Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DOUTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 451).
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DOUTER. v. n. Être en doute, être indécis. Dubitare. Quand on peut douter aussi raisonnablement que vous, l’on est capable de décider. Ménage. On a beaucoup avancé, si l’on a seulement appris à douter : ce n’est pas peu de chose que de savoir douter par raison & par esprit. Maleb. On peut douter par aveuglement, ou par brutalité ; mais on doute aussi par prudence & par pénétration. Id. Les ignorans sont d’ordinaire les plus décisifs, parce qu’ils n’apperçoivent pas les raisons de douter. La Plac. C’est un crime de douter de la foi, & des vérités que Dieu a révélées à son Église. Celui qui prend un ton affirmatif témoigne non-seulement qu’il ne doute pas de ce qu’il avance ; mais aussi qu’il ne veut pas qu’on en puisse douter. Nicol. Ma tendresse m’est si précieuse, & l’estime que je fais de vous m’y fait trouver tant de gloire, que je ne sais point de plus grand crime que de vous en laisser douter. Mais comment en douteriez-vous ? Tout vous le persuade, & dans votre cœur & dans le mien. Lett. Portug. Comment pourrions-nous douter du penchant que nous avons à la béatitude ? Nous ne sommes au monde que pour travailler à l’acquérir. On croit qu’il y a de la honte à douter & à ignorer ; & l’on aime mieux parler & décider au hasard, que de reconnoître qu’on n’est pas assez bien informé des choses pour en porter un jugement. Port-R.

Prends alors le milieu que doit prendre un Chrétien,
Entre douter de tout, & ne douter de rien.

Vill.

Après douter, on met si, ou que. Je doute fort que vous preniez bien le sentiment de cet Auteur ; ou, si vous prenez bien. Je ne puis douter si c’est-là sa résolution, ou que ce ne soit-là sa résolution, puisqu’il me l’a déclaré nettement. Quelques-uns mettent aussi quelquefois un infinitif ; mais cette construction est vicieuse. Il trouvoit Dieu si grand, il se trouvoit si petit, qu’il doutoit même d’avoir jamais pu former des doutes semblables. Pélisson.

☞ Le mot douter exige toujours le génitif ; c’est-à-dire, la préposition de. On ne doute pas une une chose, elle n’est pas doutée ; on doute d’une chose. Corneille a pourtant dit dans Héraclius :

Outre que le succès est encore à douter.

Mais c’est un solécisme.

Douter, se dit avec le pronom personnel, & signifie, Croire sur quelque apparence, conjecturer. Je me doutois bien qu’il feroit une folie. Il ne se doutoit pas qu’on lui feroit cette insulte. Il ne se doutoit de rien. Il est venu sans qu’on s’en doutât. Suspicari, præsentire.

Douter, s’est dit autrefois pour soupçonner. Suspicari. Et parcequ’il les doubtoit, les fit mourir. Joinville.

Ce verbe a été fait de dubitare ; d’où vient qu’autrefois on écrivoit doubter.