Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APPÉTIT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 430-431).
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APPÉTIT. s. m. Passion de l’âme qui nous porte à désirer quelque chose ; faculté interne, par laquelle l’âme est émue & affectée en vue d’un bien qu’elle souhaite, & d’un mal qu’elle appréhende. Pars animi quæ appetitus habet. Les appétits charnels, sensuels. Voluptates. En Philosophie on n’admet que deux appétits ; le concupiscible, qui nous porte à souhaiter & à chercher le bien, vis concupiscendi ; & l’irascible, qui nous porte à craindre & à éviter le mal, irascendi. Le Sage commande à ses appétits déréglés. Cupiditates animi comprimit.

☞ A cette distinction de l’école, on en substitue une autre plus utile entre l’appétit sensitif & l’appétit raisonnable. L’appétit sensitif est la partie inférieure de la faculté appétitive de l’âme. Cet appétit naît de l’idée confuse que l’âme acquiert par la voie des sens. Je bois du vin que mon goût trouve bon ; & le retour de cette idée que mon goût m’a donné, me fait naître l’envie d’en boire de nouveau. C’est à ce genre d’appétit que se bornent la plûpart des hommes ; parce qu’il y en a peu qui s’élevent au-dessus de la région des idées confuses. C’est la source de toutes les passions.

l’Appétit raisonnable, est la partie supérieure de la faculté appétitive de l’âme, & elle constitue la volonté proprement dite. Cet appétit est l’inclination de l’âme vers un objet à cause du bien qu’elle reconnoît distinctement y être. Le motif ou la raison suffisante de cet appétit, est la représentation distincte du bien attaché à un objet.

Appétit, se dit plus particulièrement de la faim, du désir de manger. ☞ Appétits corporels. Désirs qu’excitent en nous les besoins du corps, tels que l’envie de manger, de boire, &c. Quand le corps est pressé par la faim, la soif, &c, Cibi appetentia, aviditas. Ce malade a perdu l’appétit, il a un appétit déréglé. Les salines excitent l’appétit. On dit, chercher ses appétits, prendre ses appétits, pour dire, choisir les viandes, les ragoûts pour lesquels on a le plus d’appétit. Acad. Fr. On appelle populairement certaines viandes, de l’Appétit, comme les harengs saurets, l’échalotte, les raves, &c. Le mot d’appétit, pour dire, hareng saur, n’est guère en usage que parmi le menu peuple de Paris. Les Traiteurs donnent aussi ce nom à de petites herbes fines, dont on assaisonne les salades, & différens ragoûts ; ces herbes sont le cerfeuil, la ciboulette, &c.

Pain dérobé réveille l’appétit :
A tout pécheur la loi qui l’interdit
Est un attrait, est une rocambole.
D’aller vers là, de revenir ici,
Est-il permis ? Quand on le veut ainsi,
On s’en soucie autant que d’une obole ;
Mais que la loi dise, Je le défends,
Nous y courons, & notre cœur y vole.

Du Cerceau

On dit adverbialement & populairement, à l’appétit d’une telle somme cette affaire a manqué ; c’est-à dire, pour avoir voulu épargner quelque chose, pour ne l’avoir pas fournie. Hujus rei gratiâ, causâ.

Appétit, se dit proverbialement en ces phrases. Cet homme a toujours bon appétit. ☞ C’est un cadet de haut appétit, pour dire, qu’il trouve tout bon ; & au figuré, qu’il a beaucoup d’avidité pour le bien. C’est un appétit de femme grosse ; c’est-à-dire, un appétit bisarre, ou d’une personne dégoûtée. Changement de corbillon donne appétit de pain-bénit. Vous avez l’appétit ouvert de bon matin ; pour dire, vous desirez trop tôt une chose. Il n’est sauce que d’appétit : pour dire, que la faim fait trouver bon tout ce que l’on mange, ou que l’appétit est la meilleure sauce que l’on puisse avoir. On dit aussi, qu’en mangeant l’appétit vient, pour dire, que plus on en a, & plus on en veut avoir. Ce proverbe vient d’Amiot, Evêque d’Auxerre, qui ayant dit d’abord au Roi Henri III, que son ambition étoit bornée, & qu’il se contentoit d’un petit bénéfice, qu’on lui donna alors, ne laissa pas de demander l’évêché d’Auxerre. Et comme le Roi lui reprocha que cela étoit contre ses premiers sentimens, il répondit : Sire, l’appétit vient en mangeant ; ce qui a été dit depuis en toutes sortes d’occasions. Il est demeuré sur son appétit ; pour dire, il n’est pas pleinement satisfait, rassasié.