Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACHÉRON

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 83-84).
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ACHÉRON. s. m. Acheron, Acheros. C’est le nom de plusieurs fleuves. On en met un dans l’Epire, nommé aujourd’hui Verlichi nigro, ou Vanas, que Ptolomée appelle Acheron, & Tite-Live Acheros. Strabon en met un dans l’Epire, contrée du Péloponèse, & un autre dans le pays des Brutiens en Italie ; c’est-à-dire, dans la Calabre, que Barrius, dans sa Calabre, prétend être celui qu’on nomme aujourd’hui Campaniano. Il se déchargeoit dans la mer à Butrinto dans le Sinus Ambracius, Auguste ayant conduit une Colonie à Butrinto, fit un pont de mille pieds de long sur l’embouchure de l’Achéron. Tout le monde admiroit cet ouvrage, dit Pline, Liv. iv. C. i. Nous en avons une médaille. August. Butr. La tête d’Auguste nue : au revers P. Pompon. Un pont, Voyez M. Vaillant, Méd. des Emper. T. I. p. 19. Strabon met un autre fleuve Achéron en Bithynie, proche d’Héraclée, &c. Mais le plus fameux de ce nom est celui que les Poëtes comptent parmi les fleuves de l’enfer : si cependant il est différent de l’Achéron de l’Epire, car on prétend que les anciens ont mis l’enfer en Epire, parce que les premiers Epirotes travailloient aux mines qu’ils trouvèrent dans leur pays, & y faisoient périr beaucoup d’esclaves.

Achéron, est aussi quelquefois un Dieu qui nâquit de Cérès dans l’île de Crète, & qui ne pouvant soutenir la lumière du jour, se retira aux enfers, & y devint un fleuve infernal, Voyez Bocace, L. 3. de la Généal. des Dieux, C. 4. Rudbecks, qui dans son Atlantique, attribue à la Suéde tout ce que les anciens ont dit de quelque pays que ce soit, prétend que l’Achéron, l’enfer, les champs élisées, sont la Suéde, & soutient que la manière dont on rendoit anciennement la justice parmi les peuples du septentrion, est l’original d’après lequel les Poëtes ont tiré toutes les descriptions qu’ils ont données de la justice infernale ou des procédures de Minos, d’Æaque, & de Rhadamante. Hofman dérive ce mot Achéron de l’Hébreu אחרון, qui signifie dernier, ce qui est après, ce qui est éloigné. D’autres le tirent du Grec, c’est-à-dire, de l’α privatif, & de χαίρω, se réjouir, ou bien de ἄχος douleur, tristesse, & ρεω, je coule ; comme qui diroit, un fleuve qui roule des larmes & des pleurs. Les Poëtes prennent figurément l’Achéron pour tout l’enfer.

Et l’avare Achéron ne lâche point sa proie.