Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AVORTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 653-654).
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☞ AVORTER. v. n. Accoucher avant terme. Il ne se dit guère qu’en parlant d’un accouchement causé par un crime. Abortum pati, abortum facere. C’est un crime capital de faire avorter des femmes par des breuvages, ou autres moyens. Si c’est par quelque chute ou quelqu’autre accident de cette nature, qu’une femme accouche avant terme, on doit dire qu’elle a fait une fausse couche, ou qu’elle s’est blessée. Ablancourt a dit, l’Impératrice avorta; mais l’usage n’est pas pour lui. On dit avorter en parlant des femelles des animaux. Quand on fait trop travailler des cavales, cela est cause qu’elles avortent.

Avorter, se dit par extension, des fruits qui ne parviennent pas à la grosseur & à la maturité requise. Il y a des vents qui font avorter’les fruits. Acad. Fr. Les arbres qui sont battus du mauvais vent, sont sujets à avorter, & leurs fruits ne viennent point à maturité

Avorter, se dit figurément de tout ce qui n’a pas les qualités, la force & la perfection qu’il doit avoir.

 
L’un quand son front se ride, ayant un œil farouche ;
Pour la moindre syllabe ouvre toute la bouche,
Et craignant que sa voix n’avorte entre ses dents,
Lance de ses poumons des mots toujours tonnans.

Sanlec.

Avorter, se dit aussi figurément des desseins, des entreprises qui ne réussissent pas. Malè procedere. Quand on fait quelque entreprise au-delà de ses forces, elle est sujette à avorter. Souvent un Auteur croit faire une belle pièce, qui avorte, qui n’a pas le succès qu’il espéroit. Faire avorter les desseins de quelqu’un, les rendre inutiles. Discutere, dissolvere. Dieu fait quelquefois avorter nos desseins, de peur que nous n’attribuyons trop à la prudence humaine. Mont.

AVORTÉ, ÉE. part. Abortivus. L’ordonnance veut que les bois avortés soient resepés. Un fruit avorté. Lic. Il n’a guère d’usage que dans le figuré. Dessein avorté. Entreprise avortée.