Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BASSETTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 786).
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BASSETTE. s. f. Jeu de cartes qui a été fort à la mode, aujourd’hui défendu. Voici comment il se joue. Celui qui taille, qu’on nomme Banquier, ou Tailleur, a un jeu entier de 52 cartes, & ceux qui jouent contre lui, ont en main chacun 13 cartes d’une couleur. On les appelle le livre. Après que le Tailleur a battu les cartes, les Joueurs découvrent devant eux telles cartes de leur livre qu’ils veulent, sur lesquelles ils couchent de l’argent à discrétion ; ensuite le Tailleur tourne son jeu de cartes, ensorte qu’il voit la première qui étoit dessous. Après cela il tire ses cartes deux à deux jusqu’à la fin du jeu, la première de chaque couple ou main est toujours pour lui, & la seconde ordinairement pour le Joueur, de sorte que si la première est, par exemple, un roi, le Banquier gagne tout ce qui a été couché sur les rois, mais si la seconde est un roi, le Banquier donne aux Joueurs autant qu’ils ont couché sur les rois. Si les deux cartes d’une main sont semblables, par exemple, deux rois, ce qu’on appelle doublets, le Banquier gagne encore ce qui a été couché sur les rois. Chaque Joueur a la liberté de coucher de l’argent sur telle carte qu’il veut, lorsque le jeu est commencé ; mais le couple, ou la main, dont il voit la première ou la seconde carte, lorsqu’il couche, est nulle à l’égard de la carte sur laquelle il vient de coucher ; & si la carte sur laquelle on a couché, se rencontre dans la seconde de la main qui est nulle, le jeu est fini pour cette carte ; c’est pourquoi il faut coucher de nouveau ; mais si elle ne s’y rencontre point, le Banquier face dans la première de la main suivante lorsqu’il gagne, c’est-à-dire, qu’il ne prend que les deux tiers de ce qui est couché sur la carte. Lorsqu’il ne reste plus qu’une carte semblable à celle sur laquelle on a couché, la dernière carte est nulle. Lorsque le Banquier gagne à la première main, dans laquelle il peut gagner une carte découverte, il face pour lors. Quand on couche sur une carte lorsqu’on ne voit que la première d’une main, on dit que la seconde de cette main est trop jeune, c’est-à-dire, qu’elle est nulle. Ces règles ont été inventées pour balancer les avantages & les désavantages du Tailleur & des Joueurs. Quelques années après que ce funeste jeu eut été introduit en France, M. Sauveur fit par les règles d’algèbre une supputation & une table, où il montre, non pas comme quelques-uns le crurent, qu’il y a des coups sûrs pour les Joueurs, mais seulement qu’il y a des coups moins désavantageux les uns que les autres pour les Joueurs, Voyez les Ordonnances de Police, & les Arrêts qui défendent la bassette, dans le Tr. de la Police de M. de la Mare, Liv. III, T. IV, c. 6. Pour éluder ces défenses, on déguisa la bassette sous le nom de pour & contre ; ce qui attira de nouveaux Arrêts du Conseil rapportés par le même Auteur. Ib. & ci-dessus au mot Barbacole.

On prétend que c’est un noble Vénitien qui a inventé ce jeu, & pour cela a été banni de Venise. Il a été introduit en France par M. Justiniani, Ambassadeur de la République, l’an 1674, ou 1675.