Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Apocryphes

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 89-103).

APOCRYPHES. — Le mot grec v.r.dy.p-jfji « caché, tenu secret » ou : « obscur, ignoré », a servi à désigner, soit des productions qu’il faut tenir secrètes, qu’il faut cacher, soit des ouvrages dont l’origine est inconnue et suspecte. Dans ce dernier sens, Origène écrit :

« Il n’a pas plu de faire place et d’accorder de l’autorité aux écrits qui sont appelés apocryphes, parce

qu’on y trouve beaucoup de traditions corrompues et opposées à la vraie foi », Prologus in cant., Migne, Patr. gr., t. XIII, col. 83. S. Jérôme recommande aussi de prendre garde aux apocryphes qui ne sont pas de ceux auxquels on les attribue. Ce mot s applique donc aussi bien aux ovivrages profanes qu’aux ouvrages rattachés à la Bible. Les protestants donnent souvent le nom d apocrj’phes aux livres deutérocanoniques et emploient le mot pseudépigraphea pour désigner les ouvrages qui ne sont pas des auteurs dont ils portent le nom. Pour nous, dans cet ai’ticle, nous rangerons sous le titre apocryphe, tous les ouvrages composés sous le nom d un personnage biblique à l’imitation des écrits canoniques.

L’objet des ouvrages apocryphes est souvent de compléter la Sainte Ecriture : ils prétendent nous donner des détails nouveaux sur les patriarches, les Réchabites, l’enfance de Notre-Seigneur, les actes des Apôtres, parfois il s’agit seulenient de placer sous un auguste patronage des préceptes moraux ou disciplinaires, d’où les Didascalies et les lettres de Xotre-Seigneur et des Apôtres ; enfin, certains auteurs, pour donner plus d’importance à leurs rêveries sur l’origine, la constitution et la fin du monde comme sur la vie future, les ont mises sous le nom d’Hénoch, Esdras, etc., ce sont les diverses apocalypses.

Pendant bien longtemps, on n’a voulu voir dans ces productions que les puérilités et les erreurs, on les a donc souvent condamnées et rejetées ; maintenant, au contraire, on néglige les puérilités poiu- ne chercher que les traits caractéristiques d’un écrivain et d’une époque ; car, si elles ne peuvent compléter l’histoire des pati*iarches, elles peuvcnt du moins nous apprendre les légendes qui avaient cours dans tel milieu, vers telle époque, sur la Genèse. Il y a plus : on sait que divers apocryphes ont été utilisés par les écrivains inspirés, — tel le livre d’Hénoch cité par S. Jude, — d’autres ont été regardés par certaines églises comme canoniques, et utilisés dans les offices, comme la prière de Manassé et les livres d’Esdras que la Vulgate reproduit à la suite des livres canoniques ; l’Eglise les a donc jugés dignes d'être proposés à l’instruction et à l'édification des fidèles.

De nombreux ouvrages leur sont d’ailleurs consacrés chaque année. Une société internationale a même été fondée en Angleterre (International society of the apocrypha), avec un recueil trimestriel, pour faire connaître ces apocryphes trop longtemps dédaignés et mettre en relief les enseignements dogmatiques et moraux qu’ils peuvent contenir. Leur importance ne cesse donc de s’accroître et nous ne pouvojis faire moins que de leur consacrer quelques colonnes. Quant à la valeur chrétienne et apologétique de ces écrits, nous renverrons simplement à la section : Evangiles apocryphes.

Nous rangerons ces diverses productions dans l’ordre même des livres de la Bil)le, nous tâcherons de les caractériser brièvement, de donner les hypothèses les plus vraisemblables sur leur auteur et l'époque de leur conqjosilion avec un aperçu de leur importance relative. Nous traiterons donc : I. Des Apocryphes deV Ancien Testament ; II. Des Apocryphes du joueau Testament : a) Kvangiles ; h) Actes des Apôtres ; t) Lettres et didascalies ; d) Canons et ordonnances ; e) Apocalypses.

1. Apocryphes de l’Ancien Testament. — A. RELATIFS AU PKNTATEL’QUE ; I. Ze testanicut d’Adam : 2. La yie d’Adam et d’Eve ; 3. La petite Genèse et ses dérivés ; 4. Ee livre d’Hénoch ; 5. Le testament d’Abraham ; 6. Le testament des douze patriarches.

I. — Le res<flme/î/c/'-J</rt/n. Donne les noms supposés des diverses heures et l'énumération des heures d’adoi-ation des créatures, prédit l’arrivée du Christ, décrit les divers ordres des anges. — La première partie se retrouve dans les Talismans d’Apollonius de Tyane, la seconde se retrouve dans la rédaction syriaque (Caverne des trésors) de la petite Genèse (cf. infra, 3) ; la troisième pi’ocède du pseudo-Denjs l’Aréopagite. L’ensemble est donc une compilation qui ne peut pas être antérieure au vi' siècle de notre ère, mais la première partie a toute chance de remonter jusqu'à l'école d’Apollonius de Tyane.

Editions.Kenan, Journal asiatique, 1 853 (texte syriaque et traduction) ; M. Rhodes James, Texts and studies, II, 3, Cambridge, iSyS : A fragment of the Apocalypse of Adam in » /-eeA (traduction du syriaque et de l’arabe et fragments grecs) ; C. Bezold, Das arabische aethiopische Testamentum Adami, Giessen, igo6 (textes arabes et éthiopiens) ; M. Kmosko, Testamentum patris nostri Adam, dans la Patrologia syriaca de Mgr GratTin, t. II, col. 1309-1360 (textessyriaques et grecs précédemment édités) ; F. Nau, Apotelesmata Apollonii Tyanensis, Ibid., col. 1363 sqq. (Texte grec édité en entier pour la première fois). — Cf. F. Nau, Etude sur le Testament d’Adam et les talismans d’Apollonius de Tyane da.n ?, Eevue de l’Institut catholique de Paris, 190^, p. 108-173.

2. — La vie d’Adam et d’Eve. Renferme le récit amplifié de la chute, puis de la maladie d’Adam et du départ d’Eve et de Seth poiu- le paradis à la recherche de l’huile de vie, ils ne peuvent entrer ; Adam meurt ainsi qu’Eve ; récit de leurs funérailles. — Il reste une ancienne version latine antérieure au viii' siècle qui fut traduite de bonne heure en vieux français, et un texte grec édité par Tischendorf sous le nom d’Apocalypse de Moyse parce que certain scribe a ajouté en tête quatre lignes d’après lesquelles la vie d’Adam et d’Eve aurait été racontée à Moyse siu' le mont Sinaï par l’Archange S. Michel. C’est sans doute une imitation du commencement du livre des jubilés (cf. infra, 3). Du texte grec proviennent en particulier une version arménienne et une version slave. — Sous sa forme actuelle, l’ouvrage est une compilation chrétienne antérieure au vu* siècle de notre ère. Plusieurs supposent qu’elle provient de sources juives ; c’est vraisemblable, car le texte grec et la Aersion dilfèrent tellement que l’on a toute latitude pour reconstituer le texte original : on peut donc supposer que les éléments chrétiens sont des additions postérieures.

Editions : C. Tischendorf, Apocalypsis Mosis, dans Apocalypses apocryphae, Leipzig, 1866, p. i-sS (texte grec) ; C* ; rani, Monumenta sacra et profana.t. V, Milan 1868, p. 21-24 (conunencement du texte grec) ; W.Meyer, dans Abhandl. der bayer. Akad.der Wiss. ; phih)l.-philosoph. Klasse, XIV, " 3, 1878, p. 185-250 (Vie latine d’après de nombreux manuscrits) ; F. C. Conybeare, dans Jewish Quart. Revue, VII, 1893, p. 216sq([. (Irad. anglaise de la version arménienne) ; V. Jagic dans Avj/..st7(/. (/. U’ien. Ak.der ll’iss. phil.hisl. Klasse. XLII, 1893, p. i sqq. (texte slave avec traduction latine). — Cf.C. Fuehs. Das Leben Adams und Evas (Irad. allemande du latin et du grec avec introduction et bil)Iiographit) dans Die Apocr. und pseudep. de E. Kaulzsch, t. II, Tul)ingue. 1900.

3. — La Petite Genèse, mentionnée par S. Epiphane, par S. Jérôme et par de nombreux écrivains grecs, n’est conservée en entier que dans une tra103

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duction éthiopienne, nommée Le livre des Jubilés parce que les événements sont grovipés par périodes jubilaires. L’auteur suppose que Dieu, sur le mont Sinaï, ordonne à « l’ang’e de la face » d’écrire pour Moyse l’histoire de la création et des événements survenus depuis cette époque. L’ouvrage est donc parallèle à la Genèse : c’en est une sorte de commentaire en cinquante chapitres, rédigé sans doute en néo-hébreu par un pharisien entre 300 av. J.-C. et i oo après J.-C. L’auteiu- abonde en détails et en précisions chronologiques, par exemple, ch. n’ : « Adam connut Eve, sa femme, et elle lui enfanta encore neuf enfants. Et dans la cinquième semaine d’année du cinquième Jubilé, Seth prit sa sœur Asura pour femme et, la quatrième année, elle lui enfanta Enos… Et dans le septième Jubilé, la troisième semaine d’année, Enos prit sa sœur Noam pour femme et elle lui enfanta un îils la troisième année de la cinquième semaine d’année et il le nomma Keuan. »

En sus de la version éthiopienne il ne reste que des fragments grecs, un tiers de la version latine et un fragment syriaque intitulé : « Noms des femmes des patriarches, d’après le livre reçu chez les Hébreux et nommé des Jubilés. »

Editions et traductions : A Dillmann dans Jahrbiichern derBihl. Wiss., Gôttingue, II, 1850, p. 280 sqq. et III, 1851, p. I sqq. (traduction allemande) ; A. Dillmann, Mashafa Kufale sive liber Jubilæorum qui idem a Græcis "H hm-h rsv-Ttç inscribitur, versione græca dep’erdita tiunc nonnisi in Geez lingua conservatus nuper ex Abyssinia in Europam allatus. Aethiopice ad duorumlibrorum nianuscriptorumfidem, prinium edidit… Kiel et Londres, 185g ; H. Charles, dans The jeivish Quarterlr Review, oct. 18g3, juillet 189/J et janvier 1896 (traduction anglaise). H. Charles, Mashafa Kufale or the Ethiopie version of the Hebrew book of jubiles otherwise-known among the Greeks as’H jir.rr, Téve’71ç edited from four vianuscripts and critically revised through a continuons comparison of the Mussoretic and Samaritan Texts, and the Greek, Syriac, Vulgate and Ethiopie Versions of the Pentateuch, and further emended and restored in accordance tvith the Hebrew, Syriac, Greek and Latin fragments of this book, ahich are hère published in full… Oxford, 1895. Les restes des versions latine et syriaque avaient été publiés pour la première fois par Ceriani, Monumenta sacra et profana. Milan, tome I, fasc. 1 et tome II, fasc i. — Cf. Migne, 7)ict. des Apocryphes, Paris, 1858, t. II, 2^5-248 (citations des aviteurs grecs), E. Kautzsch, Die Apokryphen und Pseud. Tubingue, igoo, t. II, p. Si-iig (introd. et traduction allemandes).

Les historiens syriens ont puisé aussi dans cet ouvrage pour compléter la Genèse, mais ils ne le citent pas, à notre connaissance du moins ; il est donc prol )able qu’ils ne l’ont connu que de seconde main par l’intermédiaire des chroniqueurs grecs et surtout d’un remaniement syrien intitulé : La caverne des trésors.

Le titre complet est : Zàre de la descendance des tribus ou ta caverne des trésors, qui a été composé par S. Ephrem. L’attribution à S. Ephrem (-f- SjS) n’a aucune chance d’être exacte, la compilation sja-iaque lui semble postérieure, bien que faite d’après d’anciens documents : Adam, chassé du Paradis, se retire sur une montagne voisine et s’abrite dans la caverne où il dépose l’or, la myrrhe et l’encens qu’il a emportés du séjour des délices. Adam et les patriarches qui lui succèdent sont enterrés dans la même caverne jusqu’au déluge. A ce moment, Noé transporte dans l’arche les reliques d’Adam avec l’or, la mj’rrhe et l’encens. Après la mort de Noé, Sem et Melchisédech conduits par un ange, déposent ces reliques au milieu de la terre, « où se réunissent les quatre parties

I de l’Univers m au Golgothaqui s’entr’ouvre « en forme de croix pour les recevoir ». C’est au Golgotha c|ue Adam recevra le baptême par le sang et l’eau qui couleront de la plaie du Sauveur, c’est sur le Golgotha que son péché lui sera remis. Après Sem il n’est plus question de la caverne, mais l’ouvrage donne un résumé de toute l’histoire juive jusqu’au Nouveau Testament. Il donne la généalogie d’Adam à Notre Seigneur Jésus-Christ, en mentionnant la femme de chaque patriarche ; il termine en montrant, par une discussion des années des rois Perses, l’accomplissement de la prophétie de Daniel, et en disant que S. Pierre baptisa la Sainte Vierge Marie et que S. Jean fut son parrain.

Cet ouvrage syriaque eut grand succès en Orient : les historiens l’utilisèrent. Cf. Traduction de la chronique syriaque anonyme éditée par Mgr Rahmani, patriarche des Syriens catholiques, dans Revue de l’Orient chrétien, 1907, p. 429-440. On le traduisit en arabe et on inséra un de ses remaniements en tête d’un apocryphe attribué à S. Clément de Rome. Cet apocryphe nommé « Apocalypse de S. Pierre » dans la plupart des mss. ai-abes ne porte que le titre de Qalamentos « Clément » dans la version éthiopienne ; il renferme surtout, en effet, des instructions de S. Pierre à S. Clément et pouvait donc être désigné par le nom de l’un ou de l’autre.

L’Apocalypse de Pierre est souvent divisée en chapitres ; l’une de ses rédactions divisée en sept livres a été traduite en éthiopien ; le i)remier livre seul est emprunté à la Caverne des Trésors. Une autre rédaction a conduit au « Livre d’Adam » éthiopien qui procède donc aussi de la Caverne des Trésors. Tous ces remaniements sont postérieurs à la rédaction dernière de la Caverne des Trésors, c’est-à-dire au VI’siècle de notre ère.

Editions : M. C. Bezold a édité le texte syriaque et (en face) la version arabe de la Caverne des Trésors. Cette version arabe est tirée du premier livre de l’Apocalypse dePierre, Die Schatzhbhle, Leipzig, 1888. Il avait auparavant traduit le syriaque en allemand : Die Schatzhbhle aus dem syrischen Text uebersetzt, Leipzig, 1883. Mme M. D. Gibson a édité, d’après d’autres manuscrits, et traduit en anglais, le premier livre de l’Apocalypse de Pierre : Kitab al Magall or the book of the Rolls, dans Studia Sinaïtica, n° YIII, Londres, 1901. Le Qalementos éthiopien n’a pas encore été édité ; il a été analysé par Dillmann dans Nachrichten der Ges. der W. zu Gôttingen, 1858, n° i^, p. 185, sqq. Le premier livre, ou « livre d’Adam » traduit en allemand par Dillmann, Das christliche Adambuch des morgenlandes, Gôttingue, 1853, a été édité par E. Trumpp dans Abhandl. der K. bayer. Ak. der fViss., i" classe, t. XV, 3* partie, en tenant compte du texte arabe original conservé dans un manuscrit de Munich, et traduit enfin en anglais par S. C. Malan, The book of Adam and Eve also called The conflict of Adam and Eve with Satan, Londres, 1882. Une traduction française, qui semble procéder de la traduction allemande de Dillmann se trouve dans Migne, Dict. des apocryphes, t. I, col. 297-892.

Il ne faut pas confondre, avec la vie d’Adam et d’Eve et a^ec le précédent livre d’Adam, le Code nazaréen qui est souvent appelé aussi Livre d’Adam ou Ginza et qui est le livre sacré des Sabéens. Ce livre des Sabéens ou Mandéens est relativement moderne, car on y trouve mention des Manichéens, de Mahomet, des derniers rois sassanides et de la conquête de la Perse par les Arabes ; la rédaction actuelle ne peut donc remonter au delà du viii’siècle, mais peut reposer svir de plus anciens documents, car on y retrouve la terminologie qu’on est convenu d’appeler gnostique. 165

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C’est lin ensemble de révélations siu* l’origine du monde, sur les puissances supérieures et siu* l’histoire biblique, de prédictions apocalyptiques mélangées d’astrologie, avec création continue, par l’auteur, d’esprits, anges et démons, autrement dit d'éons, dont beaucoup ne sont que des mots abstraits concrétisés. Tous les chapitres de la première partie portent l'épigraphe « au nom de la vie souveraine « ; ceux de la seconde, qui est d’ailleurs de beaucoup la plus courte, sont censés être des révélations « de la vie souveraine, de la Aie très haute et très gi-ande ». Adam et Eve sont les principaux personnages du livre ; la seconde partie roule autour de la mort d’Adam ; on trouve incidemment des lois et préceptes pour les Sabéens, et l’ensemble s’intitule « un livre de liturgie. » En somme, le code nazaréen ne peut "uère servir qu'à nous donner une idée des hérésies gnostiques combattues par les anciens écrivains ecclésiastiques. Les résumés donnés par S. Epiphane nous paraissaient sujets à caution, parce que nous pouvions à peine croire que des hommes soient tombés dans de telles spéculations absurdes. Le code nazaréen en est rempli et nous permet donc de les toucher du doigt.

Editions : M. Xorberg, ('odex Nazavæus, 3 vol. Copenhague, 1815, 1816, (édition du texte en caractères syriaques et traduction latine). II. Petermann, Thésaurus seu liber Magnus s’ulgo « liber Adami » appellatus. 1867 (édition en caractères mandéens par lithographie). Migne, Bict. des apocryphes, I, col. 21-284 (traduction française par F. Tempestini). 4. — Le Lii’re d' Hénoch. Sous forme d’apocalypse, c’est-à-dire de visions et de révélations. Hénoch tient des anges eux-mêmes ce qu’il Aa révéler aux générations futures. Deux cents anges sont descendus sur la terre pour s’unir aux filles des hommes ; Hénoch est chargé de leur annoncer quelle sera leur punition : il est transporté au séjour des tempêtes et du tonnerre près du gouffre de l’enfer et de l’abîme de feu qui attend les pécheurs ; il Aoit aussi le séjour des âmes avant le jugement final et le paradis qui attend les justes. Dans une seconde partie, Hénoch apprend aux anciens et aux hommes de l’avenir les secrets des cieux, la transformation du ciel et de la terre aux temps messianiques, le bonheur des justes et des élus. Il ajoute une révélation sur les secrets des astres (astronomie) et deux songes sur les terreurs du déluge et l’histoire du monde dont Israël est le centre. Il termine, par des exhortations aux justes et des menaces aux pécheurs, avec un nouveau récit de l’histoire du monde divisée en dix semaines et des prédictions sur le châtiment des pécheurs et la récompense des justes.

L’ouvrage est d’origine jui^e. Les prédictions messianiques elles-mêmes ne supj)osent pas une origine chrétienne, car elles ne sortent pas du cadre des idées messianiqiu’s courantes cliez les Juifs ; tout l’ouvrage est donc anléricui- à notre ère, il ne s’ensuit pas qu’il est l’tiMivre d’un seul auteur. Ses contradictions ont conduit à supposer qu’un dernier auteur, au connnencement du premier siècle avant notre ère. a soudé ensend)Ie des morceaux plus ou nu)ins disparates, dont plusieurs étaient antérieurs sans doute d’un siècle.

La célébrité de ce livre tient à ce qu’il a contribué à propager l’attente du Messie, à vulgariser les concepts du jugenu’ut, de la géhenne, du royaume du ciel et.toutes les doctrines qui alinu’ntaicnt les espérances des Juifs fidèles, à la veille de la venue du Sauveur. Il a donc préparé les esprits à la venue du Messie et à l)ien des enseignements de l’Evangile, et il n’est pas étonnant que les premiers chrétiens aient utilisé un livre qui servait levu-s

idées et qui jouissait déjà chez les Juifs d’une autorité considérable. Saint Jude l’a cité de manière explicite (14-15). Les parallélismes assez nombreux entre les écrits du Nouvcau Testament et Hénoch, permettent de croire que les auteurs inspirés connaissaient ce livre. S. Barnabe, TertuUien, Origène le citent explicitement, d’autres Pères de l’Eglise des premiers siècles semblent aussi le connaître.

Editions et traductions : L’original est perdu. Il était sans doute écrit en hébreu. Il reste un fragment (à peu près le tiers du livre) d’une version grecque et quelques lignes d’une ancienne version latine. La version éthiopienne, faite sur le grec, est seule complète. R. Laurence, Libri Enoch prophetæ versio aethiopica, Oxford, 1838. Le même auteur en avait publié auparavant une traduction anglaise : The book of Enoch, an apocryphal production, now frst translated froni an ethiopic vis. in the Bodleian Library, Oxford, 1821 ; l'édition de Laurence a été traduite en français dans Migne, Dictionnaire des Apocryphes, t. I, col. 425-514 ; A. Dillmann, Liber Llenoch aethiopice, Leipzig, 1851 et Bas Buch LLenoch iibersetzt (ind erklært, Leipzig, 1853. L'édition de Dillmann a été traduite en anglais en particulier par R. H.Charles, The Book of Enoch, Oxford, 1893. Cf. E. Kautzsch, Die apocr. und pseud. des A. 7"., Tubingue, 1900, t. II, p. 217-310 (introd. et trad. allemande). Bouriant, Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, t. IX, 1892, fasc. i, p. 93-1 36 (version grecque). On trouvera tous renseignements, sur l’histoire du livre et des travaux auxquels il a donné lieu, dans l’introduction mise pai" M. l’abbé François Martin en tête de sa traduction, Le lis’re d’IIénoch traduit sur le texte éthiopien, Paris, 1906. H. Charles vient d'éditer le texte éthiopien d’après 23 mss. The Ethiopic version of the Book of Enoch, Oxford, 1906. Il suppose que l’original était écrit partie en hébreu et partie en araméen, comme Daniel.

D’autres écrits ont été mis sous le nom d’Hénoch. par exemple : le livre des secrets d’Hénoch, conservé en slave, cf. F. Martin, Le livre d’Hénoch, p. 92, et 23^ (notes), et une prière hébraïque, cf. Migne, Dict. des Apocryphes, 11, col. 226. Il reste encore à retrouver l’Apocalypse d’Hénoch, qui aurait été composée au viii' siècle si l’on en croit Michel le Syrien : « Cyriacus du Ségestan prit avec lui un méchant docteur, BiU* Salta de Réchajaia, et ils composèrent un livre de mensonge qu’ils intitulèrent Apocalypse d’LLénoch. Ils y insérèrent des paroles qui signifiaient que Marvvan régnerait et son fils après lui. Le livre ayant été présenté à Marwan par un de ses devins, il le lut et s’en réjouit beaucoup p. Chronique de Michel le Syrien, Paris, 1904, t. II, p. 607. D’ailleurs Hénoch est mentionné dans le Koran (xix, 67) et était donc célèbre chez les Musulmans.

5. — Le Testament dbraham. Sous forme apocalyptique. L’archange S. Michel est envoyé près du térébinthe de Mambré, pour annoncer à Abraham quil va mourir. Celui-ci demande à voir aiiparavant toutes les anivres de la création. Les chérubins l’enq^ortent ; il arrive à la première porte du ciel où sont les âmes des pécheurs : il Aoit le chemin large et le chemin étroit. Dieu charge la mort de lui amener Abraham. Elle le reconduit d’abord chez lui, elle lui montre les morts les plus douloureuses et lui décrit les diverses formes de mort ; enfin elle prend son âme et Michel la reçoit pour la porter au ciel. — Composition chrétienne, sans doute d’origine égyptienne.

Editions : Deux recensions grecques ont été éditées par A. Robinson dans Texts and Sludies, t. II, 2. Cambridge, 1892. Un abrégé de la plus longue a été traduit en anglais, d’ai)rès imc version rounuiine dans 167

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Transactions of the Society of Bill, archæologj ; t. IX (1887), p. 195-226. Enfin un ms. arabe contient un Testament d’Abraham, Isaac et Jacob dont M. Robinson (/oc. cit., p. 135-154) donne des extraits. L’arabe a été traduit en éthiopien et M. Zotenberg analyse longuement cette dernière traduction dans son Catalogue des niss. éthiopiens de Paris, ms. n° 134.

6. — Les Testaments des douz^ patriarches. Ces testaments ont été conçus comme un comijlément au testament de Jacob (Genèse, xlix) et à l’histoire des douze patriarches, ses fils. Chacun d’eux s'étend surtout sur les faits qui le cai-actérisent. Ruben sur la pénitence qu’il a faite de son inceste ; Siniéon sur les effets de l’envie et de la jalousie qui le portèrent à vouloir la mort de son frère Joseph, etc. Une partie de l’intérêt de cet ouvrage provient de l’usage fréquent qui est fait du livre d’Hénoch ; sous sa forme actuelle c’est ime compilation chrétienne, peut-être du premier siècle, mais les passages chrétiens sont sans doute des interpolations — un bon nombre manquent dans la version arménienne — et l’ouvrage original pourrait donc être une œuvre juive du second siècle avant notre ère. D’autres l’attribuent à un juif converti du second siècle de notre ère. Il est cité par Origène et TertuUien.

Editions et traductions : Cet ouvrage, conservé en grec, a eu des nombreuses éditions depuis Grabe, Spicilegiurn Patrum, I, Oxford, 1698 ; Fabricius, Codex pseudepigraphus Vet. Test. Hambourg, 171 3 ; Gallandi, i^//^/. Patrum, I, Venise, 1788 ; Migne, /'afr. gr., II, Paris, 1867. Cf. Migne, Dict. des Apocr., I, col. 853-g36, (trad. française) et E. Kautzsch, Die Apocr, und pseud. des A. T., Tubingue, 1900, II, p. 458-506. Un testament de Xephthali, conservé en hébreu dans la chronique de Jerachméel, a été publié par M. Gaster, Proceed. of the soc. of hihl. arch., 1898, p. 33 sqq., 1894, p. 109 sqq. et traduit en allemand dans E. Kautzsch, loc. cit., p. 489-492.

R. RELATIFS AUX LIVRES HISTORIQUES. I. La prière de Manassé ; 1. Les IIl^ etlV’livres d’Esdras avec l’apocalypse du même, 3. Les LIL’efLV^lli’res des Macchabées.

I. — La prière de Manassé. Se trouve à la fin des Paralipomèues dans quelques exemplaires latins et syriaques de la Rible et parmi les Cantiques dans quelques exemplaires grecs de la Rible (en particulier dans le Codex alexandrinus) ou à la fin des psautiers grec et copte ; est citée, comme écrit inspiré, par l’auteur des Constitutions apostoliques immédiatement après II Parai, xxxiii, 1 3 et se trouve reproduite, comme écrit pieux, à la fin des éditions de la Vulgate. Elle peut être d’origine judaïque, et elle doit être rapprochée des psaumes apocryphes. Nous avons édité la version syriaque. Revue de V Orient chrétien, 1908, p. 134-141 et luontré qu’elle est un pur extrait de la Didascalie syriaque comme l’avait écrit M. E. Nestlé, Septuagintestudien ^Ul, Stuttgart, 1899. Il est très vraisemblable que les textes grecs proviennent euxmêmes des constitutions apostoliques, c’est-à-dire en dernière analyse de la Didascalie grecque. Enfin il est possible que l’auteur de la Didascalie grecque, au m' siècle, ait composé lui-même cette petite pièce pour compléter le récit biblique et mettre davantage en relief les heureux effets de la prière.

2. — De nombreux ouvrages apocryphes ont été composés sous le nom d’Esdras. En particulier les livres III et IV qui portent son nom et qui figurent, avec la prière de Manassé, à la fin des éditions de la Vulgate, ont été regai’dés comme canoniques, surtout le premier, par l’Eglise grecque. Les plus anciens exemplaires grecs de la Rible, comme le Vaticanus, placent d’abord le troisième livre d’Esdras, puis le livre de

Néhémie et enfin le premier livre d’Esdras. Le IVe livre ne semble pas avoir pris place parmi les livres canoniques, mais S. Rarnabé le cite comme inspiré et bien des Pères grecs et latins l’ont cité avec éloge, Migne, Bict. des apocryphes, I, 515-524, 671-580.

Le livre III est en majeure partie une répétition des faits consignés dans le livre canonique. S. Cyprien le tenait pour inspiré. Le quatrième livre est une importante production, qui renferme nombre de passages apocalyptiques, relatifs surtout à l’eschatologie, au milieu de spéculations religieuses qui leur sont liées. Quelques récits séparent les parties principales qui se résolvent en sept visions. L’auteiu* est certainement un Juif, il écrit pour consoler ses concitoyens sans doute après la prise de Jérusalem par Titus. Les quelques passages messianiques, que contient le livre, le faisaient attribuer à un Juif chrétien, mais on croit plus volontiers maintenant que les passages messianiques de l'écrit original ne dépassaient pas ce que les Juifs savaient du Messie. L’Eglise a fait quelques emprunts liturgiques au ch. Il du livre IV d’Esdras. Clément d’Alexandrie, S. Rasile, S. Jean Chrysostome l’ont cité ou s’en sont servi, mais nul n’en fait un usage plus fréquent que S. Ambroise : il l’avait lu et médité, et il le regardait connue canonique.

Editions et traductions : Voir la traduction latine à la fin des éditions de la Vulgate ; traduction française en particulier dans Migne, Dict. des apocr., I, col. 5 1 3-64 8. Tous les mss. latins du IV' livre dérivaient d’un même prototype (écrit en 822), qui avait une lacune après le verset 35 du chap. vu. Enfin, en 1875, Rensly a trouvé un ms. complet et dejiuis lors on en a trouvé d’autres. La version latine complète du IV' livre a donc été publiée par James dans Texts and Studies, III, 2, 1896. M. F. Vigouroux, dans son Manuel Riblique, a reproduit les versets qui manquent à la fin des éditions de la Vulgate. Ajoutons qu’il existe du IV* livre, a) une version syriaque. Cf. Ceriani, Monumenta sacra et profana, I, 2, 1866, p. 99-124 (trad. latine) et ibid., V, i, 1868 (texte sjriaquc) ; ce texte a été reproduit par photolithographie dans Tr’anslatio syra Peschitto Vet. Test, ex cod. Amhr. photolith, éd. Ceriani, II, 4> 1883. p. 553-572. b) Une version éthiopienne. Cf. Laui"cnce. Primi Ezræ libri versio aethiopica, 1820 (texte et trad.). Cette traduction a été revue par Prætorius et publiée dans le Messias Judæorum de Hilgenfeld, 1869 ; Dillmann a édité un texte éthiopien amélioré, Vet. Test. Aethiop., V, 1894.

L’apocalypse d’Esdras, éditée par Tischendorf, ^^oc. Apocr., Leipzig, 1866, p. 24-33 est une composition chrétienne et tai’dive. Esdras veut connaître les mystères de Dieu, il voit la punition des pécheiu’s et donne une description classique de l’Antéchrist ; on attribuait aussi à Esdras la désignation des joui’s fastes et néfastes et un calendrier lunaire de l’Ancien Testament. Cf. F. Xau, Analyse de deux opuscules astrologiques attribués au prophète Esdras et d’un calendrier lunaire de l’Ancien Testament attribué â Esdras, aux Egyptiens et même à Aristote, dans Bévue de l’Orient chrétien, XII, 1907, p. 14-21. On a conservé en syriaque les questions que posa Esra le Scribe quand il était dans le désert avec son disciple Karpos, composées certainenumt après le vu' siècle (Assémani les plaçait même au xiii') et quelques préparations chimiques dans le L.ivie d’Ezra, le Scribe savant. Cf. R. Duval, La littérature syriaque, Paris, 1907, p. 84-85.

3. — L.eslW et W livres des Macchabées. Ces livres, surtout le IIP, ont figuré parnd les livres canoniques, dans bien des manuscrits grecs de la Rible. Le IIP livre contient l’histoire delà i^ersécution de Ptolémée 169

APOCRYPHES

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Philopator contre les Juifs d’Egj’pte ; ce prince, après sa victoire sur Antiochus le Grand, voulut entrer dans le sanctuaire du temple de Jérusalem. Il en fut empêché, et une puissance invisible le renversa à terre sans qu’il pût renmer. Poiu- se venger, il voulut obliger les Juifs à offrir de l’encens aux idoles ; il condamna ceux qui refusèrent à être foulés aux pieds par les éléphants dans l’amphithéâtre ; mais les éléphants tournèrent leur fureur contre les seuls amis du roi. La date de composition de ce livi-e est incertaine : quelques-uns la placent au premier siècle avant notre ère. — Le IV' livre, intitulé souvent <( Sur l’empire de la raison », est conservé pai-mi les œuvres de Josèphe, dans quelques anciens manuscrits grecs de la Bible et dans une Acrsion syriaque. C’est à tort <Iu’on l’a attriluié à l’historien Josèphe. Il comprend des considérations théoriques sur la puissance de la raison, qiii l’emporte sur les instincts et les penchants, et des exemples empruntés à l’histoire juive pour illustrer la thèse spéculative. Ces exemples sont l’histoire d’Onias (II Macch., m), le martyre d’Eléazar (II Macch., VI, 18-31), et le martyre des sept frères (II Macch., vu). Cf. E. Kautzsch, Die Apocr. und Pseudepigr, des A. T., Tubingue, 1900, t. II, p. 149-17 ;. D’autres recensions suppriment les considérations philosophiques du commencement, débutent par l’histoire d’Onias et d’Héliodore et ajoutent à la lin un résumé de l’histoire juive, des Macchabées à Hérode. Cf. Migne, Dict. des Apocr., I, col. ^45-850. Le texte grec des livres III et IV est conservé dans de nombreux manuscrits grecs dont cinq à Paris seulement (1, 10, Coislin 4. 18, suppl. 609). Citons surtout les manuscrits Sinaïticus (du iv' siècle) et Alexandrinus (du v' siècle) dont on possède maintenant des facsimilé. On les trouve donc reproduits (surtout le Ii"re III) dans de nombreuses éditions : citons Swete, Tlie old Test, in greek, t. III, p. 709-762, Cambridge, 18g4. La version syriaque du livre IV traduite et publiée par Ceriani. Moniim. sacra et prof., II et V, a été rééditée par Barnes, The fourth Book of Maccabees and kindred documents in syriac, Cambridge, 1896. La Bible hexa plaire sja’iaque contient un cin([uième livre des Macchabées qui n’est autre que le VI' livre du De bello jndaico de Josèphe.

C. Livres SAPiEXTiAUx ET PROPHÉTIQUES. I. Psaumes apocryphes ; 2. La sagesse d’Ahikar ; 3. /^ascension d’Isaïe ; 4. Les Paralipomena Jeremiæ prophetæ ; 5. L’apocalypse et la lettre de Baruch ; 6. L’histoire des Réchahites ; 7. Les Vitæ prophetarum du pseudoEpiphane.

I. — Psaumes apocryphes. Dix-huit psaumes conscr es en grec dans les niss. de la Bible sont attribués à Salomon. Ils imitent la facture des psaumes de David ; on a cru y reconnaître des allusions aux Mac( habées, à la prise de Jérusalem par Pompée, et on a donc placé leur composition au premier siècle avant notre ère. Ils ont peut-être été composés en hébreu

< t nous donnent une idée des préoccui)ations des Pharisiens et des idées messianiques à cette époque.

Ces psaumes ont eu de nombreuses éditions depuis 1626, enfin Swete les a publiés d’après les plus an < iens mss. grecs, dans The Old Testament in greek, m, Cambridge. 1894, p. 765-787. Voir une traduction allemande dans E. Kautzsch, Die apocr. und pseudep., II, p. 130-148, etunctrad. française dans Migne. Dict. des Apocr., I, col. 989-956. — Signalons encore le psaume cli qui se trouve à la suite des Psaumes de David dans les mss. grecs de la Bible, quatre autres psaumes apocryphes conservés en syriaque et édités par Wright, Society of bihl. ArchæoL, t. IX (1887) 1>. 207-266 ; des prétendues lettres de Salomon aux rois d’Egypte et de Sidon reproduites par Eusèbe

dans sa Prépar. Evang.,. IX, et un testament de Salomon à son fils Roboam, consei-vé en grec et en syriaque.

2. — LListoire et sagesse d’Ahikar l’Assyrien. Ahikar, chancelier de Sennachérib et de Sarhédom, n’ayant pas d’enfant, adopte son neveu Xadan et lui adresse une série de sages maximes « pour lui enseigner la sagesse. » Xadan, pour avoir son héi-itage, l’accuse à tort de conspirer avec les rois étrangers et le fait condamner à mort. L’exécuteur l'épargne, et il rentre en grâce parce qu’il est seul capable de résoudre les énigmes que le roi d’Egypte propose à Sarhédom (Asarhaddou). A son retour d’Egypte, le roi lui donne tout pouvoir sur Xadan ; il lui adresse une suite de comparaisons destinées à mettre son ingratitude en relief, après quoi Xadan meurt. Cette histoire se trouve résumée dans les versions grecques du livre de Tobie ; on n’y trouve qu’une seule allusion dans la Vulgate, XI, 20, où Ahikar et Xadan sont devenus Achior et Xal^ath. Strabon et Clément d’Alexandrie connaissaient Ahikar ; d’après ce dernier, Démocrite (v* siècle av. J.-C.) a connu en Assyrie les maximes d’Ahikar et les a traduites en grec sous son nom. D’ailleurs, plusieurs comparaisons d’Ahikar sont apparentées à des fables d’Esope et de Loqnian, et si l’on ne peut établir de dépendance bien claire entre Ahikar et Esope, il semble du moins que Loqman a été créé sur le modèle d’Ahikar plus encore que d’Esope. Xous trouvons donc là une histoire qui a influé sur le livre de Tobie, des maximes qui ont influé sur celles de l’Ecclésiastique et sur la littérature gnomique grecque depuis Démocrite, enfin des comparaisons qui scndjlent un des plus anciens recueils de fables et qui ont influencé la littérature talmudique. Toute l’histoire d’Ahikar est présentée ellemême sous forme de conte dans certaines éditions des Mille et une nuits. La rédaction, conservée dans des mss. modernes qui présentent de grandes difïérences, ne permet pas de reconstituer avec granae certitude la rédaction primitive dont elles dérivent, et encore moins l’histoire ou la légende qui a inspiré cette rédaction primitive. Il semble qu’on peut admettre l’existence, dès le sixième siècle avant notre ère, d’une histoire et de maximes d’Ahikar. Démocrite aurait connu ces maximes au siècle suivant. L’ne rédaction araméenne fut faite par un auteur juif ou païen vers le iv' siècle ; elle fut traduite en syriaque, avec plus ou moins de modifications au commencement de notre ère, et du syriaque scnd)lent procéder l’arabe, l'éthiopien, le slave, l’arnuMiien. le roumain et le fragment grec inséré dans la vie d’Esope.

L^ditions et traductions : Yoh' surtout The story of Ahikar, Londres et Caml)ridge 1898, qui contient les textes arabe, syriaque, arménien, grec, avec leur traduction et la traduction anglaise du slave et de l'éthiopien. On trouvera tout renseignement sur Ahikar et la littérature correspondante dans F. Xau, Llistoire d’Ahikar l’assyrien, introduction et traduction de la version syriaqiu' avec les principales dilférences des autres versions, Paris. 1908.

3. — L’Ascension d’Isaïe. La première part ie(ch. là v) raconte, à la manière des livres caiu>niques, la On du règne d’Ezécliias, le règne de Manassé, et le martyre d Isaïc scié avec une scie de bois. La seconde partie est le récit d’une vision d’Isaïe, la vingtième année d’Ezécliias : il fut transporté jusqu’au septième ciel, il vit la descente du Seigneur jusqu’au monde inférieur, et prédit la naissance du (Christ d’une vierge à Xazareth. L’ouvrage a été connu par les premiers Pères de l’Eglise. Il est probable que la vision d’Isaïe (c’est à proprement i)arler : l’ascension d’Isaïe), ([ui est certainement d’origine chrétienne, doit être placée au second siècle de notre ère, tandis que la première 171

APOCRYPHES

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partie (le martyre d’Isaïe) est plus ancienne et doit se placer avant notre ère.

Editions et traductions : Il reste des fragments de traduction latine, mais l’ouvrage entier n’est conserA'é qu’en éthiopien. Il a été publié et traduit en anglais par R. Laurence, Oxford, 1819. Le texte édité par Laurence a été traduit en allemand et en français : H. Jolowicz, Z)rts Iliiniuelfahrt iind Vision des PropJieten lesaia, Leipzig, 1854 ; Migne, Dict. des Apocryphes, I, col. 647 sqq. Une nouvelle édition a été donnée parDillmann, iS^'jjelle a été traduite en français par René Basset, L’Ascension c^'/saie, Paris, 1894. La première partie ou martyre d’Isaïe a été traduite en allemand dans Kautzsch, Die Apocr. und pseud. des A. T., II, p. I ig sqq. La version éthiopienne a été faite sur un texte grec au plus tôt du v' au vu* siècle.

4. — f^es Paralipomènes du prophète Jérémie. Une version éthiopienne avait été publiée par Dillmann, Chrestomathia aethiopica, heii)7Àg, 1866. Le texte grec original subsiste dans de nombreux uumuscrits grecs ; sous sa forme actuelle c’est une notice du ménologe consacrée à Jérémie ; il a été pulilié d’abord par Cériani, Mon. sacra et profana, t. V, fasc. I, Milan, 1868, p. 9-18 et réédité d’après d’autres manuscrits par Rcndel Harris, The rests of the '.vords of Baruch, Londres, 1889. Une version arabe est conservée dans plusieurs manuscrits de Paris ; Jérémie, Baruch et leur ami Abimélech ont survécu à la prise de Jérusalem, le dernier s’est endormi sous un arbre et a dormi "jO ans. A son réveil, il retrouve Barvuh à Jérusalem et tous deux écrivent à Jérémie qui a suivi le peuple captif à Babylone ; ils lui mandent que la captivité est un châtiment, mais que le Seigneur fera cesser la captivité si le peuple consent à l'écouter. Il n’y a qu’une moitié du peuple qui écoute Jérémie, cette partie seule rentre à Jérusalem où Jérémie, avec Baruch et Abimélech, monte au temple pour offrir un sacritîce au Seigneur ; Jérémie meurt, mais ressuscite trois jours après et prophétise : « Glorifiez Dieu, dit-il, et le Fils de Dieu, Jésus-Christ. » Quelques manuscrits grecs ajoutent à la fin le chapitre du /)e vitis prophetarum consacré à Jérémie, c’est-à-dire font mourir le prophète en Egypte où il annonce la Aenue de Jésus-Christ. — Sous sa forme actuelle, c’est certainement une œuvre chrétienne — appelée parfois seconde apocalypse de Baruch — mais il est possible que l’auteur du ménologe, ici comme ailleurs, ait utilisé des sources anciennes ; il a peut-être utilisé un écrit juif, composé vers 140 de notre ère « pour préparer la restauration de Jérusalem par la conversion des Juifs toujours prévaricateurs. » Cf. Dictionnaire de la Bible de F. Vigouroux, t. I, col. ^63.

5. — Apocalypse de Baruch. On n’en possédait que la lettre de Baruch aux dix tribus (chap. lxxviiiLxxxvi) publiée en syriaque dans les Polyglottes de Paris et de Londres. Cériani a publié le texte syriaque d’après le Codex Ambrosianus, Monumenta sacra et profana, t. V, 2, p. i 15-i 80, Milan, 1866. Ce ms. a été reproduit depuis en photolithographie, Tz-rt/is/a^/o syra PesehittoVeteris Teste codice Ambrosiano, Milan, 1879-83, fol. 267-267. Fritzsche a traduit en latin le texte syriaque édité par Cériani, IJbri apocryphi Veteris Testamenti, Leipzig, 1871. Enfin M. Kmosko a réédité le texte syriaque avec une traduction latine dans la Patrologia Syriaca de Mgr Graffin, t. II, Paris, 1907. Baruch prophétise la ruine de Jérusalem en l’an 70 et la revanche messianique du peuple de Dieu. Le calcul des semaines, suggéré par un chapitre de l’ouvrage, a conduit M. Dillmann à placer sa composition sous Trajan (7 117). Le syriaque n’est qu’une traduction d’un texte grec, le manuscrit l’affirme et des arguments intrinsèques viennent confirmer son témoignage. L’ouvrage est étroitement appa renté au IV' livre d’Esdras, aussi Ewald les attribuait au même auteur. En général, on tient que l’auteur de l’un des deux ouvrages a connu l’autre. Le caractère de l’Apocalypse de Baruch est plus strictement juif que celui du IV livre d’Esdras, ce dernier renferme plus de passages messianiques et a donc joui de plus de considération dans l’Eglise.

Editions et traductions : Cériani avait déjà traduit l’Apocalypse en latin, Monum. sacra et profana. Milan, 1866, 1. 1, 2, p. 73-89 avant de l'éditer, /i/i/., t.V, 2. Elle a encore été traduite par Bissel, The Apocrypha of the Old Testament, New-York, 1880, p. 668 sqrj. ; Charles, The Apocalypse of Baruch, Londres, 1896 et Ryssel dans E. Kautzsch, Die apocr. und pseudep. des A. T., Tubingue, 1900, p. 402-446. Voir la littérature dans Mgr Graflin, Patrologia Syriaca, t. II, col. 1069.

La lettre de Baruch qui termine l’Apocalypse est adressée aux neuf tribus et demie qui étaient au delà de l’Euphrate, pour leur annoncer ce qui s’est passé à Sion, pour les encourager et leur donner bon espoir. La version sjriaque — en sus des éditions Cériani et Kmosko (Patrol. Syriaca) — a encore été publiée par P. de Lagarde d’après un ms. de Londres du VI* siècle, Libri Veteris Testamenti Apocrvphi, heij)zig et Londres. 1861, p. 88-93 et par R. H. Charles, The Apoc. of Baruch, Londres, 1896, p. 125-167.

Une courte apocalypse de Baruch différente de tout ce qui précède a aussi été éditée dans Texts and studies, V. 1, p. 84-94- Baruch voit et décrit les mystères du ciel ; cf. Ibid, p. 96-102.

6. — L’histoire des Iiéchabites.Déelopjteech.71.^x' de Jérémie, en nous apprenant ce que sont devenus les Réchabites et quelle a été leur récompense. Le moine Zosime demande à Dieu « de lui montrer où demeurentles bienheureuxfils de Jonadab qui furent retirés du monde au temps du prophète Jérémie. » Il est transporté miraculeusement au I>ord du fleuve Océan (dans le grec : du fleuve Eumélès), puis aux îles des Bienheureux, Les Réchabites jeûnent de neuf heures à neuf heures ; à ce moment ils se rassasient des fruits des arbres et boivent d’une eau douce comme le miel qui coule à cette heure seulement des racines des arbres ; ils n’ont pas de pluie ni de neige et ne travaillent pas ; lorsque l’un d’eux doit mourir, les anges viennent lui annoncer sa mort et chercher son âme, la moitié se marient et l’autre moitié vivent dans le célibat ; un ange leur a annoncé l’Incarnation. Ils écrivent tout cela sur des tables que Zosime rapporte avec lui. Un manuscrit grec ajoute seul que le démon fut jaloux de Zosime et craignit que le récit de la vie des bienheureux n’excitât les hommes au bien ; il le tenta donc, mais inutilement. Zosime vécut encore trente-six ans, et les anges vinrent chercher son âme. — La forme actuelle du récit est évidemment toute chrétienne, elle reflète même assez fidèlement l’idéal des certains moines orientaux ; il est cependant vraisemblable qu’une légende juIac a dû raconter aussi le sort des Réchabites ; nous en aurions ici une adaptation chrétienne. C’est sans doute dans ce sens qu’il faut entendre la phrase suivante d’un manuscrit syriaque : « Cette histoire fut traduite de la langue hébraïque en grec et du grec en syriaque par saint Jacques d’Edesse (-j- 708). » — Le texte grec a été publié clans les Texts and studies de A. Robinson, II, 3 Cambridge, 1893, pp. 86108, sous le titre « Récit de Zosime touchant la vie des Bienheureux ; » l'éditeur rappelle qu’une « apocalj’pse de Zosime » figure sur d’anciens catalogues d’ouvrages apocryphes et croit qu’elle peut être identifiée avec la présente publication ; la version syriaque a pour titre : « Histoire des fils de Jonadab, fils deRéchab, qui demeurent dans la grande mer l’océan. 173

APOCRYPHES

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Dieu les montra au bon moine Zosime. » Elle a été puliliée avec traduction française par F. Xau, Les fils de Jonadab, fils de Réchab, et les iles fortunées, Paris, 1899.

n. Les i’ies des prophètes. Racontent avec plus ou

moins de légendes la vie de chaque prophète. Nous avons déjà dit que Jérémie est censé mourir en Eo’vpte. Il prédit l’Incarnation de Notre-Seigneur et les' Juifs le lapident. Abdias est né à Sichem. C’est le troisième capitaine qui fut envoj'é par Ochozias pour chercher Elle (IV Rois, i, 13-15) ; il quitta le service du roi et s’attacha à Elie. Jouas est le tils de la veuve de Sarephta chez laquelle se retira le prophète Elie, etc. Cet ouvrage indicpie aussi l’endroit de la sépulture de chaque prophète. L’ouvrage est attribué à S. Epiphane par les manuscrits : « De notre saint Père Epiphane sur les prophètes, comment ils sont morts et où ils sont enterrés. » Personne n’admet plus que S. Epiphane en soit l’auteur, mais il a joui d’une grande vogue et a été utilisé par les historiens. Cf. Clironicon PascIiale., Migne, Pat. gr., XCII, et une Chronique syriaque anonyme éditée par S. B. Mgr Bahmani, patriarche des syriens catholiques, <lans la Be^nie de V Orient chrétien, 1907. Un correspondant de Jacques d’Edesse(-|- 708) lui demandait son avis sur les légendes d’Abdias et de Jonas, et Jac pies d’Edesse répondait déjà qu’elles n’avaient aucun fondement dans l’Ecriture et étaient apocryphes. Il ne nomme pas l’auteur de ces légendes.

Editions : Deux rédactions de l’ouvrage ont été éditées par Migne, I^atr. gr. t. XLIII, col. 398-428. La première, p. 398-4 1 4 e^^t traduite en latin. Cf. Th. ?tc)ievvLs.rv, Prophetarum yitæ fahulosae, Leipzig, 1907. F. Nau.

II. Apocryphes du Nouveau-Testament. — A. Evangiles apocuyphks. — Les Evangiles apocryphes sont des écrits qui paraissent raconter l’histoire de faits évangéliques, mais sont demeurés en dehors du canon, c’est-à-dire de la liste oiricielle, des Evangiles reconnus par l’Eglise.

Le canon de l’ancienne Eglise romaine, qui porte le nom du pa|)e saint Gélase, 492-496, dans Mansi, Sacrorum concilioruni noya et amplissima collectio, l’j&i. t. VIII, col. 150, mentionnait, comme apocryphes et non admis à la lecture publique, huit évangiles placés sous un nom d’apôtre et quatre autres écrits similaires. P’abricius, Codex apocryphus A’or/ Testamenti, Ilamboiu’g, 1708, t. L p. 835*, un des premiers auteurs qui se soient appliqués à chercher les restes de cette sorte d’ouvrages, prétendait avoir trouvé trace d’une quarantaine d'évangiles apocryplus distincts. Ce iujml)re a été considéral)l<'ment réduit depuis. Aujourd’hui, c’est une vingtaine seulement qui i)araissent aux critiques dignes de mention.

On peut les diviser en trois groupes. D’un côté six évangikîs dont le texte nous a été conservé, et qui api)artiennenl, dans leur ensemble, à la période <hi m' au V* siècle. De l’autre, un groupe d’environ quatorze, qui ont vu le jour au cours du n* siècle. Hnlin deux pièces d’un caractère spécial, dont cpielquescrili<pics se demandent si elles ne contiemlraienl pas une tradition du 1" siècle et ne pcuu’raient pas être mises en parallèle avec les Evangiles canoni(pies.

PuRMiiai (wtoui’K : Evangiles apocryphes conservés. du m » au ve siècle.

A’otice. — Les évangiles apocryphes dont le texte nous est parvenu sont au nond)re de six.

Quatre portent sur les origines de l’histoire évangcli(]iie, c’est-à-dire sur la vie cachée de Jésus, de Marie et de Joseph.

1° Le Protévangile de Jacques, ou Histoire de Jacques sur la naissance de Marie. Cet écrit, rédigé en grec, comprend 26 chapitres, dont les 17 premiers racontent la vie de la Sainte Vierge avant l’Annonciation : sa naissance, son enfance, sa vie au tenqde, son mariage avec Joseph. Les 8 derniers racontent les débuts de l’histoire évangélique : ils suivent les récits canoniques de la nativité de Jésus, de la visite des Mages et du massacre des Innocents. Le ProtéAangile de Jacques, dans sa forme actuelle, n’est pas antérieur à la lin du iii<' siècle et paraît dater plutôt du ive. Toutefois, d’après jNI. Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, 11' part.. Die Chronologie, 1897, t. I, p. 600, plusieurs de ses récits fondamentaux seraient des productions du 11' siècle : tels, le fond des chapitres contenant la préhistoire de Marie, le récit de la naissance de Jésus, censé fait par saint Joseph, et celui du meiu-tre de Zacharie. — Texte dans Fabricius, op. cit., t. I, p. 66 sq ; Thilo, Codex apocryphus Aovi Testamenti, Leipsick, 1882, t. I, p. 169 sq. ; Tischendorf, 7 : » 7/no’e//rt apocrypha. Leipsick, 1853 et 1876, p. I sq. Traduction française dans Rrunet, Les Evangiles apocryphes, Paris, 1849, p. 1 14 sq.

Une adaptation latine du Protévangile grec de Jaccpies, avcc remaniements et additions, a donné naissance à V Evangile du pseudo-Matthieu, en 42 chapitres. Une simple révision de ce dernier ouvrage a produit l’Evangile de la Aativité de Marie, en 10 chapitres. L’un et l’autre écrits dérivés appartiennent à la lin du iv', ou au ve siècle. — Texte du premier dans Tischendorf, op. cit., p. 50 sq. ; cf. Thilo, op. cit., p. 889 sq. Traduction des chapitres i-xxiv dans Brunet, op. cit., p. 180 sq. Texte du second dans F"abricius, op. cit., p. 19 sq. ; Thilo, op. cit., p. 317sq. ; Tischendorf, op. cit., p. 106 sq.

20 UJIistoire de Joseph le charpentier, récit en 82 chapitres de la vie et de la mort du père nourricier de Jésus, placé dans la bouche du Sauveur parlant à ses disciples. L’ouvrage a été rédigé en arabe vers les iv* ou v' siècles. — Texte arabe dans Thilo, op. cit., p. I sq. Texte latin dans Tischendorf, op. cit., p. 115 sq. Traduction française dans Brunet, op. cit.,

P-, '7sq 3° h’Evangile de Thomas, dont on possède diverses recensions, grecques et latines. C’est une collection d'épisodes merveilleux, rattachés à l’enfance de Jésus, depuis l'âge de cinq ans, jusqu'à sa visite au temple. Le fond de l’ouvrage pourrait être de la lin du ne siècle, mais il est impossible de discerner ce qui est primitif dans nos textes actuels, beaucoup plus récents. — Texte grec développé en 19 chapitres, avec second texte grec, en 1 1 chapitres, et texte latin en 15 chapitres, dans Tischendorf, op. cit., p. 184 s(j. Premier texte grec, avec version latine, dans Thilo, op. cit., p. 275 sq. Texte grec et version latine des 7 premiers chapitres dans F.ibi-icius, op. cit., p. 159 sq. Traduction française du premier texte grec dans Brunet, op. cit., p. 14' sq.

4° Enfin, l’Evangile arabe de l’enfance, dont les 9 premiers chapitres suivent les récits canoniques concernant la naissance et l’enfance de Jésus ; les chapitres x-xxv racontent les épisodes merveilleux qui signalèrent le voj^agc et le séjour en Egypte ; les chapitres xxvi-lv rauu'-nent le Sauveur en Judée et décrivent, en s’inspirant de l’Evangile de Thomas, les prodiges de son enfance jusqu'à douze ans. L’ouvrage est une conq)ilation du iv* ou du v' siècle. — Texte arabe et latin, dans Thilo, op. cit.. p. 65 s(|. Texte latin dans Fabricius, op. cit., p. 168 sq. ; Tischendorf, op. cit., p. 171 sq. Traduction dans Brunet, op. cit., p. 07 sq.

Les deux autres apocryphes du premier groupe se 175

APOCRYPHES

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rapportent aux derniers événements de l’histoire évangélique. Ce sont :

1° VE'(irigile de JVicodème, comprenant deux récits distincts : les Actes de Pilote, chap. i-xvi, compte rendu par Xicodème du procès de Jésus devant Pilate et de la conduite du sanhédrin après la mort du Sauveur ; la Descente du Christ aux enfers, chap. xviiXXVII, censée racontée par les deux lils du vieillard Siméon, Charinus et Leucius, ressuscites à la mort lie Jésus. Les deux récits ne remontent pas au-delà (lu IV' siècle. — Texte latin dans Fabricius, op. cit., j). 238 sq. ; grec et latin dans Thilo, op. cit, p. ^8^ sq. ; Tischendorf, op. cit., p. 203 sq.

2° Le Passage ou Trépas de Marie, récit de la mort de la sainte Vierge, composé à la fin du iv' siècle ou au début du v*. — Texte grec et latin, dans Tischendorf, Apocalypses a pocryp h a e, heipsick, 1 866.

Appréciation. — L’origine relativement récente des évangiles apocryphes de ce premier groupe les place éAidemmenl bien au-dessous de nos quatre EA-angiles canoniques, œuvres du le^" siècle.

Sans doute, en plusieurs d’entre eux, on peut trouver certains éléments de tradition ancienne, dignes de figurer à côté des informations authentiques, consignées dans nos Evangiles traditionnels. Tels les renseignements fournis par le Protévangile de Jacques sur les noms des parents de la Sainte Vierge, Joachim et Anne, sur la présentation de Marie au temple, sur la naissance de Jésus dans une grotte. Tels encore, ceux de l’Evangile du pseudoMatthieu sur le bœuf et l'àne qui entourent la crèche ; ceux de l’EAangile de Thomas sur les jougs et les charrues que fabriquait saint Joseph. Mais, ces quelques traits primitifs mis à part, nos évangiles apocryphes n’ont pas la moindre valeur documentaire.

En maints endroits, ils se contentent d’exploiter les données canoniques. Ainsi les premiers chapitres de saint Matthieu et de saint Luc sont manifestement utilisés par le Protévangile de Jacques, l’Histoire de Joseph le charpentier, l’Evangile de Thomas, l’Evangile aral>e de l’enfance. Le Passage de Marie procède par allusions aux textes traditionnels qui concernent la mère de Jésus. L’Evangile de Nicodème reproduit presque littéralement les récits canoniques de la Passion, en les illustrant de passages tirés des mêmes récits canoniques de la vie publique.

Cependant, nos apocryphes ont aussi la prétention de compléter les Evangiles ofiiciels. Ils s’attachent à combler leurs lacunes, à suppléer à leurs silences, spécialement en ce qui regarde les événements de l’enfance, laissés dans l’ombre par saint Matthieu et saint Luc, les antécédents de Marie et de Joseph avant leur apparition sur le théâtre évangélique, enfin leurs derniers moments non racontés par les historiens sacrés. Mais, précisément, dans la mesure oii ils s'écartent des données traditionnelles, nos apocryphes ne constituent qu’un assemblage de fictions, créées sous l’influence de préoccupations doctrinales, fictions telles qu’elles contrastent visiblement a^-ec les récils des Evangiles canoniques et contribuent à mettre en évidence leur absolue supériorité.

I. — Les apocryphes du premier groupe, fictions doctrinales. — Tout d’abord, les apocryphes de notre premier groupe représentent manifestement le travail d’imaginations pieuses, ciu’excitent la curiosité, que stimulent des préoccupations théologiques ou l’instinct d’une foi naïve et souvent mal réglée.

Idée de la dii-inité de Jésus. — L’idée principale qui paraît avoir influé sur la composition de ces ouvrages est celle de la divinité de Jésus. Jésus est Dieu dès son enfance : c’est pourquoi l’on entoura son berceau de merveilles. Au moment où il va naître, le ciel devient immobile, les oiseaux arrêtent leur

vol, toute la nature est en suspens ; une lumière éblouissante remplit la grotte où pénètre la Vierge. Protévangile de Jacques, chap. xviii, xix ; PseudoMatthieu, ch. xiii.

La même préoccupation multiplie autour de lui les prodiges pendant son exil en Egypte. Les lions et les léopards lui font escorte ; les dragons lui rendent hommage ; les idoles tombent et se brisent à son approche ; l’attouchement de son corps ou de ses langes provoque des miracles éclatants. PseudoMatthieu, chap. xviii, XIX, XXII, xxiii ; Evangile arabe de l’enfance, chap. x, xii, xx-xxii.

La vie cachée à Nazareth est illustrée d’une manière semblable, parfois grossière, souvent puérile, toujours fantaisiste. Le divin Enfant s’amuse à creuser de petits bassins dans le sable ; un de ses compagnons veut les détruire ; il le frappe de mort, puis le ressuscite à cause de ses parents. A six ans, il est envoyé par sa mère à la fontaine ; il casse sa cruche et rapporte l’eau dans son manteau. Son père est-il en peine pour une pièce de bois trop large ou trop étroite, Jésus l’amène à la dimension voulue en y étendant Ja main. A l'école, il embarrasse son maître parades questions profondes. Aux docteurs de la Loi il expose les secrets des sciences physiques, de la médecine et de l’astronomie. Evangile de Thomas, chap. ii, iii, IV, VI, IX, XI ; Pseudo-Matthieu, chap. xxvixxviii, xxxi-xxxii, xxxvn ; Evangile ara be, chap. xxiv XLVIII, L-LII.

Ce sont des prodiges analogues qu’invente VEvangile de Nicodème, dès qu’il s'écarte des données canoniques, en racontant les derniers jours du Sauveur. Tel le mii’acle des enseignes, qui, d’elles-mêmes, malgré tous les efforts des porte-étendards, s’incli nent sur le passage de l’Homme-Dieu, chap. i.

Idée de la grandeur de Marie et de Joseph. — A la divinité de Jésus se rattache la dignité incomparable de sa Mère et celle de son père nourricier. Cette idée encore a inspiré maintes pages des évangiles apocryphes.

L’on a voulu d’abord célébrer la virginité de Marie. Marie est vierge dans la conception de Jésus : il en faut une manifestation publique, et l’on invente l'épreuve des eaux amères. Elle est vierge dans l’enfantement du Sauveur : l’on tient à faire constater dûment le miracle. Elle a dû rester vierge toujours : les personnages appelés « frères de Jésus » sont attribués à un mariage antérieur de Joseph qui, devenu veuf, aiu>ait épousé Marie à l'âge de quatre-vingtdix ans. Protévangile de Jacques, chap. ix, xvx, xviii, XIX ; Pseudo-Matthieu, chap. viii, xii. xiii ; Histoire de Joseph le charpentier, chap. xiv.

L’idée de la grandeur de Marie fait également environner de prodiges son enfance et surtout son bienheiu-eux trépas. Les apôtres survivants sont transportés instantanément à son lit de mort ; ceux qui sont défunts ressuscitent ; les Juifs méditent de brûler sa maison, mais sont eux-mêmes consumés par un fevi vengeur. Passage de Marie.

Enfin, un décor non moins merveilleux illustre les derniers moments de saint Joseph. Lorsqu’on vient ensevelir le glorieux patriarche, impossible de détacher son linceul ; celui-ci a iJris la rigidité du fer et apparaît sans couture. Histoire de Joseph le charpentier, chap. xxvii.

2. — Contraste avec les Evangiles canoniques. — Il suffit de mettre ces fictions tendancieuses en regard de nos récits traditionnels pour voir combien différemment, et combien plus authentiquement, les Evangiles canoniques représentent la divinité de Jésus, la manifestation de son origine et celle de ses pouvoirs surnaturels.

Saint Matthieu et saint Luc entourent, eux aussi, 177

APOCRYPHES

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lie miracles la naissance du Sauveur ; mais ces miracles ne ressemblent en rien aux tours de sorcellerie, aux exhibitions g : rotesques, aux démonstrations ridicules, qui abondent dans les apocryphes, mêlés à de o-rossiers anachronismes et à des erreurs de représentation manifestes. Ils sont tels qu’on est en droit de les attendre si Jésus est vraiment, dès l’origine, le Christ Fils de Dieu.

L'éclat qu’ils projettent sur son berceau est d’ailleurs compensé par des ombres étonnantes. Des anges le révèlent à des bergers, mais lui-même est représenté petit enfant, enveloppé de langes, dans une crèche, méconnu et repoussé du monde, ses parents n’ajant ])u trouver de place au caravansérail de Bethléem. Une étoile merveilleuse lui amène des mages de l’Orient, mais aussitôt après il faut qu’il fuie au plus vite : la colère d’Hérode le menace, et il doit s’y soustraire par l’exil. Jamais nos apocryphes n’auraient introduit ces traits d’humilité surprenante ; la preuve en est cju’ils n’ajoutent pas un seul détail de ce genre et que tout ce qu’ils tirent de leur fond est pour rehausser la grandeur de Jésus. Lorsque furent rédigés les Synoptiques, l’Eglise se représentait depuis longtemps le Christ comme vrai Fils de Dieu, ayant préexisté à sa venue sur la terre et désormais immortel dans la gloire céleste : si donc nos évangélistes avaient écrit d’imagination ou reproduit le travail de la foi à leur époque, n’auraient-ils pas imprimé à leur œuvre le cachet que nous trouvons aux compositions apocryphes ? Le fait qu’ils représentent tout autrement la naissance de Jésus, son exil en Egypte, sa vie cachée à Nazareth, est une garantie très sérieuse d’historicité.

Les Evangiles canoniques témoignent également en faveur de l’enfantement virginal de Marie ; mais quelle différence encore dans leur manière de faire valoir ce glorieux mystère !

Il est impossible de ne pas être frappé par la sobriété de saint Luc dans le récit de l’Annonciation, la réserve de saint Matthieu à propos du doute de Joseph, l'étonnante discrétion que les deux évangélistes attribuent à la Vierge et à son chaste époux. Rien, dans le cours de la vie publicjue racontée par nos écrivains sacrés, ne vient mettre en lumière le fait de la naissance Airginale. Au contraire, on ne craint pas de dire et de répéter que Joseph passe pour être le père de Jésus et que, dans l’entourage du Sauveur, on parle de ses frères et de ses sœurs. Dans ce ministère public, Marie elle-même n’a qu’un rôle très effacé. Ni saint Matthieu ni saint Luc, qui savent sa dignité incomparable, ne cherchent à la tirer de l’ombre relative où il a plu à son divin Fils (le la laisser. Ils ne dissimulent rien de l’attitude extérieure du Christ à son égard ; ils ne suppriment aucune de ces paroles mystérieuses qui paraissent diminuer la grandeur de la Vierge, et ne songent iiiênie pas à en corriger l’effet. C’est, en face de la jiréoccupation doctrinale des apocryphes, la preuve de l’absolue loyauté de nos historiens sacrés.

D’une façon générale, les évangiles apocryphes, par l’impression qu’ils donnent du fantastique et de l’arliliciel, font plus vivement sentir ce <jue les canoniques, dans leur ensemble et dans leurs détails, contiennent de sincère et de réel. C’est la manifestation du vrai par la comparaison du faux, la mise en évidence de riiistoire par le contraste de la contre-façon.

« On remarquera, écrivait Renan dans V Introduction à sa Vie de Jésus, l’i' édit., 1867, p. lxxxviii, 

que je n’ai fait nul usage des Evangiles apocryphes. Ces compositions ne doivent être en aucune façon mises sur le même pied rpie les Evangiles canoni^lues. » « C’est, répète-t-il ailleurs, Vl-Jf^lise c/irétiennc, 2= édit., 187g, p. 505, faire injure à la littérature

chrétienne que de mettre sur le même pied ces plates compositions et les chefs-d’amvre de Marc, de Luc, de Matthieu. »

Deuxième GROUPE : jE’rf/Tz^/'/es apocryphes, fragmentaires ou perdus, du II' siècle.

Notice. — Notre deuxième groupe comprend 14 évangiles apocryphes que les critiques sont unanimes à regarder comme des compositions du ne siècle.

Dix sont totalement perdus. Nous savons seulement qu’ils circulaient parmi les sectes gnosticiues entre les années 150 et 200. Sur ces dix évangiles, cpiatre portent le nom de gnostiques fameux : ce sont les E’angiles de Cérinthe, de Basilide, à'Apelles et de Valent in. Six autres sont marqués au nom d’un apôtre : ce sont les Es-angiles d’André, de Barthélémy, de Thaddée, de Judas l’Iscariote, de Matthias et de Barnabe.

Restent donc quatre écrits, dont nous possédons des fragments, plus ou moins considérables, qui nous permettent de nous en faire une idée et de conjecturer ce que devaient être les évangiles, aujourd’hui perdus, qui avaient cours avec eux dans les mêmes milieux. Ce sont :

1° UEs’angile de Marcion, rédigé entre 11b et i^o. Au témoignage de saint Irénée, Contra IIær., , xxvii, et III, XII, Marcion n’aurait fait que mutiler et abréger l’Evangile de saint Luc selon ses tendances gnostiques. Ce que l’on connaît de son œuvre par les nombreuses citations des écrivains ecclésiastiques, en particulier de Tertullien, confirme décisivenient cette appréciation, aujourd’hui admise de la généralité des critiques. Cf. Zahn, Geschichte des Aeutest. Kanons, t. I, p. 6 ; 4 sq.

2° L’E^'angile des douze apôtres, connu d’Origène, date probablement de la fin du 11* siècle. Les fragments que nous en a conservés saint Epiphane, Ilær., XXX, 13-22, sont étroitement apparentés avec les Evangiles canoniques, particulièrement avec celui de saint Matthieu, sauf deux où sont exprimées les tendances antisacrificielles et les pratiques végétariennes de la secte ébionite, dite des Elkasaïtes. On peut donc souscrire pleinement au jugement de saint Epiphane, qui voyait dans cet écrit une falsification de l’Evangile de saint Matthieu, adapté par les Elkasaïtes à leurs préoccupations de secte. — Fragments dans Harnack, op. cit., 1" part., t. I, p. 200 sq. ; Nestlé, iVoi'/ Testamenti græci supplementuni, Leipsick, 1896, p. ^5, ;  ; 6 ; Preuschen, Aiitilegomena, Giessen, 1905, p. 10 sq. ; fragments coptes édités par Réilloiit, Patrologia orientalis, 11, 2.

3" JE’angile selon Philippe est de la même époque. Saint Epiphane le montre en usage dans des cercles gnostiques égyptiens. Il en reproduit une sentence qui accuse des idées fort étranges sur les épreuves qui attendent l'àme, après la mort, dans la traversée des divers cieux, et en même temps des tendances nettement hérétiques touchant la légitimité du mariage. — Fragment dans Ilarnack, op. cit., Il' part., t. I, p. 5g2 ; Nestlé, op. cit., p. 74 ; Preuschen, op. cit., p. 15.

4° L’Eiungile selon Pierre, mentionné expressément ])ar Séra])ion, évèfjue d’Antioche, vers 190, dans ilusèbe, I/ist. eccl., VI, xii, est rapporté par les criticjues soit à la période iSo-i^o, soit à la période iio-130, suivant qu’ils admettent ou non son utilisation i)ar saint Justin. Un fragment de cet évangile a été découvert, en 1886, à Aklimim (Haute-Egypte), par la mission archéologiqiu- française, et publié en 1892 jiar M. Rouriant. Ce « fragment d’Akhmim » contient le récit de la Passion, à i)artir du moment où Pilate, se lavant les mains, livre Jésus, et il se poursuit jusqu’après la résurrection, à l’apparition 179

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de l’ange aux saintes femmes. L’examen de ce morceau a amené M. Zahn, Das Es-angeliiini des Petriis, Erlangen, 1893, p. li", à conclure que l'évangile apocryphe dérive purement et simplement de nos quatre Evangiles traditionnels, librement arrangés et dramatisés. Mais on y trouve aussi trace de tendances docétiques. En particulier, le pseudo-Pierre représente riiumanité du Sauveur insensible à la souffrance, et le Christ abandonnant sur la croix cette apparence d’humanité pour remonter au lieu d’où il est venu. Cela s’accorde avec ce que Sérapion écrivait à l’Eglise de Rhossus : l'évangile était particulièrement affectionné des docètes, et plusieurs fidèles, pour l’avoir lii, s'étaient laissé induire à leur hérésie. — Le texte dans Nestlé, op. cit., p. 68 ; Preuschen, op. cit., p. 16-20.

Appréciation. — Les apocryphes du second groupe, pas plus que ceux du premier, ne sauraient soutenir la comparaison a^-ec les Evangiles canoniques. Ils sont de composition notablement plus récente, puiscfue le plus ancien d’entre eux, YEvangile selon Pierre, date tout au plus de la période iio-130. Harnack, op. cit., " part., t. I, p. 12 ; II' part., t. I, p. 474- Tous paraissent de simples remaniements de nos écrits sacrés.

Certains de leurs éléments propres sont manifestement inspirés par les préoccupations hérétiques du docétisme ou de la gnose. Dans le reste, ils ne s'écartent des données canoniqties que pour broder sur leur thème des développements fantaisistes, nettement tendancieux, parfois extravagants, et où ne manquent pas de graves erreurs de représentation. Ainsi le pseudo-Pierre imagine Hérode siégeant à côté de Pilate, avec droit de préséance sur le gouverneur. A l’en croire, les soldats cjui montaient la garde près du tombeau en virent sortir trois hommes, les deux premiers soutenant le troisième ; une croix les suivait ; les deux premiers atteignaient de la tête jusqu’aux cieux, celui qu’ils conduisaient par la main dépassait les cieux. Nous sommes loin, on le voit, de la pure et saine littérature évangélique.

Ce contraste même fait ressortir l’incomparable supériorité de nos Evangiles traditionnels. Anachronismes grossiers et embellissements tendancieux de la légende ne font qu’accuser fortement avec quelle exactitude nos écrits sacrés décrivent la Palestine contemporaine de Jésus, et à quel point leurs récits sont demeurés étrangers au travail proprement dit de l’imagination.

D’autre part, les traits de docétisme, rencontrés dans l’Ei-angile selon Pierre, montrent bien quelle tentation ce fut de bonne heure, pour ceux cjui tenaient moins fermement à la vérité de l’histoire, de sacrifier l’humanité du Christ à sa divinité. La tentation était bien naturelle déjà à l'époque de nos rédactions canoniques, puisque dès le temps de saint Paid l’Eglise avait la plus haute idée du Christ, Fils de Dieu, descendu du ciel pour prendre la nature d’homme. Comment se fait-il que Synoptiques et quatrième Evangile ne dissimulent absolument rien de ce qui atteste le plus sensiblement la réalité humaine de Jésus, pas plus dans sa passion et dans sa mort que dans sa vie ? Cela ne s’explique que par leur fidélité d’historiens.

Une dernière chose fort digne de remarque est que nos apocryphes du 11' siècle, quand ils ne sont pas simplement marqués aux noms des chefs gnostiques qui les patronnaient, sont invariablement placés sous le couvert d’un apôtre et que cet apôtre est mis très expressément en relief comme auteur de l'œuvre qu’on lui attribue. XinsiVEi’angile des douze apôtresne manque pas d’employer la première personne du pluriel, lorsque les douze paraissent en scène : « Il fut un homme appelé

Jésus, qui avait environ trente ans ; c’est lui qui 1 nous choisit. « De même est-ce Pierre qui est censé fournir le récit dans l’Evangile qui porte son nom. '

« Quant à jnoi, Simon Pierre, avec André, mon frère, 

nous prîmes nos filets et nous rendîmes à la mer. » Cette particularité atteste l’intérêt qu’offrait aux yeux des chrétiens le témoignage des disciples immédiats du Christ. Mais la préoccupation qu’a l'écrivain d’en instruire clairement le lectetir traliit le faussaire. Double circonstance tout à l’avantage de nos écrits sacres.

De nos quatre Evangiles canoniques, en effet, deux portent le nom de simples disciples d’apôtres, à peine connus : saint Marc et saint Luc. N’aurait-on pas rapporté lieaucoup plutôt le premier à saint Pierre, le second à saint Paul, si l’on ne s'était pas tenu uniquement à la réalité des faits ? Seul, le souci de la vérité a pu imposer l’attribution aux disciples obscurs, ' de préférence aux maîtres glorieux.

Le premier Evangile lui-même n’est mis en rapport qu’avec un apôtre, en somme, fort secondaire, si l’on a égard seulement au rôle qu’il a joué dans l’Eglise primitive. D’autre part, si plusieurs particularités de cet écrit, comme celles des chapitres x, 3, et xi, g, s’accordent bien avec son attribution à saint Matthieu et la suggèrent, elles ne ressemblent en rien aux indications positives et évidentes que sont contraints d’employer les faussaires pour suppléer au manque complet de témoignage extérieur.

Quant au cjuatrième Evangile, il se trouve, à vrai dire, attribué à un apôtre privilégié ; mais il n’est pas moins incontestable que cette attribution est présentée dans le li^re de la manière la plus discrète. Jean n’est désigné par son nom, ni dans le corps de l’ouvrage, ni dans l’appendice. Partout on parle de lui à la troisième personne. Il faut une exégèse attentive et minutieuse pour se rendre compte que c’est bien l’auteur de l’Evangile qui s’identifie au disciple aimé de Jésus, en xix, 35, et xxi, 2^ ; que ce disciple est bien un apôtre, et que cet apôtre est saint Jean. Le contraste de cette réserve avec l’ostentation des apocryphes est une véritable garantie d’authenticité.

Troisième grovpv ::Evangiles prétendus rivaux des canoniques. — Il nous reste à examiner deux évangiles dont quelcjues critiques émettent encore l’hypothèse qu’ils contiendraient un reste de tradition parallèle à celle des Evangiles canoniques, et qu’ils auraient été un moment appréciés dans l’Eglise à l'égal de ces derniers. Ce sont : VEvangile selon les Egyptiens et l’Evangile selon les Hébreux.

Notice. — i" L’Evangile selon les Egyptiens avait cours dans les milieux hérétiques des 111° et ive siècles. Saint Epiphane, vers 377, Ilær., lxii, 2, le donne comme une des sources principales d’où les Sabelliens tiraient leur doctrine hétérodoxe d’une seule personne en Dieu, manifestée sous trois aspects ou modalités. Entre 155 et 234, l’auteur des Philosophoumena, v, 7, atteste que les gnostiques Naasséniens le citaient à l’appui de leurs théories touchant les diverses transformations de l'àme, ou la métempsycose. Clément d’Alexandrie, vers 176-200, le montre aux mains de Cassien, le chef des gnostiques encratites, de Théodote, disciple du gnostique Valentin, et en cite à plusieurs reprises, Strom., iii, 6, 9, 13, un passage dont les encratites s’autorisaient pour condamner le mariage. Antérieurement à Clément d’Alexandrie, nous ne trouvons pas de mention expresse de l’Evangile selon les Egyptiens, mais un passage, semblable à celui qu’il cite comme étant de cet apocryphe, se rencontre, sous une forme plus sobre et sans indication de provenance, dans un écrit du milieu du 11' siècle, connu sous le nom de

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Ile Epitre de saint Clément, xii. M. Harnack pense nue cette dernière citation est bien prise, en effet, dans lEvangile selon les Egyptiens, et il en conclut que cet apocrjphe doit être antérieur à l’an 130. D’autres critiques, comme MM. Zalin. Resch. estiment que la citation de la 11"= Epitre de saint Clément est empruntée à une autre source, dont dépendrait, directement ou indirectement, notre apocryphe luimême, si bien que celui-ci pourrait dater simplement des années 140-150. — Fragments dans Harnack, op. cit., 1" part., t. I, p. I2 sq. ; Nestlé, op. cit., p. 72 sq. ; Preuschen, op. cit., p. 2, 3.

2° L’E^'aiigile selon les Hébreux est mentionné, au début du V siècle, par saint Jérôme, Contra Pelag., III, 2, comme un ouvrage rédigé en langue syro-chaldaïque ou araméenne, mais écrit en lettres hébraïques. Il se trouvait, nous dit-il, De vir. ilL, 3, aux mains des Nazaréens. Lui-mêu ;e le considérait comme l’Evangile hébreu de saint Matthieu. Il prit la peine, Jn Matth., xii, 13, d’en faire en grec et en latin des traductions cjui, malheureusement, ont péri comme le texte original. Seuls, quelques fragments en subsistent dans le reste de ses œuvres. Origène, dans la première partie du iii « siècle, connaissait l’Evangile selon les Hébreux et nous en a conservé deux passages. In Joan., 11, 6 ; In Matth., xv, i^. Un peu auparavant. Clément d’Alexandrie, Sfroni., 11, ! 15, le nomme à son tour et en cite une sentence. Enfin, dès la première moitié du ii^ siècle, Papias raconte l’histoire d’une femme accusée de noml)reux péchés devant le Seigneur, histoire qu’Eusèbe, Hist. eccL, III, XXXIX, nous dit se trouver également dans notre apocryphe, et saint Ignace, Ad Sinrm., iii, i, 2, cite une parole du Christ ressuscité que saint Jérôme, I)e yir.ill., XVI, déclare être empruntée à l'évangile hébreu, traduit par lui récemment. Dans ces conditions, l’Evangile selon les Hébreux serait vraisemblablement antériem- au ii^ siècle. M. Harnack a pu le dater de la période 65- 100. — Fragments dans Harnack, op. cit., I"part., t. I, p. 6-10 ; Nestlé, op. cit., p. 76-81 ; Preuschen, op. cit., p. 4-9 Appréciation. — A en croire M. Harnack, op. cit.. Ile part., t. I, p. 620 sq., l’Evangile selon les Egyptiens renfermerait une tradition indépendante des Evangiles canoniques et parallèle, bien qu’on ne puisse déterminer de combien la rédaction de cet écrit est antérieur à 130. L’Evangile selon les Hébreux contiendrait plus sûrement encore une forme de tradition originale, contemporaine des rédactions synoptiques, ibid., p. 625 sq. Le critique pense, d’autre part, ibid., p. 681-700, que ces deux apocryphes, et l’Evangile selon Pierre lui-même, auraient d’abord été reçus dans les Eglises à l'égal de nos quatre Evangiles traditionnels. Ceux-ci n’auraient acquis leur caiioiiicité exclusive, ne seraient devenus l’Evangile quatlriforme oUiciel, le tétramorphe sacré, que vers l’an 150 en Asie, et, dans le reste de l’Eglise, entre 150 et 200.

Cette théorie fût-elle solidement établie, il importe de le remarquer, il ne s’ensuivrait aucune dépréciation véritable de nos qiuitre Evangiles. Ni leur ancienneté, en elfet, ni leur liistoricité, ni leur canonicité actuelle, ne peuvent avoir à soullrir de ce que se seraient constitués, à la même épcxpie, des écrits parallèles, ayant contenu semblable et même valeur.

Mais l’hypothèse n’est rien moins (m’assurée.

I. — Au point de vue de Vhistoricité. — De Y Evangile selon les Egyptiens, nous l’avons vu, on ne trouve pas de trace avant la seconde moitié du 11^ siècle. Quelle que soit son origiiu', il est certain qu’au témoignage de saint Ei)iphane, d’Origène et de Clément d’Ab’xandrie, l’ouvrage était en ogue dans les milieux hérétiques de leur temps. Bien plus, le

livre lui-même devait être héréticpie dans son contenu. Les fragments qui nous en ont été conservés montrent qu’il renfermait les sentences les plus étranges sur la nature de l'àme et la légitimité du mariage. A supposer donc — chose impossible à vérilier — qu’il ait été rédigé avec un certain nombre d'éléments anciens et des traditions primitives, il faut reconnaître que ces éléments anciens y ont été fortement mélangés de nouveautés bizarres et suspectes. Dans ces conditions, l’ouvrage ne pourrait soutenir sérieusement la comparaison avec les Evangiles canoniques, pour la pureté et la primitivité du contenu.

Il faut en dire autant de VEvangile selon les Hébreux. L’origine de cet écrit est assez mystérieuse. On a les meilleures raisons pour douter qu’il se rattache à l’Evangile primitif hébreu, attribué à saint Matthieu. Un examen attentif des fragments existants tend à persuader que c'était beaucoup plutôt une traduction araméenne de notre premier Evangile grec canonique, faite fort librement, abrégée en certaines parties, glosée en d’autres d’une manière très tendancieuse, et mêlée de détails reposant peutêtre sur un certain fond traditionnel ou simplement créés par l’imagination. On ne peut plus grotescque est le passage qu’Origène a relevé : « Ma mère, l’Esprit Saint, me saisit par un de mes cheveux, et me transporta sur la grande montagne du Thabor. » De telles fantaisies recommandent fort peu le document cjui les contient. Rien ne permet de le comparer, pour la valeur historique, à nos écrits sacrés. Cf. P. Batiffol. Six leçons sur les Es-angiles, ! ^ édit., Paris, 1897, p. 37 ; V. Rose, Etudes sur les E’angiles, Paris, 1902, p. 22 sq.

2. — Au point de 'ue de Vusage dans les Eglises. — M. Harnack fait grand état de ce que les Evangiles selon les Hébreux et selon les Egyptiens sont cités encore, vers l’an 200, par Clément d’Alexandrie, de ce que à Rome, vers 166, la 11^ Epitre de saint Clément utilise le second de ces évangiles, enfin de ce que l’Evangile même selon Pierre, exploité jjar saint Justin à Rome, vers 150, était encore lu dans l’Eglise de Rhossus, avant la lettre de Sérapion, en 206.

Mais cette utilisation partielle des apocryphes n’inqilique aucunement qu’ils aient été mis par les écrivains qui les citent sur le même pied que les canoniques. La jn-euve en est que Clément d’Alexandrie, tout en citant à plusieurs i*eprises un passage de l’Evangile selon les Egyptiens et une fois l’Evangile selon les IIéi)reux, ne s’en tient pas moins très fermement aux quatre Evangiles traditionnels, qiu^ seuls il reconnaît comme approuvés par l’Eglise. Il a soin de noter que l’Evangile selon les Egyptiens est aux mains de gnosti<iues, comme Cassien etThéodote, et qu’il se trouve en dehors des k quatre Evangik’s qui nous ont été transmis. » De même, Sérapion n’avait permis aux fidèles de Rhossus de lire l’Evangile selon Pierre que pour donner satisfaction à ceux qui goûtaient cet écrit, et parce qu’il le croyait exenqit d’errcui-. Il avait si peu prétendu l'égaler aux autres, qu’il n’eut la pensée de le lire lui-même qu’en apprenant les al)us auxcpiels avait prêté sa doctrine.

On conquend donc bien que tel ou tel apocryphe ait pu être admis çà et là, et utilisé pendant un certain temps, sans cpie cela ait nui le moins du monde à la canonicité pratique des Evangiles traditionnels. C’est ainsi que les écrivains et prédicateurs du moyen âge ont exploité les conceptions fantaisistes des IV' et V' siècles, sans le moindre préjudice pour leur foi en l’autorité exceptionnelle de nos quatre Evangiles. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du N. T., Paris, 1891, p. 86-87.

La fortune du tétramorphe a tenu à ce que chacun

de ses quatre Evangiles constitutifs avait une origine connue dans les Eglises, dûment contrôlée et garantie par le témoignage vivant de la tradition. Trois s'étaient présentés, dès la seconde moitié du i" siècle, sous l’autorité de personnages apostoliques, dont le rapport avec leur œuvre respective fut dès l’abord aisé à vérifier. Lorsque parut le quatrième Evangile, l’autorité de l’aptMre saint Jean, qui le couvrait, le fit recevoir sans hésitation dans les communautés chrétiennes et associer aussitôt aux trois Evangiles antérieurs. Du coup le principe du tétramorphe était posé. Mais il n’y a évidemnu^nt pas lieu dètre surpris si cette acceptation pratique des quatre Evangiles, que recommandait leur apostolicité, n’a pas été immédiatement et impitoyablement exclusive de tous écrits analogues. Encore est-il à noter que l’usage des apocryphes, même à l'époque la plus ancienne, paraît avoir été fort restreint et quelque chose d’isolé et d’accidentel. Cf. A. Jiilicher, Eittleitiing in das iV. T., 3^ édit., Tubingue, 1901, p. 407.

On peut donc conclvire qu’en définitive, les évangiles apocryphes rendent témoignage à la prééminence de nos Evangiles canoni(pies dans l’usage de l’Eglise chrétienne des premiers jours, comme ils attestent la dignité incomparable de leur origine et font ressortir l’immense supériorité de leur contenu.

Ouvrages a consulter. — C. Tischendorf, De E^'angeliorum apocrvphorum origine et usii, La Haye, 18$11. — J. Variot, Les Evangiles apocryphes, histoire littéraire, Paris, 1878. — A. Harnack, Geschichte der àtlchristlichen Litteratur, II' part.. Die Chronologie, 1897, t. I. p. ôgo sq. — J. G. Tasker, art. Apocryphal Gospels, dans le Dicfionarr ofthe Bible, de Hastings. Edinburgli, 1904, t. V, p. 420 sq. — AUan Menzies, art. IIebre^s (Gospel according to the). ibid., p. 338 sq. — M. R. James, art. Apocrypha, § 26. 27, dans ïEncrclopædia biblica, de Cheyne, London, 1899, t. I, col. 258 sq. — P. Batiffol, art. Evangiles apocryphes, dans le Dictionnaire de la Bible, de Yigouroux, Paris, 1899, t. II, col. 2114 sq. ; art. Egyptiens (Evangile des), ibid., col. 1625 sq. — F. Yigouroux, art. Hébreux (Evangile des), ibid., t. III, col. 552. — M. Lepm, J :  : vangiles canoniques et évangiles apocryphes (collection Science et Religion), 2e édit., Paris, 1907. — Sur les Logia, voir Wessely, dans Patrologia Orientalis, IV, 3, 1908. — Les principaux ouvrages concernant les points spéciaux ont été mentionnés au coiu-s de l’article. M. Lepin.

B. Actes apocryphes des apôtres. — Ces écrits, sans portée dogmatique ni vues générales, nous peignent le milieu particulier, souvent hérétique, dans lecjuel et pour lequel ils ont été composés. Les plus anciens, d’après leur contenu et les témoignages extrinsèques, peuvent remonter à la fin du second siècle et avoir utilisé quelques anciennes traditions, mais, après le triomphe de l’Eglise sous Constantin, lorsqu’on chercha à mieux mettre en relief les antiques traditions de l’Eglise, on se mit à démembrer, à interpoler les anciens actes non canoniques qui ne furent guère conçus que comme matière à romans religieux ou d’aventure. Parmi ces derniers figurent les actes composés par Lucius Charinus (lye siècle) et condamnés par le pape Gélase, et l’histoire apostolique compilée par le pseudo Abdias au VI* siècle, cf. R.-A. Lipsius, Die apocr. Apostelgeschichten und Apostellegenden, Brunswig, 1883-1890 (étude d’ensemble sur tous ces apocryphes) ; F. Hennecke, Neutestamentliclie Apocryphen, Tubingue et Leipzig, 1904 (introd. et trad. allemande). Les textes ont été publiés et réédités par : Fabricius, Codex Apocryphus Novi Test., Hambourg. 1703 ; J. Ch. Thilo,

même titre, Leipzig, 1832. C. Tischendorf, ^cia J^ostolorum Apocrypha, Leipzig, 18$11. James, Apocrypha anecdota, Texts and Studies, t. II (1893) et V (1897). Lipsius et Max Bonnet, Acta Apostolorum Apocrypha, I, Acta Pétri, PauH, Thaddæi… Leipzig, 1891 ; "U, i, Passio Andreae…, Leipzig, 18g8, II, 2, Acta Thomae…, Leipzig, 1903. Wright, Apocryphal Acts ofthe Apostles, Londi-es, 1871 (version syriaque et traduction anglaise). E. W. Budge, The contendings of the Apostles, Londres 1899 (version éthiopienne et traduction anglaise). A. —S. Lewis, Acta mythologica Apostolorum, dans Horae semiticae III et lY, Londres, 1904 (version arabe et traduction anglaise). Nous suivrons le même ordre que ^I. Hennecke : I. Actes de S. Paul. 2. Actes de S. Pierre. 3. Actes de S. Jean. 4— Actes de S. André. 5. Actes de S. Thomas.

I. — Actes de S. Paul, a) S. Paul et Ste Thécle. Lorsque S. Paul annonçait la parole de Dieu à Iconium dans la maison d’Onésiphore, Thécle, fille df parents païens, eut occasion de l’entendre de sa fenêtre. Elle refusa de se marier, fut livrée aux bêtes féroces qui ne lui firent aucun mal ; elle accompagna S. Paul, déguisée en homme, et fut guidée, par une nuée lumineuse, vers une caverne où elle passa soixante-dix ans. Ces actes sont cités parTertuUien. S. Jérôme, S. Ambroise.

b) Martyre de S. Paul.

D’après la rédaction grecque éditée par Lipsius (cf. Hennecke, p. 364-366 et 380-383) et conservée aussi en syriaque (cf. F. Nau, Revue de l’Orient chrétien, III. 1898, p. 39 sqq.), un échanson de Néron, nommé Patrocle, tombe d’une fenêtre durant une prédication de S. Paul et meurt. S. Paul le ressuscite, il se fait chrétien avec d’autres serviteurs de Néron et celui-ci, irrité, fait décapiter S. Paul. — Ces actes ont pu être composés pour fournir une explication de la mort de S. Paul.

2. — Actes de S. Pierre. Forment encore une partie considérable de l’ancienne littérature chrétienne ; ont pour but de raconter ses voyages, ses prédications, sa lutte contre Simon le magicien, sa mort, a) Les apocryphes Clémentins : Homélies et Récognitions, ne sont autre chose que— deux rédactions des « voyages)j de Pierre et peut-être de ses « prédications. » L’auteur qui usurpe le nom de S. Clément romain nous fait suivre Pierre de ville en ville, nous énumère ses actes, consigne ses instructions et nous amène jusqu'à Rome ; cf. Migne, Patrul. gr., t. I et H. Sur ces ouvrages, Aoir le Dictionnaire de Théologie Yacant Mangenot à l’article Clémentins (apocryphes), b) Le texte copte, édité et traduit en allemand par M. C. Schmidt, Die alten Petrusakten dans les Texte und Unters, de Gebhardt et Harnack, nouvelle série, IX, I (1903), suppose qu’on demande à Pierre certain dimanche pourquoi il n’a pas gviéri sa fille paralytique. Afin de montrer la puissance de Dieu, il la guérit pour un temps, puis il raconte la cause de cette infirmité : Un homme riche, nommé Ptolémée, voulait l'épouser, c’est pour éviter ce mariage qu’elle devint paraljtique ; Ptolémée en pleura au point de devenir aveugle, Pierre le guérit et vendit, pour en donner le prix aux pauvres, un champ cpie Ptolémée avait légué à sa fille. Cf. E. Hennecke, Yeîifes^ Apocr.. p. 383-386, 391-393. t) D’après les Actus Vercellenses. ancienne traduction latine conservée dans le ms. CYIII de la bibliothèque du chapitre de Yercelli, du VII* siècle et qui semble être une transcription d’un ms. du V* ou VI* siècle, Paul convertit à Rome une certaine Candida, femme de Quartus. Celui-ci ordonna à Paul de quitter Rome et Dieu lui suggéra d’aller en Espagne. Après son départ, Simon le magicien opère de grands prodiges en Italie, et le Christ apparaît à Pierre à Jérusalem et lui commande d’aller combattre

Simon à Rome. Vient le récit des prodiges de Simon, de sa lutte avec Pierre et de sa mort lorsqu’il voulut prendre son vol dans l’espace. Après la mort de Simon, Pierre opéra de nombreuses conversions, en pai-ticulier celles des femmes d’Agrippa et d’Albinus et ceux-ci résolurent de le mettre à mort. Pierre voulut fuir, mais le Christ lui apparut et lui annonça qu’il allait mourir à sa place. Touché de repentir, Pierre rentra à Rome et fut crucifié la tête en bas. — Cette composition a pu être faite en Asie Mineure vers l’an 200 ; elle a été utilisée i)ar Commodien et sans doute par S. Ambroise ; la traduction latine du texte g-rec original a pu être faite au iv « siècle. Les actes de Pierre et Paul (Tischendorf, p. i-Sy) et l’histoire de saint Pierre dans l’histoire apostolique d’Abdias (Migne, Dict. des ap., II, col. 6f)5-' ; 16) en sont des remaniements.

3. — Actes de S. /? «  « . D’après l'édition de Max Bonnet, ^c/fl apost. apocv. II, i (1898), p. 160-215, Jean vient de Milet à Ephèse et y opère divers prodiges : il ressuscite des morts, en particulier un prêtre de Diane qui se fait ensuite chrétien ; il instruit les habitants et se rend à Sniyrne. Il revient à Ephèse et ressuscite Drusiana, épouse d’Andronicus ; il raconte comment le Sauveur l’a appelé et lui chante un cantique de louanges ; il réunit les frères, rompt le pain, le leur distribue, se fait creuser une tombe près de la ville, y descend et meurt. Cf. Hennecke, Neutestam. Apocr., p. 432-459. — Ces actes semblent avoir été connus de S. Augustin et de Clément d’Alexandrie ; ils sont d’oi’igine gnostique et on peut jjlacer leur composition de 150 à 180 ; ils ont été remaniés sous le nom de Prochore au commencement du v' siècle, puis compilés par Abdias dans son histoire apostolique. Cf. Migne, Dict. des Apocr., II, col. 32'j-356. Voir aussi Actorum Johannis a Leucio conscriptoruin fraginentuin, dans Texts a/id Studies, Cambridge, 1897, V. p. 1-25.

4. — Actes de S. André. La plus ancienne rédaction serait conservée dans un ménologe du x' au xi° siècle conservé au Vatican (n" 808). Ce ms. est tronqué et déljute au milieu d’un discours qu’André, prisonnier à Patras en Acha’ie, tient aux lidêles. Le gouverneur ^Egeus propose à sa femme Maximilla de tirer André de prison si elle veut se réconcilier avec lui. André fait un long discours à Maximilla pour lui dire de ne pas accepter ; il convertit aussi Stratoclès, frère d'^geus, et enfin il est crucifié.

— Deux fragments de ces actes sont déjà cités par Evodius d’Uzala, contemporain de S. Augustin.

— Plus moderne serait la lettre des prêtres et des diacres d' Acha’ie à toutes les Eglises, regardée comme authentique au viii* siècle en Espagne et en Gaule. Cf. Migne, Dict. des Apocr. II, col. 93-15. Cette lettre se trouve dans Migne, /' « <r. ^7-., t. I, et Tischendorf, Acta apost., Apocr., io5-1$11, elle est traduite en français dans Migne, Dict. des Apocr., 11, col. 95-101, à la suite de la compilation d’Abdias, col. 07-92. — Plus modernes encore sont les actes de Matthieu et d’André, dans la ville des anthropophages, conservés en grec, Tischendorf, y/ffrt apost. apocr., it. 132-iG6, et traduits en sj’riaque et en arabe.

5. — Actes de S. Thomas. Jésus le vend comme esi lave à un envoyé du roi Gundofar. En se rendant aux Indes, ils aljordent dans une ^iile où l’on nuirie la fille du roi.Tliomas récite une hymne en l’honneur des noces célestes. Arrivé dans l’Inde, Thomas fait un plan pour consliuire un palais royal, puis il donne aux pauvres l’argent qu’il avait reçu jjour construire le palais. Le roi le condamne à mourir, mais sa sœur lui révèle que Thomas lui a construit un palais dans le ciel et il le relâche.

Thomas s’avance plus loin vers l’est, il opère divers

prodiges : il ressuscite les morts et chasse les démons ; il persuade à Mygdonia, femme du prince Charîs, de quitter son mari et la cour ; il est jeté en prison, Mygdonia corrompt les gardes et vient recevoir le baptême ainsi que le général Syphor et toute sa maison. Il en est de même bientôt de la reine Tertia et d’un fils du roi. Thomas paraît devant le tribunal du roi et, après de nouveaux prodiges, il est percé de quatre coups de lance et meurt. Ses amis l’enterrent dans le tombeau des rois. Quelque temps après, le fils du roi est guéri pai" la poussière du tombeau de Thomas et le roi, à ce prodige, se convertit aussi.

— La version syriaque avait seule conservé tout le texte des actes, quand M. Max Bonnet a pu trouver un ms. grec de Rome, complet lui aussi (Vallicellanus, 35). Cependant on est porté à regarder le syriaque comme l’original. Les hymnes que contient l’ouvrage semblent d’origine syriaque et, à moins qu’ils n’y aient été introduits après coup, il est probable qu’il en est de même de tout l’ouvrage. Celui-ci est de jjrovenance gnostique, sans doute d’Edesse, du commencement du m' siècle. On a même attribué les hyuines, sans preuves directes d’ailleurs, à l'école de Bardesane. — On remarquera que ces rédactions, regardées comme les plus anciennes, ont toutes un trait commun (hors Jean). Paul, Pierre, André, Thomas convertissent les femmes de hauts personnages et les amènent à refuser tous rapports avec leurs maris. Ceux-ci, pour se Acnger, font mettre les apôtres à mort. On comprend que l’on ait publié d’autres actes, soit pour corriger les tendances gnostiques ou hérétiques de ces premiers, soit simplement pour les conqîléter. Tischendorf, Acta Ap. Apocr., a publié encore les actes de Barnabe écrits par Marc, p. 64-74 ; les Actes de Philii^pe, p. 75-94 ; les Actes de Philippe en Hellade, p. 95-104 ; les Actes deBarthélemj-, p. 243260, et les Actes de Thaddée, p. 261-265. Voir aussi les actes de Philippe dans Tischendorf, Apucal. Apocr., p. 1$11-156, et Texts and Studies, 11, 3, p. 158-163. Une collection éthiopienne d’actes des apôtres, éditée depuis par E. W. Budge, v. supra, a été traduite aussi par Malan, The Conflicts of the holy Apostles, Londres, 1871. Le chapitre relatif à S. Thomas a été reproduit avec le texte grec original correspondant dans Texts and Studies, Cambridge, 1897, t. V, i, p. 28-63. L’hymne syriaque sur l'àme, que l’on rapportait à l'école de Bardesane (v. supra), est repi’oduite et traduite dans le même volume, t. Y, 3, p. i-40.

C. Lkttues apocryphes. — Une troisième lettre de S. Paul aux Corinthiens avec la demande des Corinthiens, a été publiée par Fabricius, Code.v Apocr. Aos-i Test., II, 791-796 ; III. 667-683, Hambourg, 1719 ; Carrière et Berger en ont publié une traduction latine trouvée dans un ms.de Milan dans la Correspondance apocryphe de S. Paul et des Corinthiens, 1891 ; on en a retrouvé aussi une traduction arménienne. Enfin on a rattaché ces deux lettres (celle des Corinthiens et la réponse de S. Paul) aux Acta Paiili.

— Beaucoup de manuscrits de la Bible portent, après la lettre aux Colossiens, une courte lettre aux Laodicéens, conservée seulement en latin mais connue de l’Eglise orientale dès le iv' siècle et qui doit donc se placer au jibis tard dans la première moitié du IH^ siècle ; cf. Kcnucckc, Neutestam. Aj}ocr., p. 138-140.

— La correspondance de S. Paul avec Scncque est une composition relativement moderne, du x<^ au xi* siècle, mais S. Jérôme et S. Augustin ont connu des lettres qui circulaient sous ce titre dès le iv' siècle. — Enfin les Cypriotes ont imaginé une lettre de S. Paul et S. Barnabe adressée à leur premier évêque Iléraclide. Celle lellre est conservée fragmenlairement dans un

ms. de Paris ; cf. Revue de l’Orient Chrétien, 1907, p. 125-1 36. — On attribue à S. Pierre une lettre qui ligure en tête des liomélies pseudo-clémentines ; cf. Migne, Patr. gr., t. II. — On attribue aussi à S. Clément une seconde lettre aux Corinthiens dont certains défendent l’authenticité et deux lettres ad Virgines ; cf. Migne, loc.cil., t. I. Rappelons encore les lettres de N.-S. Jésus-Christ et d’Abgar, roi d’Edesse, et les lettres soi-disant tombées du ciel pour recommander la sanctilication du dimanche.

D. Caxons et ordonnances. — Les premiers règlements ecclésiastiques ont été mis sous le nom des apôtres et acceptés comme tels par diverses Eglises sous leur forme primitive ou i^lutôt après quelques remaniements. Ces écrits sont d’ailleurs excellents et témoignent de la discipline de l’Eglise à l'époque où ils ont été rédigés. Ce genre de littérature a été créé à l’imitation du concile des apôtres à Jérusalem et des règlements apostoliques qui furent alors édictés, Actes, xv, 6-29. Mentionnons : I. Les canons des Apôtres ; 2. La doctrine (Didaché) des Apôtres ; 3. L’enseignement (Didascalie) des Apôtres, l^. Les constitutions apostoliques.

1. — Canons des Apôtres. Quatre-vingt-quatre (ou 85) sont conservés en grec et dans des traductions latines, syriaque, arabe et éthiopienne. Ils ont été regardés comme authentiques dans l’Eglise grecque et dans les Eglises orientales et ont servi de base aux codilications du droit canon. Ils traitent des ordinations et des empêchements canoniques, de la sainte eucharistie et des oblations, du mariage des clercs, de la Pàque, de la simonie, de la hiérarchie ecclésiastique, des rapports avec les hérétiques et les Juifs, du baptême, des livres apocryplies, des livres canoniques. On les traduisait et on les citait dès l’an 500. Ils ont donc été rédigés au plus tard au v^ siècle et peut-être au ive et ne sont sans doute que des résumés de canons antérieurs. Ils ont eu de nombreuses éditions, en particulier dans les Corpus jiiris ci^'ilis ou ecclesiastici, et les recueils des conciles. — L’Eglise orientale est seule à posséder 127 canons conservés en arabe, eu copte et en éthiopien et 2'j canons apostoliques qui existent aussi en syriaque. Voir l’article Canons des apôtres dans le Dict. de Théologie catholique Vacant Mangenot, t. II, col. 1 605-1626.

2. — La Didaché des douze apôtres, retrouvée et publiée en 1883 d’après un manuscrit grec jusqu’ici unique, est un jietit code de morale et de discipline : indication des Aoies de la Aie et de la mort, c’est-àdire des préceptes essentiels et des fautes capitales ; règlements disciplinaires concernant le Ijaptème, les jeûnes, l’Eucharistie et la hiérarchie. On date ce petit écrit au plus tard du second siècle, il aurait même chance d’appartenir à la lin du premier ; édité et traduit en français par E. Jacquier, Paris, 1891, et H. Henimer, Paris, 1907. M. Jacquier ajoute une longue étude sur ce document ; chercher le texte seul dans F. X. Funk, Die Apostolischen Vâter, Tubingue et Leipzig, lyoi, p. 1-8.

3. — La Dtdascalie, « c’est-à-dire l’enseignement catholique des douze apôtres et des saints disciples de notre Sauveur, » est un écrit grec du commencement du 111= siècle qui « renferme toute la discipline canonique », comme l’a écrit saint Epiphane. Il est conservé en entier dans une traduction syriaque éditée par Paul de Lagarde en 1854 et en partie dans une traduction latine du iv' siècle éditée par E. Hauler, Leipzig, 1900 ; nous en avons donné une traduction française, Paris, 1902 ; il a été réédité et traduit en anglais par Mme D. Gibson. Londres, igoS, traduit en allemand par J. Flemming, Leipzig, 1904, enfin xme traduction latine a été éditée par M. F. X. Funk

comme texte parallèle à son édition des constitutions apostoliques, Paderborn, 1906. L’intérêt de cet ouvrage provient du tableau qu’il nous présente de la discipline ecclésiastique au commencement du m' siècle et des luttes avec les hérétiques — surtout avec les judaïsants — de cette époque.

4— — Les Constitutions apostoliques formaient un ouvrage en huit livres dont les six premiers sont un remaniement de la Didascalie, le septième est un remaniement de la Didaché et d’un rituel et le huitième est apparenté à certains canons apostoliques et autres dont la filiation n’a pas encore été clairement étaljlie.

Le texte grec est conservé et a eu de nombreuses éditions dans les recueils de conciles et dans la patrologie grecque de Migne, t. I. La dernière édition a été donnée par F. X. Funk, Didascalia et Constitutiones Apostolorum, 2 vol. 8°, Paderborn, 1906. L’auteur ne semble pas avoir fait une œuvre tendantielle, mais avoir voulu seulement grouper — et parfois mettre au point — des œuvres antérieures déjà regardées comme apostoliques. Cette compilation aurait été faite à la lin du ive siècle ou dans les premières années du ve siècle ; elle fut condamnée par le concile in TruUo (692) : « Nous croj’ons utile, pour l'édification et la séciu-ité du peuple chrétien, de rejeter ces Constitutions, afin de ne pas mêler les productions de la fausseté hérétique à l’enseignement authentique et adéquat des apôtres. » On admet généralement aujourd’hui que les traces de semi-arianisme ou de pélagianisme que l’on peut relever dans les Constitutions sont de purs accidents et que l’auteur ne professait aucune de ces hérésies. Les constitutions, comme tous les écrits canoniques précédents, gardent donc grande importance pour établir l’immuabilité des dogmes de l’Eglise catholique et l’histoire de sa discipline, de sa hiérarchie et de ses institutions. Voir l’article Constitutions apostoliques dans le Dictionnaire de Théologie catholique acantMa.ngenot, t. iii, col. 1520-1537.

E. Apocalypses apocryphes. — i. Apocalypse de S. Pierre. 2. Apocalypse de saint Paul. 3. Seconde apocalypse de saint' Jean, 4— Apocalypse d’Anastasie et de la sainte Vierge sur la punition des pécheurs. 5. Une didascalie de IV.-S. J.-C.

1. — Apocalypse de S. Pierre. D’après le canon de Muratori, composé à Rome vers l’an 200, cette apocah^pse était reçue par l’Eglise aussi bien que celle de S. Jean. Il n’en restait que de courtes citations mais on est convenu de lui rapporter un fragment anonyme de quelques pages trouvé par Bouriant à Akhniin à la suite du fragment du livre d’Hénoch signalé plus haut. Un ouvrage arabe conservé dans de nombreux niss. sous le nom « d’apocalypse de Pierre » (signalé plus haut Ane. Test. A, 3), n’a aucun rapport avec le fragment d’Akhmin, mais se rattache à la littérature pseudo-Clémentine, car il comprend surtout les instructions de S. Pierre à son disciple Clément, d’ailleurs, la traduction éthiopienne de l’ouvrage i^orte simplement le titre de Qalementos (Clément).

2. — Apocalypse de S. Paul. Cf. C. Tischendorf, Apocahpses apocryphae Mosis Esdræ Pauli Johannis, item Mariae dormitio, Leipzig, 1866, p. xiv-xviii, 3469. Elle nous fait connaître ce que S. Paul a vu lorsqu’il a été transporté au troisième ciel, dans le paradis et qu’il a entendu des paroles inelfables. C’est donc un complément imaginé pour II Cor., xii, 2. Cet écrit a d’ailleurs joui d’une grande favCur et a été traduit ou plutôt paraphrasé du grec en copte, en syriaque et en arabe.

" 3. — Apocalypse de S. Jean.C. Tischendorf. loc. cit.,

p. xviii-xix, 70-94— Jean, siir le mont Thabor, est censé interroger Notre-Seigneur au sujet de sa seconde venue sur la terre, il lui demande ce que deviendront le ciel la lerre ; le soleil et la lune. Ces questions sont relativement modernes, leur nombre a d’ailleurs été considérablement augmenté. Les n"* 4 et 5 qui suivent, se rattachent à ce cycle et tout n’a pas encore été publié.

/, Apocalypse d’Anastasie et de la Vierge sur la

punition des pécheurs. Le sujet de ces deux petits écrits est le même ; dans l’un Anastasie (éd. R. Hombiu-g, chez Teubner, igoS), dans l’autre, la Sainte Vierge (éd. James, Texts and Studies, Cambridge, II, 3, 1898), veut connaître quelle est la punition des pécheurs. L’archange S. Michel l’emporte, lui fait Aoir les damnés et lui fait connaître la cause des diverses punitions. Ces descriptions, conservées dans des manuscrits modernes et mauvais, qui ont pu s’inspii-er de Virgile et qui ont précédé le Dante, peuvent être du xi^ au xii’siècle.

5. — Une dldascalie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce petit ouvrage, conservé dans deux manuscrits grecs dont l’un du xi* siècle, suppose que Notre-Seigneur apparaît aux Apôtres dans la vallée de Josaphat et que chacun d’eux l’interroge sur le sujet qu’il a le plus à cœur : l’observance du dimanche et du Carême, les punitions de divers péchés ; à la fin, les Apôtres sont transportés aussi dans l’Hadès et le ïartarepour voiries punitions de quelques pécheurs. Comme nous l’avons dit, ce genre d’apocalypse procède des mêmes préoccupations et se rattache au raênxe cycle littéraire que l’immortel ouvrage du Dante. Cf. F. Xau, Revue de l’Orient chrétien, 1907, p. 226-254.

Nous sommes loin d’avoir condensé jusqu’ici toute la littérature apocryphe ; il reste encore la lettre d’Aristée qui explique l’origine de la version grecque de l’Ancien ïestament ; les Livres sybillins où l’on a distingué des parties se rapportant soit à l’Ancien soit au Nouveau Testament. Cf. E. Kaulzsch, Bie apocr. und pseud. des A. T ; t. II, et E. Hennecke Neutest. Apocr., p. 3 1 8-345 ; le Pasteur d’Hermas qui tient des livres didacticjues et des apocalypses ; les histoires d’Aseneth, épouse de Joseph, et d’Aphikia, épouse de Jésus, fils de Sirach ; les Testaments de Job, de David ; des apocrjphes secondaires atti-ibués à N. S. (testaments et lettres), et à S. Clément de Rome. Cf. Revue de l’Orient chrétien, 1906, p. 418, 1907, p. 7 et 139, etc., etc.

Ces nombreuses productions témoignent de la fécondité des idées religieuses juives et chrétiennes, lors même qu’elles ne reilètent que les opinions d’un homme peu intelligent ou même hérétique. Elles font connaître le milieu dans lequel écrivait l’auteur, les légendes et les préoccupations qui avaient cours chez ses contemporains. Bon nomltre de ces écrits ont d’ailleurs été regardés comme aulhentiques dans certaines églises particulières et ont influé sur toute la littérature qui les a suivis : sur les écrits des docteurs comme sur les légendes populaires et même sur les représenlalions arlisUfnies. F. Nau.