Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 479-480).
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CHAT. s. m. Petit animal domestique, ☞ qui prend les rats & les souris, & dont la femelle s’appelle chatte. Feles mascula, mas : feles. Chat privé, chat domestique, chat sauvage, chat d’Espagne. Le chat a les partes, les dents, les yeux & la langue semblables au lion. Ces animaux ont tant de conformité ensemble, que les Turcs sont persuadés qu’il y a quelque fondement à ce que dit l’Alcoran ; que le chat naquit dans l’arche, de l’éternuement du lion. Par les loix d’Arragon, on punissoit les larrons, en les fouettant avec un chat attaché au cou. Ambroise Paré soutient que le chat est un animal venimeux, qui infecte par son poil, par son haleine & par sa cervelle. Son poil est dangereux, comme on voit par l’exemple de ce Romain qui mourut pour en avoir avalé un dans du lait. Son haleine infecte d’un poison tabifique qui donne la phthysie, dont Matthiole rapporte plusieurs exemples ; si on mange de la cervelle de chat, elle cause une grande douleur de tête, & rend quelquefois insensé, ou cause de continuels vertiges. On dit même que l’Amiral Tromp fut empoisonné avec de la cervelle de chat. Il ajoûte que leur souffle & leur regard sont notoirement contagieux ; & il dit avoir vu des gens qui, pour avoir toujours couché avec un chat, sont devenus phthysiques & élancés, & enfin en sont morts.

☞ Quand même il y auroit beaucoup à rabattre de tout cela, n’en reste-t-il pas assez pour nous faire voir le danger qu’il y a à se laisser caresser & lécher le visage par les chats, qui, d’ailleurs, quelqu’apprivoisés qu’ils soient, conservent toujours quelque chose de la férocité naturelle à leur espèce.

Les chats étoient, entre toutes les bêtes à quatre piés, ceux dont les Egyptiens punissoient plus sévèrement la mort. C’étoit aussi l’animal pour la mort duquel ils s’affligeoient le plus. Cette vénération pour le chat étoit fondée sur l’opinion qu’ils avoient que Diane, pour éviter la fureur des Géants, s’étoit cachée sous la figure de cet animal. On représentoit le Dieu Chat, tantôt avec toute sa forme naturelle, & tantôt avec le corps d’un homme qui porte une tête de chat. Qui pourroit voir, sans rire, en quelques villes de Turquie, des maisons bâties pour les chats, & rentées pour leur nourriture, avec des intendans & des domestiques pour régler & pour servir ces nobles familles ? Du Loir, p. 192.

On estime fort en France les chats d’Espagne. Henri III Roi de France avoit tant d’aversion pour les chats, qu’il changeoit de couleur & tomboit en syncope, lorsqu’il en voyoit. Prade, Histoire de France. Molinetti, Médecin Vénitien, prétend que les chats & les chiens ne suent jamais, quelque fatigue qu’ils aient ; ce qu’il attribue à la conformation de leur cuticule, qui n’a point de pores. Le Tasse fut réduit à une si grande pauvreté, qu’il fut contraint de prier sa chatte, par un joli sonnet, de lui prêter la nuit la lumière de ses yeux, n’ayant pas de chandelle pour écrire ses vers. Les Alains, les Vandales & les Suèves portoient d’argent au chat de sable, symbole de liberté, dit Méthodius. Favyn, Hist. de Nav. Liv. I, p. 34.

Ce mot vient de catus, ou cattus, comme celui de chatte, de catta, qui se trouvent dans les anciennes Gloses. Il est dérivé du grec καττης, signifiant la même chose. Men. Καττoς, catus, un chat vient du celtique cat, ou caz. Pezron. Les Italiens disent gatto. Isidore veut qu’il vienne ex eo quòd cattet, id est, videat. D’autres l’appellent cattus à captura. Ugutio croit qu’on a dit catus quasi cautus, unde Deus Catius, qui cautos, acutos efficiebat, dit S. Augustin. On a appelé aussi le chat, murilegus, musio, musicula, & pilax, parce qu’il prend des souris. Du Cange.

En termes de Chasse, on appelle chats-harets, les chats sauvages, qui sont retirés dans les bois & garennes, & font un grand dégât de lapins. Feles silvestris.

Il y a une espèce de chats dans les Indes occidentales, qui ont une poche à leur côté, où ils mettent leurs petits, qu’ils portent toujours avec eux, sans que cela les empêche de courir & de sauter, & sans qu’on s’apperçoive qu’ils ayent autre chose que leur corps. Il y a des chats sauvages dans les Indes, qui volent par le moyen d’une membrane fort large, laquelle s’étend le long des côtés du pié de derrière au pié de devant. Elle est plissée & retroussée quand ils marchent, & se déplisse quand ils volent. On en a apporté des peaux en Europe. ☞ Ces peaux de chats volans étoient peut-être des peaux d’écureuils volans. M. Boile a écrit qu’en l’année 1684, à Londres, un gros rat s’étoit accouplé avec une chatte, qui fit des petits qui tenoient du chat & du rat, & qu’on en mit un au parc des animaux que le Roi d’Angleterre fait nourrir.

Le chat, en termes de Blason, se dit effarouché, lorsqu’il est rampant, feles efferata ; mais lorsqu’il lève le train de derrière plus haut que la tête, on l’appelle hérissonné. Arrecta.

On dit, en termes de Jardinage, couper les branches d’un arbre en dos de chat, pour dire, leur faire faire un coude, comme on fait en palissant, ou aux espaliers, lorsqu’on est contraint d’attacher ainsi une branche ; car en tout autre cas, c’est un défaut qu’il faut éviter. Cette branche aura meilleure grâce, étant courbée en dos de chat, que d’y voir ce vide. Liger.

Oh appelle, figurément, une personne friande, chat ou chatte ; expression populaire.

On appelle du sirop de pié de chat, celui qui est fait avec les feuilles & les fleurs d’une petite plante qui est nommée pié de chat. Gnaphalium montanum folio rotundiore, ou hispidula.

Chat, en termes d’Artillerie, est un morceau de fer portant une, deux ou trois griffes fort aiguës, disposées en triangle, montées sur une hampe de bois. Ce chat sert à gratter & visiter le dedans des pièces de canon, pour voir s’il ne s’y trouve point de chambre : c’est pourquoi les Fondeurs l’appellent aussi Diable. Uncus ferreus trifidus.

Chat, en termes de Marine, est un gros vaisseau du Nord, à cul rond, qui n’a pour l’ordinaire qu’un pont, qui porte des mâts de hune, sans avoir de hune, ni de bares de hune. Ce bâtiment, dans sa construction, a quelque chose de la Flûte & de la Pinasse.

Chat, dans le commerce de Lainages, est un nom que l’on donne à une sorte de draps dont la chaîne est pour l’ordinaire de laine de différentes couleurs, qui provient du reste des laines filées dont on s’est servi pour fabriquer les draps de couleur teints en laine.

Chat. On se sert aussi de ce mot, au pluriel, pour signifier certaines folles fleurs qui viennent à de certains arbres, comme aux noyers, aux coudriers, aux saules, &c. On les appelle aussi chatons. Voyez ce mot.

Chat, dans les Ardoisières, se dit de l’ardoise de mauvaise qualité, qui ne peut pas servir dans la couverture des bâtimens.

☞ Dans les Monnoies, on donne aussi ce nom à la matière qui coule, par accident, d’un creuset.

Chat se dit proverbialement en ces phrases. On dit d’un homme qui s’en va d’une maison sans dire adieu, qu’il a emporté le chat. On dit de celui qui prend garde soigneusement aux actions d’un autre, qu’il le guette comme le chat fait la souris. On dit aussi qu’un chat échaudé craint l’eau froide ; pour dire, que celui qui est échapé d’un péril, craint tout ce qui est de même nature. On dit aussi de ceux personnes ennemies, qu’elles s’aiment comme chiens & chats. On dit aussi, jeter le chat aux jambes à quelqu’un, pour dire, le rendre coupable d’une faute qu’un autre a faite. On dit qu’une fille a laissé aller le chat au fromage, pour dire, qu’elle a succombé à quelque tentation amoureuse. On dit qu’une personne s’est servi de la patte du chat pour tirer les marrons du feu, pour dire, qu’elle a fait faire à un autre ce qu’elle craignoit de faire elle-même. On dit de deux antagonistes qui savent bien attaquer & se défendre, à bon chat, bon rat. On dit encore d’un homme habile, & qui entend à demi-mot, qu’il entend bien le chat, sans qu’on dise minon. On dit d’un méchant payeur, & qui ne paye pas en argent comptant, qu’il a payé en chats & en rats. Ce proverbe est ancien, & seroit ridicule, au pié de la lettre, à ceux qui n’en sauroient pas l’origine. Je crois qu’il vient du mot de chas, qui signifioit autrefois une maison ; & on dit encore en Lyonnois & en Berry, qu’une maison consiste en trois chas, pour dire, en trois chambres ou en trois étages. Le mot de ras a signifié aussi un champ ou héritage uni, où il n’y a point de bâtiment : d’où vient qu’on dit encore rase campagne, rez-de-chaussée, rez-piés, rez-terre. Ainsi on a dit qu’un homme payoit en chats & en rats, lorsqu’au lieu d’argent comptant qui a un prix certain, il payoit ses créanciers en héritages bâtis & non bâtis, qu’il obligeoit de prendre au prix qu’il vouloit. On dit encore que la nuit tous chats sont gris, pour dire, qu’on ne distingue pas une belle femme d’une laide. On dit encore d’un homme qui a quelques égratignures au visage, qu’il s’est joué avec les chats. Regnier a dit aussi dans ses Satyres : Je devins aussi fier qu’un chat amadoué. On dit aussi, dès que les chats seront chauffés, pour dire, de bon matin. On dit d’un homme mal-propre, qu’il est propre comme une écuelle à chat. On dit encore : Il ne faut pas réveiller le chat qui dort, pour dire, qu’il faut laisser en repos ceux qui nous peuvent faire du mal. On dit acheter chat en poche, pour dire, acheter quelque chose dans la voir. On dit encore d’un homme qui parle franchement, & sans rien déguiser, qui nomme les choses par leur nom, qu’il appelle un chat, un chat.

J’appelle un chat un chat, & Rolet, un fripon. Boil.

On dit, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat, pour dire, que l’affaire dont il s’agit n’est qu’une bagatelle. On dit aussi, bailler le chat par les pattes, pour dire, présenter une chose par l’endroit le plus difficile. On appelle musique de chats, une musique dont les voix sont aigres & discordantes.

On dit d’un homme qui coule avec rapidité sur un fait peu honorable : Il passe là-dessus comme chat sur braise. Il va du pié comme un chat maigre, pour dire, qu’on va légèrement. On ne sauroit retenir le chat, quand il a goûté à la crême, pour dire, qu’on a bien de la peine à corriger un homme qui est affriolé à quelque chose. Chat enganté ne prit jamais souris, pour dire, qu’afin de bien faire quelque chose, il faut éloigner tout embarras, avoir ses coudées franches, ne faire que ce que l’on veut. Il n’y a si petit chat qui n’égratigne, pour dire, que les plus ignorans se mêlent de contrôler, ou que le plus pacifique donne quelquefois son coup de dent. On ne prend pas des chats comme nous, sans mitaines. R. Caff. Com.

On appelle, selon Nicot, herbe au chats, ce que les Latons appellent nepeta ou calamintha.

Chat-brûle. s. m. Espèce de poirier, & de poire d’Octobre & de Novembre, qu’on nomme autrement Pucelle. Voyez Pucelle.

CHAT, POIRE-CHAT. Voyez Poire.

Chat-putois. Chat sauvage, ainsi nommé à cause de sa puanteur. Il a le poil brun. Il est grand ennemi de la volaille. Il se cache dans les galetas, greniers à foin, & autres endroits semblables. On le trouve aussi dans les bois : il rode tout le jour, & fait la guerre aux oiseaux. Ces animaux se mettent aussi en embuscade sur le bord des rivières, pour attraper le poisson & les grenouilles. Ils se prennent de la même manière que les fouines.