrière, se double par un mouvement en avant, et enfin se triple par un nouveau retour en arrière qui lui donne sa forme et sa force définitives. Quand la pelote a le poids voulu, on la dépose dans une corbeille, où un autre ouvrier la reprend pour tisser en parties noires, grises ou rougeàtres, les toiles qui serviront à faire des sacs et des tentes à l’usage des hommes du désert. x Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, in-8°, Paris, 1894, t. ii, p. 316.

II. Ses usages. — Le saq, chez les Hébreux, servait principalement, en dehors de la confection des sacs à grains (signification que le mot a conservée dans notre langue), à fabriquer des vêtements grossiers, Esther, iv, 2, lébus saq, « vêtement de poils ; » cf. Matlh., iii, 4 ; Marc, i, 6. Ils étaient portés par les deux sexes. Gen., xxxvii, 34 ; Joël, i, 8 ; II Mach., iii, 19. Leur forme était celle d’un sac sans pli, cf. Is., iii, 24, enveloppant le corps, Jer. xlix, 3 ; on pouvait les serrer au moven d’une ceinture. Is., iii, 24 ; IISam. (II Reg.), iii, 31 ; Ezech., vii, 18. Le cilice, de couleur sombre, cf. Is., L, 3 ; Apoc, vi, 12, servait comme de vêtement de deuil, Gen., xxxvii, 34 ;

II Sam. (Il Reg.), iii, 31 ; Josèphe, Ant. jud., VII, i, 6 ; on le gardait même la nuit. III Reg., xxi, 27 ; Joël, i, 13 ; Esther, iv, 3. Il était revêtu par les suppliants, voir t. iv,

fig. 11, col. 23, III Reg., XX, 31, et par les pénitents (voir plusloin). C’était l’habit ordinaire des prophètes. ls., xx, 2 ; cf. II (IV) Reg., i, 8 ; Matth., iii, 4 ; Marc, i, 6. — A l’époque de Notre -Seigneur, le manteau militaire que les Juifs voyaient sur les épaules des soldats romains était d’un tissu analogue et portait aussi le nom de uâfoi ou sagum. Gesenius, Thésaurus lingux hebrœæ, p. 1336. Les étoffes en poils de chèvre et surtout en poils de chameau servaient aussi à la confection des tentes, cf. Act., xviii, 3, etc., et des voiles de navires. On trouve déjà ces tissus employés pour le Tabernacle. Exod., xxxv, 6, 23, 26 ; xxxvi, 14 ; Nùm., xxxi, 20. Les « noires tentes de Cédar », Cant., i, 4, étaient en poils de chèvre, comme les tentes des Bédouins d’aujourd’hui. Les voiles de navires se fabriquaient en Cilicie, et la trame devait en être assez serrée pour ne pas donner passage au vent.

111. Sa signification symbolique. — La couleur sombre du saq, sa grossièreté, sa rudesse, le rendaient particulièrement apte à caractériser la pauvreté, l’austérité, le deuil et la pénitence. Dans l’Ecclésiastique, xxv, 24, la figure repoussante d’une méchante femme est comparée au saq. Le cilice était surtout l’indice de la pénitence. De là l’expression biblique si souvent répétée : « faire pénitence dans le saq et dans la cendre. » III Reg., xxi, 27 ; IV Reg., vi, 30, etc. ; I Par., xxi, 16 ; Job, xvi, 16 <hébreu, 15) ; Ps. xxix, 12 ; xxxiv, 13 ; lxviii, 12 ; Is., m, 24 ; xv, 3 ; lviii, 5 ; Jer., iv, 8 ; vi, 26, etc. ; Lam., il, 10 ; Ezech., vii, 18 ; xxvii, 31 ; Dan., ix, 3 ; Joël, i, 8 ; Jon., iii, 5, 6, 8 ; Esth., iv, 1 ; I Mach., ii, 14, etc. ; Matth., xi, 21 ; Luc, x, 13. Chez les Hébreux, une pénitence extraordinaire n’allait pas sans ce signe extérieur. Jonas, iii, 8, dit même qu’à Ninive on couvrit du cilice les hommes et les animaux, ce qu’il faut entendre des chevaux, des mulets et des chameaux, auxquels on ôta leurs riches caparaçons pour mettre à la place, en signe du deuil général, . de grossières couvertures. Rosenmùller, Scholia in Prophetas-minores, Leipzig, 1813, t. ii, p. 406.

H. Lesêtre.

CILICIE. — I. Description. — La Cilicie est située sur les bords de la Méditerranée autour du Taurus. Elle était, d’après Strabon, xi, i, 2 ; xiii, 2 ; xiv, v, 1 ; divisée en deux parties, la Cilicie entôtaurique, qui comprenait la chaîne du Taurus et les vallées qu’elle forme, et la Cilicie cxôtaurique, située entre le Taurus et la mer. Il rattache la description de la Cilicie entôtaurique à celle de la Cappadoce. Strabon, xi, i, 2 ; xii, 2 (voir Cappapoce). Cette contrée était divisée en un grand nombre de petits États, dont chacun avait son chef et dont les habitants ne vivaient guère que de brigandage. Strabon, xii, vii, 3.

La Cilicie exôtaurique ou Cilicie propre était elle-même divisée en Cilicie rude ou Trachée, et en Cilicie de plaine. Strabon, xiv, iii, 1. La Cilicie Trachée formait une sorte de demi-cercle convexe, presque entièrement occupé par les ramifications du Taurus. D’après Strabon, xiv, v, 2, « lie commençait à la ville de Coracésium, limite de ce pays et de la Pamphylie. Pline, H. N., v, 93, donne pour limite aux deux provinces la rivière Mêlas, située à trente-neuf kilomètres à l’ouest de Coracésium. Il est très probable que Strabon veut seulement dire que la première ville qu’on rencontre en Cilicie est Coracésium. À partir du cap Anemurium, situé à environ deux cent dix kilomètres à l’est de Coracésium, la plaine devient plus large et moins rocheuse. Une chaîne de montagnes qui part du Taurus se dirige vers le cap Anemurium ; quelques géographes l’ont identifié avec l’Imbarus dont parle Pline, H. N., v, 8 ; mais c’est une conjecture. Entre les deux chaînes se trouve le Calycadmus, le plus grand fleuve du pays, qui coule du nord-ouest au sud-est. Il est alimenté par les torrents du Taurus, et son cours est parfois très rapide. La côte présente un grand nombre de ports et d’abris naturels, et les montagnes offrent des refuges presque inattaquables. Sur les hauteurs poussent des arbres dont le bois est excellent pour les constructions navales. Stra bon, xiv, v, 3 et 6. Les principales villes de la côte sont après Coracésium, Amaxia, Syédra, Celenderis, Holmi, Elæussa.

La Cilicie de plaine, ou Cilicia Campestris, est séparée de la Trachéptide par le cours du Lamus. Strabon, xiv, v, 6. Complètement fermée au nord par le Taurus, elle est limitée à l’est par l’Amanus, et entoure le golfe d’Issus. Strabon, xii, ii, 2. Elle comprend les vallées du Cydmus, du Sarus et du Pyramus. Les alluvions de ce dernier fleuve sont pour le pays une source considérable d’accroissement, de là l’oracle qui avait cours dans l’antiquité : « Un jour viendra où vos fils verront le Pyramus aux flots d’argent, reculant de plus en plus les limites du continent, atteindre jusqu’aux bords sacrés du Cypre. » Strabon, xii, i, 5. Les principales villes de la Cilicie de plaine étaient Soli, Tarse, sur le Cydnus ; Mopsueste, sur le Pyramus ; Mgex, sur le bord de la mer ; Anazarbe, sur un affluent du Pyramus, et Issus, près de laquelle Alexandre défit Darius. Une des principales productions de la Cilicie de plaine était le safran. Pline, H. N., xm. 5 ; xxi, 31. Les Ciliciens élevaient aussi de nombreux troupeaux de chèvres et fabriquaient avec leurs poils un tissu que les Romains appelaient cilicium, d’où est venu notre mot cilice. Cicéron, In Verr. Act. ii, i, 38, 95 ; Tite-Live, xxviii, 7 ; Virgile, Georg., iii, 311, etc. Voir ClUCE. La Cilicie dans son ensemble formait donc une contrée fermée. On y avait accès par d’étroits passages. Xénophon, Anab., i, ii, 19 et 21 ; Hérodien, iii, 8. De tous ces défilés le plus célèbre était les Pyles ou Portes ciliciennes, appelées aussi Pyles de Cilicie et de Syrie, situées près de Tyane, ville de Lycaonie, au nord du Taurus. Strabon, xii, ii, 7. C’est par cet endroit que passèrent Cyrus le jeune, Alexandre le Grand et Septime Sévère, en venant du nord. Saint Paul la traversa en sens contraire, dans son deuxième voyage, en allant de Cilicie en Lycaonie. Act. xv, 41-xvi, 1. Ce défilé porte aujourd’hui le nom de Gulek Boghaz. Avec la Syrie, la Cilicie communiquait par les Pyles Amanides. Polybe, xii, 17. Cf. Neumann, Neues Jahrbuch fur Philologie, 1883, p. 527 et 535. Une grand’route passait, à l’époque romaine, entre l’Amanus et la mer, pour aller de là à Issus, à Tarse et aux Pyles Ciliciennes.

On ignore de quelle race étaient les Ciliciens ; s’ils n’étaient pas Araméens, tout au moins étaientils fortement mélangés avec eux ainsi qu’avec les Phéniciens. Ils prirent une part très active à la fondation des colonies phéniciennes. — Josèphe identifie à tort la Tharsis, dont il est question dans la Genèse, x, 4, avec la Cilicie. « Les Ciliciens, dit-il, s’appelaient autrefois Tharses. » Ant. jud., i, vi, 1. Le seul nom de ce genre qui figure sur les inscriptions cunéiformes est le nom de la ville de Tarse, appelée Tarzou et non Tarschisch. E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 241.

II. Histoire. — 1° La Cilicie au temps des Assyriens.

— C’est au livre de Judith, i, 7, que se rencontre la première mention de la Cilicie dans la Bible. Après sa victoire sur Arphaxad [Voir Arphaxad], Nabuchodonosor, c’est-à-dire Assurbanipal [Voir Assurbanipal], roi des Assyriens, envoya chez un certain nombre de peuples d’Occident des messagers pour faire reconnaître sa puissance. Parmi ces peuples sont nommés : « ceux qui habitent la Cilicie. » Ces peuples chassent honteusement les messagers et refusent obéissance. Holopherne est alors envoyé avec une armée pour les châtier. D’après le texte grec, Judith, ii, 21-23, « ils partirent de Ninive et, après trois jours de marche, ils arrivèrent à Baictilaith, et de Baictilaitli [Voir Bectileth] ils campèrent près de la montagne qui est à gauche de la haute Cilicie, et il (Holopherne) prit toute son armée, ses fantassins et ses cavaliers et ses chariots, et il pénétra dans les montagnes, et il rompit Phud et Lud et ses troupes pillèrent tous les enfants de Rassès et les enfants d’Ismaël, etc. » La Vulgate donne une rédac

tion différente de ce. même passage, ii, 12, 13. « Lorsqu’il eut franchi les frontières de l’Assyrie, il vint à la grande montagne d’Ange [Voir Ange], qui est à gauche de la Cilicie, et il s’empara de toutes leurs places fortes et de tous leurs approvisionnements. Il prit aussi de force la ville très riche de Mélothi, et il pilla tous les habitants de Tharsis et les fils d’Ismaël, etc. » Cette campagne amena la soumission de la Cilicie avec celle des autres peuples, iii, 1. — Dès le règne de Sargon, les inscriptions

L.Thuilh£r, dd’281. — Cllicio à l’époque assyrienne.

cunéiformes parlent des relations de la Cilicie avec l’Assyrie. Ce prince pilla les trésors des rois de Tabal et de Kilakkou. J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 159. Puis il reprit le pays de Qoui. Ibid., p. 165. La neuvième année de son règne, il envoya une expédition contre Ambaride ou Ambris, fils de Kyliya ou Hulli, roi de Tabal, c’est- à- dire du pays situé sur le versant méridional du Taurus. Hulli avait reçu du même Sargon la Cilicie en dot de Marouk, fille du roi assyrien, qu’il avait épousée. Ambris s’était uni aux ennemis de son grand - père. Celui-ci le châtia d’une manière exemplaire. La ville principale, Bit-Burutas ou Buritis, fut saccagée. Ambris fut emmené prisonnier à Ninive ; des colons et un gouverneur assyriens furent envoyés en Cilicie. J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 167 ; G. Rawlinson, The fivegreat monarchies, t. ii, p. 150 ; Herodolus, 2e édit., Londres, 1862, t. i, p. 169 ; F. Lenormant etE. Babelon, Histoire ancienne, 9e édit., t. iv, p. 257. Sous le règne de Sennachérib, vers 701, la Cilicie de nouveau révoltée fut encore vaincue et ses habitants, les Qoui et les Kilakkou, transportés à Babylone, travaillèrent à la construction du palais de Koyundjik. J. Menant, Annales, p. 298 ; G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 175-177, Herodotus, t. i, p. 169 ; F. Lenormant, op. L, p. 314. Vers 685, Assaraddon, attaqua à son tour la Cilicie, prit et pilla vingt et une villes importantes. J. Menant, Annales, p. 242 ; G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 188 ; Herodotus, ibid. ; F. Lenormant, op. I., p. 325. Vers 675, Assurbanipal battit Mugal, roi de Tabal, qui fut obligé d’envoyer une de ses filles au palais du roi d’Assyrie et de lui payer un tribut en chevaux. Sudasarmi ou Sandasarme, roi de Cilicie, qui n’avait jamais été soumis au joug assyrien, conserva la couronne au prix du sacrifice d’une de ses filles. Cylindre A, col. h ; G. Smith, History of Assurbanipal, in-8, Londres, 1871, p. 61-62 ; J. Menant, Annales, p. 258 ; G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 188 ; F. Lenormant, op. L, t. iv, p. 314 ; cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iv, p. 108. La révolte de la Cilicie dont parle le livre de Judith, et la campagne d’Holopherne, se placent après la soumission de Sandasarme. La seule ville de Cilicie qui soit nommée ici est la ville de Tharsis ou Tarse [Voir Tarse]. — Au temps des Assyriens, la Cilicie était habitée par plusieurs peuples,

ainsi que nous venons de le voir. Les Khilakkou occupaient la Cilicie Trachée et le haut des vallées du Sarus et du Pyramus ; les Qoui, la basse vallée de ces deux fleuves. Le Tabal était le pays situé au nord des Kilakkou. La ville de Tarse ou Tarzou était dans le pays des Qoui. Les rois ciliciens sont appelés, par Hérodote, Syennesis ; il est probable que ce mot n’est pas un nom propre, mais un titre. Un Syennesis s’unit à un roi de Babylonie en 610 avant J.-C. pour faire signer la paix entre Crœsus, roi de Lydie, et les Mèdes. Hérodote, i, 74. Un autre donna sa fille en mariage à Pindare, fils de Mausole. Hérodote, v, 118. Un troisième commanda une flotte dans l’expédition de Xerxès, Hérodote, vii, 91, 98. Un quatrième accompagne Cyrus le Jeune dans son expédition contre son frère Artaxerxès. Xénophon, Anab., i, ii, 26. — La quatrième des satrapies formées par Darius portait le nom de Cilicie, mais elle s’étendait au delà de la Cilicie proprement dite. Elle comprenait une partie de l’Isaurie et de la Cappadoce, - jusqu’à l’Halys au nord et jusqu’à l’Euphrate à l’est. Hérodote, v, 52. Le pays continua à être gouverné par des chefs locaux qui payaient tribut au roi de Perse. Hérodote, i, 74 ; iii, 90.

2° La Cilicie au temps des Séleucides. — La Bible cite deux fois la Cilicie comme une des provinces soumises à l’empire des Séleucides. Alexandre Balas était occupé à réprimer une révolte dans ce pays quand Ptolémée VI Philométor entra à Anlioche et réunit la couronne d’Asie à celle d’Egypte. I Mach. xi, 14 (voir Alexandre Balas et Asie). — Alexandre le Grand, dans sa marche contre l’Asie, avait traversé la Cilicie, et c’est dans ce pays que fut livrée la bataille d’Issus. Arrien, Anab., ii, iv, 4 ; xii, 3 ; Quinte-Curce, iii, iv-xii ; J. G. Droysen, Histoire de l’hellénisme, trad. Bouché-Leelercq, in-8°, Paris, 1883, t. i, p. 246-266. Balacros, un des sept gardes du corps du roi de Macédoine, fut établi, en 332, gouverneur de la province avec le titre de stratège et de satrape. Arrien, Anab., ii, xii, 2 ; J. G. Droysen, Histoire de l’hellénisme, 1. 1, p. 276. Après la mort d’Alexandre, la satrapie de Cilicie échut à un officier du nom de Philotas. Arrien et Dexippe, cités par Photius, Bibliot. Cod., lxxxii et xcii, t. ciii, col. 283 et 303 ; Q.-Curce, x ; x, 2 ; Justin, xiii, 4 ; Diodore de Sicile, xviii, 3. Après avoir changé plusieurs fois de mains, la Cilicie fut occupée, vers 294, par Séleucus I" et demeura en la possession de ses successeurs jusque vers 258. Droysen, ouvr. cité, t. ii, p. 547, 579, 590, 591. Ptolémée II Philadelphe la conquit sur Antiochusll Théos. Théocrite, Idyl., xvii, 88 ; Droysen, ouvr. cité, t. iii, p. 310 ; mais la domination égyptienne ne fut que temporaire ; la Cilicie fut rendue à Antiochus par le même Ptolémée avant 348. Droysen, ouvr. cité, t. iii, p. 337, 372, 380. Antiochus IV Épiphane venait de Cilicie, quand il rencontra à Antioche une double députation de Juifs et de Grecs qui venaient se plaindre de l’assassinat d’Onias III. II Mach., iv, 36 (voir Onias III).

La possession de la Cilicie était de la plus haute importance pour les Séleucides, car elle assurait leurs communications entre la Syrie et l’Asie Mineure ; aussi y fondèrent-ils un grand nombre de villes. Quelques autres y furent établies par les Lagides pendant les périodes durant lesquelles ils occupèrent le pays. De ce temps date la fondation d’Antioche, près du Cragus, d’Arsinoë, de Bérénice ; de Séleucie près du Calycadnus, d’Elæoussa, au pied du mont Corycus ; d’Antioche, près du Pyramus ; d’Epiphanie, de Philadelphie, d’Antioche sur mer, d’Antioche du Lamus et de Stratonicée près du Taurus. Tarse et probablement Adana reçurent aussi le nom d’Antioche. Droysen, ouvr. cité, t. ii, append. iii, 2, 8, p. 722-724. Les querelles intestines de la famille des Séleucides eurent pour résultat de rendre la Cilicie plus indépendante. Les Ciliciens devinrent plus que jamais une race de pirates et de marchands d’esclaves, qui lut la terreur de toutes les côtes de la Méditerranée. Strabon, xiv, v, 2 ; Cicéron, Pro lege Manilia, 11 ; Plutarque, Pompée, 24.

3° La Cilicie sous la domination romaine. — Pour purger la Méditerranée de ces brigands, et en même temps pour les punir des secours qu’ils avaient fournis à Mithridate, les Romains attaquèrent la Cilicie. Marc-Anto’ine, Sylla, Pompée, commandèrent les armées romaines qui s’emparèrent du pays, et, en 81, la Cilicie fut érigée en province. Appien, Mithridatica, 105, 106, 118 ; Tite-Live, Epitome, 101 ; Plularque, Pompée, 33. La province nouvelle comprenait, outre la Cilicia campestris et la Cilicia aspera ou trachea, la Pamphylie, la Pisidie, l’Isaurie, la Lycaonie et une partie de la Phrygie, c’est-à-dire les districts de Laodicée, d’Apamée et de Synnada, enfin l’île de Chypre. Telle était encore l’étendue de la

de Teucros, régna aux environs des années 11 à 15 après J.-C. Claude donna la souveraineté d’Olbé à Polémon, roi de Pont, en échange de Pont - Polémoniaque. Dion Cassius, lx, 8 ; Waddington, Revue numismatique, 1866, p. 436 ; W. Ramsay, Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 1893, p. 374. La province romaine de Cilicie n’avait donc, sous les premiers empereurs, qu’une surface très limitée. Elle ne comprenait que la Cilicia campestris, après que Cypre, qui en avait d’abord fait partie, eut été cédée au sénat en l’an 22 avant J.- C Cette petite province est indiquée par Dion Cassius, lui, 12, parmi celles qui furent attribuées à l’empereur en l’an 27 avant J.-C. Il est difficile de savoir si elle avait une ad L. T huilliCT.. dd>

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— Cilicie ù l’époque de la domination romaine.

province, quand Cicéron en fut proconsul, en 51-50 avant J.-C. De 62 à 56 les territoires phrygiens furent attribués à la province d’Asie. Voir Asie. Ils firent de nouveau partie de la Cilicie de 56 à 50, puis en furent de nouveau séparés à partir de 49. En 36, Antoine donna Cypre et la Cilicie Trachée à Cléopâtre et la Cilicia campestris à son fils Ptolémée. Ces dispositions ne survécurent pas à la mort d’Antoine ; Auguste concéda la Cilicie Trachée à Amyntas de Galalie ; puis, en 25, à Archélaûs de Cappadoce, qui donna à Elæussa, île située à l’embouchure du Lamus et dont il avait fait sa résidence, le nom de Sébaste. Hérode le Grand y fut reçu par lui. Josèphe, Ant. jud., XVI, iv, 6 ; x, 7. La famille d’Archelaus posséda la Cilicie Trachée jusqu’au règne de Caligula, qui attribua ce pays à Antiochus IV de Commagàrie. Dion Cassius, lix, 8 ; Tacite, Annal., xii, 35 ; Eckhel, Doctr. Numorum, t. iii, p. 55, 56, 81, 225, 255, 256, 258. Ce n’est qu’en 74 que la Cilicie Trachée fut réunie à la province par Vespasien. Suétone, Vespasien, 8. Auguste conserva encore en Cilicie des princes indigènes à Olbé, au nord de Soli ; un de ces princes, nommé Aias, Bis

ministration propre. Il est deux fois question de gouverneurs sous Tibère et sous Néron, Philostrate, Vita Apollonici, 1, 12, p. 13 ; Tacite, Annal, xiii, 33 ; mais c’étaient très probablement des procurateurs dépendant du légat impérial de Syrie, comme le procurateur de Judée. Nous voyons, en effet, ce légat intervenir souvent avec ses troupes en Cilicie. En l’an 3 et 2 après J.-C, Quirinius combat les Homonadenses dans le Taurus. Tacite, Annal., ai, 48 ; cf. Th. Mominsen, Res gestse divi Augusti, in-b°, Berlin, 1883, p. 172 ; W. Ramsay, ouvr. cité, p. 335 ; O. Hirschfeld, Silzungsberichle der Berlin. Akadem-, 1875, p. 145. Pison, légat de Syrie de 17 à 21 après J.-C, eut la Cilicie dans ses attributions. Tacite, Annal., ii, 78 et 80 ; Zumpt, Commentationes epigraphicse, t. ii, p. 86. C’est encore le gouverneur de Syrie qui, en 36 et en 52, combat les Clitæ tribu pillarde de Cilicie. Tacite, Annal., w, 41 ; xii, 55.

La Cilicie comptait six villes libres : Tarse, qui possédait aussi l’immunité (Pline, H. iV., v, 92 ; Eckhel, Doctr. Numorum, t. iii, p. 73 ; Mionnet, Description des médailles, t. iii, p. 639 ; Suppl., t. vii, p. 266) ; Anazarbe,

qui prit le nom de Césarée, sous Auguste (Eckhel, t. iii, p. 46 ; Mionnet, Descript., t. iii, p. 550 ; Suppl., t. vii, p. 171 ; Ettore de Ruggiero, Dizionar. epigraphico, t. i, p. 466, col. 1) ; Corycus (Eckhel, Doctr., t. iii, p. 53 ; Mionnet, Descript., t. iii, p. 574 ; Suppl., t. vii, p. 204) ; Mopsueste (Eckhel, op. I., t. iii, p. 60 ; Mionnet, Descript., t. iii, p. 592 ; Suppl., t. vii, p. 228) ; Séleucie (Eckhel, t. iii, p. 66 ; Mionnet, Descript., t. iii, p. 605 ; Suppl., t. vii, p. 241) ; Aegeae (Mionnet, Descript., t. iii, p. 539 ; Suppl., t. viii, p. 151).

La Cilicia campestris avait une assemblée provinciale, le xoivdv xiXixîocc, qui est mentionné sur les monnaies depuis Auguste. Eckhel, op. I., t. iii, p. 78 ; Head, Historia num.rn.orum, p. 667. Elle élisait uni président annuel appelé cilicarque, qui était en même temps le grand prêtre chargé du culte de l’empereur. Corpus Inscript, grœc, n° 2810 ; Waddington, Inscriptions d’Asie Mineure, n° 1480 ; Bulletin de correspondance hellénique, 1883, p. 281, 288 ; Ruinart, Acta martyrum, édit. de Ratisbonne, p. 391.

Il y avait en Cilicie des colonies juives, qui datent probablement de l’époque où Antiochus transporta deux mille familles en Asie Mineure. Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 4. Des mercenaires ciliciens servaient dans les gardes du corps d’Alexandre Jannée. Joséphe, Ant. jud., XIII, xiii, 5 ; Bell, jud., i, iv, 3. Parmi ceux qui discutèrent avec saint Etienne dans les synagogues de Jérusalem et qui l’accusèrent devant le sanhédrin, figurent des Ciliciens. Act. vi, 9. Saint Paul était originaire de Tarse en Cilicie (voir Tarse). Il le dit lui-même au tribun Claudius Lysias, et le répète aux Juifs dans le discours qu’il leur adresse à la suite de son arrestation. Act. xxi, 39 ; xxii, 3 ; cf. xxiii, 34. Le métier de fabricant de tentes, auquel il se livrait, était un de ceux où l’on employait le tissu en poils de chèvres appelé cilice. Pline, H. N., vm, 203 ; Varro, De re ruslica, ii, 11. L’Apôtre prêcha pour la première fois en Cilicie après son premier voyage à Jérusalem, c’est-à-dire entre 38 et 44. Gal., i, 21. Il est à noter que dans ce passage et dans les Actes, xv, 41, la Syrie est nommée avec la Cilicie. C’est non seulement une juxtaposition géographique, mais encore une expression qui correspond très exactement à la situation administrative de la Cilicie, telle que nous l’avons décrite plus haut. Les Églises de Cilicie, comme celles d’Antioche, comptaient dans leur sein un certain nombre de chrétiens d’origine païenne ; aussi la question de l’obligation de la circoncision se posa chez elle comme en Syrie. C’est pourquoi la lettre que les Apôtres envoyèrent à Antioche, après l’assemblée de Jérusalem, fut également adressée aux frères de Cilicie. Act., xv, 23. Après sa séparation d’avec Barnabe, saint Paul parcourut, en compagnie de Silas, les Églises de Cilicie, les confirma dans la foi et les exhorta à observer les préceptes des Apôtres et des anciens. Act. xv, 41. Pour aller de Cilicie en Lycaonie, il traversa les Pyles ciliciennes. Il ne revit plus la Cilicie depuis ce moment, il passa seulement en face des côtes en se rendant de Césarée à Rome, après son appel à César. Act., xxvii, 5.

Bibliographie. — V. Langlois, Voyage en Cilicie, dans le Tour du monde, 1861, 1 er sem., p. 401-416 ; 1862, 1 er sem., p. 321-336 ; Henri Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. E. Ernault, in-8°, Paris, 1887, p. 57, 77-79 ; J. Marquardt, Organisation de l’empire romain {Manuel des antiquités, de Ch. Mommsen et J. Marquardt, t. ix), t. ii, p. 311-328 ; Preuss, De Cilicia Romanorum provincia, in-8°, Kœnigsberg, 1859 ; Junge, De Cilicise Rotnanorum provincise origine et primordiis, in-8°, Halle, 1869 ; D. Vaglieri, Cilicia, dans le Dizionario epigraphico di Antichità romane, d’Ettore de Ruggiero, t. ii, col. 222-336. E. Beurlier.

CIMETIÈRE. Ce mot, qui veut dire « lieu où l’on dort, dortoir », xoi(iï)T7Îpiov, est exclusivement chrétien,

mais tire son nom du langage du Nouveau Testament, qui compare la mort à un sommeil. Act. vii, 59 (60) ;

I Thess., iv, 1214 (13-15), etc. Les Hébreux n’avaient point d’ailleurs de cimetières comme nous, mais ils ont toujours enterré leurs morts. Cf. Cl. Fillion, Essais d’exégèse, in-12, Paris, 1884, p. 283. Voir Sépulture et Tombeau.

CIN, Cinéen. Num., xxiv, 22. Voir Cinéen.

CINA (hébreu : Qînâh ; Septante : ’Ixàu. ; on trouve Ktvà dans le Codex Alexandrinus et un certain nombre de manuscrits ; quelques-uns portent Ket’va ; cf. Swete, The Old Testament in Greek, t. i, p. 452), ville de la tribu de Juda, située à l’extrémité méridionale, « près des frontières d’Édom. » Jos., xv, 22. Citée entre Jagur et Dimona, elle ne paraît qu’en cet endroit de l’Écriture. Malheureusement une bonne partie des localités mentionnées dans ce premier groupe sont absolument inconnues. Cina est de ce nombre. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 270, l’insèrent dans leur catalogue sous la même forme Cina, Ktvà, mais sans aucune indication relative à sa position. R. J. Schwarz, Dos heilige Land, in-8°, Francfort-surle-Main, 1852, p. 70, la place « à proximité du désert de Sin » ; ce qui laisse le problème au même point. Stanley, Sinaï and Palestine, in-8°, Londres, 1866, p. 160, note 2, rapproche ce nom de celui des Cinéens (hébreu : Qênî ; Septante : Kivat’o ; ), dont il est question Jud., i, 16. Voir

Cinéen.
A. Legendre.
    1. CINÉENS##

CINÉENS (hébreu : qênî, Num., xxiv, 21 ; Jud., iv, 11 ; au pluriel qînîm, I Par., ii, 55, et dans le sens collectif, pour désigner toute la tribu, pp, Qaîn, Num., xxiv, 22 ; Jud., iv, 11 ; Septante : K*vaïo ; , Iuvaïo ; et Kevî, 1 Reg., xxvii, 10 ; KeveÇi, I Reg., xxx, 29. Les traducteurs grées rendent le mot hébreu j’p par vouuioc dans les Nombres, xxiv, 22, où ils l’ont pris pour rp, qên, qui veut dire « nid ». Vulgate : Cinasus, Cenus, I Reg., xxvii, 10 ; xxx, 29 ; Cin, Num., xxiv, 22), peuplade ou tribu mentionnée plusieurs fois dans l’Écriture depuis l’époque d’Abraham jusqu’à celle de David.

I. Les Cinéens dans la Bible. — 1° Les Cinéens sont nommés en tête des dix peuplades qui occupaient la terre de Chanaan, quand Dieu promit à Abraham de donner ce territoire à ses descendants. Gen., xv, 19. La place qu’ils ont dans rénumération donne à penser que leur séjour avoisinait le « fleuve d’Egypte », par conséquent le nord de la presqu’île sinaïtique. — 2° Dans le désert, Balaam, après sa prophétie sur Israël, aperçoit devant lui les Amalécites et les Cinéens, et jouant sur le nom de ces derniers et le nid (qên) de rochers où ils habitent, s’adresse à eux en ces termes, Num., xxiv, 21-22 :

Ta demeure est solide,

Ton nid ( qén) est posé sur le roc ;

Mais Cin ( qa’m) sera ravagé,

Jusqu’à ce qu’enfin Assur te fasse captif.

II suit de ce passage que les Cinéens vivaient côte à côte avec les Amalécites, et qu’ils habitaient une région rocheuse, comme est en effet la plus grande partie de la presqu’île sinaïtique. — 3° Au livre des Juges, i, 16, apparaît un Cinéen, nommé Haber, qui « se sépara de Qain, des fils de Hobab, parent de Moïse ». Cet Hobab, dont plusieurs auteurs font le même personnage que Jéthro, avait été invité par Moïse à accompagner les Israélites au départ du Sinaï, pour leur servir de guide dans le désert. Num., x, 29-32. Il refusa tout d’abord, et le texte sacré laisse planer l’indécision sur la résolution que lui inspirèrent les instances et les promesses de Moïse. Le Cinéen Haber, dont parle le livre des Juges, fit probablement partie d’une fraction de la tribu cinéenne, qui se décida à émigrer en compagnie des Hébreux. Moïse avait promis

à Hobab ce qu’il y aurait de meilleur dans le butin pris sur les Chananéens. Num., x, 32. Les fils de ce dernier reçurent en partage, après l’entrée des Hébreux en Chanaan, des territoires situés au sud d’Arad, dans la partie la plus méridionale de la Terre Promise, par conséquent tout près de ce « fleuve d’Egypte » où campaient leurs ancêtres à l’époque d’Abraham. Jud., i, 16. — 4° De cette petite colonie cinéenne se détachèrent quelques familles qui remontèrent dans le nord de la Palestine, jusque dans les riches terres de Cédés, dans la tribu de Nephthali. Jud., iv, 11. La promesse faite par Moïse à Hobab continuait à se réaliser pour eux. Ils étaient d’ailleurs très dévoués aux Israélites, et ce fut Jahel, femme d’Haber le Cinéen, qui fit entrer Sisara dans sa tente et lui enfonça un clou dans la tempe. Jud., iv, 17-21. Les Cinéens vivaient alors en paix, non seulement avec les Hébreux, au sort desquels ils s’étaient associés, mais aussi avec d’autres peuples voisins, les Amalécites dans le midi, Num., xx, 21, Jabin, roi chananéen d’Asor, dans le nord. Jud., iv, 17. Il est fort à croire qu’ils connaissaient le vrai Dieu, ou que tout au moins, à partir de leur alliance avec les Hébreux, ils avaient embrassé son culte. — 5° Au temps de Saùl, les Cinéens du midi vivaient toujours côte à côte avec les Amalécites. Le roi hébreu, avant d’entreprendre la guerre contre ces derniers, se souvint des relations amicales qui existaient depuis les jours du désert entre son peuple et les fils de Cin. Il avertit donc ceux-ci d’avoir à s’éloigner des Amalécites, pour ne pas être enveloppés dans le désaslre qui les menaçait. I Reg., xv, 6. — 6° Sous David, les Cinéens occupaient encore leurs positions primitives, au sud de Juda. I Reg., xxvii, 10 ; xxx, 29. — 7° Par la suite, des mariages furent contractés entre des membres de la tribu cinéenne et leurs voisins du pays de Juda. Dans les listes généalogiques, on voit, par un texte d’ailleurs obscur, I Par., il, 55, que des scribes de Jabès sont des Cinéens descendants de Hammatli (Vulgate : Calor), père de la maison de Réchab, qu’on croit être le chef des Réchabites. Jer., xxxv, 6. Les Cinéens se trouvent ainsi mêlés aux origines de ces derniers. Voir Réchabites. L’histoire ne fait plus ensuite mention de cette peuplade. D’après la prophétie de Ralaam, Num., xxiv, 21-22, elle dut avoir à souffrir des invasions assyriennes et partagea la captivité d’Israël.

II. Ouigine des Cinéens. — Les Cinéens ne sont pas nommés dans la table ethnologique du x° chapitre de la Genèse, bien que Moïse parle d’eux dans d’autres passages du Pentateuque. Leur séjour dans le désert du Sinaï, leurs habitudes nomades, leur association avec les Amalécites à l’époque de Balaam et à celle de Saûl, donnent à penser qu’ils étaient une ancienne tribu arabe. Le Cinéen Haber faisait partie de la descendance de Hobab, parent de Moïse, Jud., iv, II ; or Hobab était fils de Raguel le Madiunite, Num., x, 29, et Cinéen. Jud., I, 10. — Jéthro, qu’il soit identique à Hobab ou qu’il en diffère, appartenait lui aussi à la tribu des Madianites et y exerçait les fonctions sacerdotales. Exod., iii, 1. II faut conclure de là que les Cinéens formaient une simple petite peuplade appartenant originairement à la tribu des Madianites. — Quelques auteurs ont vu une difficulté à concilier deux textes de l’Écriture se rapportant aux Cinéens : celui de la Genèse, xv, 19, d’après laquelle ce peuple existait déjà en Chanaan à l’époque d’Abraham, et ceux des Juges, i, 16 ; iv, 11, qui semblent faire de Hobab, parent de Moïse, le père des Cinéens. Rosenmùller, Judices, Leipzig, 1835, p. 23, est d’avis que les descendants de Hobab ne faisaient nullement partie du vieux peuple cinéen de Chanaan, et que ces fils de Hobab ne prirent le nom de Cinéens qu’en se mêlant à ces derniers et en s’établissant sur leur antique territoire, au nord de la I presqu’île sinaïtique. Jahn, Biblische Archâologie, Vienne, | 1817, t. i, p. 194 ; t. ii, p. 87, regarde comme deux peuples ; distincts les Cinéens de la Genèse et ceux du livre des ;

D1CT. DE LA BIDLE.

Juges. Ces distinctions sont inutiles pour expliquer le texte sacré. Comme le remarquent avec raison Gesenius, Thésaurus, p. 1207, et Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 76, l’Écriture présente Hobab non comme la souche du peuple cinéen, mais seulement comme le chef d’une famille cinéenne. Il est incontestable d’autre part qu’un peuple nomade a pu camper au sud de Chanaan, sous Abraham, et autour du Sinaï, à l’époque de Moïse, ou, plus probablement, avoir des groupes de familles établies à différents endroits de la presqu’île, bien que le campement du gros de la tribu restât fixé au sud de Chanaan, au temps d’Abraham comme au temps de Balaam.— On ne peut admettre l’opinion récente d’après laquelle Qaîn ou Cin, père des Cinéens, serait le même que Qain (Caïn), le premier fils d’Adam. D’après les auteurs qui ont soutenu cette identification, Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. i, Paris, 1881, p. 201-205 ; Motais, Le déluge biblique, Paris, 1885, p. 258-333 ; Robert, dans la Revue des questions scientifiques, avril 1887, p. 450 - 468 ; octobre 1887, p. 509-511, les Cinéens ou Kénites ne seraient autres que les Caïnites, ou descendants de Caïn, échappés au déluge. S’il en était ainsi, l’Écriture ferait quelque allusion à une origine aussi remarquable. Tout au contraire, elle range les Cinéens en compagnie de neuf autres petits peuples, Gen., xv, 19, et même, dans les passages parallèles, Gen., xiii, 7 ; Exod., iii, 8, 17 ; xiii, 5 ; xxiii, 23 ; Deut., vii, 1 ; xx, 17 ; Jos., iii, 10, elle les passe totalement sous silence. — Josèphe, Ant. jud., V, v, 4, appelle les Cinéens Keveuôe ; . Dans le texte samaritain de la Genèse, ainsi que dans les Targums de la Genèse et de& Nombres, les Cinéens sont nommés Salméens, probablement à cause de I Par., ii, 55, où des Cinéens sont rattachés à la descendance de Salma, fils de Caleb. D’autres, avec beaucoup moins de vraisemblance, font dériver ce nom de Hèlent, « paix, » ce qui serait une allusion aux relations pacifiques des Cinéens avec les Hébreux. Reland, Palsestina illustrata, Utrecht, 1714, p. 140 ; A. Murray, Comment, de Kineeis, in-8°, Hambourg, 1718 ; A, G. Kerzig, Bibl.- histor. Abhandlung von den Kenitern, in-8°, Chemnitz, 1798 ; E. AV. Hengstenberg, Die-Geschichle Bileams, in-8°, Berlin, 1812, p. 190-197 ; Gesenius, Thésaurus linguæ hebreese, p. 1207 ; Bertheau, . dans Schenkel’s Bibel-Lexicon, t. iii, 1871, p. 521-523 ; . Th. Nbldeke, Ueber die Amalekiter und einige andere Nachbarvôlker der Isræliten, Gœtlingue, 1864, p. 19.

H. Lesêtre.

CINNAMOME. Hébreu : qinndmôn ; Septante : xiwj[iwpiov ; Vulgate : cinnamomum. Dans Exod., xxx, 23, ce mot étant uni par un trait d’union avec le mot bésém, les voyelles s’abrègent, et l’on a : qinnemon bésém, « cinnamome odorant. »

I. Description. — C’est le nom ancien de l’un des parfums extraits de la cannelle et localisés principalement dans l’écorce d’arbres ou d’arbustes croissant dans la région chaude de l’Extrême-Orient. Le principal genre qui le fournit est le Cinnamomum, de la famille des-Laurinées, à fleurs comprenant autour des pistils jusqu’à six verticilles concentriques, formés chacun de trois pièces, et dont les quatre internes sont composés d’étamines en partie stériles. Les feuilles sont persistantes et aromatiques, le fruit est une baie peu charnue. — Parmi les nombreuses espèces, celle qui fournit le vrai cinnamome est le Cinnamomum Zeylanicum (fig. 283), originaire effectivement de Ceylan, mais que la culture a propagé dans toute la zone tropicale, même au nouveau monde. F. Hï.

IL Exégèse. — L’huile sainte que Moïse, Exod., . xxx, 23, prescrivit pour les onctions, était un parfum à base d’huile d’olive, mélangée de quatre substances aromatiques, parmi lesquelles se trouve le cinnamome. Pour parfumer les appartements et les lits de repos, on se servait d’aromates de composition différente, mais comprenant également cette substance. Prov., vii, 17.

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