Dictionnaire de la Bible/Abeille

Letouzey et Ané (Volume Ip. 25-26-27-28).
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ABEILLE

ABEILLE, en hébreu, debôrâh, insecte de l’ordre des hyménoptères. Les abeilles vivent en société et comprennent trois sortes d’individus : les ouvrières ou neutres, les reines ou femelles, et les faux bourdons ou mâles.


3. — Abeilles de Palestine

Les faux bourdons sont plus petits que les reines et plus gros que les ouvrières. Ces dernières ont, comme les reines, un aiguillon caché dans l’extrémité de l’abdomen, et qui leur sert comme d’une arme contre leurs ennemis : en piquant, il verse dans la plaie, où il reste ordinairement, un liquide vénéneux, et produit ainsi une inflammation et une douleur cuisante. Voir Fr. Huber, Nouvelles observations sur les abeilles, 2 in-8o, 1792.

Les mouches à miel sont une des familles d’insectes les plus généralement répandues : on les trouve dans toutes les parties du globe. Elles sont particulièrement abondantes en Palestine, et elles l’étaient probablement encore plus autrefois qu’aujourd’hui, lorsque ce pays était mieux cultivé. Elles y ont toujours vécu, sinon à l’état domestique, du moins à l’état sauvage, transformant en ruches le creux des arbres, les trous des rochers, etc. Cf. Deut., xxxii, 13 ; I Reg., xiv, 25 ; Ps. lxxx, 17 ; Is., vii, 19. Cette abondance des abeilles en Chanaan s’explique facilement par la chaleur du climat, par la profusion et par la variété des fleurs sauvages, dont la plupart sont fortement aromatiques, et par conséquent très propres à la production du miel. C’est donc avec pleine raison que la Terre Promise est si souvent appelée dans les Livres Saints « la terre où coulent le lait et le miel ». Exod., iii, 8, etc.

Les diverses espèces d’abeilles connues sous les noms scientifiques de Bombus, Nomia, Andrena, Osmia (abeille maçonne), Megachile, Anthophora, sont largement représentées en Palestine. La mouche à miel de Syrie n’est pas la même variété que celle de nos contrées, mais ressemble à celle d’Italie ou de Ligurie, Apis ligustica, qui a des couleurs plus brillantes et porte sur l’abdomen des bandes jaunes transversales, d’où le nom qu’on lui donne aussi d’Apis fasciata.

On a élevé artificiellement les abeilles dès l’antiquité, à cause de la valeur de leur miel. Il est certain que du temps de Notre-Seigneur les Juifs s’occupaient de leur éducation. Philon le dit expressément des Esséniens, Fragm., édit. Mangey, t. i, p. 633 ; Eusèbe, Præp. Ev., viii, 11, t. xxi, col. 641, et la Mischna y fait plusieurs fois allusion, Kelim, 16, 7 ; Sabbath, 24, 3 ; Baba Kama, 10, 2 ; Oketsin, 3, 10. On ne sait pas avec la même certitude si les anciens Hébreux cultivaient ces précieux insectes. Plusieurs le pensent, parce qu’ils voient une allusion à la manière de récolter les essaims pour les enfermer dans les ruches dans le passage d’Isaïe, vii, 18 ; cf. v, 26, et Zach., x, 8, où Dieu appelle en sifflant l’abeille d’Assyrie. Les ruches usitées aujourd’hui en Syrie et en Égypte sont de forme cylindrique et faites avec de la terre mélangée de paille.

L’Écriture mentionne l’abeille au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, c’est-à-dire comme produisant le miel, dans un épisode de l’histoire de Samson. Jud., xiv, 8. On a objecté contre ce récit que les abeilles évitent les corps morts. Il est vrai que ces insectes fuient les cadavres en putréfaction ; mais ils ne fuient pas un squelette complètement desséché. Hérodote, v, 114, rapporte un cas analogue arrivé à Amathonte, en Chypre. Or l’événement rapporté dans l’histoire de Samson n’eut lieu qu’un certain nombre de jours après la mort du lion, peut-être un temps assez considérable. Dans l’intervalle, le cadavre avait pu être tout à fait desséché, et les abeilles avaient eu le temps d’y faire leur miel. Le cas était extraordinaire, mais il n’est nullement impossible. Les animaux morts sont dévorés en Orient avec une rapidité effrayante. J’ai vu souvent à Alexandrette, en Syrie, les cadavres des chameaux perdus par les nombreuses caravanes qui y arrivent, réduits en quelques heures à l’état de squelette. Le soleil brûlant ne laisse plus bientôt sur les ossements aucune trace de putréfaction, et la mauvaise odeur ne peut par conséquent en éloigner les abeilles. — Ces insectes sont aussi cités au sens propre dans l’Ecclésiastique, à cause de l’excellence de leur miel : « L’abeille est un des plus petits volatiles, et son fruit est des plus doux. » Eccli., xi, 3. Une addition intéressante des Septante dans le livre des Proverbes, vi, 8, place ce petit tableau de l’abeille après celui de la fourmi : « Ou bien encore va voir l’abeille, et apprends comme elle est industrieuse, et comme son industrie est digne de notre respect, car les rois et les infirmes usent pour leur santé du fruit de son labeur. Or elle est glorieuse et désirée de tous, et si chétive qu’elle soit, on l’honore, parce qu’elle apprécie la sagesse. » Voir Miel.

L’abeille est mentionnée plusieurs fois dans l’Écriture comme terme de comparaison. Une armée nombreuse, qui presse ses ennemis, les enveloppe et leur fait de cruelles blessures, est comparée aux abeilles qui poursuivent et attaquent de toutes parts avec fureur ceux qui les ont troublées. Deut., i, 44 ; Ps. cxvii, 12 ; Is., vii, 18 ; cf. Iliade, ii, 87 et suiv. ; Hérodote, v, 10. La comparaison est d’autant plus exacte que les abeilles d’Orient, surtout les abeilles sauvages, sont plus méchantes que celles de nos contrées, Th. Cowan, Guide de l’apiculteur, trad. Bertrand, in-12, Nyon, 1886, p. 136, et leur piqûre, à cause de l’inflammation prompte et violente qu’elle produit, est plus douloureuse. L’homme est impuissant à résister à la fureur de ces insectes, et l’on sait que des chevaux mêmes et des bœufs ont été tués en quelques minutes par les aiguillons d’essaims d’abeilles en furie.

Le nom hébreu de l’abeille était employé par les Israélites comme nom de femme. Voir Débora.

F. Vigouroux.