Dictionnaire de la Bible/Coré

Letouzey et Ané (Volume IIp. 969-970-971-972).
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CORÉ

CORÉ. Nom de six personnages dans la Vulgate ; mais, dans le texte hébreu, les quatre premiers portent le nom de Qôraḥ, « calvitie ; » les deux derniers celui de Qôrê’, « héraut. » Les Septante, sauf une fois, transcrivent partout Κορέ.

1. coré. Troisième fils d’Ésaü par Oolibama. Il naquit en Chanaan avant que son père ne se fût fixé dans les montagnes de Séïr, et fut un des chefs, ’allûf, d’Édom. Gen., xxxvi, 5, 14, 18 ; I Par., i, 35.

2. coré. Cinquième fils d’Éliphaz, le premier-né d’Ésaü, d’après Gen., xxxvi, 16. Mais dans la liste des enfants d’Éliphaz donnée plus haut, Gen., xxxvi, 11, ce nom ne figure point, ni non plus dans la liste de I Par., i, 36. Il paraît donc s’être glissé à tort au ꝟ. 16 par inadvertance de copiste : le samaritain dans ce verset omet ce nom.

3. coré, lévite, fils d’Isaar, petit-fils de Caath et arrière-petit-fils de Lévi. Exod., vi, 16, 18, 21. Son nom est resté attaché à une sédition dirigée contre Moïse et Aaron et dont il fut l’instigateur et le chef. La date de cette révolte n’est pas donnée par le livre des Nombres, où l’on en trouve le récit ; mais elle dut éclater peu de temps après l’inauguration du nouveau sacerdoce dans la personne d’Aaron et de ses fils ; car ce fut surtout l’institution de ce sacerdoce qui provoqua les mécontentements dans lesquels il faut voir les origines de la conspiration de Coré.

I. Causes et but de la conspiration. Complices de Coré. — La création du souverain pontificat et du sacerdoce aaronique, que Dieu établit après l’exode, Exod., xxviii, xxx ; Hebr., v, 4 ; II Par., xxvi, 18, constituait une sorte de révolution religieuse de la plus haute importance et qui allait à l’encontre des traditions patriarcales encore en vigueur au moment de la sortie d’Égypte. Selon ces traditions, l’aîné de chaque famille était prêtre. Exod., xix, 22-24 ; xxiv, 5. L’innovation dut donc être acceptée à contre-cœur par un grand nombre d’Israélites attachés à cet antique usage. Ce changement fut accueilli avec défaveur même parmi les Lévites. Moins sensibles à l’honneur que Dieu avait fait à leur tribu en les consacrant à son culte, qu’à la position inférieure où il les avait mis vis-à-vis de la famille d’Aaron, dont ils étaient comme les serviteurs, plusieurs d’entre eux prétendirent partager avec les Aaronites la dignité sacerdotale, sinon même la leur ravir à leur profit. Num., xvi, 3, 7b-11. Le Caathite Coré, qui aspirait au sacerdoce comme les autres Lévites, et portait même ses vues plus haut, jusqu’au souverain pontificat, avait en outre un motif personnel de ressentiment contre Moïse : celui-ci lui avait préféré comme chef de tous les Caathites Élisaphan, qui appartenait à la dernière des branches de la famille, celle des Oziélites. Num., iii, 30.

Une autre tribu n’avait pu considérer sans un dépit particulier la nouvelle organisation des pouvoirs en Israël : c’était celle des Rubénites. Elle voyait les fils d’Amram en possession des droits dont Jacob avait dépouillé Ruben, son fils aîné, le sacerdoce donné à Aaron et surtout la magistrature suprême exercée par Moïse. Gen., xxvii, 29 ; xlix, 3-4, 8 ; I Par., v, 1-2. Voir Aînesse, t. i, col. 318-319. Les Rubénites avaient ainsi un double motif de jalousie contre les fils d’Amram, l’un religieux, l’autre politique, et celui-ci était le plus puissant, comme on le voit par la suite des faits. Num., xvi, 12-14 ; cf. 24-25.

Toutefois ces mécontentements d’origine diverse répondaient à des intérêts non seulement différents, mais encore opposés les uns aux autres, et faisaient naître des projets ou des désirs contraires : le peuple en général souhaitait simplement le rétablissement de l’antique sacerdoce de la famille ; les Rubénites aspiraient à reconquérir pour leur tribu les prérogatives perdues par Ruben, et n’entendaient pas travailler à assurer à celle de Lévi ce qu’ils regardaient comme une usurpation accomplie à leur préjudice ; pour les Lévites enfin, l’unique but à atteindre était de dépouiller la famille d’Aaron, mais en faisant toujours de ses fonctions sacrées l’apanage de leur tribu. Il fallait cependant, pour le succès de la conspiration, trouver un terrain sur lequel on pût réunir tous les esprits, malgré cette diversité de vues et de tendances particulières. Or le seul point commun entre tous les mécontents était le désir de renverser le sacerdoce aaronique et avec lui, s’il le fallait, l’autorité de Moïse ; ce dernier résultat était même le principal objectif des Rubénites. Cette revendication unanime était un mobile suffisant pour obtenir une action commune. Coré le comprit ; aussi adopta-t-il, pour exprimer les volontés des révoltés, une formule générale et populaire, et le cri de ralliement de tous les conjurés fut l’abolition des privilèges de la famille d’Aaron et l’égalité de tous les Israélites devant le Seigneur. Num., xvi, 2.

Une circonstance topographique favorisa la préparation du complot et contribua à en assurer le succès : les Caathites et les Rubénites se trouvaient placés les uns à côté des autres dans la partie méridionale du camp, au sud du tabernacle. Num., ii, 10 ; iii, 27, 29. Ce voisinage établissait naturellement entre eux des relations plus intimes et facilitait les communications. Coré put donc aisément chercher des partisans parmi les Rubénites. Ses principaux complices furent Dathan et Abiron, fils d’Éliab, et un troisième, Hon, fils de Phéleth, qui n’est plus nommé dans le récit de la sédition. Num., xvi, 1. Ils appartenaient, au moins les deux premiers, aux familles les plus distinguées de la tribu de Ruben. Num., xvi, 5. Outre les Rubénites, Coré souleva encore contre Moïse et surtout contre Aaron, ou plutôt contre Dieu même, Num., xvi, 9, deux cent cinquante Israélites qui comptaient parmi les premiers des différentes tribus, Num., xvi, 2, 11 ; et ensemble ils soufflèrent l’esprit de révolte dans le peuple et l’entraînèrent à leur suite. Num., xvi, 5, 19, 41-42.

II. La révolte et le châtiment divin. — C’est à la tête de cette multitude hostile que Coré vint dire à Moïse et à Aaron : « Assez pour vous ! » Num., xvi, 3a (selon l’hébreu), et les sommer de rendre le sacerdoce à toute la nation, qui était, disait-il, le peuple de Dieu et un peuple de saints, Exod., xix, 6 ; cf. I Petr., ii, 9, comme si Israël pouvait rester le peuple de Dieu en renversant l’ordre établi par Dieu même. Num., xvi, 3. Moïse se prosterna pour prier ; puis il reprocha sévèrement à Coré et aux Lévites leur ingratitude envers le Seigneur et leur indiqua de sa part un moyen surnaturel de trancher la question entre eux et Aaron. Puisqu’il s’agissait du sacerdoce, dont la prérogative essentielle est le droit d’offrir des sacrifices, c’est dans l’oblation du sacrifice qu’on chercherait la réponse de Dieu, et l’on choisirait le sacrifice de l’encens, pour rendre l’épreuve plus simple et plus facile. Aaron d’un côté, les deux cent cinquante prétendants de l’autre, offriraient en même temps l’encens dans leurs encensoirs allumés. Num., xvi, 4-11, 16-17. Les conjurés avaient dû fabriquer d’avance les encensoirs en prévision de leur usurpation, ou bien ils les avaient emportés avec les autres dépouilles en quittant l’Égypte, Exod., iii, 21-22 ; xi, 2 ; xii, 35-36, où ces objets étaient très communs.

Cette épreuve eut lieu le lendemain, comme l’avait prescrit Moïse. Accompagnés encore de la multitude séduite par eux, Coré et les deux cent cinquante Israélites se trouvèrent avec leurs encensoirs pleins de feu à la porte du tabernacle, où les attendaient Moïse et Aaron. En ce moment « parut à tous les regards la gloire du Seigneur », c’est-à-dire que la colonne de nuée qui résidait sur le tabernacle devint resplendissante de lumière, afin de rappeler plus vivement la présence de Dieu, qui l’avait choisie pour demeure pendant le séjour d’Israël au désert. Voir Colonne de nuée, col. 855. Le Seigneur annonça qu’il allait exterminer à l’instant tous les rebelles ; mais il se laissa toucher à la prière de Moïse et d’Aaron, et, se contentant du châtiment des chefs, il ordonna à Moïse de faire éloigner le peuple des tentes de Coré, de Dathan et d’Abiron, afin qu’il ne fût pas enveloppé dans leur destruction. Num., xvi, 18-26.

Dathan et Abiron allaient être punis auprès de leurs demeures ; ils n’avaient pas cru devoir venir au tabernacle avec les autres rebelles. Déjà, la veille, ils s'étaient retirés pendant que Moïse haranguait les autres, — peut-être même n'étaient-ils pas venus avec eux, — et, quand Moïse les avait mandés auprès de lui, ils avaient refusé de s’y rendre, en lui reprochant ironiquement d’avoir donné au peuple un désert au lieu d’un « pays où coulaient le lait et le miel ». Num., xvi, 12-14. Leurs critiques s’adressent surtout à Moïse et à son gouvernement, qu’ils censurent amèrement ; ils paraissent moins soucieux de la dignité religieuse d’Aaron, et ce fut peut-être un des motifs pour lesquels ils n’allèrent pas offrir l’encens devant le tabernacle. Peut-être attendaient-ils chez eux la nouvelle du succès des sacrificateurs contre Aaron, pour mettre à exécution à leur tour leurs projets contre l’autorité de Moïse. Moïse vint donc avec les anciens du peuple vers ces « hommes impies », et sur son ordre la foule fit cercle autour de leurs tentes. Dathan et Abiron sortirent avec leurs femmes, leurs enfants et ceux qui les soutenaient, et ils se placèrent devant la porte des tentes. Moïse s’adressa alors au peuple pour annoncer qu’il allait agir au nom du Seigneur et par sa puissance, et qu’afin de montrer à tous que Dathan et Abiron s'étaient révoltés contre Dieu même en attaquant Aaron, la terre allait s’ouvrir et les engloutir vivants, eux et leurs familles avec tout ce qui leur appartenait, ce qui eut lieu à l’instant même. La foule, épouvantée par la vue de ce spectacle inouï et par le cri des victimes, s’enfuit dans la crainte du même sort. Num., xvi, 25-34 ; Deut., xi, 6.

Un autre genre de châtiment frappa les deux cent cinquante révoltés qui offraient l’encens devant le tabernacle : ils furent dévorés par « un feu sorti du Seigneur », Num., xvi, 19, 35, et Dieu ordonna qu'Éléazar jetât le feu de leurs encensoirs, et que par ses soins l’airain de ces encensoirs fût réduit en lames et appliqué sous cette forme à l’autel des holocaustes, comme un souvenir de la punition des profanateurs et un avertissement pour ceux qui voudraient les imiter à l’avenir. Num., xvi, 36-40 ; cf. Jud., ꝟ. 11. Quant à Coré, le livre des Nombres ne nous dit pas en cet endroit s’il fut puni avec Dathan et Abiron ou bien s’il périt avec ceux que la flamme consuma ; les commentateurs sont en conséquence partagés sur ce point. Le récit de la sédition paraît favoriser le sentiment des exégètes qui pensent que Coré périt par le feu avec ceux qui offrirent l’encens comme lui. Voir Estius, Annot. in Num., xvi, 35.

La mort de Coré ne rétablit pas l’ordre troublé par sa révolte. La multitude qu’il avait gagnée commença à murmurer le lendemain contre Moïse et Aaron, en leur reprochant d’avoir fait périr « le peuple de Dieu ». Le Seigneur avait épargné la veille ces partisans du rebelle ; mais, en entendant leurs murmures, il déchaîna contre eux un fléau terrible, qui sema rapidement la mort dans le camp. La vengeance divine avait déjà fait quatorze mille sept cents victimes, lorsque Aaron vint l’arrêter par son intervention. Num., xvi, 41-50. Cependant on ne trouva, ni parmi les morts de cette seconde journée ni parmi ceux de la veille, aucun des fils de Coré ; et l’auteur sacré fait remarquer que c’est par une sorte de miracle qu’ils ne furent pas entraînés dans la perte de leur père, Num., xxvi, 10-11, sans s’expliquer sur la nature de ce prodige. La raison de cette préservation providentielle fut sans doute le refus de participer à la révolte de leur père, malgré l’exemple donné par les familles de Dathan et d’Abiron. Dieu sembla les récompenser encore de leur fidélité dans la personne de leurs descendants par la place honorable que ceux-ci obtinrent dans les fonctions du culte et le service du Temple ; ce fut d’ailleurs l’un d’eux et le plus illustre de tous, Samuel, qui reçut de Dieu la mission de fonder la monarchie en Israël. I Reg., i-xxv, 1 ; I Par., vi, 22, 28 ; ix, 19 ; xxvi, 1 ; II Par., xx, 19. Les inscriptions placées en tête des Psaumes en attribuent onze aux « fils de Coré », à savoir : les Psaumes xli, xliii-xlviii, lxxxiii, lxxxiv, lxxxvi, lxxxvii.

III. Importance historique de cet événement. — La révolte de Coré fut un des événements les plus considérables qui signalèrent le séjour des Israélites au désert. Elle se distingua des autres rébellions par son caractère constitutionnel, pour employer une expression empruntée à nos institutions modernes. Le but de son auteur était de détruire la constitution religieuse et l’autorité politique établies par Jéhovah, pour leur substituer un nouvel ordre de choses. Aussi voyons-nous que Dieu, au lieu de châtier simplement les rebelles selon sa coutume, Num., xi, 1 ; xiv, 21-22, etc., daigne les défier et les provoquer à une épreuve solennelle au moyen de laquelle il défend publiquement la légitimité du sacerdoce d’Aaron, tandis que Moïse s’en va de son côté faire éclater son autorité contre les Rubénites, qui en voulaient surtout au chef politique d’Israël. C’est encore pour répondre d’une autre manière aux prétentions des usurpateurs que Jéhovah veut que leurs partisans ne doivent leur salut qu'à l’intercession d’Aaron, Num., xvi, 22, 46-48 ; et de même il confirme la succession des grands prêtres dans la famille d’Aaron en ordonnant qu'Éléazar, son fils aîné, et non Aaron lui-même, disperse le feu des encensoirs et réduise le métal dont ils sont faits en lames qu’il devra attacher de ses mains à l’autel, comme un témoignage perpétuel du droit exclusif et imprescriptible des descendants d’Aaron aux fonctions du sacerdoce. Num., xvi, 37-40. Voir saint Augustin, l. IV, Quæst. xxx in Num., t. xxxiv, col. 730-731. Telle était l’importance de la question soulevée par Coré, que Dieu voulut la régler une fois de plus et sous une autre forme, par le prodige de la verge d’Aaron fleurissant seule au milieu de celles des chefs des autres tribus. Num., xvii, 1-10. Voir Aaron. Le peuple put comprendre par cette conduite de Dieu toute la gravité de l’attentat de Coré ; aussi la mémoire du rebelle fut-elle désormais en exécration dans Israël. Nous voyons, longtemps après, les filles de Salphaad protester que leur père n’avait point trempé dans la conspiration, Num., xxvii, 3 ; et, dans le Nouveau Testament, saint Jude, ꝟ. 11, met Coré sur la même ligne que Caïn et Balaam.

E. Palis.

4. coré. Un des fils d’Hébron dans la descendance de Juda. I Par., ii, 43.

5. coré (Codex Alexandrinus : Χωρή, père de Sellum ou Mésélémia, chef de portiers sous le règne de David. I Par., ix, 19 ; xxvi, 1, 14. Ce Coré ; hébreu : Qorê’) était un descendant de Coré 3 (hébreu : Qoraḥ).

6. coré (Septante : Κορή ; Codex Alexandrinus : Κωρή), lévite, fils de Jemma. Il était gardien de la porte orientale sous le règne d'Ézéchias et était chargé de la distribution des revenus sacrés. II Par., xxxi, 14.