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IMPORTATIONS. — Ce sont les produits qu’un pays achète à l’étranger, soif pour les consommer, soit pour les revendre.

Les imputations pour la revente sont plus particulièrement désignées sous la dénomination de commerce étranger de circuit ; elles n’offrent que des avantages, et point d’inconvéniens.

On a dit cependant que le capital employé à ce genre de commerce soutient le travail de l’étranger au préjudice du travail national.

Mais ce n’est là qu’une vaine assertion que rien ne justifie, et qui ne peut pas résister aux plus simples réflexions.

N’est-il pas, en effet, évident que si le capitaliste qui emploie son capital dans le commerce de circuit pouvait l’employer dans son pays avec le même avantage, il le ferait certainement ; la seule considération qu’il aurait moins de risque à courir dans un emploi effectué près de toi que dans un emploi éloigné, suffirait pour l’y déterminer.

Il n’est pas d’ailleurs exact de dire que le commerce de circuit favorise le travail étranger aux dépens du travail national. Ce commerce concourt au travail du pays, soit par la construction des navires, soit par la navigation, soit par le déchargement et le rechargement des marchandises, soit par la commission, soit par toutes les autres opérations que ce commerce nécessite.

On a d’autant plus de peine à comprendre la critique qu’on a faite et qu’on fait encore de ce commerce, qu’il favorise singulièrement le commerce direct des produits nationaux avec l’étranger, et lui est peut-être indispensable ; c’est lui en effet qui facilite l’assortiment des cargaisons, et les approprie aux besoins, aux goûts et aux caprices de l’étranger ; aussi a-t-il été de tout temps un objet de prédilection pour tous les peuples navigateurs, et on lui a fait l’honneur de l’accumulation des richesses dont ces peuples ont seuls donné l’exemple au monde.

Les importations pour la revente ou le commerce de circuit ne méritent donc pas la proscription dont on les a frappées contre les véritables intérêts de la richesse générale.

Les importations des produits exotiques, pour la consommation nationale ou le commerce direct avec l’étranger, a donné lieu à de vives controverses qui ne sont pas encore épuisées ; mais si je ne m’abuse point, on commence à s’apercevoir qu’elles n’ont pas tous les inconvéniens qu’on avait cru y remarquer ?

Pourquoi un pays importe-t-il des produits étrangers pour sa consommation ?

C’est parce qu’il ne peut pas les produire. Ou parce qu’il ne peut pas les produire à aussi bon marché.

Au premier cas, l’importation n’a que des avantages pour le pays importateur. Elle augmenté son aisance, ses commodités, ses jouissances ; elle l’invite à travailler davantage et mieux pour en payer le prix, l’enrichit par ses dépenses, améliore sa condition sociale et le fait avancer à grands pas dans la carrière de la civilisation ; les importations des produits du nouveau monde ont fait éclore et ont accumulé les richesses de l’ancien.

Quant à l’importation des produits de l’étranger qu’un pays ne peut pas produire à aussi bon marché que l’étranger, on parait avoir plus de raison d’être divisé sur son utilité et son importance.

On dit qu’acheter de l’étranger ce qu’on ne peut pas faire à aussi bon marché que lui, c’est favoriser le travail étranger aux dépens du travail national, et si, comme on ne peut le méconnaître, le travail est la source des richesses (Voyez Travail), acheter de l’étranger ce qu’on peut faire chez soi, quoiqu’à un prix plus élevé, c’est s’appauvrir et l’enrichir.

Cette conséquence paraît irrésistible ; elle n’est cependant que spécieuse.

On ne peut acheter les produits du travail étranger sans en payer le prix ; et comme on ne peut le payer long-temps qu’avec le prix des produits du travail national, les importations ne sont, en dernière analyse, que l’échange du travail national contre le travail étranger.

Or, qui gagne ou perd dans cet échange ? Il est certain qu’aucun des deux échangistes ne perd et que tous deux gagnent, puisque chacun d’eux préfère ce qu’il reçoit à ce qu’il donne, et qu’avec ce qu’il reçoit il peut faire ce qu’il n’aurait pas pu faire avec ce qu’il avait.

Mais lequel des deux gagne le plus ! c’est sans contredît le plus habile, le plus riche et le mieux gouverné ; mais ces avantages ne sont que temporaires ; ils peuvent être conquis ; ils sont l’objet constant d’une lutte utile à l’humanité et à la sociabilité, et le moment arrive enfin où l’échange se fait à des termes égaux et conformes à tous les intérêts.

Ainsi, sous quelque rapport qu’on envisage les importations, il me semble qu’elles sont essentiellement utiles à la prospérité des peuples, et doivent être protégées, comme le mobile du perfectionnement du travail et la récompense de ses succès.

INDUSTRIE. — Dans tous les traités d’économie politique on confond l’industrie avec le travail, on les soumet aux mêmes lois et aux mêmes réglement on les assimile dans leurs résultats. Je devrais par conséquent renvoyer au mot travail tout ce qui concerne l’industrie.

Il me semble cependant que, dans la vérité comme dans l’intérêt de la science, on doit distinguer le travail de l’industrie, parce qu’ils sont séparés dans leurs agens et dans leurs actes. Sans doute il n’y a pas d’industrie sans travail, mais il y a du travail sans industrie ; tels sont tous les travaux matériels et tellement mécaniques qu’ils peuvent être et sont souvent exécutés par des machines. On ne peut donc, sans une déplorable confusion, classer l’industrie dans le travail ; il faut lui faire désigner spécialement la direction du travail, ses entreprises et ses spéculations.

C’est en effet à la classe industrieuse que le travail doit ses améliorations, ses progrès et ses perfectionnemens ; c’est par elle que les sciences pénètrent dans les innombrables ateliers du travail, régularisent et perfectionnent leurs méthodes, et les associent en quelque sorte à leurs salutaires découvertes et aux puissantes impulsions de la civilisation.

C’est elle qui forme l’anneau auquel se rattache la partie de la société civile qui pense, et celle qui agit et qui les fait concourir à son bien-être, à sa prospérité, à sa richesse.

C’est elle encore qui rapproche le capitaliste de l’ouvrier, qui les rend mutuellement utiles l’un à l’autre, et règle leur part dans le partage des bénéfices du travail ; ce qu’il y a même d’extrêmement remarquable, c’est que la part de la classe industrieuse, dans les bénéfices du travail, n’est pas prise sur les salaires, mais sur les profits du capital et sur la rente de la terre ; preuve évidente que la classe industrieuse est intermédiaire entre l’ouvrier, le capitaliste et le propriétaire.

Plus la classe industrieuse est nombreuse, habile, éclairée, plus le travail est facile, actif et expéditif ; plusses profits sont considérables, plus le pays prospère, plus il y a de bien-être pour les classes laborieuses, d’aisance et de richesse pour les classes moyennes, d’opulence pour les classes supérieures, de puissance et de splendeur pour l’état.

On doit donc désirer ardemment que la classe industrieuse, qu’on a jusqu’ici confondue avec les classes laborieuses, s’élève au-dessus d’elles, se rapproche des classes éclairées et riches, et grossisse encore cette population moyenne qui fait la force, la gloire et l’honneur des peuples modernes. (Voyez Travail.)

INTÉRÊT. — C’est le prix de l’usage d’une chose empruntée. Quelle est cette chose ? Est-ce la monnaie dans laquelle tous les prêts s’effectuent ?

Les plus illustres publicistes accréditèrent l’opinion et enseignèrent que l’intérêt est réglé par l’abondance ou la rareté de la monnaie d’or et d’argent. Ils se fondaient sur ce que la baisse de l’intérêt avait eu lieu précisément à l’époque où se fit sentir en Europe l’influence de la découverte des mines d’Amérique ; cette coïncidence est en effet très-étrange, mais elle n’a pas suffi à l’affermissement de la doctrine.

Les progrès de la science économique en ont complètement démontré l’erreur et l’illusion. On est à présent unanimement d’accord que le prêt, exprimé par la monnaie, consiste dans tout ce que son emploi peut procurer. Elle est l’instrument et non la substance du prêt. Ce qui le démontre jusqu’à l’évidence, c’est que la même quantité de monnaie peut, dans un très-court espace de temps, servir à dix prêts différens ; résultat impossible si chaque prêt devait entraîner la consommation de la monnaie prêtée. Si le prêt avait véritablement pour objet la monnaie d’or et d’argent, ce n’est pas en monnaie, mais en lingots, qu’on le stipulerait, et cette stipulation serait même sans avantage, puisqu’avec de la monnaie on peut se procurer des lingots.

Il faut cependant remarquer que la monnaie dans laquelle le prêt s’effectue ne lui est pas aussi étrangère qu’on peut le croire. Si ce n’est pas elle qui est l’objet du prêt, c’est elle qui détermine sa valeur, celle de son intérêt pendant sa durée et de son remboursement quand son terme est arrivé.

Sans doute cette valeur n’est que nominale ; la réalité est subordonnée au marché, et par conséquent le prêt participe jusqu’à un certain point à la nature des contrats aléatoires ; mais cet accident ne change rien à l’action de la monnaie sur le prêt et ne permet pas de la passer sous silence.

Si, comme cela parait certain, l’objet du prêt n’est pas la monnaie, mais ce que la monnaie peut acheter, il s’ensuit nécessairement que ce n’est pas l’abondance ou la rareté de la monnaie qui règle l’intérêt du prêt, mais l’abondance ou la rareté des choses à acheter ; ou, ce qui est la même chose, l’abondance ou la rareté du capital ; si le capital qu’on offre de prêter est plus abondant que celui qu’on demande à emprunter, l’intérêt est bas ; dans le cas contraire il est élevé, d’où il résulte encore que la monnaie qui ne contribue en aucune manière à l’abondance du capital, est entièrement étrangère à la fixation de l’intérêt du prêt.

Une seconde cause concourt encore à régler l’intérêt du prêt. C’est le plus ou moins de profit que donne l’emploi du capital prêté : dans les pays où le capital abonde, on regarde l’intérêt du prêt, comme la moitié des profits du capital.

Enfin la troisième cause qui influe sur l’intérêt du prêt, est la solvabilité de l’emprunteur, sa moralité et la facilité qu’on a de le contraindre au paiement de l’intérêt et au remboursement du capital.

Quand on réfléchit sur la nature du prêt à intérêt, sur les actes variés qui règlent cet intérêt, et sur les obstacles qui peuvent entraver son exécution, on a de la peine à comprendre quels motifs humains et sociaux ont pu déterminer certains pays à prohiber ce genre de contrats. Comment n’a-t-on pas vu que celui qui peut faire des économies n’en fera pas, s’il ne veut pas où s’il n’est pas en état d’en faire l’emploi ; et s’il ne lui est pas permis d’en confier l’emploi à celui qu’il juge capable d’en tirer un bon parti et qui consent à le faire participer aux bénéfices de cet emploi ? Dans ce cas la prohibition du prêt à intérêt étouffe une branche importante du capital, arrête les progrès du-travail, l’accroissement de ses produits et de l’aisance particulière et générale.

Lors même que la prohibition n’aurait d autre effet que de forcer l’économe à faire lui-même l’emploi de ses économies, s’il n’a pas toute l’habileté qu’exige cet emploi, il n’en tirera pas les mêmes profits que si cet emploi était abandonné à de meilleures mains ; et, dans cette hypothèse la plus favorable, il y a encore une perte de partie des profits des capitaux, perte qui est nécessairement ressentie par la richesse particulière et générale.

Aussi quel a été le résultat de cette prohibition ? On ne peut pas s’abuser à cet égard ; a-t-elle empêché le prêt à intérêt ? Non, elle n’a fait que le rendre plus onéreux pour l’emprunteur et plus fâcheux pour le prêteur. L’intérêt n’est plus fixé par les profits du capital et par les autres causes qui le modifient ; il faut y ajouter un surplus pour la compensation du risque « que court le prêteur en bravant la prohibition de la loi ; assurance qui pervertit le contrat de prêt à intérêt et compromet tous ses avantages.

Si telle est la condition du prêt à intérêt dans les pays où il est prohibé, elle n’est pas meilleure dans ceux où il est autorisé, et il est rigoureusement vrai de dire que la loi qui autorise n’est pas plus sage que celle qui prohibe.

Dans les pays où le prêt à intérêt est licite la loi fixe le taux de l’intérêt, flétrit de l’imputation d’usure ceux qui le dépassent, et lui impose des peines plus ou moins graves.

Mais qui ne voit que cette loi usurpe le domaine de la propriété privée, qu’il est de son devoir non- seulement de respecter, mais encore de protéger et de faire respecter ?

Cette loi va plus loin, elle pervertit ce contrat et lui donne une fixité qu’il n’a ni ne peut avoir » Elle fixe le taux de l’intérêt du prêt à perpétuité ; comme si les profits sur lesquels cet intérêt est pris étaient fixes et invariables, les mêmes dans tous les cas et hors de l’atteinte du temps et des circonstances ; comme si le taux de l’intérêt du prêt n’était pas subordonné à l’abondance ou à la rareté du capital à prêter ; comme si l’on pouvait connaître l’une ou l’autre autrement que par la comparaison de l’offre et de la demande ; comme si cette comparaison pouvait s’effectuer ailleurs que dans le marché.

Aussi ces lois, comme toutes celles qui sont contraires à la nature des choses, sont-elles éludées ou imparfaitemement exécutées, et ne donnent au peuple que le spectacle du scandale, quand elles ne sont pas exécutées, ou d’une sécurité inutile, quand elles le sont.

Il faut cependant avouer que si les réflexions que suggère la théorie du prêt à intérêt sont d’une évidence irrésistible l’expérience ne les a point confirmées. Il est certain que partout où le prêt à intérêt a été abandonné au libre arbitre du préteur et de l’emprunteur, il n’a servi qu’à la cupidité des uns et a opéré la ruine des autres. Il n’y a pas dans ce contrat l’équilibre des facultés qui existe dans tout autre contrat. Les besoins ou les illusions de l’emprunteur donnent de si grands avantages au préteur qu’il lui faudrait une grande vertu pour y résister ; mais il est bien rare que la pénalité de la loi lui inspire cette vertu, quand il ne l’a pas.

Quelle que soit cependant l’opinion qu’on doit se former de cette partie de la législation, on regarde comme une régie certaine et invariable que le taux de l’intérêt légal doit être un peu au-dessus de celui du marché, au temps où la loi est faite. Lorsqu’on s’est écarté de cette règle la loi est tombée en désuétude, c’est ce qui arriva en France lorsque l’édit de 1766 réduisit l’intérêt de 5 à 4, alors la loi ne fut pas exécutée et l’intérêt resta à 5, preuve certaine de l’impuissance de la loi dans ces sortes de matières.

Ce n’est pas seulement dans la fixation de l’intérêt du prêt que la loi est exposée à une résistance à peu près insurmontable, c’est encore lorsqu’elle veut soumettre l’intérêt du prêt aux contributions publiques. Les mesures auxquelles on a, recours dans tous les pays pour atteindre ce genre de revenu ont eu rarement l’efficacité qu’on en attendait, et il y en a des raisons décisives.

1°. On ignore la somme du capital prêté à intérêt et on ne peut en avoir une connaissance même approximative que par d’odieuses et d’intolérables investigations qui ne donnent que des résultats fautifs ou incomplets.

2°. Le capital prêté est sujet à de continuelles variations ; il passe sans cesse d’une main à l’autre, et, dans cette mobilité fugitive, on ne peut le saisir sans des vexations ruineuses pour le contribuable et peu profitables pour l’état.

Enfin, le capitaliste peut soustraire son capital à la contribution en le faisant passer dans les pays où il n’y est pas assujetti, et cette faculté doit inspirer de justes craintes aux gouvernemens, qui ne peuvent pas ignorer que le capital cultive la terre, emploie le travail et a la plus grande part à la production. Une taxe qui ferait sortir le capital du pays dessécherait toutes les sources de la richesse, et ne serait pas moins funeste à l’état qu’aux peuples.

De toutes ces réflexions, il me semble qu’on peut conclure avec quelque confiance que le prêt à intérêt joue dans l’économie politique un rôle beaucoup plus important qu’on ne le suppose ordinairement, et qu’il mérite que les gouvernemens lui donnent beaucoup plus d’attention qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici.

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