Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMBASSADEUR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 272-273).
◄  AMBASSADE

AMBASSADEUR. s. m. Ministre public envoyé par un Souverain à un autre Souverain, pour y représenter sa personne. Legatus, Orator. Wicq. Ce mot a une signification bien plus ample que celui de Legatus chez les Romains, & à la réserve de la protection que le droit des gens donne à l’un & à l’autre, ils n’ont presque rien de commun. L’Ambassadeur est un espion honorable à couvert par le droit des gens. Wicq. Tout le rafinement d’un Ambassadeur, & toute la politique tendent à tromper, & à n’être point trompé. La Bruy. Un Ambassadeur, après avoir bien joué son rôle sur le théâtre de la Cour, doit quitter son personnage en particulier. Wicq. Ce composé de formalités, & de bienséances, peut bien former un pédant politique, & non pas un parfait Ambassadeur, qui doit être honnête-homme quand il ne joue plus la Comédie. Id. Ambassadeur ordinaire, est celui qui réside en la Cour d’un autre Prince par honneur, & pour entretenir réciproquement l’amitié, ou pour négocier les affaires survenantes. Legatus, Orator ordinarius. A proprement parler, les ambassades ordinaires ne sont point du droit des gens. Il y a 200 ans qu’elles étoient inconnues. Tous les Ambassadeurs étoient extraordinaires, & se retiroient sitôt qu’ils avoient achevé l’affaire qu’ils avoient à négocier. Ambassadeur extraordinaire, est celui qui vient en la Cour d’un Prince pour quelque affaire particulière, comme pour conclure une paix, un mariage, conduire une Reine, faire des complimens, &c. Legatus, Orator extraordinarius. Il n’y a nulle différence essentielle entr’eux, & ils jouissent également de toutes les prérogatives que le droit des gens leur accorde. Il n’est point nécessaire qu’un Ambassadeur soit homme de bien. Il suffit qu’il ait un grand extérieur, & une belle apparence, dont il tirera de plus grands avantages que de la vertu même. Wicq. Le nom d’Ambassadeur est un nom de respect & d’autorité. Cicéron, Orat. 6. in Verr. n. 85. David fit la guerre aux Ammonites pour venger l’injure faite à ses Ambassadeurs. Liv. II. des Rois, Ch. 29. I. Paral. Ch. 19. Alexandre fit passer au fil de l’épée les habitans de Tyr, qui avoient insulté ses Ambassadeurs. La jeunesse de Rome ayant outragé les Ambassadeurs de Vallonne fut livrée entre leurs mains pour se venger à discrétion. Jean Basilowitz, Duc de Moscovie, fit clouer le chapeau sur la tête d’un Ambassadeur d’un Prince étranger, qui avoit osé se couvrir en sa présence. Journ. des Sav. Août 1679. De Roch. Les Ambassadeurs des Rois ne doivent aller aux noces, aux enterremens, ni aux assemblées publiques & solennelles, si leur maître n’y a intérêt ; ils ne doivent point aussi porter le deuil, parce qu’ils représentent la personne du Prince. Scaliger au mot Ambassadeur. Id. Cela ne se doit entendre que d’un deuil que leur maître ne porte point. On fait des entrées aux Ambassadeurs ; c’est-à-dire, qu’on les envoie recevoir avec cérémonie ; les carrosses du Roi & des Princes vont au-devant d’eux. Il y a des charges d’Introducteurs des Ambassadeurs chez le Roi & chez Monsieur. C’étoit la coutume sous nos premiers Rois, & cette coutume dura long-temps en France, d’envoyer plusieurs Ambassadeurs, qui composoient comme une espèce de conseil. P. Dan. Avant Louis XI, la manière étoit, que quand un Prince avoit du mécontentement d’un autre pour quelque sujet qui ne méritoit point une déclaration de guerre, il rompoit toute liaison avec lui, ne lui envoyoit plus d’Ambassadeurs, veilloit seulement sur ses démarches dans les Cours étrangères ; & jusqu’à ce que quelque conjoncture eût rétabli la bonne intelligence, ils n’avoient plus aucun rapport ensemble. La coutume fut alors toute contraire : quelque soupçon, quelque défiance que l’on eût les uns des autres, quelques différents qui survinssent, on étoit en négociations continuelles, & l’adresse des Princes, ou des Ambassadeurs, étoit de fournir toujours quelque matière pour les continuer. Id. L’Auteur des Mémoires & Instructions pour servir dans les négociations, & affaires concernant les droits du Roi, imprimées chez Cramoisi en 1666, observe que les Cardinaux peuvent, sans se faire tort, être Ambassadeurs des Princes séculiers. Ce mot vient de Ambasciator dont se sont servis les Auteurs de la basse latinité, qui a été fait de ambactus, vieux mot latin tiré du Gaulois, signifiant, Serviteur, Client, Domestique, ou Officier, selon Borel & Ménage, & Chiflet dans son Glossarium salicum, après Saumaise & Spelman. Les Jésuites d’Anvers, dans les Acta Sanct. Mart. Tom. II. pag. 128. rejettent cette opinion, parce que l’ambact des Gaulois avoit cessé d’être en usage long-temps avant que le terme d’ambascia, & d’ambassade s’introduisit. Mais cela n’est pas vrai ; car on trouve ambascia dans la Loi Salique, tit. 19. qui s’est fait d’ambactia, en prononçant le t comme dans actio : & ambactia vient d’ambactus. Lindenbrock le dérive de l’Allemand ambacht, qui signifie œuvre, comme si on se louoit pour faire quelque ouvrage ou légation. Chorier, dans son Histoire de Dauphiné, sur l’ambascia qui se trouve dans la loi des Bourguignons, dit la même chose que Lindenbrock ; & il ajoute, parmi les ouvriers des plus bas métiers, ambauche & ambaucher, sont des mots connus qui viennent de cette origine. Albertus Acharisius, en son Dictionnaire Italien, le dérive de ambulare. Les Jésuites d’Anvers, à l’endroit que j’ai cité, disent que l’on trouve ambascia dans les lois des Bourguignons ; que c’est de-là qu’on a fait ambassicatores & ambasciatores, pour dire, les Envoyés, les Agens d’un Prince, ou d’un Etat, à un autre Prince, ou Etat. Ils croient donc que chez les Barbares qui inonderent l’Europe, ambascia signifioit le discours d’un homme qui s’humilie, qui s’abaisse devant un autre en le priant ; & qu’il vient de la même racine qu’abaisser, en ajoutant un m, pour rendre le nom plus doux ; ou bien que c’est le discours par lequel un homme reconnoît qu’un autre est son Seigneur, & que ce nom est composé de an, ou am, qui signifie ad, & de bâs, qui vouloit dire Seigneur. Enfin, ils ne doutent nullement que ce mot, dans son origine, n’emporte de la soumission & de l’infériorité, de même que celui d’Orator, que l’on a donné à ceux que nous appelons Ambassadeurs.

On dit, qu’un homme a un train, un équipage d’Ambassadeur ; pour dire, qu’il a un train, un équipage magnifique.

A Athènes, les Ambassadeurs étrangers montoient dans la tribune des Orateurs, pour exposer leur commission, & pour se faire mieux entendre du peuple. A Rome, ils étoient introduits au Sénat, auquel ils exposoient leurs ordres. Athènes & Sparthe florissantes n’avoient autrefois rien tant aimé, que de voir & d’entendre dans leurs assemblées divers Ambassadeurs, qui recherchoient la protection, ou l’alliance de l’une ou de l’autre. C’étoit, à leur gré, le plus bel hommage qu’on leur pût rendre ; & celle qui recevoit le plus d’ambassades, croyoit l’emporter sur sa rivale. Tourr.

Ambassadeur. s. m. Du temps de S. Charles Borromée, Archevêque de Milan, on appela Ambassadeurs du Carnaval, ceux qui furent envoyés à Rome pour s’opposer au règlement que ce saint Prélat avoit publié pour faire commencer à Milan le jeûne & l’observance du Carême dès le Mercredi des Cendres, au lieu que par un abus on ne commençoit qu’après le Dimanche de la Quadragésime.

Ambassadeur, se dit aussi de quelques personnes qu’on envoie pour faire quelque petit message, ou négociation ; mais ce n’est que dans le discours familier & en badinant. C’est un Ambassadeur d’amour. Il a bien choisi son monde, que de te prendre pour son Ambassadeur. Mol.