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LETTRES DE CHANGE. — C’est un mode de liquider lies dettes actives et passives du commerce sans le secours de la monnaie, ou du moins avec très-peu de monnaie.

Ainsi un commerçant de Paris, à qui un commerçant de Rouen doit une somme de 1,000 fr., et qui doit aussi une somme de 1,000 fr. à un commerçant d’Orléans, donne à son créancier d’Orléans une lettre de change sur son débiteur de Rouen, avec ordre à celui-ci de payer les 1,000 fr au porteur de sa lettre.

De son côté le commerçant d’Orléans passe l’ordre de sa lettre de change à un commerçant de Nantes, son créancier de la même somme de 1,000 fr.

Enfin, le commerçant de Nantes-passe l’ordre à un commerçant de Rouen, son créancier de 1,000 fr., et celui-ci touche les 1,000 fr. en monnaie, et peut-être même compense-t-il le montant de la lettre de change avec ce qu’il doit an débiteur de cette lettre.

De sorte que les 1,000 fr. dus par le commerçant de Rouen au commerçant de Paris éteignent, par le moyen d’une lettre de change, trois dettes de 1,000 fr. chacune avec 1,000 fr. de monnaie, et peut-être même sans aucun emploi de la monnaie.

Si l’on généralise cette opération, et qu’on retende du commerçant d’une ville de commerce au commerce de cette ville, on voit que le commerce de Paris, d’Orléans, de Nantes et de Rouen peuvent éteindre leurs dettes respectives avec des lettres de change sans bourse délier, et avec peu ou point de monnaie.

Ce que ces quatre places de commerce peuvent faire et font certainement l’une avec l’autre, toutes les places du monde commerçant l’effectuent avec la même facilité et le même succès. Toutes se libèrent par la circulation des lettres de change, et en définitive, chacune n’a à payer en monnaie que ce qu’elle reste devoir après la compensation de ce qui lui est dû.

Deux établissemens ont régularisé et perfectionné ce mode de libération des dettes du commerce, ce sont les Bourses de commerce et les Banques. (Voyez ces deux mots.)

Avec ces deux auxiliaires les lettres de change dispensent le commerce de l’emploi de la monnaie, où du moins le réduisent à très-peu de chose. On ne peut donner une idée de l’étendue de cette économie qu’en faisant remarquer que la somme des dettes de commerce éteintes par les lettres de change dans la seule ville de Londres est évaluée chaque année à environ 56 milliards.

En supposant que le commerce de l’Angleterre, qui se solde à Londres, soit le tiers de celui du monde commerçant, ce serait plus de 100 milliards dont les lettres de change libéreraient le commerce.

Si cette liquidation devait s’effectuer en monnaie il en faudrait au moins 20 milliards, dont l’intérêt à 6 pour cent s’élèverait à 1,200,000,000fr., somme énorme que le commerce ne pourrait pas payer sans élever le prix de ses marchandises, sans diminuer leur consommation, et par conséquent sans consommer sa ruine.

On doit donc faire honneur à l’admirable invention des lettres de change de tous les prodiges du commerce des peuples modernes, et de son influence sur la richesse générale et les destinées des empires.

LOTERIES. — C’est une taxe sur la passion du jeu, sur le penchant de l’homme à croire à sa bonne fortune, et sur les séductions de l’espérance que la nature lui a donnée pour le consoler dans les revers, et l’aiguillonner dans les succès. L’homme est naturellement si disposé à suivre les impulsions de l’espérance, qu’il n’y a pas de loterie qui ne trouve des dupes. Peu importe qu’elle balance bien ou mal les gains et les pertes, on n’est frappé que des gains qu’on peut faire, et l’on ne tient aucun compte des pertes auxquelles on s’expose. Quoique dans les loteries d’état les billets ne vaillent pas les prix auxquels les paient les premiers souscripteurs, on les vend cependant au marché avec une prime de 20, de 50 et quelquefois de 40 pour cent. La perspective du gain ne permet pas d’apercevoir l’excès de la prime. On sait bien que la petite somme qu’on met au jeu est vingt ou trente fois plus forte Qu’elle ne devrait l’être relativement au lot qu’on ambitionne ; mais la prudence même la plus réservée ne regarde pas comme une folie le sacrifice d’une petite somme à la chance d’en obtenir une très-considérable. Seulement il faut que le lot espéré soit capable de tenter l’ambition du joueur. On recherche moins les loteries dont les lots sont peu importans, quoique les chances de perte et de gain soient moins inégales que celles qui offrent de plus grandes séductions par l’importance des lots.

C’est vainement que les joueurs multiplient les combinaisons pour diminuer les chances de perte et augmenter celles de gain ; c’est sans succès que les uns achètent plusieurs billets et que d’autres prennent de petites parts dans un grand nombre de billets ; toutes ces spéculions sont illusoires. Il n’y a pas en mathématique de proposition plus certaine que celle qui établit que plus on prend de billets ou de parts de billets dans une loterie plus on est assuré de perdre. La raison en est évidente : si l’on prenait tous les billets de la loterie, l’on perdrait toute la différence qu’il y a entre la perte et le gain, c’est-à-dire 25 à 30 % ; par conséquent plus on prend de billets ou de parts de billets, plus on approche de la certitude de la perte.

Mais ce n’est pas parce que toute loterie est une insulte à la raison de l’homme et un hommage à ses penchans vicieux, que les loteries doivent exciter l’indignation générale, c’est surtout parce qu’elles persuadent aux classes laborieuses et industrieuses qu’elles peuvent trouver dans les chances du jeu la fortune, l’aisance et le bien-être qu’elles ne doivent attendre que du travail, de l’industrie, de l’économie et de toutes les vertus sociales.

Quel est le résultat de cette méprise ? L’imagination en est épouvantée.

Si l’ouvrier qui joue ses salaires à la loterie est un honnête homme, il reste sans ressource contre les accidens et les calamités de la vie. Dans ses maladies, dans sa vieillesse, il devient à charge à la société et ne trouve de secours que dans le revenu des hospices.

L’ouvrier est-il peu délicat, mal affermi dans ses principes de probité et de moralité, et accessible à de funestes séductions, il se pervertit successivement, par degrés, s’égares dans les routes du crime, et finit par subir la peine qu’il a méritée.

Dans le premier cas, la loterie accroît les dépenses des hospices, et dans le second, celles de police, de prison, de justice et de détention.

S’il était possible d’établir la balance des profits des loteries avec celle des dépenses qu’elles occasionnent à l’état, on se convaincrait facilement qu’il n’y eut jamais de taxes plus onéreuses à la fortune publique, plus immorales et plus funestes à l’humanité. Mais de tels résultats occupent peu la pensée des gouvernemens ; ils ne considèrent dans les taxes que les produits et s’inquiètent peu dé ce qu’il en coûte pour les obtenir. La preuve en est évidente ; depuis long-temps les orateurs et les écrivains livrent chaque année (te continuelles attaques aux loteries ; qu’ont-ils obtenu ? Les loteries subsistent.

LUXE. — C’est une disposition à dépenser son revenu au lieu de l’accroître par l’économie. Dans ce sens, le luxe est le contraire de l’économie ; et si, comme l’on n’en peut douter, l’un est le mobile des progrès de la richesse, l’autre doit lui opposer un obstacle insurmontable ; tel est en effet le résultat du luxe général dans tout pays, quelle que soit sa condition économique et politique.

Quand un peuple atteint la borne de son revenu, sa richesse ne reste pas stationnaire, comme on pourrait le croire ; les vicissitudes des saisons, des circonstances fâcheuses, des accidens imprévus ; le trouvent sans ressources, le forcent d’entamer ses capitaux, de s’endetter et de recourir à de funestes expédiens. Il s’appauvrit, décline et marche à une ruine plus ou moins rapide, mais certaine et inévitable : c’est une maxime fondamentale de l’économie sociale des peuples modernes, que le luxe général appauvrit les états et que l’économie générale les enrichit.

Mais ce qui est vrai du luxe des peuples l’est-il également du luxe des particuliers ? Ici la question change de face.

Le luxe qui porte les particuliers à dépenser leur revenu ou plus que leur revenu, à dissiper leurs capitaux et à se ruiner, ne porte aucune atteinte à la richesse générale. Les pertes qu’entraîne le luxe des prodigues sont réparées par les accumulations des économes. Ce mouvement dans la fortune des riches et des pauvres donne une plus forte impulsion à la richesse, à la propagation des lumières, à la civilisation générale, et, dans ce cas, les dépouilles du riche sont un fonds de richesse pour le pauvre.

Un écrivain moderne, justement célébré par ses écrits sur l’économie politique, donne une idée encore plus avantageuse du luxe des particuliers.

« Les meilleures manufactures d’un pays, dit cet écrivain, sont celles dont les produits sont consommés par le grand corps du peuple. Celles qui ne travaillent que pour le riche sont non-seulement de peu d’importance et en petit nombre, mais sont encore sujettes à de grands désavantages, et exposent à de grandes détresses les ouvriers qu’elles emploient. C’est l’expansion du luxe dans la masse du peuple, et non ses excès dans le petit nombre, qui semble la plus favorable à la prospérité publique et à la richesse nationale. Dans sa véritable acception, le luxe est particulièrement désirable, et un des meilleurs moyens de préserver un pays de la misère[1]. »

Cette opinion est d’autant mieux fondée que, dans le système économique des peuples modernes, l’expansion du luxe dans les grandes masses de la population ne peut s’effectuer que par le travail et l’industrie, les deux instrumens les plus actifs de la richesse sociale ; ce serait le comble de la folie de croire qu’un peuple se ruine par son luxe, qui le force de devenir plus laborieux et plus industrieux.

Mais que doit-on entendre par le luxe des classes laborieuses et industrieuses ? il n’y a à cet égard ni doute ni controverse. On est d’accord que, dans ce cas, le luxe consiste dans la consommation des produits qui ne sont ni physiquement, ni moralement nécessaires à l’existence de l’individu et de sa famille, mais qui les font participer à l’aisance, aux commodités et au bien-être de la vie.

Partout où la grande masse de la population, jouit de cette sorte de luxe, l’état trouve des ressources inépuisables dans la taxe des consommations de luxe, et tant qu’elles sont productives, il a la certitude qu’elles ne portent atteinte ni à l’aisance du peuple, ni aux progrès de la richesse générale.

Si donc on doit se mettre en garde contre le luxe général des états, on doit, dans le système actuel de l’économie sociale, se féliciter du luxe du grand corps du peuple, et le regarder comme le symptôme infaillible de la prospérité publique.

Quoique cet aperçu donne une idée générale du luxe et remplisse l’objet que je me suis proposé dans ce Dictionnaire, le sujet est encore si obscur dans la science, et si confus même pour de bons esprits, que je crois devoir ajouter à ce que je viens de dire, quelques développemens qui me paraissent propres à fixer l’opinion qu’on doit en avoir dans tous les cas et sous tous les rapports.

Sous le point de vue économique, le luxe consiste dans un genre de dépenses différent et distinct de toute autre dépense.

On peut ranger les dépenses d’un pays en quatre classes.

Les unes sont imposées par les besoins ;

D’autres par les convenances, les mœurs et les habitudes de chaque peuple ;

D’autres par le gout des jouissances qu’engendrent presque toujours la richesse et l’opulence.

Enfin, les dépenses du luxe ont leur principe, leur mobile et leur source dans l’amour du faste, de la pompe et des vanités qui imposent à la foule éblouie.

Sous le rapport de la morale, le luxe n’est pas digne d’une grande considération ; mais ce n’est pas sous ce point de vue que je dois l’envisager. Quel rôle joue-t-il en économie politique ? voilà ce qui doit m’occuper.

Toutes les dépenses, de quelque nature qu’elles soient, emploient le capital et le travail, et sous ce rapport elles sont toutes avantageuses ; pourvu que leurs consommations soient reproduites, elles ont plus ou moins d’influence sur la richesse, selon qu’elles donnent plus de facilité, ou opposent moins d’obstacles à la reproduction. Le luxe favorise-tr-il la reproduction, plus que d’autres dépenses ? c’est ce qu’il n’est pas facile de dire avec quelque certitude ; mais ce qui n’est pas douteux, c’est que l’emploi qu’il frit du travail et du capital est aussi avantageux que tours les autres emplois avec lesquels il est en concurrence ; s’il y en avait de plus avantageux que lui, il n’existerait pas, ou serait abandonné.

On peut trouver paradoxale l’assertion que l’emploi du capital et du travail à l’exploitation des mines de diamant et à la pêche des huîtres perlières, est tout aussi profitable à la richesse d’un pays que celui du défrichement des terres, du dessèchement des marais et de l’exploitation des forêts, et cependant elle n’est que la conséquence nécessaire de la doctrine économique sur l’emploi du travail et du capital.

Suivant cette doctrine le capital et le travail abandonnés à leur impulsion les portent toujours vers l’emploi le plus profitable, et l’on ne peut pas les détourner de leur direction, et les forcer d’entrer dans un autre canal sans dommage pour la richesse générale.

Si donc le travail tire de plus grand salaires, et le capital de plus grands profits de la production des objets que le luxe consomme, que de ceux que leur donnent d’autres productions, nul doute que les dépenses du luxe ne soient plus productives que tous les autres produits et ne doivent leur être préférés.

La culture des terres, les fabrications de l’industrie, les spéculations du commerce pour approvisionner les diverses dépenses autres que celles du luxe, ont leurs limites qu’on ne peut franchir qu’en cultivant d’autres branches d’industrie et de commerce dont le luxe consomme les produits. Les nombreux ateliers dans lesquels s’élaborent les produits consommés par les dépenses, s’agrandissent à mesure qu’elles se multiplient, et si l’on pouvait créer une nouvelle production qui fût consommée y toutes les autres productions, loin d’en souffrir une diminution, y trouveraient au contraire un accroissement considérable ; on ne peut en effet obtenir une nouvelle production qu’en augmentant les profits du capital existant, et en stimulant son accroissement ; qu’en augmentant les salaires des ouvriers, et par conséquent, en favorisant les progrès de la population ; mais de plus forts salaires du travail et de plus grands profits du capital entraînent de plus grandes dépenses, d’où il suit que toute dépense nouvelle est une cause d’accroissement des consommations, des productions et de la richesse particulière et générale. Tous les travaux, toutes les industries, toutes les richesses, sont dérivés les uns des autres, et tel produit qui aujourd’hui n’est classé que dans la catégorie des besoins, a été, dans son origine, une dépense de luxe. Heureux les pays et les peuples qui, dans le système actuel de notre civilisation, voient naître et s’agrandir, les ateliers du luxe particulier, ils peuvent être assurés que ceux du besoin ne sont pas en souffrance.

Et comment cela pourrait-il être ? Où a-t-on vu que le luxe se prive des choses nécessaires, commodes ou agréables ? il porte au contraire dans chacune de ses dépenses la même disposition à l’excès que dans celles qui lui sont propres et particulières. Le luxe n’est en définitive qu’une dépense additionnelle aux autres dépenses.

Que s’il se rencontre quelques personnes qui économisent sur les dépenses de nécessité, de commodité et d’agrément, pour satisfaire leur passion pour le luxe, c’est un travers digne de la scène comique, mais sans relation avec l’économie sociale.

À la vérité des écrivains d’un grand poids pensent qu’on doit concentrer les dépenses dans celles qui satisfont à des besoins ou à des convenances, et que les autres sont sans profit pour la richesse et peuvent entraîner sa ruine. Mais ne se sont-ils pas laissé aveugler par de trompeuses illusions ?

Quand le capital et le travail trouvent de plus grands salaires et de plus grands profits dans les emplois du luxe que dans ceux des besoins, n’est-ce pas une preuve évidente que ceux-ci ont atteint leur terme, et qu’on ne pourrait leur donner une plus grande extension sans la perte totale de produits inutiles parce qu’ils seraient sans consommateurs. Il faut donc en revenir au principe régulateur de tout emploi du travail et du capital, il faut reconnaître que tout emploi libre et volontaire est le plus productif et le plus profitable pour la richesse d’un pays.

Il faut convenir cependant que cette doctrine, d’une évidence frappante quand il ne s’agit que du luxe privé, est sans application au luxe publie ou aux dépenses du pouvoir social.

Les dépenses de ce pouvoir sont en effet toutes classées dans un ordre invariable, et qu’on ne peut intervertir sans péril pour la société civile, sans perte pour la richesse, et surtout sans un obstacle insurmontable à ses progrès.

Ainsi ses dépenses nécessaires doivent être acquittées les premières, elles sont même plus impérieuses que les besoins des particuliers, parce qu’elles sont affectées à un service indispensable à la conservation de l’état. On peut jusqu’à un certain point restreindre et réduire les besoins des particuliers, mais ceux de l’état ne souffrent ni limitation, ni restriction.

Après les dépenses nécessaires de l’état viennent ses dépenses utiles ; si les unes assurent sa conservation, les autres contribuent à son bien-être, à sa prospérité, à sa puissance.

Ce n’est qu’après que les capitaux et le travail d’un pays ont pourvu aux dépenses nécessaires et utiles de l’état, que les dépenses de luxe peuvent trouver place dans un pays sagement et régulièrement gouverné.

Encore le pouvoir ne doit-il se permettre ce genre de dépenses qu’avec la plus grande réserve ; comme il ne dépense pas ton revenu, mais celui des contribuables, ou plutôt comme son revenu n’est qu’un prélèvement sur le revenu particulier, qu’il ignore dans quelle proportion est la part qu’il prend avec celle qu’il laisse, et qu’il doit craindre que celle qu’il laisse ne suffise pas aux besoins particuliers, ce qui entraînerait là ruine de la fortune publique, il doit se tenir en garde contre les dépenses du luxé.

Le mal qui peut en résulter serait bien plus grave et ses effets plus rapides, si le pouvoir détournait à des dépenses de luxe les fonds destinée aux dépenses nécessaires et utiles de l’état. Il est évident qu’alors on tomberait dans un épouvantable désordre, et que l’état marcherait à une décadence dont on ne peut pas calculer les résultats. C’est cependant ce qui est arrivé plus d’une fois, et ce qui a élevé contre le luxe des préventions si fortes et quelquefois si justes.

Je fie crains pas de dire cependant que quand les peuples sont en état de payer des tributs suffisant pour autoriser le pouvoir à satisfaire son goût pour le luxe, cet emploi de la fortune publique n’a pas des effets plus fâcheux que le luxe des particuliers, et qu’il a des avantages beaucoup plus étendus. Effectivement le luxe des particuliers n’est utile qu’à ceux qui en jouissent ; il fuit avec eux, et rarement en reste-t-il quelques traces.

Il n’en est pas de même du luxe du pouvoir social ; on l’établit en général sur un plan vaste, dans des vues grandes et dans un but de splendeur et de magnificence. Il ne se concentre pas toujours dans le souverain ; le plus souvent il se communique au peuple, le fait participer à ses jouissances, et répand sur lui un éclat et une illustration qui l’élèvent à ses propres yeux, et lui donnent une haute importance dans l’opinion de l’étranger. Quand les monumens du luxe se multiplient dans un pays ; s’ils ne contribuent point à sa gloire ils immortalisent sa puissance et sa grandeur. Il y a donc pour le pouvoir social une sorte de luxe qui doit lui mériter la reconnaissance des contemporains et l’admiration de la postérité, mais c’est à la seule condition que les dépenses nécessaires et utiles de l’état n’en souffrent pas, et qu’elles ne soient point un obstacle aux progrès de la richesse particulière et générale.

En dernière analyse le luxe des particuliers ne peut jamais être nuisible, et celui du pouvoir social est louable ou vicieux, selon qu’il est dans de justes ou, d’inégales proportions avec l’état actuel de la richesse du pays.

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  1. Malthus, Ess. sur le princ. de la popul., liv. 4, chap. xiii.