Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Ciel

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 274-276).

CIEL. —
I. Le ciel séjour spécial des bienheureux— U. Prétendues erreurs de la théologie catholique sur la constitution du ciel.

Dans le langage biblique, le mot ciel, Samarim, de la racine Sâmâh, « être élevé », désigne, au sens propre, les régions ultra-terrestres, le firmament étoile (Gen., i, 1). Mais ce terme est aussi employé fréquemment pour exprimer, dans un sens exclusivement théologiqiie, le séjour spécial de Jahveli et de ses anges (Gen., xi, 5 ; Ps., xi, 4 ; Job., i, 6). Voir, sur l’acception biblique de ce terme, Cremer, art. LLimmel, dans Liealencyclopàdie fur protestantische Théologie, 3’édit., Leipzig, 1900, t. VIII, p. 80. L’idée d’un séjour particulier des esprits supérieurs et de la divinité se retrouve d’ailleurs chez les peuples polythéistes de l’antiquité. Cf. ARisTOTE, Z)ecrte/o,

II, 3 ; De viundo, 2, édit. Didot, t. II, p. 392.

C’est en ce sens que le mot ciel est entré dans l’usage de l’Eglise pour désigner le lieu où les saints et les anges jouissent en commun de la vision de Dieu. La question de la vision intuitive de Dieu jiar

les élus dans le ciel se rattache exclusivement à la dogmatique et à la controverse ; mais la croyance de l’Eglise à l’existence d’un séjour spécialement réservé aux bienheureux a été tout à la fois rejetée par les protestants et dénaturée par les rationalistes : c’est à ce double point de vue qu’elle intéresse l’apologétique.

I. — En détruisant le dogme de la communion des saints et la notion même de l’Eglise, Luther était amené logiquement à faire l’application de ses théories individualistes à la vie future et à rejeter toute idée de vie commune, tout lien social entre les élus. Dès lors la félicité éternelle n’implique aucune communauté de séjour dans l’infini des espaces. « Cherche qui voudra si les bienheureux iront Aoleter dans les cieux ou sur la terre… Là où sera Dieu, seront aussi les élus.)’(Commentaire sur la Ll’^ Epître de saint Pierre, Opéra, édit. de Wittemberg, t. V, p. 353.) Les conclusions de cette doctrine ont été formulées aussitôt par les ubicquistes et défendues a^ec passion par Brextz : « Le ciel ne peut exister qu’à la condition de comprendre l’enfer ; dans le royaume des cieux se trouvent Satan et ses anges, les impies et les païens. » Cf. Werner, Geschichte der Apologetik, * Vienne, 1865, t. IV, p. 624, 656.

Le protestantisme libéral, envisageant la question au point de vue purement philologique, se flatte d’établir que l’idée catholique du ciel est une conception scolastique, tout à fait en dehors des croyances de la primitiv.e Eglise. Cf. Wabxitz, art. Ciel, dans YEncyclopédie des sciences religieuses, Paris, 1878, t. m’, p. 182.

Bien qu’elle n’ait jamais été l’objet d’une définition formelle, la doctrine catholique sur le ciel se trouve nettement contenue dans divers documents dogmatitjues dont l’interprétation ne saurait être douteuse. Il suflit de recourir soit à la confession de foi proposée pai’Clément IV à Michel Paléologue, en 1267, et reçue par Grégoire X, en 1274 ; au II concile œcuménique de Lyon, soit à la bulle d’EuGÈNE l, Lætentur cæli, soit aux professions de foi prescrites aux Grecs par Grégoire XIII, aux Orientaux par Urbain VIII et Benoit XIV, soit à la co-nstitution Benedictus Deus de Benoit XII en 1336. pour y trouver l’atTu-mation explicite de la doctrine traditionnelle, telle qu’on la retrouve exposée dans ses lignes essentielles par le symbole alexandrin, dès les origines de l’Eglise. C’est la conception d’une société monarchiquement organisée au delà de cette terre, réservée aux seuls élus, et c[u’un seul mot résume : le royaume des cieux. Cf. Denzinger, Enchiridion, n. 464 (387), 693 (588, 870, 875), 530 (456).

C’est exactement la doctrine promulguée dans le Nouveau Testament, où le ciel apparaît comme une demeure, Mt., xxix, 30 ; Col., iii, i ; la demeure du Christ et de ses anges. Lc, 11, 15 ; Eph., i, 21 ; le rendez-vous de ses élus, Lc, x, 20 ; Jo., xia’, 2-3 ; I Thess., IV, 17 ; notre demeure de gloire, II Cor., a-, 1-2 ; la patrie des saints, Heb., xi, 16 ; l’éclatante Jérusalem, la cité sainte, Apoc, xxi, 2-10 ; xxii, 5. Cette conception, d’ailleurs, il importe de le remarquer, n’était point nouvclle ; on la retrouve en maints endroits dans Philon d’Alexandrie. De præmio et poena, 6, Opéra, édit. Mangey, Londres, 1742, t. II, 414 ; ^e profugis, 12, ibid., p. 575 ; dans Josèphe, qui rappelle d’un mot à ses soldats le yfipo^ où&avîù, comme la récompense ambitionnée par tous. De bello Judaico, 1. III, c. aiii, n. 5 (édit. Didot, Paris, 1865, p. 170). Elle était si populaire que les apocryphes se sont plu à l’embellir de toutes les couleurs de l’imagination comme le plus enchanteur des séjours. Cf. Stapfer, Les idées religieuses en Palestine à l’époque de Jésus-Christ, Paris, 1886, p. 136 sq., Re^-ue des études juives, Paris, 1892, t. XXV, p. 4Rien de plus familier aux Pères apostoliques que cette pensée du ciel envisagé comme un séjour permanent, comme l’éternelle et commune demeure des élus. L’Epitre de Barnabe, xis., 1, désigne expressément le ciel comme le lieu spécialement réservé aux justes, -rèv iipiT/jiivw zd-ov^ Clément de Rome, comme la patrie des saints, xôipo. ! iOTcsiv, I Cor., l, 3, comme la place assignée aux justes pour l’éternité, XLiv, 16 (Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1883, t. I, p. 52, 124, 116). On sait assez les détails de la Vision du Pasteur dTlERMAS : le ciel est le lieu où sont réunis les anges et où habiteront les hommes avec le Fils de Dieu. F/*., 11, 7 ;.S// « //., ix, 2^, 4 (Funk, p. 542. 548). Igx.vce d’Antioche aspire « à monter vers Dieu dans le lieu préparé ». Ad Boni., 11, 2 (Funk, p. 21 4). Saint PoLYCARPE exprime le même désir ; il entrevoit la place réservée aux martyrs auprès du Seigneur. Ad Pitil., ix, a (Funk, ib., p. 2’j6). Enfin VEpître à Diognéte, vi, 8, vii, 2, x, 2, décrit en traits expressifs « le lieu céleste de la récompense incorruptible, séjour de la divinité et du Christ et royaume des élus)) (Funk, ibid., p. Sao, 320).

Brextz et, après lui, quelqvies critiques modernes se réfèrent vainement aux textes de saint Justin où il est expressément déclaré que l’àme ne monte pas au ciel après la mort. Dial. cum Tryp/i., 80, P. G., t. VI, col. 616. Mais il faut entendre, d’après le texte et le contexte, immédiatement après la mort, c/ay. rôj

« Tcô-^rl^x-iv. Saint Justin, en de nombreux passages, 

nous montre (> par delà les mondes, plus haut que le fii’mament, le séjour de la félicité commune ». Apol., II, I ; Dial. cum Tryph., 56 ; cf. r.tpl Kjy.^-zd-s-^.iz, j, ibid., 441. 612, 1589. Il ne s"agit, dans le texte allégué, que du délai de la récompense, la gloire du ciel étant conditionnée, poiu" saint Justin, par la résurrection.

L’enseignement de saint Irénée n’est pas moins exiJlicite, Cont. Jiær., 1. V, c. xxvi, n. i ; c. xxxv. n. 2, P. 6’., t. VII, col. II 22, 1220, et son discii)le HiP-VOLYTE nous représente, rassemblés, dans le ciel où est monté Jésus-Christ, les prophètes, les martyrs et les apôtres devant la face de Dieu. Serm. in Elcanam et Annain ; De Antichristu, 31, 59 (édit. Bonwetsch et Achelis, Die grieckischen christlichen Scltriftsteller, Leipzig. 1897, t. I, p. 20, ’5g, 122).

La synthèse de ces données traditionnelles, délinilivement établie par l’école eatéchétique d’Alexandrie, ne laisse subsister aucun doute sur la pensée de l’Eglise primitive. Reprenant la description de la

« patrie d’en haut » si souvent retracée par Clément

d’Alexandrie, Coh. ad gent., c. i et 9, Pæd., 11, 12 ; Stroni., VII, 2, P. G., t. VIII, col. 60, igS, 408, t. IX, col. 608, Origène commence à soumettre la croyance chrétienne à l’analyse et aux spéculations philosophiques et se demande où est fixé, dans l’univers, le ciel des élus. Tout en formulant l’hjpothèse que le séjour des bienheureux pourrait bien n’être pas en dehors du zoVwî ; , tout en étant distinct du firmament ou ciel étoile, il reconnaît que la philosophie est impuissante à résoudre ces problèmes. Deux points seulement sont acquis pour le chrétien : le ciel est un monde ulira-terreslre réservé aux élus, et la constitution des corps glorieux sera en harmonie avec les conditions de ce séjour éthéré. Cont. Ceisuni, vii, 31 ; III, 42 ; De princ., 1. II, c. iii, n. 6, P. G., t. XI, col. g-3, 19Ô, 1405. Cf. Koetschau, Origenes tl’erke, Leipzig, 1899, t. I, p. 182, 240.

Développée en de magnifuiues images par le génie de Tertuli-ikn, De anima, bb ; De resurr. carn., [’i ; Ap., 47, P. /… t. II, cr)l. 742-744. 856, t. I, 520 ; cf. d’Alès, Art Théologie de Tertullirn, Paris, 1900, p. 281, 446-448, en traits enflammés parla foi ardente

de saint Cyprien, Ad Fortunatum de exhortations martyrii, c. 12, 13 ; Liber ad Demetrian., c. 25, P. L., t. IV, col. 676, 563 ; édit. Hartel, dans Corpus Scriptor. eccles. latin.. Vienne. 1868, t. I, p. 345-347, 370, cette pensée du ciel fut toujours le soutien le plus puissant, l’indestructible consolation des martjrs. Il n’en est pas qui revienne plus fréquemment ni plus vivement dans leurs Actes ou Passions. La célèbre vision de Satur dans la Passio SS. Perpetuæ et Felicitatis, n. 11, cf. Pillet, Les martyrs d Afrique, Lille, 1885, p. 274, 284 ; Franchi de Cavalieri, La Passio.s"5. Perp. et Felicit., dans Bomische Quartalschr. fiir christl. Altertumskunde und f’iir Kircliengeschichte, Rome, 1896, p. 126-132, l’entretien de Victor avec le Seigneur dans la Passio SS. Montani, Lucii el alior. mart. african., c. 7, Ruinart, -^c/rt/Jr/7Hor., mart., Amsterdam, 171 3, p. 237, sont les témoignantes les plus expressifs de cette commune croyance dont les découvertes épigraphiques du siècle dernier ont si merveilleusement mis en relief le caractère dogmatique et populaire. Presque toutes les pierres sépulcrales des catacombes renferment, dans la brièveté de leurs formules, l’affirmation de la foi et des espérances de tous, la pensée suprême de ce séjoui* ultra-terrestre où les justes seront réunis au Christ et à Dieu, dans le « lieu du rafraîchissement », « avec les saints », « dans la demeure éternelle », « au royaume céleste ». Cf. Mar-TiGNY, Dictionn. des antirjuilés chrétiennes, Paris, 1899, p. 690-691 ; Kraus, Jleal-Encyclopddie der christl. Alterthiimer, Fribourg-en-Brisgau, 1886, t. II, col. 684 ; Marugghi, Eléments d’archéol. chrét., Paris, 1889, t. 1, p. 188 ; WoLTER, Die rômischen Katakomben und ihre Bedeutung fiir hathol. Lehre von der Kirche, Francfort, 1886, p. 279 ; et spécialement Kaufmann, Die sepulcralen Jenseitsdenkmâler der Antike und TJrchristentums, Mayencc, 1900, p. 65 sqq. Le vol de la colombe, dans les monuments iconographiques des premiers siècles, l’orante entourée de colombes ou prenant son essor vers le ciel étoile, accueillie pai" les anges et par les bienheureux, et bien d’autres symboles (cf. Krals, op. cit., t. II, p. 615 sq. ; Gar^ Rucci, Storia dell’arte cristiana nei primi otto secoli, Rome, 1873-1881, t. II. p. 35, 98 ; Stuhlfautu, Die Engel in der allchristlichen Kunst, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 203 s(j. ; Kaufmanx, op. cit., p. 124-140), sont l’expression figurée de cette croyance qui pénètre l’intime de la vie chrétienne et dont la liturgie catholique, dans tous ses rites, a conservé religieusement les antiques formules. Le ciel est « le séjour commun de la félicité », Missal. roman., Oratio pro defuncio sacerdote, à la messe des défunts ; le « lieu du repos, de la lumière et de la paix », ibid., au canon ; le « lieu où sont assemblés les anges et les élus dans l’éclat de la gloire », L.iturgia S. Chrysost., Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, Paris, 1715, t. ii, p. 29 ; le « séjour où nous monterons après le Christ », Sacramentariiim Gallicanum, Mlratori, Liturgia romana yetus, Venise. 1748, t. 11, col. 595, et les innombrables témoignages attestant que le ciel est l’exchisive demeure des élus, la patrie ultraterrestre où ne sont admis que les saints sous la conduite des anges. (]f. Magistratti, f.a liturgia Amhrosiana, Milan, 1899, t. I, p. 194 ; Dom Ferotin, Le Liber Ordinum en usage dans l’Eglise wisigothique et mozarabe d’Lïspagne du ve au xi’siècle, dans Monumenta Ecclesiæ iiturgica de Dom Cabrol et Dom Leclercq, t. V, Paris, 1904. col. m ; Pro » st, Die antiochenische Messe, dans Zeitschrift fiir kalhol. Théologie, Insi >ruck, 1883, t. VIL p. 294-296.

On s’explique aisément que Luther, dont le bagage tlic()logi<pie était d’ailleurs fort léger, n’ait donné qu’uiu ! attention distraite aux rares textes anlénicéens connus de son temps. Cf. IL Denifle, Luther 535

CIRCONCISION

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und Luthertum in der ersten Entwickelung, Mayence, 1906, t. I, p. 479 sqq. Mais que dire du peu de soin que met la critique moderne à recueillir ces documents et à les discuter ? Cf. Wabxitz, loc. cit., ). 182. De l’universalisme d’OuioÈXE conclure, comme on le fait si souvent, à une croyance universaliste de l’Eglise elle-même, est d’une sophistique singulièrement hardie. Encore est-il nécessaire d’observer que l’origénisme n’implique nullement la négation de la doctrine spécificpie du ciel. Origène lui-même distingue nettement le séjour réservé aux saints du séjour inférieur où seraient réunis les pécheurs purifiés : aux uns le ciel proprement dit, aux autres la terre des vivants. De princ, 1. II, c. iii, n. 7, P. G., t. XI, col. 198.

D’une étude minutieuse des textes et des faits, il résulte donc nettement que la croyance au ciel comme à un séjour ultra-terrestre et commun aux élus, était universelle et d’une absolue fermeté dans l’Eglise primitive.

II. — Une’accusation plus grave et d’origine plus récente est le reproche fait à l’Eglise d’avoir érigé en dogmes de naïves erreurs cosmologiques sur la constitution du ciel, cf. G. Séailles, Les affirmations de la conscience moderne, p. 1 1 1 sqq., sur les sphères cristallines, sur la nature toute matérielle de l’empyrée, sur le mouvement des astres soumis à l’impulsion et à la direction des Anges.

Il est facile de justifier l’Eglise siu* ce point, par une fin de non-recevoir, l’Eglise n’ayant jamais défini ce qu’est le ciel ni même où est le ciel. La curiosité humaine s’est plu dès l’origine à agiter ces insolubles problèmes, et quelques esprits spéculatifs, au cours des siècles, ont essayé de déchiffrer l’énigme, en émettant des hypothèses plutôt que des opinions, et avec toutes les réserves commandées par la prudence, sans jamais engager la doctrine. Oric.ènk, le premier, s’est enquis de ces questions, mais plutôt pour les poser que pour les résoudre. « Qui aura, dit-il, le dernier mot de ces choses ? » De princ 1. II, c. iii, n. 6, P. G., t. XI, col. 978 ; KoETscHAC, Origeiies Werke, Leipzig, 1899, t. I, p. 182. La pensée de saint Aigustin n’est pas plus affirmative. Après avoir émis l’opinion que le ciel est analogue aux lieux matériels :

« Vous voudriez bien savoir, dit-il à ses auditeurs, 

où se trouve ce tranquille séjour où l’on voit Dieu face à face : c’est Dieu lui-même qui sera après cette vie le lieu de nos âmes. > Enarr. in Ps. xxx. serm. iii, n. 8, P. L., t. XXXYl, col. -ibi. Tout ce qu’il peut affirmer, c’est que les élus monteront dans les hauteurs des cieux. De Gen. ad litt., 1. XII, c. xxxv, P. /,., t. XXXIV, col. 483. Saint Basile avait déjà exprimé une idée analogue en plaçant le ciel en dehors du monde, mais non pas sans relation avec le monde. Ilom. I in Hexæm, n. 5, P. G., t. XXIX. col. 13. C’est exclure précisément l’identification du ciel des élus ou empyrée avec le ciel sidéral.

Les scolastiques, à la suite de Pierre Lombard, Sent., 1. ii, dist. 11, n. 6, P. L., l. CXCII. col. 656, ont repris, pour la discuter, la théorie basilienne. mais sans émettre à ce sujet autre chose que des opinions d’ordre purement philosoi^liique. Saint Box aventure, s’excuse de traiter ces questions i. où la théologie des Pères a si peu à nous apprendre et la pliilosophie moins encore. » In IV Sent., 1. II, dist. 11, a. i, q. i. Opéra, Quaracchi, 1889, t. II, p. 71. A son tour, saint Thomas admet l’existence du ciel empyrée au delà des mondes, mais comme une simple probabilité fondée exclusivement sur le témoignage de saint BasiLE _ de saint Bède et de Strabon. Cæliim empyreum non invenitur positum nisi per auctoritates Strabi et Bedae. et iterum per auctoritatem Basilii ; Sum. theoL,

I, qu. Lxi, a. l. Dans la discussion soulevée au sujet des doctrines scolastiques sur le ciel, ce texte est d’une importance capitale : il montre que la question était envisagée en dehors de toute conception théologique. L’existence du ciel empyrée enveloppant tous les mondes parut une hypothèse acceptable, et rien de plus. Cajetax n’hésite même pas à la rejeter comme n’ayant aucun fondement scripturaire et comme étant de tradition relativement récente. Comment, in II ad Cor., c. xiii, Paris, 15152, p. 1 13.

Dès lors les diverses opinions émises par les scolastiq [ues pour expliquer la nature du ciel empyrée n’offrent plus aucun intérêt à l’apologiste : pures hypothèses d’école, qui n’ont rien d’ailleurs de si étrange, étant donné l’état des sciences à cette époque. Puisque le ciel est destiné à recevoir les corps glorieux, les scolastiques concluaient assez naturellement que le ciel est un lieu réel, une partie déterminée de l’espace ; mais bien loin de le confondre avec les « sphères de cristal « , — dont la scolastique n’a jamais admis d’ailleurs l’existence, — ils le concevaient comme immobile au delà du mouvement des astres et de la plus subtile essence. Cf. Albert le Grand, Compend. theol. verit., 1. II, c. iv, Paris, 1896, t. XXXIV, p. 43 sq. ; saint Thomas, In IV Sent., 1. U, dist. XIV, q. I, a. 2, et Quodiib., VI, q. xi, a. 19.

II n’est rien dans ces données qui engage l’enseignement de l’Eglise, et la prudente réserve avec laquelle les scolastiques abordaient ces subtiles questions de l’au-delà, toujours fascinantes pour la curiosité humaine, démontre bien nettement que le dogmatisme de l’Ecole était loin des excès que lui prête si libéralement la critique moderne.

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464-470.

Paul Bernard.