Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AFFECTIONNER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 138).

AFFECTIONNER. v. a. Avoir de l’affection pour quelque chose, ou pour quelque personne. Amare. Le mot d’affectionner ne se doit jamais dire en ce sens de l’inférieur au supérieur, & rarement d’égal à égal. Le Sur-Intendant Bullion ne parle pas juste, en répondant aux Cordeliers qui lui demandoient à quel Saint il vouloit dédier une Chapelle : Hélas ! ils me sont tous indifférens, je n’en affectionne aucun. Bouh.

Affectionner, signifie aussi, s’intéresser pour quelque chose. Studere alicui rei, propendere in aliquid, vel in aliquem. C’est une affaire que j’affectionne, à laquelle je m’intéresse avec chaleur.

Affectionner, signifie encore, attacher les personnes à quelque sujet, les y intéresser par quelque chose qui touche, qui émeut, qui entraîne, & donne du plaisir. Afficere. Cela se dit particulièrement des auteurs de pièces dramatiques & de nouvelles historiques, qui doivent faire tous leurs efforts pour affectionner les spectateurs, & les lecteurs, à leurs principaux personnages. Je n’ai jamais vû une histoire plus languissante ; en la lisant on ne prend parti pour personne, & l’Auteur n’affectionne à rien. M. Scud.

s’Affectionner à quelque chose, c’est s’y attacher fortement, s’y appliquer avec ardeur & avec affection. Il faut s’affectionner à son métier pour y réussir. Il y a des Ecrivains qui s’attachent plus qu’il ne faut à finir certains endroits de leurs discours, auxquels ils s’affectionnent. Bouh. Il s’affectionna tellement à la solitude, qu’il cherchoit le silence des forêts. Id.

AFFECTIONNÉ, ÉE. part. Qui a de l’affection, de l’amour, de la bonne volonté pour quelqu’un. Benevolus, studiosus. ☞ Quoique ce nom ait une terminaison passive, il signifie pourtant une action. Ce qui n’est pas extraordinaire dans notre langue. On finit les lettres par cette formule : Votre très-humble & très-affectionné serviteur. On a usé de cette formule différemment selon les temps & les personnes. On s’en est servi long-temps en écrivant aux personnes de la première qualité : & même M. d’Urfé en a usé dans la souscription de l’Epître dédicatoire de son Astrée au Roi en l’année 1620. Il y en a grand nombre d’exemples. Mais depuis on s’est rendu plus délicat, & on a mis au lieu d’affectionné, le mot d’obéissant, à ceux qui avoient la moindre élévation, ou à qui on vouloit faire civilité : ensorte que le terme de très-affectionné, ne s’écrit que de supérieur à inférieur ; & il faut être fort au-dessus de celui à qui on écrit, ou être incivil ou mal-instruit de l’usage, pour lui donner du très-affectionné. On a retranché le superlatif en écrivant aux inférieurs ; & toujours en diminuant, on a dit votre affectionné à vous servir, en écrivant à quelque paysan ou artisan ; & enfin, votre affectionné à vous rendre service, quand un grand Seigneur écrivoit à un domestique, ou à quelqu’un de sa dépendance.