Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Zoroastre

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 997-998).

ZOROASTRE. — D’après les Grecs et les Latins, Zoroaslre a écrit des ouvrages d’astrologie, de magie, de présages et pronostics, de médecine, dont il nous reste de courts fragments ; il aurait vécu plus de six mille ans avant notre ère. D’après les Parsis et les Guèbres de la Perse et de l’Inde, successeurs des Persans mazdéens et des mages, Zarathushthra, fils de Pourushaspa, descendant de Spitama, a écrit l’Avesta et a fondé le culte du feu ; il aurail vécu de six à sept cents ans avant notre ère. Les fragments conservés en grec n’ont d’ailleurs rien de commun avec l’Avesta. — Dès le début de notre ère, on a identifié ces deux personnages ; Pline cependant se demandait déjà s’il u’y avait pas eu deux hommes du nom de Zoroastre et il leur adjoignait encore Zaratus, qui est notre Zarathushthra.

Les opinions les plus diverses ont été émises et soutenues ; aussi on a écrit' : « Zoroastre est-il un personnage légendaire ou a-t-il vraiment existé?… Date, patrie, lieu de sa prédication, autant de questions passionnantes et presque insolubles ». Conférence faite au Musée Guimet, 1908, p. a31 (RM. de vulg., t. XXX).

On peut chercher à concilier les diverses traditions en supposant d’une part que le nom d’un Zoroastre. plus- ou moins légendaire, a été associé par les Grecs et certains Syriens à l’astrologie, à la la magie et au culte du feu, comme ils l’ont fait en diverses mesures pour Pétosiris, Osthanès, Hermès Trismégiste, Prométhée, Yônitos fils de Noé, et, d’autre part, qu’au vie siècle avant notre ère, sous Hystaspe, père de Darius I"", un certain Zarathushthra (Zaratus, Zoroastre), fils de Pourushaspa, a réformé la religion des Mages, comme un autre Zaratus(Zoroastre), fils de Choragan, a voulu le faire encore (avec Mazdak) au vi° siècle de notre ère. Dans cette hypothèse, le fils de Pourushaspa, qui aurait vécu 77 ans, serait originaire du pays d’Ourmiah, se serait instruit dans l’Inde, aurait converti un roi de Bactriane et aurait dogmatisé dans toute la moyenne Asie ; de sorte que certains Grecs en ont fait un maître de Pythagore et que certains Syriens l’ont mis en relation avec les Israélites durant la captivité de Babylone, et ont même été parfois jusqu'à le supposer disciple du prophète Jcrémie.

On peut au contraire négliger la tradition mazdéenne, qui semble très récente, et s’en tenir à l'élude intrinsèque de l’Avesta (faits, idées et langue),

pour en augurer l'époque à laquelle pouvait vivre son auteur. On en est arrivé, dans cet ordre d’idées, aux résultats les plus divergents : certains le plaçaient un millier d’années, sinon plus, avant notre ère, tandis que quelques-uns regardaient son ouvrage, l’Avesta, comme un apocryphe rédigé par les Parsis après la conquête arabe. On peut s’en tenir ici à la solution intermédiaire, donnée ci-deasus à l’article Iran (Religion dkl'), par leR. P. Lagranob : l’auteur de l’Avesta serait inconnu. Ce serait u.i grand esprit créateur, qui aurait caché son nom et se serait couvert de l’autorité vénérée du légendaire Zoroastre, pour accréditer l’Avesta, vers l’an 150 avant notre ère, au temps où Mithridate le Grand anéantissait la puissance grecque dans le territoire persan. C'était d’ailleurs l'époque des pseudépigraphes, celle du Livre d’Hénoch et des Sibylles. Cf. Revue Riblique, 1904, p. 45. Pour le R. P. Lagrange, il n’y a donc qu’un seul Zoroastre, celui des Grecs, patron des astrologues et des magiciens, que les Constitutions Apostoliques identifient même avec Nemrod.

La question de la personnalité de Zoroastre et de la date du premier Avesta est d’ailleurs devenue assez secondaire, car un texte syriaque, inutilisé jusqu’ici, nous a appris que notre Avesta n'était pas écrit au début du vie siècle de notre ère ; il était conservé de mémoire par les prêtres mazdéens (mobeds) et enseigné de bouche à bouche dans les écoles, comme l’ont été chez nous la religion et toutes les sciences des Druides. Mahomet, qui connaissait bien les Mages, ne les a pas mis au nombre des « gens du Livre », parce qu’ils n’avaient pas encore de livre religieux. C’est sous le dernier roi sassanide, Yezdegerd III (632 à 652), lorsque les rapides succès des musulmans ont fait craindre l'évanouissement de l’empire perse et de sa religion, qu’un gouverneur intelligent a réuni les plus vieux mobeds des diverses provinces « qui ont récité devant lui l’un après l’autre les traditions des rois et les vicissitudes du monde ». Dans leurs récitations mises ainsi bout à bout, on a découpé soit l’histoire légendaire de la Perse, soit notre. Avesta, ainsi que d’autres ouvrages perdus.

Cette reconstitution du code religieux des Mazdéens (Avesta), par voie de récitation avec additions et suppressions, semble avoir été faite plusieurs fois, d’abord par Tansar, vers 226, sous le premier roi sassanide Ardaschir, puis par Adarpad, sous Sapor II, 1983

ZOROASTRE

1984

vers 33y, lorsque le mazdéisme est devenu en Perse la religion d’Etat opposée au christianisme de l’empire romain, enfin sous Kavadli, veis 028, pour constituer une nouvelle orthodoxie mazdéenne, après le massacre des partisans de Mazdak.qui était alors lechef (grand mobed)de la religion persane. II y a eudepuis lors, dans la région d’Ourmiah, « un temple du feu qui alimentait tous les foyers sacrés des Guèbres de l’Orient et de l’Occident », et une école centrale du magisme « où se réunissaient les Mages de tout le pays des Perses » pour y apprendre de bouche à bouche tous les textes religieux.

Il est possible que certaines parlies de l’Avesta, surtout des parties versiliées(Gathas), aient été conservées fidèlement de mémoire depuis très longtemps, vu les peines portées contre ceux qui les oublieraient. Dieu aurait dit : m Quiconque oublie l’Avesta, j'éloignerai son àme du Paradis, de toute la largeur de la terre » et : « Il est rapporté dans le Zend (dans le commentaire de l’Avesta) quedansles temps anciens, un homme qui aA’ait appris l’Avesta et qui l’avait oublié, on lui donnait la nourriture qu’on donne aux chiens jusqu'à ce qu’il le connût de nouveau par cœur ». Si iidcles cependant qu’aient été les mémoires des mobeds, elles ne pouvaient manquer, au milieu de tant de révolutions et de reconstitutions, d'être influencées par les écrits et les pratiques des Juifs, si connus de tous, et même par les (inesses théologiques des chrétiens, puisque les Jacobites avaient eu l'étrange idée de faire arbitrer par les mobeds mazdéens leurs différends christologiques avec les Nestoriens. Quand donc on trouve une ressemblance entre notre Avesta, rédigé

après l’an 03a de notre ère, et l’Ancien ou le Nouveau Testament, on peut admettre a priori que l’Avesta a plagié ; le contraire, qui a tout.-. s les présomptions contre lui, exigerait une rigoureuse démonstration.

L’article Iran du II. P. La.qra.nou (supra t. II) subsiste en entier, car il n’y a rien à changera son analyse et à son étude intrinsèque de l’Avesta ; ses conclusions aussi, relatives aux influences réciproques des deux religions, conclusions toutes en faveur de la Bible, sont exactes ; on peut seulement dire qu’il les aurait établies plus facilement et plus sûrement encore, s’il avait connu le mode de transmission de l’Avesta de bouche à bouche et l'époque de sa dernière rédaction (après 63a).

Bibliographie : Aux ouvrages cités par le R. P. Lagrange, ajouter ;

François Nau, Etude historique sur la transmission de l’Avesta et sur l'époque probable de sa dernière rédaction, dans la Revue de l’histoire des religions, tome XGV, Mars-Juin 1927, p. 149-199, article dont la présente notice n’est qu’un court résumé. Chercher les traditions grecques et latines relatives à Zoroastre dans Carolus Clbmsn, Fontes Itistoriæ religionis persicae, 8 « , 116 pages, Bonn, 1920 ; et la tradition mazdéenne dans Zoroastre, d’après la tradition parsie, par Mlle D. Menant, dans Conférences faites au Musée Guimet, Paris, 1908, Bibliothèque de vulgarisation, t. XXX, 8°, p. 223 à 276.

F. Nau.

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