◄  D F  ►


ÉCHANGES. — Les échanges sont le moyen de transmettre les produits du travail, soit directement, soit indirectement, du producteur au consommateur.

Trois choses sont essentielles pour que l’échange donne au producteur, au consommateur et au pays tous les avantages qu’on doit en attendre.

Ce sont :

La facilité de la circulation des produits qui cherchent un consommateur ;

La liberté du marché, ou la concurrence ;

Une valeur d’échange réelle et pour ainsi dire invariable, ou une monnaie dont la valeur nominale soit égale à la valeur réelle.

Sans l’accomplissement de ces trois conditions, l’échange ne remplit point son objet, n’atteint pas son but, et perd une partie plus ou moins considérable de ses avantages.

Si la circulation des produits n’est pas rendue facile et économique, par des routes nombreuses et bien entretenues, par la célérité et la circulation des transports, par la protection éclairée du pouvoir, les frais de l’échange augmentent, les produits renchérissent, la consommation diminue, la production décroît, et la richesse décline.

Si le marché ne jouit pas d’une entière liberté, si le producteur ou le commerce qui le représente, ne peut pas choisir le marché qu’il croit le plus avantageux, et si le consommateur ne peut pas s’approvisionner où bon lui semble, le producteur ne reçoit point toute la valeur de ses produits, et le consommateur les paie beaucoup plus cher qu’il ne devrait les payer. Il y a désordre dans la production, dans la consommation et dans le commerce qui leur sert d’intermédiaire, et par conséquent atteinte fâcheuse à la richesse.

Enfin si la valeur que le producteur reçoit immédiatement du consommateur, ou médiatement du commerce, n’est que factice, précaire ou incertaine ; si, quand il en dispose, il ne reçoit pas autant qu’il a donné ; en un mot, si la monnaie, qui est la valeur d’échange de toutes les valeurs, n’est pas fixe, ou du moins n’éprouve d’autres variations que celle que le marché lui donne, l’échange n’offre plus que des chances qui le dénaturent, le corrompent et le transforment en une déception scandaleuse et ruineuse.

Ainsi l’échange, ce puissant instrument de la richesse, peut lui être funeste ou salutaire, selon qu’il est aidé ou entravé par un pouvoir éclairé ou aveugle, ignorant ou habile ; au surplus, voyez Commerce, Concurrence, Valeur et Monnaie.

ÉCONOMIE POLITIQUE. — C’est une science qui embrasse la nature, les causes et l’usage de la richesse moderne.

La nature de la richesse moderne est ce qui la constitue, la caractérise, la compose, la fait ce qu’elle est.

Ses causes dérivent de la qualité du sol, de l’industrie des habitans, des encouragemens, ou des entraves que le gouvernement leur fait éprouver ; des institutions sociales, des mœurs publiques et des habitudes privées. La richesse moderne est essentiellement sociale et a son principe vital dans l’état de la société ; l’industrie n’est qu’un instrument qui obéit au mouvement que la société lui donne, et qui produit la richesse, ou la misère, selon la direction, l’influence et l’efficacité de ce mouvement.

On s’est évidemment abusé lorsqu’on a réduit l’économie politique à la connaissance des causes qui produisent la richesse particulière, lorsqu’on a avancé qu’elles sont indépendantes de l’impulsion sociale, et surtout lorsqu’on fait résulter la richesse générale de la richesse particulière, il n’y a aucun rapport entre l’une et l’autre.

Sans doute la richesse générale ne peut exister sans la richesse particulière, mais la richesse, particulière ne constitue pas nécessairement la richesse générale. Dans les pays pauvres il y a beaucoup de richesses particulières et point de exemples sous les gouvernemens absolus, parmi les aristocraties, partout où le pouvoir concentre la richesse dans ses serviteurs. Ce n’est pas dans cette direction que l’économie politique cherche la richesse moderne.

Elle ne la voit que dans la richesse générale, résultat d’un gouvernement, sage, et éclairé, d’une bonne organisation de l’état social et des efforts libres et spontanés de tous les individus ; qui n’exclut pas les richesses particulières, qui se multiplie en se divisant, et n’a plus de bornes ; quand elle étend sa circulation dans le monde entier. En un mot, les principes, les lois, et les règles de l’économie domestique et privée sont tout-à-fait étrangers à ceux qui régissent l’économie politique. (Voyez l’Avertissement.)

ÉCONOMIES. — Toute économie consiste dans la réserve d’une partie du revenu, produite par le retranchement-de la dépense. (Voyez Accumulation et Capital.)

EFFETS PUBLICS. — On entend par effets publics, les obligations de toute nature, à courts, à longs termes, et à perpétuité, que les gouvernemens mettent en circulation pour les besoins de L’état qu’ils gouvernent et administrent. Ces obligations ont un cours public, et reçoivent du marché leur véritable valeur. Celle que le gouvernement leur donne n’est que nominal.

EMPRUNTS PUBLICS. Voyez Dette publique.

ENTREPOTS. — C’est le versement réel ou fictif dans les magasins de l’état des produits de l’étranger, propres à la consommation actuelle.

L’entrepôt est réel quand le versement a lieu dans les magasins du gouvernement.

Il est fictif quand le versement se fait dans les magasins du commerçant, sous la condition de représentera toute réquisition, aux agens du pouvoir, les produits entreposés, ou de payer l’impôt de ceux qu’il ne peut pas représenter.

L’objet de l’un et de l’autre entrepôt est de n’exiger l’impôt assis sur les produite entreposés, que lorsqu’ils sortent de l’entrepôt pour être livrés à la consommation, et de les exempter de tout impôt quand ils sont réexportés.

Ce concordat du pouvoir avec le commerce est la plus grande preuve des progrès de la science du gouvernement à l’époque où nous vivons. On sait enfin que l’impôt nuit au commerce, sans rétroagir sur la consommation et la production, et qu’on ne peut pas opprimer le commerce sans compromettre la fortune publique et la richesse générale.

Qu’il y a loin de l’entrepôt aux avanies sur la circulation des produits du commerce, aux péages de seigneurie à seigneurie, de province à province, aux traites foraines et même aux obligations souscrites par le commerce au gouvernement, pour le paiement des droits acquis par la seule importation des produits étrangers, soit qu’ils trouvent ou non des consommateurs dans un temps actuel, prochain ou éloigné.

Grâce à l’entrepôt, les impôts sur les produits étrangers du commerce ne sont que des impôts sur la consommation, et par conséquent ne causent au commerce d’autre préjudice que celui qui résulte de tout impôt.

Mais ce n’est là que le moindre avantage des entrepôts, on leur doit de plus grands et de plus heureux résultats. Dés qu’il a été permis au commerce de faire, sans payer aucun impôt, arriver ses marchandises dans les lieux où il en espère le débit, de les exporter quand ses espérances ne se réalisent pas le commerce n’a eu de bornes que la consommation, et comme son indétermination est le mobile de toutes les spéculations du commerce elles ont été indéfinies. Dès lors les lieux de grande consommation sont devenus les sources des produits du sol et de l’industrie de tous les pays ; leur abondance en a baissé le prix ; leur consommation a été plus rapide, et le commerce le consommateur et le producteur ont recueilli tous les avantages que le pouvoir peut leur dispenser.

Lors même que la consommation des lieux d’entrepôt ne répond pas à l’attente du commerce, l’exportation laisse de grands profits aux pays entrepositeurs dans les frais de chargement, dans l’intérêt des avances et la commission ; bénéfices qui n’existeraient pas sans l’entrepôt, et qui ne sont dus qu’à lui.

Dans l’état actuel de l’industrie et du commerce, qui embrassent dans leurs spéculations l’universalité de la consommation du monde entier, l’entrepôt seconde, favorise, encourage leurs spéculations et concourt, avec le plus grand succès, aux progrès de la richesse particulière et générale.

Mais on doit pressentir que l’entrepôt ne peut avoir lieu que là où la nature du gouvernement offre des garanties suffisantes de sa justice, de sa droiture et de sa loyauté. Sans cette sécurité l’entrepôt n’est qu’une occasion de dommage et de ruiné pour le commerce ; et, comme il arrive presque toujours, l’abus des bonnes mesures est encore plus funeste que l’abus des mauvaises : on peut se préserver de celles-ci, mais on n’a point de sauve-garde contre les autres ; d’où il suit que les gouvernemens absolus doivent renoncer aux avantages des entrepôts, ou sacrifier les prérogatives de l’arbitraire aux sécurités du commerce ; alternative que les besoins des gouvernemens absolus ne peuvent pas laisser long-temps incertaine et problématique. La richesse est devenue pour tous les états modernes un besoin de première nécessité, et la richesse ne peut plus être conquise par la force ; on ne peut l’acquérir que par le commerce, or quel est le genre d’entrepôt qui, sous le pouvoir absolu, pourrait inspirer une véritable confiance au commerce ?

Serait-ce l’entrepôt réel ? mais y a-t-il un commerçant assez crédule et assez imprudent pour déposer dans les magasins d’un gouvernement arbitraire des marchandises dont il peut s’emparer pour ses besoins ou pour satisfaire sa cupidité ; qui peut les retenir pour son compte, y mettre le prix qu’il veut et les payer quand bon lui semble ; qui, s’il a la pudeur de ne pas mériter le reproche de spoliation peut soumettre les marchandises qui sont mises sous sa sauve-garde à de nouveaux impôts et en retenir une partie quand il ne peut pas s’approprier la totalité. Ou je me trompe fort, ou un commerçant sage et prudent ne s’exposera pas à de semblables risques.

L’entrepôt fictif lui offrirait-il plus de garanties et de confiance ? Pas davantage.

Si l’entrepôt réel met le commerce à la merci du pouvoir absolu, l’entrepôt fictif expose les commerçans à toutes les vexations, à toutes les tracasseries, à toutes les avanies de ses agens. Obligés de représenter à toute réquisition les produits qu’ils ont en entrepôt fictif, les commerçans ne peuvent échapper à l’avidité de leurs surveillans que par la corruption, résultat déplorable qui rend l’entrepôt fictif tout aussi périlleux que l’entrepôt réel, et le rend également impossible dans les gouvernemens absolus.

Cet avantage des gouvernemens libres et constitutionnels sur les gouvernemens absolus, dans une des principales branches de la richesse, explique pourquoi ils sont restés à une si grande distance les uns des autres dans la carrière de la richesse et de l’opulence ; pourquoi les gouvernemens absolus font d’impuissans efforts pour rassurer les esprits sur l’abus de leur pouvoir, et d’où vient le mouvement qui les entraîne tous vers un nouvel ordre de choses, imposé par le besoin de la richesse, cet élément nécessaire de la puissance des états et de la civilisation des peuples dans la moderne société civile.

ESCOMPTE. — Ce mot exprime la différence de la valeur vénale et de la valeur réelle d’un effet public, commercial ou particulier, dont le terme de paiement n’est pas arrivé ou dont le paiement intégral n’est pas assuré à son échéance.

Ainsi une lettre de change à trois mois de date n’a pas la même valeur que celle qui est payable à vue, quoique l’une et l’autre aient le même débiteur : la différence de leur valeur respective forme ce qu’on appelle l’escompte.

Ainsi la dette publique ou particulière, dont l’intérêt n’échoit que dans six mois, n’a pas la même valeur que celle dont l’intérêt est payable dans un mois, et cette différence compose l’escompte qu’on est obligé de payer, si l’on veut en toucher le montant avant son échéance.

Enfin la dette publique ou particulière qui se détériore par la dépréciation des fonds publics ou par le discrédit du’ débiteur particulier donne lieu à un escompte de la part du capitaliste qui veut rentrer dans son capital.

Ce qu’il y a d’assez étrange dans l’escompte, qui en dernière analyse n’est qu’un placement de capitaux avec plus ou moins de chances, c’est qu’il y a des marchés publics qu’on appelle bourses, où l’on règle la quotité de l’escompte de la même manière qu’on établit dans les autres marchés la valeur des marchandises qu’en y met en vente, d’où il suit que l’argent n’est à la bourse qu’une marchandise. On en fait légalement et légitimement trafic contre les besoins publics et particuliers, ou contre la loyauté et la solvabilité des gouvernemens et des particuliers ; et non-seulement on ne s’en offense pas, mais on n’élève pas même de doute sur la légitimité et l’utilité de ces sortes, de trafic d’argent. Toutefois, par une contradiction révoltante, les lois condamnent comme usuraire le prêt à intérêt au delà du taux qu’elles ont fixé.

De sorte qu’il est licite et même louable de recevoir à la bourse un intérêt de 30, 40 ou 50 pour % sur la dette publique et particulière, et l’on est coupable d’usure et punissable de peines correctionnelles si l’on prête à intérêt au-dessus, de 5 pour % à un débiteur dont on juge que les engagemens n’ont pas toute la valeur qu’ils expriment. Dans un cas on peut faire valoir son argent au taux du marché, et, dans un autre, on ne peut lui donner d’autre valeur que celle que la loi lui a assignée. Expliquera qui pourra cette bizarrerie dans la législation des peuples ; mais n’est-ce pas le cas de dire comme le poêle :

O cœcas bominum mentes !

EXPORTATIONS. — On appelle de ce nom la vente qu’un pays fait à l’étranger des produits de son sol et de son industrie. La nature, le caractère et les résultats de cette opération commerciale donnent lieu à de grandes dissensions parmi les écrivains. Je n’en retracerai ici que deux qui inspirent un véritable intérêt.

On prétend qu’on ne doit exporter à l’étranger que les produits que le pays ne peut pas consommer.

Cela peut paraître vrai pour les produits nécessaires à la subsistance de la population ; et pour les matières premières que le capital et l’industrie du pays peuvent employer avec profit. Encore y a-t-il de fortes raisons de douter de la sagesse de cette limitation à l’exportation.

S’il est vrai qu’un pays ne doit jamais se priver de ses moyens de subsistance et de travail et qu’il doit repousser des gains qui compromettraient l’une et l’autre, il est tout aussi certain que l’exportation qui encourage la production, qui n’y met aucun terme et la porte au plus haut degré auquel elle puisse parvenir, est la plus forte garantie pour un pays contre la pénurie des subsistances et la privation des matières premières. Quand les circonstances en font un devoir, la prohibition des exportations assure un fonds de réserve contre l’intempérie des saisons et les calamités qui en sont inséparables.

Il y a donc sur ce point un problème dont il faut abandonner la solution aux lumières et aux sollicitudes des gouvernemens.

Hors ce cas les exportations, de quelque nature qu’elles soient, offrent toujours de grands avantages et sont le moyen le plus sûr d’accroître les richesses des peuples. (Voyez Commerce.)

Mais ces moyens consistent-ils, comme on est assez généralement porté à le croire, à exporter plus qu’on n’importe ; ou, ce qui est la même chose, à vendre plus à l’étranger qu’on n’importe de lui ? Il ne peut pas y avoir de doute à cet égard.

Quand un pays exporte plus qu’il n’importe, il laisse à l’étranger des capitaux qui eussent augmenté la masse du travail et des productions du pays, l’aisance des classes laborieuses, et la richesse générale. Il y a donc, en thèse générale, une perte pour tout pays à exporter plus qu’il n’importe.

Sans doute les capitaux restés à l’étranger n’y sont pas oisifs pour les capitalistes auxquels ils appartiennent ; il est même vraisemblable que s’ils pouvaient espérer d’en tirer un meilleur parti dans leur pays, ils ne les laisseraient pas à l’étranger, mais il n’est pas sûr que les profits que les capitalistes tirent du placement de leurs capitaux à l’étranger dédommagent leur pays, de la privation de l’emploi de leur capital ; et alors la solution du problème est toute de fait et ne peut trouver place dans la science, qui ne cherche et ne peut obtenir que des résultats généraux.

◄  D F  ►