Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Lourdes (Le fait de)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

LOURDES (LE FAIT DE). — Sur le fait de Lourdes, on peut examiner trois questions, dont la première est une sorte d’introduction : I. Lourdes et l’apologétique ; II. Les apparitions de Lourdes ; III. Les guérisons merveilleuses de Lourdes,

I

Lourdes et l’Apologétique

Le fait de Lourdes se relie étroitement à l’apologétique. Il s’y relie de deux manières. D’abord, s’il est prouvé que la Sainte Vierge soit apparue réellement, peu après avoir été proclamée immaculée par une définition solennelle du Souverain Pontife, et qu’interrogée sur elle-même elle ait répondu : a Je suis rimmaculée Conception », on est obligé de reconnaître que Dieu a ratifié la décision du pape et allirmé, aux yeux de tous, l’autorité et la vérité de son enseignement.

Mais l’apologétique tire surtout un profit incomparable des guérisons prodigieuses, dont la Grotte pyrénéenne est le théâtre presque permanent. Car ces guérisons sont un argument sensible et éclatant, en faveur de l’existence du surnaturel. Elles établissent que Dieu est le maître souverain des lois physiques, de la santé et de la maladie, de la vie et de la mort, et qu’il intervient personnellement, quand il lui plaît, dans le jeu des forces naturelles : il donne à leur action une rapidité et une puissance dont elle est incapable, abandonnée à elle-même, ou bien au contraire il en arrête brusquement les effets.

La conclusion naît d’elle-même : tout ne se fait pas ici-bas par les lois de la nature ; au-dessus des agents visibles, il existe un agent invisible, qui leur est supérieur, qui les dirige où il veut, qui les maîtrise à son gré et qui, au besoin, se passe d’eux.

Et cet Être, plus puissant que les lois, ne prouve pas seulement qu’il est, puisqu’il agit ; il montre qu’il a partie liée avec l’Eglise, qu’il l’approuve et la protège. S’il fait des miracles, en effet, c’est pour répondre aux prières qu’elle enseigne ; le plus souvent même, c’est au cours d’une cérémonie qu’elle a établie, qu’elle recommande et qu’elle préside. Visiblement, il est avec elle. Les faits divins de Lourdes sont ainsi autant de lettres de créance, données à l’Eglise et qui garantissent son autorité. 37

LOURDES (LE FAIT DE)

38

L’apologétique a donc le plus grand intérêt à les étudier.

Mais il faut qu’elle se garde avec soin des exagérations de la foule, soit par respect pour la vérité, soit par un sentiment de prudence, rien n’étant plus dangereux pour la cause qu’elle entend servir. Dans l’exposition et la discussion de ces merveilleux événements, l’apologiste doit apporter, avec une loyauté absolue, un esprit critique qui se défende de tout entraînement. Il s’appuiera toujours sur les documenls, contrôlera sévèrement les témoignages, et, dans l’interprétation d’un fait extraordinaire, ne recourra à la cause surnaturelle que dans le cas où toute autre lui apparaîtra certainement impuissante.

C’est dans ces conditions que nous allonsexaminer les apparitions de la Sainte Vierge à Bernadette et les guérisons miraculeuses, qui les ont suivies’.

II

Les Apparitions

Les iwiTs. — Bernadette.Soubirous avait quatorze ans, en 1858. Elle était lille d’un très pauvre meunier de Lourdes, chez qui le bois manquait l’hiver. Or ce jour-là, i i février, le froid était rigoureux. L’enfant sortit, avec sa sœur aînée et une de leurs amies, pour aller ramasser des branches mortes sur les bords du Gave. Comme elles arrivaient en face d’une grotte, qui s’ouvrait dans les roches Massabieille, elles se trouvèrent prises entre le torrent et le canal d’un moulin, qui s’y déversait à cet endroit et les enfermait ainsi dans une île, sans qu’elles pussent continuer leur route le long de la rive.

Les deux compagnes de Bernadette étaient nupieds dans leurs sabots. Elles citèrent leurs sabots et franchirent le lit du canal, presque vide à ce moment. Mais Bernadette portait des bas, à cause d’un asthme dont elle souffrait. Elle commença donc à se <léchausser, tandis que sa sœur et son amie longeaient le Gave.

Tout à coup l’enfant entendit un grand bruit, pareil à un bruit d’orage. Elle releva vivement la tête, cherchant d’où ce bruit pouvait venir. Tout était calme et silencieux autour d’elle. Mais presque aussitôt le même bruit frappa de nouveau ses oreilles, et, en face d’elle, de l’autre côté du canal, à quelques pas du lieu où elle était, elle aperçut un églantier, adossé à la paroi extérieure delà grotte, s’agiter comme sous le souille d’un vent violent.

En même temps, un nuage d’or sortit de l’ouverture du rocher et une femme apparut, au-dessus de l’églantier, dans l’anfractuosité naturelle, dont il tapissait le bord inférieur de ses branches.

« Elle était jeune et belle, dit Bernadette, belle surtout, 

comme je n’en ai jamais vu. Elle me regardait, me souriait, me faisait signe d’avancer sans aucune crainte et, en effet, je n’avais plus peur, mais il me semblait que je ne savais plus où j’étais. »

La voyante a souvent décrit le phénomène avec précision. « La Dame, disait-elle — c’est le nom qu’elle donnait à l’apparition — la Dame a l’air d’une jeune tille de seize à dix-sept ans. Elle porte une robe blanche, serrée à la ceinture par un ruban bleu, qui glisse le long de la robe, presque jusqu’aux pieds. Sur sa tête, un voile blanc laisse à peine apercevoir les cheveux ; il retombe en arrière, enveloppe

1. On a le droit d’employer le mot miraculeux pour un assez grand nombre de ces faits, puisqu’ils ont été déclarés tels par l’autorité épiscopale, dan » beaucoup de diocèses. Quant aux autres, si le mot vient dans ces pages, nous nous faisons un devoir de déclarer d’avance, conformément au décret d’Urbain VlU, qu’en l’employant nous n’entendons pas préjuger les décisions de l’Eglise.

les épaules et descend au-dessous de la taille. Les pieds nus, que couvrent en grande partie les derniers plis de la robe, portent chacun à leur extrémité une rose couleur d’or. Elle tient, sur le bras droit, un chapelet aux grains blancs et dont la chaîne d’or brille comme les roses de ses pieds. »

L’enfant avait pris elle-même son chapelet et était tombée à genoux. La « Dame x la regardait prier, unissant sa voix à la sienne, quand elle disait : « Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit. » Le chapelet fini, elle sembla rentrer dans l’intérieur du rocher, et le nuage d’or disparut avec elle.

Telle fut la prendére apparition. Dix-sept autres la suivirent. On en compta dune dix-huit, dont voici les dates : ii février, 14, 18, ig, 20, 21, 23, 24, 26, 26, 27, 28 ; i<"- mars, 2 mars, 4 mars, 25 mars, 7 avril, 16 juillet.

Quelle était l’attitude de Bernadette, durant la vision ? Nous pouvons en juger par ce que M. Estrade, receveur des contributions à Lourdes, raconte de la septième apparitii ii, à laquelle d’ailleurs il s’était rendu en sceptique :

« Bernadette, dit-il, se mit à genoux. Pendant

qu’elle faisait glisser entre ses doigts les premiers grains de son chapelet, elle leva sur le rocher un regard interrogatif, traduisant les désirs impatients de l’allcnte. Tout à coup, comme si un éclair l’avait frappée, elle fit un soubresaut d’admiration et parut naître à une seconde vie. Ses yeux s’illuminèrent et devinrent étincelants ; des sourires scraphiques apparurent sur ses lèvres ; une grâce indéfinissable se répandit sur toute sa personne ; Bernadette n’était plus Bernadette… Après les premiers transports provoqués par l’arrivée de la Dame, la voyante se mit dans l’attitude d’une personne qui écoule. Ses gestes, sa physionomie reproduisirent bientôt après toutes les phases d’une conversation. Tour à tour, Bernadette approuvait de la tête ou semblait elle-même interroger. .. L’extase dura envircm une heure. » (Estrade, Les apparitions de Lourdes, 1899, p. 89-90.)

Parmi ces dix-huit scènes, celle du vingt-cinq mars fut particulièrement remartiuable : l’Apparition se nomma. La voyante priait depuis longtemps, quand l’idée lui vint avec persistance de demander à la

« Dame » de vouloir bien lui dire qui elle était.

La « Dame » sourit d’abord sans répondre ; la voyante renouvela humblement sa question une seconde fois, puis une troisième.

« A ma troisième demande, dit-elle, la Dame joignit

ses mains et les porta sur le haut de sa poitrine. .. Elle regarda le Ciel… puis séparant lentement les mains et se penchant vers moi, elle me dit :

« Je suis l’Immaculée Conception. » 

Répété parmi les spectateurs, ce mot fut pour eux comme une révélation lumineuse. Ils tombèrent à genoux, et, au milieu de la foule, sur les bords du Gave, au haut du mamelon, partout, on entendit répéter l’invocation populaire : « O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous’. »

— La nature des visions. — a) Sincérité de Bernadette. — Que Bernadette ait cru voir ce qu’elle a raconté avoir vii, ce n’est guère contesté de personne. Tous ceux qui l’ont connue ont rendu hommage à sa franchise absolue. Il ne faut même pas excepter les trois médecins, chargés officiellement par le préfet de Tarbes, M. Massy, de trouver en l’interrogeant le prétexte désiré, pour l’éloigner de la ville et en

I. (l’est cette attitude de l’Apparition, ramenant ses mains vers la poitrine et regardant le ciel, attitude reproduite admiiablement devant lui par Bernadette, que le sculpteur Fabisch a essayé de fixer dans la statue de marbre, placée dans la niche de la grotte. 39

LOURDES (LE FAIT DE)

40

débarrasser ainsi l’adiuinislralion et la police de Lourdes. Après un examen approfondi, ils déclarèrent que sa « sincérité ne paraissait i)as douteuse ».

Cependant, dans les premières années dn vingtième siècle, on a essayé de faire, de cette enfant ingénue, la principale actrice d’une indigne comédie religieuse, jiréparée avec soin dans l’intérêt mal compris de la Foi. Un pamphlétaire a publié une prétendue note de service, adressée par M. Falconnet, procureur général de Pau, au procureur impérial près le tribunal de Lourdes. La lettre aurait été écrite le a8 décembre 185^ ; le procureur général y aurait prévenu son subordonné que « des manifestations afleclant un caractère surnaturel et prenant un aspect miraculeux se préparaient pour la tin de l’année », et lui aurait prescrit de « surveiller exactement les faits ». Ce document, concluait l’auteur de la publication, « prouve sans appel que cette apparition était connue d’avance, attendue, préparée, organisée ».

Eh bien ! non ; ce document ne prouve pas cela. Mais ce qu’il prouve avec certitude c’est que celui qui l’a publié est un faussaire audacieux ou l’organe inconscient d’un faussaire. Le lecteur va le voir.

On a mis le prétendu historien au déli de montrer l’original de la lettre du procureur général, ou d’indiquer du moins où il se trouve. S’il était quelque part, ou s’il avait quelque part laissé des traces, ce serait assuréuient au parquet de Lourdes, puisque c’est au parquet de Lourdes qu’il aurait été envoyé. Or il n’y est pas, et il n’y était pas davantage quand M. CUaigne, depuis député anticlérical de la Gironde, alors procureur de la République à Lourdes, a écrit, sous le nom de G. Mares : Le Pays de Lourdes et ses em’irons. Pour composer son livre et lui donner de l’intérêt, le procureur Chaigne s’est renseigné sur les événements locaux. Or il avait sous la main les.archives du parquet, dont il était le chef ; il les a certainement consultées ; et il n’y a pas trouvé la fameuse « note de service », adressée à l’un de ses prédécesseurs. Car il en aurait parlé s’il l’avait connue, rien ne pouvant mieux donner à son ouvrage un air de nouveauté et un relent de scandale.

Du reste, amis et adversaires ont fouillé ce dossier pendant un demi-siècle ; et voilà un écrivain, qui n’est pas du pays, qui n’y est venu qu’en passant, et qui aurait eu la bonne fortune d’y découvrir, après quarante-sept ans, ce que nul autre n’y avait aperçu avant lui ! C'était le cas, ou jamais, de se munir des références les plus nettes et les plus précises. Or il n’en donne même pas de vagues et d’obscures ! De tels documents sont tout juste comme s’ils n'étaient pas.

Celui-ci est d’ailleurs très mal composé. II use, par exemple, de formules qu’un supérieur hiérarchique n’emploie jamais envers son subordonné ; le style décèle la main coupable qui a tenu la plume.

Ajoutons que cette note décisive, qui aurait sulh à clore le débat, au moment où le débat était le plus vif et le plus obscur, est restée ignorée de tous les contemporains qui ont combattu les événements de la Grotte. Aucun n’y a fait la moindre allusion, non pas même le destinataire, le procureur impérial Dutour ; il l’ignorait donc lui aussi, lui qu’on dit l’avoir reçue !

Enfin le pamphlétaire a commis deux distractions étonnantes, qui sutTisent à le faire juger, lui et son œuvre. Il écrit d’abord : « M. Falconnet, à l’occasion des réceptions du nouvel an, renouvela ses recommandations au procureur impérial de Lourdes. » {Lourdes et ses tenanciers, Paris, igoS, p. 118.)Or, il n’y a pas eu de réceptions du nouvel an, chez M. Falconnet, le i"' janvier 1858. En effet, dans son

numéro du 3 i décembre iSS’j, le Mémorial des Pyrénées, Journal de Pau, publiait l’avis officiel suivant : « M. le procureur général, empêché par des préoccupations de famille, ne pourra pas recevoir le If"" janvier. » Et voilà comment le procureur général a renouvelé ses recommandations au procureur impérial, à l’occasion des réceptions du 1"' janvier ! Le faussaire se fait prendre la main dans le sac. Enûn il publie une autre lettre du procureur général, authentique celle-là ; elle est adressée au ministre. Or, dans cette lettre, le procureiu' général montre qu’il a exactement une opinion contraire à celle qu’on lui a prêtée dans la prétendue note de service, envoyée au parquet de Lourdes. Dans celle-ci, il affirmait que, d’accord avec la voyante, on avait organisé des scènes miraculeuses. Il dit, dans celle-là, exactement l’opposé : « Onn’apas « organisé » un miracle, ici. L’enfant est hallucinée mais loyale. Elle a vu ou cru voir ». S’il avait écrit le contraire un peu auparavant, s’il était parti ensuite pour Paris, afin d’aviser « son ministre, le garde des sceaux » des événements, préparés à Lourdes, comme le dit l’auteur (/tj(/., p. 118), c’eût été de sa part une audace ridicule d’envoyer au ministre sa lettre nouvelle, sans même faire allusion à son opinion passée, ni expliquer comment il en était revenu. Bref toute cette histoire d’un document décisif ; récemment découvert, est évidemment un roman ; mais elle est, en outre, un roman mal conçu, hors du réel, et dont l’invraisemblance saute aux yeux : l’affaire est jugée '.

b) Les visions de Bernadette et l’hallucination. — Il est donc certain que Bernadette a cru vraiment voir et entendre ce qu’elle a dit avoir vu et entendu ; mais ne fut-elle pas elle-même victime d’illusions qu’elle a fait ensuite innocemment partager ? Ses visions n’ont-elles pas été de simples hallucinations ?

Non, assurément, et ilaulTira, pour s’en convaincre, de comparer brièvement entre eux les caractères des unes et ceux des autres ; car les caractères de l’hallucination sont bien connus : les travaux physiologiques publiés depuis cinquante ans les ont mis en pleine lumière. Bornons-nous à quelques points décisifs.

En premier lieu, le phénomène de l’hallucination requiert, pour se produire, un certain nombre de conditions, dont la réunion est indispensable. Chez Bernadette, au contraire, la vision a lieu dans les circonstances les plus diverses : quand la voyante est seule, comme le i février, ou quand elle est entourée par la foule, comme dans la journée du 4 mars où il y eut de quinze à vingt mille spectateurs. Habituellement, elle commence après que Bernadette est restée quelque temps à genoux, en prière. Mais le 1 1 février, elle se déclare brusquement, à l’improviste, pendant que l’enfant se déchausse, et, le 25 mars, l’Apparition est déjà debout, au-dessus de l'églantier, quand Bernadette arrive à la grotte. Bernadette la voit à toutes les heures du jour : vers midi, comme la première fois, un peu avant les vêpres, comme la seconde, de grand matin, comme le plus souvent, vers le soir, comme dans sa dernière extase.

Elle l’a vue, étant elle-même debout sur la rive droite du canal du moulin, ou étant à genoux à l’entrée de la grotte, ou marchant dans la grotte même, ou bien encore — quand l’administration eut placé des barrières — de la rive droite, non plus du canal

1. On trouvera la réfutation qu’on vient de lire développée dans l’ouvrage de celui qui écrit ces lignes : Histoiie critique des événements de Lourdes, Appendice n' 2, p. 4ri-422. 41

LOURDES (LE FAIT DE)

42

mais du Gave, qui était à une distance un peu plus grande du rocbei’.

Elle l’a donc vue tantôt à genoux, tantôt debout, tantôt arrêtée, tantôt marchant ; elle l’a vue d’un lieu ou d’un autre, de près ou de loin, le matin, à midi le soir, à toutes les heures. Il n’y a donc point de conditions requises pour ses visions, et c’est le contraire de ce qui arrive dans les rêves des hallucinés.

Mais ce qui paraîtra plus frappant encore peut-être, c’est que les circonstances ordinaires existant, la vision chez elle n’existait pas nécessairement.

Prenez une hallucinée, durant la période de ses crises : mettez-la en tel lieu, dans telle position, sous telle influence ; c’est comme si vous lanciez le ressort d’une machine : l’hallucination se produira fatalement. Les visions de Bernadette n’obéissaient pas du tout à cette sorte de fatalité mécanique. Ainsi elle venait de contempler, quatre jours de suite, la blanche Apparition qui lui donnait un avant-goût du ciel. Le lundi 22 février, pleine de cette impression délicieuse, elle court aux roches Massabieille, tout émue à la pensée de la revoir, et se croyant sîire qu’elle va en avoir le bonheur. Elle arrive, elle se met à genoux hiiliement ; la foule est autour d’elle, comme les jours précédents ; elle prie suivant son habitude, et jette, comme d’ordinaire, des regards suppliants vers l’églantier. Mais l’églantier ne frémit pas sous les pieds nus, fleuris de roses. Bernadette eut beau prolonger sa prière, elle dut se relever enfin, en déclarant que « la Dame n’était pas venue ». Et, en effet, son visage ne s’était pas transformé ; il ne s’était pas épanoui et illuminé dans l’extase.

La vision se produisit le lendemain et tous les jours jusqu’au 2 mars. Le 3 mars. Bernadette revint, s’agenouilla et pria, ainsi qu’elle avait fait la veille et l’avant-veille. Ce fut en vain : l’extase ne transfigura pas ses traits. On était pourtant dans la quinzaine, où elle s’attendait à contempler l’Apparition tous les jours.

C’est que l’Apparition ne dépendait — les faits le prouvent bien — ni de son attente, si vive fùt-elle, ni de sa volonté, ni de sa persuasion que la Dame » allait venir. Elle ne dépendait pas plus d’elle que des circonstances.

Ce n’est pas ainsi que l’hallucination procède. Elle a quelque chose de fatal ; on ne trouve jamais, dans ses manifestations, cette indépendance absolue à l’égard des conditions qui la font naître.

Remarquons encore que l’hallucination est stérile et que les visions de Bernadette furent fécondes.

L’halluciné ne découvre rien dans ses rêves maladifs ; il ne crée rien, ni dans les formes que son imagination lui présente, ni dans les idées que ces formes lui suggèrent : il n’invente pas, il se souvient. Croit-il apercevoir une image ? Celte image est faite de ce qu’il a déjà vu. S’il sort d’un type connu d’avance, son esprit exalté n’arrive qu’à combiner des éléments anciens, déjà rscueillispar sa mémoire, et le résultat est toujours plus ou moins bizarre.

Les visions de Bernadette sont bien différentes. D’abord Bernadette apprend, dans son extase, des choses qu’elle ignorait jusqu’alors. Par exemple, elle entend l’Apparition lui dire : « Je suis l’Immaculée Conception ». On n’avait jamais prononcé ce mol devant elle, et sa simplicité ne connaissait pas du tout le dogme profond que le mot exprime. C’est à ce point qu’ayant peur d’oublier cette expression inconnue pour elle, et désirant en même temps la rapporter à M. le curé de Lourdes avec fidélité, elle la répétait tout le long du chemin. Mais elle la

répétait en la prononçant de travers ; el elle demandait ensuite à la sœur de M. Estrade : « Mademoiselle, que veulent dire ces paroles ? »

Or ces paroles, nous l’avons indiqué, avaient une portée merveilleuse. Elles étaient comme l’écho divin de la définition, faite par le pape quelques années auparavant. La petite fille des Soubirous découvrait ainsi, sans le savoir, une arme nouvelle pour l’apologétique contemporaine.

Mais elle avait trouvé aussi, ou plutôt elle avait vu un type nouveau de Madone, et un type aussi beau, sinon plus beau, que les Vierges les plus fameuses des grands artistes de la Renaissance.

Nulle part, ni à Lourdes, ni à Bartrès, les seuls lieux du monde qu’elle connût, la chère enfant n’avait aperçu de statue qui ressemblât à celle qu’elle a décrite, soit dans l’ensemble, soit par les détails. Détails et ensemble, tout lui a été révélé ; si l’on ne veut pas le croire, il faut admettre qu’elle a tout créé elle-même, ce qui serait contraire à toutes les observations scientifiques, faites sur les hallucinés. Je dis que sa Madone est remarquable parlaheauté aussi bien que par la nouveauté. Il n’en faudrait pas juger uniquement d’après le modèle de marbre, que le sculpteur Fabisch exécuta sur ses indications, et que l’on voit dans la niche de la Grotte, au-dessus du rosier sauvage. Soit impuissance de tout artiste à égaler un idéal, même quand c’est le sien, ainsi que M. Fabisch le disait, soit incapacité de la pauvre enfant à trouver les mots nécessaires et décisifs dans sa langue plébéienne, le marbre ne rendit pas fidèlement l’image qu’elle avait gardée toujours vivante devant les yeux, et quand elle le vit, elle s’écria :

« C’est beau, mais ce n’est pas Elle. Oh ! non ; la

différence est comme de la terre au ciel. »

Mais ce que ses paroles ne parvenaient pas à traduire, son regard, son visage, quand elle en parlait, l’exprimaient toujours avec plus d’exactitude, et c’était un spectacle ravissant « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, écrivait M. Fabisch à sa famille, que lorsque je lui ai demandé comment la Sainte Vierge était, quand elle a dit : « Je suis l’Immaculée Conception. » Elle s’est levée avec une grande simplicité, elle a joint les mains et levé les yeux au ciel. Ni Fra Angelico, ni Pérugin, ni Raphaël, n’ont jamais rien fait d’aussi suave et, en même temps, d’aussi profond que le regard de cette jeune fille, si simple, si naïve. »

Et ce n’était pas l’effet d’un hasard heureux ; c’était bien l’image même de la céleste réalité dont elle portait, dans sa mémoire, le souvenir précis et enchanteur.

Car l’artiste écrivait plus tard : « Chaque fois que j’ai demandé à Bernadette cette pose, toujours la même expression est venue changer, illuminer, transfigurer cette tête… Franchement c’est à pleurer d’émotion. »

On peut défier tous les médecins des hôpitaux du monde, qui ont le plus usé et abusé des expériences hallucinatoires, d’indiquer un chef-d’œuvre artistique, que le plus merveilleux de leurs sujets soit arrivé ainsi à reproduire, d’après le simple souvenir de ce qu’il avait contemplé dans ses crises.

Enfin la différence, qui sépare Bernadette et les hallucinées, paraît tout autant, et peut-être plus encore, dans les conséquences qu’entraînent les hallucinations.

Du côté du caractère, l’hallucinée devient maussade, irritable, insubordonnée, égoïste. L’hallucination est une tare ; la vie morale en est atteinte et diminuée. Au contraire, la vie morale se maintint chez Bernadette après ses visions. Quedis-je ? elle s’éleva. 43

LOURDES (LE FAIT DE)

44

La voyante resta une enfant douce, soumise, ouverte, joyeuse, et sa religion grandit si bien qu’elle est devenue une sainte religieuse ; on a commencé son procès de canonisation.

Quant à l’esprit, celui des hallucinées s’alTaiblit. Si elles ont, par exemple, des hallucinations religieuses, ce qu’elles écrivent est un tissu de rêveries et de contradictions, sans lien, sans logique, où abondent les mots tronqués et les phrases inachevées Chez Bernadette, au contraire, l’intelligence est restée saine, équilibrée ; et, alors que les hallucinées déraisonnent surtout au sujet de leurs hallucinations, son esprit n’était jamais plus vif que lorsqu’elle parlait de ses visions.

Ajoutons que certains faits extraordinaires ont accompagné ses extases, et que l’hallucination n’olTre rien qui s’en rapproche. C’est ainsi que sur un signe, dit-elle, de l’être céleste qu’elle contemplait, elle découvrit une source, dans la Grotte, une source que personne n’y soupçonnait alors, et qui donne maintenant 122.000 litres par vingt-quatre heures.

Un autre jour, le 7 avril, <in sceptique de Lourdes, le D’Dozous, étant là — il l’a raconté — sa main gauche se trouva placée sur la flamme d’un gros cierge, qu’elle tenait de la main droite. Activée par un assez fort courant d’air, la flamme passait à travers les doigts délicats de l’enfant, un peu écartés les uns des autres. Le Docteur, qui était venu en observateur incrédule, empêcha qu’on fit cesser le phénomène, et, prenant sa montre, il en nota exactement la durée : il dura un quart d’heure. L’extase aj’ant cessé, le D’Dozous examina la main gauche de Bernadette avec soin : « Je ne trouvai nulle part, dit-il, la moindre trace de brûlure. »

Le fait se renouvela plusieurs fois durant les apparitions. Qu’on le remarque bien ! Une s’agit pas d’un phénomène d’insensibilité passagère. On ne dit pas que Bernadette ne sentait pas la flamme ; on dit — ce qui est bien différent — i(ue sa chair n’était pas consumée par la flamme, qui touchait el enveloppait les phalanges de ses doigts.

Et n’oublions pas les guérisons merveilleuses qui ont suivit.S’il restait un doute sur le caractère des visions de Bernadette, elles sufliraient à le dissiper. On reconnaît l’arbre à ses fruits. Mais les guérisons de Lourdes forment une question trop importante pour qu’on puisse y toucher en passant ; nous allons y revenir.

Contentons-nous de conclure-ici qu’aucune assimilation n’est possible entre les rêves maladifs des hallucinées et les extases de Bernadette. En disant jusque sur son lit de mort, à trente-cinq ans : « Je l’ai vue, oui je l’ai vue », la voyante de Massabieille ne s’est pas plus trompée elle-même qu’elle n’a cherché à tromper autrui.

Le jugemb.nt canonique. — Les considérations précédentes ne peuvent qu’ajouter du relief à la prudente réserve, dont l’Eglise fit preuve à l’égard des événements de la Grotte. Le curé de la paroisse, M. Peyraraale, garda longtemps une attitude défiante, sinon hostile ; et, quant à l’évêque de Tarbes, Mgr Laurence, la première fois qu’on l’entretint de ces faits extraordinaires, il refusa d’y croire. C’était à l’Apparition, disait-il, qu’il appartenait de fournir des preuves. L’opinion publique réclamait du moins une enquête officielle. Redoutant les dangers de l’entraînement, l’évêque résolut d’attendre que l’émotion populaire fût un peu calmée, et il attendit cinq mois et demi : les enquêteurs furent nommés seulement le 28 juillet 1858. A son tour, la commission épiscopale procéda avec une si tranquille sagesse que l’ordonnance, sortie de ses travaux, ne fut publiée que quatre ans après les premières

manifestations de la Grotte. L’ordonnance se terminait par cette conclusion :

« Nous jugeons que l’Immaculée Marie, Mère de

Dieu, a réellement apparu à Bernadette Soubirous, le II février 1858, et jours suivants, au nombre de dix-huit fois, dans la grotte de Massabieille, près la ville de Lourdes ; que cette apparition revêt tous les caractères de la vérité et que les fidèles sont fondés à la croire certaine. » (18 janvier 1862.)

Au moment où cette ordonnance parut, de miraculeuses guérisons s’étaient déjà produites, et l’ordonnance y cherchait un appui. Ce mouvement devait se développer et devenir un des faits les plus étonnants, qui se soient manifestés, en faveur du surnaturel, depuis l’Evangile.

III

Les guérisons miraculeuses

Deux questions se posent nécessairement au sujet des célèbres guérisons que la grotte de Lourdes voit se produire.

I " Ces guérisons sont-elles réelles et aussi nombreuses qu’on le raconte ?

2’Ne peuvent-elles pas être interprétées naturellement ; faut-il nécessairement recourir, pour les expliquer, à une cause surnaturelle, l’intervention particulière de Dieu ?

Eludions l’un et l’autre points.

1° RÉALITÉ DES GUÉRISONS. — i) Ce qu’on a appelé à tort le vrai miracle. — Une foule innombrable vient à Lourdes, el elle y vient de toutes les parties de la terre. Faut-il, pour cela, s’associer à l’enthousiasme de quelques-uns et dire avec eux :

« Sur la parole d’une petite enfant naïve, de véritables

multitudes se sont mises en mouvement. Il y a un demi-siècle environ. Lourdes n’était qu’une obscure bourgade, oubliée et comme perdue dans le pli de ses montagnes. C’est aujourd’hui un des lieux du globe les plus connus et les plus visités. On ne saurait citer de plus grand miracle. »

Le lecteur nous permettra d’être nettement d’un autre avis. Cette affluence extraordinaire a-t-elle quelque chose de miraculeux, au sens propre du mot ? Il est bien permis d’en douter. Car d’autres sanctuaires, hors même de la religion catholique, ont vu et voient venir vers eux des multitudes empressées : par exemple ceux de l’Inde el de la Mecque. Se trouvera-t-il un théologien pour conclure au miracle en faveur de ces lieux célèbres ? Assurément non. Si donc des esprits superficiels ou quelques prédicateurs, en quête d’un mouvement oratoire, recourent çà et là à cet argument, l’apologétique sérieuse paraît devoir s’en abstenir.

En tout cas, pourrait-on être à demi excusé parfois d’en faire usage sans y insister, on ne le serait jamais de prétendre, comme on l’a fait trop légèrement, que c’est le plus grand miracle de Lourdes. Grâce à Dieu, on observe, autour de la groUe, des faits autrement remarquables, des faits merveilleux où le doigt de Dieu se montre avec évidence. C’est commettre une erreur, une véritable erreur, de ne pas les placer tout à fait en première ligne.

Mais cette réserve faite, et elle est d’une importance capitale, on est bien obligé de reconnaître que le mouvement général, qui pousse les nations vers les rives du Gave, mérite d’arrêter l’attention des historiens.

« Monsieur le curé, disait Bernadette à M. Peyramale, 

la Dame m’a dit : Je veux qu’on vienne ici en procession. » M. Peyramale se révoltait contre la témérité d’un pareil message. Eh bien ! l’incroyable 45

LOURDES (LE FAIT DE)

46

s’est réalisé ; on est venu, on vient, et c’est vraiment comme une procession innombrable et sans lin.

Depuis l’année où l’on a commencé à grouper des cbifTres jusqu’à celle où nous écrivons ces lignes, de 1867 à 1914 exclusivement, les pèlerinages organisés ont, à eux seuls, conduit vers la Grotte plus de six milîionsde pèlerins. Los premièresannécsfournissent naturellement les chiffres les plus modestes ; les dernières donnent les plus brillants. Laissons de côté l’année exceptionnelle du cinquantenaire, l’année 1908. Prenons celles qui la suivent. De 1909 à 191 4, on a compté, en cbifTres ronds, 1. 100. 000 pèlerins : 170.000 en 1909, 191.000 en 1910, 237, 000 en 191 1, 240.000 en 1912, 260.000 en igiS.

Et ces nombres ne représentent, en réalité, qu’une faible partie de la grande multitude qui visite le vénéré sanctuaire. Les pèlerins isolés sont plus nombreux, et de beaucoup, que ceux qui ariivenl par groupes.

Il faut aussi ajouter les visiteurs qui ne sont pas vraiment des pèlerins, mais que souvent un certain sentiment religieux, parfois aussi sans doute un simple désir de connaître des lieux illustres, amènent dans la petite ville, désormais une des plus célèbres du monde. L’administration des cbeniins de fer du Midi compte que sa gare de Lourdes reçoit, à elle seule, près d’un million de voyageurs par an. Et ce n’est pas seulement la France qui envoie des visiteurs ; il en vient de toutes les parties de la terre. Parmi les 3, 02^ trains des cinq années que nous rappelions tout à l’heure, on en trouve 667 venus de l’étranger. lien vient de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Hongrie, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de l’Angleterre, de l’Irlande, des Etats-Unis d’Amérique, du Canada, du Brésil, de la Bolivie, etc. Les évêques donnent l’exemple. De 1867 au i"" janvier 1 914, on en a compté, à Lourdes, 2, 520, dont 427 archevêques, 13 primats, 19 patriarches, 86 cardinaux. Près de 1 100 étaient étrangers à la France. Parmi les motifs qui amènent au pied des Pyrénées ces immenses multitudes, aucun n’égale assurément, en eflicacité, l’effet produit dans les âmes par les étonnantes guérisons dont les abords de la Grotte sont témoins. Et c’est justice, on va le voir.

2) Nouvelle attitude de la critique sceptique. — Longtemps, on a souri, dans le monde cultivé, des récits étranges, arrivés des bords du Gave, comme une sorte de déû, au milieu d’une société qui n’osait plus même prononcer le nom de miracle. Mais cette attitude a pris fin. Aujourd’hui les faits ne sont guère plus contestés, parmi ceux qui les connaissent, que par les esprits superficiels. Je parle des faits, non de leur caractère surnaturel, dont il sera traité un peu plus loin.

Un des professeurs de la Faculté de médecine de Paris écrivait, il y a quelques années, dans le JVeif-Torlc Herald : a II est de mode détourner en dérision tout ce qui se publie autour de la Grotte. Il est peut-être plus facile de se moquer que de répondre sérieusement. Pourquoi ne pas essayer de résoudre tous ces problèmes, au lieu de les trancher à distance ? »

Ces paroles montrent à la fois le vieil esprit qui régnait encore, et l’esprit nouveau qui était en train de naître.

Aussi n’est-on pas étonné de voir, dans des pages plus récentes, le chef de l’école de suggestion de Nancy, le D Bernukim, parler avec respect de ces observations de guérisons nutlientiqiies, obtenues à Lourdes. Sans doute — je viens d’y faire allusion — le savant Israélite essaie de dépouiller les faits de tout caractère miraculeux, mais il n’en écrit pas moins : « Toutes ces observations ont été

recueillies avec sincérité, et contrôlées par des hommes honorables, /.es faits existent. » (De ta suggestion et de ses applications en thérapeutique, p. 218.)

Si les lecteurs veulent bien autoriser l’auteur de ces pages à mettre à profit des renseignements qui lui sont personnels — qu’ils daignent lui accorder l’autorisation une fois pour toutes 1 — il rapi)ortera ici deux autres témoignages. Le premier est d’un médecin, qui dirige à Paris une importante revue de psychothérapie. J’ai eu l’occasion de discuter longuement avec lui, au bureau des constatations médicales de Lourdes. Or voici un passage de ce dialogue :

« Docteur, reconnaissez-vous qu’il se passe ici des

faits très extraordinaires, très authentiques ? — Oh ! certainement, je le reconnais… La bonne foi est incontestable et l’exactitude des faits complète. Seulement il reste l’explication de ces faits, et c’est là que nous différons. » Il y avait, dans la salle, une vingtaine de médecins, inconnus desinterlocuteurs et dont beaucoup sans doute étaient des sceptiques. Aucune protestation ne s’éleva contre l’authenticité des faits, ainsi publiquementreconnue’.

Plus tard, deux ou trois ans après que j’eus publié l’Histoire critique de Lourdes, je reçus la visite d’un écrivain libre penseur, rédacteur aux Annales des sciences psychiques, M. Marcel Mangin. Cette revue, on ne l’ignore pas, a pour directeur principal le D’Richct, professeur à la Faculté de médecine de Paris et incrédule notoire. M. Marcel Mangin venait de lire mon ouvrage. Il me manifesta le plus vif "étonnement au sujet des choses qu’il avait a|)prises et qu’on ne soupçonnait pas, me dit-il, dans le monde où il vivait. Cette impression profonde ne resta pas longtemps secrète. Au mois de novembre 1907, les Annales des Sciences psychiques consacrèrent leur numéro tout entier aux guérisons de Lourdes : 56 pages sur les 56 dont la revue se composait alors. On lisait en particulier (p. 8a4) : CI Sa lecture (la lecture de l’Histoire critique) cnlvainera chez tous les esprits non prévenus la conviction que les faits sont réels. »

L’année suivante, l’auteur revenait sur la question dans la même revue. Il écrivait : « Le livre de M. Bertrin m’a convaincu de la réalité des miracles de Lourdes… Je trouve aussi absurde de douter de ces faits que de l’existence de Napoléon. » (16 nov., i’"' et 16 déc. 1908, p. 371. Cet article a été écrit à propos de Un miracle d’aujourd’hui.)

Il est à peine besoin de le dire : le sceptique faisait des réserves à l’égard de l’interprétation surnaturelle, tout en reconnaissant cependant que les explications qu’ils pouvaient apporter, lui et son école, procédaient d’une « science si vacillante et si peu sûre d’elle-même, qu’elles ne devaient pas nous paraître bien inquiétantes » ; mais quant à la réalité même des choses, elle ne provoquait, dans son esprit, ni une restriction ni un doute ; il y croyait sans aucun respect humain, comme sans aucune hésitation.

3) Constatation des faits. — Si la position prise par la critique incrédule a changé, c’est qu’elle s’est peu à peu rendu compte que les guérisons de Lourdes reposaient sur d’aussi solides témoignages et subissaient un contrôle aussi sévère que la plupart des événements de l’histoire, dont personne ne se permet de douter.

1. Oti trouvera l’écho de cette discussion et des déclarations qu’elle amena dans certains journaux de cette époque. La Croix du 23 août (1914) et La Vérilè frarnaise du 26 août.

47

LOURDES (LE FAIT DE)

48

Depuis 1882, on a fondé, sur l’Esplanade du Rosaire, où se déroulent les processions du Saint Sacrement, un bureau de constatations médicales, qui examine les malades et spécialement les malades guéris. Le premier président de ce bureau fut le docteur de Saint-Maclou. Dans le pèlerinage national, en particulier, chaque malade porte ostensiblement sur la poitrine un numéro d’ordre, qui renvoie à un dossier où est consigné tout ce qui le concerne. La comparaison se fait ainsi avec facilité, entre l’état présent et l’état passé. Et tout a lieu au grand jour. Les portes du Bureau sont ouvertes à tous les médecins, quelle que soit leur religion ou leur patrie. De 1890 à ig14, il est passé, au Bureau des constatations, 6.983 médecins, dont i.6g3 sont venus de l’étranger. Tous les noms figurent dans les registres du Bureau. On trouve, dans ces listes, des professeurs de Facultés de médecine, françaises et étrangères, des chefs de clinique, des agrégés, et une foule de médecins et de chirurgiens des liôpilaux. Et le nombre de ces visiteurs compétents augmente sans cesse. Il était de 27 en 1890, de 216 en 1900, de 3^2 en 1909 ; il est, pour les cinq dernières années de la statistique, de 445 en 1909, de 477 en 19 10. de 534 en 191 1, de 560en 1912, et enfin de 670 en igiS. Ce dernier nombre est le plus élevé qui ait été enregistré jusqu’ici. Il comprend 240 médecins étrangers à la France : 14 Allemands, 2 Alsaciens-Lorrains, ao Américains, II Anglais, 3 Autrichiens. 1 Badois, 2 Bavarois, 82 Belges, 4 Brésiliens, 2 Canadiens, i Chilien, 5 Ecossais, i Egyptien, 22 Espagnols, 7 Hollandais, I Hongrois, 16 Irlandais, 34 Italiens, i Luxembourgeois, I Polonais, 9 Portugais, i Russe, 10 Suisses, I Vénézuélien. C’est sous le contrôle de tous ces regards, expérimentés et vigilants, que se pratique l’examen des malades. Deux médecins sont attachés olliciellement au Bureau. Mais le plus souvent, surtout dans les grandes alllucnces. ils chargent des confrères, présents dans la salle, amis ou ennemis, de procéder eux-mêmes à l’examen médical et de leur en rendre compte.

Mais là ne se borne pas l’intervention des médecins de Lourdes. Non seulement, à Lourdes même et au moment de la guérison, ils consultent les certificats et interrogent le malade guéri et les témoins de sa maladie et de sa guérison ; mais, si le cas leur paraît important, ils instituent une enquête dans le pays d’où le malade est originaire et où l’on a pu suivre les phases de son mal, comme on suit après celles de son retour à la santé. Que dis-je ? Ils le revoient, le pèlerinage suivant, à Lourdes même, et souvent durant plusieurs années. C’est sur des faits établis avec ce scrupule, que la foi à Lourdes repose. Si quelques-uns sont moins étudiés, si l’enthousiasme de la foule ou de l’intéressé y est intervenu avec excès, ou enfin si les résultats n’en paraissent pas durables, qu’importe pour l’authenticité des premiers ? Elle reste entière, et avec toutes ses conséquences.

Mais plus encore cpie sur les études faites par les médecins ou les historiens, la foi aux événements prodigieux de la Grotte peut et doit s’appuyer sur les enquêtes ofTicielles, où ils sont examinés de nouveau et avec rigueur.

Car, depuis 1906, beaucoup d’évêques ont formé des commissions, chargées d’informer sur les faits miraculeux qui intéressent leurs diocèses respectifs. Ces commissions ont à leur service tous les moyens dont un tribunal peut disposer : interrogatoires, certificats des médecins du malade, discussions approfondies, expertises demandées à des hommes comptétents, témoignages rendus sous la foi du serment, sans parler de celui du temps, dont on ne se passe jamais :

il faut que le temps confirme les résultats de la première heure.

Les commissaires ont mandat de se montrer très dilTiciles ; ils doivent ne se prononcer et ils ne se prononcent aCTirmativementsur une guérison, que si aucun doute ne reste possible.

Or ces commissions se sont déjà prononcées bien des fois ; vingt-neuf ordonnances épiscopales ont été rendues jusqu’en 1914- elles portent sur trente-trois guérisons, qui y sont déclarées miraculeuses. Ces documents forment un dossier grave et décisif, capable de faire réfléchir les sceptiques, tout en rassurant la foi des croy.mts’.

4).Vitllitude des guérisons. — Le document officiel où il semble qu’on doive trouver avec précision le nombre des guérisons observées à Lourdes, c’est le registre des procès-verbaux rédigés par le Bureau des constatations médicales. Nous verrons qu’il a besoin d’être complété. Sous le bénéfice de cette observation, voici la liste des cas enregistrés par le Bureau depuis l’année de sa fondation :

1882 — lag 1898 — 200

1883 — 145 1899 — 199

1884 — 83 1900 — 164

1385 — 90 1901 — 123

1886 — 86 190a — 122

1587 — 84 2903 — 133

1588 — 63 1904 — iq8

1889 — 47 1905 — 141

1890 — 81 1906 — 115

1891 — 65 1907 — 101

1892 — 88 1908 — iSg

1893 — 101’909 —’06

1894 — 101 1910 ICI

1895 — 137 1911 — 100

1896 — 158 1912 — loi

1897 — 214 1913 — 75

Au sujet de ce tableau, quelques observations doivent être présentées :

1° Le tableau contient des guérisons importantes et des améliorations secondaires. Pour les guérisons importantes, spécialement étudiées, toute erreur est à peu près impossible. Quant aux faits secondaires, plusieurs ont été enregistrés, comme une affiche placée au Bureau des constatations en avertit le public, sur le témoignage oral des malades. Aussi parait-il à peu près fatal que, dans une liste aussi longue, il se rencontre quelques faits douteux ou même erronés, imputables soit à un mensonge de l’intéressé, ce qui est très rare, soit à une illusion dont il est victime et que le temps ne tarde pas à révéler. Nous devons dire cependant qu’ayant publié, pour la première fois, le relevé exact de tous les cas enregistrés, avec les noms et prénoms des malades guéris, le nom de la maladie et, le plus souvent, celui du médecin signataire du certificat qui la constatait, malgré la prière adressée au lecteur de vouloir bien nous avertir de toutes les inexactitudes qui apparaîtraient, cinq ou six rectifications, seulement nous ont été signalées comme nécessaires. Peut-être d’autres s’imposaient-elles ; mais nous

1. Si quelque lecteur désirait savoir comment procèdent les commissions épiscopales dans l’examen d’une guérison, qu’il me permette de le renvover au petit volume Un Miracle d’aujourd’hui. C est le rapport même que j’ai écrit, comme rapporteur de la Commission épiscopale de Tours, sur le cas de Mlle Jeanne Tulasne. Les travaux de la commission ont duré deux ans.

Depuis, Mgr Meunier, évêque d’Evreux, a publié les travaux de la commission de son diocèse sous ce titre : Trois miracifs de yotre-Dame de Lourdes au diocèêe d’Evreux (Paris, Gabalda, 1909).

49

LOURDES (LE FAIT DE)

50

déclarons loyalement qu’elles nous sont restées inconnues.

a" On remarquera que le total annuel d’est plus aussi élevé dans les dernières années du tableau. En réalité cependant, le nombre des guérisons ne parait pas avoir diminué. La dilTérence constatée tient à ce que le bureau médical devient, par prudence, de plus en plus dil’licile. C’est de plus en plus, par exemple, qu’il écarte les maladies nerveuses, l’oririne surnaturelle de la guérison, dans ces maladies, pouvant prêter au doute. Ainsi, dans la première statistique que nous avons dressée, celle qui allait de 1858 au i' septembre 1904, on en comptait 255 sur un total de 3.353. C’est-à-dire que, jusqu’en 1904, les guérisons des maladies nerveuses formaient le douzième ou le treizième de l’ensemble, tandis que, dans les quatre ou cinq dernières années du tal)leau, elles ne représentent plus qu’un trentième : on en relève i sur 30, au lieu de i sur 13.

Evidemment ce n’est pas le nombre des maladies nerveuses qui a fléchi, ni apparemment celui des guérisons dont elles sont l’objet. C’est la manière d’enregistrer ces cas suspects, qui est devenue de plus en plus rigoureuse et sagement défiante.

3" Le tableau précédent n’énumère que les guérisons constatées au Bureau médical. Or tous les malades qui guérissent ne déclarent point ofliciellemenl leur état avant de partir, il s’en faut bien. En comparant ceux que les médecins de Lourdes ont vus et ceux dont les comptes rendus particuliers des pèlerinages publient les noms et l’histoire, il est facile de s’apercevoir que le Bureau médical ne connaît pas, sans doute, plus delà moitié des guérisons ; peut-être même n’en connait-il pas plus du tiers. Le défaut de temps, au moment du départ, et aussi l’ennui de se soumettre à une sorte d’examen public, arrêtent beaucoup de malades, qui ont retrouvé la santé. — Et cependant l’ensemble des grâces miraculeuses, guérisons et améliorations, dont les autorités de la Grotte sont parvenues à avoir connaissance jusqu’en I9141 dépasse, d’après nos statistiques, quatre mille quatre cents.

On arriverait à plus de neuf mille en ajoutant les autres, celles qu’on n’a pu olliciellement enregistrer à Lourdes et que les directeurs et les membres des divers pèlerinages ont vues pourtant de leurs yeux. 5) I’ature des maladies guéries. — Ce qu’il y a d’aussi remarquable que le nombre des guérisons obtenues, c’est la variété des maladies qui en ont fait l’objet. La cause, qui guérit les malades à Lourdes, n’agit pas à la façon d’un remède naturel : le champ, où sa vertu opère, n’est pas spécial et limité. Elle atteint les maux les plus différents et, en même temps, les plus graves. L’auteur de ces pages a dressé une liste de ces diverses maladies, pour lesquelles elle est heureusement intervenue, depuis le début des manifestations jusqu’à ces derniers temps. Or, le total n’est pas bien loin de deux cents (V. Histoire critique des événements de Lourdes, édition complète, 40" mille, appendice n" 11). Il est bien entendu que certaines maladies ont donné lieu à plus de cas de guérison que certaines autres ; c’est aussi qu’elles sont plus répandues. Mais, en réalité, il n’y a pas de domaine, particulièrement assigné à l’action bienfaisante, qui améliore la santé ou la restitue même dans sa plénitude.

C’est une mode de prétendre qu’on ne voit s’atténuer ou disparaître au pied de la Grotte que les affections nerveuses. Pour parler ainsi, il faut n’avoir jamais étudié la question. Que des affections nerveuses guérissent à Lourdes, ce n’est pas douteux. Eh ! pourquoi voudrait-on que ces maladies-là fussent exceptées ? Il en est même, parmi celles qui

guérissent, d’une telle gravité que, relativement à la cause qu’elle appelle, leur guérison équivaut à celles des maux organiques les plus dangereux. Elles sont naturellement incurables. Un spécialiste éminent, qui s’est beaucoup occupé des nerfs, le IV Guassbt, de Montpellier, nous disait un jour : it On affirme rpi’à Lourdes on guérit l’hystérie. Si l’on guérit l’histérie, on fait le plus grand des miracles. »

Aussi ne voit-on pas de telles cures se produire ailleurs. Il y a quelques années, on usait beaucoup, dans de céîèlires salles d’hùpitaux, de ces maladies et de ces infortunés malades, pour se livrer à des expériences intéressantes ; mais on ne les guérissait jamais. Les visiteurs privilégiés y revoyaient éternellement les mêmes sujets.

Quant aux troubles nerveux moins importants, sur lesquels une vive émotion est parfois capable d’agir, il se peut que, lorsqu’ils disparaissent à Lourdes, le résultat soit dû à une cause naturelle ; mais il se peut aussi qu’il vienne de plus haut. En tout cas, l’apologiste doit les négliger.

Mais ce ne sont pas certes les cas les plus fréquemment observés par le Bureau médical. Il s’en faut, et de beaucoup. Car toutes les affections nerveuses réunies, en y comprenant les plus graves, ne fournissent pas même la quinzième partie des guérisons. El même, nous l’avons dit plus haut, la proportion décroît chaque année. Au total, on en compte 285 sur un ensemble de 4, /|45 cas divers, observés depuis l’origine.

La tuberculose, sous toutes ses formes, présente, à elle seule, un contingent bien plus élevé.

La tuberculose pulmonaire, la tuberculose osseuse, la tuberculose intestinale, les tumeurs blanches, le lupus, le mal de Pott, la coxalgie, etc., ont donné lieu à 892 guérisons, parmi celles qui ont pu être relevées.

En outre, et sans vouloir tout citer, si l’on parcourt nos statistiques, on trouve 69/, cas pour les maladies de l’appareil digestif et de ses annexes, 106 pour les maladies de l’appareil circulatoire, dont 61 pour celles du cœur, 182 pour les maladies de l’appareil respiratoire (bronchites, pleurésies), 69 pour les maladies de l’appareil urinaire, 143 pour celles de la moelle, 530 pour celles du cerveau, 155 pour les affections des os, 206 pour celles des articulations, /|2 pour celles de la peau, 119 pour les tumeurs, 5/16 pour les maladies générales et les maladies diverses, dont 170 pour les rhumatismes, 22 pour les cancers, et 54 pour les plaies.

Signalons aussi spécialement 55 aveugles, qui ont eu le lionheur de voir, et 2/1 muets qui ont recouvré la faculté de parler, tandis que 82 sourds recouvraient celle d’entendre.

Sous les réserves indiquées plus haut, pour beaucoup de cas dont la connaissance précise nous échappe, voilà un aperçu, et un aperçu incomplet, des bienfaits de tout genre que les malades ont obtenus autour de la Grotte miraculeuse.

Ces guérisons, si nombreuses et si variées, font une impression profonde sur tout esprit sérieux, qui prend la peine d’y réfléchir. Et, comme il n’est vraiment pas possible d’en mettre en doute la réalité, si l’on est résolu à écarter l’action du ciel, qui les explique facilement, on est obligé de chercher l’explication dans une cause naturelle, quelle qu’elle soit. L’incrédulité a fait plusieurs tentatives dans ce sens ; le moment est venu de les étudier.

2" Le surnaturel dans les quèrisons. — Il faut une cause à tous les faits ; c’est une loi de la nature. Examinons donc, l’une après l’autre, les diverses solutions que les ennemis du surnaturel ont proposées au grave problème de Lourdes. 51

LOURDES (LE FAIT DE)

52

Tour à tour, ou même à la fois, ils ont placé le principe des guérisons, soil dans la vertu curalive de l’eau de la Grotte, soit dans l’elBcacité de la suggestion, soit dans le mystère des forces du monde, encore inconnues.

Suivons-les sur ce triple terrain.

— L’explication par l’eau de la Grotte. — Pour expliquer par l’eau de la Grotte les effets tliérapeutiques observés à Lourdes, on a fait intervenir les propriétés chimiques de cette eau, ou sa température et les bains froids qu’elle permet, ou enfin, plus récemment, une puissance radio-active, qu’on lui attribue d’ailleurs gratuitement.

La première hypothèse fut exploitée surtout au début. Ce fut l’arme favorite de tous ceux des libres penseurs d’alors, qui voyaient de trop près les événements pour les révoquer en doute. Mais le désenchantement fut prompt. M. Filuol, de la Faculté des sciences de Toulouse, le chimiste le plus en renom du Midi, avait été chargé ofliciellement de faire l’analyse de la source. Le préfet de Tarbes l’avait signalé comme l’homme le plus compétent, d’autant qu’il avait déjà fait des études consciencieuses sur la plupart des eaux minérales des Pyrénées. On attendait impatiemment son rapport. Il vint enlin, et voici quelle en était la conclusion : « Cette eau ne renferme aucune substance active, capable de lui donner des propriétés thérapeutiques marquées. >

Dans la lettre au maire de Lourdes, qui accompagnait son rapport, l’éminent professeur ajoutait que les effets extraordinaires, qu’on assurait avoir obtenus à la suite de l’emploi de cette eau, no pouvaient pas être expliqués par les sels dont l’analyse y décelait l’existence.

Ce fut un coup de massue pour l’opinion qui avait hypothétiquement publié le contraire : elle ne s’en est jamais relevée.

On voudra bien me permettre d’ajouter que je possède une analyse comparée, faite dans ces dernières années, par un homme du métier. Il en résulte que l’eau de la Grotte diffère de l’eau du Gave, mais qu’elle est chimiquement semblable à celle de la fontaine publique, qui se trouve dans la ville. Dès lors, si elle devait à sa composition chimique l’efficacité tliérapeutique qu’on lui reconnaît, l’eau de la ville l’aurait elle aussi, étant d’une composition identique ; or elle ne l’a à aucun degré.

Mais, dit-on, l’eau de Lourdes est froide, et l’on sait qu’en thérapeutique les bains froids ont parfois d’heureux eflets.

Sortons du vague, où la vérité ne trouve jamais une atmosphère favorable ; exprimons-nous avec précision. Quels effets l’hydrothérapie obtient-elle ? Lui arrivet-il, comme à l’eau de Lourdes, de faire disparaître subitement une maladie organique ? — Non, jamais ; cela ne fait de doute pour personne. L’a-t-on vue, par exemple, guérir, en quelques minutes, un large ulcère couvrant les deux tiers de la face externe de la jambe, comme chez Joachine Dehant (v. le certificat du D Froidbise, 19 septembre 1878 ; Histoire critique, p. 156), ou délivrer un aveugle, avec la rapidité de la foudre, d’un double décollement de la rétine qui remontait à sept années, ainsi que Vion-Dury (v. la communication du médecin protestant Dor à la Société française d’ophtalmologie le ï" mai iSgS ; ibid., p. 160), ou coudre instantanément — qu’on pardonne le mot — les bords d’une plaie et tarir pour toujours l’écoulement, dans une ostéite tuberculeuse, comme chez la jeune Clémentine Trouvé, que Zola a vue et qu’il a peinte sous le nom de Sophie Couteau ? (Ihid., p. 269 et suiv.)

L’eau de la Grotte a fait ces merveilles. Quelle autre les fit jamais ?

Supposons même que notre source soit radioactive. C’est une conjecture, une simple conjecture, que rien absolument n’autorise, sinon le besoin qu’ont de l’admettre les adversaires du miracle. Mais entrons-y, puisqu’elle leur plaît, et qu’ils paraissent aimer à se réfugier dans l’ombre propice des forces mal connues et plus mal encore définies.

Raisonnant donc dans cette gratuite hypothèse, je prierai le lecteur de remarquer qu’on peut et qu’on doit affirmer, sur la radio-activité de l’eau, ce qui vient d’être dit sur sa température. Pas plus que l’hydrothérapie, la radio activité n’a jamais produit les cures graves et subites dont on admire le spectacle autour de la Grotte.

Enfin une observation générale s’impose, qui doit dissiper toute équivoque, s’il pouvait en rester une. Que l’on croie à la vertu des qualités chimiques de l’eau de la source, ou à celle de sa température ou à l’efficacité radio-active dont elle serait douée, on est bien obligé de reconnaître que, pour éprouver le bienfait de ces diverses influences, il est nécessaire d’en user. Un malade, qui n’entre pas en contact avec l’élément qu’on en dit chargé, ne saurait en tirer profit, c’est l’évidence même, et, s’il guérit, c’est à une tout autre cause que doit nécessairement être imputée sa guérison.

Or beaucoup de miraculés de Lourdes ont guéri ailleurs que dans les piscines. Que dis-je ? Il est permis d’avancer que, depuis vingt ans, c’est le plus grand nombre. On pourrait même citer bien des malades, qui ont retrouvé la santé, sans avoir pris un seul bain dans l’eau miraculeuse, non seulement au moment de leur guérison, mais dans les jours et les mois qui l’ont précédée. Tel est, pour n’en citer qu’un parmi tant d’autres, le Belge Pierre de Rudder : les fragments de ses os brisés se soudèrent brusquement, à Oostacher, près de Gand, dans une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lourdes, sans qu’il eût jamais vu ni les piscines ni les cannettes de la Grotte. (V. Histoire critique de Lourdes, p. 289 et suiv., et, pour plus de détails et une discussion plus étendue, D’A. Drschamps : Le cas Pierre de Rudder, Bruxelles, 191 3.)

C’est donc à une tout autre cause qu’on est obligé d’attribuer l’action prodigieuse dont il bénéficia et dont beaucoup d’autres ont bénéficié comme lui.

— L’explication par la suggestion thérapeutique.

— Une cause de guérison, bien plus souvent indiquée aujourd’hui par les sceptiques que refllcacité de la source, désormais négligée, c’est la suggestion.

La suggestion se présente sous deux aspects : on peut se suggestionner soi-même — c’est /’au’o-sH^geï tion — ou bien subir l’idée suggérée par autrui — c’est Vhétéro-suggestion. Ce dernier terme est d’ailleurs assez rare, et c’est le nom générique, c’est le mot suggestion qui le remplace le plus souvent.

Mais sous une forme ou sous l’autre, le principe de la guérison — s’il y a guérison — est le même toujours. Les suggestionneurs prétendent, en effet, que « toute cellule cérébrale, actionnée par une idée, actionne les fibres nerveuses qui doivent réaliser cette idée » (Bernheim : Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, Paris, igoS). Par conséquent, dès qu’on est fortement persuadé qu’on est guéri ou qu’on va guérir, sous « l’action des fibres nerveuses » on guérit en réalité.

Tel est le système ! Voyons si les résultats, où il amène, peuvent sufllre à rendre compte des cures miraculeuses, obtenues sur les bords du Gave.

Pour juger de l’ampleur des résultats, c’est-à-dire de la puissance de la suggestion en thérapeutique, prenons pour base les expériences de Bernhbim, et les conclusions qu’il en a tirées, dans l’ouvrage cité 53

LOURDES (LE FAIT DE)

54

plus liaul. Bernheira est le clief de l’école de suggestion lie Nancy, laquelle est plus avancée et plus Lardie que l’école de la Salpètrière, à Paris. Celle-ci n’admet pas tout ce que la première raconte et publie. C’est donc, de notre part, accepter le terrain le moins favorable pour la thèse que nous défendons ici.

Quand on s’occupe de la vertu thérapeutique de lasufffccstion, une distinction fondamentale s’impose, et on l’a Irop souvent négligée. Il faut traiter à part des maladies organiques et des maladies fonctionnelles, moins proprement appelées nerveuses. Dans les premières, il y a lésion : entendez qu’un organe est atteint. Une dent d’une roue a été cassée, ou ébréchée ou faussée, dans l’horloge. Dans les secondes, tous les organes sont intacts ; ce sont des maladies, comme on dit en médecine, sine materia. La fonction seule est en défaut, et pour une cause qui n’a rien d’organique. Un grain de poussière s’est introduit dans un engrenage, et l’horloge s’est arrêtée, quoique le microscope ne découvre rien de brisé ni de déplacé dans les ])iéces qui la composent.

Celte distinction étant faite, on voit beaucoup mieux ce que peut la suggestion et surtout ce qu’elle ne peut pas. Accordons qu’elle exerce son action dans les maladies fonctionnelles, ou, selon l’expression de Bernheim, « dans le champ des névroses >>. Non point certes qu’elle réussisse toujours, même dans ce domaine limité. D’abord, elle est loin de réussir avec constance, même à l’égard de celles de ces maladies où les suggestionneurs assurent qu’elle a le plus d’empire ; mais surtout il en existe l)eaucoup qu’elle ne guérit jamais. Telles sont, par exemple, d’après le savant suggestionneur de Nancy, la neurasthénie héréditaire, avec ses innomlirables manifestations ; l’hypocondrie invétérée, répile[)sie, la chorée, le tétanos, etc. Malheureusement, nous ne pouvons donner ici, faute d’espace, les citations de Bernheira et les références qu’elles appellent. On les trouvera, si on désire les voir, dans notre Histoire critique de Lourdes, p. 180 et suiv. — Cette observation s’applique aussi à ce qui va suivre.

Mais négligeons les maladies fonctionnelles. Ce qu’il faut considérer ici surtout, ce sont les maladies organiques. Or, disons le tout de suite : dans les maladies organiques, la thérapeutique de la suggestion est nettement impuissante. Les suggestionneurs prétendent qu’elle a parfois un certain empire sur des symptômes secondaires, comme l’insomnie, et, qu’en les amendant, elle est capable d’exercer indirectement quelque influence heureuse sur la maladie elle-même. Mais ils avouent qu’elle ne peut rien directement sur la guérison, laquelle vient ou ne vient pas, indépendamment de toutes les idées qu’on tente de suggérer au malade, ou qu’il se suggère à lui-même. Ecoutez ces déclarations du savant Israélite que nous avons déjà cité ; nous les prenons çà et là dans son ouvrage : « La suggestion est une thérapeutique presque exclusivement fonctionnelle… La suggestion ne peut réduire un membre luxé, dégonfler une articulation gonflée par le rhumatisme. .. (Elle) ne peut ni résoudre une inflammation, ni arrêter l’évolution d’une tumeur ou d’un processus de la sclérose. La suggestion ne tue pas les microbes, elle ne cicatrise pas l’ulcère rond de l’estomac. » On ne suggère pas non plus « aux tubercules de disparaître. .. La suggestion n’enraie pas l’évolution organique de la maladie ; trop souvent elle ne produit qu’une amélioration transitoire ; les maladies, de leur nature progressives et envahissantes, telles que l’ataxie locomotrice, la sclérose en plaque, etc., continuent leur marche inexorable. »

Bernheim écrivait cela à la fin du xrx’siècle ou

tout à fait au début du xx’. Depuis, la thérapeutique suggestive a perdu encore de son autorité, parmi les esprits d’élite qui l’ont pratiquée. L’expérience ne lui a pas été favorable.

Je me souviens d’avoir entendu, en igo^, au bureau des constatiitions de Lourdes, un médecin principal de l’armée, lequel était chargé de l’hôpital militaire, dans une grande ville encombrée de soldats. Devant moi et devant plusieurs de ses confrères, il dit à un suggestionneur, qui paraissait avoir le zèle d’un novice : « J’ai pratique beaucoup la suggestion, parmi mes malades ; elle m’a donné de si pauvres résultats que j’y ai absolument renoncé : je ne la pratique plus. »

Plus récemment, je voyais un des médecins de France, qui se sont le plus occupés decette question, tliéoriquement et pratiquement, le D Grasset, de Montpellier ; je lui demandai : « Docteur, voulez-vous me permettre de vous poser une question dans un intérêt scientifique ? Non seulement vous.ivez écrit sur la thérapeutique de la suggestion, mais vous en avez usé souvent sur vos malades. Eh bien ! en avez-vous obtenu des effets heureux ? » Il me répondit :

« Des ePTets peu nombreux et peu durables. » —
« D’autres hommes compétents m’ont déjà fait cette

réponse, repris-je. Ne croyez-vous pas, docteur, que cette thérapeutique, un moment si à la mode, est elle-même bien malade ? » Il lit un geste, qui signifiait :

« Si, je le crois ; elle est bien malade. » 

On remarquera ce mot : « Des effets peu durables. » Il correspond à celui qu’on a trouvé tout à l’heure sous la plume du D’Bernheim, défenseur quasi officiel de cette méthode : a Trop souvent la suggestion ne produit qu’une amélioration transitoire. » D’autre part, le même savant fait observer que son action est lente et progressive. C’est une thérapeutique qui exige la collaboration du temps. (Hypnotisme, suggestion et psychothérapie, Paris igoS, p. 337, 33^). Les suggestionneurs Delbœuf et Wetterstraxd sont du même avis (Delbœuf : Le Magnétisme animal, etc., Paris 1889, p. 61 ; Wetterstrand : L’Hypnotisme et ses applications, Paris, 1899,

p. 5).

Comparez maintenant, trait pour trait, avec la cause mystérieuse qui agit à Lourdes : la dissemblance vous paraîtra complète, et vous n’aurez pas de peine à conclure que deux forces, si différentes dans leur action, ne sauraient être deux forces identiques dans leur nature. L’une agit exclusivement

— quand elle agit — sur des maladies fonctionnelles ou nerveuses, l’autre agit aussi sur des maladies organiques, les plus invétérées et les plus graves ; la première ne donne que des résultats éphémères, même dans le champ restreint où s’exerce son empire ; la seconde opère des guérisons durables, radicales, absolues ; celle-là, pour arriver aux médiocres effets qu’elle donne, doit s’exercer longtemps et d’une manière répétée ; on voit parfois celle-ci faire les prodiges qu’elle fait, en quelques minutes, avec la rapidité de la foudre. Si elle était la suggestion, elle agirait à la manière de la suggestion et dans les mêmes limites ; elle ne peut agir autrement que parce qu’elle est autre chose.

Quelle chose ? Une chose inconnue, répliquent les ennemis des miracles, que l’on connaîtra sans doute un jour. C’est la troisième explication, par où ils essaient d’échapper au surnaturel, qui les presse de toutes parts.

Eludions-la en finissant.

— l.’e.rplication par les forces inconnues. — C’est donc lasuprême ressource des incrédules en déroute. Voici leur raisonnement : « Nous ne connaissons pas toutes les forces de la nature, ni toutes les lois 55

LOURDES (LE FAIT DE)

56

cpii sont l’expression de ces forces ; ce qui le prouve bien, c’est que nous en découvrons de temps en temps de nouvelles ; témoin la vapeur et l’électricité, et, quant aux ai)plioations, le tclépbone, la radiographie et la télégraphie sans 111. Qui donc nous dit que des forces, encore ignorées de nous, mais naturelles comme celles qui nous sont connues, n’opèrent pas les guérisons extraordinaires que les catholiques attribuent directement à Dieu ? »

Je remarque d’abord qu’il s’agit d’une hypothèse, hypotlièsegratuite, qui n’est fondée sur aucune base, sauf le désir obstiné qu’on éprouve de ne pas croire au miracle. Or des hypothèses semblables n’ont jamais possédé aucune autorité.

Que répondraient les sceptiques à celui qui, pour suivre leurs traces, s’écrierait : « Il existe des forces nouvelles qui se révèlentà nous.etque nousn’avions jamais soupçonnées. Qvii nous dit que l’une de celles qui restent encore cachées ne portera pas Ijientôl l’organisme humain à des proportions inattendues, et que dans cent ans l’homme n’aura pas la taille du dôme de Saint-Pierre ? » ou que, suivant l’idée de ce philosophe original, il ne lui poussera pas une queue, avec un œil au boutpour regarder les astres ? » Et l’on pourrait continuer ce petit jeu des hypothèses fantaisistes, sans s’émouvoir d’aucune absurdité. On y joindrait, comme un refrain, ce raisonnement qui devrait tout expliquer et répondre à tous les étonnements :

« Voj’ez la vapeur, l’électricité, le télégraphe, 

etc. ; qui nous aurait dit, il y a cent ans… ? »

Nous aurions donc sans doute le droit de repousser une telle objection, en y opposant ce que les parlementaires nomment la question préalable. Mais il sera sans doute plus utile d’en montrer la faiblesse foncière que de l’écarter par le dédain.

Les incrédules avancent donc qu’une loi secrète, dont nous ignorons la nature, explique peut-être les faits miraculeux, auxquels nous ne trouvons aucune cause, dans les choses créées. II faut hardiment leur répondre que certainement cette loi hypothétique n’existe pas. Et voici comment on peut le prouver. Si cette loi existait, elle agirait comme une loi naturelle, c’est-à-dire d’une manière constante, identique, invariable. Une loi naturelle ne procède pas axitrerænt, qu’on la connaisse ou qu’on l’ignore. Tous les corps s’attiraient l’un l’autre, en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances, avant que le monde eîit deviné cette loi et que Newton en eût trouvé la formule. Envoyez un courant électrique dans une masse d’eau. La masse d’eau se décomposera en oxygène et en hydrogène, l’oxygène formant un volume et l’hydrogène deux. La décomposition n’aura pas lieu dansla masse sans le courant, qui est une condition indispensable, mais toutes les fois que cette condition sera posée, c’est-à-dire aussi souvent que le courant passera, la masse d’eau se décomposera, et toujours de la même manière. C’est fatal.

Si les faits prodigieux de Lourdes étaient dus à une loi, encore ignorée de nous, il faudrait, pour les produire en provoquant l’action de cette loi, certaines conditions précises, déterminées, toujours les mêmes, et, en retour, chaque fois que ces conditions seraient réalisées, ils apparaîtraient avec une régularité rigoureuse, constante, invariable. Or c’est exacteuient le contraire que l’on peut constater.

D’abord la cause mystérieuse n’a pas besoin, pour agir, de rencontrer des conditions déterminées. Son action s’exerce dans les circonstances les plus variées, les plus diverses, les plus dissemblables : à l’intérieur des édilices ou au dehors, dans l’ombre discrète des piscines ou en plein soleil, durant la procession du Saint Sacrement, et au bruit harmonieux

des cantiques ; le matin, ou à midi, ou le soir ; que le ciel soit radieux ou que la pluie le trouble et l’obscurcisse ; quelle que soit la maladie et quelque soit le malade, jeune ou vieux, enfant ou vieillard, croyant enthousiaste ou croyant timide et hésitant. Rien n’est requis, ni dans l’àme, ni dans la situation, ni dans l’iulirmité, ni dans les circonstances extérieures, pour que la secrète influence entre en jeu et que l’elTet se manifeste.

D’antre part, la réunion de quelques conditions réputées utiles ne détermine pas plus son action que leur absence ne l’empêche.

Voici un malheureux dont l’état est lamentable, la foi profonde, la prière ardente ; on prie aussi autour de lui, et c’est le jour d’une grande manifestalion religieuse, qui remue tous les cœvirs. Si la guérison dépendait d’une ou de plusieurs de ces circonstances morales, comme l’effet d’une loi naturelle dépend de quelques circonstances physiques, on devrait la tenir pour assurée. Or elle ne l’est pas ; tous ceux qui ont suivi de près les événements de Lourdes savent bien qu’on ne peut jamais la promettre ni l’attendre avec probabilité.

Un jour, un des organisateurs les plus zélés des pèlerinages, le R. P. Picard, était à Lourdes. Il avait devant lui une foule immense, dont les sentiments lui semblaient faire admirablement écho à sa parole. Jamais auditoire ne lui avait paru mieux disposé. En descendant de chaire, il rencontra le D Boissarie :

« Docteur, lui dit-il avec des regards où éclatait

l’espérance, quelle foule, quelle religion, quel spectacle ! Nous allons avoir une moisson de miracles. » n Or, ajoutait le docteur en me racontant cette anecdote, nous n’eûmes pas de moisson, ni même de simples épis. Jamais mon registre ne fut si pauvre. Aucun fait ne put y être inscrit. »

C’est que les faits viennent à leur heure, sans que rien permette d’y compter, et avec une indépendance qui déjoue toutes les prévisions. Bref, la loi est aveugle ; déjà connue, ou cachée encore dans la réserve des lois dont l’avenir seul doit avoir le secret, sa nature reste la même : c’est une sorte de machine dont l’elTet est automatique. Au contraire, la cause mystérieuse, qui intervient autour de la Grotte, est un agent souverainement libre, et que rien ne lie jamais.

Il est donc impossible, mais tout à fait impossible, de les assimiler l’une à l’autre, et bien plus encore de les confondre. Par conséquent, il n’y a pas à invoquer, pour expliquer les faits prodigieux qui nous occupent, une loi de la nature, quelle qu’elle soit, pas plus une loi à découvrir qu’une loi déjà découverte. Voilà une première réponse que l’on peut faire aux sceptiques, sur ce sujet. En voici une seconde.

Si la loi mystérieuse et hypothétique, derrière laquelle votre incrédulité cherche un abri, exerçait vraiment son action extraordinaire à Lourdes, étant une loi physique dans le jeu de laquelle n’entrerait aucune liberté, il n’y aurait pas de raison pour qu’elle ne fît sentir son effet qu’à quelques privilégiés, sur xine si grande foule. Car quelles que fussent les conditions qu’elle exigeât pour agir, dans cette multitude animée des mêmes sentiments, soumise aux mêmes influences, pleine des mêmes désirs et s’épanchant dans les mêmes prières, personne n’admettra jamais que les quelques malades qui guérissent soient les seuls qui les présenteraient ; elles se trouveraient réalisées certainement dans beaucoup d’autres. Il est donc impossible d’admettre que les guérisons ne fussent pas bien plus nombreuses qu’elles sont. Leur petit nombre prouve qu’elles viennent d’une cause libre, qui agit quand elle veut, sur qui elle veut, et dans la mesure où elle veut. 57

LOURDES (LE FAIT DE)

58

Mais on doit se demander aussi pourquoi cette Leureuse loi, aussi liienfaisante que mystérieuse, qui ferme les plaies des Ijlessés et ouvre les yeux des aveugles, accomplit ces prodiges à Lourdes plutôt qu’ailleurs, et, dans Lourdes même, sur les croyants qui viennent l’implorer, plutôt que sui" les sceptiques qui la bravent.

Ne parlons pas de la puissance de la suggestion ! Nous avons vu que la suggestion ne peut rien dans les maladies organiques. Cette loi devrait donc être nécessairement autre cliose. Et alors je demande : comment s’expliquer qu’elle produisît son admirable ellet sur les pèlerins de Lourdes, et seulement sur eux ?

Naturellement, pour qu’elle exerçât son action salutaire, il faudrait la mettre en mouvement. La mettre en mouvement ! Mais comment, de quelle manière ?… c’est un secret, et il est resté jusqu’ici impénétrable. Quelqu’un pourra-t-il comprendre que certains pèlerins privilégiés, ceux de Lourdes, le connaissent cependant assez bien pour se servir de la loi mystérieuse et guérir ? Quoi I Ils arrivent de tous les lieux du monde, ils ne se sont jamais vus, il y a parmi eux des gens de tout âge et de toute condition, même des enfants qui n’usent pas encore ou usent à peine de la parole, et il faudra que nous croyions qu’ils savent tous la façon de s’y prendre, pour appliquer ce que Descartes appelait la chiquenaude et faire marcher la machine 1

En outre, ils devront la savoir seuls ; tous les autres l’ignoreront.

Mais eux-mêmes, les sceptiques, ces panégyristes de la prétendue loi inconnue qui ranime les moribonds, comment ne découvrent-ils pas, pour leur compte, le moyen de mettre en branle le précieux ressort ? Pourquoi laissent-ils la loi travailler uniquement pour quelques dévots de la Grotte ?

Les questions semultiplient, auxquelles on ne peut faire aucune réponse. C’est qu’on se débat dans l’impossible. Non seulement cette prétendue loi n’existe pas, comme on vient de le voir ; mais il faut dire plus : elle ne peut pas exister. Expliquons-nous.

Tous les tissus de l’organisme, comme les tissus de tous les corps vivants, sont composés de petites masses de substance plastique, appelées plastides. Ces plastides sont contenus dans des cellules, sortes de membranes extrêmement minces qu’ils sécrètent eux-mêmes. Ce sont ces plastides qui, par leur multiplication, leur engendrenient, produisent la nutrition, cl, par suite, l’accroissement, et la restauration de la matière organique. Or tout plastide vient d’un plastide antérieur ; celui-ci vient d’un autre, et ainsi de suite en remontant toujours. Ce sont là des principes universellement admis.

Supposez maintenant un tissu affecté d’une lésion, comme il arrive dans toute maladie organique. La restauration, autrement dit la guérison, ne pourra se faire que par la multiplication et l’engendrement des plastides. Or les générations des plastides, se produisant les uns les autres, sont nécessairement successives ; ce qui revient à dire qu’elles ont essentiellement besoin du concours du temps. La nature ne peut produire à la fois le (ils, le père et une longue suite d’aïeux. Il lui est donc impossible de restaurer instantanément un tissu blessé, c’est-à-dire d’opérer une guérison soudaine dans une maladie organique ; de même, et pour la même raison, qu’elle ne peut donner à un nouveau-né, en deux jours, le corps d’un homme de trente ans. Cela lui est impossible à cause de l’organisation même de la vie, et dès lors elle ne le pourra pas davantage dans l’avenir que dans le passé. Pour qu’il put exister une loi produisant instantanément la croissance chez un enfant ou la

restauration d’une lésion chez un malade, il faudrait que fût renversée la base essentielle de la vie, telle qu’elle est dans la création actuelle. Mais le monde étant ce qu’il est, et tant qu’il ne sera pas transformé, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de force ni de loi naturelle, capable de se passer de la collaboration du temps pour restaurer les tissus de l’organisme blessés, et à plus forte raison disparus. Ceci n’est pas une conclusion probable ; c’est une conclusion scientiliquement sûre, d’une certitude absolue.

Or les plus célèbres guérisons de Lourdes sont des guérisons subites, survenues dans des maladies organiques.

Veut-on quelques exemples ?

En 1895, le Belge Pierre de Rudder voit sa jambe gauche, brisée depuis huit ans, se souder instantanément, on l’a dit plus haut, malgré le vide fait par l’élimination d’un fragment d’os de trois centimètres : les deux jambes sont égales et il ne boite pas.

Une de ses compatriotes, Mme Drossing, soutire, depuis six ans, d’un cancer du sein gauche et de glandes dégénérées dans l’aisselle. Elle prend deux bains dans la piscine miraculeuse. C’est fini : il ne reste plus rien du mal. « J’aurais vu repousser une jambe, dit le D Teuwen, son médecin, que je ne serais pas plus étonné. » (1885.)

Mlle Marie Moreau a une tumeur ulcérée de même nature. Elle est à Céziers ; elle fait une neuvaine, met, la dernière nuit, une compresse d’eau de Lourdes sur la partie atteinte, et s’endort. Quand elle se réveille, deux heures et demie après, elle porte instinctivement la main sur sa poitrine. Il n’y a plus de tumeur : il n’existe plus qu’une cicatrice régulière et bien fermée, trace et preuve du mal subitement disparu. Ce qui fut constaté avec admiration par le D Martel, qui visita aussitôt sa cliente (1876).

En 1891, la Sophie Couteau de Zola, Clémentine Trouvé, entre dans la piscine avec une plaie listuleuse au pied, qu’aucun traitement n’avait pu guérir. Elle en sort, marchant avec facilité. Plus de plaie.

« J’ai vii, écrit Mme Lallier, qui la baigna, j’ai vii, 

à son talon droit, une large cicatrice qui se fermait, pour ainsi dire, sous mes yeux : les claairs se rejoignaient et avaient l’air de se recoudre elles-mêmes. »

La même année, Lucie Renauld est l’objet d’une faveur plus étonnante encore. Sa jambe gauche, qu’elle était obligée d’appuyer sur un talon surélevé de trois centimètres, croit dans la piscine, de telle manière que les deux membres sont égaux.

L’année suivante, sa sœur Charlotte, atteinte de la même infirmité, suite d’une paralysie infantile, demande à Lourdes le même miracle. A l’hôpital Saint-Joseph de Paris, le D’Monnier mesure la jambe avant le départ, avec une exactitude scrupuleuse : la jambe droite était plus courte de trois centimètres aussi, comme la jambe gauche de Lucie. Dans la piscine, les jambes deviennent de la même longueur, et, quelque temps après le retour à Paris, le chirurgien de Saint-Joseph constate que, si les deux membres se sont allongés, celui de droite a grandi plus que l’autre, de 28 à ag millimètres. « Toute trace de raccourcissement, ajoute le chirurgien, a ainsi disparu. »

Dans la tuberculose vertébrale, on voit la gibbosité s’effacer subitement, en 18Û9 chez Léonie Chartron, ainsi que le déclare le D’Gagniard, son médecin ; en 1897 chez Jeanne Tulasne, comme le prouve le long rapport de la commission canonique de Tours.

En 1901, victime d’une terrible collision de trains, le commis ambulant des postes. Gabriel Gargam était déclaré « une véritable épave humaine » par le 59

LOURDES (LE FAIT DE)

60

tribunal d’Angoulême, puis par la Cour d’appel de Bordeaux, el la compagnie d’Orléans s’entendait condamner à lui verser une pension viagère de 6.000 francs, plus une indemnité de 60.000. La compagnie déclare acquiescer à l’arrêt, le 12 août. Huit jours après, sa famille amenait le blessé à Lourdes, et, sur le passage du Saint Sacrement, lui qui était inerte depuis vingt mois, il se levait tout à coup, du grabat où il semblait expirant, comme Lazare jadis de son tombeau.

Deux ansplus tard, une Messine, Mme Rouchel, arrivait avec un ulcère qui lui dévorait le visage ; des perforations purulentes, médicalement constatées, lui déchiraient, l’une le haut du palais, l’autre la joue droite ; celle-ci devait être obturée par un tampon de caoutchouc, pour empêcher les aliments liquides de sortir de la bouche. Comprenant qu’elle faisait horreur à tout le monde, la malheureuse femme était allée se cacher au fond de l’église du Rosaire. C’était le 5 septembre, un peu après cinq heures. Le linge protecteur, qui cachait la figure, tomba tout à coup de lui-même. Toute purulence avait cessé et — fait inouï — les perforations étaient fermées : un nouvel épidémie, de nouveaux muscles, avec les vaisseaux qui les nourrissent, se formant instantanément, avaient remplacé, en une seconde, les chairs détruites et s’étaient soudés aux autres.

L’année même du cinquantenaire, en 1908, Mlle Léonie Lévêque présentait une carie de l’os frontal. Ce mal obstiné et à récidive avait exigé sept opérations chirurgicales, et il était plus grave que jamais. On se rappelleque le Souverain Pontife avait exceptionnellement autorisé, à l’occasion de cet anniversaire, une « messedu soir «.Unefouleiramenseétait réunie, autour de la Grotte, pour cette rare cérémonie. Léonie Levêque avait dû rester tristement dans la maison où elle était descendue : elle était retenue par la fatigue et la douleur. Soudain, elle se sent guérie. .. et elle l’est en réalité. Plus de douleur ; la suppuration s’airète, le drain, inséré dans la plaie, tombe avec le pansement, et une vie nouvelle circule à Ilots dans ce pauvre corps épuisé. Au Mans, le chirurgien Chevalier, qui avait opéré la malade sans succès, lui dit en l’examinant : « Mais ce fait va bouleverser le monde ! » Le monde n’a pas été bouleversé, si l’on considère la généralité des esprits qui le composent. Le monde est distrait, léger, superficiel. Mais pour tous ceux qui les connaissent el qui réfléchissent, de tels exemples sont des leçons décisives ; et la liste pourrait en être facilementallongée.

Puisque aucune force naturelle, connue ou inconnue, ne saurait guérir une maladie organique sans le concom-s du temps, on est bien obligé de recourir, si l’on veut trouver l’explication nécessaire, jusqu’à une cause supérieure, maîtresse de la nature ; il faut remonter jusqu’à Dieu.

Conclusion. — La conclusion s’impose, à toute raison qui désire savoir ce qu’elle doit penser, et qui éprouve le besoin de penser avec logi([ue. Aussi le nombre est-il de plus en plus grand de ceux qui l’acceptent. On a longtemps opposé l’opinion d3s médecins, spécialement qualifiés, disait-on, pour se prononcer avec compétence. Cette compétence spéciale

1. Nous avons laissé de ctMé, parmi les objections, celle que l’on tire des guériaons attribuées aux temples d’Esculape. ou à d’autres cultes. Il était inutile d’y revenir, puisque le D’Van der Elst s’en est occupé plus haut (Voir l’article Gufrisons miraculeuses). Si quelque lecteur désirait d’autres développenienis sur celle question, il les trouvera dans une série d’articles, écrits par nousméme, d’après les sources, et publiés dans La Croix^ sous le titre ; Lourdes et le merveiUeux hors de la religion catholique. (V. La Croix Aes 16, 19, 20, 21, 22 avril’1911.)

ne doit certes pas être exagérée. Car les études médicales, même quand elles sont approfondies, ce qui est assez rare, pour aider à juger de ces faits placés plutôt hors de leurs frontières, requièrent chez le critique le concours de quelques qualités, dans l’esprit, et d’une certaine impartialité, en philosophie, qui ne les accompagnent pas toujours. Mais, cette réserve étant faite, on ne saurait se défendre de convenir que, dans une telle question, l’avis des médecins est particulièrement intéressant. Or il faut savoir qu’il s’est beaucoup modillé depuis le commencement du vingtième siècle. L’auteur de ces pages a réuni plus de cinq cents certilicats médicaux, dont chacun reconnaît expressément la guérison chez un malade, pèlerin de Lourdes.

Sur ce nombre, il en a relevé plus de deux cents

— et beaucoup ont dû lui échapper — qui attribuent courageusement le résultat favorable à l’intervention directe de Dieu.

Ce sont des déclarations individuelles. Mais on peut citer aussi des pièces collectives. L’une d’elles exprime le sentiment de plus de cent docteurs, réunis en assemblée et qui avaient à délibérer sur le cas célèbre de Pierre de Rudder, que nous rappelions il n’y a qu’un instant.

Il Les membres de la société de Sai’nt-Luc, y est-il dit, après avoir examiné les circonstances de la guérison de Pierre de Rudder, … sont d’avis que la réparation osseuse intégrale, révélée par l’autopsie, n’a pu se faire subitement par les moyens naturels ! … ils pensent, en conséquence, que cette guérison subite doit être regardée comme un fait d’ordre surnaturel, ccsl-à-dire miraculeux. »

Cinq ans après, en 190O, sur l’initiative du D’'Vincent, de Lyon, et à l’occasion d’attaques violentes dont les pèlerinages de Lourdes étaient l’objet, trois cent quarante-six médecins signaient la déclaration suivante :

Il Les soussignés se font un devoir de reconnaître que des guérisous inespérées se produisent en grand nombre à Lourdes, par une action particulière dont la science ignore encore le secret formulaire et qu’elle ne peut rationnellement expliquer par les seules forces Je la nature, »

.insi près de trois cent cinquante docteurs ont allirmé, dans ce document, leur croyance aux miracles de Lourdes ; et ils ont voulu que leurs noms fussent publiés au bas de cet acte de foi catégorique. On les trouvera dans l’ouvrage du D’Eugène Vincent : Uuit-on fermer Lourdes ? Lyon, iQO’j. — Nous les avons donnés nous-même, dans l’appendice n° 16 de notre Histoire critique des événements de Lourdes, institulé : Le surnaturel et les médecins, pages 501 et suiv. On remarque, dans cette liste : 4’^ internes ou anciens internes, 14 chefs de clinique ou de laboratoire, 1)2 médecins et chirurgiens des hôpitaux, 12 professeurs de facultés et 3 membres de l’Académie de médecine.

Désire-t-on connaître le total formé par ces témoins d’une exceptionnelle autorité ? On n’a qu’à, additionner les noms, rassemblés dans les deux derniers documents, et les deux cents signatures, qui figurent dans les certiûcals mentionnés plus haut. On arrivera au chiffre de 6’(i. Mais on doit remarquer cependant, pour être tout à fait exact, qu’un certain nombre de noms se trouvent à la fois dans plusieurs de ces pièces. Il serait donc juste de corriger le total ; il faudrait le diminuer d’autant d’unités que les mêmes noms sont répétés de fois. Il est vrai que la multitude des certificats, que nous n’avons pas connus, forme sans doute compensation.

Quoi qu’il en soit, on sera sûr de rester plutôt en 61

MAGIE ET MAGISME

62

deçà de la vérité, si l’on dit que plus de 5^0 à 550 médecins ont formellement et publiquement reconnu le caractère surnaturel des guérisons de Lourdes.

Voilà un chiffre fort imposant 1 II frappera sans doute les gens les plus dilliciles I Mais peut-être seront-ils plus sensibles encore aux solides raisons sur lesquelles ces adhésions s’appuient, et que nous avons essayé d’exposer ici. Car elles sont décisives.

(I Ah I monsieur l’abbé, cette thèse de Lourdes ! nous disait un jour, en nous quittant, un professeur d’une de nos Facultés de médecine, directeur de l’hôpital dans la grande ville qu’il habite, et où il passe pour un incrédule ; cette thèse de Lourdes ! … Il faut être sincère, n’est ce pas ?

— Certainement, docteur, certainement.

— Eh bieni Elle est irréfutable. »

BiBLioGRAPHiB. — Une multitude d’ouvrages ont été écrits sur Lourdes. Mais le titre de ce dictionnaire, et le but qu’il poursuit, nous obligent à laisser dans l’ombre ceux qui sont destinés à fournir des renseignements ou à décrire des cérémonies, ceux aussi qui expriment les impressions de l’auteur, ses sentiments, ses souvenirs, sa reconnaissance, et tous ceux enfin qui ont pour but d’alimenter la piété des lidèles. Sauf deux ou trois livres trop célèbres pour qu’on puisse les passer ici sous silence, nous avons à nous occuper seulement de ceux qu’une pensée apologétique a inspirés, ou qu’un apologiste peut avoir intérêt à connaître, soit qu’ils défendent les faits surnaturels, soit qu’ils les attaquent Encore l’a>it-il nous borner aux principaux, et ne pas oublier qu’un certain nombre ont été déjà signalés plus haut, au cours de l’article GuiinisoNS.miraculbuses. On trouvera là ceux qui ne seront pas nommés ici. C’est dans cet esprit qu’est faite la liste suivante :

Henri Lasserre : Noire-Dame de Lourdes, in-18 Jésus, Paris, 1869. (Plusieurs fragments avaient paru depuis 1867 dans la Revue du Monde catholique). C’est le premier ouvrage sur Lourdes, sauf la notice de l’abbé Fourcade, secrétaire de la commission d’enquête : L’Apparition à la Grotte de Lourdes en 1858. Ce livre de Lasserre, insuffisant aujourd’hui, puisqu’il n’embrasse que les événements des premières années et qu’il est d’une allure

dramatique plus que scientilique, peu sympathique au goût actuel, a eu un grand succès et une grande et féconde influence. Du même : Episodes miraculeux de Lourdes, in-12, 1883. — D’Hoissarie : Lourdes, Histoire médicale, 1858-18gi, in-8, 1891 ; Les Grandes Guérisons de Lourdes, gr. in-8°, 1900 ; L’OHuire de Lourdes, in-B", 1907. — Georges J3ertrin : Histoire critique des événements de Lourdes, in-B", 1906 ; lio’édition, igi/i ; Même ouvrage, édition réduite, 1913, 172" mille ; Un Miracle d’aujourd’hui, in-12, 1908 ; 5" mille 1909 ; Ce que répondent les adversaires de Lourdes, réplique à un médecin allemand, in-12, 1910 ; nouvelle édition, 6 « mille, 1912. — D’Dozous : /. « Grotte de Lourdes, sa fontaine, ses guérisons, in-12, 1874. — D’Paul Diday : Examen médical des miracles de Lourdes, in-12, 1873 (hostile). — Artus : IListoire complète du défi porté à la Libre Pensée sur les miracles de N.-Ù. de lourdes, in-12, 1877. — J. B. Estrade : Les apparitions de L.ourdes, récit intime d’un témoin, in-12, 1890 (souvent réimprimé). — Emile Zola : Lourdes, in-12, 1894 (roman liostile). — R. P. 13allerini : Le miracle et la critique d’Emile Zola, in-16, 1894.

— Huysmans : Les E’oules de Lourdes, in-12, 1906.

— Jean de Bonnefon : Lourdes et ses tenanciers, in-12, 1906 ; Faut-il fermer Lourdes ? in- 8°, 1906 (pamphlets). — D’inceiit : Doit-on fermer Lourdes au nom del’hygiène ? Non, in-8°, 1906 (réponse au pamphlet précédent). — D Lavrand : La suggestion et les guérisons de Lourdes, in-16, 1907. — Mgr Meunier : Trois miracles de N.-D. de Lourdes au diocèse d’Evreux, in-8°, 1909. — D Guinier : Le surnaturel dans les guérisons de Lourdes, dans les Etudes, t. CXXI(190g). — D’Vourch : La foi qui guérit, in-12, 1911 (La conclusion est vague, fuyante et forme disparate avec ce qui précède). — D’de Grandmaison de Bruno : Vingt guérisons A Lourdes, in-12, 1912. — Df Jeanne Bon : Thèse jiir quelques guérisons de Lourdes, in-S", 1912 (fme Bon fut refusée pour cette thèse de doctorat en médecine, favorable à Lourdes, par un jury partial de Lyon). — D Deschamps : Le Cas Pierre de Liudder, in-12, 1912 (Solide réponse de l’auteur à un de ses compatriotes belges, qui a écrit un pamphlet sur cette guérison).

Georges Bertrin.