Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Eucharistie

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 782-801).

EUCHARISTIE. — Une étude apologétique de l’Eucharistie ne peut plus se présenter de nos jours comme au xvi « siècle ; nos adversaires ont déplacé le terrain de la controverse, et nous avons à défendre aujourd’hui des positions que nul ne songeait à attaquer il y a trois siècles.

Tous les réformateurs admettaient le fait de l’institution de l’Eucharistie par le (Christ, quitte à nier la transsubstantiation ou le caractère sacrificiel de l’Eucharistie. Aujourd’hui l’origine même du sacrement est mise en cause ; c’est donc elle d’abord qu’il faut discuter ; les autres points seront établis ultérieurement. Principales divisions de l’article :

I. L’institution de l’Eucuaristie.

A. Description des documents.

B. La controverse.

c. Le fait de l institution.

II. L’Eucuaristie d’ai’rès le Nouveau Testament

A. La présence réelle.

B. La transsubstantiation. G. Le sacrifice.

III. L’Eucharistie d’après la tradition.

A. La présence réelle.

B. L. a transsubstantiation. c. Le sacrifice.

IV. Le mystère de l’Eucharistie.

A. L.a présence réelle et la transsubstantiation.

B. Le sacrifice.

c. Le rôle de l’Eucharistie dans l’économie du salut.

I. — Institution de l’Eucharistie

A. — Description des documents

Avant de commencer la discussion, il est bon de rappeler brièvement les documents principaux sur lesquels elle porte. Les textes eucharistiques du Nouveau Testament peuvent se répartir en deux séries : les uns se réfèrent à la vie du Christ, les autres à l’histoire de l’Eglise primitive. Ces textes se trouvent commodément réunis dans W. B. Fraxkland, The early Eucharist (London, 1902), p. 3-ii. A la première catégorie appartiennent le discours eucharistique rapporté au chapitre vi de 5. Jean, et les récits de l’institution (.l/rt^//(., XXVI ; Marc, thv ; Luc, xxu ; 1549

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I Cov., xi). La seconde série comprend certainement Ad., XX, I Cor., xet Ilebr., xiii, et très probablement Act., II.

Si l’on considère ces textes, ainsi qu’un théologien a le droit de le faire, comme inspirés et infaillibles, la discussion est tranchée : le récit de l’institution est trop formel pour qu’on puisse en éluder la force ; mais les adversaires qui attaquent ce dogme n’admettent pas l’inspiration de l’Ecriture ; pour discuter avec eux, l’apologiste doit donc, considérer simplement ces textes scripturaires comme des documents historiques. Les premières conclusions qu’il en tirera, c’est que, quand fut écrite la P" épître aux Corinthiens, vers l’an h~j, on célébrait dans l’Eglise l’Eucharistie comme un mémorial de la mort du Christ et que, en le faisant, ou obéissait à un précepte du Seigneur, que saint Paul avait transmis à ses tidèles comme ill’avait reçu lui-même ; cette institution était racontée dans des termes déjà consacrés qu’on retrouve, substantiellement identiques, chez l’apôtre et chez les trois synoptiques (les dilTérences de détail seront notées plus bas).

Ces constatations sommaires sont loin d’épuiser tout le contenu historique des documents, elles seront précisées et complétées ci-dèssous. Elles suffisent en ce moment à fixer le terrain de la discussion.

B. — La controK’crse

L’institution de l’Eucharistie par Notre-Seigneur n’a guère été niée avant le xix siècle ; même au début du siècle, plusieurs des critiques les plus radicaux la maintiennent encore : niée par A. Gi’roerer (Gescinchte des Urchristentliiiins, Ul(Slnl[gvvl, 1838), p. 204-ao6), ([ui fait ^"aloir surtout le silence de S. Jean, elle est défendue par 1). Stracss (f.ebeii Jesii, ii(Tiii)ingen, 1887), § 128. surtout p. 442), qui s’appuie principalement sur le témoignage de S. Paul. Cf. la seconde Vie de Jésus (Leipzig, 18- ; 4). S 85, p. 540 ; Grimm, liistitutio tlieol. dogrn. evangel. (lena, iSôg), p. 443, n. 4.

Depuis quinze ou vingt ans, au contraire, cette négation est devenue presque universelle chez les critiques libéraux. On peut mentionner, entre autres, A. JuELiciiER, Ziir Geschicltte der Ahetidma/ilsfeier in der dltesten Kirche dans Tlieulog. Abliandlungen C. von Weizsdcker gewidinet (Freiburg i. B., 1892), p. 215-250, surtout p. 288 ; SriTTA, /)/e//rt7/r/s//. Traditionen iiher Ursprung und Sinn des Abendmahls dans Zur Ceschichte und Literatur des Urchristen/ « ms, I (Gottingen, 18(j3), p. 205-33^, surtout 228 ; P. Gardner, The origin ofthe Lord’ssupper (London, 1898), p. 14, cf. du même E.rploratio evangelicit(London 190’ ;), p. 453 ; J. Hoi-i-mann, I)(ts Abendinalil lin l’rcliristentum (Berlin, 1908), p. 28 sqcj. ; A. Andersex, Dus Abendmuld in den zwei ersten Jahrliunderten nacli Christus’^ (Giessen, 1906), p. 52 ; J. Rkville, Les origines de V Eucharistie (Paris, 1908). p. 148s<(q. ; A. Loisv, Zes Evangiles synoptiques, H, p. 53/|-5’ti ; M. GoGiEi-, L’Eucharistie, des origines à Justin martyr (Paris, 1910), p. 82, 101 sq. Dans la 3’édition (1894) de son I/istoire des dogmes, l, p. 64, n. I, Harack se montrait très séduit par la théorie de Spitla, mais hésitait à s’y ranger, contre le témoignage si formel de saint Paul ; dans sa 4" édition (1909), 1, p. yô, n. o, il est plus ébranlé et conclut : (( non liquet ».

Les méthodes d’attaque des adversaires sont très variées, de môme que leurs essais de reconstruction ; on en trouverait un exposé sommaire dans les ouvrages catholiques de W. Bernixg, Die Einsetzung der heiligen Eucharistie (Mïmstew 1901), p. 1-21 ; de P. Bathm-ol, Etudes d’histoire et de théologie y^OAt <H’e, 2’série 3 (Paris, 1906), p. 53- ; 7 ; de G. Rauscurx, L’Eucharistie et la Pénitence (Pa.ris, 1910), p. 50-60 ; ou dans les ouvrages protestants ou rationalistes de K. G. Goetz, Bie Abendniahlsfrage (Leipzig, 1904), p. ioi-305, de A. Loisy, l. L, II, p. 535-538, et de M. GoGiEL, /. /., p. i-15. Il est impossible d’en suivre ici tout le détail ; il sutlira d’exposer les principaux arguments et les principaux systèmes.

Si l’on considère d’ensemble le courant d’opinion qui, depuis quinze ou Aingt ans, entraîne un si grand nombre de critiques, on constate qu’il n’est pas déterminé principalement par des considérations historiques et critiques qui soient spéciales à la question de l’Eucharistie, mais J)ien par des conceptions générales sur le rôle de Jésus-Christ comme fondateur de l’Eglise et de ses institutions. Les documents sont aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a trente ans, et même leur valeur historique est plus généralement reconnue qu’elle ne l’était alors ; si maintenant on attache, sur ce point, une moindre créance à leur témoignage, c’est surtout parce qu’on ne reconnaît plus au Christ le rôle de fondateur qu’ils lui donnent. C’est ainsi, par exemple, que M. Goguel fait valoir cette considération, sans lui prêter, d’ailleurs, une valeur décisive (/./., p. 102) : « Il faut… considérer

« comme fort improbable que Jésus ait songé à une

.( reproduction de l’acte qu’il accomplissait. Jamais

« il ne paraît s’être préoccupé de ce que serait la Aie
« de ses disciples après sa mort. La pensée d’une
« cène que les disciples dcvraient répéter constituerait

à ce point de Aue une exception. » Cf. Juelicher, /. /., I). 244-245. Cette objection générale a été longuement réfutée ci-dessus, dans l’article Eglise (col. 1221-1248) ; on n’y rcviendra pas ici. On remarquera seulement que l’iinpossiljilité, que nous constaterons plus bas, d’expii<[uer l’Eucharistie en dehors de l’institution par le Christ, conlirme ce qui a été prouvc antérieurement du rôle du Christ comme fondateur de l’Eglise.

En dehors de cet argument, les exégètes critiques font valoir deux séries de considérations pour écai’ter la réalité historique de l’institution de l’Eucharistie par Jésus-Christ : a) ils cherchent à montrer que les textes ne la supposent pas ou lui sont contraires ; b) ils s’elTorcent d’expliquer sans elle la célébration de l’Eucharistie dans l’Eglise primitive.

a) A propos des textes, on fait A’aloir surtout les considérations suivantes :

« ) Les quatre récits de la cène se réi)artissent en

deux groupes : Marc-Matthieu ; Paul- Luc.

Le second seul mentionne exi)licitement l’ordre donné par Jésus de réitérer ce rite ; on en conclut que cet ordre n’est pas authentitiue :

« Il n’est pas douteux que cet ordre ait été iiilroiluit sous

rinnuence delà conviction que c’était pour obcirauChrist qu’ou célébi’ait la cène. S’il est facile, en effet, do coniproiidre comment rot ordre a pu être introduit dans un texte qui ne le contenait j>as primitivement, on no ])(Mirrait pas s expliquer, s il avait fait partie de la tradition originale, comment il aurait pu disparaître dans les textes de Matthieu et de -Marc. » (Goguiîl, /. /., p. 8’2.)

On ajoute que des deux textes où sont rapportées les paroles de l’institution, l’un, celui de S. Luc(xxii, 19) est d’une authenticité très suspecte (v. infra. col. 1553) ; l’autre, celui de S. Paul, rapporte non une tradition historique, mais une révélation personnelle de l’apotre (l Cor., xi, 2’S).

fi) Des récits de la cène ainsi corrigés, la plupart des critiques élaguent encore certains traits qui leur semblent des insertions tardives. O. Pilkideuer (Dus UrcUristenlum, I, p. G82) regarde comme i)rimitif le récit de S. Luc, en en retranchant les versets 19-20 ;

M. GoGUEL (p. 87) arrive substantiellement au même résultat : « Les cléments constitutifs du dernier

« repas de Jésus sont la distribution du pain, accompagnée

de la parole « Ceci est mon corps », et la

« distribution de la coupe cscbatologique. » 

D’autres suppriment non seulement la consécration du viii, mais aussi celle du pain, et lui substituent une sentence cscbatologique ; c’est la conclusion de A. LoiSY, qui restitue ainsi cette sentence :

« Je vous dis en vérité que je ne mangerai plus de
« pain, jvisqu’à ce que je le mange nouveau dans le
« royaume de Dieu v (p. 53g) ; cette restitution avait

déjàétéproposéepar A. Andersen (I. L, p. 35) ; le même critique a essayé de prouver dans un article (Zeitscltrift fiir die Neiitestamentliche H’issenschaft, YI (1906), p. S’y sqq. et surtout 90) que les récits que nous lisons actuellement dans les synoptiques ne sont pas antérieurs à l’an 165.

y) On remarque enûn que « le quatrième évangile ne veut rien savoir de cette institution » (Loisy, p. 541).

h) Le fait de l’institution étant ainsi écarté, on chercbe à expliquer en debors de lui la célébration de l’Eucliaristie dans l’Eglise primitive.

Il est un point qu’on ne peut refuser de reconnaître : pour saint Paul déjà (I Cor., xi, 24), l’Eucbaristie est un mémorial de la Passion du Seigneur et elle est célébrée pour obéir à son précepte.

Aussi la plupart des critiques condamnent les hypotbèses fantaisistes qui prétendent expliquer l’origine de l’Eucbaristie par une imitation des rites de communion qu’on trouve dans d’autres religions ; S. Reinach a voulu voir dans l’histoire de la Passion et de la cène « la traduction antbropomorphique du sacrifice périodique du totem » (Orpfieus, p. 334 sq.) ; cette fantaisie a été réfutée par Gogukl. I. L, p, 14 sqq. Semblablement P. Gardner avait imaginé (77/t’crigin of the Lord’s siipper, p. 18) que saint Paul avait emprunté aux mj^stères d’Eleusis l’idée de l’Eucbaristie ; dans un livre plus récent (^KxpJoratio e’angeUc(i-, p. 455) il juge lui-même cette bypotbèse

« intenable)i. Cf. C. Clemen, Religionsgescliiclttliche

ErJ ; l(iriing des A’eiien Testaments (Giessen, 1901}), p. 185-207.

Cette constatation faite, deux bypotbèses sont possibles et ont été en effet, l’une et l’autre, défendues par des critiques : a) saint Paul a inconsciemment innové : /S) saint Paul a reproduit une tradition qui s’était formée à Jérusalem.

k) La première bypotbèse est ainsi défendue par LoisY :

« Saint Paul n’a fait qu’interpréter le souvenir apostolique

selon sa propre conception du Christ et du salut, de façon à voir dans le repas eucharistique, symbole effectif de l’union des fidèles dans le Christ toujours vivant, le mémorial du Crucifié, de celui qui a’vait livré son corps, versé son sang pour le salut du monde. Ce doit être lui qui, le premier, a conçu et présenta la coutume chrétienne comme une institution fondée sur une volonté que Jésus aurait exprimée et figurée dans la dernière cène. »

Il est vrai que l’apôtre déclare avoir reçu sur ce point un enseignement qu’il ne fait que transmettre ; mais M. Loisy l’interprète d’une « autosuggestion

« équivalente à une vision » :
« Paul n’a pas pris pour traditionnel un récit où il avait

mêlé sa propre doctrine ; le mélange s’est fait de lui-même, dans la région subconsciente de l’àme où se préjiarent les visions et les songes, et 1 Apôtre a présenté sa vision comme une réalité, sans s’arrêter à ce que les témoins du dernier repas n’avaient jioint attribué à Jésus les paroles que lui-même lui prêtait « (p. 532, n. 1).

fi) D’autres critiques estiment que saint Paul « 

avait

« déjà reçu de la tradition un récit du dernier repas
« de Jésus dans lequel il était expressément parlé
« d’une institution m (Goguel, p. i 86), et s’efforcent

d’expliquer sous quelle influence a pu si rapidement se créer cette illusion.

M. Jlelicher l’entend ainsi (p. 235-247) Jésus n’a pas pensé à instituer un rite, mais, dans le repas d’adieu, il a signifié, par une parabole en action, comment sa mort serait une source de bénédiction. Cette scène fît sur ses disciples une si profonde impression qu’ils la répétèrent, et en vinrent à regarder cette répétition comme prescrite par le Cbrist :

« C’eût été un miracle, qu’on n’eût pas très vite
« inséré dans le récit de la première cène les mots :
« Faites ceci en mémoire de moi », ou d’autres mots’( semblables » (p. 248).

D’autres critiques supposent une évolution plus compliquée : pour M. Gogvel (p. 131), « la fraction

« du pain a dû être à l’origine un simple phénomène
« social en rapjiort avec le genre de vie que menaient
« les premiers chrétiens » ; M. Hoffmann estime de

même que c’étaient seulement des « religiôse Picknicks » (p. 108). Voici comment on explique les transformations de cette institution :

i< Peu à peu, au moment où l’on commença à méditer sur la mort du Christ et à se renn’morer sajîassion, et peut-être sous l’influence d’apparitions du Ressuscité qui s’étaient produites quand les fidèles étaient à table, on se mit à considérer le repas qui assemblait les croyants comme une suite ou comme une reproduction des repas de Jésus, du dernier en particulier. De là à penser que Jésus était mystérieusement présent au milieu de ses disciples et que ce repas était un moyen de s’unir à lui, il n’y avait qu’un pas. » (Goguel, p. 133.)

La transformation décisive est opérée par saint Paul ; Aoici comment M. Goguel la décrit et l’explique :

« Les chrétiens (d’après saint Paul) ne mangent pas du

même pain parce qu’ils forment un même corps, ils forment un même corps parce qu’ils mangent le même pain. Ici apparaît la notion sacranientaire. Elle se trouve plus nettement encore dans l’idée que le pain et le vin sont le corps et le sang du Seigneur et mettent le fidèle en communion avec le Christ mourant. Sur ce point, l’euchnristie primitive a subi une transformation radicale. Entre le repas de l’église de Jérusalem et la cène corinthienne, une révolution s’est produite, le mot n’est pas trop fort. Il est très probable que la transformation est due à l’action de l’apôtre Paul, action inconsciente certainement, car en matière eucharistique, Paul n’a jias eu le sentiment d’innover » (p. 187).

G. — Le fait de l’institution

Il nous semble que l’exposé qui précède constitue déjà une preuve de ce fait : si des critiques qui ne manquent ni de science ni de talent ont dû se contenter des solutions que nous avons reproduites, c’est que, sans doute, ils avaient rendu le problème insoluble en en faussant les données. Il sullira, pour en déterminer les termes véritables, de discuter ra^jidement les hypothèses et les ai-guments que nous venons d’exposer.

a) Le témoignage de saint Paul et la pratique de l’Eglise primitive.

Le témoignage de saint Paul garantit d’abord avec évidence non seulement la célébration de l’Eucharistie dans l’église de Corintbe vers l’an 5^, mais encore ce fait que l’Eucbaristie y était célébrée comme un mémorial de la mort du Seigneur, et pour se conformer à une institution établie par lui.

Il nous force à remoiiter plus haut : saint Paul en effet s’autoi’ise d’une tradition qu’il a reçue et qu’il a transmise à son tour. Il est vrai (^u’il dit l’avoir reçue 1533

EUCHARISTIE

du Seigneur (j : y.rii’jy.Zo> y-ô tîv z^kî./) ; d’où M. Loisy, comme nous l’avons vu, conclut que cette tradition prétendue n’a d’autre source qu’une vision, c’est-à-dire, d’après lui, une autosuggestion. Certains historiens répondent que saint Paul n’entend pas signifier par là qu’il ait connu les i :)aroles delà cène par révélation immédiate, mai^^eulement que ces paroles, qu’il a connues par la tradition, viennent en elTet du Seigneur ; ils ajoutent que, s’il dit « -î et non -v.r.y., c’est sans doute pour exi)riiner une nuance d’éloignement et indiquer un intermédiaire (Batiffol, p. 6-~ ; G. Van Crombrugghe, I)e soteriologiæ fhutihus, l^. 151-155). Cette interprétation ne semble pas la plus probable : la langue bellcnistique n’établit pas entre àrs et -ry.py. la distinction si nette que l’on suppose (cf. J. MouLTOx, Grammar of N. T. Greek, I, p. 287 et 2^6 ; E.Brohse, Theol. Stud. und Krit., 1898, p. 351-36o), et l’allirmation emphatique de l’Apôtre (i/6j-/ko r.y.pi’j’y.^o-j) semble bien impliquer une révélation qu’il a reçue personnellement. C’est ainsi que, dans Gal., i, 12, saint Paul rapporte à une révélation l’origine de « son évangile » ; d’ailleurs cet autre texte nous aide à comprendre quel est l’objet propre de la révélation de l’apùtre : ce ne sont pas les faits historiques, qui font partie de la catéchèse commune, c’est leur signification intime ; ces faits cependant ont été reçus par l’apôtre et transmis par lui, comme appartenant à son évangile (I Cor., xv, i sqq.). Ainsi en est-il du récit de la cène : il contient des récits, il rapporte des paroles qu’on retrouve presque textuellenuMit chez les sj-noptiques ; tout cela dérive d’une traditioncolleclive, non d’une révélation personnelle ; mais le sens intime de ces faits, leur portée mystérieuse ont été révélés par le Seigneur à saint Paul. Cf. Berxixg, /. /., p. 52-G4.

Il faut donc admettre que, antérieurement à saint Paul, la célébration de l’Eucharistie est rattachée à une institution du Seigneur, et ceci s’entend sans peine, si l’on veut bien ajouter foi aux récits de saint Paul et des évangélistes. Au contraire, si l’on repousse leur témoignage, on se crée à plaisir des dillicultés insolubles : pour accepter le système de M. Jiilicher, il faut supposer sans aucune preuve, ou plutôt contre tous les textes : que l’action du Christ à la Cène n’était qu’une parabole ; que les disciples l’ont instinctivement répétée ; qu’ils ont instinctivement attribué cette répétition à un préceiîte du Christ. Si l’on suit MM. Hoilmann et Goguel, la dilVuultè est plus grande encore : on ne peut comprendre comment un repas de corps s’est transformé si rapidement en une commémoraison de la cène du Seigneur, et comment cette commémoraison a été censée voulue et instituée par le Christ.

h) I.ea textes des synoptiques.

Il est éviilcnt que le texte do saint Luc, tel que nous le lisons anjoiU’d hui, corrobore le témoignage de saint Paul, mais on met en question l’aiithenlicité des versets 19-20, où on lit les paroles de l’institution : ces versets sont omis pa ; - le cude.r liezæ { D) et qucl<jiies manuscrits de l’ancienne version latine (n d //- il) ; les versions syriaques du Sinaï, de Curoton et la Peshilto ont toutes trois diverses lacunes on trans])Osi lions (v. Go( ; ukl, p. 110, 111). En conséquence, Wi ; sTcoTT-HoKT et, après eux, la plupart des édilouis anglais regardent l".t-"20 comme interpolés. Celte condamnation semble injustifiée : l’omission de ces deux versets est proj)re au te :  ; tc dit occitlental ; elle s’explique assez aisément par le désir di- supprimer la didiculti- apparente que crée la doublr- mention de la coupe (17-18 et 20). Au contraire, ces deux versets se trouvent dans tons les giands manusci-its grecs (sauf I), ijui est bilingue) : ils sont exigés ))ar le parallélisme du récit |20 répond à l’.l, comme 17-18 à 15-l(ii : enfin on no saurait expliipicr leur insertion dans ce passage : s’ils ont été, comme on le jirétend, empruntés à S. Paul, d’où vient l’addition de ~i J-’ip jit.wi

£/ ; ^-j>yo’/ ; v5> ? d’où vient l’omission du second ordre de répétition (tîvtî t : o(S(tî) ? Ils sont maintenus par Tische.ndcIkf et Nestlé ; pour une discussion plus complète de leur authenticité, v. Berxing, p. 25-47 ; Batiffol, p. 22-28 : J. Réville, p. 98-102 ; Gogue’l, p. 108-117.

L’authenticité intégrale du texte de S. Luc, ainsi établie, contirme ce qui a été dit plus haut de la valeur du témoignage de S. Paul : on s’accorde en eiî’et unanimement à reconnaître que l’évangile de S. Luc est indépendant des épîtres de S. Paul ; son récit s’appuie donc sur une tradition antérieure, celle-là même dont saint Paul aussi dépend.

A cette tradition, qui mentionne explicitement l’institution de l’Eucharistie par Jésus, on oppose les textes de S. Marc et de S. Matthieu. Cette opjjosition est gratuite : rien chez ces deux évangélistes ne contredit le fait de l’institution ; Mgr BatilTol remarque justement (/. /., p. 69) : « Nous ne pouvons vraiment pas ne pas souligner ce qu’a d’arbitraire le ])rocédé

« par lequel on fait taire les témoins qui atlirment, 
« pour n’écouter que ceux qui ne disent rien. » 

Il faut aller plus loin : le rapprochement cjui est fait par S. Marc et S. Matthieu entre le repas pascal et la Cène du Seigneur montre assez que Jésus a voulu instituer une Pàque nouvelle et pas seulement prendi-e avec ses disciples un repas d’adieu ; la remarque est d’un protestant libéral : « Le fait décisif, cjui tranche

« la question (de l’institution) dans le sens affîrmatif, 

est moins la formule de Paul et de Luc que

« l’attitude générale de Jésus, qui voulut évidemment’( maintenir la Pàque, mais en en renouvelant le sens. » 

(LoBSTEix, La doctrine de la Sainte Cè « e(Strasl)ourg. 1889), p. 80.) Cf. G. B. Stevens, The Theology of tlic N. T. (Edinburgh, 1901), p. I25.

c) L omission du récit de la cène par S. Jean.

L’objection qu’on tire de cette omission est extrêmement fragile ; au temps de Gfrorer, on y attachait beaucoup d’importance ; aujourd’hui les critiques la mentionnent à jieine. En elfet il est hors de doute que, quand S. Jean écrivit son évangile, l’Eucharistie était regardée depuis longtemps comme instituée par le Christ, et le récit de cette institution était familier à tous. Dès lors on conçoit sans peine que S. Jean ne l’ait pas reproduit (cf. Calmes, L’évangile selon Saint Jean (Paris, igo^), p. 370). D’autre part, le fait de l’institution est certainement supposé par le discours eucharistique rapporté au ch. vi : les menaces et les promesses du Christ visent, par delà ses auditeurs de Capharnaiim, tous ses futurs disciples et elles supposent que, pour eux tous, l’Eucharistie, qui sera instituée par Jésus, sera la source indispensable de la vie.

Conclusion. — Les textes évangéliques, même si on les supposait isolés, seraient déjà de nature à produire la conviction ; mais si on considère leur coliésion étroite, non seulement avec le témoignage de S. Paul, mais avec la pratique de l’Eglise primitive, ils acquièrent une force irrésistible : suj^primer le fait de l’institut ion de l’Eucharistie par Jésus-Christ, ce n’est pas seulement faire violence aux textes, mais c’est introduire gratuitement dans les faits des contradictions insolubles.

II. — L’Eucharistie d’après le Nouveau Testament

Le fait de l’iiislilulion étant établi, il reste à déterminer l’objet de cette institution. L’enseignement du Nouveau "Teslamont est, sur ce point encore, très explicite, et il y a avantage à le considérer en lui-même avant d’étudier le témoignage delà tradition. Pour rendre la discussion plus claire, nous distinEUCHARISTIE

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guerons ici, comme plus bas, la question de la présence réelle, celle de la transsubstantiation, celle du sacrifice eucharistique. A vrai dire, cette distinction dissocie des éléments inséparables de la doctrine eucharistique : on montrera plus bas que la présence réelle ne peut se concevoir pleinement sans la transsubstantiation ; entre la présence réelle et le sacrifice la coliésion n’est guère moins étroite : si le Christ est réellement présent au Saint-Sacrement, c’est comme une victime, et inversement, si le sacrifice est réel, c’est que le Christ y est réellement présent. Ainsi toutes ces vérités sont si intimement unies qu’elles ne se peuvent entendre parfaitement Tune sans l’autre ; on nous permettra cependant de considérer successivement les divers aspects de cette réalité unique.

A. — La présence réelle

o) Etat de Ja question.

L’Eglise a souvent professé sa croj’ance au dogme de la présence réelle ; elle l’a fait en particulier au concile de Trente, sess. xiii, cap. i, cf. can. i, Denz., 87/1(755), cf. 883(763) : « Principiodocet sancta Synodiis et aperte ac simpliciter profîtetur, in alnio sanctæ Eucharistiæ sacramento post panis et vini consecrationem Domimim nosfriini lesuni Christum veruni Deum atque hominem vere, realiter ac substantialiter snh specie illarum rerum sensibiliiim contineri. »

Les Grecs schismatiques professent sur ce point la même croyance ; v. la confession de Dosit liée au concile de Jérusalem de 1672, n. 17 (Kimmel, Moniunenta fidei Ecclesiæ orientalis (lenae, 1850), I, p. 457) ; Macaire, Titéologie dogmatique ortltodoxe (Paris, 1860), II, p. 456 sqq.

Il est impossible d’entrer ici dans le détail des mille nuances et des mille variations qu’on remarque, en ce point, parmi les S3niboles des églises protestantes ; on peut les ramener à trois conceptions principales : « ) La conception luthérienne maintient le dogme de la présence réelle : au début, Luther garde même, du moins à titre d’opinion libre, le dogme de la transsubstantiation, puis il l’élimine pour professer que : ’( est veruni corpus et sanguis Domini nosfri lesu Christi in et suIj pane et vino ». (Catech. maior, pars v). /3) CALvi>f repousse la présence substantielle du corps du Christ, mais admet une présence dynamicjue : « Nos âmes ne sont pas

« moins repeues de la chair et du sang de Jésus-Christ, 

que le pain et le vin entretiennent la vie

« des corps… Que s’il semble incroyable que la chair’< de Jésus-Christ estant esloignée de nous par une
« si longue distance, parvienne jusqu’à nous pour
« nous être viande, pensons de combien la vertu secrête

du Sainct Esprit surmonte en sahautesse tous

« nos sens… Or Jésus-Christ nous testifie et scelle en
« la cène cette participation de sa chair et de son
« sang, par laquelle il fait découler sa vie en nous, 
« toutainsique s’il entroit ennososet ennos moelles.
« Et ne nous y présente pas un signe vuide et frustratoire.

.. combien qu’il n’y ait que les seuls fidèles qui

« participent à ce convive spirituel. » (fnstit., IV, xvii, 

10.) /) Zavingle repousse cette présence dynamique du corps du Christ, comme sa présence substantielle ; il ne voit dans les éléments eucharistiques qu’un symbole du corps du Christ et dans la cène qu’un mémorial. C’est cette conception symboliste qui rallie aujourd’hui le plus de suffrages parmi les théologiens protestants du continent : ’< L’hypothèse intcrmédiaire et insoutenable de Calvin est de plus en plus

« abandonnée, et ceux-là mêmes qui, en Allemagne, 
« en Angleterre et en France, cherchent à faire re
« vivre la conception luthérienne répugnent à ses’( formules précises et à ses conséquences logiques. ; >

(F. LicHTENBERGER, art. Cène, dansV Encyclopédie des sciences religieuses, II, p. 792-793.) Pour l’histoire des opinions protestantes on consultera toujours avec fruit Bossukt, Histoire des variations, surtout 1. II(Luther et Zwingle)etl. IX (Calvin) ; cf. K. G. Goet/, Die Abendmahlsfrage, p. 35-ioo ; Loges, art. Abendmalil, II, dans Healencykloptidie fiir protest. Theol., i, p. 64 sq. : LicHTENBERGKR, art. cité, p. 788-792.

Parmi les théologiens protestants contemporains on peut citer A. Réville, Manuel d’instruction religieuse (Paris, 1866), p. 250 sq. ; Guétjllat, Exposé de théologie systématique, IV (Xeuchàtel, 1890), p. 506-508. La conception luthérienne est défendue par Martensex, Dogmatique chrétienne, traduite par G. DucRos (Paris, 1879), p. 677.

Dans l’Eglise d’Angleterre, la diversité d’opinions a été de tout temps très grande au sujet de la présence réelle, et aujourd’hui les plus hautes autorités anglicanes s’accordent à présenter cette question comme une question libre : l’évêque anglican de Birmingham, M. GoRE, écrivait : « Nos présents formulaires de foi laissent la question de la prt-sence

« objective (du corps du Christ) une question ouverte, 
« de sorte que nous ne pouvons nous traiter mutuellement

d’hérétiques pour la tenir ou la rejeter : ’( Cette conclusion s’imposait à John Keble… et ré-’( cemment l’archevêque de Canterbury [D"" Temple]

« l’aflirmait de nouveau dans son mandement. » 

(The body of Christ (London, 1902), p. 234.) Cf. Charge delivered at his first Aisitation by Frederick, Arciibishop of Canterbury (London, 1898). p. 10. Cette diversité d’opinions s’est fait jour d’une façon très instructive dans la conférence tenue au palais épiscopal de Fulham, à Londres, en octobre 1900 : The doctrine of koly Communion and its expression in Ritual, Report of a Conférence held at Fulham Palace, in october 1900, edited by Henry Wace, D. D., Chairman of the conférence (London, 1900). On trouvera sur ce sujet des renseignements plus circonstanciés chez M. P. Cavrois, La présence réelle chez quelques Anglicans (Aouvelle Lievue théologique, mai, juin et juillet 1908). L’histoire de la théologie anglicane de l’Eucharistie depuis Henri VIII jusqu’à nos jours a été racontée avec grand détail par Daniel Stone, A history of the doctrine of the hoir Eucharist (London, 1909), II, p. 107-355 et 44-3647 b) Les preuves.

La présence réelle de Xotre-Seigneur dans l’Eucharistie peut se prouver y) parles paroles de l’institution, /5) par l’enseignement de saint Paul, y) par le discours eucharistique du Christ rapporté par saint Jean.

a) Les paroles de l’institution ont d’elles-mêmes un sens clair et certain : « La présence réelle du corps

« et du sang de Xotre-Seigneur, dans ce sacrement, 
« est solidement établie par les paroles de l’instilution, 

lesquelles nous entendons à la lettre ; et il ne

« faut non plus nous demander pourquoi nous nous
« attachons au sens propre et littéral, qu’à un voyageur, 

pourquoi il suit le grand chemin. » (Bossuet, Exposition de la doctrine de l’Eglise catholique, x.)

Dans le discours où ces paroles sont rapportées on ne peut relever aucun indice de symbolisme ; et il serait de la plus haute invraisemblance que, la veille de sa mort, au moment où il instituait un rite qui devait avoirune telle importance dans son Eglise, Jésus, parlant à des hommessi simpleset si grossiers, se fût servi de paroles en apparence si claires pour cacher un symbolisme si mystérieux et si difiicile à 1557

EUCHARISTIE

1558

saisir. Que l’on considère en effet la miiltiplieité et la diiricultë des interprétations sjmbolistes ; Bellarmix écrivait déjà (De Eachar., i, 8) : « Xuper etiani anno

« lôy’j prodiit libellus, in quo ducentæ nunierantiir
« bæreticorum vel expositiones vel depravationes
« Iiorumpaucoruniverborum : Hoc est corpus nieuni. » 

De nos jours ces essais d"inter[irétation se sont multipliés encore, et sans résultat : pour Juelicher (/. l. i. 244) le Christ a syml)olisé sa mort ; pour Spitta (p. 282), son règne messianique ; pour Pi-LEmEREU ( ! , II. 681), sa victoire prochaine ; pour J. Réville (p. J^^), son union avec ses disciples ; pour Goguel (p. 100), le don de soi ; Weizsæcker (p. S^ô) ne voit là qu’une parabole que Jésus a laissée sans solution. Quiconque relit sans prévention le récit de la cène et ces paroles si simples « Ceci est mon corps », (( Ceci est mon sang ». n"a pas de peine à décider si Jésus a vonlu proposer aux théologiens et aux critiques de l’avenir une énigme insolvible, ou s’il a voulu se donner réellement à ses disciples et à son Eglise.

Parmi les théologiens catholiques, Cajétan est le seul, semble-t-il, qui ait enseigné que le sens des paroles de l’institution ne pouvait être déterminé que par l’interprétation traditionnelle de l’Eglise ; on lit dans son commentaire de la Somme (édition de 1540), in III^"’, q. 76, a. i : « … Consistit vis re-’< probationis (negantium) in hoc quod verbaDomini .< intellecta sunt ab Ecclesia proprie, et propterea ( oportet illa verilicari proprie. Dico autem ab Ecclesia : quoniam non apparet ex evangelio coactivum aliquid ad intelligendum liæc verba proprie. » Cette doctrine a été réprouvée par S. Pie V, qui a fait elTacer ces mots dans les éditions postérieures. Dans sa session xiii (oct. 1551), le concile de Trente argumente à la fois de l’Ecriture et de la tradition [ch. I, Denz., 8^4 (^55)] : « Quæ verba a sanctis Evan-’< gelistis commemorata et a Divo Paulo postea repetita, cum propriam illam et apertissimaui significationem præ se ferant, secundum quam a Patribus intellecta sunt, indignissimum sane flagitium

« est, ea a quibusdam contentiosis et pravis hominibus

ad lictitios et imaginarios tropos, quibus

« Veritas carnis et sanguinis Chrisli negatur, contra
« universum Ecclesiæ sensum detor([ueri. » 

Objections tirées des paroles de l’institution :

Le pronom toOtî, lioc, signifie ce que le Christ tenait dans ses mains, c’est-à-dire du pain ; dès lors, si l’on admet la présence réelle, il faudra dire avec les luthériens : « Ce pain est mon corps », ou bien interpréter violemment le verbe « est » au sens de

« est changé en », « ce pain est changé en mon corps ».

(Calvin, Instit., IV, xvii, 20.) — Depuis longtemps les scolastiques avaient résolu cette objection ; v.S. Thomas, IIP, q. 78, a. 5 : le pronom hoc ne signifie pas la substance du pain ni la substance tlu corps du Christ, mais, d’une façon indéterminée, la substance qui est contenue sous les espèces du pain et du vin. Cette réponse est parfaiteuienl juste si l’on donne à rîûrc (hoc) toute sa valeur prououiinale. On peut aussi ne voir dans roùrd hn (hoc est) qu’une seule locution, équivalente à tSoù (ecce) ; cf. Exod., xxiv, 8, dans la LXX : îëyj ri v.l<j.’y. tô ; ô t « <// ; >/ ;  ; , d tin s Ilcbr., ix, 20 : tîOtî T9 v.iixv. rr, i Siy.ô/y.r, :. Dès lors r<d)jection n’a plus de raison d’être, du moins en tant qu’elle porte sur la formule de l’institution.

Le mot - : "(v. dans l’Ecriture, signifie souvent non une identité, mais une signification symltolique. A. Réville cite dans ce sens (Manuel, p. 260), Joan., XIV, G ( « Je suis la voie, la vérité et la vie ») ; x, 7 ( « Je suis la porte des brebis ») ; xv, i ( « Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron ») ; Matih.. xiii, 3^-39 ( « Celui qui sèuie la bonne semence, c’est le Fils de l’homme… »). Cf. Calvin, Iiistit., IV, xvii.

21, — On A’oit sans peine que tous ces exemples sont sans portée : dans tous les textes cités le contexte indique assez que Jésus n’exprime qu’une allégorie ou une parabole, et, par conséquent, détermine le sens symbolique de èirtv : dans les paroles de l’institution on ne trouve rien de tel ; dès lors, il est tout à fait arbitraire de ne pas laisser à i^-i-j son sens normal.

Au début du xix* siècle, on a cru trouvcr un argument pour l’interprétation symbolique dans ce fait prétendu que la langue araméenne, dont se servait Notre-Seigneur, n’avait qu’un même terme pour exprimer l’identité réelle et la représentation symbolique. Cf. HoRN, An introduction to the critical studyand hioaledge of ihesacred Scripture (London, 1820). — Cette assertion a été amplement et délinitivement réfutée par Wiseman, Horæ sir/flcæ (ouvrage reproduit dans Migne, Démonstrations éyangélifjues, t. XVI), cf. J. Lamy, Dissertatio de Syrorum fi de et disciplina in re eucharistica (Louvain, 1809) ; Ber-NiNG. Einsetzung, p. 197-208 et surtout 204-205.

Chez saint Paul et chez saint Luc, la consécration du calice se lit sous cette forme : « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang. » D’après Calvin {Instit., IV, xvii, 23), cette expression plus développée fixe le sens de l’expression plus concise : « Ceci est mon corps », c’est-à-dire : « Ceci est la nouvelle alliance en mon corps » ; dans les deux cas, ce qui est afiirmé n’est pas une identité substantielle, mais une présence spirituelle. Cf. Grétillat, Exposé. IV, p. 007. — Si l’on compare entre elles la formule de Matthieu-Marc ( « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance ») et celle de Paul-Luc ( « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang »). on constate que cette dernière accuse, par sa forme même, le travail de la réfiexion ; l’autre, plus simple et i^lus limpide, a toute chance d’être primitive (cf. Rivière, Le dogme de la Rédemption, p. 85-86 ; Berni.xg, Einsetzung, p. 130-132) ; c’est donc avant tout la formule de Matthieu-Marc qu’il faut considérer. Au reste, les deux formules ont même valeur, à cela près cque celle de S. Matthieu afiirme plus directement la présence de la victime, celle de S. Paul, plus directement la réalité du sacrifice ; mais ces idées sont nécessairement corrélatives et sont énoncées comme telles : le sang que le Christ présente, d’après saint Matthieu, c’est le sang du sacrifice de l’alliance ; et l’alliance qu’il affirme, d’après saint Paul, c’est l’alliance scellée par son sang. On constate ici une fois de plus l’intiissoluble unité de ces deux idées, du sacrifice et de la présence réelle.

î) L’enseignement de S. Paul. — On étudiera plus bas (col. 1 505-1 566) le texte (I To ; -., x, 16-21)0Il S. Paul décrit la couimunion au corps et au sang du Christ, et on constatera que cette communion suppose, dans l’Eucharistie, la présence réelle de ce cori)s et de ce sang.

On arrive à la même conclusion en considérant le chapitre xi, où saint Paul, pour corriger les abus qui s’étaient introduits à Corinthe, rappelle l’instilution de l’Eucharistie par le Christ, et conclut au respect dû au sacrement. La partie essentielle de ce texte se répartit en deux sections : la in-emière (23-26) contient le récit de l’institution de l’Eucharistie ; la deuxième (27-29), les conclusions pratiques cpie l’apO » tre en tire. Nous ne reviendrons pas sur la pi-emière, ayant déjà montré comment le récit de saint Paul nous garantit historiquement le fait de l’inslitufioii de l’Eucharistie (col. 1552), et comment les paroles du Christ, qu’il rapporte comme les synoptiques, nous assurent de la présence réelle de son corps cl de son sang (col. 1556). Les conclusions qu’ajoute l’apôtre 1559

ELXHARISTIE

1560

confirment cette doctrine et la précisent en un point : elles montrent que quiconque communie indignement

« est responsable du corps et du sang du Seigneur », 

qu’il « mange et boit sa condamnation parce qu’il ne discerne pas le corps » du Seigneur. Donc le corps du Clirist est reçu même par les indignes ; sa présence réelle ou ol)jective au Saint-Sacrement ne dépend pas de la foi ni des autres dispositions du communiant. Cf. S. Augustin, De Baptismo, V, viii, 9 (P.L., XLIII, 181) : « Indigne quisque sumens Dominicum

« særamentum, non eflicit ut, quia ipse malus est, 

(( malum sit aul, quia non ad salutem aceipit, niliil

« acceperit. Corpus enim Domini et sanguis Domini
« nihilominus ciat etiam illis quii)us dicebat apostolus : 

(^)ui manducat indigne, iudicium sibi man-’( ducat et bibit. »

Tout catholique reconnaît à l’enseignement de saint Paul une autorité définitive ; mais, même si l’on veut faire abstraction de l’infaillibilité de l’apôtre, pour considérer. d"un point de vue apologétique, la valeur liistoi’ique de son témoignage, on reconnaîtra sans peine que sa portée est de tout premier ordre, soit que Ion considère la date du témoignage, la qualité du témoin, la tradition à laquelle il se réfère ; nous avons ici l’interprétation la plus ancienne et la plus authentique que l’Eglise ait donnée de l’Eiicliaristie, et, si Ton fait attention à la célébration si fréquente de ce mystère, à la place centrale qu’il occupait dans le culte chrétien, il faut avouer qu’une tradition ainsi représentée s’impose non seulement à l’assentiment du théologien, mais au respect de tout historien. M. GoGUEL (L’Eucharistie, p. 18^) veut voir ici une transfornuition « due à l’action de l’apôtre Paul,

« action inconsciente certainement, car en matière
« eucharistique Paul n’a pas eu le sentiment d’innover
«. Ces derniers mots trahissent assez tout

ce que cette supposition a d’invraisemblable : il est bien arbitraire et bien imprudent d’aliirmer aujourd’hui une transformation de cette iuqiortance, que l’Eglise d’alors n’a pas remarquée et dont l’auteur même n’a pas eu conscience.

Des textes de S. Paul on a voulu tirer plusieurs objections. De I Cor., x, 16-22, on a voulu conclure que la communion au corps du Christ devait être expliquée par la communion aux démons (Schmiedel, in h. l ; Ghétillat, /. /., p. 507). — On montrera plus bas (col. 1566) que le texte implique une analogie toute différente entre le corps du Christ et les idolothytes, et suppose de part et d’autre une communion réelle.

Dans le chapitre xi, les versets 27-29 s’appuient sur tout le récit qui précède : si donc on est « responsable du corps et du sang du Christ », ce n’est pas seulement, comme le veut Schmiedel (Hand-Commentar, in h. /.). parce qu’on « annonce la mort

« du Seigneur », mais c’est avant tout parce qu’on a

reçu indignement le corps et le sang du Seigneur ; cf. GoGUEL, L’Eucharistie, p. 178 : « Bachmann

« observe avec raison que si l’apôtre dit : coupable
« envers le corps et le sang du Seigneur, et non pas
« seulement coupable envers le Seigneur, c’est que, 

i( pour lui, le pain-corps et la coupe-sang sont réellement le Seigneur et non pas des symboles. Le " caractère réaliste de la conception paulinienne

« explique aussi les conséquences qu’a pour l’apôtre
« la communion indigne. » 

/) Le discours eucharistique de Jésus-Christ chez S. Jean (ch. vi). — Ce discours de Noire-Seigneur a reçu, même parmi les catholiques, deux interprétations diil’érentes : quand Jésus parle de manger sa chair et de boire son sang, les uns reconnaissent dans ces paroles une allusion directe à l’Eucharistie ; les

autres n’y voient qu’une locution figurée signifiant l’union au Clirist par la foi. Le concile de Trente, dans sa session xxi% s’est refusé à trancher cette controverse ; cependant l’interprétation eucliaristique, qui, même au xvi’siècle, était plus généralement adoptée, est aujourd’hui communément reçue ; elle a pour elle les autorités patristiques les plus graves et les plus noml)reuses, et elle rend mieux raison du texte évangélique.

Pour l’histoire de l’exégèse de ce chapitre, v. "’al. ScHMiTT, Die Verheissung der Eucharistie (Joh. vi). 1. Grundlegung und patristische JAteratur bis Konstantin. (11) Die Verheissung… bei den Antiochenerv. Crrillus roH Jérusalem und Johannes Chrysosloinus (Wiirzburg, 1900, 1903). A. Xægle, Die JJucharistielehre des hl. Joh. Chrysost. (Freib. i. Br., 1900). p. 36-47 ; E- ^Veigl, Die Heilslehre des hl. Crrill’un Alex. (Mainz, 1903), p. 201-220 ; Schaxz, Die I^ehre des hl. Augusiins iiber die Eucharistie (fheolog. Quartahchrift, 1896, p. 79-116) ; F. Cavallkra, L’interprétation du ch. VL de S. Jean ; une contros’erse exégétique au concile de Trente (Revue d histoire ecclés., X (1909). p. 687-709).

Les réformateurs du xvi’siècle rejetaient unanimement l’interprétation eucharistique (v. Th. Zahx, Das Evangelium des Johannes (Leipzig, 1908), p. 344345) ; aujourd’hui, selon la remarque d’un protestant libéral, « d’une manière générale les exégètes catholiques et ceux de l’école critique se prononcent a pour l’interprétation eucharistique ; les protestants conservateurs la repoussent » (Goguel, L’Eucharistie, p. 204, n. i).

Dans ce chapitre ai on peut distinguer quatre parties principales : le récit de la multiplication des pains et de la marche du Christ sur les eaux (1-26) ; le discours du Christ sur le pain de vie descendu du ciel (27-01), sur la nécessité de manger sa chair et de boire son sang (52-5g) ; le récit de l’incrédulité des disciples et de la confession de S. Pierre (60-71). C’est dans la 3* partie surtout qu’il est question de l’Eucharistie, mais les autres parties y tendent ou s’y rapportent ; sans doute il est tout à fait excessif de voir, comme M. Loisy, des symboles de l’Eucharistie dans tous les détails historiques rapportés par S. Jean dans ce chapitre (cf. M. Lepix, La valeur historique du quatrit’me évangile (Paris, 1910), ! , p. 6-70) : mais, d’autre part, il paraît ditlicile de nier la relation qui unit à l’Eucharistie soit le récit de la multiplication des pains (cf. Lepix, p. 69), soit surtout le discours du Christ sur la manne et le pain de vie. Quant aux versets 52-69, ^^ sufiit de les lire pour constater leur signification eucharistique, et, du moins en ce qui les concerne, on reconnaîtra avec M. Loisy (/.e quatrit’me évangile (Paris, 1908), p. 45) que « le discours sur le pain de vie n’a plus de sens

« déterminable et porte sur le vide, si l’on n’y recon-’  « naît une instruction touchant le mystère de l’Eucharistie

».

Ce point étant aujourd’hui peu contesté, il faut insister surtout sur le caractère delà doctrine eucharistique ainsi prêchée par Jésus. Ce caractère est manifeste, soit que l’on considère en eux-mêmes ces versets, soit qu’on les rapproche de ceux qui précèdent :

« Le pain que je donnemi est ma chair pour la vie du

monde. Et les Juifs disputaient entre eux en disant : Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger.’Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. C ir ma cliair est une vraie nourriture, et mon sang est un vrai breuvage. Celui qui

/ 1561

EUCHARISTIE

1562

mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. De même que le Père, qui est vivant, ma envoyé et que je vis))ar le Père, ainsi celui qui me mauge vivra par moi. Voici le pain descendu du ciel, non comme celui qu’ont mangé les pères, qui sont morts ; celui qui matige ce pain vivra éternellement. »

On ne peut souhaiter de déclarations plus catégoriques ; elles paraissent plus sig-nilicatives encore à (pii considère le scandale des Juifs : si Jésus n’avait voulu parler que d’une manducation sjanboliqvie, il eût assurément tlissipé d’un mot le malentendu, au lieu de redoubler les affirmations qui cho(iucnt ses auditeurs et les révoltent. C’est en vain qu’on a voulu voir une atténuation dans le verset 03 (v. infra).

Cette signification est encore plus claire, si l’on remarque le lien qui unit entre elles la deuxième partie du discours (27-51) et la troisième (52-5f)) : dans la deuxième, le Christ se présente comme le pain de vie descendu du ciel pour donner la vie au monde (33, 48. 50, 5 1), et il conclut : « le pain que jeilonnerai est ma chair pour la vie du monde ». Dans la troisième partie, il affirme plus explicitement la nécessité de manger sa chair, et il termine en repi-enant :

« Voici le pain descendu du ciel… celui qui mange

ce pain vivra éternellement. » Il y a là, entre l’incarnation et l’eucharistie, une analogie profonde, que les Pères, comme nous le dirons plus Jjas, ont souvent développée, et qui est eu elFet une des garanties les plus assurées de la présence réelle : s’il est vrai que c’est une chair réelle que le Fils de Dieu a prise en s"incai"nant et qu’il donne pour la vie du momie, c’est aussiune chair réellequil nous donne à manger dans l’eucharistie ; et de même que notre foi est requise non pour que l’incarnation soit réelle, mais Mour cjue nous en recueillions les fruits, de même iu>tre foi est nécessaire non pour que le corps du Christ soit présent au Saint-Sicreracnt, mais pour <pie sa présence nous y soit salutaire. Cf. Bossuet, Méditations sur Vé’angile, 32’"jour : « … Ainsi l’œuvre’( lie notre salut se consomme dans l’Eucharistie, en K mangeant la chair du Sauveur. Il y faut a[)porter

« la foi, car c’est parla quil commence : il faut croire

< eu Jésus-Christquidonnesachairà manger, comme (c il faut croire à Jésus-Christ descendu du ciel,

« et revêtu de cette chair. Ce n’est pourtant pas la

i foi, qui fait que Jésus-Christ est descendu du ciel, et a paru en chair ; ce n’est pas non plus

la foi, qui fait que cette chair est donnée à man> i, er. Croj’ons ou ne croyons pas, cela est ; croyons ^)U ne croyons pas, Jésus-Christ est descendu du V ielen chair humaine ; croyons ou ne croyons pas, . Jésus-Christ donne à manger la même chair qu’il a (i prise. »

Contre l’interprétation précédente les synd)olistes font valoir le verset 63 : « C’est l’esprit qui vivilie ; la

« chair ne sert de rien. » Pierre Martyr expliciuail

ainsi cette parole : « Les Capharnaïles croyaient

« que la chair (hi Christ devait être mangée corporellement, 

comme le croient maintenant les Part pistes. Le Christ a corrigé leur erreur en <lisant :

« La chair ne sert de rien ; le Seigneur signilie (htnc

tt que sa chair ne doit pas être mangée corporelle «. ment, mais spiritiudlcment par la foi seule. » (.A.p. Hellahm., De EucUaristia, i, i/J.) La plupart des lliéulogiens protestants donnent aujourd’hui encoi’C cette interprétation symboliste : PrLEioEREu, Urchristentum. II, p. /||j9 ; J. Rkville, I.e’i' cs-(in^ile, p. 183 ; GoGUEL, [’lùiciiaristie, p. 208, etc. — Si cette interprétation étaitvéritalde, il faudraitadmeltre ([ue l’incarnation est inutile ; qu’on le remarque bien en elTet : (hms ce verset, comme dans tout le chapitre, la théologie de l’eucharistie est inséparablement unie à celle de l’incarnation : si vraiment la chair du

Christ ne sert de rien, on ne peut plus entendre ni le précepte eucharistique ( « si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme… vous n’avez pas lavie en vous '>>) ni non plus le discours sur le pain de vie ( < le pain que je donnerai est machair pour lavie du monde »). Toute difficulté disparait, si l’on comprend que l’esprit est l’unique principe de vie, et que, jiar conséquent, la chair du Christ n’est vivifiante cpi’en tant qu’elle est toute pénétrée par l’esprit ; on retrouve ici deux des traits les plus caractéristiques de la théologie johannique : un réalisme intransigeant, qui repousse le docétisme comme la plus grande impiété, et, d’autre part, une estime exclusive de l’esprit, seulprincipedevie. Cf. S. Auglst., inlo., tract, xxvii, 5 (P. L., XXXV, 1617).

On comi^rend mieux encore cette doctrine, si l’on considère l’union vivitiante produite par l’eucharistie entre le Christ et le chrétien : le Christ est la vie même et l’unique source de vie ; pour être vivilié par lui, le chrétien doit aller à lui par la foi, par l’amoiu-, par l’observation des commandements (m, 15, lO, 36 ; v, 24 ; xv, g, 10, 14, etc.) ; toutes ces démarches constituent l’accession au Christ des âmes attirées à lui parle Père (vi, 44. 45). Mais le Christ de son côté vient au fidèle et se donne à lui, d’abord par l’incarnation (vi, 38 sqq.), ensuite par l’eucharistie (vi. 50 sqq.), et, au terme de ce rapprochement, c’est l’union et la communication de la vie : « Celui qui <( mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi

« et moi en lui. De même que le Père, qui est vivant, 
« m’a envoyé et cpie je vis par le Père, ainsi celui qui
« me mange vivra par moi » (vi, 56, 57). Sans doute

dans ces dernières paroles il n’y a qu’une analogie ; mais, puisque cette analogie est véritable, il faut entendre ici une union physique, qui fait participer le chrétien à la vie même du Christ et qui devient pour lui ici-bas le principe de la grâce, au ciel le principe de la résurrection et de la gloire (cf. J. Lebretox, Les origines du dogme de la Trinité (Paris, 1910), p.403 sqq.). Nous retrouverons plus bas(col. 1570-157 1) cette conception chez les. Pères.

B. — f.a transsubstantiation

(i) I : îi ; l d<- la question.

La foi catholique est énoncée en ces termes par le concile de Trente [se5s. xiii, cap. 4 ; Denz., 877 (758)] : Quoniain aiitem Cliristus reæmptor noster corpus suum id, quod suIj specie panis ojferebat, ^-ere esse dixit, ideo persuasuni seniper in Ecclesia Dei fuit, idque nunc denuo sancta liæc Synodus déclarât, per consecrationeni panis et vini conversioneni fieri tôt i as substantiæ panis in substantiam corporis C/iristi Domini nostri, et totius substantiæ vini in substantiam sanguinis ejus. Quæ conversio convenienter et proprie a sancta catltolica Ecclesia transsubstantiatio est appellata. Cf. can. 2 |Denz.. 884(764)|.

Les schismaliques grecs professent en ce point la même croyance : Confession orthodoxe, i, 56 (Kimmkl,

I, 126) : « Le Fils de Dieu se trouve dans l’Eucharistie par transsubstantiation (zarày.-rîJTcojTtv) ; la substance (ov71a) du pain est changée (, uttT « , ÎK//£Tai) en la

« substance de son saint corps ; et la suljstance du
« vin en la substance de son sang précieux. » Cf. Confession

de Dosithée au concile de Jérusalem (1672) :

; < Xous croyons fque, après la consécration du pain et

u du viii, la substance (oùtik) du pain et du vin ne

« demeure pas, mais le cor[)s même et le sang du

<c Seigneur est sous l’apparence (siôfi) et la forme

« (rvr’-j) du i)ain et du viii, c’est-à-dire, sous les accidents

(tvu ::, ?/ ; zî71v) du pain. » De même dans l’Eglise russe : v. Macaihr, Théologie dogmatique orthodo.re,

II, p. 457 sq. Cf. Stoxe, a history of tlie doctrine of 1563

EUCHARISTIE

156’i

the hoir Eiicharist, I, p. 175-192 ; Jugie, Le mot transsubstantiation chez les Grecs avant 1029, dans Ecltus d’Orient, X (1907), p. 0-12.

Cette doctrine est au contraire repoiissée par tous les protestants et les anglicans, luème par ceux qui admettent la présence réelle ; elle a été particulièrement attaquée parPusEY, Tlie doctrine of ilie real présence (Oxford, Parker), p. i-314, et i)ar Gohe, Dissertations on siihjects connected aith the Incarnation (3"= éd. London, i 907), p. 229-286 : Transsubstantiation and nihilianisin.

b) Les preuves.

Le texte du concile de Trente, cité ci-dessus, donne comme preuve de la transsubstantiation les paroles de l’institution, d’où est née la croyance perpétuelle de l’Eglise. On peut entendre de deux façons cet argument : on peut, — et c’est le sentiment de la plupart des théologiens, — voir une preuve suffisante de la transsubstantiation dans le texte lui-même (hoc est corpus meum) considéré indépendamment de la tradition ; on peut au contraire penser que la tradition seule nous fait reconnaître dans ce texte une preuve certaine de la transsubstantiation. Cette seconde interprétation, qui est celle de Scot, de DiRAND, de Pierre d’Ailly, n’est pas regardée par Franzelix (De Eucharistia-, th. xv, p. 25^) comme inconciliable avec la doctrine du concile de Trente ; d’autres théologiens sont plus sévères, p. ex. Yasquez (Disput. cLxxx, c. 5, n. 51 sq.).

Nous considérerons plus bas (col. 1674) l’argument de tradition ; quant au texte évangélique lui-même, on peut s’en servir de deux façons pour prouver la transsubstantiation : on peut d’abord considérer que, d’après la lettre même du texte, le Christ affirme purement et simplement que ce qu’il présente à ses disciples est son corps et son sang ; on en conclut que ce n’est en elïet que son corps et non pas du pain. On peut aussi partir de la présence réelle, certainement prouvée par ces paroles (supra, col. 1556), pour prouver certainement la transsubstantiation : en effet, comme on l’exposera plus bas (col. 1580-1582), les deux causes sont inséparables : le corps du Christ ne peut être présent dans l’Eucharistie que par transsubstantiation.

C. — Le sacrifice eucharistique

a) Etat de la question.

La réalité du sacrifice eucharistique et sa valeur propitiatoire, souvent affirmée par l’Eglise, a été particulièrement définie au concile de Trente [sess, XXII, cap. i, Dexz., g38 (816)]. Cf. 939, 9/48-951 (816, 820-828). C’est aussi la doctrine des grecs schismatiques : Confession orthodoxe, i, 107, cf. 64 (Kimmel, /. /., i, p. 183 sq., cf. 133) ; concile de Jérusalem de 1672, confession de Dosithée, décr. 15 et 17 (ibid., 4^9 et 451) ; cf. Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe,

n, p. 492 sq.

Les réformateurs du xvi^ siècle ont tous repoussé. ce dogme, v. g. Calain, Institut, chrét., IV, xviii, 1 ; Confession d’Augsbourg, art. 24, 3° ; 39 articles de l’Eglise anglicane, art. 31, etc. Au siècle dernier, depuis le mouvement tractarien, un assez bon nombre de théologiensanglicans sont revenus à la doctrine du sacrifice eucharistique, v. g. Cii. Ogre, The body of Christ (London, 1902), ch. iii, p. 157-214 ; W. B. Frankland, The early Eucharist, ). io5-i 1 1 ; plusieurs ont essayé d’interpréter dans ce sens l’article 31 : J. H. Newmax, Tract xc, liemarks on certain passages in the thirty-nine articles, p. Sg-GS ; Cii. Gore, l. L, p. 236. Parmi les protestants allemands ce mouvement a été beaucoup moins sensible et K. G, Goetz,

protestant lui-même, écrivait à ce sujet (Die Abendmahlsfrage, i>. 185) : « Jusqu’ici la science protestante est restée, à ce qu’il me semble, étrangement

« aveugle en ce point, et la science catholique s’est

<(. montrée plus judicieuse en maintenant fermement

« le caractère sacrificiel de la Cène. » 

Récemment des controverses ont été engagées entre des théologiens catholiques d’Allemagne, au sujet de la conception primitive du sacrifice eucharistique ; il en sera question à la fin de ce paragraphe.

Les protestants du xvie siècle opposaient surtout au dogme du sacrifice eucharistique la valeur infinie et parfaitement suffisante du sacrifice de la croix (v. Calain, /. /.). Contre eux le concile de Trente, sess. XXII, ca/).2 et ca «. 4 [Denz., 940(817) etgôi (828)] a tenu à montrer que la vérité du sacrifice eucharistique n’enlcA-ait rien à la dignité du sacrifice de la croix, puisque ce sont les fruits du sacrifice de la croix qui sont appliqués aux fidèles par l’Eucharistie.

Aujourd’hui les ol)jections sont plus radicales : la plupart s’attaquent à l’institution même de l’Eucharistie ; elles ont été réfutées ci-dessus (I) ; d’autres visent le sacrifice de la croix et le dogme de la rédemption ; ce n’est pas ici le lieu de les discuter ; A-. l’article Rédemptiox ; cf. J. Rivière, Le dogme de la rédemption (Paris, 1903), p. 17 sqq.

b) Les preuves.

La vérité et la nature du sacrifice eucharistique d’après le Nouveau Testament sont plus faciles à entendre, si l’on y étudie successivement dans l’eucharistie :

« ) Le mémorial de la mort du Christ ; jt) le

sacrifice de l’alliance ; y) la communion à la A’ictinie.

a) Le mémorial de la mort du Christ. — La relation qui unit l’Eucharistie à la mort du Christ est expressément marquée par saint Paul (I Cor., xi, 26) :

« Toutes les fois que aous mangez ce pain et que
« aous buACZ ce calice, a^ous annoncez la mort du
« Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » 

Cette relation est impliquée par les paroles mêmes de l’institution : « Ceci est mon corps (S. Luc ajoute :

« livré pour aous ; faites ceci en mémoire de moi ») ; 

ceci est mon sang, (le sang) de l’alliance répandu pour beaucoup » (.Uarc-Matth.). Ces paroles, prononcées par le Christ la Aeille de sa mort, la nuit où il Aa être trahi, ont une signification très claire : dans quelques heures, son corps Aa être liA’ré et son sang répandu, pour sceller la nouvcUe alliance, et c’est ainsi que dès maintenant il le présente à ses disciples.

De nombreux théologiens catholiques, s’appiiyant sur l’emploi des participes présents dans le texte original (SiSdtj.ï.i’yj, ï/.yyjjoiivjo’j). en appliquent directement la force

« non pas au sacrifice imminent sur la croix, mais bien

(( à celui du moment présent » (Rauschen, p. 73 sq., citant Maldonat, Oswald, Pohle) ; à ceux qui opposent l’autorité de la Vulgate, qui a traduit ces présents 2>ar des futurs, Billot (De sacramentis, i*, p. 597 sq.) répond que, dans les passages dogmatiques, la Yulgate, il est ATai, ne contient aucune erreur, mais ne reproduit pas toujours toute la force du texte primitif. — Cette réponse est très juste, et cette interprétation a sa valeur ; l’autre nous paraît cependant j)lus probable ; l’objection qu’on tire contre elle du texte grec n’est pas convaincante : ])0ur le constater, on n’a qu’à lire le commentaire de S. Clirysostome sur ce passage [in Maith.^ hom. lxxxii, P. G., LVIII, 738 sq.). Au reste, cette discussion a peu de conséquence : l’une et l’autre interprétation sauvegarde et le caractère sacrificiel de l’Eucliarislie et sa relation essentielle à la mort du Christ, mais elle met l’accent soit sur l’un soit sur l’autre de ces deux éléments.

Certains historiens voient une mention expresse du sacrifice eucliaristique dans lexpression tcOtî Tiauïn qu’ils traduisent : « Offrez ceci ». (Andersen, p. 13-19 ; Gore, p. 315-318.) Ce sens de r.nuï-j se rencontre certaine

ment dans les Septante (v. ^. Exod., xxix, 38) et probablement chez S. Justin [DiaL. 41) ; cf. Doksch, Der Opfercliarahter, p. 267-271. Mais il n"apparaît pas dans ces textes du Nouveau Testament, ni dans l’interprétation traditionnelle qu ils ont reçue.

fi) Le sacrifice de l’alliance. — L’institution de l’Eucharistie rappelle certainement et intentionnelle-Hient la célébration de l’ancienne alliance, telle qu’elle est rapportée dans VExode, xxiv, 5-8 : Moïse fait immoler des taureaux en holocauste ; il répand la moitié du sang sur l’autel, verse l’autre moitié dans des vases, et en asperge les Israélites en disant :

« Voici le sang de l’alliance que le Seigneur a faite

avec vous. » Ici de même Jésus-Christ, présentant le calice à ses disciples, leur dit : « Ceci est mon sang, (le sang) de l’alliance. »

La signilication de ces mots est évidente ; un théologien anglican, M. Stevkns, remarque justement à ce sujet : « Quiconque était familier avec l’Ancien

« ïeslament pouvait-il comprendre l’alliance dans le
« sang du Christ, sinon en l’entendant d’une mort
« ofierte en sacrilice ? » (T/ie Theology of the X. T.,

p. 132.) La Aaleur propitiatoire de ce sacrifice est encore plus expressément marquée jiar les mots suivants : « Ceci est mon sang… offert puar beaucoup » ou, d’après saint Matthieu : « offert pour beaucoup pour la rémission des péchés ». Les deux notions de propitiation et d’alliance sont d’ailleurs intimement liées : 1e sang de Jésus-Ciirist purilie le peuple nouveau, en même temps qu’il scelle son union avec Dieu. Cf. Batii-"i-ol, p. 50 ; Bernixg, p. 102-108.

Le contexte entier et en particulier l’allusion faite au récit de VExode déterniinent ici le sens de oiy.dr, / : r, : c’est une alliance, selon le sens que le mot a dans les Septante, plutôt qu’un testament, selon le sens qu’il a dans Uebr., IX, 16 ; d’ailleurs il ne faut pas établir entre les deux sens de distinction trop absolue : il est facile de passer de l’un à l’autre (v. g. Gal., iii, 13, 17), surtout dans le c.is de cette nouvelle alliance, qui n’est consacrée cjue par la mort de celui qui la conclut et qui peut éti’e ainsi regardée comme un testament. — Sur l’Eucharistie considérée comment le testament du Seigneur, cf. Bossuet, Méditatiiitis sur l’Erangilc, la Cène, 61’jour.

/) La communion à la victime. — A la célébration de l’ancienne alliance, le sang des victimes avait été répandu sur le peuple ; ici il est donné aux apôtres, et Jésus leur ordonne d’en boire tous (Mait/i., XXVI, 27), de même qu’il leur.1 dit à tous : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » (Ibid., 26.) Cf. Bossukt, Exposition de la doctrine catholique, x : « Ces parole les du Saueur : « Prenez, mangez, ceci est mon

« corps donné pour vous », nous font voir que,
« comme les anciens Juifs ne s’unissaient pas seulement

en esprit à l’inniiolation des victimes, (|iii

« étaient oflertes pour eux, mais qu’en effet ils mangeaient

la chair sacrifiée, ce qui leur était une H niarque de la part qu’ils avaient à cette oblation : a ainsi Jésus-Clirist, s’élant fait lui-même notre victime, a voulu que nous mangeassions elfectivemenl

« la chair de ce sacrifice, afin que la communication
« actuelle de cette chair adorable lïit un témoignage
« perpétuel à chacun de nous en particulier, « jue c’est
« pour nous qu’il l’a prise, et que c’est pour nous
« qu’il l’a imnHjh’-e. » 

(>e’ile (omparaison de la communion des Juifs et de celle des chrétiens estdéjà explicitement marquée par saint Paul (I Cor., x, 16-21) :

« Le calice de bénédiction que nous bénissons n’est-il

pas une Communion au sang du Christ ? Le pain que nous i-oiiipons n’est-il |ias uneoimmutiion au coi’ps du Christ ?… Voyez Israi’l selon la chair : ceux qui mangent les victimes ne participent-ils jias à lautel.’Qu’est-ce à dire ?

que la viande sacrifiée aux idoles est cpielque chose, ou qu’une idole est quelque chose ? Non, mais ce que les païens sacrifient, ils le sacrifient Sux démons et non à Dieu ; et je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez pas boire au calice du Seigneur et au calice des démons ; vous ne pouvez pas prendre part à la table du Seigneur et à la table des démons . »

La double comparaison qui est ici faite entre l’Eucharistie, d’une part, elles repas de communion juifs ou païens, d’autre part, détermine clairement le caractère de la communion eucharistique : ce que les chrétiens reçoivent, c’est une victime immolée, et en la recevant ils s’unissent au sacrifice.

Il faut se ! j « rder, dans l’interprétation de ce passage, d’assimiler la communion au sang du Christ avec la communion aux démons : ce qui est directement comjiaré au sang du Christ, c’est l’idolothyte, c’est-à-dire la victime offerte en sacrifice. D’un autre point de vue, saint Paul, considérant non plus la victime, mais le Seigneur qui jîréside au sacrifice, peut comparer la table du Seigneur et la table des démons.

On retrouve la même idée incidemment exprimée dans répître aux Hébreux (xiii, 10) : « Nous avons

« un autel dont nepeuvent manger ceux qui servent
« dans le tabernacle. » L’autel dont il s’agit ici peut

être la croix ou le Christ lui-même, ainsi que l’a entendu saint Thomas ; mais les mots qui suivent (1 ; cC r.’j : /ii-j ojx r/cj71.v) visent l’eucharistie : c’est là que nous mangeons la victime immolée sur cet autel. Cf. outre les commentateurs catholiques, Wkstcott, Tite Epistle to the Hebrews^ (London, j906), p. ^Sg sqq. et 455-463 (note sur le ioidj71’y.- : -roi’yj).

Quiconque admet tout ce qui précède, doit nécessairement admettre le caractère sacrificiel de l’Eucharistie : auxvie siècle, certains luthérienspensaient pouvoir se soustraire à cette conséquence, en niant qu’il y eût ici une oblation nouvelle de la victime, . g. Chemxitz, Examen concilii Tridentini, 11, de missa (éd. Genevæ 1614, P- 149-’50) ; BELLAR.Mix(/^e missa 12) leur répond : « 1112 actio, qua Christi corpus ad

« Dei honorem super niensam ponitur, ut consuniatur,

idque lit ad repræsentandam eiusdem Christi

« passionein, oblatio et immolatio dicenda est. 1112
« autem actio consecratio est ; nam per consecrationem

fit, ut Christi corpus vere et visibiliter adsil

« super mensam, et adsit apte ad repræsentandam
« passionein et morlis eiusdem. » Cf. Goktz (protestant),

I. L, p. 186.

Nous ne pouvonsentrerici dans le détail de la discussion soulevée par M. Renzel surtout parM.’ieland ; on peut en suivre les grandes lignes dans H.usciien, L’Eucliaristie, ]). 60-87, et consulter pour plus de détail F. S. Ri : nL, Die Geschiclite des Messopfcrbdfiiffs (Freising, "2 vol. IKOl, 19021 ; F. WiELANU, Mcnsa uiid Conf’cssio ()>i chel^. 1906) ;

F. WlELAKU, Dcr rorireiiaische Opfcrbepriff iMi’inchen, 1909) ; et. dans l’auti-esens, E. DoRSCU, Der Opferchara^/itt’r der Eucharistie einst und jetzt (Innsbruck, llK) !)). M. Renz a eu surtout pour but de réagir contre les conceptions modernes qui placent l’essence du sacrifice de la messe dans un (’-It-nient absolu (anéantissement ou mutation), il IxMise qu’elles méconnaissent le caractère essenliellement relatif du sacrifice de la messe ; il estime en outre que la tradition seule, et non l’Ecriture, garantit le dogme du sacrifice eucharisticpie. M. Wieland a cherclié à montrer que l’Eglise, pendant les deux premiers siècles, a non un autel (allare) mais une table [iiieiisa] el que, jusqu’à saint Irénée, il n’est pas question d’immolation ni d’oblalion, mais seulement d’un repas et d’une jirièi’e d’action de gr-àces : il pense même Dcr forireiiaisclie Opferbe^riff’, p. 214 sqq.) que les textes du concile de Trente ne supposent qu’une seule oblation, qui est la moi’t du Christ en croix ; cette interprétation fait violence aux textes, v. g. sess. XXII, cil. 2, Denz., D’iO (S17) : « Una eiiim eademque est

« hostia, idem nune offerens sacerdotum minislerio, qui 1567

EUCHARISTIE

156S

« se ipsuni tune in cruce obtidit, sola offerendi ratioiio
« diversa. Cuius quidem oblationis crucntae, inquani, friic<( tus per hanc incruentani iiberrime percipiuiitur. » Ch.
« 1, y3y (81(1) : « Et hæc quidem ilta munda obhttio est…
« qiiam non obscure innuit Apostolus Paulus Corinthiis
« scribens, cuni dicit, non posse eos, qui participatione
« mensæ dæmoniorum polluti sint, niensæ Domini parie

ticipes fieri, per niennain altarc utrobù/iie intelligcns.n

Quant à la thèse principale, il nous semble que la réponse de Bellarmin à Ghemnitz, citée ci-dessus, suffit à maintenir ou à rétablir dans son intégrité la conception du sacrifice eucharistique telle qu’elle nous apparail dans ie Nouveau Testament. Nous admettons aussi énergfiquenient que Renz et Wieland le caractère relatif de ce sacrifice : l’eucharistie n’est un sacrifice qu’en tant qu’elle représente le sacrifice de la croix ; mais, d’autre part, il faut reconnaître qu’elle le représente réellemeiit, que le corps du Christ s’y trouve eo/iin.e //c/e pournous, sun sang comme répandu pour nous, que c’est à uite rictiine que les chrétiens communient.

III. — L’Eucharistie d’après la tradition

A. — La présence réelle

Le dogme de la présence réelle est un des plus clairement et des plus anciennement attestés dans la tradition catholique. Jusqu’à l’époque de Biîrenger (y io88) il n’est l’objet d’aucune négation (la controverse de Paschase Radbert et de Ratramne, auix siècle, ne porte pas sur le dogme lui-même, qui est admis de part et d’autre) ; de là vient qu’on ne peut citer, pour l’époque patristique, aucun traité dogmatique, aucune définition conciliaire, qui cléAeloppe et éclaire la doctrine eucharisticiue, comme la cbristologie ou la théologie trinitaire ; mais les témoignages abondent ; ils ont été recueillis liien des fois avec une plénitude à laquelle cet article ne saurait prétendre, v. La perpétuité de la foi de l’Eglise touchatit VEncliarisiie (5 vol., Paris, 1670-1718 ; réédité par Migne [Paris, 1841], 4 vol.) ; E. B. Pusey, The real présence, notes on a sermon (Oxford, Parker, 1855), note 5, List of ancient authorities from the Jpostles’tiiiie to A. D. iSl on tJic real objective présence in the holy Eiicharist, p. 815-722 ; Tu. Lamv, De Syroriun fide et disciplina in re eiicharistica (Louvain, iSôg) ; Ad. Stuuckmaxx, Die Gegenwart Christi in der hl. Eucharistie Jiach den schriftlichen Quellen der vornizânischen ZcjV ("NVien, iQoô).

Ce qui frappe tout d’abord dans ce témoignage de l’antiquité chrétienne, c’est son caractère social et collectif. Dans le plus ancien exposé didactique de la foi chrétienne sur ce point on lit : « Cet aliment eonsacré par la prière formée des paroles du Christ, …

« on nous a appris que c’était la chair et le sang de
« Jésus incarné, x (S. Jlstix, I Apol., Lxvr, 2.) L’apologie

où se lisent ces paroles est écrite pour des païens ; et si l’apologiste eiit prête à cette formule un sens symbolique, il l’eût à coup sûr interprétée, pour prévenir un malentendu et ne pas donner prise à l’odieuse accusation des festins de Thyeste. Il n’en fait rien, mais se contente de rapporter l’enseignement déjà traditionnel qu’il a reçti (’ô15v.y6r, ij.s.’).

Les autres écrits de cette époque témoignent de la même croyance : sans cesse, soit dans des exposés directs, soit dans des mentions incidentes, l’eucharistie est appelée la « chair du Christ », le « corps du Christ », le « sang du Christ « : S. Igxace, Ad Sniyrn., VII, I ; S. Inr.yÛB, Adv. hær., IV, xviii, 3, 4 ; IV, xxxiii, 2 ; V, II, 2-3 ; Tertullien, De orat., xix ; De resurrect. , viii ; De idololat., vu ; De pudicit., ix ; S. Cy-TRiEX, De lapsis, 11, xv-xvi, xxii ; De orat., xviti ; Epist., Lxiii, 9 ; Clément d’Al., Quis dives sah’ctur, xxiii ; Origèxe, Contra Cels., VIII, 33 ; In Exod. homil. XIII, 3 ; In Numer. Itoni. vii, 2 ; In ludic. hom. VI, 2, etc.

On trouverait des témoignages seml)lables dansles inscriptions de cette époque (d’Abercius et de Pectorius ) ; v. l’article Epigrapuie.

Ces locutions, tlont on pourrait multiplier les exemples, font connaître non l’usage particulier de tel ou tel auteur, mais l’usage universel de l’Eglise, qui s’imposait à tous.

On remarquera plus bas qu’Origène, cédant à son penchant habituel poui’l’allégorie, donne assez souvent une interprétation smbolique des jîaroles de l’institution de l’Eucharistie, et entend par le « corps du Christ » la doctrine du Verbe ; mais, comme il l’observe lui-méine dans les passages qui seront cités, c’est là une interprétation savante ; à cùté d’elle, il y a l’iiiteiprétation eucharistique commune, la seule que connaissent les simples (k-/, s’, >5-t£c5£), la seule aussi qu’Origèiie lui-même raf)porte dans les textes ci-dessus. Cette distinction confirme la portée de nos témoignages, en en faisant mieux saisir lecaractère : la règle de notre foi, ce n’est pas la spéculation savante de quelques théologiens, c’est la foi commune de l’Eglise entière ; ce que nous avons donc à retenir du témoignage d’Origène, ce n’est pas son effort pour découvrir au dogme une signification phis profonde, c’est la doctrine commune qu’il a reçue de l’Eglise et qu’il transmet au.x simples.

Ce témoignage collectif de l’Eglise s’exprime avec une autorité particulière dans les liturgies. Malheureusement il nous est impossible d’atteindre dans leur intégrité les liturgies primitives. La Didaclié contient quelques prières eucharistiques, mais ce ne sont que des fragments et non un ensemble liturgique (cf. E. vox der Goltz, Das Gehet in der dltesten Christenheit (Leipzig, 1901), p. 218 ; Struckmaxx, /. /., p. 18) ; saint Justin se contente de décrire la célébration de l’eucharistie (I Apol., lxv-lxvii), et d’expliquer la nature du sacrement ; ce n’est qu’au iV siècle qu’on trouve des textes liturgiques plus développés : VAnaphore de Sérapiox (Funk, Didascalia et Constit. Apost., II (Paderborn, 1906), p. 158-204) ; les Constitutions apostoliques, II, lvii ; VIII, xi, 7-xa’, 1 1. Il y faut joindre les renseignements très précieux que contiennent les Catéchèses mystagogiques de S. Cyrille de Jérusalem, surtout la IV’et la V* et, pour l’Occident, le De mysteriis de Saint Ambroise et le De sacramentis (ces textes’sont commodément réunis dans le Florilegium patristicum de G. RauscHEX, fasc. VII (lîonn, 1909) ; on trouve aussi les textes delà Didaclié, de S. Justin, des Constitutions apostoliques et de S. Cyrille dk Jérusalem dans H. LiETZMANN, Liturgische Texte (Bonn, 1908) ; les indications liturgiques contenues dans les œuvres des Pères grecs du iV siècle ont été recueillies par F. E. Brightman, L/iturgies eastern and western, I (Oxford, 1896). Appendices, p. 464 sqq.).

Ces textes liturgiques ont le même caractère que les citations patristiques réunies ci-dessus : ils expriment la même foi à la présence du corps du Christ dans l’eucharistie. A ce point de vue on remarquera particulièrement le récit de la cène, où sont toujours rapportées les paroles de l’institution, l’épiclèse où l’on invoque soit le Verbe (Anaph., Serap., iv, 15), soit le Saint-Esprit (Cyrill., Catech., v, 7 ; Constit. apost.. Vil, XI, 89, etc.) « pour qu’il fasse du pain le corps du Christ et du calice le sang du Christ », enfin la communion : le prêtre dépose l’eucharistie dans la main droite du communiant, en disant : « le corps du Christ « , etle communiant répond : « Amen. » (Cyrill., Catech., v, 21-22 ; Constitut., apost., VIII, XIII, 15 ; De sacram., iv, 6, a5 ; August., Serm., ccLxxii (P. L., XXXVIII, 1247) ; cf. Cornel., ap. EusEB., Hist. eccL, VI, xliii, 18-19.)

Tous ces ti-aits constituent un ensemble dont on ne peut méconnaitre la signilication : il est certain

i 1569

EUCHARISTIE

1570

que l’Eglise des premiers siècles reconnaît dans l’Eucharistie le corps du Christ. Qu’il faille entendre cette exi)ression au sens propre, on le verra plus clairement encore par les textes et les faits qui nous restent à considérer ; mais, dès maintenant, il faut avouer que seule la foi en la présence réelle explique ces expressions universellement étaJjlies dans la liturgie, la prédication, la controverse apologétique, la vie chrétienne entière. Plus tard, il est vrai, on retrouvera parl’ois des expressions sendilables même dans des églises réformées qui ne verront plus dans l’eucharistie qu’un symbole du corps du Christ ; mais ce ne seront que des survivances, d’ailleurs bientôt éteintes, d’un long passé chrétien qui impose encore quelque temps ses pratiques et ses formules liturgiques à des communautés qui ont déjà perdu sa foi. On ne saurait expliquer de même l’origine spontanée de cette langue chrétienne, dans une Eglise qui n’eût pas été dès l’abord pénétrée de la foi en la présence réelle du corps du Christ.

Au reste, la pratique religieuse des chrétiens répond elle aussi à cette foi : dès l’origine l’eucharistie est la chose sainte par excellence, « sanctum », rô ur/i’.-j {Didache, ix, 5 ; Tertull., De spectac, xxv ; Cypr., /Je laps, xxv ; Denys d’Al., ap. Ecseb., //. e., VII, ix, cf., dans les liturgies postérieures, « sancta sanctis ») et elle est traitée comme telle : Tertullien remarque déjà le soin qu’on apporte à ne rien laisser tomber des éléments consacrés : « Calicis aut panis etiam

« nostri aliquid deculi in terram anxie patimur » 

(De corona, m) ; Origèxe de même : « Xostis qui divinis mj’steriis interesse consuestis, quomodo, cum

« suscipitis corpus Domini, cum omni cautela et
« veneratione servatis, ne ex eo parum quid décidât, 
« ne consecrati muneris.iliquid dilabatur. Reos
« enim vos creditis, et recte creditis, si quid inde
« per negligentiam décidât. » (fn Exod. Iioin., xiii, 3.)

S. Cyrille de Jérusalem fait aussi à ce sujet les recommandations les plus pressantes : Catec/i., v, 21. Ainsi cjud’a remarqué DoELLtNGER(Z)te Eucharistie in deii ersten drei Jahrhiinderten (Mainz, 1826), p. G4, cf. Struckmaxx, /. /., p. 162), on ne constate aujourd’hui ce respect et ce souci que dans les Eglises qui croient encore à la présence réelle ; et en effet les autres ne voient dans ces textes patristiques que des témoignages d’une « antique superstition » (Har-NACK, Dogmengeschiclite, I, p. 476, n. 1).

La même foi s’exprime encore dans le culte rendu à l’Eucharistie : au témoignage de saint Augustin {Kiuirr. in ps. xcviii, g. P. A., XXX VII, 1 26/1) on ne reçoit jamaisle corps du Christ sans l’adorer ( « nemo illam

« carnem manducat, nisi prius adoraverit »), ne pas

l’adorer serait pécher ( « peccamus non adorando ») ; cf. Episl. c.y., 66-67 (^ ^". XXXIII, 666-567) ; on trouve des attestations semblables chez S. Ammroise, f)e Spir. Sanctu, III, 79 (/ /-, XVI, 796) ; S. Cyrille de Jérusalem, Calccli. v, 22 ; S. Jean Ciirysostome, In Malllt. Itoni. vu (/-. (7., LVII, 78) ; Théodoret, Eranistes, 11 (A G., LXXXIII, 168).

Ces formules et ces pratiques de l’Eglise sont par elles-mêmes assez claires ; si cependant on en veut une interprétation authentique, ou la trouve dans les instructions adressées par les évêques aux nouveaux baptisés ; il sudit de rappeler les Catéchèses inystagogiqiies iv et v de S. Cyrille de Jérusalem et le De niysteriis de S. Ambroise ; ce sont précisément les documents les plus formels et les plus explicites de toute la tradition patristi(pie(cf. iiifru, col. b~j ! -ib-b). M. Looi"s(art. Ahendmahl, I{ealencYklup(idic, l, i).53) voit dans le langage de S. Cyrille unccondescendance pour la foi des simples, et plus bas, citant Catech. iv, 9, il écrit : « On ne peut parler dune manière plus

« massive ; si l’on prenait ces paroles à la lettre, on’( y trouverait la transsubstantiation. Mais Cyrille
« parle en catéchiste. » Pour nous, ce qui donne plus

de poids à ses paroles, ce qui nous les fait entendre à la lettre, c’est précisément qu’elles sont un catécliisme, adressé à des simples.

Les catéchèses de S. Augustin que nous possédons (.s’e/m. ccxxvii, ccxxix, cclxxii) sont bien plutôt des exhortations que des instructions ; S. Augustin suppose la doctrine eucharistique déjà enseignée, il la rappelle d’un mot ( « panis est corpus Christi »…), et il passe delà aune exhortation sur l’unité de l’Eglise, le corps mystique du Christ (cf. K. Aoam, Die Eucharistielehre des hl. Augustin (Paderborn, 1908), p. 87).

Dans ce qui précède on s’est attaché à montrer la foi commune de l’Eglise primitive à la présence réelle, et à l’atteindre dans son expression collective et sociale ; il est facile de conlirmer ces données et de les enrichir par l’étude des docteurs de l’Eglise ; on trom-e chez eux non seulement l’allirmation du dogme, mais l’exposé rationnel de ses éléments constitutifs et de ses relations avec les autres dogmes chrétiens ; nous n’avons pas à entrericidans le détail de cette théologie ; mais, restant sur le terrain apologétique qui est le nôtre, nous emprunterons seulement aux anciens Pères deux considérations très propres à conlirmer le dogme de la présence réelle et aussi à le faire mieux entendre.

L’Eucharistie et V Incarnation. — On a étudié plus haut (col. 1 56 1) le rapport de ces deux mystères d’après le discours de Notre-Seigneur tel qu’on le lit chez S. Jean (ch. vi). Les Pères, ceux surtout qui sont plus pénétrés de la doctrine johannique, se sont attachés à cette doctrine et l’ont développée. S. Ignace, déjà, marque, à propos des docètes, les rapports de la christologie et de l’eucharistie (Sniyrn., vii, i) ; S. Justin les accentue davantage (l Apol., lxvi, 2) : « De même

« que par la vertu diu Verbe de Dieu, Jésus-Christ
« notre Sauveur s’est incarné et a pris chair et sang
« pour notre salut, ainsi cet aliment consacré par la
« prière… est la chair et le sang de ce Jésus incarné. » 

Les Pères du iV siècle reprennent souvent cette comparaison, et la complètent en montrantcomment, par l’eucharistie, le Christ poursuit l’œuvre commencée par l’incarnation en sunissant à chacun de nous : S. H1LAIRE, De Trinitate, VIII, 13 (P. Z., X, 2^6) ; S. Grégoire de X’ysse. Orat. catechet., xxxvii. 3, 4. 10 (P. G.. XLV, 93-97) ; S. Jean Chrvsostome. /n Matth. liant, lxxxii (LA’III, 744> cf. 739, 740). xxv LVII, 331). S. Cyrille d’Alexandrie surtout insiste sur les relations de l’incarnation et de l’eucharistie ; ses textes on tété réunis en grand nombre par J.Maiié. L’Eucharistie d après S. Cyrille d’Alexandrie (liew d’hist. eccL, VIll (1907), p. 677-696^ surtout 690 sqq.). Cette comparaison traditionnelle met en lumière deux cléments très inq)ortants du dogme eucharistique : la réalité du corps du Christ dans l’eucharistie, et son identité avec le corps historicpie du Seigneur ; la réalité est évidente : c’est elle qui justilie la comparaison des deux mystères, de l’incarnation et de l’eucharistie, et c’est elle aussi qui fait comprendre comment l’œuvre d’union, commencée par l’incarnation, se poursuit et se consonune par l’eucharistie. L’identité du corps historique du Christ avec son corps eucharistique n’est i)as moins claire : le principe, en effet, d’où parlent les Pères, est que seul le corps que le Christ a pris à l’incarnation peut nous vivitier ; tout leur elTort est donc d’expliquer comment

« ce cori)s unicjue », ri h ixûvo s’S>uc/., comme dit

S. Grégoire de Xysse (/. /., xxxvii, 4) peut atteindre tous les lidèles et s’unir à eux.

L’union du Christ et des chrét’ens par l’Eucharis 50

1571

EUCHARISTIE

1572

tie. — Dans ce fqui vient d’être dit, on a déjà vu comment le terme commun de l’incarnation et de l’eucharistie était l’union du Christ et des chrétiens. Cette union est très souvent décrite par les Pères, et toujours comme une union physique de notre être entier, et en particulier de notre chair avec la chair du Christ : S. Irénée, Adv. hæres, V, ii, 2-3 ; S. Cyrille DE JÉRUS., Catech. mrst., iv, 3, 5 ; S. IIilaire, De trinit., VIII, 13-17 (P., L., X, a^ô-a/lg) ; S. Grégoire DE Nysse, Orat. catech., xxxvii (P. G., XLV, g^, cf. 97) ; S. Jean Chrysostome, In Mattli. hom. lxxxii {P. G., LYIII, 7/J3) ; In loan. hom., xlvi(L1X, 260) ; In I Cor. hom. xxiv LXI, 200-201), etc. ; cf. A. Nægle, Die Euchavistielehre des hl. Joh. Chrysost. (Freiburg i. Br., 1900). p. 288-262 ; S. Cyrille d’Alex., In loan., VI, 50 (P. G., LXXIII, 577-580), cf. ib.. V, 35 (520521) ; 55 (581) ; 57 (58^ ; XV, i LXXIV, 237-34’»)- etc. ; cf. E. ^VEIGL, Die Ileilslehre des hl. Cyrill von Alex. (Mainz, 1905), p. 203-221 ; J.Maué, art. cité ; A.Struck-MAXX, Die Euchavistielehre des hl. Cyrill von Alex., (Paderborn, 1910), p. 1^2-1 58.

Tous ces textes ne font que développer la doctrine contenue dans le discours eucharistique du Christ, mais ils le font dans le sens le plus réaliste : par l’eucharislie, le chrétien devient membre du Christ (S. Irénée. s ! Chrysostome), « concorporel etconsan"uin » (7^77wyo ; y.y.l ^yjy.iu.oî) avec lui (S. Cyrille de Jérusalem ) ; il n’y a pas là seulement une union morale par la grâce, la foi, la charité, mais une union proprement physique (S. Hilaire, S. Chrysostome, S. Cyrille d’Alexandrie) ; le corps du Christ s’unit à notre corps comme un remède contre la mort (S. Ignace, Eph., xx, 2), comme une semence d’immortalité (S. Irénée), comme un ferment qui, mêlé à la masse, la fera lever tout entière (S. Grégoire de Nysse, S. Jean Chrys., S. Cyrille d’Alex.). Aussi ces Pères répètent-ils avec force l’enseignement du Christ : sans cette union viviliante avec la chair du Seigneur, il ne peut y avoir ni vie éternelle ni résurrection glorieuse (on expliquera ci-dessous dans quel sens il faut entendre cette nécessité).

S’il en était besoin, on pourrait conlirmer les arguments précédents en montrant comment, dans leurs controverses avec les hérétiques, les Pères se sont servis du dogme eucharisticfue comme d’une vérité universellement reconnue. C’est ainsi que s’en sont servis, contre les gnostiques, S. Irénée, Adv. hær., IV, xviii, 3-4 ; IV, xxxiii, 2 ; V, 11, 2-3 ; contre les Marcionites, Tertcllien, Adv. Marc, I, xiv (P. L., II, 262) ; IV, xlII, 460) ; V, viiiII, 489) ; contre les Ariens, S. Hilaire, De Trinitate, VIII, 13-17 (P. L., X, 245249), S.Cyrille d’Alex., In lo., XV, 1 (P. G., LXXIV, 34*1) ; contre les Donatistes, S. Optât, De schism. Donat., VI, 1 (P. L., XI, io63 sqq.) ; contre Xestorius, S. Cyrille, Adv. Nestor., IV LXXVI, 192-193). Anathem. XI LXXVII, 121) ; contre les monophysites, S. LÉON, Serm. xci, 3 (P. L., LIV, 452), etc.

Aux conclusions ainsi établies la principale objection qu’on peut opposer se tire des expressions en apparence symboliques par lesquelles un certain nombre de Pères, surtout au m’et au iv’siècles, désignent l’eucharistie : elle est pour eux « l’image », ’( la ressemblance », « l’antitype », « la figure » du corps du Christ.

Ainsi, parmi les Pères grecs, ORiGÉNE, /n3/rt///<. tom. XI, 14 (P. G., XIII, 952 A) ; Adamantius, De recta in Detim fide, v, 6 éd. v. d. Sande (Leipzig, 1901), p. 184, 16) ; Euséhe, De dem. evang., i, 10 (P. G., XXII, 89 D), VIII, I (596 A) ; S. EusTATHE, ap. conc. Nie. II, act. vi (Cavallera, S. Eustathii homilia (Paris, igoS), p. 79, 80) ; SÉRArioN, Anaphore, iii, 12-14 ; S. Cyrille de

JÉRUS., Catech. niyst., iv, 3 ; v, 20 ; Macaire, /<o/h.xxvii, 17 (P. G., XXXIV, 705) ; Constit. apost., V, xiv, 7 ; VI, xxiii, 5 ; VI, XXX, 2 ; VII, xxv, 4 ; S. Epiphane, Hær. Lv, G (P. G., XLI, 981 A) ; S. Grégoire de Xazianze, Orat. viii, 18 (P. G., XXXV, 809 D) ; cf. Orat. 11, 90 (497 ^)’^rat. XVII, 12 (980 B) ; 5. Grégoire DE Nysse, Adv. Etinom., xi (P. G., XLV, 880 B) ; S. Jean Chrysostome, In Matth. hom. lxxxii, i LVIII, 739) ; S. Cyrille d’Alex., //j loan., XII, xx, 26 LXXIV, 725 D) ; Théodoret, in I Cor., xi, 26 LXXXII, 317 A).

Chez les Latins on rencontre, quoique plus rarement, des expressions semblables : Tertullien, adv. Marc, IV. lx (P. G., II. 460) ; S. Jérôme, In Jerem., XXXI, 10 XXIV, 875 D), cf. adv. Jovin., II, 17 XXIII, 3Il A) ; Ps. Amuroise, Z>e sacramentis, i, 5, 21 XVI, 443 B) ; Gaudentius de Brescia, Serm. xix (XX. 989 C) ; S. Augustin, Enarr. in ps. iii, 1 XXXVI, 78) ; Contra Adimant., xii, 3 (XLIl, 144) ; S. Gélase, Tract.

I, 14 (éd. Thiel, p. 541). Sur tous ces textes cf. Pusey, Tlæ real présence, note I, p. g4-118 ; Batiffol, VEucharistie. p. 198-210. 216, 300-304.

Les noms seuls des Pères qui viennent d’être cités suffisent à montrer que ces locutions sont conciliables avec la foi en la présence réelle ; en face des déclarations si explicites et si formelles de S. Cyrille de Jérusalem, de S. Grégoire de Nysse, de S. Jean Chrysostome, de S. Cyrille d’Alexandrie, ou de l’auteur du De Sacramentis, nul historien ne peut douter de leur croyance ; il faut donc reconnaître que le symbolisme de ces expressions n’exclut pas la réalité du corps du Christ, et en etïet, si on se reporte aux textes cités, on y trouvera seulement une doctrine sacramentelle, suggérée par l’analogie des autres sacrements et, dans l’Eucharistie même, très légitime : ce qu’on voit dans le sacrement est le signe et le symbole du don invisible qu’on reçoit ; ainsi en est-il dans l’Eucharistie ; ce qu’on voit du pain et du vin consacrés est le signe et le symbole du corps du Christ ; ce symbolisme n’implique ni n’exclut la présence du corps du Christ sous ces apparences ; et, cette présence étant prouvée d’ailleurs, ce symbolisme n’3' contredit en rien. Cf. Bossuet, Exposition, xiii.

Certains Pères introduisent dans l’interprétation de l’Eucharistie un symbolisme tout différent : ils voient non plus dans les espèces sensibles, mais dans le corps du Christ lui-même le symbole d’une autre réalité, par exemple de la doctrine du Verbe, ou du corps mystique du Christ, c’est-à-dire de l’Eglise. De ces deux interprétations la première a été développée par Origène {fn loan., tom. xxxii, 16 (éd. Preuschen, p. 467) ; in Vh/jj., xvii, 9 (P. G., XII, 701) ; In Matth. /o/ «. xi. 14 (P. G., XIII, 948-952) ; cf. Struckmann. Z. /., p. 158194) et adoptée par plusieurs autres Pères : Eusèbe, Eccles. theol., 111, 11-12 (éd. Klostermann, p. 167-169) : S. BXS11.E, Epist. viii, 4 (P- G., XXXll, 253) ; S. Hilaire. In psalm. cxxvii, 10 (P. L., IX, 709), cf. In psalm. Lxviii, 19(482), //( Matth., xiv. 10-11 (1000) ; S. Am-BROisE, In Luc. X, 49 XV, 1816) ; S. Jérôme, // ; Eccles. m, 13 XXIII, 1039). cf. In Is. lxvi, 17 XXIV, 666). L’interprétation qui voit dans l’Eucharistie le corps mystique du Christ, l’Eglise, se trouve déjà chez saint Paul (I Cor., x. 17) ; elle est particulièrement chère à saint Augustin (cf. Portalié, art. Augustin, dans le Dict. de théol., i, col. 2424-2426 ; K. Adam, Die Eucharistielehre des hl. Augustin, p. 152 sqq.).

Not. a) De la communion sous une seule espèce. — Dans l’antiquité chrétienne, la communion était administrée généralement sous les deux espèces. Cependant on constate déjà chez Tertullien l’usage de la réserve et de la communion sous la seule espèce du pain : De orat., xix (P. L., i, i 181 sq.) ; Ad uxor.,

II, 5 I, 1296) ; on le retrouve chez S. Cyprien, De I5y ;

EUCHARISTIE

1574

lapsis, f6 (éd. Hartel, p. 206) ; S. Dknys d’Alexaxdrje (ap. Euseb., H. e., VI, xliv. éd. Feltoe, p. 20) ; S. Basile. Epist. xciii (P. G., XXXII, 484-485) ; S. Am-BROisE, De excessuSatyri, i. l^’à (P. /,., XVI, 1304). Cet usage était universel dans la messe des présanctifiés.

Inversement on donnait aux enfants la sainte communion sous la seule espèce du vin : S. Cypriex, De lapsis, xxv (éd. Hartel, p. 255), cf. Epist. lxiii, 8 (p. 707).

Il est donc certain que l’Eglise a toujours reconnu comme valide et eflicace la communion sous une seule espèce (sauf pour le prêtre qui célèbre le saint Sacrifice) ; dès lors on n’a pas de peine à admettre que lEgliseait pu, pour de justes motifs, imposer cette coutume (cf. Concil. Trident., sess. xxi, cap. i, e.can. i-’i. Denz., 980, 934-936 [808, 812-814]).

b) De la nécessité de l’Eucharistie. — « En vérité, en vérité, je vous le dis ; si vous ne mangez la chair du Fils de Ibomme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. » Ces paroles de Notre-Seigneur sont d’une force étrange, et la tradition patristique ne fait que les accentuer encore. Les Pères dont nous rapportions plus liaut les témoignages (col. 1 571) font dépendre nécessairement de la participation à l’eucharistie la vie de nos âmes et la résurrection de nos corps ; sans doute, ils le savent, les infidèles et les non initiés vivent et ressusciteront ; mais cette vie n’est pas la vie véritable ; cette résurrection ne sera pas la résurrection glorieuse : S. Jeax Chrysost., /n loan. hom. xLvir, i (P. G.. LIX, 260) : S. GÉLASE, Epist. VI, G (éd. Thiel, p. 331). Ailleurs ils assimilent la nécessité de l’eucharistie à celle du baptême : S. Jean Chrysost., De sacerd. iii, 5 XLVIII, 643), oumêmejirouvent par la nécessité de l’eucharistie la nécessité du liaptême : S. Augustin, Epist., CLXxxvi, 28 (P. L., XXXIII, 826) ; De peccat. meritis, I, 26-27 (XLIV. 128-124) ; ibid., III, 8 (ibid., 190) ; Cuntra epist. Pelug., i, 40 (ibid., 770) ; S. Innocent I, Epist., ap. August., clxxxii. ô (XXXlll, 785) ; S. GÉLASE, Epist. VI, 5-6 (éd. Thiel, p. 82933 1) : Dominiis lesus Cliristus cælesti voce pronuntiat : Qui non niandncaverit… uhi utique neminem s’idenius erceptum, nec ausus est aliquis dicere, parvulum sine hoc sacraniento salutari ad aeternam yitain posse perduci.

En face de témoignages si considérables et si nombreux, on peut se demander comment il faut concevoir la nécessité de l’Eucharistie, étant donnée d’ailleurs la pratique de l’Eglise, sanctionnée par le concile de Trente, sess. xxi, cap. 4 et cun. 4 : Si quis dixerit pan’ulis, antequam ad uiinos disci-etionis pervenerint, tiecessariam esse Eucharistiæ cominunioneni, anathenia sit. Denz., 987(815).

Pour résoudre cette contradiction apparente, il faut se reporter à la consultalion donnée par S. FuL-GENCE, disciple de S. Augustin et s’insjjirant uniquement des principes de son maître, Epist. xii, surtout 24-26 (P. L., LXV, 890-892) : un baptisé qui meurt avant d’avoir reçu l’eucharistie est sauvé parce qu’il << a i>articipé au cori)S et au sang du Seigneur, quand il est devenu [)ar le baptême membre du corps du Christ ». S. Thomas, rej)renant cette question, la résout dans le même sens, mais met mieux en lumière le principe de sa solution (III", q. 78, a. 3) : le fruit pr()[)rc de l’eucharistie, c’csl-à-dire l’incoi poralion aiiClirist, est évidemment nécessaire au salut ; toulifois, pour l’cvuliaristie comme jiour le liaplêmc, le fruit du sacrement peut être ac<iuis soit par la récejjtion réelle soit par le désir. II faut d’ailleurs remarquer une douI)le différence entre le baptême et l’eucliarislie : la vie spirituelle conmience par le baptême et se consonmie par l’eucharistie ; le

baptême est donc ordonné à l’eucharistie comme le moyen à la fin ; d’où cette autre différence que, dans les enfants qui n’ont pas l’âge de raison, rien ne peut suppléer la récei)tion réelle du baptême, tandis que le baptême lui-même suffît à les orienter vers l’eucharistie, « et de même qu’ils croient par la foi

« de l’Eglise, de même par l’intention de l’Eglise ils’( désirent l’eucharistie et en perçoivent le fruit ».

B. — La transsubstantiation

Si l’on considère d’ensemble les textes patristiques relatifs à l’Eucharistie, on remarque que la consécration est présentée non pas comme unissant le pain au corps du Christ, mais comme le changeant aucorps du Christ. Sans doute on ne trouve pas, antérieurement au iv’siècle, de description précise de ce changement, mais on ne peut nier que, dès l’origine, les textes eucharistiques ne signifient une conversion bien plutôt qu’une union : S. Irénée, Adv. hær.,

IV, 11, 8 ; TERTLLL..Jf/c..V « 7’f., IV, XL (f. /.., II, 460) ;

Origène, c. rc/s..VIII, 33 (P. G., X, 1565) ; S. Atha-NASE, Orat. ad nuper baptiz., ap. Eutychium (P. G., LXXXVI, 2401) ; SÉRAPioN, anaph., iv, 15 ; Constit. apost., VIII, xxxix ; S. Jean Chrysosto.me, In Matth., Iiom. Lxxxii (P. G., LVIII, 744) : P^e prodit. Judae, i XLIX, 380), cf. Il (889) ; TnÉODORE de Mopsueste, //( Matth. XXVI, 26 (/>. G., LXVI, 718). Cf. Batiffol, L’Eucharistie, p. 480-482.

La présomption créée par ces mentions brèves, mais nombreuses, devient une certitude quand on considère les textes plus explicites des Pères du IV’siècle. Il est utile d’en rapporter ici au moins les principaux.

S. Cyrille de Jérls., catcch. luyst. iv, 1-2 : « Le Christ ayant déclaré et dit du pain : « Ceci est mon corps », qui osei-a encore douter ? Le Christ ayant affiimi’et dit :

« Ceci est mon sang », qui en doutera ? qui dira que ce

n’est pas son sang ? Il a changé jadis l’eau en viii, qui ressemble au sang, à Gana de Galilée, et nous ne le croirons pas quand il change le vin en sang ?… 6. Ne t’attache donc jias au pain et au vin comme à des élément* ordinaires ; car, selon l’aflirmation du Seigneur, ils sont corps et sang du Christ. Les sens te présentent cela ; que la foi te confirnae. Ne juge pas la chose d’après le goût ; mais sois convaincu indubitablement par la foi que ta participes au corps et au sang du Christ… 9. Instruit de tout cehi et convaincu que ce qui paraît du pain nest pas du pain, bien que le goiit on donne l’impression, mais le corj)s du Christ, et que ce qui paraît du vin n’est pas du viii, bien (jiie le goùtîe veuille, mais le sang du Christ… participe à ce pain comme à une nourriture spirituelle. »

Ces textes se passent de commentaire. Un luthérien écrivait à ce sujet dans une thèse sur les catéchèses de S. Cyrille : « lis, cpiæ sujjra laudavi. plane < etapertc transsubstantialioncmdoccri quis, quæso,

« infitiari poterit ? Nam si ego discipulis meis in catechesi

dicercm : « Ut Cliristus in iiuptiis Canae

« celebratis aquam in vinum transmulavil, ita in
« eucharistia vinum in sanguinem transnuitat ; quod
« vos in cucliaristia edilis et bibitis gustiim quidem
« panis et vini habet, nihilominus autem necpie i)anis

est neque vinum, sed corpus et sanguis Domini », quis, quæso, dubitarct quin transsubstantialionem docerem ? » (Plitt, De CyriUi oratiouibus quæ exstant catecheticis (Ileidelberg, ! 855), p. 150.)

Steitz, Die Abendmahlstehre iJahi bilclicr fiir deutsche Théologie, X (1865), p. 422 sq.) a objecté la comparai-’son que S. Cyrille établit (Catcch. mt/st. iii, 3) entre le paiti de l’eucharistie et l’huile de la confirmation. — Sans doute, de part et d’autre, il y a sanctification, mais d’une façon très dilïérenlc, ainsi que l’indicpie le texte même : le |)ain devient cor|>s du Christ (’cù//k X^ittsû), l’huile devient seulement don du Christ X, c(T71O yâ.pi^uv.), CL 1575

EUCHARISTIE

1576

Ralschen, Flolilegiiim, p. 55, n. 1 ; Batiffol, L’Eucharhtie

  • , p. 348-351.

S. Grégoire de Nyssb affirme aussi énergiquement (^Orat. catech., xxxvii)la conversion du pain au corps du Christ ; pour l’expliquer, il compare ce changement à celui des aliments assimilés par le corps humain ; il note toutefois cette différence (P. G., XLY, 9^ A ; éd. Srawley, p. 150)que « ce n’est pas par la

« voie de l’aliment que le pain arrive à être le corps
« du Verbe ; il se transforme aussitôt en son corps, 
« par la parole, selon qu’il a été dit par le Verbe : 
« Ceci est mon corps ».

Sans doute, cette comparaison n’est pas de tout point exacte : en la reprenant, presque dans les mêmes termes, Dlraxd (in sentent., IV, ii, 3) arrivera à la théorie erronée delà transformation ; aussi M. Srawley peut-il dire dans son introduction (p. xl) :

« Le langage de Grégoire implique seulement un
« changement de « forme « ; il n’enseigne pas, comme
« font plus tard les scolastiques, un changement à
« la fois de matière et de forme. » Il semble toutefois

peu équitable d’identifier la doctrine de S. Grégoire et celle de Durand : la comparaison de la nutrition n’a pas au iv^ siècle la portée qu’elle aura au xiv^ siècle ; chez Durand, elle mai-que une réaction consciente contre une doctrine déjà clairement établie ; chez S. Grégoire, elle est un essai d’interprétation d’un mystère encore très imparfaitement exploré. Cf. TixEROXT, Histoire des dogmes, II (Paris, 190g), p. 183 : « S’il ne s’est pas expliqué aussi complètement qu’on le fera plus tard, il n’en reste pas moins

« qu’il a nettement orienté la pensée chrétienne vers
« l’idée de transsubstantiation. Et quel exemple
« aurait-il donc pu trouver dans la nature de ce que
« représente ce mot ? » 

En Occident, il faut recueillir surtout le témoignage de S. Ambroise, Be mrsteriis, ix, 62 :

K Sacramentuin istud, quod accipis, Christi sermoneconficitur. Quodsi tantum valuit sermo Eliae, ut igiiem de cælo deponeret ; non valebit Christi sermo, ut species mutet elementorum ? De totius mundi operibus legisli : Quia ipse dixit, et facta sunt ; ipse mandavit, et creata sunt. Sermo ergo Christi, qui potuit ex nihilo facere, quod non erat. non potest ea, quæ sunt, in id mutare, quod non erat ? Non enini minus est no vas rébus dare, quani mutare naturas… 53. Ipse clamât Dominus Jésus : Hoc est corpus meum ; ante benedictionem verborum cælestium alia species nominatur, post consecrationem corpus significatur. Ipse dicit sanguinem suum ; ante consecrationem aliud dicitur, post consecrationem sanguis nuncupatur. » (Malgré les doutes de Loofs, Realencyklopàdie, I, p. 61, l’authenticité du De mysteriis est très assurée ; v. Batiffol, L’Eucharistie’^, p. 324 sqq.)

On trouve une doctrine aussi explicite dans le De Sacramentis, iv, 14-15.

Ces textes sont d’autant plus remarquables qu’ils sont empruntés, comme ceux de S. Cyrille de Jérusalem, à des catéchèses populaires ; on n’a donc pas ici la spéculation personnelle de quelques théologiens se frajant leur voie vers une interprétation nouvelle du dogme, mais bien l’exposition de la doctrine élémentaire de l’Eglise, faite par des évêques à leurs néophytes.

Les controverses cbristologiques du v" siècle obscurcirent dans les milieux nestoriens et antiochiens la doctrine de la transsubstantiation. On a vu plus haut(col.l570) les liens étroits qui unissaient la théologie de l’Incarnation et celle de l’Eucharistie ; il n’est donc pas surprenant que Nestoiius ait eu recours aux analogies eucharistiques. Dans le Bazar d Iléraclide (Bethune-Baker, Natorius and his teaching (Cambridge, 1908), p. 145-146), il nie que le pain subisse aucun changement de nature (sjî-t’a). On retrouve un raisonnement analogue chez un évéque de la

minorité antiochienne, Eutherius de Tyane (Ficker, Eut /ierius l’on Tyana (Leipzig, 1908), p. 20-21 ; cf. Batiffol, L’Eucharistie^, p. 435 sq.}.

Après le concile de Chalcédoine, les théologiens d’Antiocïie et ceux qui ont subi leur influence se sont servis assez souvent de l’analogie de l’eucharistie pour combattre lemonoplivsisme : Ilhf.ouo’rb.t, Eranisles, [P. G., LXXXIII, 56), 11(165-169). III (26<f-272) ; lepapeGÉLASE, Tract. III, de duabus naturis (éd. Thiel, p. 541. 542) ; Pseudo-Chrt-SOSTO. ME, Episi. adCæsar. (P. G., LU, 758) ; Ephre.m d’An-TiocHE, ap. Phot., cod. 229 [P. G., CIII, 980). Le but immédiat de ces auteurs est d’établir que le Christ a conservé, même après l’Ascension, les propriétés distinctives de la nature humaine, de même que, dans l’eucharistie, on reconnaît, même après la consécration, la permanence d’un élément visible et tangible ; dans ces limites, cet argument était trèsjuste ; maisil pouvait entridner ces auteurs à confondre la permanence de la substance du pain avec celle des qualités sensibles ; et, en effet, Théodoret et Pseudo-Chrisostome semblent n’avoir pas évité cette confusion. Cf. J. LebketO’S. Le dogme de la transsubsiantiation et la christologie antiochienne du v° siècle jReport of the 19" Eucharistie Conqress [1908], p. 326-346 ; et Etudes, CXVII [1908], p. 477 sqq.).

La croyance à la transsubstantiation, que nous avons trouvée si clairement exprimée au ive siècle, se perpétue dans l’Eglise grecque et l’Eglise latine, V. g. S. Cyrille d’Alexandrie, In Matili., xxvi, 27 {P. G., LXXII, 452) ; S. Jean Damascène, Be fide 01thodoxa, IV, 13 (P. G., XCIV, 1144) ; cf. Batiffol, U Eucharistie, p. [bb sq. Ainsi, longtemps avant la définition de Latran, le dogme de la transsubstantiation est consacré par la tradition ; mais ce sera surtout à partir de cette date cjue s’en élaborera l’interprétation thcologique.

C. — Le sacrifice

L’historien protestant K. G. Goetz (Die Ahendmahlsfrage, p. 184) remarque que, dans l’interprétation de la tradition patristique relative au sacrifice eucharistique, les historiens protestants du dogme se sont bien rapproches des positions catholiques. Pour apprécier la justesse de cette remarcjue, il suffit de lire F. Kattenbusch, art. ^Jesse, dans Realencyklopàdie, xii, 664-685 ; même progrès chez les anglicans : M. GoRE(7’Ae hody of Christ, p. iS^) commence son chapitre sur le sacrifice eucharistique par ces mots : « Il est indubitable que, dès la date la plus

« ancienne, l’Eglise chrétienne a regardé l’Eucharistie

comme un sacrifice. »

Cette conception se rencontre, en effet, déjà dans la Didaché (xiv, i-3^ : « Au jour du Seigneur, dans

« votre réunion, rompez le pain et rendez grâces
« (£v ; ^a51JT/ ; (7aTï), après avoir confessé vos péchés, 
« pour que votre sacrifice ((/vt(k) soit pur » ; et l’auteur

confirme son conseil en citant la prophétie de Malachie (i, 11) sur le « sacrifice pur » qui sera offert en tout lieu. On retrouve la même idée chez S. Clément DE Rome : les oblations des prêtres chrétiens sont rapprochées par lui des sacrifices offerts par le sacerdoce juif (I Clem., xL-xLiv). S. Justin insiste davantage sur le caractère sacrificiel de TEucharistie : dans le Dialogue (xli, lxx, cxvi, cxvii) il lui applique la prophétie de Malachie (i, 11) et en même temps il spécifie que cette oblation eucharistique est faite en souvenir de la passion du Seigneur.

Ainsi qu’on l’a dit plus haut (col. 1566), M. Wieland pense que jusqu’à S. Irénée les chrétiens ne connaissent d autre sacrifice que la prière et l’action de grâces (Mensa und Confessio, p. 47-52 ; Der l’orirendische Opferbegriff, p. 34 131 ; cf., dans l’autre sens, Dorsch, Der Opfercharakterder Eucharistie, p. 220-276, et aussi Renz, Geschichte des Messopfer-Bes^riffs, I, p. 142-179). C’est une interprétation inexacte des textes : sans doute, les apologistes. 15 :

EUCHARISTIE

1578

dans leurs discussions soit contre les Juifs soit contre les païens, répètent volontiers que les chrétiens nont d’autre sacrifice que la prière et l’action de grâces ; Justin, I Apol., XIII, Dial.. cxvii : Athénagore, Légat., ui Mi.nucius Félix, Octarius. xxxii, 2. Ceci s’entend en ce sens que les chrétiens n’ont pas de sacrifice sanglant comme en ont les juifs et les païens, et aussi (Renz, p. 154), que leurs sacrifices ne sont pas des sacrifices absolus et indépendants comme ceux des païens, mais des sacrifices relatifs et commémoratifs. Mais ces textes ne peuvent nous faire oublier que, pendant tout le second siècle, la prophétie de Malachie sur le « sacrifice pur » est appliquée à l’eucliarislie. et que l’eucharistie est représentée, surtout chez saint Justin, comme une commémoration de la Passion.

La conception du sacrifice eucharistique est peu précise chez S. Irénée (Ad^ hær., IV, xvii, xviii). Cf. Massuet, in h. l. ; Feiardext (P. G.. VII, 1^18-1725) ; Grabe (lyoS) ; Rexz, /. /., p. 186. Elle est plus ferme chez les docteurs africains iTertclliex (/>e / ; « <//(/// « , II) écrit en interprétant de l’Eucharistie la parabole de lenfant prodigue : « Recuperabit igitur et apostata vcstem prioreni, indumenluin Spiritus Sancti, (i et annuluni denuo, signacuhini lavncri, et rursus

« illi mactal)itur Chrislus… » S. Cypriex développe

beaucoup plus amplement la doctrine du sacrilice eucharistique dans sa lettre exiii’ ; cette lettre a pour but de maintenir ou de rétablir la tradition chrétienne, violée par les aquariens et de montrer la nécessité de la consécration du vin ; à cette occasion, S. Cyprien rappelle les principaux traits de la doctrine eucharistique, ceux surtout qui en déterminent le caractère sacrificiel ; il est nécessaire de reproduire ici ces textes très importants (éd. Hartel, p. 701-717) :

4. Qui magis sacerdos Dei summi quani Dominus noster lesus Chrislus, qui sacrificiuin Deo Patri obtulit et oblulit hoc idem quod Melchisedech ohtulerat, id est panom et vinum, suum scilicet corpus et sanguinem. 7. Quomodo ad potandum vinum veiiiri non potest nisi Ijotruus calcetur ante et premalur, sic nec nos sanguinem C’iristi possemus bibere. nisi Christus calcatus prius fuisset et pressus et caliceni pi’ior hiberet, quo credentibus propinaret. 9. Iiiveniirais calicem mixtum fuisse qiiem Dominus obtulit et vinum fuisse quod sanguinem dixit. Unde apparet sanguinem Ciiristi non ofl’erri, si dosit vinum calici, nec sacrificium dominicum légitima sa : iclilicatione celebrari, n’si oblatio et sacrificium nostium respondorit passioni. 14. Si Christus lesus Dominus et Deus noster ipse est suinmus sacerdos Dei Patris et sacrificium Patri se ipsum obtulit et hoc fieri in sni commemorationem præcepit, utique ille sacerdos vice Ciirisli V cre fungitur, qui id quod Christus fecit imitatur et sacrifiiium verum et plénum tune ofFi’rt in Ecclesia Deo Patri, si sic incipiat offerre secundum quod ipsum C’iristum videat oblulisse. 17. Quia passionis eius montionem in sacrificiis omnibus facimus, ])assio est cnim Doinini sacrificium quod oflerimus, nihil aliud quam quod ille fecit facere debemus.

La signification de ces textes est très claire : elle peut se résumer ainsi : à la cène, le prêtre souverain, Jésus-Christ, a ofTert à Dieu son Père son corps et son sang en sacrifice(4, i’)) ; lemèmesacrifice esloflcrl aujourd’iiui par les prêtres qui tiennent la place du Ciirist {[^) ; ce sacrifice n’est autre que la j^assion du Christ (17, cf. <)) ; celle relation de l’Eucharistie à la l)assi()n est si essentielle que, si le Christ n’avait pas soulferl, il ne pourrait y avoir de conmiunion eucharisliiiue (7). Ce sont là tous les traits essentiels de la théologie catholique du sacrifice eucharisliqiie. Cf. Renz, p. 219-233.

5. Cyprien nous atteste aussi l’usage d’ollrir le sacrifice de la messe pour les vivants et pour les morts : Epist. xvi, 2 ; xvii, 2 ; 1, 2 ; la même attestation se trouvait déjà chez Teutullikn, De coruna, m ; De mono^, , x ; De exhort. castit., xi.

Origèxe affirme très énergiquement, d’une part, l’unicité du sacrifice de la croix (fri Levit, hom. ix, 2 [P. G., XII, 009]), d’autre part, le caractère sacrificiel de l’Eucharistie et sa valeur propitiatoire (ibid., : o, [523], Hom. xiii, 3 [547]).

S. Cyrille de Jérusalem expose le dogme du sacrifice eucharistique avec autant de précision et de fermeté que celui de la présence réelle et de la transsubstantiation : Catech. myst., x, 8-10 : la messe est pour lui un sacrifice spirituel (^--^rjuv-tyr, Oj71x), un culte non sanglant (àv’yi’y.a/.Tîç Jy.rpiiy :), où’( nous ofirons le Christ immolé pour nos péchés », et ce sacrifice est propitiatoire pour les vivants et i)our les mort=. Le théologien luthérien cité ci-dessus (col. 157^). Plitt, écrit de cette doctrine du sacrifice eucharistique (p. 153) : « Tota Ecclesiæ Romanæ doclrina tantum

« non totidem verbis apud Cyrillum invenitur. » 

Chez les Pères postérieurs, on retrouvera la même doctrine, caractérisée par ces deux traits principaux.

« ) L’Eucharistie est un sacrifice véritable quoique

non sanglant : S. Grég. de Naz., Epist. clxxi (P. G., XXXVIL280) ; Carm. I, 11, 17, 1 3 XXXVII, 782) ; II, I, 17, 39 (1264) ; S. Jean Ciirys., In « yidi Dumiiutm », hom. VI LVI, 138) ; In S. Eustaih., 1 L, 601) ; De sacerdot., iii, 4 XLVIII, 642) ; In Rom. hom. viii, 8 LX, 465) ; / « Hebr. hom. xiv, i LXIII, iii), etc. ; cf. N.vegle, /. /., p. 148-232 ; S. Cyrille d’Alex., De adorât, in spir. et verit., 10 LXVIII, 708) ; etc., cf. Weigl, /./., p. 220 ; S, JeaxDamasc, De fîdeoilhod., IV, 13 XCIV, 1149) ; De imag., II, 17 (1304) ; S. Am-BROisE, In Luc, i, 28 (P. L., X"V, 1545) ; In Ps. xxxviii, 25 XIV, io54-io55) ; S. Jérôme, Epist. xxi, 27 XXII, 388) ; In Tit., i, 8 (XXVL 568) ; In Ezech., xlvi, 13 XXV, 462) ; S. Augustin, De Cis-it. Dei, XVII. xx, 2 XLI, 556) ; Quæst. evang., ii, 33 XXXV, 1346), etc. Cf. M. Blein, Le sacrifice de l’Eucharistie d’après S. Augustin (thèse de Lyon, 1906) ; Portalié, art. cité, col. 2421. — C’est sur cette doctrine du sacrifice eucharistique que s’appuie l’interprétation, d’ailleurs inexacte, que donnent plusieurs Pères du triduum mortis : ils le font commencer à la cène, oii le Ciirist peut être déjà considéré comme mort, puisqu’il s’offrait comme victime : S. Grégoire de Xysse, Orat. I de Christi resurr. (P. G., XLA’I, 612) ; Apiiraate, Serm. xii, 6 (éd. Gi-affin, I, 517) ; S. Ephrem, E-ang. concord. exposii., xix (éd. Mosingcr, p. 221) ; cf. />/’dascal. (éd. Funk, II, p. 13-14). ps. August., In symboL, 6 (P. L., XL, 657).

/>) L’Eucharistie est un sacrifice, en tant qu’elle représente le sacrifice de la croix et nous fait communier à la Passion du Seigneur : S. Grég. de Naz., Carm., i, 11, 34, 237 (P. G., XXXVII, 962) ; S. Jean Chrysostome, In Hebr. hom. xvii (LXIII. 131 ; texte important pour l’inlerijrélation de l’épilre aux llé])reux, et pour la théologie du sacrifice eucharisti(lue) ; Ad^ : lud., iii, 4 XLVIII, 867) ; // ; Act. hom., xxi LX, 170) ; S. Cyrille d’Alex., (ilaphrr. in Exod., 2 LXIX, 428). etc. Cf. Renz. I, p. 448 sq. ; S. Jérôme. Ads’. lo^in., II, 17 (P. /.„ XXIII, 311) ; S. Augustin, Kpist. xcviii, 9 (XXXIll, 363-364) ; Cont. Faust., vi, 5 (XLll, ; >31) : ^x. 18-21 (382-o85). Cette relation essentielle du sacrifice eucharisticpie au sacrifice delà croix a été particulièrement étudiée par Re.nz ; le premier volume de son Histoire de la conception du sacrifice de la messe (Die Geschichie des Messopfer-Begriffs, Freising, îqoi) est intégralement consacré à suivre le dévehippement de cette doctrine dans l’Ecriture et dans la tradition patristiquc.

I. — Le mystère de l’Eucharistie

L’étude de l’Ecriture et de la tradition a montré les preuves certaines de la révélation du dogme de

l’Eucliaristie. Cette constatation toutefois ne fait pas tomlter toutes les objections : pour ce mystère comme la plupart des autres, ce qui déconcerte le plus g^rand nombre d’esprits, c’est moins le fait de la révélation que l’objet de la révélation ; sans doute on soulève beaucoup de difficultés liistoriqvies, qu’il faut résoudre ; mais l’objection capitale, avouée ou tacite, se prend du mystère lui-même. C’est ainsi, par exem-I )le, qu’A. Ri’iviLLE écrh’Ait (Manuel d’instruclian religieuse, 200-25 1) : « Le dogme catholique, qui ne date

« sous sa forme arrêtée que du xie siècle, est aussi
« contraire au bon sens qu’aux textes. Il suppose

M que le même corps peut être présent en plusieurs

« lieux à la fois ; que la substance d’un corps peut
« totalement changer sans que les accidents (couleur,
« forme, dimensions, saveur, odeur, etc.) éprouvent
« le moindre changement ; que. Jésus-Christ présent,

K ses apôtres assis à la même table ont pris et mangé

« leur maître, etc., etc. El quelle inutilité dans ce
« miracle monstrueux ! » Cf. Calvix, Instit. chrét.,

IV, XVII, 2^ ; Grétillat, I. l., IV, 506 sq. ; Lobstf.ix, La doctrine de la Ste Cène, p. 163 sq. ; Mo.nxier, art. Cène, Encyclopédie des sciences religieuses, II, p.’j-g, etc.

Pour répondre à ces objections, il faut d’abord dissiper l’équivoque crééepar nos adversaires autour de la notion même de mystère. Autre chose est une doctrine mystérieuse, autre chose une doctrine contradictoire. Nous prétendons que, dans les dogmes chrétiens, et, en particulier, dans le dogme de l’Eucharistie, on ne peut démontrer avec certitude aucune contradiction, et sur ce point nous insisterons tout à l’heure ; nos prétentions ne vont pas plus loin ; nous croyons que l’objet de notre foi est mystérieux et que, par conséquent, nous ne pouvons en démontrer intrinsèquement ni l’existence ni même la possibilité. Volontiers nous répétons ce que saint HiLAiRE écrivait de l’Eucharistie (De Trinit., VIII, 1/4. P.L., X, 24 ;) : « yon est humano a ut sæculi sensu in’Dei rébus loquendum… Quæ scripta sunt legamus, et quæ legerimus inteliigamus. et tuniperfectæ fidei officio fungemur… »

Nous ajoutons même que le caractère mystérieux du dogme eucharistique confirme notre foi, loin de l’ébranler. Sans doute, si la Cène n’est qu’une commémoraison symbolique, comme le veut ZAvingle, elle n’a plus rien qui nous déconcerte, mais aussi elle n’a plus rien qui nous dépasse ; nul, sans doute, ne sera tenté de dire, comme àCarpharnaiim : Durus est hic ser.’HO ; mais nul ne comprendra, en présence d’une institution si familière, si simplement humaine, ni le trouble des disciples, ni l’accent mystérieux des paroles du Christ. Les hérétiques du xvi’siècle, moins rationalistes et plus religieux que ceux d’aujourd’hui, comprenaient pour la plupart ce caractère nécessairement mystérieux du dogme chrétien, et un des efforts principaux de Calvin a été de l’assurer à sa doctrine : Instit. chrét. IV, xvii, 2^ ; Dilucida explicatio sanæ doctrinæ de vera participatione carnis et sanguinis Christi (Genevæ 1561), p. 28 ; aujourd’hui ses disciples l’ont éliminé, condamnant ce qu’ils jugent non sans raison une « représentation fantastique » (Lichtenberger, art. Cène, Encyclopédie, II, p. 701). Ce n’est pas aux hommes, en effet, qu’il appartient d’introduire des mystères dans le dogme ; leur devoir est d’y reconnaître et d’y croire ceux que Dieu leur a révélés.

D’autre part, si la raison est déconcertée par le mystère eucharistique, elle n’j-constate avec certitude aucune contradiction. Pour mettre ce lîoint en lumière, nous exposerons brièvement l’interprétation rationnelle du dogme, telle que S. Thomas la proposée (1II « , ([. ; 3-83).

Cette doctrine suppose que le monde matériel est autre chose qu’un réseau d’apparences sensibles et qu’il est formé aussi de réalités sous-jacentes que l’esprit seul peut percevoir ; elle suppose de plus que non seulement ces deux ordres de réalités sont distincts, mais que, malgré la relation transcendantalc qui les unit, ils peuvent être miraculeusement séparés l’un de l’autre. Partant de la conception péripatéticienne des accidents absolus (cf. Aristotk, Métaph. , IV, 3, 1029 a 13), S. Tuomas montre qu’on ne peut prouver que Dieu ne puisse soutenir miraculeusement dans l’existence la quantité et, par elle, les autres accidents, après que la substance du pain a été convertie au corps du Christ (III'>, q. 77, a. 1, 2). D’autres théologiens, partant du dynamisme de Leibniz, distinguent entre la substance conçue comme principe d’énergie (îvjo/îik) et l’impression qui en émane (hip-/r, y.y.) (ainsi Fraxzelix, JDe eucharistia-, II. 290). Quelle que soit la conception philosophique à laquelle on s’attache, on devra maintenir la distinction des objets sensibles et des objets intelligildes, et la séparation possible, — par miracle, — des uns et des autres.

A. — La présence réelle et la transsubstantiation

Le catéchisme du concile de Trente (n. 26 sq.)j énonce ainsi les traits essentiels du mjstère de l’Eucharistie : « Dans ce sacrement il y a trois vérités

« souverainement admirables, que la foi catholique
« croit et confesse sans aucune hésitation. La première

est que le corps véritable du Christ, celui-là

« même qui, né de la Vierge, siège aux cieux à la
« droite du Père, est contenu dans ce sacrement. La
« seconde est que rien de la substance des éléments
« ne reste dans le sacrement… La troisième est que
« les accidents restent sans svijet d’une façon admirable

et inexplicable. »

Ces trois traits du dogme eucharistique ont déjà été reconnus dans la doctrine scripturaire et traditionnelle ; l’étude théologique en fait apparaître la cohésion.

Elle ne Aise pas d’ailleurs à en effacer le mystère ; loin de là : ce n’est qiie par la considération attentive du mystèrequ’onpeutparvenir à une conception rationnelle du dogme chrétien et, en particulier, du dogme de l’eucharistie. Les doctrines héréti({ues se reconnaissent en général à ce qu’elles présentent d’abord à l’esprit des conceptions accessibles, parce que purement humaines, mais l’engagent ensuite dans des contradictions insolubles ; tout au contraire, la doctrine catholique met d’abord le fidèle en face d’un mystère qui le déconcerte ; mais ensuite la confession du mjstèrelui fait saisir tout le reste ; et par là encore se vérifie la maxime augustinienne : Credo ut intelligam. Ainsi en est-il de l’Eucharistie : rien ne dépasse plus nos idées humaines que le dogme de la transsubstantiation ; c’est par là cependant que tout s’éclaire : la présence du corps du Christ dans l’hostie, en tant de lieux différents ; sa présence totale en chaque parcelle ; la permanence des apparences sensibles du pain et du Ain, tout cela est sapi par le théologien catholique dans la confession de la transsubstantiation ; mais, s’il al^andonne ce dogme primordial, toute la synthèse dogmatique se disperse en un chaos de propositions contradictoires.

Le concile de Trente définit la transsubstantiation une convcrsion admirable et singulière de toute la substance du pain en toute la substance du corps du Christ, et de toute la substance du Ain en toute la substance de son sang, les apparences sensibles du pain et du A’in continuant d’ailleurs à exister. Ces paroles marquent assez ce qui distingue la trans1581

EUCHARISTIE

1582

substantiation de toutes les transformations naturelles : dans celles-ci, il n’y a pas changement de toute la sul)stance d’un corps en toute la substance <l"un autre, mais seulement changement de forme substantielle, la matière étant le sujet de cette transformation ; l’agent secondaire, qui opère ce changement, ne peut atteindre plus profondément ; et encore n’est-ce que par une série de transformations accidentelles qu’il provoque et produit cette transformation substantielle. Par la transsubstantiation, au contraire, Dieu atteint immédiatement la substance et il l’atteint tout entière ; parce qu’elle dépend totalement de son action créatrice, elle peut être totalement convertie par lui.

Si l’on comprend cette ditTérence essentielle qui distingue, à son origine, la transsubstantiation de toutes les transformations naturelles, on la reconnaîtra aussi dans son terme. La substance du pain ne s’additionne pas au corps du Christ, n’entre pas en composition avec lui, elle est transsubstantiée en lui. C’est ici surtout qu’on constate combien l’analogie de l’assimilation vitale est décevante : le pain que nous nous assimilons par la nutrition accroît notre corps et répare ses perles : c’est que la matière que notre àme saisit en l’informant n’a pas été changée , « n la matière de notre corps, mais s’additionne à elle. Si, au contraire, selon la définition de Trente, toute la substance du pain est changée en toute la substance du corps du Christ, rien de pareil ne se produit : il n’y a point addition, mais conversion. i)’<)ù cette conséquence, que le corps du Christ n’éprouve aucun changement du fait des transsubstantiations dont il est le terme.

De plus, puisque l’action divine n affecte pas les accidents du pain, mais immédiatement et uniquement la substance, la conversion qu’elle opère appartient tout entière, par son terme comme par son principe, à l’ordre des substances et non pas à l’ordre des accidents. Sans doute, le Christ est tout entier dans l’hostie, corps, àme et divinité ; il y garde donc tous les accidents sensibles qui lui sont naturels ; cependant, s’il se trouve là, c’est en Aertu de l’action qui a changé en son corps la substance du pain ; cette action n’a donc pour terme immédiat que la substance, tout le reste n’y est que par concomitance naturelle. Il faut donc concevoir la présence du Christ à la façon dont on conçoit la présence d’une sulistance ; et, puisque la substance même corporelle n’appartient pas à l’ordre sensible, qu’elle est objet <le l’esprit, non de l’imagination ni des sens, elle est par elle-même inéteiulue ; il est aussi inexact de se la représenter comme ramassée en un i)t)int que de se l’imaginer comme diffuse et répandue dans un espace ; si elle est situéedans le lieu, c’est par les dimensions sensibles qui sont les siennes. Avant la transsubstantiation, la substance du pain est localisée par ses accidents propres ; api-ès la conversion, le corps dvi Ciirist, auquel le corps du i)ain a été changé, est présent dans le lieu qu’occupait le pain par le fait même <pi’il se trouve contenu sous les dimensions du pain ; mais, parce que ces diuiensions ne sont pas les siennes, il n’est pas mesuré par le lieu qu’elles circonscrivent, il ne s’y trouve pas localement.

On conclura de cette analyse qu’il faut écarter toutes les objections qui procèdent des imaginations spatiales : le corps ilu (>hrist, dit-on, sera éloigné de lui-même, il sera [)lus petit qu’il n’est naturelhMuent, ses dimensions seront multipliées autant de fois que sa présence, etc. Toutes ces objections méconnaissenl la position véritable de la doctrine calholique : If Christ est rendu présent daiis l’eucharistie non par une translation locale, non par une j)r(jduction naturelle, mais par une transsubstantiation ; et, parce

que cette action est transcendante à l’ordre sensible, la présence qui en est le terme n’implique rien qui puisse être perçu par les sens ni imaginé ni mesuré.

En imposant à l’esprit cette vérité par la définition de la transsubstantiation, l’Eglise l’engage dans la seule voie ouverte à l’intelligence du mystère eucharistique. On l’a montré en effet par divers arguments (S.Thomas, III'>. q. ~b, 2 ; cf. Billot, Z>e Eucliaristia ^, p. /|o6 sqq. ; en partant d autres prémisses, Schell, Dogmat. Tlieol., 111, p. 628, est arrivé à la même conclusion), la présence réelle ne peut se concevoir sans la transsubstantiation. Ce qui a été dit ci-dessus suffit, pensons-nous, à le faire comprendre ; la transsubstantiation seule, c’est-à-dire, d’une part, la conversion de toute la substance du pain en toute la substance du corps du Christ, et, d’autre part, la permanence des accidents sensibles du pain, nous permet d’aflirmer que le corps du Christ est réellenient présent dans l’hostie, ainsi que lui-même nous l’enseigne, et que cependant il n’est aucunement changé par toutes les transsubstantiations dont il est le terme, et qu’il ne reçoit, du fait de ces présences multiples, ni dimensions nouvelles ni relations spatiales nouvelles. Ouand le Verbe, à l’Incarnation, s’est uni réellement la nature humaine, il n’a éprouvé ni changement ni altération ; ainsi en est-il du corps du Christ, quand il devient présent dans l’hostie ; il est là parce que la substance du pain a été intégralement changée en lui, et que, maintenant, les accidents sensibles du pain déternnnent sa présence dans le lieu que le pain occupait ; quand ces accidents sont détruits, la présence cesse, et le corps du Christ n’en est pas plus changé, que Dieu n’est changé quand sa présence cesse dans une créature qui cesse d’exister.

Tout cela sans doute est mystérieux, parce que tout cela est divin ; mais les sens ni l’imagination n’ont rien à y opposer, parce que tout cela est étranger à leur domaine, et la raison n’y peut contredire, parce qu’elle n’y peut saisir avec certitude aucune impossibilité.

B.

Le sacrifice

La doctrine catholique du sacrifice eucharistique n’implique aucune dillicuUé particulière, si elle est bien entendue ; Bossuet écrivait, après avoir exposé la réalité de la présence du Christ : « Nous prions

« les prétendus réformés de considérer que nous
« u’emplojons pas d autres choses pour expliquer
« le sacrifice de l’Eucharislie, que celles cpii sont

i< enfermées nécessairemi’ut dans cette réalité. » (/ : ".<position de la doctrine catltolique. xvi.) Pour constater la justesse de cette remar([ue. il suffit de se reporter à l’étude qui a été faite plus haut (col. 1564 sqq.) des textes du Nouveau Testament. En vertu même de l’institution de Notrc-Seigneur, si son corps est présent au Saint-Sacrement, c’est connue la victime de la nouvelle alliance ; si le chrétien l’y doit nu

ger, c’est pour communier à ce sacrifice.

Dès lors apparaît clairenu^nt la vérité et la nature du sacrifice eucharistique : la messe est un vrai sacrifice, parce qu’elle représente réellement le sacrifice de la croix et nous en api)lique les fruits. On ne peut donc reprocher à la cloclrine catholique de méconnaître la dignité et la sutlisance du sacrifice de la croix ; le concile de Trente a ]>ris soin de le faire renuir([uer : c’est la même victime, c’est le même prêtre, seul le mode d’oblation diffère ; et, loin de dérogera l’oblation sanglante de la croix, l’oblation non sanglante de l’Eucharistie ne fait qu’eu dispenser les fruits (Sess. xxii, ch. 2, Dcnz.. ij-io I817]).

Nous retrouvons ici la doctrine si clairement exprimée par saint Cyprien : Passio est Doniini sacri/i1583

EUCHARISTIE

1584

cium quod offerimus. C’est dans cette relation de l’Eucharistie à la croix que consiste l’essence du sacrifice eucharistique ; et si on veut préciser son caractère représentatif, on le trouve très nettement marqué dans les paroles de l’institution : « Ceci est mon corps livré pour vous)>, « ceci est mon sang répandu pour vous, le sang de l’alliance «.

C. — La place de l’Eucharistie

dans le christianisme

La dernière objection d’A. Réville, dans le passage cité plus haut (col. lo^g) se prenait de la prétendue « inutilité î de l’Eiuharistie. Depuis le xvi° siècle, les controversistes protestants ont bien des fois répété cet argvuiient : la foi seule peut nous unir au Clirist ; la chair ne sert de rien. Cette objection a déjà été résolue ci-dessus (col. 1561), en tant qu’elle prétend s’appuyer sur Joan., vi, 63. Mais comme elle part de prémisses plus générales et dépend de toute une conception du christianisme, il importe, pour l’écarter délinitivement, de considérer le mystère de l’eucharistie, tel qu’il se présente dans la synthèse de la doctrine catholique. Cette considération pourra servir aussi à corriger ou à compléter ce qu’il y a souvent d’étroit ou d’imparfait dans la conception que des catholiques eux-mêmes se forment de l’eucharistie. Au reste, nous n’aurons guère ici qu’à reprendre et à coordonner ce qui a déjà été exposé ci-dessus d’après TEcrilure et les Pères, et nous le ferons, autant que possible, en reproduisant leurs propres paroles.

Notre-Seignevir lui-même, dans le discours rapporté par saint Jean, a marqué le lien étroit qui unit l’Eucharistie à l’Incarnation : descendu du ciel pour donner la vie au monde, le Christ se donne comme pain de vie à tous les chrétiens ; et ceux qui ne le mangent pas ne peuA-ent ni vivre ni ressusciter. Si l’on tient pour superflue cette union physique, si on lui préfère la seule union par la foi, il faut aller jusqu’au bout, regarder l’Incarnation comme superflue, et. repoussant la médiation du Verbe fait chair, appréhender immédiatement la divinité parla foi seule. QuiconquencACut pas ainsi renier le Christ, cjuiconque confesse que nul liomme ne peut s’unir à Dieu sinon en s’unissant au Fils de Dieu incarné, ne peut pas plus répudier l’Eucharistie que l’Incarnation, puisque c’est par l’Eucharistie que le bienfait de l’Incarnation est appliqué à chaque fidèle. La nature humaine, blessée à mort par le péché, n’a pu être vivifiée qu’en prenant contact avec la divinité, dans l’unité de la personne du Christ ; mais cette vivification collective de l’humanité ne s’achève que par la vivification individuelle de chaque homme ; il faut que notre corps mortel prenne contact avec la chair vivifiante du Christ, afin que, selon l’expression des Pères, ce ferment divin fasse lever la masse ; sans cette union-là, nous n’avons pas la A’ie en nous et nous ne serons pas ressuscites au dernier jour. Cette parole du Christ a été prise à la lettre par ses interprètes les plus autorisés, depuis S. Ignace d’Antioche jusqu’à S. Cyrille d’Alexandrie, en passant par S. Irénée. S. Grégoire de Nysse, S. Jean Chrysostome. Nous ne pensons pas avoir le droit do lui prêter un autre sens (cf. ci-dessus, col. 1578. sur la nécessité de l’Eucharistie).

De plus, l’union des clirétiens au Christ n’est pas seulement une union individuelle, mais aussi une union sociale : ils forment un seul corps, l’Eglise ; mais cette unité n’est assuréequepar la participation à un même pain eucharistique. Comme les grains de blé épars se ramassent dans l’unité d’un seul

pain, ainsi les fidèles sont unis entre eux dans l’unité du corps du Christ. Ils deviennent « concorporels ».

« consanguins » au Christ ; d’un mot, ils deviennent

ce qu’ils reçoivent. le corps du Christ, et étant le corps du Christ, ils sont animés par l’Esprit du Christ.

Mais ce corps est une victime : de même que le Christ ne s’est incarné que pour nous sauver, il ne se donne à nous dans l’Eucharistie que pour nous appliquer les fruits de sa mort. C’est donc par l’Euciiarislie que nous participons à la passion : la nouvelle alliance a été célébrée, nous n’en jouissons que si nous recevons le sang qui la consacre ; la victime unique a été ofïerte à Dieu, nous ne communions à son sacrifice qu’en mangeant sa chair et en buvant son sang.

Et puisque, comme il a été dit plus haut, le Christ nous assimile à lui-même dans l’unité de son corps, c’est chacun de nous, c’est l’Eglise entière qui avec lui s’ofTre en sacrifice.

On voit ainsi comment l’Eucharistie a, dans l’économie de notre salut, un rôle unique et suprême : c’est elle en cfTet qui achève l’œuvre de l’Incarnation et de la Rédemption ; par elle, Jésus-Christ s’unit à chacun des hommes dont son Incarnation l’a fait le frère, et il applique à cliacun d’eux les fruits de la mort qu’il a sul)ie pour lui ; par elle, il récapitule en lui riiumanité tout entière, l’anime par sa vie, l’unit dans son corps, la consacre en l’offrant avec lui à son Père.

Bibliographie. — On a indiqué au cours de cet article les monographies où sont traitées plus particulièrement les diverses questions. Pour n’en pas reprendre ici la liste, on se contentera d’indiquer les ouvrages d’ensemble et seulement les plus importants.

Pour l’institution de l’Eucharistie, et la doctrine duN.T., V. W. Berning, />/e Einselzung der heiligen Eucharistie (Miinster, 1901) ; P. Batilfol, Etudes d’histoire et de théologie positive, 2° série, L’Eucharistie (3’éd. [Paris, 1906], p. 3-ioi, c’est à cette édition que sont faits les i-envois, sauf indication contraire ; 4’éd. [non encore parue], p. 1-160) ; G. Ravischen, L’Eucliaristie et la Pénitence durant les six premiers siècles de l’Eglise (Paris, igio), p. 50-60. — Les attaques les plus récentes contre l’institution sont celles de J. Réville, Les origines de l’eucharistie (Paris, 1908), et de M. Goguel, L’Eucharistie des origines à Justin Martyr (Paris, 1910).

Pourl’histoiredela doctrine eucharistique etl’exposé de l’argument de tradition, on consultera toujours avec fruit La perpétuité de la foi (Paris, 1670171.") et 1841). Parmi les ouvrages contemporains, il faut citer surtout A. Struckmann, L)ie Gegenwart Christi inderhl. Eucharistie nach den schriftlichen Quellen der yornizanischen Ze/V (Wien, 1906) ; du même. Die Eucharistielehre des hl. Cyrill von Alexandrien (Paderborn, 1910) ; F. S. Renz, Die Geschichte des Messopfer-Iiegriffs oder der alte Glaube und die neuen Theorien liber dus ff’esen des unblutigen Opfcrs (2 vol., Freising, 1901-1902 ; ainsi que le titre l’indique, ce livre est une thèse autant qu’une histoire (cf. supra, col. 1566 et 1578) ; mais on y trouve réunis des matériaux en très grand nombre) ; P. BatifTol, L’Eucharistie. — En dehors des historiens catholiques, on peut consulter E. B. Pusej-, The doctrine of the real présence, as contained in the Fathers from the death of S. John the Evangelist to the fourth gênerai coujicil (0-s.(or(, 1855 ; plaidoyer très érudit pour 1585

EUCHARISTIQUE

1586

la prcsence réelle et contre la transsubstantiation ) ; G. E. Steitz (prot.), Die Abendmahlslehre der griechischen Kirc/ie in iltrer geschichtlichen Entiviclcluns ; (Jahrbilcher fiir deutsche Théologie, IX (1864), p. 409-581 ; X (1865), p. 64-152, 899463 ; XI (1866), p. 193-253 : XII (1867), p. 211-286 ; XIII (1868), p. 3-66, 649-700) ; Darwell Stone (anglican), J kistorr of tlie Doctrine of the hoir Eucharist (2 vol., London. 1909 ; l’époque patristique est étudiée, I, p. 22-1 32).

Pour l’interprétation rationnelle du dogme on peut consulter les théologiens des diverses écoles : S.Thomas, IIIs q. 73-83 ; Scot, In sentent. IV, dist. 8-1 3 ; Suarez, In III^™, dispiit. xxxix-lxxxviii ; Lugo, De Eucliaristiæ sacnnnento ; Mastrius, In sentent, Ul, disput.ui’^. de Eucliaristiæ sacramento ; Salmanticenses, In III » "’, q. 73-83, tractât, xxiii, de Eiicharistiæ sacramento : Billuart, De Eue harisliae sacramento ; Franzelin, De Eucharistiae sacramento et sacrificio (éd. 3^, Romae, 1879) ; L. Billot, De Ecclesiæ sacramentis, I (éd. 4^^ » Romae, 1907), p. 303-637.

Pour l’exposition du dogme, v. Bossuel, Exposition de la doctrine catholique sur les matières de controverse, x-xvii.

Jules Lebretox.