Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMPHIBOLOGIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 309).

AMPHIBOLOGIE. s. f. Terme de Grammaire. C’est un vice du discours qui le rend ambigu & obscur, & qui le peut faire interpréter en deux sens différens, même contraires. Amphibologia, ou Amphibolia. Il s’entend plus particulièrement de la phrase que des mots. Les anciens Oracles ne parloient que par amphibologie. C’est une amphibologie que la réponse que Pirrhus reçut de l’Oracle, qu’il avoit consulté sur la guerre qu’il avoit dessein de faire aux Romains, & qui lui répondit par ce vers.

Aio te, Æacida, Romanos vincere posse.

L’amphibologie consiste en ce que te & Romanos peuvent être également nominatif & cas. La langue françoise, qui énonce toujours d’une manière naturelle, n’a point de ces sortes d’amphibologies, mais elle en peut avoir dans ses relatifs, par exemple, le pere du soldat que vous avez vû. Le que, suivant la Grammaire, se rapporte au dernier, c’est-à-dire à soldat, & selon l’intention de celui qui parle, il se rapporte souvent au premier, le pere. Quand des deux noms il y en a un de genre féminin, & l’autre de genre masculin, si le relatif se rapporte à celui qui est du genre féminin, on évite l’amphibologie, en mettant laquelle, au lieu de que, ou de qui ; par exemple, la mere d’un tel laquelle parla, au lieu de la mere d’un tel qui parla. Quand le verbe est au prétérit défini, l’amphibologie est ôtée par le participe, qui, avec le verbe être, compose ce prétérit, & alors il n’est pas nécessaire de se servir du relatif laquelle, qui ne fait pas un bel effet dans le discours ; par exemple, la mère d’un tel que vous avez vûe, le que est déterminé par le participe vûe, & se rapporte au mot mere. S’il n’y avoit rien qui ôtât l’amphibologie, il faudroit lire laquelle, parce que la clarté est la première & la plus essentielle qualité du discours, puisque les hommes ne parlent que pour se faire entendre.