Dictionnaire de la Bible/Jérusalem
JÉRUSALEM (hébreu : Yerûšâlaim ; Septante : Ἱερουσαλήμ ; Nouveau Testament : Ἱερουσαλήμ et τὰ Ἱεροσόλυμα ; Vulgate : Jerusalem et Jerosolyma), capitale de la Palestine. Elle tient la première place dans l’histoire du peuple juif, dont elle fut le centre politique et religieux, et dans les annales du christianisme, puisqu’elle a été le théâtre de la Rédemption. Nous rattachons aux trois points suivants : noms, topographie et histoire, en les subdivisant selon les exigences du sujet, tous les renseignements que comporte cette ville, une des plus célèbres du monde.
Sommaire
(ne fait pas partie du texte original)
Jérusalem est appelée en hébreu יְרושָלַםִ, Yerûšâlaim. L’orthographe défective du mot se rencontre
d’un bout à l’autre de l’Ancien Testament, à l’exception de cinq passages où, selon la Massore, il est pleinement écrit, יְרוּשָלַיִם, Yerûšâlaîm, I Par., iii, 5 ; III Par., xxv, 1 ; xxxii, 9 ; Esth., ii, 6 ; Jer., xxvi, 18, et encore y a-t-il, sur ce point, désaccord entre les différents manuscrits et les différentes éditions. Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 628, 629. Cette particularité se trouve de même avec le hé local, יְרושָלַמָה, III Reg., x, 2 ; IV Reg., ix, 28 ; Is., xxxvi, 2 ; Ezech., viii, 3, excepté II Par., xxxii, 9, où on lit יְרוּשָלַיְמָה, avec yod. Les anciennes monnaies hébraïques (fig. 233 et 234) donnent l’une et l’autre des deux écritures, , ירושלם, Yerûšalem, et
, ירושלים, Yerûšalaîm. Cf. F. W. Madden, History of Jewish coinage, Londres, 1864, p. 43-45. Cette dernière est celle des Talmuds. — L’étymologie du nom est un sujet fort controversé. Que signifie d’abord le premier élément Yerû ? On a voulu le rattacher à la racine yârê’, « craindre, » ou au verbe râ’âh, « voir. » Mais le sens : « ils craindront la paix » ou « ils verront la paix (Šâlem) » est aussi difficile à expliquer que la contraction elle-même. Reland, Palæstina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 833, suivi par Ewald, Geschichte des Volkes Israel, Gœttingue, 1866, t. iii, p. 165, note 4, décompose Yerûšâlaim en Yerûš, « possession, héritage » (de yâraš, « posséder, hériter »), et Šâlaim, « de la paix, » juste dénomination que Salomon, « le pacifique, » aurait lui-même appliquée à l’antique Jébus. Outre que cette dernière
233. — Sicle de Simon Machabée.
שקל ישראל, « sicle d’Israel. » Coupe. שב, « l’an 2. »
ירושלים הקדוש, « Jérusalem la Sainte. » Verge fleurie d’Aaron.
conjecture est arbitraire, il faudrait alors, suivant le génie de la langue hébraïque, que le schin supprimé fût compensé par le daguesch, ce qui n’existe pas. Gesenius, Thesaurus, p. 629, pense que yerû vient plutôt de yârâh, « fonder, » et donne à Yerûšâlaim le sens de « fondement de la paix », Friedensgrund, comme on dirait en allemand. Cette interprétation serait conforme à celle de Saadia, qui, dans certains passages de l’Écriture, Is., xliv, 28 ; li, 17 ; lxii, 1, 6, a traduit par دار السلام,
dâr es-salâm, « la maison de la paix, » et, Is., xl, 2, par
مدينة السلام, medînat es-salâm, « la ville de la paix. »
Cf. J. Fürst, Hebräisches und Chaldäisches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 547. Quant à la seconde partie du mot, שָלַםִ, Šâlaim, la ponctuation nous indique un qeri perpétuel et nous montre que, pour les massorètes,
la vraie forme était la forme pleine, שָלַםִ, Šâlaîm. Ils la regardaient sans doute comme un pluriel dérivé de שָׁלֶה, šâléh, שָלַי, šâlaï, « repos, » dans le genre de שָׁמַיִם, šâmaîm, « les cieux, » et de מַיִם, maîm, « les eaux, » ou comme un duel, d’où serait venu par contraction שָׁלֵם, Šâlêm. Quelques auteurs prétendent que le duel s’applique justement aux deux parties de Jérusalem, la haute et la basse ville.
Nous croyons qu’il ne faut pas s’appuyer trop exclusivement sur l’orthographe massorétique, et que, pour
avoir la véritable forme du nom, comme aussi peut-être
sa vraie signification, il faut le suivre à travers ses différentes transcriptions. La plus ancienne que nous connaissions actuellement est celle que nous ont transmise
les tablettes de Tell el-Amarna, où il est plusieurs fois
question d’U-ru-sa-lim. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, Berlin, 1896, p. 303-315, lettres 180, lignes 25, 46, 61, 63 ; 181, l. 49 ; 183, l. 14 ; 185, l. 1. Voir Histoire. Nous trouvons de même dans les inscriptions cunéiformes assyriennes Ur-sa-li-im-mu (sa = ס), . Cf. Prisme de Taylor ou cylindre C. de Sennachérib, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, p. 38, 39, col. iii, ligne 20 ; Fried. Delitzsch, Assyrische Lesestücke, 2e édit., Leipzig, 1878, p. 102 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 290. Le nom araméen est ירושלֵם, Yerûšelêm. Cf., I, Esd., iv, 20, 24 ; v, 4, 14 ; Dan., v, 2. Les Septante ont de même traduit uniformément par Ἱερουσαλήμ. Cf. Hatch et Redpath, Concordance to the Septuagint, supplément, Oxford, 1900, fasc. I, p. 81, 82. La forme Ἱεροσόλυμα est plus récente ; elle se rencontre dans les livres des Machabées, I Mach., i, 14, 20, etc. ; II Mach., i, 1, 10, etc., et existe dans le Nouveau Testament concurremment avec Ἱερουσαλήμ. La version syriaque donne ܐܰܘܪܻܫܷܠܡ, qui se rapproche davantage de l’assyrien. Les Arabes, sans employer l’antique dénomination hébraïque, la connaissaient cependant ; Yakût, en effet, mentionne les formes اُورِيشَلَم, ’Urîšalam ou ’Urîšalum, et شَلَّم, Šallam, Šallum, comme les différents noms de la cité sainte à l’époque des Juifs. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 83 ; F. Muhlau et W. Volck, W. Gesenius Handwörterbuch, Leipzig, 1890, p. 357. Les versions arabes offrent également يروشلام, Yerûšalâm. Rappelons enfin que, une fois dans la Bible, Ps. lxxvi, 3 (texte hébreu), et, d’après plusieurs, une autre fois dans Gen., xiv, 18, Jérusalem est simplement appelée שָלֵם, Šâlêm, d’où le grec Σόλυμα, Josèphe, Ant. jud., I, x, 2, et le latin Solyma. De ce que nous venons de dire, il est permis de conclure que la seconde partie du nom devait être, dans sa vraie forme, Šalem ou Šalim. Comme, d’un autre côté, ce nom existait avant l’entrée des Hébreux en Palestine, et que le premier élément Ur, Uru signifie, d’après les syllabaires cunéiformes, « ville, » hébreu ‘ir, il est sans doute plus simple d’expliquer l’étymologie de Jérusalem par « ville de Salem ». A. H. Sayce, dans The Academy, 7 février 1891, p. 138, a supposé que Salim était le nom d’une divinité. Cette opinion est combattue par d’autres. Cf. Zimmern, dans la Zeitschrift für Assyriologie, 1891, p. 263. Lorsque l’hellénisme eut envahi les Hébreux, on défigura quelque peu le mot grec pour lui donner un sens intelligible, Ἱεροσολυμά, « la sainte Solyme. » Cf. Josèphe, Bell. jud., VI, x.
Outre les noms primitifs d’U-ru-sa-lîm et de Šâlem, Jérusalem porta les suivants. À l’époque de Josué, des Juges et de David, elle s’appelait Jébus, hébreu : Yebûs, Jud., xix, 10, 11 ; I Par., xi, 4, 5 ; ‘îr hay-Yebûsi, « la ville du Jébuséen, » Jud., xix, 11, ou simplement hay-Yebûsî, Jos., xv, 8 ; xviii, 16, 28 ; Septante : Ἰεβούς. Voir Jébus, Jébuséens. — Le nom symbolique d’Ariel, hébreu, ’Ărî’êl, « lion de Dieu » ou « foyer de Dieu » ; Septante : Ἀριήλ, lui est donné par Isaïe, xxix, 1, 2, 7. Voir Ariel 5, t. i, col. 956. — Considérée comme le sanctuaire de Dieu, elle est appelée ‘îr ’Elôhîm, « la cité de Dieu, » Ps. xlv (hébreu, xlvi), 5 ; ‘îr Yahvéh ṣebâ’ôṭ, « la cité de Yahvéh des armées, » Ps. xlvii (hébreu, xlviii), 9 ; ‘îr haq-qôdéš, « la ville sainte, » Neh., xi, 18. Cette dernière dénomination, ἡ ἁγία πόλις, se retrouve dans le Nouveau Testament, Matth., iv, 5 ; xxvii, 53 ; Apoc, xi, 2. C’est de là que vient le nom arabe qu’elle porte actuellement, القدس, El-Quds, « la sainte. » On rencontre aussi dans les chroniques arabes Beit el-Muqaddas ou Beit el-Muqdis, « la sainte maison, le sanctuaire. » — L’empereur Hadrien, après l’avoir rebâtie, l’appela Ælia Capitolina. Ce nom d’Ælia, Αἰλία, est habituellement employé par Eusèbe et S. Jérôme dans l’Onomasticon. Mais le nom sacré d’Iherusalem, comme on disait au moyen âge, ou de Jérusalem a subsisté jusqu’à nos jours dans la bouche des chrétiens, rappelant à leur cœur les plus grandes merveilles que Dieu ait accomplies sur terre.
II. Topographie. — i. topographie moderne. — 1o Situation géographique. Jérusalem est à 31° 46′ 30″ de latitude nord, et 32° 52′ 52″ de longitude est, à 52 kilomètres à vol d’oiseau (62 par la route) de Jaffa, à 22 de la mer Morte (environ 38 par la route de Jéricho), à 30 d’Hébron et 50 de Naplouse. Elle occupe un des plateaux de la chaîne montagneuse qui traverse la Palestine du nord au sud et en forme comme l’épine dorsale. Son point culminant est à 775 mètres (790 suivant quelques-uns) au-dessus de la Méditerranée et 1 168 (ou 1 183) au-dessus de la mer Morte. Bien que très élevé, il n’atteint pas l’extrême hauteur de la chaîne, qui, à Hébron, va jusqu’à 927 mètres. Aussi la ville est-elle entourée de collines qui constituent comme une enceinte de fortifications naturelles. En dehors d’une première ceinture qui la couvre immédiatement, et dont les forces principales sont le mont Scopus au nord (831 mètres) et la montagne des Oliviers à l’est (818 mètres), elle est protégée, à une petite distance, par une série de forts avancés, Nébi Samuîl (895 mètres), Tell el-Fûl (839 mètres) au nord, Beit Djâla (820 mètres) au sud. Elle reste plus ouverte du côté de l’ouest, où l’on remarque cependant encore quelques hauteurs importantes. Le poète sacré avait donc raison de dire, Ps. cxxiv (hébreu cxxv), 2 (d’après l’agencement des vers proposé par G. Bickell, Carmina Veteris Testamenti metrice, Inspruck, 1882, p. 90) :
Jérusalem est solidement établie,
Des montagnes l’entourent.
Il faut néanmoins tenir bien compte des cotes que nous venons de donner. La ville sainte n’a rien, par exemple, de l’aspect d’Athènes, qui s’étale au milieu d’une plaine fermée de trois côtés par des montagnes, dont les masses superbes la dominent complètement. Elle est resserrée dans un groupe compliqué de collines d’inégale hauteur, qui en rendent l’accès difficile et la défense aisée ; aussi Tacite, Hist., v, 11, l’appelle-t-il arduam situ. Pour y arriver du côté de l’ouest, il faut, à partir de la Séphélah, gravir une série d’échelons qui s’étagent plus ou moins doucement ; mais, du côté de l’est, la montée est absolument raide. Comme d’ailleurs, vers le sud et le nord, l’altitude n’est dépassée que par quelques points, et que le pays en général est à un niveau inférieur, l’expression « monter à Jérusalem », souvent employée par l’Écriture, est donc parfaitement exacte. Cf. II Reg., xix, 34 ; III Reg., xii, 28 ; xiv, 23 ; Matth., xx, 17, 18 ; Marc., xv, 41, etc. Du plateau sur lequel la ville est bâtie, les eaux s’en vont, par un double versant, vers la Méditerranée et vers la mer Morte (fig. 235, 237).
Jérusalem est reliée à toute la Palestine par un réseau de routes qui y aboutissent comme à un centre. Voir la carte des environs de Jérusalem. De Jaffa, en dehors du chemin de fer, qui fait un assez long circuit à travers les vallées avant d’atteindre la ville sainte, une route carrossable passe par Ramléh, Latrûn, Qariyet el-Enab et Qolûniyéh. Plus haut, un chemin se dirige par Lydda, vers Djimzu, où il se bifurque pour aller, d’un côté, vers Beit Nûba, Biddu, Beit-Iksa, et, de l’autre, vers Beit Ur (Béthoron) et El-Djib (Gabaon). De Gaza, l’on monte par Dhikrin ou Beit Djibrin, d’où les sentiers se divisent à travers la montagne. D’Hébron une route carrossable passe près de Bethléhem. Une autre vient de Jéricho, reliant Jérusalem au Jourdain, à la mer Morte et à la région transjordane. Enfin, vers le nord, se trouve la route séculaire qui vient de la Galilée et de la Samarie. Nous ne parlons que des voies principales, qui, de la côte méditerranéenne, de l’Égypte, du désert, des pays de Moab et de Galaad, de la plaine d’Esdrelon, donnent accès à l’antique capitale de la Judée. Un fait à remarquer cependant, c’est que Jérusalem est en dehors de la voie militaire et commerciale que fréquentèrent les armées et les caravanes qui allaient de l’Égypte vers Damas et l’Assyrie. Dieu, qui voulut isoler son peuple au milieu du monde païen, voulut aussi placer sa capitale comme un nid d’aigle au sein de rochers abrupts. C’est pour cela sans doute qu’il ne choisit pas Sichem, située pourtant au centre même de la Terre Sainte, presque à égale distance des frontières septentrionale et méridionale, de la Méditerranée et du Jourdain, dans une vallée des plus fertiles, mais dans un pays beaucoup plus ouvert que la Judée. Il n’en est pas moins vrai cependant que la position même de Jérusalem devait attirer l’attention de David, au moment d’établir le siège de son royaume. Tant qu’il ne régna que sur Juda, Hébron était sa capitale toute naturelle. Mais, dès qu’Israël se fut rangé sous son sceptre, il dut reporter plus haut le centre de sa domination. Or, les deux tribus qui, jusque-là, s’étaient disputé la royauté, étaient Benjamin et Juda. Juste sur la frontière des deux se trouvait l’antique Jébus, qui, par les caractères physiques dont nous allons parler, répondait d’ailleurs aux exigences d’une place forte. Le roi comprit son importance, s’en empara et en fit, pour des siècles, le boulevard politique et religieux de la nation. Pour bien saisir cette importance, il nous faut maintenant examiner avec soin les conditions naturelles du terrain sur lequel est bâtie Jérusalem.
2o Configuration et nature du terrain.
Jérusalem occupe un plateau allongé, entouré de trois côtés, à l’est, au sud et à l’ouest, de ravins profonds, qui lui donnent l’aspect d’un promontoire. Voir la carte et les coupes du terrain (fig. 236-237).
235. — Plan des environs de Jérusalem.
Ces ravins naissent à peu de distance au nord de la ville, et ils se rejoignent au sud, à environ 200 mètres au-dessous de leur point de départ ; d’abord simples plis de terrain, ils se creusent très rapidement. Celui de l’est, qui, dans sa partie supérieure, porte le nom d’Ouadi el-Djôz, puis, entre la cité sainte et le mont des Oliviers, celui d’Ouadi Sitti Mariam, forme la vallée du Cédron. Après quelques contours pendant lesquels, peu marqué encore, il descend d’une quarantaine de mètres, il se dirige à angle droit vers le sud et se creuse peu à peu comme un véritable fossé. Sur la droite vers la porte de Saint-Étienne, ses bords s’élèvent à une hauteur de trente-cinq à quarante mètres. Au-dessous, la vallée se resserre graduellement et baisse de plus en plus. Un peu avant d’arriver en face de l’angle
236. Jérusalem. Coupes du terrain.
D’après le Survey of Western Palestine — Jerusalem.
Voir fig. 237.
237. — Plan de Jérusalem et des environs, avec les courbes de niveau.
D’après le Survey of Western Palestine. Jerusalem. sud-est du Haram esch-Schérif, elle est comprimée entre
les flancs des collines. De son point d’origine jusqu’à cet
endroit, elle a baissé de près de cent mètres. Contournant
ensuite l’angle sud-est de l’ancien mont Moriah,
elle longe, en s’élargissant, le pied de la colline d’Ophel,
qui descend elle-même graduellement vers le sud. Bientôt,
enfin, après une longueur totale d’environ deux kilomètres,
elle fait sa jonction avec l’Ouadi er-Rebâbi ou
vallée de Hinnom. Voir Cédron 1, t. ii, col. 380. Cette
dernière commence à l’ouest de Jérusalem, à la piscine
appelée aujourd’hui Birket Mamillah, à une altitude
de 783 mètres. Après avoir suivi d’abord la direction du
sud-est, elle descend vers le sud, en longeant la colline
habituellement nommée le mont Sion, puis, en la contournant,
elle reprend la direction de l’est et vient
aboutir à la vallée du Cédron. La réunion des deux
ravins, à une altitude de 600 à 610 mètres, forme un
assez large carrefour, borné au nord-ouest par des
jardins en terrasses, au sud-ouest par les champs d’Haceldama
et la montagne du Mauvais Conseil, et à l’est
par le mont du Scandale. Le fond de la vallée est ici à
près de cent vingt mètres au-dessous de la plate-forme
du Temple. Ces deux ravins, courant entre deux chaînes
parallèles de hauteurs, constituent donc comme les
fossés naturels de Jérusalem, qui n’est accessible, à
peu près de plain-pied, que du côté du nord.
En examinant le plateau lui-même sur lequel est bâtie
la ville, nous arrivons à constater, malgré les monuments
qui le recouvrent et les bouleversements qu’il a
subis, que son niveau n’est pas égal partout, mais qu’il
est irrégulièrement coupé par des vallées. Au premier
aspect, Jérusalem paraît bien assise sur deux collines
principales. Voir coupes CD, GH. C’est l’idée générale
qu’en donnent Josèphe, Bell. jud., V, iv, 1, et Tacite,
Hist., v, 11 ; c’est l’impression que produit immédiatement
la vue qu’on découvre soit du sommet de la porte
de Damas, soit de la terrasse des sœurs de Sion. On la
voit traversée du nord au sud par une vallée recourbée,
large et profonde, les maisons s’étageant sur les pentes,
surtout du côté occidental. Cette vallée, qui s’étend de
la porte de Damas à la piscine de Siloé, et dont nous
ne connaissons pas le nom primitif, est celle que l’on
appelait à l’époque romaine le Tyropœon, ou « le quartier
des fromagers », Elle forme une dépression beaucoup
plus sensible que toutes les autres, malgré
l’énorme quantité de décombres qui, dans la suite des
siècles, lui ont enlevé sa profondeur primitive. Elle
décrit une sorte de croissant au milieu du terrain, délimitant
deux massifs de forme, d’étendue et de hauteur
inégales. Mais, outre cette vallée centrale, il y en a de
transversales, qui permettent de reconnaître, dans la
colline occidentale comme dans la colline orientale, des
éminences distinctes. Celle de l’ouest est séparée en
deux par une vallée peu profonde et peu large qui descend
de la citadelle actuelle, laissant au nord le Saint-Sépulcre,
au sud le quartier arménien et le Cénacle.
Voir coupe AB. La partie méridionale forme un rectangle,
presque un carré, avec une proéminence au nord-est ;
la partie septentrionale, en raison de la courbe de
la vallée centrale, a presque la forme d’un losange terminé
de deux côtés par les vallées, des deux autres par
les murs actuels de la ville. « La colline orientale forme
dans sa partie sud un triangle dont la pointe est à la
fontaine de Siloé, la base contre le mur actuel de
239. — Jérusalem. Vue prise du sud. D’après une photographie de M. L. Heidet (1901).
À droite, le mur oriental de la plateforme du Temple et la mosquée d’Omar. Vers le milieu, le dôme de la grande synagogue des Juifs. À gauche, le minaret du Cénacle. Au sud-est de Jérusalem, le village de Siloé. À gauche de Siloé et se dirigeant d’abord vers la droite, en avant du village, la continuation de la vallée du Cédron. l’enceinte du Haram esch-Schérif. Là, par une disposition
singulière des roches, elle tourne pour suivre la vallée
centrale, de l’orient au nord-ouest, jusque près de la fin
de l’enceinte du côté du nord ; une légère dépression du
rocher, allant de l’ouest à l’est, se confond, avant de
rejoindre le Cédron, avec une vallée venue du nord qui
forme, à l’établissement de Sainte-Anne, la piscine de
Bethesda. De plus, environ 150 mètres plus loin, vers le
nord, une coupure, agrandie artificiellement, mais existant
avant les œuvres d’art, termine au nord la colline
orientale ; c’est à ce point, derrière la masse rocheuse
qui surplombe l’enceinte du Haram, que se trouve la
double piscine des sœurs de Sion. Dans leur église
même, commence le rocher d’une quatrième colline,
nommée Bézétha. Il est à remarquer que les deux collines
du nord, celle du Saint-Sépulcre et celle qu’on
est convenu d’appeler plus spécialement Bézetha, où se
trouve la mosquée des derviches, se continuent séparément
en dehors de la ville actuelle : on a dû, pour
mettre le mur en saillie par rapport à l’extérieur, pratiquer
de larges coupures dans le rocher. Si l’on veut
maintenant comparer l’une à l’autre dans leur ensemble,
la colline orientale et la colline occidentale, il faut reconnaître
que la colline de l’ouest domine celle de l’est,
dans toute son étendue, surtout si l’on compare l’une
avec l’autre les deux parties du sud qui portaient l’ancienne
ville. La vallée qui les sépare étant courbe en
forme de croissant, aucune des deux collines ne peut
être dite parfaitement droite ; mais celle de l’occident,
surtout dans son extrémité méridionale, terminée au
sud et à l’ouest par deux vallées droites, est droite sur
son axe, tandis que la colline orientale, suivant pour ainsi
dire le mouvement de la vallée centrale, terminée à
l’orient par des vallées presque parallèles à celle du
milieu, affecte d’une manière remarquable la forme d’un
croissant. » J. Lagrange, Topographie de Jérusalem,
dans la Revue biblique, 1892, p. 20.
Les éminences sur lesquelles Jérusalem est bâtie peuvent donc en somme se décomposer ainsi. La plus vaste est celle du sud-ouest, communément appelée mont Sion (775 mètres d’altitude). Au nord se trouve celle qui renferme le Saint-Sépulcre et dont le niveau n’est guère différent. Dans la colline orientale, on distingue trois plateaux diminuant de hauteur du nord au sud : Bézétha (767 mètres), Moriah (742 mètres) ou la montagne du Temple, et Ophel, colline triangulaire resserrée entre le Cédron et la vallée de Tyropœon. Cette dernière, plane à sa partie supérieure, s’incline rapidement au sud par une série d’étages ; sa longueur est d’environ 500 mètres et sa largeur moyenne d’une centaine de mètres. Voir coupe EF. Nous ne parlons pas de la colline d’Acra que bon nombre d’auteurs placent à tort au nord du quartier juif, entre l’église du Saint-Sépulcre et le fond de la vallée qui traverse la ville du nord au sud, là à peu près où se trouve le sérail actuel. Acra fait partie d’un problème topographique que nous n’avons pas à discuter ici. Les ingénieurs anglais ont relevé tous les détails de nivellement à travers la ville sainte. Cf. Survey of Western Palestine, Jerusalem, Londres, 1884, p. 274-292 ; voir la carte de l’Ordnance Survey, ou la réduction qu’en donne le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1889, p. 62.
La ville de Jérusalem est assise sur un terrain calcaire qui plonge légèrement vers la mer Morte. Les couches supérieures, appelées de leur nom local Nâri et Kakûli, se trouvent sur le sommet et les pentes de la montagne des Oliviers. Le nâri, sorte de calcaire tabulaire jaunâtre et parfois rougeâtre, est identifié avec les bancs nummulitiques qu’on rencontre sur le Garizim et le Carmel. Le kakûli est une pierre tendre, blanchâtre avec silex, coquillages marins et fossiles, exploitée en divers points des environs comme pierre de construction. Au-dessous, la roche comprend des calcaires à rudistes, dont la partie supérieure se compose d’assises de calcaire marmoréen très compact, gris-clair, dont la cassure montre des sections de gastéropodes qui ont leur têt spathifié (actéonelles, nérinées, etc.). On donne à celui-ci le nom de mezzéh. On le voit apparaître sur le sommet du Moriah, au Calvaire, près des portes de Jaffa et de Damas ; dans ses bancs a été creusée la grotte de Jérémie. Sous le mezzéh est une épaisse couche calcaire d’un beau blanc, très tendre au sortir de la carrière, mais durcissant à l’air et fournissant des matériaux très solides de construction. On la désigne sous le nom de mélékéh, qui rappelle le terme de banc royal si souvent employé par nos carriers français. On voit encore au nord de la ville d’anciennes et vastes carrières d’où l’on a tiré cette pierre, qui a servi aux grandioses constructions de l’ancien Temple. Ces excavations souterraines étaient appelées dans l’antiquité même cavernes royales. Voir Carrières, t. ii, col. 319-322 et fig. 97, col. 321. Enfin, aux environs de Jérusalem, les calcaires crétacés renferment à leur base des ammonites dont certaines espèces sont de taille considérable. Ces calcaires à rudistes, qui s’étendent sous la ville sainte et aux alentours, et particulièrement le mélékeh, dont les couches sont épaisses, ont eu un rôle important dans son histoire. C’est dans ces roches qu’ont été creusés réservoirs, aqueducs, caveaux funéraires, excavations de toute sorte qui ont servi à l’entretien de la vie ou aux dépouilles de la mort. C’est de là, peut-on dire, que la ville elle-même est sortie. Pour la géologie, cf. O. Fraas, Aus dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 49-67 ; Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. iii, Géologie, par M. Lartet, Paris (sans date), p. 81-85 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1887, p. 50.
3o Description de la ville. — 1. Aspect général. — Jérusalem est une ville singulière, non seulement par la majesté de ses souvenirs, mais encore par l’étrangeté de son aspect. Des vieilles cités du monde oriental, seule elle est restée debout. Memphis n’est plus qu’un champ de palmiers, Thèbes, un amas de ruines gigantesques, Babylone et Ninive des collines dont il faut ouvrir les flancs pour retrouver les vestiges de l’antiquité. Assurément la ville sainte n’est plus ce qu’elle était au temps de David, des prophètes et du Christ. Rebelle néanmoins à tous les rajeunissements qu’ont subis Athènes et Rome, elle garde toujours son air d’austère vieillesse. Ignorant la vie fiévreuse, le bruit et les plaisirs de nos capitales, elle a le silence qui convient à la gardienne d’un tombeau. Perdue dans un désert de pierres, au fond duquel s’étendent les eaux infécondes de la mer Morte, elle semble dormir dans son enceinte de vieilles murailles. Alors que le Nil et l’Euphrate faisaient la gloire et la joie des antiques cités qu’ils arrosaient, aucun fleuve ne l’embellit et ne reflète la majesté de ses monuments ; ce n’est que par métaphore que le psalmiste a dit : « Le cours d’un fleuve réjouit la cité de Dieu. » Ps. xlv (hébreu, xlvi), 5. C’est du mont des Oliviers qu’il faut la contempler pour la bien juger dans son ensemble. Au premier plan, dans le périmètre des murs crénelés, se présente la vaste esplanade de l’ancien Temple, sur laquelle se dresse aujourd’hui l’imposante et magnifique mosquée d’Omar, avec sa coupole, ses faïences émaillées, ses mosaïques coloriées. Puis viennent les maisons, qui se pressent les unes contre les autres, surmontées de petites coupoles rondes, ou de terrasses, échelonnées sur le penchant des deux collines, et reflétant diversement la lumière qui les inonde. Au-dessus s’élèvent çà et là des minarets, de hauteur et de forme variées, puis les grandes coupoles des synagogues et des églises, parmi lesquelles domine celle du Saint-Sépulcre. Cet aspect a quelque chose de gracieux, si on le compare à l’intérieur de la ville, où un labyrinthe de rues étroites, irrégulières, mal pavées, glissantes et peu propres, se ramifie au milieu de constructions aux murs vieux, mal bâtis, crevassés, dépourvus d’enduits. Des portes basses, à demi brisées, quelques fenêtres discrètement grillées donnent sur les rues, qui, en plusieurs endroits, particulièrement où il y a des bazars, sont couvertes de voûtes percées à jour ou de toiles qu’on étend pour arrêter les rayons du soleil.
2. Enceinte et portes. — Jérusalem est entourée d’une enceinte qui forme une espèce de trapèze irrégulier, dont les côtés les plus longs sont au nord et au sud. (Voir le plan, fig. 237.) Cette enceinte, composée de murs hauts de 12 à 15 mètres sur une largeur d’environ un mètre, est fortifiée de tours et de bastions, avec des angles rentrants et saillants ; le circuit est de 4 870 mètres ; on peut facilement le parcourir en une heure environ. Elle décrit sur ses différents côtés plusieurs sinuosités, excepté à l’est, au-dessus de la vallée de Josaphat, où elle suit une ligne régulière. Elle n’enferme pas tout l’ensemble des collines qui portaient autrefois la ville ; elle laisse en dehors une bonne partie des hauteurs méridionales. Élevée par le sultan Soliman, en 1534, elle paraît répondre assez exactement aux murailles des croisades, avec des vestiges plus anciens en différents points. Elle est percée de huit portes, dont une est murée ; nous les examinerons successivement.
La muraille du nord présente une ligne ondulée qui
suit pittoresquement les couches crétacées sous-jacentes
profondément entaillées et bizarrement contournées.
Une porte nouvelle, dite Bâb Abdûl Hamîd, a été pratiquée
en 1889 dans l’angle nord-ouest. Plus haut, vers
le milieu du rempart, se trouve la belle porte de Damas
ou Bâb ’el-‘Amûd, « la porte de la colonne » (fig. 240).
Le premier nom lui vient de ce qu’elle débouche sur
la route qui conduit, au nord, vers la capitale de la
Syrie ; le second fait sans doute allusion à quelque
colonne monumentale qui l’ornait autrefois ou s’élevait
dans les environs. Avant le xiiie siècle, elle s’appelait
porte de Saint-Étienne, parce que l’église dédiée à ce
martyr était près de là. Défendue par deux avant-corps,
surmontée d’une série de mâchicoulis couverts, dominés
eux-mêmes par de légers créneaux accouplés, elle
présente un beau spécimen de l’architecture du
xvie siècle. Des fouilles ont prouvé qu’elle était bâtie
sur l’emplacement d’une autre, plus ancienne, car on a
trouvé, outre une piscine, un reste de mur, allant de
l’est à l’ouest, composé de blocs à refends. Les gros
blocs de pierre qui servent de base aux petites tours
dont elle est flanquée à droite et à gauche, faisaient
autrefois partie des antiques tours des femmes.
240. — Porte de Damas (Bâb ’el-‘Amûd).
Cf. Josèphe, Bell. jud., V, ii, 2. Plus loin, en se dirigeant vers
l’angle nord-est, on atteint une poterne appelée porte d’Hérode, ou Bâb es-Sâhiri, ou Zahiréh. Ouverte par
Hérode Agrippa dans un puissant bastion, Ibrahim
pacha la fit murer en partie, tout en conservant une
petite entrée dans l’épaisseur de la maçonnerie.
La façade orientale de l’enceinte, c’est-à-dire celle
qui suit la vallée du Cédron, est des plus intéressantes
à étudier. Les soubassements de la muraille sont évidemment
d’une haute antiquité : ce sont d’énormes
pierres, longues de plusieurs mètres, admirablement
jointes et taillées en bossage. Les parties supérieures
sont plus modernes et, çà et là, les Turcs ont grossièrement
bouché les brèches avec des moellons placés
sans ordre. Une seule porte est percée de ce côté : les
Arabes l’appellent Bâb el-Asbât ; les chrétiens Bâb Sitti Maryam, « porte de Madame Marie, » parce que
le chemin qui part de là descend vers le Tombeau de
la sainte Vierge (fig. 241). On la nomme encore Porte de Saint-Étienne, soit parce qu’il y avait peut-être dans
les alentours un oratoire dédié au premier martyr, soit parce qu’une fausse tradition du moyen âge plaçait
dans la vallée le lieu de sa lapidation. De dimensions
assez restreintes, elle est dominée par une élégante
guérite armée de mâchicoulis, portant de chaque côté
deux niches ogivales. À gauche et à droite, deux lions
en demi-relief se regardent et mettent une patte sur un
écu arrondi. De ce point jusqu’à l’angle sud-est s’étend
l’enceinte qui servait à protéger la ville et à soutenir les
gigantesques terrassements sur lesquels s’élevait le
Temple. Là, les vieilles assises sont encore visibles à
une très grande hauteur, avec des pierres énormes dont
les assemblages sont parfaits et dont la taille a résisté
241. — Porte de Sainte-Marie (Bâb Sitti Maryam) ou Porte de Saint-Étienne.
au temps. Au milieu de ce rempart, se trouve la porte Dorée ou Bâb ed-Dâhiriyéh, la plus remarquable de
toutes par la profusion de ses ornements. Elle est
murée depuis longtemps, parce qu’une tradition, toujours
vivante chez les Musulmans, prétend qu’un conquérant
chrétien entrera un jour par là, un vendredi,
et leur enlèvera Jérusalem. Elle se compose
extérieurement de deux pieds-droits surmontés de chapiteaux
sculptés, supportant deux arcades dont les archivoltes
offrent des moulures chargées d’ornements,
d’acanthes ou de rinceaux de feuillages. Le capitaine
Warren, qui a fait des fouilles devant cette porte, en a
trouvé une autre plus ancienne, dont les fondements
étaient à onze mètres environ sous terre. Les remparts,
en effet, du côté de l’orient, descendent à une énorme
profondeur sous le sol. C’est ce qu’ont prouvé les travaux
du même explorateur, qui, après avoir creusé à
l’angle sud-est un puits profond de 26 mètres, terminé
par une galerie horizontale, a rencontré la base de
cette muraille constituée par d’énormes pierres admirablement
assemblées, taillées en bossage et reposant
directement sur le roc. Cf. Wilson et Warren, The recovery of Jerusalem, in-8o, Londres, 1871, p. 135-159 ;
Survey of Western Palestine, Jerusalem, Londres,
1884, p. 141-158.
Vers l’angle du sud, le rempart a une très grande élévation, et la pente de la vallée devient extrêmement raide. On a de la peine à suivre le pied de l’enceinte, qui remonte alors, en décrivant une ligne irrégulière, vers l’ouest, c’est-à-dire vers la colline dite de Sion. Deux portes sont actuellement ouvertes dans la muraille méridionale. Pour celles qu’on appelle Double, Triple, Simple porte, voir Temple. La première que l’on trouve en venant de l’est se nomme Bâb el-Moghâribéh ou des Maugrebins ; elle est située à peu près au centre de l’ancienne vallée de Tyropœon. La seconde Bâb en-Nebî Dâûd, « porte du prophète David, » ou encore porte de Sion, est dans une tour de l’enceinte. Flanquée de deux niches élégantes, surmontée de rosaces et d’entrelacs gracieux, elle a deux battants garnis de fer, et, selon une inscription, date de l’an 947 de l’hégire (1540-1541).
Enfin, à l’occident, la muraille, fortifiée de distance
en distance, vers le sud, par de grosses tours carrées,
est percée d’une seule porte appelée par les Européens
porte de Jaffa, par les Arabes Bâb el-Khâlîl, « porte
d’Hébron » (fig. 242) ; là, en effet, aboutissent les routes
qui conduisent à ces deux villes. Cette ouverture a très
peu d’ornements, mais elle est assez spacieuse ; les portes
garnies de fer, sont énormes. C’est un des passages les
plus fréquentés de la ville. Tout près est la citadelle, el-Qala‘ah (fig. 243), qu’on a faussement nommée château de David. Elle occupe un carré irrégulier, long de 133 mètres,
du sud au nord, et large de 100 mètres de l’est à
l’ouest. C’est un assemblage de tours carrées, primitivement
entourées d’un fossé, qui existe encore en grande
partie. Les soubassements se composent d’une épaisse
muraille qui s’élève du fond du fossé en formant un
angle d’environ 45 degrés. La tour principale, appelée
par les Francs tour de David, est celle du nord-est. Cet
énorme quadrilatère, long de 21m 40 et large de 17, est
bâti, jusqu’à une hauteur de 12 mètres, à partir du
pied, en grosses pierres à refends, mais à surface brute,
moins grandes que celles de l’enceinte du Haram. Ces
ondements sont donc anciens, comparés surtout aux
242. — Porte de Jaffa (Bâb el-Khâlîl).
assises supérieures, dont l’ensemble s’élève de 10 mètres
plus haut, et qui ont à peu près l’apparence des autres
murailles voisines, de construction moderne. Du côté
extérieur, la citadelle est défendue par des glacis anciens
réparés par Ibrahim pacha. À l’intérieur, elle ne
présente rien de bien remarquable, si ce n’est quelques
grandes salles fort délabrées servant aujourd’hui de caserne
et d’arsenal. Cf. C. Schick, Der Davidsthurm in Jerusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins,
Leipzig, t. i, 1878, p. 226-237, avec plans. Signalons
enfin, à l’angle nord-ouest de la ville, les restes d’une
forteresse dite Qasr Djâlûd, « forteresse de Goliath. »
Les vestiges les plus anciens comprennent au sud les
soubassements d’une forte tour quadrangulaire ; on reconnaît
encore quatre assises de grosses pierres en taille
lisse. Quatre gros piliers, composés de blocs à bossage,
forment le centre de cette construction.
3. Intérieur : rues et quartiers ; monuments et souvenirs. — En pénétrant à l’intérieur de la ville, on remarque que « les habitations, en général très petites, sont établies sur un plan tout à fait spécial. À cause de la rareté du bois de construction, elles n’ont ni plancher ni toit, mais le premier étage et la terrasse supérieure sont entièrement en pierre. À cause des pluies abondantes de l’hiver, dans cette région de la Palestine, les terrasses sont recouvertes de coupoles hémisphériques qui présentent un aspect singulier lorsqu’on regarde la ville du haut d’un monument élevé. Comme ces voûtes, si elles avaient une portée trop considérable, n’offriraient pas une solidité suffisante, les chambres sont en général assez petites, presque carrées et à peu près toutes d’égale grandeur. Les escaliers, toujours excessivement étroits, partent d’une cour minuscule et aboutissent à un palier extérieur qui permet de circuler autour de l’habitation. Quelques-unes de ces maisons datent évidemment de l’époque des croisades et présentent encore des entrées voûtées en ogive, des portes sculptées, des écussons armoriés, des fenêtres à meneaux, à accolades garnies de moucharabiéhs élégants et finement découpés ». Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xlii, 1881, p. 102.
Dans le dédale des rues qui coupent la ville en différents sens, il est facile de distinguer plusieurs lignes principales, dont la régularité, conforme au mouvement du terrain, rappelle les grandes artères d’autrefois. Elles limitent en partie et les collines que nous avons décrites et les quartiers dont nous allons parler. (Voir le plan, fig. 244.) La première va directement du nord au sud, de la porte de Damas à la porte de Sion, prenant le nom de Tarîq Bâb el-Amûd dans la partie septentrionale et celui de Tarîq Hâret en-Nébi Daûd dans la partie méridionale. Elle suit la direction de la longue avenue bordée de portiques, construite dans Ælia Capitolina sous l’empereur Adrien, et dont on a retrouvé des vestiges dans les nombreux tronçons de colonnes qu’on aperçoit non loin des couvents des Abyssins et des Coptes, à l’est du Saint-Sépulcre. La seconde coupe celle-ci transversalement, en allant de l’ouest à l’est, de la porte de Jaffa à l’une des portes du Haram, appelée Bâb es-Silsiléh ou « porte de la Chaîne ». Elle suit le pli de terrain qui sépare le mont Sion de la colline septentrionale. La troisième marque la direction de la vallée du Tyropœon, partant de la porte de Damas pour retomber directement dans la Tarîq Bâb es-Silsiléh et aboutir par certaines ramifications à la porte des Maugrebins. Une quatrième enfin va de Bâb Sitti Maryam, à l’est, rejoindre cette dernière à l’ouest, séparant le mont Moriah de Bézétha ; une partie constitue ce qu’on appelle la Voie douloureuse, qui, après un coude vers le sud-est, continue du côté de l’occident.
Division de Jérusalem en quatre quartiers. — Premier quartier : quartier des chrétiens. — Il est situé au nord-ouest, dans l’angle compris entre la porte de Jaffa et celle de Damas. Couvents et maisons sont groupés autour de l’édifice le plus vénérable de la ville, la basilique du Saint-Sépulcre. Au temps de Notre-Seigneur, le Calvaire était en dehors des remparts, comme nous le montrerons plus loin, en parlant de la topographie ancienne de la sainte cité. Tout près était le tombeau qui reçut le corps ensanglanté du Sauveur, et d’où il sortit vivant et glorieux. C’est donc sur ce petit coin de terre qu’eurent lieu les dernières scènes de la Passion. C’est dans une citerne voisine que sainte Hélène, dit-on, découvrit la vraie Croix. Voir Croix, t. ii, col. 1130. Ces trois endroits, véritables sanctuaires marqués par la piété des fidèles et une constante tradition, furent enfermés, sous Constantin, dans la magnifique basilique si célèbre sous le nom de Saint-Sépulcre. Pour les détails, voir Calvaire, t. ii, col. 77 ; Sépulcre (Saint).
À l’est du Saint-Sépulcre sont les couvents des Abyssins et des Coptes. Vers le nord-est, se trouve le couvent grec de Saint-Caralombos, et, vers le sud-est, l’établissement russe. En construisant ce dernier, on découvrit deux pans de murs anciens, dont l’un était dirigé de l’ouest à
l’est, l’antre du sud au nord, chacun d’eux ayant un seuil de porte antique ; un arc byzantin de grandioses proportions fut déblayé. Cf. Guthe, Die Ausgrabungen auf dem russischen Platz im Frûhjahr, 1883, dans, la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. viii, 1885, p. 247-259, pl. vi, vu ; C. Schick, Weitere Ausgrabungen auf dem russischen Platz, dans la même revue, t. xii, 1889, p. 10-18, pl. i-iv. Suivant certains auteurs, ces murs appartiendraient à la seconde enceinte de Jérusalem. Ils proviennent plutôt, selon d’autres, du Martyrium qui faisait partie de la basilique constantinienne du Saint-Sépulcre. Quelques-uns enfin cherchent à concilier les deux sentiments et voient ici un tronçon de l’atrium bâti sur l’emplacement et probablement avec
deux couvents. Sur le Morislàn, on peut voir : Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1872, p. 100 ; 1875. p. 77-81 ; 1889, p. 113-114 ; 1895, p. 248-249 ; VVilson et Warren, The recovery of Jérusalem, Londres, 1871, p. 268-274 ; Survey o{ Western Palestine, Jérusalem, p. 254-261 ; Zeitschrift des Deutschen PaldstinaVereins, Mittheilungen, 1895, p. 6-7 ; M. Hartmann, Der Murïstân von 800 bis 1500, et C. Hoffmann, Die Besitzergreifung und Verwerthung des Johanniterplatzes in Jérusalem 1869-1898, dans la même revue, Mittheilungen, 1898, p. 65-80, avec plans, p. 75 et 78.
A l’ouest du Saint-Sépulcre, les Grecs schismatiques, très puissants en Palestine, ont leur quartier central.
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243. — Citadelle (El-Qalaah) et Tour de David.
les magnifiques assises judaïques de la deuxième muraille. Cf. V. Guérin, Jérusalem. Paris, 1889, p. 260 ; Germer-Durand, La basilique du Saint-Sépulcre, dans la Revue biblique, Paris, 1896, p. 329 ; Lagrange, L’inscription coufique de l’église du Saint-Sépulcre, dans la même revue, 1897, p. 645. Sur les environs immédiats du Saint-Sépulcre, on peut voir dans la Zeitschrift des Deutschen Palastma-Vereins, t. viii, 1885, pl. vii, un excellent plan dressé par C. Schick.
Au sud de la basilique s’étend une grande place rectangulaire et pleine de ruines, appelée Moristdn, nom arabico-persan qui veut dire « hospice ». Charlemagne, au commencement du ixe siècle, fonda là pour les pèlerins latins un hospice qu’il enrichit d’une magnifique bibliothèque et confia à la garde des moines bénédictins. Après diverses vicissitudes, on éleva en cet endroit un hôpital, qui passa aux chevaliers de Saint-Jean, appelés dans la suite chevaliers de Rhodes et de Malte. En 1869. la moitié orientale du Moristân a été donnée à la Prusse, qui a relevé l’église. La partie occidentale appartient aux Grecs schismatiques, qui y ont construit
Le patriarcat renferme une bibliothèque très riche en manuscrits grecs et syriaques. Les couvents sont ceux de Saint-Michel, de Saint-Nicolas, de Panagia Méléna, de Saint-Démétrius, et le grand couvent. Plus bas et parallèle au Moristân, se trouve un vaste réservoir appelé Birket Hammam el-Batrâk, dont nous parlons plus loin (régime des eaux). À l’extrémité de l’angle formé par les murailles sont les établissements catholiques : le grand couvent des Pères Franciscains, avec une église paroissiale dédiée au saint Sauveur, la Casa Nuova, maison dans laquelle ils reçoivent les pèlerins, le patriarcat latin, qui renferme une belle église dédiée au saint nom de Jésus, et enfin les écoles des Frères. Un dernier point à remarquer, à l’angle nord, formé par les rues Khot el-Khanqah et Tariq Bàb el-Amûd, c’est ce qu’on a appelé la Porte judiciaire, celle par laquelle Notre-Seigneur serait sorti de la ville pour aller au Calvaire. On a cru en reconnaître les restes dans de grosses pierres visibles dans les pieds-droits soutenant la voûte du Sûq es-Semani, ou « bazar de l’huile ». Près de là, dans une chapelle, on voit encore debout une colonne anti
que qu’on rattache à cette porte. Cet emplacement es contesté. Voir plus loin : Topographie ancienne.
Second quartier : quartier arménien. — Il s'étend au sud du quartier précédent. Plus abandonné encore que celui-ci, il renferme cependant quelques ruelles intéressantes, avec des passages voûtés, des constructions pittoresques, quoique souvent fort délabrées. La partie qui touche les murailles, au sud de la caserne turque, est occupée par de grands jardins. À l’est de la citadelle, se trouve l'église anglicane du Christ. Plus bas sont l'église et le couvent des Arméniens. Cette dernière a la forme d’une croix grecque et est dédiée à saint Jacques le Majeur. Elle contient, en effet, dans le côté septentrional, une petite chapelle bâtie sur le lieu où, suivant la tradition, cet apôtre aurait été martyrisé. Cf. Act. xii, 2. La demeure du patriarche, le séminaire, un hospice, une bibliothèque remarquable par ses manuscrits, les couvents des religieux et des religieuses, un petit musée constituent un vaste ensemble d'édifices. A l’est du musée, on montre l’emplacement de la Maison d’Anne, Joa., xviii, 13-24, sur lequel s'élèvent deux oratoires contigus, appartenant aux religieuses arméniennes schismatiques. On prétend que, dans l’intérieur de la chapelle proprement dite, il y avait autrefois un olivier auquel le Sauveur aurait été attaché avant d'être conduit chez Caiphe. L'Évangile ne dit rien de semblable. À 115 mètres plus bas, en droite ligne, mais en dehors de l’enceinte, la chapelle d’un couvent arménien est construite à l’endroit où se trouvait la Maison de Caiphe. Matth., xxvi, 57 ; Joa., xviii, 24. À l’intérieur dans le mur de l’abside, au sud de l’autel, une porte donne sur une chambre très étroite, qui marque le lieu où Jésus fut gardé, tourné en dérision et frappé par les serviteurs et les ministres du grand-prêtre. L’authenticité de la maison de Caiphe est acceptée comme soutenue par une tradition qui remonte au IVe siècle. Cf. Ilineranum a Burdigala Hierusalem usque (333), dans T. Tobler, Itmera Terrée Sanctæ, Genève, 1877, t. i, p. 17. La distance qui sépare ce point de la maison d’Anne n’empêche pas que les vestibules des deux demeures n’aient pu être, au temps de Notre-Seigneur, réunis par une cour commune. Dans l’angle nord-est du même quartier, les Syriens jacobites ont construit une chapelle et un couvent sur l’emplacement présumé de la Maison de Jean-Marc, où saint Pierre, miraculeusement délivré, serait venu frapper en sortant de prison. Cf. Act., xii, 12-17.
Troisième quartier : quartier des Juifs. — Il couvre tout le penchant oriental du mont Sion et une bonne partie de la vallée du Tyropœon ; il est très peuplé, et d’une extrême malpropreté. On y voit plusieurs synagogues, dont quelques-unes surmontées d’une grande coupole. Presque tous les jours, principalement le vendredi, les malheureux enfants d’Abraham s’en vont pleurer sur les restes du Temple, au mur des Lamentations. Ce pan de muraille est une partie de l’enceinte occidentale du Haram esch-Schérif ; il est compris entre le Mehkéméli (tribunal turc) et une maison particulière. Sa longueur est de 48 mètres, sa hauteur de 18. Les neuf premières assises se composent de blocs énormes, plusieurs à refends. Au-dessus, il y a quinze assises de pierres plus petites. Parmi les blocs, dont quelques-uns sont fort dégradés, il en est qui ont jusqu'à quatre ou cinq mètres de longueur. Cette antique construction remonte, pour le moins, à Hérode le Grand ; quelques auteurs lui assignent même une origine salomonienne. Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, Paris, 1887, p. 176-218. Au nord du lieu des Lamentations, est un petit jardin dans lequel on voit un arc antique, qui repose sur deux murs presque complètement enfouis dans la terre. C’est probablement celui de la Porte de l’Angle, ainsi appelée de l’angle que formait la première enceinte septentrionale de Jérusalem, à
l’endroit où elle se réunissait au portique occidental du Temple. À l’extrémité méridionale de la même muraille, à 12 mètres environ de l’arête angulaire, émerge la base d’une arche, dite arche de Robinson, du nom de celui qui l’a découverte. Large de 15 mètres et demi, reposant sur d'énormes pierres longues de 6 à 8 mètres, elle formait la tête d’un viaduc qui, en franchissant le Tyropœon, reliait l’esplanade du Temple à la ville haute. La distance jusqu'à la colline opposée est de 91 mètres. On a retrouvé, en ce même endroit, les vestiges d’un pont plus ancien et un aqueduc qui, taillé dans le roc vif, courait du nord au sud sous les débris de l’arche. Plus haut, près duMehkéméh et de la porte Bâb es-Silsiléh, on voit une autre arche signalée pour la première fois par Tobler, mais souvent désignée sous le nom d’arche de Wilson. Elle est bien conservée et haute de 6™70 sur 15 d’ouverture. Elle s’appuie, à l’est, sur le mur du Haram et, à l’ouest, sur un pilier massif. Elle supporte les maisons qui bordent le côté nord de la rue Tariq Bâb es-Silsiléh. Elle servait donc aussi à unir le Temple à la colline occidentale. Cf. Wilson et Warren, The recovery of Jérusalem, p. 76-111.
Quatrième quartier : quartier musulman. — Il occupe le centre et le nord de la ville : il est relativement assez propre et régulièrement construit. La population y est très dense. Dans la partie centrale, entre le Saint-Sépubre et le Haram, nous n’avons à signaler que le nouveau Serai, près duquel était l’ancien hôpital de Sainte-Hélène, et, plus haut, le vieux Serai, qui sert actuellement de prison. Au commencement de la rue Tariq es-Serai, une pierre noire placée dans le mur d’un bâtiment indique le lieu présumé où Simon le Cyrénéen fut chargé de la croix du Sauveur. Un peu plus loin dans la même rue, on a, à droite, la Maison dite de sainte Véronique. L'église neuve que les Grecs unis y ont construite s'élève sur les ruines d’une plus ancienne. En revenant dans la rue Hôch Akhia Bég et remontant vers le nord, on rencontre l’Eglise du Spasme, qui appartient aux Arméniens catholiques. La rue qui tourne ensuite à l’est, séparant le mont Moriah de Bézétha, est le commencement de la Voie douloureuse. Il nous suffit de dire ici que l’authenticité de cette voie traditionnelle dépend avant tout de la solution d’un autre problème topographique, l’emplacement du prétoire de Pilate. Voir Prétoire. Il en est de même pour l’Arc de l’Ecce Homo, qui est à cheval sur la rue, et du haut duquel Pilate aurait montré le Sauveur flagellé, couronné d'épines et revêtu du manteau de pourpre, en disant à la multitude : « Voilà l’homme. » C’est un grand arc en plein cintre, dont la partie supérieure avec la petite construction qui le domine, est moderne, mais dont les pieds-droits et l’archivolte sont romains. Le pied-droit sud est engagé dans le mur septentrional du couvent adjacent habité par des derviches. Cette arcade se prolonge par un cintre plus petit, que l’on a retrouvé dans l'église voisine des Dames de Sion. C’est au fond de la chapelle, derrière l’autel, qu’on remarque cet arc collatéral nord, dont le pendant ou collatéral sud a complètement disparu. L’ensemble de ce monument, dont l' arc de l’Ecce Homo formait la partie centrale, est regardé par des archéologues distingués comme un arc de triomphe postérieur à l'époque de la Passion. À l’intérieur du monastère des sœurs de Sion, on voit un dallage antique que beaucoup considèrent comme le Lithostrotos ou Gabbatha de l’Evangile. Joa., xix, 13. On y trouve également l’entrée d’une ancienne piscine, divisée en deux branches parallèles, dirigées du nord-ouest au sud-est. La plus longue, celle de l’ouest, a 6 mètres de largeur environ et 50 mètres de longueur, l’autre, 39 mètres seulement. Elles sont creusées sans le roc et leurs voûtes en plein cintre sont construites avec des pierres d’un assez grand appareil. Le rocher, du reste, présente, du côté de l’hôpital autrichien, de nombreuses excavations. Cf. Survey of Wes
tern Palestine, Jérusalem, p. 302-307. En avançant vers l’est, on arrive à VEglise de la Flagellation et du couronnement d’épines, qui appartient aux Franciscains. A l’ouest de l’atrium, sont les ruines d’une autre petite église ancienne. La caserne actuelle d’infanterie occupe l’emplacement de la forteresse Antonia, qui formait le coin nord-ouest de l’enceinte du Temple. Voir Antonia, t. i, fig. 178, col. 711. À l’extrémité orientale de la rue, près de la porte Bâb Sitti Mariam, se trouve le grand Birket Israïn, longtemps regardé comme la piscine Probatique ; nous le décrivons plus loin. Au nord, s’élève la basilique de Sainte-Anne, construite sur le lieu où, d’après une tradition, saint Joachim et sainte Anne avaient leur habitation, en partie creusée dans le roc, en partie bâtie avec des murs. Au premier siècle avant notre ère, elle était en dehors de la ville, sur le flanc sud-est du Bézétha ; la troisième enceinte, faite par Hérode Agrippa, l’enferma dans l’intérieur de la sainte cité. L’église a trois nefs avec trois absides à l’orient. Dans la nef méridionale, un escalier conduit au sanctuaire souterrain où était la maison de Joachim et d’Anne, et où, suivant de nombreux témoignages anciens, ces saints eurent leur tombeau. Cette basilique a été donnée à la France après la guerre de Crimée et confiée à la garde des missionnaires d’Alger ou Pères blancs, qui ont là un séminaire grec. Cf. L. Cré, Recherche et découverte du tombeau de saint Joachim et de sainte Anne, dans la Revue biblique, Paris, 1893, p. 215-274. L’atrium renferme des tronçons de colonnes, des chapiteaux, des fragments de corniches et des plaques de marbre, qui proviennent des fouilles faites pour découvrir la piscine Probatique. C’est, en effet, à cinquante pas de là, vers le nord-ouest, que l’on a retrouvé l’antique piscine de Béthesda ou Bethsaide. Joa., v, 1-9. Voir Bethsaide 3, t. i, col. 1723. — Le reste de la ville, à l’est, est occupé par le Haram esch-Schérif : c’est l’ancienne esplanade du Temple. Voir Temple. En dehors de l’enceinte, au midi, se trouve le cénacle. Voir Cénacle, t. ii, col. 399.
4o Environs de la ville.
Jérusalem ne pouvait,
dans l’étroite enceinte qui la resserre, donner asile aux nombreuses colonies étrangères qu’y attire, depuis un certain nombre d’années, la grandeur de ses souvenirs. Aussi s’est-il formé, en dehors des murailles, principalement au nord et à l’ouest, comme une nouvelle ville, où les grandes nations de l’Europe et les différentes religions ont leurs représentants, couvents, hospices, etc. Voir le plan de Jérusalem, fig. 244. Quelques-uns de ces établissements conservent, après les avoir relevés, de précieux restes de l’antiquité chrétienne. Les dominicains français, en particulier, occupent, à peu de distance au nord de la porte de Damas, le terrain sanctifié par la mort de saint Etienne. Act., vii, 5658. Après avoir mis au jour, il y a quelques années, les ruines de la basilique élevée par l’impératrice Eudoxie sur le lieu de la lapidation du premier martyr, ils ont bâti une église sur les fondements de l’antique sanctuaire. Aux alentours, dans l’euclos même, on a retrouvé des tombes, des pierres funéraires avec inscriptions grecques, des chambres sépulcrales, dont l’une possède un magnifique pavé en mosaïque, au milieu duquel est dessiné un agneau entouré de lis. Cf. Palestine Exploration Fund, 1891, p. 211-218, avec carte et plans ; P. M. Séjourné, La Palestine chrétienne, dans la Revue biblique, 1892, p. 118-122 ; Découverte d’un tombeau à Saint-Élienne, dans la même revue, 1892, p. 258261 ; M. J. Lagrange, Une tradition biblique à Jérusalem, même revue, 1894, p. 452-481 ; Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, in-8o, Paris, 1894. Les franciscains sont les gardiens séculaires des souvenirs de la Passion dans la vallée du Cédron, c’est-à-dire du Jardin de Gethsémani, elve la Grotte dite de l’Agonie. Voir Gethsémani, col. 229, fig. 47, 48. Ces lieux vénérables suffiraient, à eux seuls, à sanctifier la colline des
Oliviers, au pied de laquelle ils se trouvent. Mais parmi toutes celles qui entourent Jérusalem, elle a le privilège d’avoir été marquée par les pas, les entretiens et les larmes du divin Maître. Ce sont ses pentes qu’il a si souvent gravies ; c’est là qu’il s’est assis pour converser avec ses apôtres, là qu’il a pleuré sur la cité infidèle, de là qu’il est monté au ciel. Voir Oliviers (Mont des). Les autres montagnes ne rappellent, par leur nom, que de tristes traditions. Le mont du Scandale, ou Djebel Baten el-Hauâ, qui fait suite à celui des Oliviers vers le sud, est ainsi nommé parce que Salomon y érigea, croit-on, des autels aux divinités étrangères. Cf. III Reg., xi, 7 ; IV Reg., xxiii, 13. C’est sur le versant occidental de ces hauteurs qu’est situé le village de Siloé. Voir SiLOÉ. La montagne du Mauvais-Conseil, ou Djebel Deir Abu Tôr, au midi, rappelle, d’après une tradition qui ne remonte pas au delà du xive siècle, la villa que le grand-prêtre Caiphe aurait eue là, et où le conseil des Juifs rassemblé aurait décidé de faire condamner Jésus à mort. C’est sur la pente nord-est de cette colline qu’on place généralement le champ d’Haceldama. Voir Haceldama, col. 386, fig. 92. Au nord, le mont Scopus, dont le nom (de axoTtéu, <t regarder de loin, considérer attentivement » ) indique bien la situation, marque le point stratégique d’où tous les conquérants sont partis pour attaquer la ville sainte.
Si maintenant nous examinions en détail chacune de
ces hauteurs qui entourent Jérusalem, qu’y trouverions-nous,
en dehors des souvenirs bibliques que nous venons
de signaler ? Des excavations de toute sorte, grottes,
citernes, tombeaux. Non loin de la muraille septentrionale,
est la grotte dite de Jérenue, qui n’est autre
chose que le prolongement des cavernes royales mentionnées
plus haut. On voit, en avant, quelques tronçons
de colonnes. L’intérieur présente une petite
chambre, de forme presque ronde, avec une voûte soutenue
par un pilier et renfermant, à l’ouest, le tombeau
d’un sultan. Derrière, il en est une autre qui,
depuis le XVe siècle, est considérée comme le lieu où
Jérémie écrivit ses Lamentations et où il fut enseveli.
Mais le plus intéressant à étudier, ce sont les cavernes
funéraires très nombreuses qui ont été creusées dans
le roc partout aux alentours de la cité et qui forment
comme une vaste nécropole souterraine. Nous n’indiquons
ici que les plus importantes et les principaux
groupes ; pour les détails, comme pour la nature et la
forme des tombeaux chez les Juifs, voir Tombeaux. Au
nord de la ville, sont les hypogées connus sous le nom
de Tombeaux des Rois, en arabe Qubûr el-Molûk, et
lombeaux des Juges, ou Qubûr el-Quddt. On en a découvert
d’autres dans les environs, sur le mont Scopus,
dans Vouadi el-Djôz, prés de la grotte de Jérémie, etc.
Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement,
1886, p. 155-157 ; 1892, p. 13-16 ; 1896, p. 305-310 ; 1897,
p. 105-107 ; 1900, p. 54-61 ; 75-76 ; Revue biblique, 1899,
p. 297-304, Il y a même une de ces tombes que quelques
protestants ont voulu faire passer pour le vrai sépulcre
de Notre-Seigneur. Voir Calvaire, t. ii, col. 84. Cf.
Pal. Explor. Fund, Quart. Statement, 1892, p. 120-124.
A l’est, près de la grotte de l’Agonie, une église recouvre
le Tombeau de la sainte Vierge. Sur la montagne des
Oliviers se trouvent de curieuses catacombes et le Tombeau
dit des Prophètes. Cf. Pal. Explor. Fund, Quart.
St., 1889, p. 180-184 ; 1893, p. 128-132 ; 1901, p. 309-317 ;
Revue biblique, 1901, p. 72-88. Dans la vallée de Josaphat,
on voit les monuments appelés Tombeaux d’Absalom
(fig. 10, 1. 1, col. 98), de Josaphat (voir Josaphat,
3), de Saint Jacques (voir fig. 201, col. 1087) et de Zacliarie
(voir Zacharie). Au sud, la colline qui domine
Vouadi er-Rebàbi est percée de nombreuses grottes
funéraires. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1900, p.
225-218 ; 1901, p. 145-158, 215-226. Enfin, à l’ouest, sur
la colline nommée Kikôforiéh, on a fait une découverte^
244. — JÉRUSALEM MODERNE
du plus haut intérêt pour l’archéologie, en mettant au jour l’une des plus belles sépultures des environs de Jérusalem, que l’on croit être le « monument d’Hérode » dont parle Josèphe, Bell. jud., V, xii, 2. Voir fig. 134, col. 647. Cf. Revue biblique, 1892, p. 267-272 ; Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1892, p. 115-120, avec plans et gravures. Malheureusement, ces hypogées antiques sont presque tous d’un mutisme désespérant. On peut voir cependant Germer-Durand, Épigraphie chrétienne de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 560-588. — Voir dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1895, p. 148-172, et pl. IV, la carte détaillée des environs de Jérusalem avec la liste et l’explication des noms.
5o Climat.
Les conditions de la vie, dans toute contrée,
dépendent naturellement du climat. Or, Jérusalem est à une altitude et dans une situation qui la distinguent, sous ce rapport, de la plaine maritime, de la vallée du Jourdain et même des montagnes de Galilée. Cependant, comme les autres parties de la Palestine, elle ne connaît que deux saisons, celle de la sécheresse et celle des pluies. Celle-ci se divise en trois périodes : les premières pluies qui humectent la terre ; les pluies abondantes de l’hiver, qui saturent le sol, alimentent les sources, remplissent bassins et citernes ; les pluies printaniéres qui permettent aux moissons et aux plantes de supporter les chauds débuts de l’été. Elle s’étend, en règle générale, de la fin d’octobre au commencement de mai. On a constaté qu’il tombe moins d’eau à Jérusalem qu’à Nazareth, ce qui peut tenir au déboisement de la Judée. Cf. L. Anderlind, Der Einfluss der Gebirgswaldungen im nôrdlichen Palâstina auf die Vermehrteng der wâsserigen Niederschlâge daselbst, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 101-116. Lorsque le Bîr Éyûb, situé au sud-est de la ville, dans la vallée du Cédron, vient à déborder, les habitants se réjouissent, voyant là un indice d’excellente récolte et une sorte de garantie contre la pénurie d’eau pendant l’été. Il paraît cependant, d’après de soigneuses observations, que ce fait n’est pas tant dû à la quantité de pluie tombée depuis le commencement de la saison qu’aux chutes abondantes pendant un court espace de temps. L’absence ou l’insuffisance des pluies peut avoir les résultats les plus fâcheux pour l’alimentation des habitants. Voir Pluie. Les mois de janvier et de février sont surtout froids et pluvieux. Cf. J. Glaisher, On the fall of rain at Jérusalem in the 32 years from 1861 lo 1892, dans ePal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1894, p. 39-44, avec diagramme, p. 40. La neige tombe habituellement, mais presque toujours en petite quantité, et elle fond rapidement. Parfois cependant, elle tombe en bourrasques, et reste plus ou moins longtemps dans les creux, sur les pentes des collines que ne visite pas le soleil. La plus basse température qu’on ait constatée à Jérusalem est de 3* centigrade au-dessous de zéro, et la plus haute de 44*4. Du commencement de mai à la fin d’octobre, le ciel est presque constamment sans nuage. A l’approche de l’été, il s’élève encore des brouillards, mais au cœur de la saison ils disparaissent tout à fait et l’atmosphère est ordinairement d’une admirable pureté. Le vent du nord est froid, celui du sud chaud, celui de l’est sec et celui de l’ouest humide ; les vents intermédiaires participent en proportion à ces différentes qualités. Lorsque, durant l’été, il y a peu de vent plusieurs jours de suite, la chaleur devient très grande et l’air excessivement sec. Ordinairement une forte brise souffle de l’ouest dans l’après-midi ; elle ne se fait sentir à Jérusalem que quelques heures après avoir porté sa fraîcheur le long de la côte méditerranéenne. Après le coucher du soleil, elle s’affaiblit, pour se relever bientôt, et elle continue pendant une bonne partie de la nuit à rafraîchir la terre brûlée. Quand elle fait défaut, ou ne souffle que doucement, les nuits sont d’une chaleur qui
BICX, DE LA BIBLE,
abat. C’est là une des conditions atmosphériques qui distinguent Jérusalem de Jaffa ou d’un autre point de la côte. Alors que la ville sainte, sous les durs vents d’est, dans les journées très chaudes, est insupportable, la cité maritime est en comparaison fraîche et agréable. Les vents du sud et de l’est, venant de contrées brûlantes et sans eau, exercent une influence pernicieuse ; c’est celui du sud-est qui a tous les caractères du sirocco. Pendant les nuits d’été, il y a souvent de fortes rosées, apportées par les vents d’ouest qui viennent de la mer.
— Cf. Th. Chaplin, Observations on the climate of Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 8-40, avec de nombreuses tables d’observations météorologiques portant sur vingt-deux années, 1860-1882. On trouve dans la plupart des années de ce recueil le résultat de semblables observations Voir, pour plus de détails, Palestine (climat).
6o Régime des eaux.
Au climat se rattache le régime
des eaux, et si, dans tous les pays, cette question a une importance capitale, elle est encore d’un plus haut intérêt en Palestine et à Jérusalem en particulier. La ville sainte, comme nous l’avons vu dès le commencement, ne jouit du bienfaisant voisinage d’aucun fleuve. Le Cédron n’est qu’un torrent temporaire. Les roches calcaires sur lesquelles est bâtie la cité, laissent à peine pénétrer l’eau du ciel. Le peu qu’elles en gardent est amené par leur déclivité aux points les plus bas. Il n’y a, en effet, que deux sources d’eau potable. La première est celle qui est appelée’Ain Umm ed-Déredj (voir t. iii, fig. 49), « Source mère des degrés, » parce qu’on y descend par deux escaliers taillés dans le roc, ou encore Ain Sitti Mariam, « Source de Madame Marie » ou « Fontaine de la Vierge », d’après une tradition qui ne commence qu’au xiv » siècle ; c’est l’antique Fontaine de Gihon, située sur le flanc oriental de la colline d’Ophel ; elle communique par un canal souterrain avec la piscine de Siloé, à 335 mètres plus loin vers le sud-ouest. C’était, en cas de siège, la seule source utilisable pour Jérusalem. Voir Gihon, col. 239, et Siloé. La seconde est le Bîr Eyûb, ou « Puits de Job », situé au confluent des deux vallées de Cédron et do Hinnom ; c’est l’ancienne En-Rogel, III Reg., i, 9, un puits plutôt qu’une source proprement dite. Voir Rogel. Il y a bien dans les souterrains du couvent de YEcce-Homo une petite source qui vient du nord, mais l’eau en est saumàtre ; peut-être’n’est-elle que le résultat de suintements. La vallée du Tyropoeon a donné passage à certaines eaux, à une époque très ancienne. Mais, en somme, d’après l’histoire et la nature du terrain, les habitants de Jérusalem n’ont jamais pu guère compter que sur la source d’Ophel. Malgré cela, suivant la remarque de Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 323, la viile ne paraît avoir manqué d’eau dans aucun des sièges qu’elle eut à soutenir, tandis que toutes les armées assiégeantes souffrirent de la soif. C’était donc par des moyens artificiels qu’elle s’approvisionnait, c’est-à-dire par des citernes, des réservoirs et des aqueducs.
1. Citernes.
Quand l’eau de source est insuffisante, on est obligé d’utiliser la pluie du ciel. C’est ce qu’on fit de tout temps et ce qu’on fait encore en Palestine mieux peut-être qu’en tout autre pays. Le sol de Jérusalem, en particulier, est, on peut dire, criblé de trous comme une éponge. Toute maison importante a sa citerne. Les eaux de pluie, recueillies sur les terrasses ou dans les cours, sont conduites par des tuyaux à des cavités artificielles, bâties en pierre, recouvertes d’une voûte, avec une petite ouverture à la partie supérieure. Cette forme, destinée à empêcher une trop rapide évaporation, est précisément ce qui distingue la citerne de la piscine, qui est à ciel ouvert. Un grand nombre de ces citernes paraissent remonter à une haute antiquité ; à peine
IU. - 43
peut-on déblayer une cinquantaine de mètres de terrain sans en découvrir au moins une. Il y en a de grandes dimensions, comme celle du couvent copte, à l’est du Saint-Sépulcre, à laquelle on descend par quarante-trois degrés taillés dans l’intérieur du rocher. Le sol du Haram esch-Schérif est rempli de ces excavations qui étaient indispensables au service liturgique de l’ancien Temple. Voir Citerne, t. ii, col. 787.
2. Piscines.
L’intérieur de la ville renferme plusieurs' grands réservoirs ou piscines. À l’ouest du Moristân, au milieu d’un groupe de maisons, se trouve le Birket Hammam el-Batràk, « l'étang du bain du patriarche, » flg. 245, ainsi nommé parce qu’autrefois il alimentait le bain que le patriarche avait a l’angle sud-est.
porte Saint-Etienne, est une longue tranchée parallèle au mur septentrional de Haram, et qu’on nomme Birket Israïn. Cet « étang d’Israël » mesure 110 mètres de long sur 40 de large et environ 25 de profondeur. Il est aujourd’hui complètement à sec ^l en grande partie obstrué par une énorme quantité de décombres et d’immondices. Des fouilles ont montré que le fond est formé d’une couche très dure de ciment, reposant sur une certaine épaisseur de béton, établi lui-même, soit sur le roc, soit sur un pavé en pierres, à un niveau inférieur à celui des autres citernes du Haram. Les parois ne sont pas taillées dans le roc, mais construites en grosses pierres. Le mur méridional est revêtu d’une maçonnerie en petit appareil, sous laquelle apparaissent
[[File: [Image à insérer -->]|300px]]
245. — Birket Hammam, el-Batràk. D’après une photographie.
Sa profondeur n’est pas considérable) 3 mètres seulement au-dessous du niveau de la rue, mais sa longueur est de 73 mètres et sa largeur de 44 mètres. Des travaux exécutés dans le couvent Copte, qui le borne du côté du nord, ont montré qu’il s'étendait encore de 18 mètres dans ce sens. Les murs qui l’enserrent paraissent anciens ; ils présentent à l’angle sud-est de grosses pierres de taille. Le fond est de nature rocheuse et en partie couvert de petites pierres ; le rocher a été nivelé à l’ouest. En été, il est presque desséché et son eau est toujours impure. Il est alimenté par le Birket Mamillah, situé à 650 mètres plus loin, à l’ouest, en dehors de la porte de Jaffa, et qui lui envoie ses eaux au moyen d’un aqueduc souterrain. Ce réservoir est laxo).v|J16ï18pa 'Ap/j-ycaXov de Josèphe, Bell. jud., V, xi, 4. On l’a aussi appelé « piscine d'Ézéchias » ; cette origine est aujourd’hui contestée. — Nous avons signalé plus haut les deux piscines parallèles qu’on voit encore dans les sous-sols du couvent de VEcce-Hotno : à l’angle sud-ouest de la branche occidentale s’ouvre un conduit souterrain creusé dans le roc et amenant autrefois l’eau dans l’enceinte du Temple. Voir le plan dans le Palestine Exploration Fund, Quart. Stat., 1880, p. 35. — Près de la
par endroits les blocs massifs d’une construction antique. A l’extrémité ouest on aperçoit deux arcades, formant l’ouverture de deux passages voûtés. Voir flg. 525, t. i, col. 1729. Celui du sud, qui est long de 40 mètres, est fermé par un mur en maçonnerie. Celui du nord s’ouvre, après un parcours de 36 mètres, dans un autre passage voûté, de construction moderne, courant du nord au sud, et ayant près de 23 mètres de profondeur. Le trop-plein de cette piscine s'écoulait autrefois vers l’est par un passage souterrain de 14 mètres de longueur. Cf. Palestine Expl. Fund, Quart. Stat., 1880, p. 39-40 ; Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 122-126 ; Wilson etWarren, The Recovery of Jérusalem, p. 189-196. Le Birket Isram a longtemps été regardé comme étant la piscine Probatique ou de Bethesda ; mais il n’est plus permis maintenant de soutenir cette identité. Voir Bethsaïde 3, t. i, col. 1723. C’est, croit-on, Hérode le Grand qui le creusa et le construisit, afin de pouvoir, en cas de nécessité, remplir en grande partie la piscine Struthia, ï) ExpouOiov xoXujag-fjôpoc, Josèphe, Bell. jud., V, xi, 4, ou profond et large fossé qu’il avait fait autour de l’Antonia pour la rendre inaccessible aux ennemis.
En dehors de la ville, nous trouvons à l’ouest le Birket Mamillah (fig. 246), qui n’a pas de source et est destiné à recevoir l’eau pluviale. Il a 89 mètres de long, 59 de large, et 6 de profondeur. On voit des traces de degrés dans les angles du sud. Il est creusé en partie dans le roc vif, et ses parois sont, de plus, renforcées d’un mur ; il y a, en outre, des contreforts aux murs du sud et de l’ouest. Le canal d’écoulement, qui est maçonné, se trouve dans le bas, au milieu du côté oriental, et descend de là, en serpentant, vers la ville où il entre, un peu au nord de la porte de JafFa, pour alimenter le Birket Hammam el-Balràk. Ce réservoir est la « piscine des serpents », ïj twv "Oq>eo>v èmxaXounIvj) xoXv|Aëïj6pa, dont parle Josèphe, Bell. Jud., V, iii, 2. Ce n’est pas, comme on l’a cru, la Piscine supérieure de la Bible.
Les eaux vives étaient amenées par des aqueducs, dont les vestiges existent encore. Voir Aqueduc, t. i, col. 797.
— Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, X. i, p. 323-348.
Jérusalem, on le voit, n’a plus guère que des souvenirs de l’antiquité biblique ; des monuments, on peut dire qu’il ne reste pas pierre sur pierre. La vieille cité des rois de Juda, d’Hérode même, est ensevelie sous les édifices des deux puissances religieuses qui, depuis dix-neuf siècles, se sont disputé cette terre sainte entre toutes, le christianisme et le mahométisme. À part quelques points incontestables, et ce sont les plus importants, bon nombre ont été localisés par une tradition qui n’est pas toujours à l’abri de la critique. Est-il donc impossible cependant de retrou 246. — Birket Mamillah. Daprês une photographie.
Is., vii, 3. — Plus bas, dans la vallée de Hinnom, est le Birket es-Sultdn, le plus grand de Jérusalem, car il a 170 mètres de longueur et 67 de largeur. On a utilisé pour ce vaste réservoir le fond de la vallée, en y construisant deux forles murailles tranversales au nord et au sud, et en creusant entre elles jusqu’au rocher. Sa (Construction dénote qu’il a peu d’importance et qu’il est d’une date peu reculée. Il fut restauré au xvie siècle par le sultan Soliman, d’où son nom d’« étang du Sultan ». Cf. C. Schick, Birket es-Sultan, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1898, p. 224-229, avec plans. — A l’extrémité sud de la colline d’Ophel, se trouve la Piscine de Siloé, destinée à recevoir les eaux de Y Ain Sitti Mariant. Elle a, avec cette dernière source, un rôle important dans l’élude de la topographie ancienne. "Voir Siloé (Piscine de) et ce que nous disons plus loin.’— Enfin, au nord-est, près de la porte Saint-Étienne, on voit le Birket Sitti Mariant, qui a 29 mètres environ de longueur, 23 de largeur, 4 de profondeur. Il n’a aucun intérêt historique.
3. Aqueducs.
Comme l’eau recueillie dans les citernes et les piscines était en danger de se corrompre ou de s’évaporer rapidement, on songea de bonne heure a capter des sources assez éloignées, au sud de Bethléhera.
ver sous les débris du passé les vestiges de la vieille Jérusalem, de retracer les lignes de ses enceintes successives, de marquer l’emplacement probable de ses principaux monuments, de nous représenter, en un mot, son antique physionomie ? Non certainement, et c’est une question qui, de nos jours plus que jamais, préoccupe, passionne même les esprits adonnés à l’étude de la Bible et de l’archéologie sacrée. Catholiques et protestants, en Angleterre, en Allemagne et en France, suivent avec intérêt les moindres découvertestamentes par les fouilles récentes et luttent à l’envi dans ce bellum topographicum où nos religieux français de Jérusalem ont, depuis plusieurs années, pris une part aussi active que brillante. Nos guides dans ces recherches sont naturellement la Bible et l’historien Josèphe ; l’autorité de ce, dernier peut être douteuse quand il traduit à sa façon les données scripturaires, mais elle est incontestable lorsqu’il parle en témoin oculaire. Les fouilles accomplies en ces derniers temps, bien qu’incomplètes, n’en ont pas moins jeté un certain jour sur plus d’un point du problème. Il faut ajouter, du reste, que, si Jérusalem, comme toutes les vieilles cités, a subi de profonds bouleversements, le terrain archéologique est plus exactement délimité qu’en aucun autre lieu du monde, puis
qu’elle a toujours été circonscrite par les fossés naturels qui l’entourent. En essayant de reconstituer l’ancienne ville, nous n’entendons donner que les derniers résultats de la science, dont plusieurs pourront être, par des recherches ultérieures, ou confirmés ou modifiés. Pour plus d’ordre, notre étude ira de l’origine de Jérusalem à la captivité, et de la captivité à la ruine de la ville par les Romains.
1o De l’origine à la captivité.
Que fut le noyau primitif
de la ville sainte ? Aucun témoignage historique ne nous l’apprend. Deux choses cependant durent attirer les premiers habitants : la source qui s’échappe des flancs de la colline orientale, aujourd’hui’Ain Vmm ed-Déredj, et la colline elle-même, celle d’Ophel, qui, resserrée entre deux profondes vallées, peu étendue et par conséquent facile à défendre, présentait une forteresse toute naturelle. Peut-être y eut-il là dés le commencement une sorte de douar ou Ifâsêr, entouré d’un petit mur de pierres, avec une tour de garde, pour protéger gens et troupeaux. Voir Haséroth, col. 445. On peut faire là-dessus d’ingénieuses hypothèses. Cf. C. Schick,
nemi peut s’avancer jusqu’au pied des fortifications sans être arrêté par aucun obstacle. C’est toujours par là, on le sait, que Jérusalem a été prise. Ce que l’on recherchait dans l’antiquité, c’étaient plutôt des ravins qui, tout en rendant difficile l’accès du fort, simplifiaient l’œuvre de l’homme obligé de compléter celle de la nature. Et tel est précisément l’avantage de la colline orientale, plus restreinte, mieux délimitée, entourée à l’ouest, au sud et à l’est par des vallées bien plus profondes autrefois qu’aujourd’hui. C’est là un point très important à remarquer : des fouilles ont permis de constater que les ravins du Tyropœon et du Cédron ont été en partie comblés par les décombres qui s’y sont accumulés. Dans le premier, le sol actuel est à 20, et, dans certains endroits, à près de 30 mètres au-dessus du sol ancien ; dans le second, la différence, sans être aussi considérable, est encore de 8 à 10 mètres. Vers le Cédron, le roc, dont le pied est maintenant caché sous des éboulis, descendait autrefois presque à pic ; le Tyropœon, sans se creuser autant, n’en formait pas moins un fossé très redoutable à l’ennemi. Il suffit de jeter les
247. - Coupe de la vallée du Tyropœon, d’après le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1897, p. 179.
Die Baugeschichte der Sladt Jérusalem, vordavidische Zeit, dans la Zeitschrifl des Deutschen Palastina-Vereins, t. xvi, 1893, p. 237-246.
i. Sous David, Salomon et les premiers rois de Juda. Première enceinte. — Une question plus difficile et très vivement débattue de nos jours est celle-ci : Où se trouvait la forteresse de Sion des Jébuséeus, devenue plus tard la Cité de David ? Cf. II Reg., v, 7-9. La solution du problème est souverainement intéressante pour l’histoire et la topographie de la ville, puisque c’est précisément par ce point que commencèrent les agrandissements successifs qu’elle reçut. Deux opinions sont en présence. L’une place Sion, sur la colline du sudouest, qui, depuis de longssiècles, en porte le nom. L’autre regarde la colline du sud-est commeJe véritable emplacement de l’antique Jébus. Voir Sion. C’est à cette dernière que nous nous rangeons, comme plus conforme à l’Écriture dûment interprétée, à l’histoire et aux exigences de la topographie. Par sa situation et ses dimensions, Ophel répond mieux à l’idée que nous pouvons nous faire d’une acropole toute primitive. Ce qui, à première vue, semble contre elle, milite plutôt en sa faveur. Le plateau occidental est, il est vrai, plus élevé ; mais, à une époque où l’artillerie était inconnue, on ne craignait pas d’être dominé. Il est beaucoup plus large, mais aussi beaucoup plus difficile à défendre. Sans compter les nombreux soldats qu’il eût fallu pour garder les trois côtés protégés par les escarpements, le côté nord n’eût pu être garanti que par une longue et haute muraille flanquée de tours puissantes. Cette partie septentrionale suit la pente générale du terrain, et l’en yeui sur les figures 247, 248, pour se rendre compte de ces détails. Le terrain a été sondé, à l’ouest d’Ophel, sur une ligne assez étendue, A, B, descendant de la colline occidentale pour remonter sur le coteau oriental (fig. 247 et 249), et, à l’est, sur trois points différents, A, B, C (lig. 248 et 249). Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1886, p. 198 ; 1897, p. 179. La bourgade chananéenne pouvait étager ses maisons sur la pente méridionale de la colline où le roc aplani formait une suite de petites terrasses. « Il n’y avait guère à protéger, par des murs, que le côté nord ; or, l’espèce d’isthme par lequel cette colline se rattache au corps des monts de Juda était plus étroit que celui qui y relie la colline occidentale. Le mont Moriah n’a qu’une très faible largeur, et ce qui le rétrécissait encore, tout près de son point culminant, c’était un ravin, aujourd’hui comblé, qui allait rejoindre obliquement la rive droite du Cédron. L’existence de ce pli du sol a été démontrée par les fouilles récentes ; une partie a été utilisée pour former le réservoir qui est connu sous le nom de Birket-Isræl, tandis que le reste du creux a été caché sous les substructions du temple. » Perrot, Histoire de l’art, Paris, 1887, t. iv, p. 165. Enfin, la seule source de Jérusalem se trouve sur la colline orientale ; or, dans un pays aride comme la Judée, on devait avant tout s’assurer la possession d’une fontaine qui coulât en tout temps. On ne pouvait, en cas d’attaque, l’abandonner à l’ennemi. Peut-être même, dès cette époque, une rigole à ciel ouvert conduisait-elle les eaux à la piscine inférieure. Audessous de cette piscine, sur les pentes voisines, jusque vers le Bir-Éyiib, pouvaient s’étendre les jardins de la
ville jébuséenne. Ces avantages naturels expliquent comment la citadelle put, si longtemps, tenir bon contre les deux tribus de Benjamin et de Juda, entre lesquelles « lie était placée, et pourquoi David la convoita et en fit le noyau de sa cité.
Josèphe, Ant.jud., VII, iii, 2, nous dit que David, une
248.
Coupes de la vallée du Cédron, d’après le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1886, p. 198.
fois maître de la place, renferma dans une enceinte la ville basse, tt|v xi-no itôXiv, en la réunissant à la citadelle, i axpa ; il forma ainsi « un seul corps », êv o-ûp-a, qu’il entoura de murs et dont il confia la garde à Joab. C’est Je commentaire de ces paroles de II Reg., v, 9 : « David habita dans la citadelle, qu’il appela cité de David, et il bâtit tout autour depuis le Mello et intérieurement. » Cf. 1 Par., xi, 8. Mello doit indiquer un ouvrage de défense, lour ou rempart, qui protégeait la ville vers le nordouest, du côté de la vallée du Tyropœon. Voir Mello.
C’est donc sur la colline orientale que le jeune roi construisit son palais. II Reg., v, 11. On sait comment plus tard il acheta d’Oman le Jébuséen le terrain situé au nord et qui est le prolongement du coteau. II Reg., xxiv, 18-25. Ce fut le premier agrandissement de la ville, à moins que, dès ce temps, elle n’ait déjà commencé de s’étendre sur la colline occidentale. En tout cas, c’est là que Salomon éleva sur un plan grandiose le Temple et ses dépendances. Il dut, pour cela, aplanir le terrain et le soutenir par de puissantes murailles, qui servirent en même temps de défense à la ville. Les fondements de ces murs de soutènement subsistent encore en parlie, comme l’ont prouvé les fouilles anglaises pratiquées à l’angle sud-estdu Haram. Voir fig. 250. La première assise repose sur le rocher, à une profondeur de 24 mètres .m-dessous de la surface du sol. Les assises suivantes ont de l m 05 à l m 30 de hauteur. Les blocs, longs de 1 à
mètres, sont taillés en bossage d’un excellent appareil et si bien conservés qu’on les dirait placés d’hier. L’une des pierres porte, peintes en rouge, des lettres phéniciennes. Cf. Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 135-153. Cette origine salomonienne n’est cependant pas admise par tous les auteurs. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 212-213. Au moyen de ses magnifiques palais, Salomon réunit la cité d’Ophel aux constructions religieuses faites sur le Moriah. Il est difficile, en effet, de chercher ces palais sur le Sion actuel. S’il y avait eu cet intervalle entre la maison du roi et celle de Dieu, si les deux édifices avaient été reliés par une œuvre d’art passant au-dessus de la vallée de Tyropœon, le texte sacré, si abondant en détails pour le reste, aurait
1 jit au moins quelque allusion à cette particularité. Or, on n’y trouve pas un mot qui indique que, pour aller du palais au Temple, il fallait quitter une colline pour une autre. A cetargument négatif, on peut ajouter ce passage d’Ézécliiel, XLiir, 8 : « Les rois d’Israël ont mis leur seuil près de mon seuil, leurs poteaux près de mes poteaux, et il n’y a qu’un mur entre eux et moi. » À lui seul, le Temple, avec ses annexes, devait remplir toute la largeur du mont, de l’est à l’ouest. Il est donc naturel de supposer que la demeure rojale fut construite au sud de l’enceinte sacrée, entre celle-ci et la cité dont les maisons .s’étageaient sur les pentes méridionales de la colline, nie était voisine de la source où elle devaits’approvisionner. du large fond de vallée où les rois eurent leur jardin, et, de la ville au palais, on n’avait qu’un pas à faire. Ce détail topographique est absolument confirmé par l’Écriture. Ainsi, lorsque Jérémie, dans une des cours du Temple, prophétise la ruine de Jérusalem, et que la l’oule s’ameute autour de lui, en poussant des cris de mort, il est dit que, attirés par le bruit, « les princes île Juda montent de la maison du roi à la maison de .léhovah. » Jer., xxvi, 10. L’expression « monter » est inexplicable si l’on place le palais royal sur la colline occidentale, plus élevée, nous l’avons vii, que le mont Moriah. De même, quand Joas a été couronné roi, on le « fait descendre » (hébreu yôridù, forme hiphil de ydrad, « descendre » ) du temple au palais. IV Reg., xi, 19. Les deux mots, au contraire, sont parfaitement justes dans l’hypothèse que nous défendons. La demeure du roi ne pouvait occuper qu’une terrasse située un peu au-dessous de celle du Temple, puisque le roc s’abaisse du nord au sud. Le palais de David était plus près que celui de Salomon du pied de la colline. Nous pouvons donc, en somme, nous faire cette idée des édifices élevés au-dessus de la cité de David, où se pressaient déjà les unes contre les autres les maisons de la ville basse : « Tout en haut sur l’esplanade la plus éloignée de la ville, le Temple et ses cours ; plus bas, le palais, sur la terrasse, ou, pour mieux dire, sur les terrasses intermédiaires. Il n’est pas vraisemblable que les différents quartiers de l’habitation royale aient été tous posés sur un même plan horizontal ; à les distinguer par des difleLégende Cite deSswid
Mars de David et de Saloznon ( l 1 * Enceinte ! Mors dSzechias et de Manasse. ( 2e Encemte) Travaux d flepode Je Crand. Mut dvgPtppa ( 3e Enceinte), Enceinte actuelle
ïtMe
19. — Jérusalem ancienne et ses différentes enceintes.— Les deux coupes A, B, à l’ouest d’Ophel, marquent la ligne suivant laquelle a été faite la coupe de la vallée du Tyropœon, fig. 247. — A, B, C, à l’est, indiquent les trois coupes de la vallée du Cédion, fis. 248.
rences de niveau, qui pouvaient être d’ailleurs assez légères, l’architecte avait un double avantage : d’une part, il suivait plus docilement le mouvement ascensionnel du terrain, et, de l’autre, il obtenait un effet plus grandiose ; il évitait que les parties antérieures de cet ensemble couvrissent et vinssent masquer les édi J^Tt-w’m -^% ?S^^^gÊr£
fices placés en arrière, dans le voisinage immédiat du Temple. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 400.
Le Temple, monument religieux et national, une fois élevé, donna une grande importance à la ville, qui continua à se prolonger sur la colline occidentale. De nouveaux murs de fortification furent nécessaires. Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 1, nous apprend que Salomon augmenta
les remparts, les renforça et les munit de tours énormes. L’Écriture, III Reg., XI, 27, ajoute que les travaux entrepris sur le Mello excitèrent les mécontentements du peuple.
Bientôt cependant la division du
royaume en ceux de Juda et d’Israël porta un coup funeste à Jérusalem, qui cessa de s’agrandir. Les successeurs de Salomon n’eurent sans doute qu’à réparer ou fortifier son œuvre, comme le firent Ozias et Joatham. II Par., xxvi, 9 ; xxvii, 3. La Bible ne nous donne point de tracé proprement dit pour cette partie de la première enceinte. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, comble cette lacune dans la description suivante : « Le plus ancien des trois murs était inexpugnable à
250. — Mur de l’angle sud-est du Haram, d’après The Becovery 0/ Jérusalem, p. 35.
cause des vallées et de la hauteur des collines sur lesquelles il était bâti. À l’avantage naturel on avait ajouté de puissantes fortifications, David, Salomon et les rois leurs successeurs s’étant beaucoup employés à ce travail. Commençant du côté du nord à la tour dite Hippicus, le mur s’avançait jusqu’à’l’endroit appelé Xyste, se joignait ensuite à la salle du Conseil, et se terminait ainsi au portique occidental du Temple. De l’autre coté, à l’occident, il commençait à la même tour,
se prolongeait à travers la région appelée Bethso jusqu’à la porte des Esséniens. Ensuite, du côté sud, il tournait au delà de la piscine de Siloé, puis de là, du côté de l’orient, il s’inclinait vers la piscine de Salomon, atteignait un lieu que l’on appelle Ophla, et ainsi se joignait au portique oriental du Temple. » Rien de plus facile que de suivre ce tracé. La tour Hippicus, point de départ, était une des trois qu’Hérode le Grand avait fait bâtir à l’angle nord-ouest de la ville supérieure telle qu’elle existait de son temps ; elle devait être sur l’emplacement de la citadelle actuelle, la plus rapprochée de la porte de Jaffa. Le Xyste, qui, chez les Grecs et les Romains, désignait une galerie couverte, se trouvait auprès du pont qui unissait la ville haute au Temple, et dont on voit encore l’amorce (arche de Wilson). Cf. Josèphe, Bell. jud., VI, vi, 2. Le mur passait au nord pour se joindre à la salle du Conseil, assez bien représentée par le Mehkéméh ou tribunal actuel, et se terminait en formant angle sur le portique occidental du Temple, près de la porte appelée aujourd’hui Bâb es-Silstléh. La Bible signale deux portes dans cette muraille septentrionale, qui existait certainement déjà en 840 avant J.-C. Nous lisons, en effet, II Par., xxv, 23 : « Joas, roi d’Israël, prit Amasias, roi de Juda, à Bethsamès, et il l’amena à Jérusalem ; il détruisit le mur de cette ville depuis la porte d’Éphraim jusqu’à la porte de l’Angle, 400 coudées. » Cf. IV Reg., xiv, 13. Comme la deuxième enceinte ne fut bâtie que plus tard, sous Ézéchias et Manassé, il s’agit bien ici de la première et de la muraille septentrionale, qui, n’étant pas, comme les autres, protégée par de véritables précipices, était la plus facile à détruire et la plus importante à démolir pour un ennemi. D’ailleurs, le nom d’Éphraim indique la direction nord, le pays vers lequel on allait en sortant par la porte en question. De même la porte de l’Angle est, par son nom, marquée à l’angle que formait le mur en tombant perpendiculairement sur l’enceinte du Temple. Elle donnait accès dans le chemin qui suivait le fond de la vallée du Tyropœon. Les deux portes, d’après le texte sacré, étaient séparées par une distance de 400 coudées, soit 210 mètres. Or, en partant de la dernière et mesurant cette distance vers l’ouest, on arrive exactement à l’artère principale qui va du sud au nord de Jérusalem et qui, dans la première enceinte, devait aboutir à la porte d’Éphraim. Josèphe, Bell. jud., V, iv, 2, indique une troisième porte, appelée Gennath, dans la muraille septentrionale ; elle se trouvait sans doute, nous le verrons, à l’extrémité occidentale.
Si maintenant nous descendons de ce point ou de la tour Hippicus vers le sud, nous rencontrerons la « porte de la Vallée », par laquelle Néhémie sortit pendant la nuit. II Esd., ii, 13. On la place un peu au-dessous de la porte de Jaffa actuelle, à l’angle sud-ouest de la citadelle, débouchant dans cette profonde vallée qu’il faut traverser pour aller vers Bethléhem. La « porte des Esséniens », mentionnée par Josèphe, à l’extrémité du quartier Bethso ou « maison des ordures », correspond à la « porte Sterquiline » de Néhémie, qui l’indique à mille coudées ou 525 mètres de la précédente. II Esd., iii, 13. Cette distance nous conduit à l’angle sud-ouest de la colline occidentale, là où M. BHss a découvert un fragment de mur ancien avec une porte indiquée par trois seuils superposés, par conséquent d’époques successives, et placée au-dessus d’un égout qui débouche dans la vallée quelques mètres plus loin. De là, la muraille du sud s’en allait directement vers l’est, faisant seulement les légers contours qu’exige la nature du sol. Les divers textes relatifs à la topographie de la ville sainte ne signalent rien jusqu’à la « porte de la Fontaine », auprès de laquelle Néhémie nous montre la piscine de Siloé, le jardin du roi et les degrés de la cité de David. II Esd., iii, 15. Là encore, au point ou la colline tourne pour remonter au nord, M. Bliss a trouvé un mur qui offre les mêmes
variétés d’appareil que dans les autres parties, une porte qui compte trois seuils comme celle d’en haut, et une tour située dans l’angle, de manière à défendre la porte et le saillant formé par le changement de direction du mur. À partir de l’angle sud-est du Temple, l’enceinte de la ville se confondait-elle avec celle de l’enceinte sacrée, ou bien construisit-on un mur en avant pour protéger cette dernière ? La question est controversée. D’après M. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1894, t. xvii, p. 13, les fortifications s’écartaient un peu de la muraille du Temple. Arrivées à la hauteur de ce que nous appelons la porte Dorée, elles remontaient vers l’ouest en suivant la dépression naturelle qui existe là, et venaient se terminer à l’angle nord-ouest du Temple, où elles étaient appuyées par deux tours que nous retrouverons mentionnées sous les noms de Méah et Hananéel. Cf. P. M. Séjourné, Les murs de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1895, p. 37-47. Les fouilles de M. Bliss ont jeté un jour tout nouveau sur la ligne méridionale de l’enceinte ; bien que trop tôt interrompues et que le résultat définitif ne puisse en être donné, elles n’en sont pas moins du plus haut intérêt. Voir Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, 1894, p. 169-175 ; 243-265 ; 1895, p. 9-25 ; 235-248 ; 305320 ; 1896, p. 9-22 ; 298-305 ; 1897, p. 11-26 ; 91-102, avec de nombreux plans.
Sur la cité de David, on peut voir : W. F. Birch, Zion, the City of David, dans le Quarlerly Statement, 1878, p 178-189 ; The City and Tomb of David, même revue, 1881, p. 94-100 ; The City of David and Josephus, ibid., 1884, p. 77-82 ; The approximate position of the castle of Zion, ibid., p. 1886, p. 33-34 ; von Alten, Zion, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1879, p. 1847 ; Die Davidsstadt, ibid., 1880, p. 116-176 ; Klaiber, Zion, Davidsstadt und die Akra innerhalb der alten Jérusalem, ibid., 1880, p. 189-213 ; 1881, p. 18-56 ; 1887, p. 1-37 ; C. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, ibid., 1893, p. 237-246 ; 1894, p. 1-24 ; M. J. Lagrange ; Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 17-38.
2. Sous les derniers rois de Juda : deuxième enceinte.
— À la chute du royaume d’Israël, les Hébreux qui réussirent à s’échapper vinrent pour la plupart se réfugier à Jérusalem, qu’il fallut dès lors agrandir. D’un autre côté, on pouvait craindre pour la ville sainte la ruine qui venait de frapper Samarie ; l’invasion assyrienne menaçait. Il fallait se prémunir contre l’attaque. Ce fut l’œuvre du pieux roi Ezéchias, et l’une des plus importantes. Elle se résume, d’après l’Écriture, II Par., xxxil, 3-5, 30, en trois grandes entreprises : réparer les murs et fortifier les parties faibles, amener dans l’intérieur de la cité, par des canaux souterrains, les eaux de l’extérieur et les soustraire à l’ennemi, enfin étendre l’enceinte de la ville. Des aqueducs, captant les sources des environs, suppléaient, nous l’avons vii, à l’aridité du sol de Jérusalem ; mais rien de plus facile à un assiégeant que de les intercepter. La principale, sinon l’unique source capable d’alimenter directement la place, c’est-à-dire, la fontaine de Gihon ou de la Vierge, était en dehors des murailles. Si, par des travaux antérieurs, les assiégés pouvaient y puiser à l’abri des traits de l’ennemi, elle n’en restait pas moins également au pouvoir de celui-ci. C’est pour cela qu’« Ezéchias boucha la sortie des eaux de Gilion d’en haut, et les dirigea par-dessous, à l’occident de la cité de David ». II Par., xxxii, 30 ; IV Reg., xx, 20. Il fit donc creuser dans la colline d’Ophel la galerie souterraine qui communique avec la piscine de Siïoé, et dont l’inscription hébraïque, découverte en 1880, décrit l’exécution. Voir Aqueduc, t. i, col. 804. Il chercha sans doute aussi à utiliser les provisions que pouvaient fournir quelques-unes des piscines environnantes.
Quant à l’agrandissement de la ville, il ne pouvait se faire que du côté du nord, puisque partout ailleurs les vallées y mettaient obstacle. L’Écriture ne détermine pas plus le tracé de cette deuxième enceinte que celui de la première. Josèphe, Bell. jud., V, iv, 2, nous en donne une description malheureusement trop laconique : « Le deuxième mur, dit-il, avait son point de départ à la porte qu’on nomme Gennath et qui appartenait au premier mur ; enveloppant seulement la région septentrionale, il se prolongeait jusqu’à l’Antonia. » Les deux points d’attache de la nouvelle muraille sont donc nettement indiqués. Le dernier, situé au nord-ouest du Temple, n’oifre aucune difficulté. Pour retrouver le premier et suivre de là les vestiges des fortifications, faisons appel à la topographie et à l’archéologie, dont les lumières valent mieux que les raisons de convenance trop souvent apportées. Destiné à couvrir toute la région septentrionale par rapport à l’ancienne ville, le mur nouveau devait, d’après le relief du sol, tel qu’on le peut constater aujourd’hui encore en cette région, s’amorcer aussi près que possible de l’angle nord-ouest, déjà protégé sans doute par quelque édifice antérieur à la tour Hippicus. Le nom de Gennath donné à la porte septentrionale permet de supposer qu’elle ouvrait sur des jardins (hébreu : gan, gannâh). Or, d’après Josèphe, Bell, jud., V, ii, 2, les jardins bordaient la ville au nord, et la tradition chrétienne, conforme aux données évangéliques, a placé dans le jardin de Joseph d’Arimathie, au nord-ouest de la cité, le tombeau de Notre-Seigneur. Comme, d’autre part, on établit volontiers une porte de rempart à l’abri d’une ou de plusieurs tours, on peut fort bien croire que celle dont nous parlons était défendue par le voisinage d’Hippicus ou de ses antécédents. C’est d’après ces vraisemblances solides que plusieurs savants la placent dans la courtine qui, au temps de Josèphe, reliait les deux tours Hippicus et Phasæl. Cf. C. Schick, Die zweite Mauer Jerusalems, dans la Zeitschrift des Deutschen Paldstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 272, pi. VIII ; Das Tfialthor im alten Jérusalem, dans la même revue, t. xiii, 1890, p. 35, pl. i. Si ces conjectures n’ont été jusqu’ici positivement confirmées par aucune découverte archéologique, elles trouvent cependant un sérieux point d’appui daus les vestiges de l’antiquité qui marquent de ce côté le commencement de la deuxième enceinte. En 1886, en effet, on mit à jour, à l’extrémité nord du Mauqâf, dans l’alignement de la rue Schuaiqat Allân, un mur en grandes pierres de taille, percé de portes, qui se prolongeait d’est en ouest jusqu’à l’entrée de la rue Istambuliyéh, où il était rencontré obliquement par un mur beaucoup plus puissant et dont quelques blocs énormes étaient appareillés à refend. Voir fig. 251. Après une interruption peu considérable, la ligne de ce mur était recouvrée, plus au nord, sur une étendue d’environ trente mètres. Deux à trois assises demeuraient partout en place, les blocs rappelant par leur forme et leurs proportions les meilleures parties de la « Tour de David ». À l’extrémité méridionale, un angle de construction massive, disposée en talus comme un revêtement d’escarpe, fut découvert en même temps ; il semblait avoir couvert l’angle d’incidence de la muraille sur l’enceinte primitive. C’est un point décisif dans la question de l’embranchement du second mur. Cf. Selah Merrill, Récent discoveries at Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, 1886, p. 21-24 ; C. Schick, The second Wall, dans la même revue ; 1887, p. 217-221 ; 1888, p. 62-64. En 1900, durant la construction de l’université orthodoxe du couvent de Saint-Dimitri, on a trouvé le rocher presque à fleur de sol le long de la rue Istambuliyéh. Au contraire, en avançant vers l’est, on a constaté une énorme et brusque dépression, indice peut-être d’un ancien fossé, qui serait en parfaite relation avec les vestiges du mur relevé à l’angle nord-ouest de la rue hareï el-Mauâzin et plus à
l’est au débouché de cette rue sur la rue des Chrétiens. Le mur se prolongeait en droite ligne vers le Morislàn, qui en a conservé des traces. Lorsque, en effet, on jeta les fondements]du temple protestant, qui a succédé à SainteMarie-Latine (1893), on Vaperçut que l'église avait été posée presque sans fondations sur les décombres. À peu près exactement dans le grand axe de l'édifice, on rencontra un mur puissant, orienté d’ouest en est, présentant dans les parties sauves un appareil soigné en grands blocs, la plupart à refend. On le regarda dès lors comme un reste de la seconde enceinte. Cf. C. Schick, The second Wall of ancient Jérusalem, dans le Pal. Explor. Fund, 1893, p. 191493 ; 1894, p. 146.
Du Moristàn, en remontant vers le nord, on retrouve un vestige important de la même muraille, dans l'éta à fait droit. Le mur dans cette direction est d’un appareil assez semblable à celui du gros mur auquel il est lié. Il s’interrompt avant d’avoir atteint le bord d’un seuil de porte antique a, dont l’autre extrémité était accostée par un saillant aujourd’hui ruiné en partie, visible toutefois encore sur le front d’un autre mur, bc, qui n’offre aucun rapprochement avec ceux que nous venons d'étudier. On incline à croire que ee seuil de porte représente, au moins par son emplacement, une ouverture, probablement intérieure, de la seconde enceinte. ABCD seraient les débris d’un saillant extérieur destiné à couvrir l’entrée et à protéger un point faible de la muraille, qui laisserait ainsi le Calvaire et le SaintSépulcre à une centaine de mètres à l’ouest. Cf. C. Schick, New excavations in Jérusalem, dans le Pal. Expl. Fund,
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251. — La deuxième enceinte de Jérusalem. D’après la Revue biblique, 1902, p. 33.
blissement russe-situé à l’est du Saint-Sépulcre. Il y a là un groupe de ruines fort complexes, que nous n’avons fait qu’indiquer plus haut, col. 1338. Il nous suffira d’y remarquer les points suivants. Voir fig. 252. Un gros mur AB se développe du nord au sud sur une longueur de près de dix mèlres. Il est formé de deux ou trois assises de blocs à refend dont les dimensions varient de m 70 à 2 mètres. L’assise inférieure repose sur le roc vif dressé en escarpe, dont on a régularisé la crête au moyen de hlocs plus petits, sans refend, et par des entailles où sont encastrées les pierres d’appareil. Un autre mur AC court d’ouest en est et vient tomber sur l’extrémité méridionale du premier, en formant au point À un angle légèrement ouvert. Sa base repose également sur le Tocher, mais il n’a qu’une seule assise de blocs à refend. Au-dessus, la muraille, en petit appareil lisse, se rétrécit ; mais le soubassement offre une similitude parfaite avec le mur AB. Voir fig. 253. Ce dernier n’a qu’une ouverture ; l’autre en a trois, celle du milieu représentant peut-être une porte primitive. Le mur D qui tombe perpendiculairement sur la ligne AC n’est visible aujourd’hui que dans sa partie supérieure. Un retour d'équerre dans la muraille forme à l’orient de la ligne AB un angle qui n’est pas tout
1888, p. 57-60, pl. 1-3 ; Das Stadtviertel der Grabeskirche, der Lauf der zweiten Marier Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 259-273, avec plan restitué de cette partie de l’enceinte, pi. ix et x. Au delà du quartier du Saint-Sépulcre, le parcours des murailles est moins facile à suivre. On a cependant signalé, le long de la Voie douloureuse, notamment aux stations dites de Véronique et de Simon le Cyrénéen, divers débris de constructions antiques, présentant les caractères qui ont servi à rattacher entre eux les tronçons de muraille relevés depuis la tour Hippicus. Cf. E. Pierotti, Jérusalem explored, Londres, 1864, t. i, p. 33-34 ; C. Schick, Veronica’s House, dans le Pal. Expl. Fund, 1896, p. 214-215. Enfin, l’existence A& la contrescarpe du fossé qui isolait la muraille du Bézétha. depuis l’hospice autrichien jusqu'à VEcce-Romo, offre de sérieux motifs pour établir le passage de la deuxième enceinte parallèlement à la rue du Vieux-Sérail ou Tariq Serai ei-Qadinijusqu'àl’Antonia, dont le site, à l’angle nord-ouest du Haram, est incontestable. Cf. H. Vincent, La deuxième enceinte de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1902, p. 31-57. La ligne d’enceinte que nous venons de décrire n’a évidemment rien d’absolu ni de définitif ; des études et des découvertes futures peuvent la modifier. Elle a au moins le mérite de s’appuyer sur les données archéologiques et l’examen attentif du terrain. On remarquera comment elle laisse en dehors de la ville le Calvaire et le Saint-Sépulcre, dont l’authenticité est par là même garantie, non par des arguments a priori, mais par une méthode rigoureuse et scientifique.
Les travaux continuèrent sous le règne de Manassé. Mais quelle fut au juste l’œuvre de ce roi ? Il est difficile de le dire en présence d’un texte obscur : « Après cela, lisons-nous II Par., xxxiii, 14, il bâtit le mur extérieur de la cité de David à l’occident de Gihon, dans le torrent, et dans la direction de la porte des Poissons, et autour d’Ophel, et il l’éleva beaucoup. » Si Gihon désigne ici la vallée du Cédron, il s’agit peut-être d’un avant mur placé près du fond de la vallée, tandis que l’ancien mur suivait la crête de plus près. Si Gihon est la fontaine elle-même, il faut placer la construction à l’occident de la colline d’Ophel, le long de la vallée du Tyropœon, dans la direction de la porte des Poissons, qui, nous le verrons tout à l’heure, était à l’extrémité nord de cette dépression. Mais, dans ce cas, Manassé ne fit que relever la partie méridionale qui existait déjà du temps d’Ézéchias. Elle formait l’un des deux murs qui enfermaient la piscine de Siloé et que mentionnait Isaie, xxii, 11, lorsqu’il disait : « Vous avez fait un bassin entre les deux murs pour les eaux de la vieille piscine. » On avait donc déjà pensé à fortifier par un double rempart ce point vulnérable, le plus bas de la ville et conservant la provision d’eau. La « porte entre les deux murs » donnait sur les jardins du roi, « sur la voie qui conduit au désert, » c’est-à-dire du côté du Jourdain, et c’est par là que, pendant le siège de Jérusalem par l’armée de Nabuchodonosor, les guerriers et Sédécias s’enfuirent. IV Reg., xxv, 4. L’existence de cette double muraille a été constatée par les fouilles de M. Bliss. Le gros mur qui se dirige au nord-est est certainement très ancien et remonte à la période juive. Cf. Palestine Expl. Fund, Quarterly Statentent, 1895, p. 305-320. M. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jerusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, 1894, p. 21, pense que la Bible, II Par., xxxiii, 14, indique un triple travail de Manassé. Le premier comprendrait un mur allant, à l’ouest d’Ophel, de la pointe méridionale de la colline jusqu’au Mello au nord, ou bien plutôt se détournant, au bout de 200 mètres environ, pour aller rejoindre vers l’est l’antique rempart jébuséen. Le second serait un ouvrage avancé défendant les abords de la porte des Poissons ; le troisième, un pan de muraille élevé au nord-est d’Ophel, se rattachant, d’un côté à la cité de David, de l’autre au coin sud-est du palais royal, qui, sur ce point, eût été également protégé par un double mur. Voir la carte, fig. 249.
252. — Restes d’anciens murs dans l’établissement russe.
Pour terminer cette étude de Jérusalem avant la captivité, il nous reste à jeter un coup d’œil sur les portes dont son enceinte était percée et les principales tours dont elle était flanquée. Elles sont presque toutes clairement indiquées dans II Esd., iii; xii, 31-39, où nous assistons à leur reconstruction par Néhémie. L’ordre même suivi par l’auteur sacré est notre meilleur guide pour connaître leur emplacement.
1o La porte du Troupeau (hébreu : ša‘ar haṣ-ṣô’n ; Septante : πύλη ἡ προβατική. II Esd., iii, 1, 31 (hébreu, 32) ; xii, 38 (hébreu, 39). Il faut la chercher dans l’intérieur du Haram actuel, au nord, un peu plus bas peut-être que la porte appelée aujourd’hui bâb-el-‘atm. Elle se trouvait ainsi dans la direction de la piscine Probatique.
2o La porte des Poissons (hébreu : ša‘ar had-dâgîm ; Septante : πύλη ἡ ἰχθυηρά, ou ἰχθυῖκή, II Par., xxxiii, 14 ; II Esd., iii, 3 ; xii, 38 (hébreu, 39) ; Soph., i, 10, à l’ouest de la tour Hananéel, dans la vallée de Tyropœon.
3o La porte Ancienne (hébreu : ša‘ar ha-yešânâh ; Septante : πύλη Ἰσανά selon le Codex Vaticanus, τοῦ Αἰσανά suivant l’Alexandrinus et le Sinaiticus), II Esd., iii, 6 ; xii, 38 (hébreu, 39), à l’angle que formait la muraille en descendant vers le sud en face de la colline du Saint-Sépulcre, dans l’alignement de la rue actuelle Hâret Bâb el-‘Amûd ; à moins qu’on ne place là la porte d’Éphraim, dont il n’est rien dit au chapitre iii de Néhémie. Le texte relatif à cette porte offre matière à critique. Voir t. i, col. 553-554.
4o La porte de Benjamin (hébreu : ša‘ar Binyâmin ; Septante : πύλη Βενιαμίν). Jer., xxxvii, 12 ; Zach., xiv, 10. Quelques-uns l’identifient avec la porte Ancienne ; d’autres avec la porte d’Éphraïm. Voir t. i, col. 554, 1599.
5o La porte d’Éphraim (hébreu : ša‘ar ’Éfraîm ; Septante : πύλη Ἐφραΐμ), II Esd., viii, 16 ; xii, 38 (hébreu, 39), en ligne droite au-dessous de la « porte Ancienne », à l’angle formé par la muraille lorsqu’elle retourne vers l’ouest. Elle correspondait ainsi à l’antique porte d’Éphraïm qui appartenait à la première enceinte. IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23. Voir t. ii, col. 1881.
6o La porte de l’Angle (hébreu : ša‘ar hap-pinnâh ; Septante : πύλη τῆς γωνίας), mentionnée dans Jérémie, xxxi, 38, devait se trouver sur l’emplacement de la citadelle actuelle et correspondre peut-être à l’ancienne porte Gennath. Zacharie, xiv, 10, l’appelle « porte des angles » (hébreu : ša‘ar hap-pinnîm ; Septante : πύλη τῶν γωνιῶν ; elle était, en effet, dans cette hypothèse, entre l’angle rentrant et l’angle saillant des remparts. Elle était défendue par la tour des Fourneaux. Suivant certains auteurs, nous l’avons vu, la porte de l’Angle dans la première enceinte, IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23 ; xxvi, 9, était à l’extrémité opposée, près la muraille du Temple. Voir t. i, col. 599.
7o La porte de la Vallée (hébreu : Sa’ar hag-gaya’; Septante:πύλη τῆς φάραγγος), II Par., xxvi, 9 ; II Esd., ii, 13, 15; iii, 13, au sud de la citadelle actuelle.
8o La porte Sterquiline (hébreu : sa’ar hâ-’aspôt; Septante : πύλη τῆς κοπρίας), II Esd., II, 13, iii, 13, 14 ; xii, 31, au sud-ouest de la colline occidentale ; c’est la porte des Esséniens de Josèphe, Bell. jud., V, iv, 2.
9o La porte de la Fontaine (hébreu : sa’ar hd’aïn ; Septante, πύλη τῆς πηγῆς, II Esd., iii, 15 ; πύλη τοῦ Ἀίν, II Esd., II, 14 ; πύλη τοῦ αἰνεῖν, II Esd., XII, 36 [hébreu, 37]), au sud-est, c’est-à-dire au-dessous de la piscine de Siloé.
10o La porte entre les deux murs (hébreu : Sa’arbên iia-hùmôfaim ; Septante : πύλη ἡ ἀνὰ μέσον τῶν τειχῶν ; IV Reg., xxv, 4 ; πύλη ἀνὰ μέσον τοῦ τείχους καὶ τοῦ προτειχίσματος, Jer., xxxix, 4 ; lii, 7), probablement une petite porte située entre la double muraille qui enfermait la piscine de Siloé, comme nous l’avons vu plus haut.
11o La porte des Eaux (hébreu : Sa’ar ham-niaim ; Septante : πύλη τοῦ ὕδατος), II Esd., iii, 26 ; viii, 1, 3, 16 ; xii, 36 (hébreu, 37), au nord-est de la colline d’Ophel.
12o La porte des Chevaux (hébreu : Sa’ar has-sûsîm ; Septante : πύλη τοῦ ἵππων), II Par., xxiii, 15 ; II Esd., iii, 28 ; Jer., xxii, 40, vers l’angle sud-est de l’enceinte du Temple, vis-à-vis le palais royal et ce que l’on a appelé les écuries de Salomon. Voir t. ii, col. 682.
13o La porte Orientale (hébreu : sa’ar ham-mizrâl) : Septante : πύλη τῆς ἀνατολῆς;), II Esd., iii, 29, entre la précédente et la suivante.
14o La porte Judiciaire (hébreu : sa’ar ham-rnifqâd ; Septante : πύλη μαφεκάδ), II Esd., iii, 30 (hébreu, 31), peut-être sur l’emplacement de la porte Dorée actuelle.
On cite encore : la porte Première (hébreu : sa’ar hâri’Sûn ; Septante : πύλη ἡ πρώτη)), Zach., xiv, 10 ; la porte du Milieu (hébreu : sa’ar hat-(âvék ; Septante : πύλη ἡ μέση), Jer., xxxix, 3 ; la porte des Tessons on du Potier (hébreu : Sa’ar ha-harsit ; Septante : πύλη τῆς χαρσείθ ; Vulgate : porta-fictilis), Jer., xix, 2 ; la porte de la Garde (hébreu : sa’ar ham-mattdràh ; Septante : πύλη τῆς φυλακῆς), II Esd., XII, 38 (hébreu, 39), qui sont inconnues ou doivent être identifiées avec l’une ou l’autre des précédentes.
Les tours principales étaient : au nord, la tour de Hananéel (hébreu : migdal lfânan’êl ; Septante, Codex Vaticanus : πύργος Ἁνανεήλ, II Esd., iii, 1 ; xii, 38 ; Cod. Alexandrinus et Vaticanus : πύργος Ἁναμεήλ, II Esd., iii, 1 ; xii, 38 ; Jer., xxxi. 38 ; Zach., xiv, 10), à l’angle nord-ouest de l’enceinte du Temple, où fut plus tard l’Antonia. À côté, vers l’est, était la tour d’Êmath (hébreu : migdal ham-Mê’àh), II Esd., iii, 1 (Vulgate : tvrris Centum cubitorum) ; xii, 38 (hébreu, 39). Voir Émath 4, t. ii, col. 1723.
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253. — Angle A des anciens murs trouvés dans l’établissement russe. Vue prise du sud avant la restauration.
Il y a là des difficultés textuelles qui feraient regarder l’existence de cette tour comme problématique. Cf. H. Vincent, La tour Méa, dans la Revue biblique, 1899, p. 582-589. À l’ouest, le rempart était protégé par la tour des Fourneaux ou des Fours (hébreu : migdal hat-tannûrîm ; Septante : πύργος τῶν θανουρίμ). Enfin, à l’est, défendant le palais royal, était la tour Saillante (hébreu : migdal hay-yôsé’ ; Septante: πύργος ὁ ἐξέχων). II Esd., iii, 25, 26, 27.
Nous avons établi cette seconde enceinte sur les données qui nous paraissent les plus solides, sans entrer dans les différents systèmes. On peut voir : Sayce, The topography of præ-exilic Jerusalem, dans le Palestine Expl. Fund, 1883, p. 215-223 ; Conder, Jerusalem of the Kings, même revue, 1884, p. 20-29 ; Birch, Notes on prae-exilic Jerusalem, ibid., 1884, p. 70-75 ; Schick, The second wall of ancient Jerusalem, ibid., 1893, p. 191-193 ; Die zweite Mauer Jerusalems, dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, 1885, p. 259-273, pl. viii; Die Baugeschichte der Sladt Jerusalem, même revue, 1894, p. 1-24, pl. i; F. Spiess, Die neueste Construction der zweiten Mauer Jerusalem und Josephus, ibid., 1888, p. 46-59.
2o De la captivité à la ruine de Jérusalem (70).
Tous ces ouvrages de défense ne sauvèrent pas de la
vengeance divine la ville coupable de tant de prévarica
tions. En 587 avant J.-C, l’armée de Nabuchodonosor brûla le Temple et le palais royal, rasa les maisons, démolit les remparts et emmena le peuple captif à Babylone. Mais Jérusalem devait se relever de ses ruines, pour recevoir un jour le Sauveur du monde, qui voulait en faire le théâtre de son sacrifice.
4. Du retour de l’exil à Rérode le Grand.
Au bout de 71 ans, le Temple fut reconstruit par Zorobabel ; mais les murs de la ville restèrent abattus jusqu’en 445 avant J.-C, époque à laquelle Néhémie vint pour les relever. Il les refit sur leurs anciennes bases, en sorte que la seconde Jérusalem fut bâtie sur les fondements de la première. Pour comprendre ce qui est dit au
vers le nord jusqu’à leur point de départ. Sur cette restauration, voir C. Schick, Nehemia’s Mauerbau in Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâslina-Vereins, 1891, p. 41-62, pl. n.’La seconde Jérusalem maintint constamment son périmètre jusqu’en l’année 42 de l’ère chrétienne, laissant en dehors le mont Bézétha et la colline du Calvaire. Elle subit cependant quelques modifications intérieures. Anliochus IV Épiphane, roi de Syrie, après avoir saccagé et profané le Temple, envoya plus tard des gens pour brûler la ville et détruire ses murs. C’est alors que les Syriens « fortifièrent la ville de David avec une grande et forte muraille, et ils en firent leur citadelle », xa’i
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254. — Arche de Wilson. D’après The Recovery of Jérusalem, p. 76.
deuxième livre d’Esdras sur l’état des fortifications au retour de l’exil, ii, 11-15, sur leur reconstruction, iii, 4-31, sur leur dédicace, xii, 27-39, il suffit de se reporter à la description que nous venons de faire. L’enceinte resta la même avec ses portes et ses tours. Les Chaldéens n’avaient pas démoli partout la muraille de fond en comble ; certaines parties même, celles que ne mentionne pas l’auteur sacré, étaient sans doute restées plus ou moins intactes. Il fut donc facile aux Juifs d’en suivre le pourtour et de la ramener autant que possible à son état antérieur. La restauration, commencée par la porte du Troupeau, au nord, se continua vers l’ouest ; puis, de la tour des Fourneaux, elle descendit vers le sud, pour retourner à l’est vers la colline d’Ophel. Là, la Bible, II Esd., iii, 15, 16, nous fait remarquer que les murs de la piscine de Siloé furent refaits, que l’enceinte passait devant « les degrés qui descendaient de la cité de David » et longeait « le tombeau de David », détails qui corroborent l’opinion d’après laquelle il faut chercher « la cité de David » sur la colline orientale. Après la source de Gihon, les ouvriers poursuivirent leur œuvre
èfévETO a-jToïç eîç ôéxpav. I Mach., i, 35 (grec, 33). Pendant vingt-cinq ans, ils habitèrent cette forteresse, qui tint en suspens les destinées de la cité sainte. Ils lui donnèrent, de même que les autres Grecs habitant Jérusalem, le nom à’Acra qui signifie simplement « citadelle » et s’appliqua en même temps à la colline qui la portait. Bon nombre d’auteurs, oubliant cette origine, ont fait d’inutiles efforts pour retrouver le mont Acra et lui assigner sa place parmi les autres collines sur lesquelles est bâtie la ville. Ils l’ont ordinairement indiqué, avec la ville basse de Josèphe, entre le Saint-Sépulcre et le fond de la vallée du Tjropœon. Voir fig. 237, col. 13251326. h’Acra était plutôt située sur la colline orientale, c’est-à-dire sur celle que Josèphe, Bell. jud., V, IV, 1, nous représente au delà de la vallée du Tyropœon. Après avoir, en effet, mentionné celle qui portait la ville haute, et qui était de beaucoup la plus élevée et la plus droite dans le sens de la longueur, il ajoute : c L’autre colline s’appelle Acra, est recourbée aux deux extrémités et soutient la ville inférieure. En face de cette dernière était une troisième colline, naturellement plus basse
que Acra, et séparée par une large vallée, auparavant différente : dans la suite, au temps où les Asmonéens régnaient, ils comblèrent la vallée, voulant réunir la
255. — Arche de Wilson. D’après The Recovery o Jérusalem, p. 81.
était tout près du Temple, si près que, comme nous venons de le voir, on fut obligé de la détruire pour qu’elle ne dominât point celui-ci. Nous lisons également I Mach., iv, 41, que Judas Machabée, après sa victoire sur Lysias, montant à Jérusalem pour purifier le Temple, voulut que les prêtres ne fussent pas troublés dans leurs cérémonies et pour cela commanda à ses hommes de combattre ceux que les Syriens avaient laissés dans leur forteresse. Sous le règne d’Antiochus Épiphane, on construisit à Jérusalem, au pied de la citadelle, un gymnase et une éphébée. I Mach., i, 15 ; II Mach., iv, 9, 12. Voir Gymnase, col. 369 ; Éphébée, t. ii, col. 1830. Les Asmonéens élevèrent la tour Baris, qui lit plus tard partie de la forteresse Antonia. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4. Ils se bâtirent ensuite, dans le coin nord-est de la ville haute, un palais qui avoisinait et dominait le Xyste. Cf. Josèphe, Bell. jud., II, xvi, 3. 2. À l’époque d’Hérode le Grand.
Jérusalem devait naturellement bénéficier des idées de grandeur et de la munificence qui portèrent Hérode à enrichir la Palestine de magnifiques monuments. L’œuvre principale de son règne fut la restauration du Temple. Nous n’avons point à rechercher ici les agrandissements et embellissements qu’il apporta à l’enceinte et à l’édifice sacrés. Voir Temple. Mais nous devons dire comment, à cette époque, l’esplanade du Moriah était reliée à la colline occidentale. Ce n’est pas que les travaux entrepris pour franchir la vallée du Tyropœon remontent seulement à cette date. Il serait étonnant que, dans les âges précédents, on n’eût pas eu la pensée d’unir par un viaduc quelconque les deux parties de la ville. Mais les données historiques et archéologiques otîrent ici à notre étude
ville au Temple, et ayant travaillé le sommet de l’Acra, ils le rendirent plus bas, de sorte que le Temple le dominait. » Il ressort de ce texte que la troisième colline, qui semble bien correspondre à celle où l’on voudrait voir Acra, en est tout à fait distincte. Mais si l’acropole syrienne était à l’orient, à quel point précis la placer ? Tel est le problème, et il n’a jusqu’ici reçu aucune solution certaine. D’après le texte de I Mach., i, 35, il faudrait la chercher sur l’Ophel, « la cité de David, » où se trouvait autrefois déjà la forteresse jébuséenne, et c’est ce que font plusieurs auteurs. Mais, d’autre part, Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 6, nous dit que Simon, ayant attaqué l’Acra de Jérusalem, la mit au niveau du sol, pour qu’elle cessât d’offrir aux ennemis un refuge d’où ils faisaient beaucoup de mal aux Juifs. Mieux que cela même, il crut devoir abaisser le mont sur lequel elle était bâtie, et qui dominait le Temple. Le peuple consulté se mit à l’œuvre, et, par un travail incessant, nivela si bien la montagne, que le Temple finit par l.i dominer. Cet abaissement ne pouvait s’effectuer sui’l’Ophel, qui était beaucoup plus bas que le Moriah ; au sud du Temple, il n’y avait que l’esplanade artificielle créée par Salomon et qui était à un plan inférieur. L’œuvre, au contraire, pouvait s’accomplir au nord, on le mont Moriah s’élève assez considérablement. Et, effectivement, en face de la troisième colline dont nous venons de parler, à l’extrémité nord-ouest et dans l’enceinte actuelle du Haram esch-Schérif, on a remarqué un rocher qui a été taillé, nivelé, abaissé. Son altitude n’est plus que de 740 mètres : il était donc, comme le dit Josèphe, devenu plus bas que le Temple, dont le sol était de 744 mètres. Mais, avant cet abaissement, il devait atteindre, comme le rocher voisin sur lequel reposait l’Antonia, au moins 750 mètres, peut-être davantage, et, par conséquent, la colline d’en face, dont L( hauteur moyenne est de 737 à 744 mètres, était naturellement plus basse, taraivikEpoç <p’j<jei. On peut croire alors, dans cette hypothèse, que l’expression « cité de David », I Mach., i, 35, a un sens large et comprend le Moriah et l’Ophel.
, Ce qu’il y a de certain, c’est que l’Acra des Syriens
Arche de Robinson. D’après une photographie.
une base plus solide. Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 2 ; Bell. jud., II, xvi, 3, parle d’un pont qui allait du Temple à la ville supérieure et rejoignait le Xyste, place ornée de colonnades, voisine, comme nous venons de le
dire, du palais des Asmonéens. D’autre part, parmi les plus curieux vestiges de l’antiquité que les fouilles ont mis à jour, il en est deux qui nous permettent d’apprécier les travaux au moyen desquels on pouvait traverser de plain-pied le Tyropœon. Ce sont les arches appelées du nom des deux explorateurs, Wilson et Robinson, qui en ont dégagé les fondations. Nous n’avons fait que les signaler en parcourant la ville, voir col. 1342 ; elles méritant d’arrêter en ce moment notre attention. L’arche de Wilson, au-dessous de la porle du Haram, nommée Bâb es-Silsiléh, a 13 mètres de largeur et est construite de blocs qui ont de deux à quatre mètres de longueur. Voir fig. 254. Le long du Harnm, sur lequel elle s’appuie à l’sst. on a trouvé, à sept mètres de profondeur, dans uns tranchée pratiquée du côté sud, une masse de I
tentrional, et c’est après ce remaniement que l’arche aurait été construite. On croit ce viaduc contemporain de la dynastie iduméenne, mais il a été réparé à l'époque byzantine. L’arche de Robinson, à 12 mètres au nord de l’angle sud-ouest, possède encore trois rangs de vonssoirs, occupant une largeur de ÎS^SO. Voir fig. 256. Le pilier, bâti sur le rocher, à 12 ln 80 au-dessous de la naissance de l’arche, mesurait 15 m 50 de long sur 3 W 60 d'épaisseur. Il n’en reste que les deux assises inférieures et une partie de la troisième. Elles sont formées de beaux blocs en bossage, taillés comme ceux du mur du sanctuaire, à l’angle sud-ouest. Entre ce pilier et le mur du Haram, à 17 mètres au-dessous de la surface du sol, et de niveau avec la base du pilier, on a retrouvé un ancien pavé, en pierre calcaire, s’inclinant légèrement à l’est,
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257. — Arche de Robinson, d’après le Palest. Expl. Fund, Quart. St., 1880, p. 14.
voussoirs et de pierres ayant évidemment appartenu à une arche plus ancienne. Voir fig. 255. À 13 nl 20 et à 15 m 30, l’eau s’est rencontrée, coulant du nord au sud ; peut-être était-elle autrefois recueillie dans le canal dont nous parlerons tout à l’heure. Le mur du Haram est ici formé de beaux blocs à bossage semblables à ceux du mur des Lamentations. À partir des fondations, on ne compte pas moins de 21 assises, de 1 mètre à l m 20 de hauteur, admirablement conservées. Le pilier de l’arche, à l’ouest, est composé de sept assises de pierres taillées, mesurant de m 95 à l m 25 de hauteur, semblables à celles que l’on voit au-dessus des pierres à bossage de la place des Pleurs. La hauteur de cette maçonnerie est de 7 mètres environ, la largeur tle 4 m 35. Une galerie, pratiquée à la base même du roc, a montré qu’il incline à l’est. Une tranchée ouverte à l’ouest du pilier a fait découvrir une chambre voûtée munie d’une îenêtre murée, derrière laquelle s'étend une série de voûtes à arches semi-circulaires, situées dans le prolongement de l’arche. Elles sont sur une double ligne, les voûtes du sud ayant 7 mètres de largeur et celles du nord, 6 m 30, ce qui donne à peu près la largeur de l’arche de Wilson. La partie méridionale est la plus ancienne et constituait probablement la chaussée originelle. On l’aurait agrandie, en y ajoutant le côté sep sur lequel gisaient les voussoirs tombés de l’arche. Voir fig. 257. Il repose sur une énorme couche de débris, au-dessous de laquelle on a découvert deux voussoirs d’une arche tombée, dont l’un mesure 2 m 10 de longueur, et plus de 1 mètre de largeur et de hauteur. Ces voussoirs gisaient à travers la voûte d’un canal creusé dans le roc, situé à 24 mètres au-dessous de la surface actuelle du sol, et courant du nord au sud, parallèlement au mur du Haram. C’est cet aqueduc qui devait recevoir les eaux dont nous avons constaté la présence sous le premier viaduc. En tournant maintenant nos regards du côté de l’ouest, nous remarquerons à 75 mètres du mur du Haram, les restes d’une colonnade formée de piliers reposant sur le roc, à 5 m 40 au-dessous du sol, et construits en beaux moellons d’un grès tendre. Des débris d’arches ont été retrouvés entre ces piliers, qui se prolongent vers l’est et formaient sans doute un viaduc de niveau avec l’arche de Robinson. Nous aurions donc ici les restes de deux ponts d'époque différente ; le premier, dont une partie est visible encore, serait du temps d’Kérode, le second, dont deux voussoirs gisent au fond du ravin, serait beaucoup plus ancien. « On ne nous donne pas de détails sur la forme et la taille de ces voussoirs ; mais il est difficile pourtant de ne point conclure de ces observations
qu’à une époque antérieure au système de l’appareil à refends, un pont aurait été jeté, mais à un niveau plus bas, entre la colline occidentale et celle du Temple.
258.— Plan de la citadelle. D’après C. Schick, dans la Zettschrift des Deutschen PalastinaVerems, 1890, p. 64.
Ce premier pont ne pourrait alors appartenir qu’au temps des rois de Juda ; il remonterait peut-être à Salomon lui-même. Élèves des Égyptiens et des Assyriens, les maîtres des Juifs, les Phéniciens, connaissaient le principe de la voûte ; ils ont pu l’appliquer ici dès le xe siècle. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 168. Cf. Palestine Exploration Fund, Quart. Slat., 1880, p. 9-30, avec plusieurs plans ; Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 76-111 ; Warren et Conder, Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 173-209.
A l’angle nord-ouest de l’esplanade du Temple, Hérode éleva la forteresse Antonia, à laquelle furent joints des appartements de toute nature, des cours à portiques, des bains, en sorte que, par sa magnificence, elle semblait un palais. Cf. Josèphe, Bell. jud., V, v, 8. Pour la rendre inaccessible, il la fit séparer du mont Bézétha par un fossé très large et très profond. Voir Antonia, t. i, col. 712. Il se bâtit, en outre, une splendide maison royale dans l’angle nord-ouest de la ville haute, sur l’emplacement actuel de la caserne turque et du jardin des Arméniens. Il l’entoura d’un mur très élevé, flanqué, au nord, de trois tours qui étaient d’une structure et d’une hauteur remarquables, et qu’il appela : Hippicus, du nom d’un de ses amis ; Phasaël, en mémoire de son frère aîné ; et M ariamne, pour perpétuer le souvenir de sa seconde et malheureuse femme, qu’il avait éperdûment aimée. L’intérieur du palais était d’une richesse extraordinaire, plein de bosquets, d’ombre et de fraîcheur. On peut voir la description qu’en fait Josèphe, Bell. jud., V, iv, 4. La tour nord-ouest de la citadelle peut répondre à la tour Hippicus. Voir fig. 258. Celle-ci, au dire de Josèphe, Bell. jud., V, iv, 3, était un carré de 25 coudées (environ 13 mètres) de côté, ce qui concorde assez avec les dimensions de la construction actuelle. Celle du nord-est, appelée communément tour de David, représente bien par sa forme et sa structure inférieure, la tour Phasæl, à laquelle Josèphe,
ibid., donne quarante coudées (environ 21 mètres) en longueur et en largeur. Elle a, en réalité, 21 mètres de long sur 17 de large, ce qui constitue une différence assez légère. À partir du pied, dans le fossé, elle est bâtie, jusqu’à une hauteur de 12 mètres, pn grosses pierres à refends, mais à surface brute ; la rainure a bien été creusée, mais la table centrale qu’elle embrasse n’a pas été aplanie. Voir fig. 259. Les blocs unis sans mortier sont placés de manière que celui de dessus est posé en travers de celui de dessous. Toute cette vieille partie est massive, sauf un petit couloir au côté ouest. Les assises du haut sont de construction moderne ; nous n’en avons pas moins là le plus beau spécimen des anciennes tours de Jérusalem, dont les soubassements reposaient sur le roc ou sur un cube de maçonnerie massive. Cf. C. Schick, Der Davidsthurm m Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, 1878, p. 226-237, pl. i-ni. Quant à la tour Mariamne, elle avait, selon Josèphe, ibid., 20 coudées (10 mètres 50) de côté ; c’était la plus petite, mais la plus belle intérieurement. Occupait-elle la place de celle qui se trouve près de la précédente, au sud ? Nous ne savons.
Hérode bâtit à Jérusalem un théâtre, et, dans la vallée, un très grand amphithéâtre. Josèphe, Ant. jud., XV, vin, 1. M. Schick a découvert, il y a plusieurs années, les vestiges d’un théâtre ancien, situé au sud de la ville. Si l’historien juif ne parle pas de l’intérieur même de la cité, nous avons là certainement la place du monument élevé par le roi iduméen. Cet emplacement se trouve au sud de Vouadi er-Rebâbi, au sud-ouest de Bir Éyûb. Les collines qui s’étagent de ce côté sont
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259. — Tour de David. D’après une photographie.
séparées par deux vallées profondes, descendant de l’ouest à l’est vers Vouadi en-Nar. Voir la Carte des environs de Jérusalem, de C. Schick, dens la Zeitschrift
des Deut. Pal.-Vereins, 1895, pl. 4. La première s’appelle ouadi esch-Schama, la seconde, ouadi Yasûl. C’est sur le flanc méridional de la première qu’on rencontre l’hémicycle qui dessine encore les contours du théâtre. Voir fig. 260. L’endroit était choisi à merveille. Les parois de la colline, formées d’un rocher tendre, ont été taillées de manière à porter directement les gradins. Comme tous les anciens théâtres romains, celui-ci regardait le nord, pour éviter le trop grand soleil, et les spectateurs avaient devant les yeux le magnifique panorama de la ville. L’hémicycle avait un diamètre d’environ 45 mètres. De toutes ses splendeurs, il ne reste plus rien ; on n’a retrouvé que deux pierres taillées en corniche. Cf. C. Schick, Herod’s amphithéâtre, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1887, p. 161-166, avec plan et coupes. On a constaté que l’acoustique y est excellente. Cf. Germer-Durand, Le théâtre d’Hérode à
260. — Théâtre d’Hérode. D’après le Palest. Expl. Fund, Quart. Stat., 1887, p. 1C2.
Jérusalem, dans les Échos de N.-D. de France, Paris, avril 1896, p. 72.
Il est facile maintenant de se représenter la ville sainte, telle qu’elle était au temps de Notre-Seigneur. Avec ses hauts murs flanqués de bastions, ses nombreux palais, et surtout son enceinte sacrée, elle devait offrir un coup d’oeil splendide. Le Temple la dominait de toute la magnificence de ses richesses, comme de la majesté de l’idée religieuse qu’il représentait. Avec ses portiques aux immenses colonnes, son revêtement de marbre blanc, les aiguilles d’or qui couronnaient le sanctuaire, il ressemblait, vu de loin, à une montagne de neige, teintée de pourpre et d’or par les rayons du soleil levant. Josèphe, Bell. jud., V, v, 6. S’il faut en croire le même historien, ibid., V, iv, 3, les murailles de la première enceinte avaient 60 tours, celles de la seconde quatorze. Mais, par suite de la prospérité qu’elle acquit sous Hérode, la ville, franchissant le cercle de pierres qui l’enfermait, ^'étendit vers le nord. Le mont Bézétha, tout le territoire voisin de la eolline du Golgotha se couvrirent peu à peu de maisons et de jardins, dont l’ensemble devait offrir aussi un très bel aspect. Voir Jardins, col. 1130. Jérusalem était donc une cité imposante, bien qu’elle eût à l’intérieur des rues étroites et tortueuses, rattachées cependant comme aujourd’hui, croyons-nous, par des artères principales que la nature du terrain doit avoir tracées de tout temps. Outre la place principale, sur laquelle était le Xyste, elle avait encore la place des Bouchers, celle des Ouvriers en laine, le marché supérieur. Cf. Mischna, Erubhin, c. S, hal. 9 ; Josèphe, Bell. jud., V, viii, 1. Elle possédait surtout un nombre presque incroyable de synagogues. Il y en avait
460 ou même 480, d’après le Talmud de Jérusalem, Mégillah, fol. 73 6 ; Ketuboth, 35 b. « On comprend ce chiffre exorbitant, lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, dans les villes musulmanes, le nombre des mosquées n’est pas moins considérable. Chaque famille a pour ainsi dire la sienne. Les synagogues de Jérusalem étaient certainement la propriété exclusive des grandes familles, et surtout des corporations. Il y en avait une, par exemple, appelée synagogue des chaudronniers. De plus, les étrangers de passage dans la ville avaient à leur usage la synagogue spéciale de la contrée d’où ils venaient ; il y avait les synagogues des Cyrénéens, des Ciliciens, des Asiatiques, des Alexandrins. Act., VI, 9. Dans celle-ci on employait la langue grecque et on lisait la traduction des Septante. Talm. de Jérus., Sota, 21 6. Toutes ces synagogues étaient très fréquentées et chaque matin, au lever du jour, les rues se remplissaient de femmes, de scribes, de Pharisiens, leurs tefilhn attachés sur le bras, se rendant à leur synagogue préférée. <> E. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 61. Et c’est sur cette ville qu’un jour le divin Maître pleura. Luc, xix, 41.
3. Troisième enceinte (de l’an 45 à l’an 70). — Les agrandissements dont nous venons de parler nécessitèrent une nouvelle enceinte, pour abriter les quartiers récemment formés. Ce fut le roi Hérode Agrippa Ier qui entreprit ce travail colossal. Grâce à Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous pouvons suivre exactement les développements de la troisième muraille. Voir fig. 249. Partant de la tour Hippicus, elle s'étendait, au nord, jusqu'à la tour Pséphina. De forme octogonale, celle-ci, par son élévation et l’emplacement qu’elle occupait, était la plus haute de Jérusalem, en sorte que, de son sommet, on pouvait, au lever du soleil, voir la Judée depuis l’Arabie jusqu'à la Méditerranée. Josèphe, Bell. jud., V, IV, 3. Elle se trouvait à l’angle nord-ouest de la ville actuelle, là où l’on a retrouvé les restes d’une ancienne forteresse dite Qasr Djâlûd, « forteresse de Goliath, » sur le terrain où les frères de la Doctrine chrétienne ont bâti leurs écoles. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1878, p. 78 ; C. Schick, Die antïken Reste an der Nordwestmauer von Jérusalem, dans la Zeilschrift des Deut. Pal.-Vereins, 1878, p. 15-23, avec plan, pl. iv ; Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 264-267. De là, l’enceinte passait devant le monument d’Hélène, reine des Adiabéniens, puis par les cavernes rojales, qui sont en face de la grotte de Jérémie. Voir Carrières, t. ii, col. 319. Arrivée à la tour angulaire, près du monument du Foulon, elle allait, par la vallée du Cédron, se réunir à l’ancien mur, c’est-à-dire à l’angle nord-est de l’esplanade du Temple. Comme on le voit, elle suivait à peu près exactement l’alignement de la muraille septentrionale de la ville actuelle, depuis la porte de Jaffa jusqu'à la porte Bâb Sitti Mariant. Josèphe, dans le même passage, ajoute que la cité eût été inexpugnable, si cette troisième enceinte eût été terminée comme Hérode Agrippa Ier l’avait commencée. Les blocs de pierre que celui-ci avait employés mesuraient, en effet, 20 coudées (10-40) de long sur 10 coudées (5o » 20) de large, en sorte qu’il n’aurait pas été facile de les briser avec le fer, ni de les ébranler avec les machines. Craignant d'éveiller les susceptibilités de Claude César, le roi suspendit ce travail, que les Juifs achevèrent plus tard sous Agrippa II, en donnant au mur une hauteur de 25 coudées et en se servant de blocs de pierre de moindres dimensions. Malgré sa force imposante, la seconde Jérusalem devait bientôt tomber sous les coups de Titus, comme la première avait succombé sous ceux de l’armée de Nabuchodonosor.
La Jérusalem biblique finit avec Titus ; nous n’avons
donc pas à pousser plus loin notre étude. De son noyau
primitif, c’est-à-dire de la colline du sud-est, elle s’est
successivement étendue sur les hauteurs voisines, qu’elle
Jérusalem. — Vue prise du Mont des Oliviers (1901), d’après une photographie de M. Dissaro. a fini par enfermer dans sa triple enceinte. Au moment
où nous la quittons, elle a atteint des limites qu’elle ne
dépassera plus au cours de sa longue histoire. La richesse
de ses monuments fait revivre sa gloire d’autrefois, sous
Salomon. À part le Temple, qui sera décrit en son lieu,
nous avons essayé de la reconstituer à ses différents
âges, dans ses lignes essentielles. Dans cet ensemble de
collines, de maisons, de palais, bientôt un seul point
fixera les regards du monde, d’un monde nouveau. Ce
n’est pas le Temple, qui va disparaître pour toujours,
mais un petit monticule entouré de jardins, près d’une
des portes de la ville, le Golgotha. Marqué du sang de
la Rédemption, il restera un instant enseveli sous les
ruines de la cité déicide, mais pour ressusciter daus la
gloire, comme Celui qui voulut y réaliser les figures de
l’Ancien Testament et en faire le berceau de la Nouvelle
Alliance.
Jérusalem tient une telle place dans la vie du peuple hébreu, que son histoire complète serait presque l’histoire du peuple lui-même. Nous n’avons à rappeler ici que les événements qui la concernent directement. Après avoir, dans les pages précédentes, résumé les principales phases de son passé au point de vue archéologique, il ne nous reste qu'à consigner les faits les plus mémorables qui se sont accomplis dans son sein. L’ordre que nous suivrons sera le même.
I. de l’omginb À la capti virÉ. — 1o Avant David. — A quelle époque et par qui fut fondée Jérusalem ? L’histoire ne nous le dit pas. Josèphe, Bell. jud., VI, x, en attribue la première origine à Melchisédech, qui, après y avoir dressé un autel, changea le nom primitif de Salem, SdXujioc, en celui de Jérusalem, 'IspoirtiAUjia, ou « la sainte Solyme ». Nous avons là, sans doute, l'écho d’une tradition ancienne, mais elle semble aussi fragile que l'étymologie qu’elle vient appuyer. Saint Jérôme, Epist. lxxiii, t. xxii, col. 680, la rejette et soutient que la ville dont Melchisédech était roi se trouvait dans les environs de Scythopolis ou Bethsan (aujourd’hui Bétsâri). Il ne nie pas, cependant, que Jérusalem ait été anciennement appelée Salem. Cf. Epist. lxxiri, t. xxii, col. 677. Un certain nombre d’exégètes partagent l’avis du saint docteur. D’autres pensent, malgré ces autorités, que le récit de la Genèse, xiv, 18, nous transporte bien à Jérusalem, sans pour cela en assigner la fondation à celui qui en était le prêtre-roi, à Melchisédech. Voir Salem. De l'époque d’Abraham à la conquête israélite, l'Écriture garde le silence sur la cité chananéenne. Une découverte très importante faite en Egypte, à Tell el-Amarna, en 1887, a en partie comblé cette lacune. Les lettres assyriennes qu’on y a trouvées nous montrent que, vers 1400 avant l'ère chrétienne, par conséquent avant l’exode des Hébreux, Urusalim comptait déjà parmi les principales villes du midi de la Palestine. Elle avait à ce moment pour gouverneur Abd-kiba, vassal du pharaon Amenhotep, de la dixhuitième dynastie. Le préfet se plaint auprès de son suzerain des incursions d’un certain peuple nommé les Jfabiri, peut-être les Hébreux, qui ont poussé l’audace jusqu'à assiéger Jérusalem. Il demande des secours avec instance. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, lettres 179-185, p. 302-315 ; H. Zimmern, Palûstina um dos Jahr 1400 vor Chr. nach neuen Quellen, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1890, t. xiii, p. 138-142 ; Fr. Hommel, Die altisrælitische Ueberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, Munich, 1897, p. 155-160. Jérusalem était donc alors, comme le pays de Chanaan, tributaire de l’Egypte, soumise au gouvernement égyptien. Cf. A. J. Delattre, Le pays de Chanaan, province de l’ancien empire égyptien, dans la Revue des Questions historiques, 1896, t. lx, p. 5-94. Voir Palestine.
Lorsque les Hébreux entrèrent dans la Terre Promise,
D1CT. DE LA BIBLE.
la ville qu’ils devaient rendre si célèbre était au pouvoir d’une peuplade chananéenne, les Jébuséens, et s’appelait Jébus. Voir Jébus, Jébuséens, col. 1208, 1209. Le roi était Adonisédech, » le seigneur de la justice, » dont le nom, par la forme et le sens, rappelle celui de Melchisédech, « roi de justice. » Effrayé de la prise de Jéricho, de Haï, de la défection des Gabaonites, sentant déjà la menace de l’invasion, ce prince voulut opposer une digue au torrent dévastateur. Il fit une alliance avec les rois d’Hébron, de Jérimoth, de Lachis et d’Eglon, et vint mettre le siège devant Gabaon, pour la châtier et tout à la fois empêcher les autres villes de suivre son exemple. Mais Josué, prévenu à temps, délivra les assiégés et mit à mort le chef de la ligue avec ses confédérés. Jos., x, 1-27 ; xii, 10. Malgré celle délaite, les Jébuséens défendirent valeureusement leur cité, qui échappa au pouvoir des Israélites et servit de limite aux deux tribus de Juda et de Benjamin. La ligne frontière passait, en effet, au sud, par la vallée de Hinnom, laissant la ville à la seconde de ces tribus. Jos., xv, 8, 63 ; xviii, 28. Voir Benjamin 4, et la carte, t. i, col. 1589. Cette circonstance explique comment les deux voisins se la disputèrent après la mort de Josué. Juda l’attaqua une fois avec succès, il s’en empara, passa les habitants au fil de l'épée et la livra aux flammes. Jud., i, 8. Cependant, les Jébuséens restèrent en possession de leur citadelle, sur la colline de Sion, et habitèrent avec les enfants de Benjamin. Jud., i, 21. Leur nombre même s’accrut tellement que Jérusalem pouvait être appelée « la ville d’une nation étrangère ». Jud., xix, 12.
2o Sous David.
La cité demeura donc entre les
mains des Jébuséens pendant tout le temps de la domination des Juges et durant le règne entier de Saûl. Mais David, devenu maître de tout Israël, voulut en faire sa capitale. Avec son coup d'œil de soldat et d’administrateur, il jugea tout de suite le parti qu’il pouvait tirer de cette place, qui, par sa position et ses avantages naturels, semblait désignée pour être le boulevard politique et religieux de la nation. Voir plus haut, col. 1320, 1321. C’est lui qui, en somme, peut être appelé le vrai fondateur de Jérusalem. Mais il fallait déloger les habitants de leur forteresse, et ce n'était pas chose facile. Ceux-ci avaient une telle confiance dans la force inexpugnable de Sion (voir plus haut Topographie ancienne, col. 1352), que, lorsqu’ils virent le jeune roi s’approcher avec une armée considérable, ils répondirent à son audace par une orgueilleuse moquerie : les aveugles et les boiteux suffiraient pour défendre les remparts. Ils se repentirent bientôt de leur insolence. David, irrité de cette insulte, opyiaOsi ;, dit Josèphe, Ant jud., VIII, m, 1, promit de nommer général en chef de toute l’armée celui qui, le premier, escaladerait la forteresse et terrasserait le Jébuséen. CefutJoab qui obtint la récompense. Sion tomba entre les mains de David, qui en fit sa résidence, sa « cité ». II Reg., v, 6-9 ; I Par., xi, 4-7. C’est la première fois qu’apparaît dans l’histoire ce nom mémorable de Sion, qui représentera bientôt et dans la suite des siècles la demeure de Dieu sur la terre.
Le premier soin du conquérant fut d’entourer sa ville, c’est-à-dire la colline sud-est, de solides murailles qui la reliaient à la citadelle. Mais l'événement qui marquait si heureusement les débuts du jeune prince eut son retentissement chez les peuples voisins. Iliram, roi de Tjr, envoya bientôt à David une ambassade, avec des bois de cèdre et des ouvriers pour lui bâtir un palais. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1. La demeure royale, élevée sur une des terrasses d’Ophel, devenait une nécessité pour recevoir la famille toujours croissante du fils d’Isaï. II Reg., v, 13-16 ; I Par., iii, 5-9 ; xiv, 3-7. Jérusalem était désormais la capitale du royaume de plus en nlus affermi ; elle allait devenir le centre religieux de la nation en recevant l’arche d’alliance. Le roi
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voulut, en effet, avoir près ue lui l’arche sainte, symbole de la présence divine. Il la fit transporter avec la plus grande solennité sur la colline de Sion, dans un tabernacle construit à côté du palais, " ce fut un jour d’allégresse et de prières pour le peuple tout entier. II Reg., vi, 1-49 ; I Par., xv, xvi. La puissance royale s'étendit ensuite peu à peu par la soumission des Philistins, le tribut imposé aux Moabites, la défaite du roi de Soba, des Syriens de Damas, des Iduméens. Toutes ces victoires avaient apporté à Jérusalem d’immenses quantités d’or, d’argent, de cuivre et d’autres métaux. David conçut le projet de les consacrer au Seigneur, en lui élevant un magnifique temple, mais cette gloire était réservée à son fils. Une tentation d’orgueil le poussa en même temps à ordonner le recensement de son peuple. La punition de cette faute fut une peste épouvantable, qui fit périr 70 000 hommes. Déjà l’ange exterminateur, debout entre ciel et terre, au-dessus de l’aire du Jébuséen Oman, étendait sa main contre Jérusalem pour la frapper, lorsque Dieu, ému de pitié, l’arrêta. Pour remercier le Seigneur de la cessation du fléau, David acheta l’aire, qui était située sur le mont.Moriah, et y dressa un autel, sur lequel il offrit des holocaustes.
II Reg. xxiv ; I Par., xxi. Ne pouvant construire le Temple, il voulut au moins en préparer les matériaux. Les pierres, taillées par de nombreux ouvriers, furent transportées à Jérusalem. Il fit venir de Tyr et de Sidon une grande quantité de bois de cèdre, entassa d’immenses provisions de cuivre et de fer, et accumula l’or et l’argent pour cette œuvre qui avait été le rêve de sa piété. I Par., xxii. Avant de mourir, il en donna le plan à son fiis Salomon, puis « il s’endormit avec ses pères et il fut enseveli dans la cité de David ». III Reg., il, 10. C’est donc là, sur la colline d’Ophel, qu’il faudrait chercher le tombeau du saint roi. Cf. ClermontGanneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 18961897, t. ii, p. 254-294, et Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 1897, p. 383-427.
3/s Sous Salomon. — Le règne de Salomon fut l'époque la plus brillante pour Jérusalem. Nous avons dit plus haut, col. 1354-1359, quels furent les travaux de ce prince par rapport à l’enceinte de la ville. Son œuvre principale fut le Temple, qui, par la richesse des matériaux et des ornements, par le goût et l’art qui présidèrent à sa construction, devint une des merveilles' du monde. Voir Temple. Le Moriah fut vraiment la montagne sainte, le rendez-vous de tous les pieux Israélites ; chaque jour, le sacrilice s’y consommait, au chant des cantiques sacrés, de la main des prêtres et des lévites, merveilleusement organisés par David. La demeure de son père ne parut plus suffisante à Salomon ; gendre d’un pharaon, il voulut que la princesse égyptienne habitât un palais qui 1 ne fût pas trop inférieur à ceux de Tanis ou de Memphis. Celui qu’il bâtit fut le digne pendant du Temple, près duquel il s'élevait. Tous les bâtiments étaient compris dans une même enceinte, limitée de tous côtés par un mur qui, à l’est et à l’ouest, dominait de haut les deux vallées du Cédron et du Tyropœon. Le premier monument que l’historien sacré place dans cette enceinte, c’est celui qu’il appelle le palais du « Bois-Liban », ainsi nommé parce que la plus grande partie des matériaux dont il était fait avait été tirée des forêts de cette montagne.
III Reg., vii, 2. Le rez-de-chaussée formait une vaste salle hypostyle. Il y avait ensuite le portique du trône, où le roi rendait la justice, et les bâtiments d’habitation, qui ne pouvaient manquer d’occuper un très vaste espace. Ces groupes d'édifices, sommairement décrits, III Reg., vii, 1-12, se succédaient sur les terrasses du coteau. Pour en essayer la restitution, il faudrait faire une part trop considérable à la conjecture. On peut voir cependant B. Stade, Geschichle des Volhes Israël,
Berlin, 1887, 1. 1, p. 311-326, avec plan, p. 305 ; Der Text des Berichtes ùber Salomos Baulen, 1(111) Reg, , T-ril, dans la Zeilsckrift fur die alttestamentliche Wissenschaft, Giessen, 1883, p. 129-177 ; Perrot, Histoire de l’art, t. iv. p. 402-408. En dehors des édifices expressément nommés dans l'Écriture, la tradition attribue aussi à Salomon de grands travaux d’utilité publique et, en particulier, la construction de réservoirs et d’aqueducs destinés à pourvoir abondamment Jérusalem d’eau potable. La flotte qu’il fit construire à Asiongaber et le commerce qu’il entretenait avec les peuples voisins firent affluer dans sa capitale les trésors des pays lointains, or, argent, métaux, objets rares et précieux. La renommée de sa sagesse y attira la reine de Saba. IIIReg., x. Malheureusement, à la fin de sa vie, il se laissa corrompre par l’amour des femmes, païennes pour la plupart, et, pour leur complaire, il éleva des temples, des bosquets, des autels et des idoles à leurs fausses divinités. III Reg., xi, 1-8. On a voulu voir dans un très curieux monument découvert au village de Siloam, près de Jérusalem, la chapelle égyptienne que Salomon aurait bâtie pour que la reine pût s’y adonner au culte de ses pères. Cf. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 306-313, pi. xlii. Cette hypothèse est peu vraisemblable. La disposition intérieure du monolithe est plutôt celle d’une tombe. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 346-356. D’après ce simple résumé de la vie du grand roi, on peut se faire une idée de l'éclat dont brillait Jérusalem à cette époque.
4o Sous les rois de Juda.
Cette gloire s'éclipsa
avec celui qui l’avait portée à son apogée. Le schisme des dix tribus enleva à Jérusalem une partie de sa couronne, elle ne fut plus reine que de Juda et de Benjamin, comme l’avait prédit le prophète Ahias. III Reg., xi, 2939. Les jours de l'épreuve ne tardèrent pas à venir. Avec ce changement politique, une nouvelle période allait s’ouvrir dans l’histoire du peuple de Dieu. La cité sainte, isolée d’Israël par le veau d’or que Jéroboam établit aux frontières du nouveau royaume, III Reg., xii, 26-29, diminuée ainsi dans son autorité religieuse, devait en même temps, par l’affaiblissement de sa puissance, devenir le point de mire des peuples étrangers et subir leur choc, jusqu’au jour où ils l’auront complètement écrasée. Les richesses accumulées dans la ville de David et de Salomon devaient d’ailleurs tenter les rois voisins. Ce fut le pharaon d’Egypte, Sésac, qui, le premier, vint la dépouiller. La cinquième année du règne de Roboam, il marcha contre elle avec 1200 chariots et 60000 cavaliers, sans compter une multitude de soldats auxiliaires. Pénétrant dans le Temple et le palais royal, il emporta tous les trésors qu’ils renfermaient. III Reg., xiv, 25-26 ; II Par., xii, 2-9. Plus tard, l'éthiopien Zara, à la tête d’une immense armée, envahit la Judée, sous le règne d’Asa. Celui-ci, plus prudent et plus vaillant que Roboam, n’attendit pas d'être bloqué dans sa capitale pour se défendre. Il marcha au-devant de l’ennemi, l’extermina, et rentra à Jérusalem avec un magnifique butin. II Par., xiv, 9-15. Il restaura alors l’autel qui était devant le vestibule du Temple, rassembla tous ses sujets, auxquels se mêlèrent des Israélites, et offrit de nombreux sacrifices. Il brisa une honteuse idole élevée par sa mère et la brûla dans la vallée du Cédron. III Reg., xv, 13 ; II Par., xv, 8-16. Bientôt cependant, après avoir enrichi la maison du Seigneur et le palais royal, il ne craignit pas d’aliéner une partie de ces trésors pour acheter l’alliance de Bénadad, roi de Syrie, contre Baasa, roi d’Israèl. III Reg., xv, 18 ; II Par., xvi, 2-3. Le règne de son fils, Josaphat, fut une ère de prospérité pour Juda. Le pieux monarque s’efforça de faire fleurir la paix, l’ordre et la justice à Jérusalem, comme dans toutes les villes de ses États. Il y établit un tribunal suprême composé de prêtres, de lévites et de chefs de familles, chargé
de décider en dernière instance tous les cas difficiles dans les affaires religieuses, administratives et civiles. Les Philistins et les Arabes lui apportaient des présents et des tributs. Son seul tort fut de s’allier avec Achab et d’accepter pour son fils Joram Athalie, digne fille de l’impie et cruelle Jézabel. IL Par., xvii, 10-13 ; xix, 4-11. Il sut, par sa confiance en Dieu, repousser une invasion de Moabites, Ammonites et autres peuples. II Par., xx, 1-30. Joram, qui lui succéda, inaugura son règne par le massacre de ses six frères, puis il éleva des autels aux faux dieux et rétablit à Jérusalem l’idolâtrie que son père s’était efforcé d’extirper. La punition divine ne se fit pas attendre. Les Arabes et les Philistins pénétrèrent dans la terre de Juda, vinrent jusque dans la capitale, pillèrent le trésor du roi, emmenèrent ses femmes et ses fils, à l’exception du plus jeune. II Par., xxi, 4, 11, 16, 17. Quelques auteurs cependant pensent que Jérusalem ne fut pas atteinte. Cf. Keil, Chronih, Leipzig, 1870, p. 300. Après la mort d’Ochozias, Athalie usurpa le trône, et, pour régner seule, n’hésita pas à exterminer la race de David, en égorgeant ses propres petits-fils. Un seul, Joas, fut soustrait à sa haine et au massacre, caché et élevé furtivement dans l’un des appartements du Temple, puis, plus tard, proclamé roi. Au jour de cette proclamation solennelle, Athalie, entendant de son palais les cris de joie et le son des trompettes, courut au Temple, mais elle s’enfuit bientôt épouvantée et fut mise à mort à la porte des Chevaux. II Par., xxii, 10-12 ; XXIII.
Sous le gouvernement de cette triste reine, Jérusalem avait vu le culte de Baal prévaloir contre celui de Jehovah, et les dépouilles du Temple servir au sanctuaire paien. II Par., xxiv, 7. Après le couronnement de Joas, le peuple lui-même détruisit les idoles et leurs autels. II Par., xxiii, 17. Plus tard, le roi, voulant réparer la maison du Seigneur, employa aux restaurations l’argent qui provenait des dons volontaires de la piété de ses sujets. IV Reg., xii, 4-15 ; II Par., xxiv, 4-14. Mais, après la mort de Joiada, il s’abandonna à l’idolâtrie et fit périr Zacharie, qui lui reprochait ce crime. Dieu ne tarda pas à venger le sang du martyr. Hazæl, roi de Syrie, envahit le territoire de Juda, marcha contre Jérusalem, massacra les chefs du peuple, et ne s’éloigna que lorsque Joas eut acheté sa retraite avec les trésors du Temple et du palais royal. IV Reg., xii, 17-18 ; II Par., xxiv, 23-24. Sous Amasias, ce fut Israël qui saccagea, le Temple et le palais, emporta à Samarie l’or, l’argent et les vases précieux qui s’y trouvaient, et détruisit 400 coudées du mur septentrional de la ville. IV Reg., xiv, 13-14 ; II Par., xxv, 23-24. Le long règne d’Ozias releva la prospérité matérielle de Juda. Le roi s’empara d’Elath, sur le golfe Élanitique, et en fit un marché important pour son commerce dans la mer Rouge. Il remporta également des succès sur les Philistins, les Moabites et les Ammonites. IV Reg., xiv, 22 ; Il Par., xxvi, 2-8. À Jérusalem, il répara les murailles et fortifia par de puissantes tours le côté des remparts où les Israélites avaient ouvert une si large brèche. II Par., xxvi, 9. Mais la ville sainte, à cette époque, fut éprouvée par un tremblement de terre, auquel font allusion les prophètes Amos, i, 1, et Zacharie, xiv, 5, et qui est mentionné par Josèphe, , À « £. jud., IX, x, 4.
Joatham continua les travaux de son père et bâtit sur Ophel, complétant sans doute le rempart de ce côté. II Par., xxvii, 3. Son fils, Achaz, retomba dans l’idolâtrie, consacra ses propres enfants aux faux dieux dans la vallée de Ben-Hinnom et offrit à ceux-ci des victimes sur les hauts-lieux. IV Reg., XVl, 3-4 ; II Par., xxviii, 2-4. Pour le punir de son impiété, Dieu envoya contre lui Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, qui vinrent mettre le siège devant Jérusalem. IV Reg., xvi, 5. Isaïe, vu, 6, nous apprend que leur dessein était de s’emparer du royaume de Juda et d’y installer un roi vassal, le fils
de Tabéel. C’est dans cette circonstance que le prophète fut envoyé auprès d’Achaz, qu’il rencontra « à l’extrémité de l’aqueduc de la piscine supérieure », et qu’il fit la fameuse prédiction de V’Almah. Is., vii, 3, 14. Voir’Almah, t. i, col. 390. La capitale résista aux efforts combinés des deux rois. Mais Achaz, effrayé de la puissance des ennemis et ne comptant, en dépit des promesses et des menaces des prophètes, que sur les ressources de la politique humaine, envoya à Théglathphalasar, roi d’Assyrie, des ambassadeurs et des présents pour le prier d’accourir à son secours. Il obtint ce qu’il avait demandé, et quand la guerre de Syrie eut été terminée par la chute de Damas, il alla rendre hommage à son suzerain dans la ville conquise. IV Reg., xvi, 7-10 ; II Par., xxviii, 16. Mais cette honteuse faiblesse et ces sacrifices ne le préservèrent point de l’oppression de son protecteur, dont l’Écriture nous laisse supposer les intentions par rapport à l’assujettissement de Juda et de Jérusalem. IV Reg., xvi, 17-18 ; II Par., xxviii, 20-21. Heureusement, pour réparer tant de malheurs, Dieu suscita le pieux roi Ézéchias, qui détruisit les hauts lieux, brisa les idoles, rouvrit le Temple, le purifia, le rendit au culte du vrai Dieu, en un mot fit revivre à Jérusalem la religion du Très-Haut dans toute son ancienne splendeur. IV Reg., xviii, 1-8 ; II Par., xxix, xxx, xxxi C’est à cette époque, 722 ou 721, que finit le royaume d’Israël. Jusqu’à la chute de Samarie, la cité de David avait été à l’abri des attaques des Assyriens, mais l’heure était venue où elle allait trembler à son tour devant les soldats de Ninive, dont la puissance l’enfermait comme dans un cercle de fer. Ézéchias, confiant en Jéhovah, ne craignit pas cependant de secouer le joug et refusa de payer le tribut au roi d’Assyrie. IV Reg., xviii, 7. C’était un acte de révolte ; mais l’orgueil du suzerain fut encore plus profondément blessé par l’accueil empressé que le roi de Jérusalem fit, quelque temps après, aux ambassadeurs de Mérodach-Baladan, roi de Babylone, ennemi de l’Assyrie. Cette ambassade fut même pour Ézéchias une occasion de vaine complaisance, en lui faisant étaler la magnificence de ses trésors. IV Reg., xx, 12-13. Isaie le blâma de cette faute, et, dans l’une des plus étonnantes prophéties de nos Livres Saints, lui annonça qu’un jour viendrait où toutes ces richesses seraient emportées à Babylone, où ses descendants seraient pris et emmenés comme eunuques dans le palais du roi de Babel. IV Reg., xx, 14-18 ; Is., xxxix. Michée, iv, 10, annonçait le même châtiment, mais avec promesse de la délivrance. Nous verrons bientôt la réalisation de ces oracles. Cependant, à l’heure présente, l’ennemi qu’avait à redouter Ézéchias, c’était le roi d’Assyrie, Sennachérib. En 701, il se mit en marche pour ramener à l’obéissance le roi de Jérusalem et les princes ligués avec lui. Celui-ci, craignant pour sa couronne et sa capitale, envoya de riches présents au redoutable monarque, qui assiégeait Lachis et dont l’ambition ne fut pas satisfaite par ces dons. Un fort détachement de l’armée assyrienne, à la tête duquel se trouvaient le tartan, le rab-saris et le rab-Sdqêh, arriva bientôt sous les murs de Jérusalem. Les officiers ninivites s’arrêtèrent près de l’aqueduc de la piscino supérieure, non loin du palais royal, et parlementèrent cour amener la ville à capituler. Encouragé par Isaïe, Ézéchias refusa de se soumettre et se prépara à la résistance. Sennachérib, apprenant que le roi d’Ethiopie, Tharaca, s’avançait pour le combattre, voulut en finir avec la capitale de Juda. Mais il n’eut pas le temps d’en commencer le siège ; un ange exterminateur fit périr une partie de son armée. IV Reg., xviii, 13-37 ; xix>IIPar., xxxii, 1-22 ; Is., xxxvi, xxxvii. Sur cette campagne de Sennachérib, cf. Prisme de Taylor et Inscriptions des Taureaux, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, 1. 1, pl. 38-39 ; t. iii, pl. 12 ; E. Schrader, Die Keihnschriften und dos Alte Testament, Giessen,
1883, p. 288-301 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iv, p. 14-65. Ézéchias, du reste, tout en s’appuyant sur Dieu, n’avait pas négligé de prémunir la ville sainte contre l’attaque des Assyriens par les travaux que nous avons signalés plus haut, col. 1359.
Manassé marqua le commencement de son règne, le plus long de la monarchie judaïque, par l’impiété la plus révoltante. IV Reg., xxi, 1-9 ; II Par., xxxiii, 1-9. Dieu justement irrité fit entendre ses menaces par la voix des prophètes : « Voilà, dit-il, que je vais faire tondre sur Jérusalem et sur Juda de tels maux que les oreilles en tinteront à quiconque les entendra. Et j’étendrai sur Jérusalem le cordeau de Samarie et le poids de la maison d’Achab, et j’effacerai Jérusalem, comme ont coutume d’être effacées les tablettes, et, en l’effaçant, je tournerai et ferai passer très souvent le st le sur sa face. » IV Reg., xxi, 12-13. Cf. Jer., XV. Manassé fut tributaire d’Assaraddon, roi d’Assyrie, comme nous l’apprend une inscription cunéiforme. Cf. Prisme brisé d’Assaraddon, col. v, ligne 13, Cuneifornt Inscriptions of Western Asia, t. iii, p, 16 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 71. Il le fut également d’Assurbanipal. Cf. Cylindre c ; E. Schrader, Die Keilinschnften unddas Alte Testament, p. 355 ; F, Vigouroux, ouv. cité, t. iv, p.’87. Plus tard, ayant tenté de secouer le joug, il fut pris et conduit prisonnier à Babylone, où était alors Assurbanipal. Là il se repentit de sa conduite passée, et Dieu, touché de ses prières, le ramena à Jérusalem. II Par., xxxiii, 10-13. Rentré en possession de ses États, il s’efforça de réparer les maux qu’il "avait causés au peuple par son impiété et ses cruautés, il restaura et fortifia les anciens murs. II Par., xxxiii, 14-16. Voir plus haut, col. 1363.
Le royaume de Juda touchait à sa fin. Amon fut tué par ses serviteurs après deux ans de règne. Josias, son fils, fut le seul qui, dans ces derniers temps, se signala par sa piété et sa vertu. Il purifia et répara le Temple, abolit et détruisit bois sacrés, autels, idoles, tout ce qui avait souillé la ville sainte. IV Reg., xxii, xxiii, 1-25 ; II Par., xxxiv, xxxv. Joachaz ne lui succéda que pendant trois mois. Joakim, après avoir, pendant trois ans, payé le tribut aux Babyloniens, essaya de secouer le joug. Nabuchodonosor vint pour le réduire par la force, mais quand il arriva en Judée, Joakim était mort et remplacé par son fils Jéchonias. Le nouveau roi ne résista pas longtemps ; au bout de trois mois de règne, il se livrait, corps et biens, avec toute sa famille, au conquérant. Celui-ci, sans pitié, prit des otages, fit déporter tous les habitants de distinction, au nombre de dix mille, et ne laissa dans Jérusalem que les plus pauvres. Il emmena Jéchonias en Babylonie, et lui donna pour successeur son oncle Sédécias. IV Reg., xxiv, 1-17 ; II Par., xxxvi, 1-10. Ce dernier se révolta à son tour, sous l’influence du parti égyptien. Nabuchodonosor voulut en finir avec les Juifs et retourna en Palestine. Cependant le siège de Jérusalem fut quelque temps retardé par les menaces d’intervention du roi d’Egypte, Apriès, de la XXVIe dynastie. Le roi deBabylone s’arrêta à Réblatlia pour contenir les ennemis au nord et envoya contre la capitale de la Judée une armée considérable sous les ordres de Nabuzardan. La ville résista héroïquement, pendant deux ans. Pressée par la famine, elle se trouva réduite à la dernière extrémité. Une brèche ayant été pratiquée, les gens de guerre s’enfuirent la nuit par la porte qui était entre les deux murs, près des jardins du roi, au sud de la colline d’Ophel. Sédécias s’échappa également ; mais, poursuivi par les Chaldéens, il fut pris dans la plaine de Jéricho, conduit à Réblatha auprès de Nabuchodonosor, qui lui fit crever les yeux et l’emmena enchaîné à Babylone. Enfin, l’armée chaldéenne procéda à l’entière destruction de Jérusalem, incendia le Temple, le palais du
roi et les maisons des particuliers, abattit les murailles, égorgea les principaux habitants et emmena le reste en captivité, laissant seulement les pauvres et les cultivateurs. IV Reg., xxiv, 18-20 ; xxv ; JI Par., xxxvi, 11-21. C’est en 587 que la cité de David et le Temple de Salomon tombèrent sous les coups de l’ennemi ou plutôt sous ceux de la justice divine. Assis en face de ces ruines, qui lui arrachaient des larmes, Jérémie laissa éclater la douleur de son âme dans ses immortelles Lamentations. Les prophètes, du reste, avaient annoncé depuis longtemps et de la façon la plus précise le sort réservé à la cité infidèle ; les limites de cet article ne nous permettent pas de la suivre à travers leurs oracles. S’ils ont flagellé ses crimes, ils ont aussi chanté ses gloires, prédit ses admirables destinées. Dieu voulait la punition et non l’anéantissement. C’est d’ailleurs une véritable merveille que le petit royaume de Juda et sa capitale aient pu se maintenir si longtemps, pendant près de cinq siècles, au milieu de complications sans nombre, à une époque où les plus grands empires disparaissaient et se succédaient avec une effrayante rapidité. L’épreuve fut de courte durée, les promesses divines s’accomplirent avec autant de certitude que les menaces.
77. DU RETOUR DE L’EXIL À LA RUINE SE JÉRUSALEM
(70). — Sur les bords des fleuves de Babylone, Jérusalem resta l’affection la plus chère des enfants de Juda, dont le cœur répétait avec tristesse ces sublimes accents :
Si je t’oublie, ô Jérusalem,
Que ma droite s’oublie elle-même !
Que ma langue s’attache à mon palais,
Si je cesse de penser à toi,
Si je ne place Jérusalem
Au-dessus de toutes mes joies !
Ps. cxxxvi (hébreu, cxxxvii), 5-6.
Les prophètes étaient là pour maintenir la pureté de leur foi et la fermeté de leurs espérances. Les promesses divines s’accomplirent dans le temps marqué par Jérémie, xxv, 11-13 ; xxix, 10.
1. Le retour de l’exil ; reconstruction du Temple et de la ville. — La délivrance, attendue dans le silence et les larmes, arriva l’an 536 avant J.-C. Cyrus, roi de Perse, publia un édit qui permettait aux Hébreux, ses sujets, de retourner en Palestine et de rebâtir le Temple. I Esd., i, 1-4. Quarante-deux mille Juifs se mirent aussitôt en marche pour la Judée, sous la conduite de Zorobabel, rapportant les vases d’or et d’argent que Nabuchodonosor avait enlevés de Jérusalem et que Cyrus leur fit restituer. I Esd., i, 5-11. Leur premier soin, après avoir pourvu à leurs habitations, fut de rétablir l’autel des holocaustes et les sacrifices prescrits par la Loi. I Esd., iii, 1-6. La seconde année après leur retour, ils jetèrent les fondements du second Temple. Mais, pendant que le peuple poussait des cris de joie en voyant sortir de terre les premières assises de ce grand édifice, les vieillards, qui avaient jadis contemplé la magnificence de l’ancien, pleuraient et gémissaient. I Esd., iii, 7-13. Après bien des difficultés suscitées par les Samaritains, le Temple fut achevé, puis consacré, l’an 516. Il était loin d’offrir l’aspect imposant du premier, mais sa gloire devait être plus grande, comme le prédisait Aggée, ii, 10. Zacharie, de son côté, annonçait la gloire extraordinaire que le Messie devait mettre au front de la ville sainte :
Tressaille de joie, fille de Sion ! Pousse des cris, fille de Jérusalem ! Vois : ton roi vient vers toi.
n est juste et sauveur,
Humble et monté sur un âne,
Sur le poulain de l’anesse.
Zach., rx, 9. Cf. Mata., xxi, 5.
C’est, en effet, la figure du Christ qui va dominer toute la seconde partie de cette histoire.
Cependant, Jérusalem restait avec ses murailles démantelées. En 445, Néhémie obtint d’Artaxerxès l’autorisation de les relever. Muni de lettres pour divers fonctionnaires persans, il se mit en route avec une petite caravane. Arrivé dans la ville sainte, il s’empressa de faire l’inspection des murs, de nuit, pour ne pas éveiller l’attention des ennemis des Juifs. Sortant par la porte de la Vallée, il descendit vers le sud, puis tourna à l’est, vers la porte de la Fontaine, pour remonter vers le nord et revenir à son point de départ. Partout, ce n’étaient que décombres, obstruant le passage en plus d’un endroit. Il s’adressa ensuite aux prêtres, aux princes de la nation, et les pressa de se mettre à l’œuvre. II Esd., il. Avec un remarquable talent d’organisation, il partagea les murs en diverses zones, dont il distribua la construction aux diverses parties de la population. II Esd., ni. Ce récit devient facile à comprendre avec la topographie ancienne, telle que nous l’avons exposée plus haut. Voir col. 1355, et carte, col. 1367. Quand les remparts s’élevèrent à moitié de leur hauteur, des explosions de colère succédèrent, dans le camp ennemi, aux railleries de la première heure. Moabites, Ammonites, Arabes, Samaritains, excités par Tobie et Sanaballat, harcelèrent les Israélites. Néhémie arma ses ouvriers, qui « d’une main travaillaient et de l’autre tenaient l’épée ». Ardents au travail, où ils se relayaient à des heures fixes, ils ne quittèrent pas leurs vêtements tant que dura la construction. II Esdr, iv. Le généreux chef eut à lutter tout à la fois contre des ennemis qui, après la violence, employèrent la ruse, contre les magistrats et les grands de son propre peuple, qui pratiquaient l’usure et exploitaient la détresse populaire. Tant de prudence, de fermeté et d’intégrité eurent leur récompense. Le 25 « jour du mois d’élul, le mur était terminé : le travail avait duré cinquante-deux jours. II Esd., v, vi. Mais il fallait peupler la nouvelle ville, et il importait de n’y laisser habiter que des Juifs de pure race. Néhémie élimina tout élément étranger et décida qu’un homme sur dix, désigné par le sort, quitterait sa résidence des champs pour aller habiter Jérusalem. II Esd., vu ; xi, 1, 2. Tout en travaillant à la sécurité et à la prospérité matérielle de la capitale, il n’oublia pas que la nation élue ne pouvait être reconstituée que par l’observation de la Loi. Il fit lire solennellement la Loi au peuple rassemblé sur la place qui était devant la porte des Eaux. La fête des Tabernacles fut célébrée, l’alliance avec Dieu renouvelée. II Esd., viii, ix, x. Enfin, réconciliée avec Jéhovah, Jérusalem pouvait désormais espérer que ses murailles la protégeraient d’une manière efficace. Elle en fit la dédicace solennelle par une procession dont les deux chœurs, partis du même point, firent en sens opposé le tour des remparts et se rencontrèrent devant le Temple, où de nombreuses victimes furent immolées. II Esd., xii, 27-42. Néhémie, ayant terminé sa mission, retourna auprès du roi ; mais il revint plus tard dans la ville sainte, où de graves abus s’étaient introduits. Avec son énergie habituelle, il ne craignit pas d’employer la force pour les corriger et punir les violateurs de la Loi. II Esd., xin. Esdras acheva cette œuvre de restauration. Un firniau royal lui donna l’autorité de gouverneur, avec pouvoir d’établir des magistrats et des juges. Il fut, avec Zorobabel et Néhémie, un des instruments de la Providence pour le relèvement du peuple juif. I Esd., vu-x.
2. D’Alexandre aux Machabées.
Les Hébreux, sans avoir retrouvé leur autonomie politique, vécurent en paix dans la nouvelle Jérusalem. Leurs obligations se réduisaient à payer des impôts au satrape et à fournir un contingent de troupes auxiliaires. Cette situation ne fut pas modifiée lorsque, après la conquête de Tyr, en 332, Alexandre le Grand devint maître de la Palestine. Pendant ce siège mémorable, il avait envoyé » ne lettre au grand-prêtre Jaddus, pour lui demander des
secours ; mais celui-ci refusa noblement de violer le serment qu’il avait prêté au roi Darius. Maître de Tyr, puis de Gaza, le conquérant macédonien, avant de se diriger vers l’Egypte, marcha contre Jérusalem, pour la punir d’avoir osé résister à sa volonté. Mais, arrivé devant la ville, il s’adoucit en présence du grand-prêtre, dont la majesté l’impressionna, et qui lui montra les passages de Daniel relatifs à ses conquêtes. Il alla avec le pontife dans le Temple, demanda qu’on offrit pour lui un sacrifice et laissa aux Juifs toute liberté de vivre selon leurs lois, leur faisant même remise du tribut pour chaque année sabbatique. Tel est, du moins, le récit de Josèphe, Ant. jud., XI, viii, 3-6. Après la mort d’Alexandre (323), la Palestine fut, pendant de longues années, une pomme de discorde entre la Syrie et l’Egypte. Ptolémée Sôter se rendit, par la ruse, maître de Jérusalem, en y pénétrant un jour de sabbat, sous prétexte de vouloir y sacrifier. Il la traita avec beaucoup de cruauté, et un grand nombre de Juifs furent transportés en Egypte. Josèphe, Ant. jud., XII, i. Ptolémée Philadelphe, qui lui succéda, se montra bienveillant à l’égard des Israélites. C’est lui qui, suivant le récit d’Aristée, aurait fait venir de Jérusalem les soixante-douze interprètes chargés de traduire en grec les Livres Saints. Sous Ptolémée Évergète, le grand-prêtre Onias II ayant refusé de payer le tribut annuel de vingt talents auquel il était assujetti, le souverain menaça de s’emparer de la Judée. Pour détourner forage qui allait fondre sur la ville sainte et toute la contrée, Joseph, fils de la sœur d’Onias, engagea son oncle à se rendre en Egypte afin d’apaiser la colère du roi. Sur son refus, il y alla lui-même, après avoir recueilli l’argent nécessaire pour payer à Ptolémée la somme qui lui était due. Ant. jud., XII, iv, 1-3. C’est à cette époque que naquirent parmi les Hébreux les sectes des Pharisiens et des Sadducéens, dont l’influence allait devenir si grande à Jérusalem.
Après avoir été pendant un siècle sous la domination des Ptolémées, la ville tomba au pouvoir des Séleucides, d’abord transitoirement, puis d’une façon durable. Prise, l’an 203, par Antiochus III le Grand, roi de Syrie, elle fut reprise, en 199, par Scopas, général égyptien, qu> commandait l’armée de Ptolémée Ëpiphane. Ce général en se retirant, laissa une garnison dans la citadelle ; mais bientôt (198) il fut vaincu par Antiochus. Les Juifs alors se soumirent au vainqueur, lui ouvrirent les portes de la capitale, fournirent des vivres à ses troupes, et l’aidèrent à chasser la garnison égyptienne. En reconnaissance de ces services, le roi leur accorda divers privilèges. Ant. jud., XII, iii, 3. En 187, il eut pour successeur son fils Séleucus IV Philopator. Celui-ci, pour payer aux Romains le tribut annuel auquel son père avait été condamné, "ordonna à son premier ministre, Héliodore, d’aller puiser cette somme dans le trésor du Temple à Jérusalem. Mais une intervention divine empêcha cette profanation. II Mach., ni. Des compétitions sanglantes, à propos du pontificat suprême, éclatèrent ensuite dans la ville sainte et y jetèrent le désordre et le trouble. Sous Antiochus IV Épiphane, Jason, frère du grand-prêtre Onias III, convoitait la souveraine sacrificature et, pour l’obtenir, il fit au roi de grandes promesses d’argent. Le prince syrien agréa cette proposition et, sans respect pour la loi juive, il déposa Onias et le fit partir en exil. Le nouveau grandprêtre travailla alors de toutes ses forces à l’hellénisation de Jérusalem et à la propagation de l’esprit païen. Il fit bâtir un gymnase, et l’on vit des prêtres mêmes abandonner le service de l’autel pour aller s’exercer aux jeux païens. I Mach., i, 12-16 ; II Mach., IV, 1-17. Antiochus vint à Jérusalem, et y fut reçu magnifiquement. Cependant Jason fut bientôt supplanté, et remplacé par un certain Ménelas, qui dut lui-même céder la place à Lsimaque. L’immoralité et le mépris de la loi dmne
augmentaient toujours dans la cité de David. De sinistres prodiges semblaient présager pour elle des désastres effrayants. Jason, qui s'était réfugié au pays des Ammonites, ayant entendu dire qu’Antiochus venait de mourir pendant sa seconde expédition contre l’Egypte, crut l’occasion favorable pour rentrer en possession du souverain pontificat. À la tête d’un millier d’hommes, mais avec la connivence des partisans qu’il avait gardés parmi les Juifs infidèles, il s’empara de Jérusalem, où le sang coula à grands flots. Malgré sa victoire et ses sanglantes représailles, il ne put reprendre le pouvoir, et s’enfuit de nouveau. Peut-être apprit-il qu’Antiochus n'était pas mort, et qu’il marchait contre lui à la tête d’une armée imposante. II Mach., iv, 21-29 ; v, 1-10.
C’est à ce moment, en effet, que le roi de Syrie intervint, dans le dessein d'étouffer les insurrections des Juifs. En 170, il s’avança vers Jérusalem et la prit d’assaut. Des milliers d’habitants furent massacrés ou vendus en esclavage. Le Temple fut profané et dépouillé des vases sacrés les plus précieux. I Mach., i, 17-29 ; II Mach., v, 11-23. Deux ans plus tard, une nouvelle expédition de ce prince en Egypte ayant été arrêtée par l’intervention des ambassadeurs romains, il résolut de décharger toute sa rage sur la cité judaïque. Une armée nombreuse, sous la conduite d’Apollonius, fut envoyée en Palestine, Jérusalem fut prise une seconde fois. Un grand nombre de Juifs furent mis à mort, les plus beaux édifices incendiés, les remparts démolis en plusieurs endroits. Une redoutable forteresse, véra, fut bâtie non loin du Temple. Voir plus haut, col. 1368. Le Temple lui-même fut consacré à Jupiter Olympien et devint le théâtre de scènes de débauche. Non seulement le sacrifice perpétuel cessa, mais on immolait sur l’autel des animaux immondes. Une persécution cruelle s’exerça contre tous ceux qui osèrent résister aux ordres du roi, dont le but était d’amener les Juifs à l’apostasie. L’observation de la religion juive, de la circoncision en particulier, fut interdite sous peine de mort. Tous les exemplaires de la loi qu’on put trouver furent détruits. Deux femmes qui avaient été accusées d’avoir circoncis leurs enfants furent menées publiquement par la ville avec ces enfants pendus à leur sein, et ensuite furent précipitées du haut des murailles. IMach., i, 30-67 ; II Mach., vi, 1-11. Parmi les Israélites, un bon nombre ayant déjà perdu la foi de leurs pères, se soumirent à la volonté impie du roi ; d’autres succombèrent devant la cruauté de la persécution. Mais, à côté des apostats et des lâches, il y eut aussi des martyrs, dignes précurseurs de ceux qui devaient plus tard verser leur sang pour Jésus-Christ, le vieillard Éléazar, les sept frères Machabées, et leur mère. II Mach., vi, 18-31 ; vii, 1-42. Tous ceux qui le purent s’enfuirent dans le désert ou dans les montagnes.
3. Sous les Machabées.
C’est du milieu de ces fuyards que partit le mouvement de résistance et de lutte, lutte gigantesque, la plus belle de l’histoire juive, une des plus belles de l’histoire du monde. Le prêtre Matathias, avec ses cinq fils, avait quitté Jérusalem au début de la persécution. Autour de lui se rangèrent bientôt tous les Israélites fidèles, qui voulurent combattre pour la religion et la patrie. Après sa mort (166), son troisième fils, Judas Machabée, lui succéda dans le commandement militaire. Plusieurs fois vainqueur des armées syriennes, il conduisit ses troupes à Jérusalem (164). Voyant le sanctuaire désert, l’autel profané, les portes brûlées, et, dans le parvis, les arbres poussant comme dans un bois, il s’empressa de tout purifier et de tout refaire. Un nouvel autel des holocaustes fut consacré et le culte rétabli comme autrefois. L’enceinte sacrée fut environnée de hautes murailles pour opposer plus de résistance aux ennemis qui occupaient encore î'Acra. I Mach., iv, 36-61 ; II Mach., x, 1-8. Judas profita des événements qui se passaient en Syrie après la mort
d’Antiochus Épiphane, pour essayer de chasser de cette citadelle la garnison sans cesse occupée à infester tous les alentours du Moriah, à molester ceux qui entraient dans le Temple ou en sortaient. Antiochus Eupator, pour dégager sa troupe, réunit une armée très nombreuse, au-devant de laquelle le héros machabéen ne craignit pas de marcher. Mais, voyant l’impossibilité de résister à des forces infiniment supérieures, celui-ci se replia vers Jérusalem, poursuivi par le vainqueur, qui mit le siège devant la ville, dressant contre elle ses machines de guerre. Les Juifs la défendirent vigoureusement, mais les vivres vinrent à manquer et les combattants commencèrent à se retirer. Sur ces entrefaites, ayant appris que Philippe, nommé par Antiochus Épiphane, sur son lit de mort, tuteur du jeune roi et régent du royaume, était revenu de Perse avec son armée et voulait s’emparer du pouvoir, Lysias persuada à Antiochus Eupator de faire la paix avec les Juifs. Celui-ci y consentit, mais, avant de partir, violant le serment qu’il avait fait, il pénétra dans la ville et ordonna de démolir les fortifications qui entouraient le mont Sion, c’est-àdire les travaux de défense que les Israélites y avaient élevés. I Mach., vi ; II Mach., xiii. En 162, Démétrius Ier Soter, s'étant emparé du trône de Syrie, envoya Bacchide avec des troupes pour faire reconnaître Alcime comme grand-prêtre. Ce général s’efforça d’abord, avec son protégé, de surprendre la bonne foi de Judas, mais ne put y réussir. Après son départ, le Machabée reprit des forces et réorganisa son armée. Alcime obtint du roi de Syrie l’envoi de Nicanor avec de nouvelles troupes. Nicanor se montra perfide et cruel. Judas le battit une première fois dans les environs de Jérusalem ; puis, dans une grande bataille, livrée près de Bethoron, le chef syrien fut tué et son armée presque entièrement détruite. I Mach., vu ; II Mach., xiv, xv. Judas était de nouveau maître de tout le pays. C’est à ce moment que, pour s’assurer une protection efficace, il conclut une alliance avec les Romains. I Mach., vin. Il ne prévoyait pas que ceux dont il recherchait les faveurs auraient bientôt fait de mettre la main sur ce petit coin de terre et que la ville sainte tomberait un jour sous leurs coups. Démétrius, du reste, désireux de venger la défaite et la mort de Nicanor, renvoya Bacchide en Palestine avec une nouvelle armée. Judas l’attaqua, mais, accablé par le nombre, le héros tomba sur le champ de bataille. I Mach., ïx, 1-22.
Jonathas, son frère, lui succéda (161-143). Il livra, près du Jourdain, une autre bataille à Bacchide, qu’il contraignit à se réfugier dans VAcra de Jérusalem. I Mach., ïx, 43-49. Il profita d’un moment où Démétrius Ier, menacé par Alexandre Balas, recherchait son amitié, pour réparer les murs de la ville et relever les fortifications de Sion. I Mach., x, 1-11. En 145, il chercha à s’emparer de la citadelle que les Syriens occupaient encore et dressa contre elle plusieurs machines de guerre. I Mach., XI, 20. L’honneur de cette victoire définitive était réservé à son frère Simon. Jonathas bâtit alors une très haute muraille entre la forteresse et la ville, afin de les séparer entièrement et de couper toute communication entre elles. I Mach., xii, 36. Tombé traîtreusement entre les mains de Tryphon à Ptolémaide, il fut remplacé par Simon, qui acheva les travaux commencés à Jérusalem. I Mach.. xiii, 1-10. Celui-ci se déclara en faveur de Démétrius ii, qui lui confirma le pontificat et proclama l’indépendance, l’entière autonomie politique du peuple juif. De cette année 142 commença pour la nation une ère nouvelle. I Mach., xiii, 34-42. Simon s’empara de la citadelle syrienne et détruisit ainsi le dernier vestige de la domination étrangère. Il fortifia en même temps la montagne du Temple. I Mach., xiii, 49-53. Sous son gouvernement sage et énergique, Jérusalem et le pa^s virent une prospérité qu’ils ne connaissaient plus
depuis longtemps. I Mach., xiv, 4-15. L’an 138, Antiochus VII Sidètes, roi de Syrie, lui octroya le droit de battre monnaie. Le nom de « Jérusalem la Sainte » parut alors sur le « sicle d’Israël ». Voir fig. 233, col. 1318. D’autres pièces rappelèrent « l’affranchissement de Sion ». Voir fig. 261. Simon, assassiné avec deux de ses
261. — Monnaie de Simon Machabée.’2în 731N ruitf, « Année quatrième. Demi-sicle. » Deux faisceaux de branches avec feuilles (loulab), entre lesquels est un cédrat.
— b). JVS nbNîb, « l’affranchissement de Sion. » Palmier portant des dattes. De chaque côté, une corbeille remplie de fruits.
fils par son gendre Plolémée, eut pour successeur son troisième fils, Jean Hyrcan, échappé au massacre (135). I Mach., xvi, 11-23. Le nouveau « grand-prêtre des Juifs », comme il se fait appeler sur ses monnaies, voir fig. 211, col.H65, ne fut pas longtemps tranquille. À la nouvelle de la mort du dernier des cinq frères Machabées, Antiochus Sidètes vint, avec une armée formidable, mettre le siège devant Jérusalem, qu’il entoura de sept camps retranchés. Chaque jour, il renouvela les assauts. Jean Hyrcan, craignant de manquer de vivres, se débarrassa des bouches inutiles. Il finit par conclure un traité de paix avec le roi, en s’engageant à lui donner des otages et cinq cents talents. Suivant Josèphe, Anl. jud., XIII, viii, 4, pour se procurer de l’argent, il ouvrit le tombeau de David et en tira trois mille talents. « Il est peu probable, dit V. Guérin, Jérusalem, p. 68, que jamais, à aucune époque, on ait pu enfouir dans la chambre sépulcrale de David, comme en réserve pour l’avenir, des trésors d’une telle importance. Il est -aussi peu facilement admissible que, même dans le sein de la ville et au milieu des ravages et des bouleversements qu’elle avait si souvent subis, ce tombeau, s’il avait contenu des richesses semblables, n’ait pas tenté davantage l’avarice des vainqueurs. »
Durant le pontificat et la principauté de Jean Hyrcan, Jérusalem goûta une paix bienfaisante. C’est peut-être le mausolée de ce grand-prêtre que Josèphe mentionne plusieurs fois, Bell. jud., V, vi, 2 ; vii, 3 ; ix, 2, etc., parmi les monuments voisins de la ville. Son fils et successeur, Judas Aristobule (106), fut le premier à prendre le titre de roi. Mais il ne régna qu’un an, et sa mort fut un bonheur pour la nation, car il se rendit coupable des plus grandes cruautés, même à l’égard de sa mère et de ses frères. Le trône fut occupé par son frère Alexandre Jannée (105-78). Ce prince étendit les limites du royaume, mais à Jérusalem, il était détesté de tous, particulièrement des Pharisiens, qui, pendant la fête des Tabernacles de l’année 95, l’insultèrent publiquement dans le Temple, où il offrait le sacrifice en qualité de grand-prêtre. Pour se venger, il fit massacrer 6000 Juifs. Josèphe, Anl. jud., XIII, XIII, 5. Dans une autre circonstance, il fit crucifier sous ses yeux huit cents prisonniers des plus influents de la nation. Ant. jud., XIII, xiv, 2. À sa mort, Alexandra, sa veuve, prit les rênes du gouvernement et les tint pendant neuf ans (78-69). Elle confia le souverain pontificat à son iils Hyrcan, qui lui succéda sur le trône, aux acclamations des Pharisiens. Mais son autre fils, Aristobule, ambitionna aussi la couronne, et ayant vaincu Hyrcan,
fut proclamé roi à Jérusalem. Ant. jud., XIII, xvi ; XIV, i, 2. Peu après, Hyrcan, sollicité par l’iduméen Antipater, attaqua et défit Aristobule. La guerre aurait pu durer longtemps entre les deux frères, si la cause n’avait été soumise au jugement de Pompée, général romain, qui se trouvait à Damas. L’alliance contractée avec Rome, il y a cent ans, renouvelée depuis, va se terminer par la mainmise de la toute-puissante métropole sur la capitale de la Judée.
4. La conquête romaine.
L’an 63, Hyrcan II et Aristobule II plaidaient donc leurs droits respectifs devant Pompée. Ce dernier remit sa décision à une époque ultérieure. En attendant, il s’en alla soumettre Arétas en Arabie, puis il s’avança vers Jérusalem. Aristobule, pour s’assurer son appui, lui promit alors de lui livrer la ville et une somme considérable d’argent. Pompée envoya Gabinius pour les recevoir ; mais ce général se vit fermer les portes de la place sans rien toucher. Irrité, Pompée marcha lui-même contre Jérusalem. Les partisans d’Aristobule, décidés à la lutte, s’emparèrent de l’enceinte du Temple, et, coupant le pont qui le mettait en communication avec la cité, se préparèrent à soutenir l’assaut. Les partisans de Hyrcan, au contraire, ouvrirent au Romain les portes de la ville et du palais royal, qui furent occupés par Pison, lieutenant de Pompée. Celui-ci établit son camp au nord du Temple, fit combler le fossé creusé de ce côté, éleva des aggeres, construisit de hautes tours, et fit jouer de puissantes machines apportées de Tyr. Au bout de trois mois, il ouvrit une brèche et massacra 12000 Juifs. Pénétrant ensuite dans l’intérieur du Temple, et même dans le Saint des Saints, il en admira la construction, les objets sacrés et les trésors qui y étaient enfermés ; mais il ne les pilla point, et, le lendemain, ayant fait purifier ce monument, il ordonna d’y offrir de nouveaux sacrifices. Avant de s’éloigner, il rendit à Hyrcan le souverain pontificat, lui enleva le titre de roi, qu’il remplaça par celui d’ethnarque, le mit sous la dépendance du gouverneur de Syrie et rendit le pays tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv. En réalité, le pouvoir était exercé par Antipater, qui, lors de la campagne de César en Egypte, lui rendit de grands services (48). Cette campagne une fois terminée, César confirma [Hyrcan dans sa dignité, lui permit de relever les fortifications de Jérusalem renversées par Pompée, mais en même temps il confia à Antipater la charge de procurateur de la Judée. Ant. jud., XIV, viii, 5. Celui-ci en profita dans l’intérêt de sa propre famille, et nomma son fils aîné Phasæl gouverneur de Jérusalem, et Hérode gouverneur de la Galilée, promotions qui furent très mal vues des Juifs. L’an 43, il mourut empoisonné, et le pays redevint le théâtre de luttes et de compétitions sanglantes. L’an 40, Antigone, le plus jeune fils et le seul survivant d’Aristobule II, s’étant allié avec les Parthes, marcha contre Jérusalem et réussit à la prendre. Il mutila Hyrcan, qu’il envoya chargé de chaînes chez les Parthes, et fit tuer Phasæl. Hérode, qui avait pu s’enfuir, se rendit à Rome et fut proclamé roi des Juifs par un décret du Sénat romain. Ant. jud., XIV, xiii, xiv. Mais il lui fallut trois années de luttes et le concours des armées romaines pour faire reconnaître sa royauté. L’an 37, il vint assiéger Jérusalem et campa près de la ville. S’approchant des murs, vers le
- nôrd, il procéda au siège de la même manière que
Pompée, donnant l’ordre d’élever trois aggeres, sur lesquels on construisit des tours. Durant ces préparatifs, il alla en Samarie épouser Mariamne ; puis il revint avec de nouvelles troupes. Le général romain Sosius lui amena, de son côté, plusieurs légions. Hérode fit approcher les machines et battre les murs. Les Juifs réparèrent aussitôt les brèches et s’efforcèrent, par des contre-mines, de neutraliser les progrès de leurs adver
saires. Cependant en quarante jours le premier mur fut emporté ; le deuxième le fut peu après. Les fortifications qui entouraient le Temple tombèrent ; l’ennemi se rendit maître du parvis extérieur et de la ville basse. Les Juifs repoussés se réfugièrent dans le parvis intérieur et dans la ville haute et furent définitivement vaincus. Les Romains et les Hérodiens, exaspérés à cause de la longueur du siège, mirent tout à feu et à sang. Hérode, impuissant à arrêter le pillage et le massacre, supplia le général romain de ne pas l’établir roi d’une solitude, et, à force de promesses et d’argent, parvint à affranchir la malheureuse cité de la rapacité et de la fureur des soldats. Antigone, chargé de chaînes, fut conduit à Antioche devantMarc-Antoine, qui ordonna de le décapiter. Ant. jud., XIV, xv, 14 ; xvi. Avec lui s’éteignit le dernier rejeton de la branche des Asmonéens, le dernier roi de race juive. Voir lig. 262. 5. D’Hérode le Grand à la destruction de Jérusalem.
— Si le règne d’Hérode fut un véritable régime de erreur, son œuvre à Jérusalem, au point de vue des monuments, fut vraiment grandiose ; nous l’avons exposée plus haut, col. 1370. Avec ce prince, l’hellénisme monta sur le trône. La vie publique, l’industrie, les’P-_
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262. — Monnaie d’Antigone.
[BAEI]AEQ3 ANTirONOr. Couronne. — R). jmn n>nno [a]>TTl>[n "13m S"IJ]n, « Mathathias le grand-prêtre et la communauté des Juifs. » Deux cornes d’abondance.
relations commerciales, les réjouissances, l’organisation de l’armée, tout subit l’influence dominante du génie grec, excepté la pensée et la vie religieuses, qui se débattaient entre deux sectes puissantes, celle des Pharisiens et celle des Sadducéens. La nation juive était déchirée par les factions, en même temps qu’elle portait le joug de l’étranger, joug que rendaient encore plus intolérable les instincts sanguinaires et les caprices insensés de son roi. Tous ces malheurs lui faisaient désirer ardemment la délivrance messianique. La pléuitude des temps était venue. Le Messie parut sur la terre, non pour réaliser des espérances charnelles, mais pour établir le vrai royaume de Dieu. Hérode touchait à la fin de sa vie, lorsque Notre-Seigneur naquit à Bethléhem. Le vieux monarque reçut les Mages à Jérusalem, et, à la nouvelle de la naissance d’un roi des Juifs, craignant pour son trône, il voulut englober le nouveau-né dans un affreux massacre. Matth., ii, 1-18. Il mourut peu de temps après, laissant pour successeur son fils Archélaus, dont les débuts furent marqués par une révolte qui éclata contre lui dans l’enceinte du Temple, pendant les fêtes de la Pàque, et qui fut apaisée par le meurtre de 3000 séditieux. Après avoir perdu son titre de roi, pour ne conserver que celui d’ethnarque, ce prince fut déposé au bout de dix ans, et son territoire rattaché à la province de Syrie. L’empereur Tibère, qui succéda à Auguste l’an 14 de l’ère chrétienne, nomma Valérius Gratus procurateur de la Judée. Celui-ci administra pacifiquement cette province pendant onze ans, puis il eut pour successeur Ponce-Pilate. Luc, iii, 1. Pilate transféra de Césarée à Jérusalem les quartiers d’hiver de son armée, et souleva le mécontentement général en exposant dans la ville sainte les enseignes romaines surmontées de l’aigle et ornées de l’image de l’empereur. Les troubles se renouvelèrent, lorsqu’on le
vit approprier une partie des offrandes du Teirple à la réparation des aqueducs. Ant. jud., XVIII, iii, 1, 2.
C’est sous le gouvernement de ce procurateur que Jésus-Christ vint plusieurs fois à Jérusalem et y consomma son sacrifice. Tous les détails que nous avons donnés plus haut, col. 1370-1376, permettent de suivre les principaux récits de l’Évangile. Nous avons reproduit autant que possible la physionomie matérielle de la ville sainte à cette époque. Pour la phjsionomie intellectuelle, morale et religieuse, voir Pharisiens, Sadducéens, Scribes, Sanhédrin, etc. Cf. E. Stapfer. La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 255448. La passion du Sauveur, sa mort, sa résurrection et son ascension glorieuse sont les actes du plus grand drame qui se soit accompli sur la terre et ont fait de Jérusalem, qui en a été le théâtre, une cité unique au monde. C’est do là que doivent partir les rayons qui vont transformer l’humanité. Cf. Is., ii, 1-5.
Au jour de la Pentecôte, Jérusalem, remplie de Juifs de la dispersion, entendit la parole des Apôtres, sortis transfigurés du Cénacle. JDe nombreux convertis embrassèrent la religion du Christ. Act., il. Les premiers fidèles s’organisèrent alors en communauté, se rassemblant pour la prière et le sacrifice. Les Apôtres, multipliant leurs prédications et leurs miracles, furent jetés en prison par ordre du grand-prêtre. Miraculeusement délivrés, ils prêchèrent de nouveau malgré les défenses, les menaces et les mauvais traitements, heureux d’être trouvés dignes de souffrir pour le nom de Jésus. Act., v, 12-42. Le diacre Etienne fut le premier à donner son sang pour la nouvelle doctrine. Act., vi, 8-15 ; vil. Voir plus haut, col. 1343. À cette époque, une violente persécution s’éleva contre l’église de Jérusalem ; les fidèles, a l’exception des Apôtres, furent dispersés en divers endroits de la Judée et de la Samarie. Ac., tvin, 1. L’an 35, saint Pierre confia cette église à saint Jacques le Mineur, et alla visiter la chrétienté naissante d’Antioche. Vers la fin de cette même année, le nouveau préfet de Syrie, Vitelhus, ordonna à Ponce-Pilate d’aller se justifier à Rome des plaintes que les Samaritains et les Juifs avaient formulées contre lui. L’année suivante, il se rendit lui-même à Jérusalem pour les fêtes de Pâque, et déposa Caiphe, le principal ennemi des chrétiens. Ant. jud., XVIII, iv, 2, 3. Tibère étant mort, en l’an 37, CaïusCaligula, qui lui succéda, établit Hérode Agrippa Ier, pelit-fils d’Hérode le Grand, roi des tétrarchies de Philippe et de Lysanias, et bientôt de celles d’Hérode Antipas. En 41, Caligula fut tué. Claude, proclamé empereur à sa place, nomma Agrippa roi de toute la Palestine.
Agrippa I « r, mis ainsi en possession du royaume qu’avait gouverné son grand-père, entra solennellement à Jérusalem, l’an 42, et suspendit dans le Temple une chaîne en or qui lui avait été donnée par Caligula, lors de sa sortie de prison à Rome et comme un souvenir de sa captivité. Ant. jud., XIX, vi, 1. Pour plaire aux Juifs, il fit décapiter saint Jacques le Majeur, frère de suint Jean l’évangéliste, et il mit en prison saint Pierre, qui, pendant la nuit, fut délivré par un ange. Act., xil, 1-19. C’est ce prince qui commença la troisième enceinte de la ville. Voir plus haut, col. 1376. Au commencement de l’année 44, il mourut misérablement à Césarée. Act., xii, 23 ; Ant. jud., XIX, viii, 2. La Palestine redevint une province romaine administrée par Cuspius Fadus. L’an 45, une grande famine désola le pays. Hélène, reine d’Adiabène, convertie à la foi juive, allégea les souffrances du peuple à Jérusalem, dans le courant de l’année 46, en distribuant aux pauvres du blé et des fruits secs. Pendant son séjour dans cette ville, elle se fit élever, dans les environs, un magnifique mausolée, où furent transportés ses restes et ceux de son fils. Ant. jud., XX, ii, 6 ; iv, 3. En 49, saint Pierre revint d’Antioche pour présider ; le premier concile, au
quel prirent part saint Jacques le Mineur, saint Paul et saint Barnabe. Act., xv, 1-30. C’est à cette époque, selon l’opinion la plus commune, que la Sainte Vierge mourut à Jérusalem. Félix, affranchi de Claude, remplaça, en 52, le procurateur Cumanus, rappelé à Rome. Fatigué des remontrances du grand-prêtre Jonathan, qui lui reprochait les désordres de sa vie, il le fit assassiner par l’un des nombreux sicaires qui commençaient à envahir et à terroriser la ville. Celle-ci se remplit d’imposteurs qui cherchaient à tromper le peuple pour s’élever au pouvoir ; partout régnaient la confusion et l’anarchie. En l’année 58, saint Paul se rendit à Jérusalem, où il fut surpris dans le Temple par ses ennemis, qui s’emparèrent de sa personne et soulevèrent le peuple contre lui. Le tribun Lysias l’arracha à la fureur de la multitude et le fit conduire par des soldats à Césarée. L’Apôtre ne devait plus revoir la ville sainte. Act., xxi, 17-40 ; xxiii, 23-35. Porcius Festus succéda à Félix comme procurateur de la Judée (60-62). Pendant ce temps, Hérode Agrippa II, fils d’Agrippa Ier, qui avait été reconnu par les Romains roi de la Batanée et d’autres provinces, avec la surveillance du Temple et le droit de nommer le grand-prêtre, termina la troisième enceinte que’son père avait commencée. L’an 62, Albinus fut envoyé en Palestine, pour remplacer Porcius Festus qui était mort. Avant son arrivée, le grandpretre Ananus fit mettre à mort l’apôtre saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem. Peu de temps après ce martyre, un simple paysan, nommé Jésus, fils d’Ananus, commença à proférer sans interruption des malédictions terribles contre la ville et contre le Temple. Il se mit tout à coup à crier : « Voix de l’Orient, voix de l’Occident, voix des quatre vents, voix contre Jérusalem, voix contre le Temple, voix contre le peuple ; malheur à Jérusalem. » Nuit et jour, pendant sept ans, il répéta les mêmes menaces, bien qu’il eût été arrêté, frappé et flagellé par ordre d’Âlbinus. Il ne cessa qu’en l’année 70, - où il tomba mort, atteint par une pierre, pendant le siège de la ville. Bell. jud., VI, v, 3. De plus, l’an 65, des signes effrayants apparurent au-dessus de Jérusalem. Ibid. Gessius Florus, le dernier procurateur romain, mit le comble à son impopularité, en faisant massacrer, l’an 66, plus de 3000 Juifs, dans les rues de la cité. Bell. jud., II, XIV, 9. Il n’en fallut pas davantage pour que tous les habitants se soulevassent comme un seul homme contre l’autorité romaine. Les insurgés s’emparèrent de la tour Antonia et y égorgèrent la garnison romaine. Cestius Gallus accourut aussitôt avec toutes les forces dont il disposait ; mais les Juifs le battirent, d’abord à Gabaon et ensuite sous les murs mêmes de Jérusalem.
Chargé par l’empereur Néron de cette nouvelle guerre, Vespasien se disposa à aller comprimer le mouvement insurrectionnel qui menaçait d’envahir toute la Palestine. Avant de marcher sur la ville, il réduisit peu à peu sous le joug la Galilée et la Pérée, puis, pénétrant en Judée, il établit son camp à Emmaus, pour se rendre maître de la route de Jaffa à Jérusalem. Mais, proclamé empereur en juillet de l’année 69, il laissa à son fils Titus la mission de poursuivre la guerre.
6. Les derniers jours de Jérusalem.
Au lieu de s’unir pour la défense, les habitants de la malheureuse cité se divisèrent en trois factions. L’une était commandée par Éléazar, qui s’était retranché dans l’enceinte intérieure du Temple ; l’autre était dirigée par Jean de Gischala, qui occupait les portiques et les parvis extérieurs ; la troisième avait à sa tête Simon, fils de Gioras, qui régnait en despote dans la ville haute et la plus grande partie de la ville basse. Bell. jud., V, I. Au printemps de l’an 70, Titus vint établir son camp à Gabaath-Saul (Tell el-Fûl), à cinq kilomètres au nord de Jérusalem. Le 1o mars, il disposa sa nombreuse armée sur le mont Scopus. En même temps, la Xe légion, qui venait de Jéricho, reçut l’ordre d’occuper le mont des
Oliviers, où elle réussit à s’établir solidement malgré les attaques des Juifs. Bell. jud., V, H. Cependant les factions continuaient la lutte intestine, celle d’Éléazar fut entièrement défaite ; il n’en resta donc plus que deux, celle de Jean de Gischala, retranchée dans les fortifications du Moriah et de Bézétba, et celle de Simon dans les forteresses de la colline occidentale. Titus commanda de couper tous les arbres au nord de la ville, et d’y préparer le terrain pour l’attaque, puis il disposa les machines de guerre près des remparts. Le 31 mars, l’enceinte construite par Agrippa (voir fig. 249) céda aux coups répétés des béliers. Le général romain, maître de la ville neuve, de Bézétha, y transporta sa* camp, sur le lieu que l’on appelait camp des Assyriens. Il commença ensuite l’attaque de la seconde enceinte, dans laquelle, au bout de cinq jours, une brèche fut ouverte ; mais il lui fallut encore quatre journées de combats continuels et acharnés pour se rendre maître de cette nouvelle position et en chasser les ennemis. Après quelque temps de repos, il se mit en mesure d’attaquer la ville haute et la tour Antonia, dont la possession
263 — Judxa capta.
IMP. CAES. VESPASIAN. AVG. P. M. TP.. P.P.P. COS. III. Tête laurée de Vespasien. — ni. 1VDAEA CAPTA. Palmier. A gauche, un Juif debout, les mains attachées derrière le dos ; auprès de lui des boucliers. À droite, la Judée en pleurs. En exergue, S. C. (Senatus consulta).
devait lui ouvrir l’accès du Temple. Jean de Gischala et Simon rivalisèrent d’efforts, d’habileté et d’audace pour neutraliser et contreminer les tentatives des Romains. Titus ordonna alors à ses troupes d’environner la ville entière d’un mur de circonvallation, afin d’empêcher toute communication entre les habitants et le dehors et de les réduire ainsi par la famine. Cette ligne d’investissement fut achevée en trois jours, et, dans la ville ainsi enfermée, la famine fit bientôt d’horribles ravages. Le 29 mai, la tour Antonia tomba au pouvoir des Romains, qui, après l’avoir renversée, attaquèrent l’enceinte du Temple. Le mur septentrional fut emporté, le portique livré aux flammes. Enfin, le 10 du mois d’Ab, qui répond à notre mois de juillet, un soldat romain, malgré les ordres formels de Titus, jeta un tison enflammé dans l’une des salles qui entouraient le sanctuaire. L’incendie se propagea, et bientôt le Temple, qui était à juste titre l’orgueil du peuple juif, ne fut plus qu’une ruine. Il y avait juste six siècles et demi que les Babyloniens avaient détruit celui de Salomon. La ville basse et la ville haute furent prises peu après ; tout fut mis à feu et à sang. Pendant ce siège, qui dura près de sept mois et qui fut l’un des plus sanglants que mentionne l’histoire, une foule innombrable de Juifs succombèrent, moissonnés par le glaive, la maladie et la famine. Ceux qui survécurent furent faits prisonniers ou vendus comme esclaves.Leur capitale fut rasée de fond en comble, à l’exception des tours Hippicus. Phasæl et Mariamne, qui devaient rester comme les témoins de la puissance de la place et de la vaillance des Romains. Après la ruine de Jérusalem, ceux-ci firent frapper des monnaies représentant au revers la Judée captive, sous la forme d’une femme en pleurs, assise sous un palmier. Voir fig. 263. — Pour les détails, cf. Josèphe, Bell. jud., V, VI, VII, I, 1 ; F. de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, in-8o, Paris, 1866, S’jI fallait en croire Josèphe, Bell. jud., VI, ix, 3, onze cent mille Juifs succombèrent pendant ce siège, et quatrevingt-dix-sept mille furent faits prisonniers. La population de Jérusalem a été de tout temps difficile à déterminer, mais ces chiffres, qui supposent une immense multitude d’habitants, sont exagérés. Il est vrai que, à l’époque des fêtes pascales, les pèlerins affluaient dans la ville sainte, et que les Orientaux ont une extrême facilité à s’entasser sur un étroit espace. Malgré cela, il ne faut pas oublier que les limites de l’enceinte, même dans sa plus grande étendue, sont en somme assez restreintes. Quant à la population normale, en temps ordinaire, les témoignages de l’Écriture et de l’antiquité nous font presque entièrement défaut. Hécathée d’Abdère, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, 22, évaluait le nombre des habitants sous Alexandre le Grand à cent vingt mille. Plusieurs auteurs regardent ce chiffre comme un maximum, le minimum pouvant être porté à quatre-vingt mille. D’autres pensent que l’antique capitale de la Judée a pu avoir jusqu’à deux cent ou deux cent cinquante mille âmes. Cf. C. Schick, Studien uber die Einwohnerzahl des alten Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstiiia-Vereins, 1881, t. iv, p. 211-221.
Conclusion. Jérusalem dans l’histoire du monde. — Ainsi périt, sous le poids de ses fautes, de ses divisions, et surtout de son déicide, la Jérusalem juive, dont le Sauveur avait annoncé la ruine. Luc, xix, 43, 44. Comparée aux grandes cités de l’ancien monde, elle garde une physionomie et une grandeur qui ne peuvent manquer de frapper un observateur impartial. Elle n’a rien eu, en somme, de ce qui fait la gloire de Ninive et de Babylone, de Thèbes et de Memphis, d’Athènes et de Rome, ni l’étendue, ni la magnificence du site, ni la puissance militaire, ni l’éclat des monuments, à part le Temple, pour lequel encore elle a été tributaire des nations voisines. Loin de voir ses rois et ses princes lui apporter les dépouilles des peuples vaincus, elle a plutôt été sous le joug des grands empires qui l’avoisinaient. Aucune ville au monden’a peut-être subi plus d’assauts, soutenu plus de sièges. Elle n’a rien créé dans les arts ni dans la littérature humaine. Sa gloire lui vient donc de la place qu’elle tient dans l’histoire religieuse du monde. Au sein des ténèbres du paganisme, la petite colline de Sion produit l’effet d’un phare lumineux, d’où la connaissance et la religion du vrai Dieu ont projeté leurs rayons. Jérusalem a été vraiment sur la terre « la cité de Dieu », Ps. lxxxvi (hébreu lxxxvii), 3, image vivante de sa Providence, théâtre des manifestations de sa puissance et de sa sagesse, de sa bonté et de sa justice, jusqu’à la consommation du sacrifice suprême qui a marqué la fin de l’ancien monde et l’aurore du nouveau. Elle reste toujours la ville sainte des Juifs, dont le dernier bonheur serait d’y mêler leurs cendres à celles de leurs pères. Mais elle est devenue comme la patrie originaire de tous les chrétiens que le Christ y a enfantés sur la croix. Sous la plume des Apôtres, comme autrefois sous celle des prophètes, et dans le langage de la liturgie catholique, elle s’est transformée en la figure de l’Église et du ciel. Gal., ix, 26 ; Heb., xii, 22 ; Apoc., Jii, 12 ; xxr, 2, 10.
IV. Bibliographie.— Un volume suffirait à peine pour la bibliographie complète de Jérusalem ; ce serait la liste, et elle est longue, de presque tous les voyageurs qui ont visité la Terre Sainte. Cf. R. Rohncht, Bibhotheca geographica Palxstinx, in-8o, Berlin, 1890. Isous n’avons à indiquer ici que les auteurs récents dont les ouvrages ont une plus grande importance. Du reste, les derniers résultats de la science sont plutôt consignés
dans les revues spéciales, anglaises, allemandes, françaises, que nous avons souvent citées au cours de cet article. — Poujoulat, Histoire de Jérusalem, 2 in-8o, Paris, 1841 ; 5*édit., 1865 ; G. Williams, The HolyCity, 2e édit., 2 in-8o, Londres, 1849 ; J. Fergusson, An essay on the ancient topography of Jérusalem, in-4o, Londres, 1847 ; T. Tobler, Topographie von Jérusalem, 2 in-8o, Berlin, 1853 ;
E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2e édit., Londres, 1856, 1. 1, p. 221-433 ; F. de Saulcy, Voyageautour de la Mer Morte, Paris, 1852, t.n, p. 188-375 ; Voyage en Terre Sainte, Paris, 1865, t. i, p. 93-144. 345-410 ; t.n, p. 1-217 ; F. Thrupp, Ancient Jérusalem, in-8o, Cambridge, 1855 ; Th. Barclay, Jérusalem and environs, Philadelphie, 1856 ; The City of the great King, or Jérusalem, as it was, as it is and as it is to be, in-8o, Philadelphie, 1858 ; H. W. Altmûller, Jérusalem nach seiner ôrthchen Lage und bedeutungsvollen Gesc/ » c/(fe, in-8o, Cassel, 1859 ;
F. N. Lorenzen, Jérusalem, Beschreibung meiner Reise nach dem Heihgen Lande, in-8o, Kiel, 1859 ; W. K. Tweedie, Jérusalem and its environs, in-8o, Boston, 1860 ; H. Thiele, Jérusalem, seine Lage, seine heiligen Stàtten und seine Bewohner, in-8o, Halle, 1861 ; F. Gerdes, Naar Jeruzalem en het Heilige Land, 3 in-8o, Rotterdam, 1863-1864 ; Th. Lewin, Jérusalem, a sketch of the city and temple, in-8o, Londres, 1861 ; The siège of Jérusalem by Titus etc., in-8o, Londres, 1863 ; E. Pierotti, Jérusalem explored, 2 in-4o, Londres, 1863 ; M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, in-4o, Paris, 1864 ; Appendice, p. 109-129 ; A. Rhodes, Jérusalem as it is, in-8o, Londres, 1865 ; C.W. Wilson, The ordnance Survey of Jérusalem, 2 in-f°, Southampton, 1866 ; Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, in-8o, Londres, 1871 ; A. Wartensleben, Jérusalem, Gegenwartiges und Vergangenes, in-8o, Berlin, 1870 ; J. W. Rolland, Sinai and Jérusalem, in-4o, Londres, 1870 ; W. Besant et E. H. Palmer, Jérusalem, the city of Herodand Saladin, in-12, Londres, 1872 ; W. Elgner, Jérusalem und seine Umgebung, in-4o, Leipzig, 1873 ; Tyrwhitt Drake, Modem Jérusalem, in-8o, Londres, 1875 ; J. N. Sepp, Jérusalem und das Heilige Land, 3o édit., 2 in-8o, Ratisbonne, 1878 ; Ch. Waren, Underground Jérusalem, in-8o, Londres, 1876 ; T. Flaminio, Un mese a Gerusalemmee net suoi dintomi, in-8o, Milan, 1878 ; W.M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1881, t. i, Southern Palestine and Jérusalem, p. 415-567 ; Warrèn et Conder, Survey of Western Palestine, Jérusalem, in-4o, Londres, 1884, et vol. de pl. ; V. Guérin, Jérusalem, in-8o, Paris, 1889 ; D. Zanecchia, La Palestina d’oggi, trad. franc., in-12, Paris, 1899, 1. 1, p. 117-529. Clermont-Ganneau.-ircftéeological Researches in Palestine during the years 18731874, in-4o, Londres 1899, t. î ; Mislin, Les Lieux Saints, Paris, 1876, t. n ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, in-4o, Paris, 1884, p. 219-308 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1887, p. 243-341 ; F. Liévin de Hamme, Guide-Indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. i, p. 143-470 ; A. Socin et E. Benzinger, Palestine et Syrie, Leipzig, 1893, p. 21-112 ; G. A. Smith, Jérusalem, 2 in-8o, Londres, 1908.
Cartes et plans. — H. W. Altmûller, Reliefplan von Jérusalem, Cassel, 1858 ; C. M. van de Velde, Pion of the Town and environs of Jérusalem, constructed from the English Ordnance Survey and measurements von T. Tobler, in-f°, Gotha, 1858 ; J. T. Barclay, Map of Jérusalem and environs, in-f", Philadelphie, 1858 ; W. Wilson, The Ordnance Survey of Jérusalem, Southampton, 1866 ; Zimmermann, Karten und Plane zur Topographie des alten Jérusalem, Bâle, 1876.
Numismatique. — F. W. Madden, History of Jewish coinage, in-8o, Londres, 1864 ; Id., Coins oftheJews, ia-4°, Londres, 1881 ; F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4o, Paris, 1874, p. 69-109.