Dictionnaire de Robert Poisson : Dictionnaire d'orthographe française (1609)/Régles de la vrée ortografe

Planchon (p. 9D-33G).

RÉGLES DE LA VRÉE

ORTOGRAFE.

A.


Ä æt̃ marqée de deus poins, ou bien d’un axent sirconflexe, qand elle ſonne comme double, & nous rend ſa ſilabe long’e, & ainſi comme ȷe les més, en ses mos Äȷe, Äpre, téat̃re, plat̃re, folat̃re, & tous ſemblables.

Més qand elle æt̃ bréve, elle æt̃ ſimple, & ni voit-on aucune marqe, comme en seus-ſi, abé, avec, apui, atret, ateint, & autres.

Bé.

Bé qi vaut la béta des Grez, & la beth de Ébreus auſſi ni æt̃ ȷamés qou il la faut : & pourtant ȷe lé retrenchée, de tez mos qe les enſuivans, ou elle nuit évidemmennt : à livre, devoir, fævre, Février, féve, & de tous autres pareis.

ché.

ché, æt̃ une lettre nouvelle, & de ma propre invention, ȷe l’estime tresnésésére, à bien écrire tous vocables, comme seus-sy, chantre, chapeau, charité, chois, chiche, chanſon, chartier, chemise, chose, cher, chasteté, chaqun, cheminer, qon a ȷuſqisi mal écris, par ses deus lettres c. & h. d’autant q’elles ont tout tel ſon que la ké quand on les aſemble : & ne ſauroient q’improprement, æt̃re prizes pour sete ché.

Ses dixions, écho, échole, chœur, chorde, & telles en font preuve ; car écrites par ses deus lettres, comme on les treuve fort ſouvent, & mæme en tous dixionnéres : elles sonnent comme par ké, & auſſi raizonnablement, on liroit par telle ortografe, cantre, capeau, carité, cois, kiqe, qanſon, ou karȷe, & qer, bien qe l’h. i fut̃ aȷoutée, comme vous lizez en se lieu, ſuivant l’éxemple antésédente : se q’on ne ſauroi neanmoins q’avec treſ-grande moqerie, car il les faut écrire ainſi qe si devant par not̃re ché.

Remarqe q’en set Alfabet sete figure demi ronde C. n’æt̃ autre choze qe la ké.

Mæme q’il n’i a d’autre sé qe la lettre s. qe ȷi figure, de deus ſortes pour un regard, qe ȷe déclare si-apres.

ȷe ne trouve aucune raizon d’uzurper sete C. ou ké pour not̃re sé, comme on l’uzurpe : car sæt̃ égarer les lizeurs, & aporter confuzion.

Veu auſſi raizonnablement, qon pourroit lire ſar pour car, ſuir pour cuir, aves pour avec, tras pour trac, éſus pour écus, éſuier pour écuier, éſuelle pour écuelle, éſole pour école, éſolier pour écolier, éſoſoize pour écoſoize, éſuſon pour écuſon, éſoufle pour écoufle, éſourrer pour écourter, éſrire pour écrire, éſot pour écot, & mie autres les écrivans par setes é.

& de mæme aus écris Latins, Surro pour curro, Sur pour cur, & hus pour huc, & fas pour fac, Sato pour Cato, & pareiz.

Dé.

Dé ni æt̃ qou elle æt̃ reqize, & ſuperflüment mile fois, & pourtant ȷécri ſimplement, aȷoint, aveu, avis, avocat, aȷourner, & avertir, & tous pareiz ſans m’en ſervir, & la ȷouter, seus là qi la ȷoutent me ſemblent, ofenser la prolaſſion.

É

É maſculine ou élevée, ni æt̃ diſting’ëe de selle qi æt̃ prononsëe cadente, & tenue pour feminine, par qelqe autre forme ou figure, ainſi comme æt̃ entre les Grez, leur é brieve d’avec leur long’e Ains ſeulement par un tiret ou axent égu mis déſus, en la sorte qe le voisi. é.

La féminine i æt̃ sans marqe.

Fé ou ef.

Fé ou ef æt̃ mize en tous mos, ou pour elle on met p. & h. car il n’i a poin de raizon d’apliqer ses lettres pour elle : d’autant qelles ſonnent p.hi. plut̃ot̃ qe ſi, à bien les prendre, outre leur ſuperfluité.

& pourtant ȷécri foſion, Filozofe, Filozofie, Filipe, Nimfe, & leurs ſemblables, avec sete fé simplement, & tout ainſi comme l’on fet, fis, filh’e, folie, Fransois, & ſemblables qi ne ſ’écrivent aveqes ses lettres p. h.

ȷé.

ȷé æt̃ autre lettre nouvelle, de mon invenſion auſſi, afin qon n’abuze de l’i, la faizant conſonne pour elle, ainſi qon a fait iuſqisi, par abuzaȷe inexcuzable : & mæme afin qe notre g. semblable à la gamma des Grez, & à la gimel des Ebrieus de ſa ſonanse naturelle, ni ſonne ainsi de divers ſon, à légarement des lizeurs.

ȷécri par sete ȷé tez mos, paȷe, faȷe, dommaȷe, ȷaqe, ȷile, ȷorȷe, ȷéant, ȷizant, ſerȷent, ȷan, ȷáne, ȷuȷe, ȷules, ȷacob, ȷulien, & pareiz.

Car pourqoi, puis qon dit Gilh’aume, & dag’e, & bag’e, écris par elle ; auſſitot̃ on liroit ȷilh’aume, daȷe, & baȷe, & pluzieurs autres, aiant sete ȷé double ſon.

ȷécri auſſi ȷuȷement, ȷuge, ȷalous, ȷolis, ȷenæve, & ȷeus, & tous mos de telle ſonanse, avec sete nouvelle lettre, au lieu d’i apliqer not̃re i. reſtant touȷours ſimple voielle.

Més afin qe fasilement, sete lettre ſoit reconeue, & diſting’ëe comme il faut, & qon lize plus aizément : ȷe lé fette peu diſemblable, de l’J. & de la g. auſſi, voiez si deſus ſa figure.

Gé.

Gé, ſonne dont touȷours isi, en gamma ȷamés autrement ; qelqe vocale qi la ſuive.

Més il æt̃ bezoin remarqer, qe lors qe la né viẽt aprés, on la beg’ee qelqe peu, comme en ses mos, ſeig’neur, mig’non, roig’non, bezoig’ne, enſeig’ne & tez.

Adont apoſtrofe æt̃ deſus, afin d’en ſervir pour indise,

Hé.

Hé ou h.i æt̃ comme lettre autant nésésére q’aucune, d’autant que nous avons meins mos, qi ſans elle ne se prononsent : comme seus si, haie, héraut, haine, hardi, hure, & hoqet.

Més ȷe ne l’apliqe ȷamés, aus dixions non aſpirées, & ou elle n’a ſa valeur.

ȷécri ’onneur & non honneur, ’ommaȷe & ȷamais hommaȷe, éritaȷe & non heritaȷe, abile, & nule fois habile, eure non heure, éureus non heureus, ’omme non homme, seus qui laȷoutent en tez mos, ne ſauroient aleg’er d’excuze.

Més à écrire bien seus si, pilh’e, pilh’ard, perilh’, périlh’e, & tous de pareille ſonanse. ȷe la més comme tres-utile, pour se q’écris avec double ll. ne ſont ainſi qon les prononse.

Adonc il æt̃ à obſerver, q’elle fet touȷours ſa ſilabe, avec sete L. antésédente : pourtant apoſtrofe æt̃ deſus, qe sesi ſoit mieus remarqé.

Il n’æt̃ bezoin de la plaser, apres l. qi devant ſoi aî, ou bien eî, diftong’es, d’antant qelle ni ſert de rien pour la prononsiaſſion.

& pourtãt ſont ſans elle écris, aſez bien, les mos qi enſuivent : apareil, baïller, bataïller, émaïller, éfueiller, & tez.

I.

I, demeurant touȷours voielle, & ȷamés fette, cõſonante, ni ſonne iamés pour la ȷé, comme ȷe mõt̃re si deſſus.

ȷamés pour elle ne me ſers, de sete lettre y dite gréqe, qe n’empruntions rien d’ét̃ranȷers, non pas mæme à écrire ïeus, plurier d’eil q’is lizent ȷeus, comme pluzieurs l’i font reqize : & de mæme à écrire ivrer, afin qon ne lize ȷuret, car ȷe les eſtime déseus. D’autant qa ȷurer & à ȷeus, il faut la ȷé, & non pas i. non plus la gréqe, qe la notre.

ȷ’écri Roî, foî, loî, moí, toî, foî, ſans m’aider de sete greȷoize, comme font pluzieurs des Fransois.

Més ou elle ſonne pour deus, & fet la ſilabe æt̃re long’e, elle a deſus elle deus poins, comme ivreïe, foïe, & pareiz.

ka, qé ou cu,

Ké en set Alfabet nouveau, æt̃ representé par trois formes, a ſavoir par Ka, qé, & cu, qe par si devant on prenoit ainſi trois lettres diverſes, isi valent pour une ſeule, & sela pour moins ofenser l’ortografie inſinuëe & en vzaȷe de lon-tems.

Quand tu n’en voudrois poin uzer, ains t’aider d’une pour les trois, comme de sete dite qé, tu ne leſſeras poin d’écrire, correctement, & ſans faillir.

Voire quand tu voudras former vn nouveau qé au lieu d’iseles, & lui donner cours par le monde.

Par sete forme demi ronde, plut̃ot̃ ȷécri ses dixions, conferense, conformité, cõtredit, couleur, contre, croire.

Par la q. plut̃ot̃ seles si, qelqun, qalité, qantité, qitanse, qelconque, qatrieme : Més ſans i mettre u, ſuperflu, ainſi qon a fet iuſqisi.

& plut̃ot̃ par sete ké, keur, venikeur, tankeur, iſt, kalendrier, contrekeur, kadram, & karæme.

Lé ou el.

Lé ou el, n’æt̃ qou elle ſert, pourtant tez mos abile, vile, fourmile, mile, &c. ſont écris sans q’elle i ſoit double.

& de tez mos qe ses derniers, mieus, sieus, veut, peut, haut, ſaut, vaut, faut, d’autant, pouſant, moudre, outre, poudre : elle æt̃ ot̃ée & retrenchée, cõme nuizible & ſuperflue.

Mé ou em.

Mé ou em i æt̃ ȷéminée, où les Latins n’en mettent q’une, nous écrivons ’omme, eus homo, Romme, où ils écrivent Roma.

Toutefois nous pouvons auſſi les écrire par une ſimple, prinsipalement pour la rime, ſelon not̃re diſcréſion.

Né ou en.

Né ou en, tout contrérement, i æt̃ ſeule, & non redoublée, en meins mos ou pluzieurs la doublent, comme, en tez qe seus si ſuivans, avient, meintiene, chiene & ſiene, miene, tiene, auſſi tous ſemblables.

Mais qand on i en mettra deus, on n’ofensera la ſonanse.

Ou les Latins n’en metent q’une, qelqefois nous la faizons double, ils dizent honor, nous ’onneur.

Il me ſemble qe sete lettre, ſeroit mieus apres not̃re t. aus perſonnes tierses, plurieres, des verbes terminez en ent, & non pas ainſi prononsez, qelle n’æt̃ devant apozée.

Comme en tous seus si duizent, puizent, chantent, præchent, vienent anonsent.

Mieus me ſemblent écris ainſi, vienetn, duizetn, &c. car nous ne les prononsons poin, comme sent, lent, vent, ainſi peins.

Toutefois de tous pareiz mos, ȷe enſuivi le vieil uzaȷe, en atendant ton ȷuȷement, avant que d’i rien varier.

O.

O dont les Grez ont fet deus lettres, n’æt̃ isi q’en ſa forme ronde. Més qand on la prononse long’e, & ainſi comme écrite double : elle porte marqe aprochante, du sirconfléxe axent des Grez, ou a deus petis poins ſus elle : comme auſſi les autres vocales ? ot̃, tot̃, diſpot̃, ſoient pour éxemple.

Pé ni æt̃ doublée en tez mos, apui, apointemẽt, haper, d’autant q’une ſemble i ſufire.

Elle ne ſi rencontre auſſi, ſuperflüment ou elle nuit̃, ainſi q’en se vocable Avril : écrit par aucuns A puril, & mæme en tout dixionnére.

Ré ou er.

Ré ou er, ni enforsit̃ poin ſa ſonanse de hé ſuivie, car ȷamés ȷe ne lui aȷoute.

ȷécri Rachel, ſans sete hé : & retoriqe tout de mæme.

Sé ou eſ.

Sé ou eſ, ni æt̃ apozée, pour zé ou zedde nulefois, ains i a touȷours ſon plein ſon, divers d’isele, & tout ainſi, qa la ſigma de la zita, entre les Grez, & la ſameth, d’avec la zaim des Ebreus.

Elle n’æt̃ doublée q’aus mos, ou ſon doublemẽt æt̃ reqis, pour la prononsiaſſion : comme en seus si, Meſſe, Prinseſſe, métreſſe, chantereſſe, preſſe.

En tez qe ses autres, nobléſe, ſaȷe, richéſe, ȷeunéſe, adréſe, ȷentilh’eſe, éſein, elle æt̃ ſans ſegonde touȷours.

ȷe la retrenche mæment, de tous tez mos que les ſuivans : æt̃, et̃oit, et̃ui, et̃at mont̃re, &c.

D’autant q’elle corromt leur ſon, & les deg’ize entierement, en lieu de mont̃re elle fet monſtre, & eſtat, eſtui, & eſtoit.

Les Lations dizent ſum, es, eſt, & pourtant écrivent fort bien eſt, avec sete lettre ſ.

Més nous dizons, ȷe ſuis, tu es, il æt̃ : l’écrivant bien ſans elle.

En tous tez mos qe ſont seus si, léson glason, ranson, mason, fason, arson, sent, Siel, Sæzar, selui, setui, elle tient reng, pour la C. vieille qi ne vaut, isi qe pour ké, dont on sæt̃, ſervi iuſqisi par deg’is.

Més afin de fére noter, se mien vzaȷe à tous lizeurs, voisi comme ȷe la figure s.

Forme qi mont̃re clérement, comme la c. se tourne en elle, & mieus q’en la crochant par bas, ainſi qe font nos écriveins, forsez de fére sé du ké.

Té.

Té ni æt̃ ȷamés apozée, pour i avoir le ſon de sé qe l’on lui donne trop ſouvẽnt : ainſi q’en ſes mos, gra tieus, devo tieus, ambi tieus, aplica tion, ac tion, rela tion, condi tion, aſina tion, men tion, opozi tion, op tion, obliga tion, & ſemblables, ȷe les écri tous avec ſ.

Toujours t. ſonne pleinement, ſelon ſon ta te ti to tu, tel de ſon qe la taf des Grez, & tel que la teh des Ebreus.

Auſſi on pourroit autrement, lire amiſié pour amitié, mæme chaſie pour chat̃ie, averſie pour avertie, néanſie pour néantie, rouſie pour routie, & piſie pour pitié.

& de mæme aus écris Lations, on liroit excuzablement, graſus pour gratus, sibi pour tibi, sibisem pour tibicem.

Sæt̃ merveille q’en mæme mot écrivamt la mæme voielle, is donnent deus ſons à la t. vous ſufize potentia.

ȷe ne la double nule fois, ou ſon doublement ne ſert poin, comme à fæt̃e, tæt̃e, reqæt̃e, il n’æt̃ bezoin la dupliqer, en mos de ſemblable ſonãnse.

En seus si ſon doublement ſert ; avette, parfette, brumette, profette, brébiette, & tez.

Vé.

Vé æt̃ auſſi nouvelle lettre, & de ma propre invenſion, ſinon de forme, au moins de ſon, & lettre de nésésité, & ſans laquelle on ne pourroit écrire preſqauqune ligne, tant ſouvẽt elle se rencontre, lizant tu t’en apersevras.

ȷe remarqe q’a tous propos, on prend la voielle u. pour elle, chanȷant ſa ſonanse du tout pour la penſer conſonantir : comme en ses mos, van, vanité, voiaȷe, vertu, verité, voie, vie, vin, convoie, fourvoie, & ſemblables.

Comme peut-on avec raizon, fére sete métamorfoze ? lira ton pas e ue pour éve, seue pour séve, feu e pour féve, u itre pour vitre, en u i pour envi, u rac au lieu de vrac, moru e pour morve, verue pour verve, & hau re au lieu de havre, & au contrére mæmenent, ſi l’u se peut conſonantir, & ſonne ainſi qe sete vé.

Bref sete vé nous æt̃ reqize & nésésére autant q’aucune, & ne peut u. ſervir pour elle.

De l’u difere tout autant, de ſon &_de prolaſſion, qe l’a de l’é, & l’i de l’o, n’en déplaize à nos ortografes, le divers mouvement des lévres & de la leng’e en pronõnsant, mont̃re leur grãde diférẽse.

Toutes les lettres ont et̃é inventées & diſting’ées en leur particularité, pour leur mouvement tout divers, en les inventans & formant.

u.

u. dont demeure isi voielle, & ȷamés en ſi lit pour vé, mes elle æt̃ ſouvent diftong’ée, cõme en ses mos, mui, pui, autrui, ennui, apui, feu, meu, reseut, tout, gout̃, rous, chous, vous, nous, & autres.

En ses verbes de l’optatif, ou conȷonctif, tez qe seus-si, peut̃, ſeut̃, reseut̃, conseut̃, & autres, l’axẽt sirconflexe æt̃ ſus elle, pour mont̃rer comment is ſont lons, & comment ȷ’en retrenche l’ſ.

Xé ou ix.

Xé ou ix a ſonanse auſſi, ſpesiale & particuliere, tant à la fin des dixions, q’au commensement & milieu, & ne ſi met ȷamés pour ſ. non pas mæme en se mot paix, monoſilabe tout divers de pàis qi a deus ſilabes, & qi ſignifie patrie : Voise comme il le faut écrire, pæs.

ȷe m’et̃onne ou penſent seus-là qi àſemblent c.t. pour elle, comme en ses dixions ſuivantes : afec-tion, élec-tion, pac-tion, ac-tion, & telles, veu qelles ont tout autre ſon, comme ses autres mos les mont̃rent, acte, pacte, ſuſpecte, afecte.

Car auſſi tot̃ on liroit axe, & paxe, & ſuſpexe, & afexe, les écrivant par ses deus lettres, ſelon q’is ſ’en veuleut ſervir.

Zé ou zedde,

Zé ou zedde a isi ſa plase, ainſi qelle merite bien, ȷe ne m’i ſers d’ſ. pour elle, ainſi qe font nos écriveins, tant pour se qelle a ſon tout autre, en qelqes mos qelle ſoit mize, qe pour se qelle æt̃ de tout tems, de not̃re Fransois Alfabet, & douse deſus toute lettre.

Les Latins qi se ſont ſervis, de l’ſ. au lieu d’elle ſouvent, & leſqez ſ’en ſervent encor ; comme en ses mos Mu-ſa, cau-ſa, po-ſuit, depo-ſuit, & ſemblables, ſeroient qelqe peu excuzables, pour leur naturelle arrogange : d’autant qe sete lettre et̃oit, ét̃ranȷére, & non de leur creu, a ſavoir du Grec empruntëe, auſſi ne l’ont is poin reseue, en leur leng’e, & n’en ont un mot : més les imitant en sela nous ſommes du tout ſans excuze, car comme aus Grez nous æt̃ commune.

ȷe n’écri poin mu-ſe pour muze, cau-ſe pour cauze mai-ſon pour maizõ, rai-ſon pour raizõ, ré-ſin pour rézin, a ſſi-ſes pour aſizes, ſai-ſon pour ſaizon, blâ-ſon pour blazon, ro-ſe pour roze, ȷ’en rouȷirois de ȷuſte honte.

Se faizant ȷe m’eſtimerois, ne faillir pas moins, q’écrivant zire, zeigneur, zidre, zanzon, mazon, chanzon, zaizon, glazon.

Sete lettre, à la fin des mos, les rend de bas ſon, & ſerré, & la sé, les fet haus & pleins.

Exémple des abeſſez.
Aimez, armez, animez, apaizez.
Exemple des élevez.

Aprés, exprés, siprés, ȷamés, prosés, mauvés, palés, arræs, & prés, & autres.

Més pour remarqer mieus sesi, on met deſus les élevez l’axent qe nous nommons égu, comme l’on voit isi deſſus.


Diftong’es.

Premierent Æ.

Æ, me ſert pour bien écrire, tez mos qe ſont les enſuivans, diadæme, ſupræme, mæme, mæt̃re, Præt̃re, reqæt̃e, tæt̃e, fæt̃e, præte, & tous de la ſorte.

ȷe l’eſtime tres-nésésére, & de toute autre ſon q’ai, & ne trouve poin de raizon, pour dire q’elle n’æt̃ Fransoize.


Ai.

Ai æt̃ reqize en tous mos, de tel ſon cõme sont seus si ; báiller, chamáiller, batáiller, rállier, táiller, &c. car par æ perdroient leur ſon.

Exemple,
T’æller, batæller.

Eî.

Eî convient mieus à seus si, pein mein, ſein, demein, in’umein, ſeint, feint, teint, creint, peint, & ſemblables, car par ai ſont alourdis.

Vain, gain, train, & tez au contrére ſeroient mal cris pas ei, la prolaſſion en fet chois,

É.

É, ȷe ne chanȷe auſſi en a, pour donner ſon plus fort aus mos, comme font pluzieurs en seus-sis : rante, invante, tans, tante, ſante.

ȷe les trouve trop mieus ainſi, tems, tente, ſente, invente, rente.

A peine pour l’autorité, des rimes, ȷi plaserois a, au lieu de set é. trop plus douse.


Autres diftong’es.

Au.eu.ou.ui.

Sont telles isi q’en tout lieu.

&

& æt̃ auſſi lettre nouvelle, en set Alfabet nouveau fet : pour le moins touchant la ſonanſe.

Car ȷe ne fés ȷamés valoir ses deus lettres ȷointes pour elle (é.t).

D’autant qe nous prononsons &. non et comme font les Latins.

Exemple.
ȷan & Pierre ſ’aiment fort, non ȷan et Pierre.

Axens.

Les axens i ſont observez, ou plus m’ont ſemblé obſervables, afin qon lize comme il faut.

L’égu i æt̃ pour diſting’er l’é maſculine, ou élevée de la feminine ou cadente.

Not̃re sirconfléxe à marquer, les diftong’es tant ſeulement.

Le grave pour i diſting’er, les adverbse d’avec les noms.


Des voîelles.

a, e, i, o, u,

ȷe ne double aucune voielle, aus mos ou elle æt̃ redoublëe, comme en seus si, aaȷe, feerie, preerie, jit̃, & tous ſemblables.

Més les écri tout ſimplement, ainſi, ȷit̃, & âȷe, prërie, metant deus petis poins deſus, ou bien not̃re axent sirconflexe, afin qon les pronõse lõs.

Aus mos dont ȷé retrenché l’ſ. devant la t. comme nuizible, la t. porte marqe ſus elle, fort proche du Grec sirconflexe, ainſi qe le voisi marqé. t̃.

Bref tout æt̃ isi raporté, ſelon le ſon de chaqe lettre, ſans q’une ſoit prize pour l’autre, ſupreflüment apozée.