Deux corsaires malouins sous le règne de Louis XIV/02

Libraire ancienne Honoré Champion (p. 21-58).

I

LA GUERRE DE COURSE


CHAPITRE PREMIER



Dans la rue du Boyer, autrefois rue du Bé, à Saint-Malo, presqu’au coin de la place Broussais, se trouvent encore quelques vieilles maisons, qui ont conservé leur caractère architectural du dix-septième siècle.

Dans l’une d’elles,« au bas de la rue du Bé », dit un document de l’époque, habitait vers 1650, Nicolas Perrée, sieur du Rocher, armateur et corsaire, dont la famille était établie à Saint-Malo depuis trois générations.

Il avait épousé, très jeune, une Malouine, Jeanne Fanton, et en avait eu six enfants. Son second fils, Pierre Perrée du Coudray, né à Saint-Malo le 23 décembre 1656, s’était marié à 29 ans, le 23 mai 1685, à Hélène Vital de Montgrué, dans la charmante chapelle Saint-Aaron, petite, simple, mais évocatrice.

Pierre Perrée du Coudray avait fait de bonnes études, avant de se consacrer à la mer, car ses rapports sont d’un style correct, et d’une belle écriture, que termine la signature « du Coudray Perrée », dont le fac-similé est ci-contre.

C’était un usage courant, à Saint-Malo, d’intervertir les noms. Ainsi du Guay Trouin, qui s’appelait en réalité, René Trouin, sieur du Guay, signait du Guay Trouin. Il en fut de même pour bien d’autres qu’on pourrait citer.

Les premières années de du Coudray Perrée, sur mer, furent celles de tous les jeunes gens de son entourage. Il montait les navires de son père ; plus tard ceux de son beau-père, le sieur Vital de Montgrué, armateur, puis capitaine des vaisseaux du Roi, en 1682[1] ; ou bien ceux de son cousin et ami, Luc de la Haye, sieur de La Villestreux.

Celui-ci, né à Saint-Malo le 16 octobre 1652, allait tenir de son père qui avait fait une brillante carrière dans la marine royale, et qui, comme chef d’escadre en 1672, avait été chargé par la compagnie des Indes, de protéger l’établissement d’un comptoir à Ceylan, dans la baie de Trinquemalé[2]. À peine y eut-il pris possession d’une petite île qu’il avait fait fortifier, qu’une escadre hollandaise de 14 vaisseaux, portant mille hommes de troupe, et deux mille nègres armés, s’opposa à son ravitaillement à Ceylan. Il laissa, alors, une garnison dans le fort, avec un bateau, le Saint-Jean-Baptiste, pour assurer la liaison, et se dirigea vers la côte de Coromandel, où il s’empara d’une ville importante, Saint-Thomé.

Pendant ce temps, les Hollandais prenant ouvertement parti contre lui, enlevaient le bâtiment et le fort, qu’il avait laissés devant Ceylan, et venaient l’assiéger dans Saint-Thomé, qu’il fût obligé d’évacuer après des péripéties diverses, et après un siège qui dura deux ans, car il ne rentra en France que le 6 septembre 1674.

Tandis que son père se distinguait ainsi aux Indes, Luc de la Haye, sieur de La Villestreux, armait lui-même, et commandait des bâtiments, pour la course ; en 1677, il prenait ou brûlait des baleiniers hollandais, sur la côte du Groënland ; en 1682, il commandait le St-Luc, pendant une expédition qu’il fit à Cadix du 15 avril au 17 novembre.

Ce voyage fut marqué par une épouvantable tempête de cinq jours, et par les rixes, suivies de mort d’hommes, de son équipage, dans les rues de Cadix, pendant lesquelles le chirurgien du bord, intervint, plus pour donner des coups d’épée que pour les guérir.

Peu d’années après, s’ouvraient les hostilités contre l’Angleterre et la Hollande ; les mers étaient sillonnées d’ennemis ; le commerce devenait de plus en plus difficile ; toute l’activité se porta, peu à peu, vers la guerre de course.

Toutefois, pendant les premiers temps, elle donna peu de résultats, car les déclarations des corsaires, à leur rentrée dans le port de Saint-Malo, qui sont contenues dans 17 gros in-folios, reliés en parchemin, pour la période de 1686 à 1697, ne commencent guère à être intéressantes, qu’en 1688.

Le nombre des prises s’élève alors graduellement d’année en année, jusqu’en 1692, puis fléchit jusqu’à la fin de la guerre[3]. Il est vrai que le nombre des prises indiqué par les registres du port de Saint-Malo, ne donne qu’une idée très incomplète du total des prises faites, car les corsaires convoyaient constamment, vers un port voisin du lieu de l’action, sous la conduite d’un cadre désigné à cet effet, les navires ou les vaisseaux capturés.

En 1686, le 5 janvier, Luc de La Villestreux commande le Saint-Thomas, qui portait probablement ce nom en souvenir de la côte de Coromandel.

En 1688, le 17 février, du Coudray Perrée est armateur de l’Amitié, que commande le sieur de la Branchardière.

Mais il n’est guère question, encore, de combats, ni même de prises. C’est en 1689, que nous entrons dans le vif de l’action.


A la fin de l’année 1689, Luc de La Villestreux montait le St-Antoine, de 600 tonneaux, une des plus belles frégates du port, dont il était lui-même armateur, avec le sieur Gautier de la Palissade ; elle était armée de 56 canons, dont six de fonte, et « d’autres menus armements », et comptait 350 hommes d’équipage.

Le commandant du St-Antoine sortit du port de Saint-Malo le 29 novembre, et se dirigea vers les parages des îles Sorlingues, où il aperçut, quinze jours après[4], un navire portant pavillon anglais, qui semblait venir du canal de Bristol.

Il lui donna la chasse, sous pavillon français, l’atteignit en peu de temps, et s’en rendit maître, après lui avoir tiré quelques coups de canon et de mousquet.

C’était le Blessing, de 120 tonneaux, avec un chargement de riches étoffes.

Après avoir mis, à bord de sa prise, un officier et quelques hommes pour la conduire à Saint-Malo, le sieur de La Villestreux continua sa course et fut assez heureux pour rencontrer, dès le lendemain, un navire, portant pavillon anglais, dont il se rapprocha pour lui crier d’amener son pavillon, ce qui fut fait aussitôt, et sans résistance.

A son bord, se porta, aussitôt, un lieutenant du St-Antoine, le sieur Dupont Tranchant, qui apprit que le bâtiment s’appelait la Satisfaction, qu’il venait de Ceylan et allait à Londres, avec une forte cargaison de sucre, 2.000 piastres en numéraire, et de la vaisselle d’argent en grande quantité.

Mais, le capitaine anglais, qui avait été amené à bord du St-Antoine déclara, spontanément, au sieur de La Villestreux qu’une autre somme d’argent n’avait pas été découverte[5].

Tous deux se rendirent alors sur la Satisfaction. Ils y firent une enquête, des perquisitions ; firent même fouiller une partie des matelots, et « ayant appris qu’un de ceux-ci avait séparé de l’argent, ils le firent venir et lui demandèrent où il l’avait pris ; et il avoua qu’il l’avait pris dans une chaloupe, où se trouvaient des sacs d’écus, et qu’il l’avait séparé avec plusieurs hommes de l’équipage ».

Le rapport ajoute que le matelot fut mis aux fers, et que la somme détournée se montait à 15.000 écus.

Cette opération dut se terminer de bonne heure, car le même jour, le commandant du St-Antoine prit un autre bâtiment anglais.

Il fit voile, aussitôt, pour Saint-Malo, «  conjointement », avec ses deux prises, et y arriva le 25 décembre.

Après cette opération, aussi rapide que fructueuse, le sieur de La Villestreux ne devait avoir qu’un désir, celui de recommencer.

Il le réalisa, car dès le 22 mars 1690, moins de trois mois après son retour, il retournait dans la Manche sur le Saint-Antoine.

Mais, cette fois, il n’était plus seul ; le Comte-de-Revel et la Joyeuse (22 canons, 200 tonneaux, 118 hommes d’équipage) l’accompagnaient.

Le premier était commandé par le sieur des Saudrais Dufresne, et le second par le capitaine Claude Raoul, tous deux de grand renom.

Ces trois navires étaient « en compagnie et société », suivant la coutume existant entre capitaines « ayant bonne opinion les uns des autres », et même entre corsaires et vaisseaux du Roi, les accords et pactes se faisant, dans les deux cas, sous conditions.

Dans la matinée du 4 avril, vers 8 heures, au sud des côtes d’Irlande, le Saint-Antoine qui était en tête, aperçut un gros bâtiment auquel il donna la chasse, et dont il se rapprocha à deux portées de canon, vers 2 heures de l’après-midi.

À ce moment, à 40 lieues environ au sud du Cap Clare, la Joyeuse et le Comte-de-Revel, qui n’étaient pas aussi « avantageux de toile » que le Saint-Antoine, suivaient fort loin.

Néanmoins, le bâtiment poursuivi ayant arboré le pavillon hollandais, le Saint-Antoine fonça sur lui, et arrivé à portée de pistolet, lui envoya quatre volées de coups de canon et de mousquet.

Le combat, auquel la Joyeuse ne prit part qu’à la fin de la journée, continua, jusqu’à une heure du matin, avec des alternatives diverses, pendant lesquelles la mer démontée fit échouer, plusieurs fois, les tentatives d’abordage du Saint-Antoine.

À la fin de la nuit, les deux navires français observaient leur adversaire ; mais il ne recommencèrent à combattre qu’au petit jour, par un « temps rude » jusqu’à 2 heures de l’après-midi.

À ce moment, le navire ennemi, qui était de 400 tonneaux environ avec 34 canons et 250 hommes d’équipage, et qui s’appelait la Justice, avait « toutes ses manœuvres coupées », et fut obligé de « mettre en panne, pour changer de toiles, repasser et raccommoder ses manœuvres ».

Les deux frégates françaises, fatiguées par la poursuite, par l’état de la mer, et par le combat, suspendirent aussi le feu, et firent de même, tout en continuant à serrer la Justice de près, pour l’empêcher de s’échapper.

C’est ainsi que se passa la fin de la journée, et toute la nuit.

Puis, le lendemain matin, « voyant qu’il faisait très gros temps, et apparence de continuation[6] d’iceluy, qui indubitablement lui aurait fait perdre l’ennemi », le sieur de La Villestreux résolut, vers 8 heures du matin, de s’en rapprocher, à portée de mousquet, pour lui donner le coup de grâce.

La Joyeuse et le Comte-de-Revel, séparés du Saint-Antoine par la nuit, et par le gros temps, étaient en vue, mais à grande distance.

Les premières décharges du Saint-Antoine brisèrent le grand mât de la Justice, déjà privée, depuis la veille, de son mât d’artimon.


Combat du « Saint-Antoine » monté par le sieur de la Villestreux et du Vaisseau Hollandais « la Justice », le 4 Avril de l’an de grâce 1690.

On vit alors, le capitaine hollandais paraître à la poupe, et faire signe qu’il se rendait.

Aussitôt, le commandant du Saint-Antoine fit cesser le feu, et, un instant après, tirer un coup de canon pour faire savoir à ses camarades que le combat avait pris fin.

Ceux-ci se rapprochèrent alors, au point de venir, presque, ranger le Saint-Antoine.

Le temps était, à ce moment « tellement impétueux », dit M. de La Villestreux, que la chaloupe montée par M. du Pin le Fer, second capitaine du Saint-Antoine, et par douze hommes qui se rendaient à bord de la Justice pour en prendre possession, sombra en y arrivant.

Les gens de la Justice parvinrent à les sauver tous, mais il fut impossible de communiquer avec eux, et de leur porter secours, pendant 24 heures.

Car il s’agissait bien encore de leur venir en aide ; la Justice avait pris beaucoup d’eau, « tant par son défaut, que par les coups de canon qu’elle avait reçus ; jusque là, qu’il y avait plus de deux pieds d’eau entre ses ponts, et qu’on fut obligé de jeter à la mer six pièces de canon, qui roulaient sur les gaillards, défonçant le bord, et empêchant les officiers et matelots de se tenir sur le tillac et de radouber le bateau, qui roulait extraordinairement, et prenait de l’eau par dessus son gaillard d’arrière ».

La troisième nuit, depuis le début de l’action, fut donc aussi terrible que les précédentes.

Puis, le lendemain, le temps s’étant un peu calmé, les trois frégates envoyèrent des officiers et des matelots à bord de la prise, prendre possession d’une partie de la cargaison, et ramener le capitaine hollandais, Adrien Vorholt.

L’escadre mit ensuite à la voile pour se rendre à Saint-Malo avec la Justice, remorquée par le Saint-Antoine.

Elle doubla le cap Fréhel, le 11 avril, et mouilla le même jour en rade de Rance.

Quelques jours après, le tribunal des prises se réunissait, sous la présidence du sieur Richome de la Touche, lieutenant général de l’amirauté de Bretagne, et établissait le dossier de la prise de la Justice, qui existe encore à Saint-Malo.

On y trouve les déclarations des capitaines ; la traduction du rapport du capitaine hollandais, qui dit appartenir au port d’Amsterdam ; la traduction des lettres et documents trouvés à bord ; les procès-verbaux ; l’énumération de la cargaison ; l’indication, par lots, des objets et marchandises, mis en vente, par adjudication. On y voit que la Justice contenait de la soie, de l’indigo, de la cochenille, vendue pour un total de 280.000 livres ; de la vaisselle, et des barres d’argent, pesant, environ, 5.000 marcs. On y remarque enfin une note manuscrite disant « le 10 pour cent à monseigneur de Chaulnes ». Mais le total général de la valeur de la cargaison et du produit des ventes, n’est pas indiqué.


Pendant l’année suivante, en 1691, il n’y eût pas de faits d’armes très importants, sur mer.

Duquesne s’empara de quelques vaisseaux anglais et hollandais, aux Indes Orientales.

Le comte d’Estrées se trouvant, avec une flotte, dans la Méditerranée, y eut quelques engagements devant Barcelone et Alicante.

Tourville ramena plusieurs bâtiments anglais à Port-Louis.

Plus au nord, Jean-Bart et le comte de Forbin rentrèrent à Dunkerque, avec des prises estimées un million 500.000 livres.

Les Malouins firent aussi de nombreuses prises, car, dans leur port seulement, ils ramenèrent plus de soixante navires ennemis.

Mais Luc de La Villestreux ne semble pas y avoir participé, car nous savons seulement qu’il céda, à cette époque, le commandement de sa frégate le Saint-Antoine, à du Coudray Perrée, qui allait l’employer, l’année suivante, à une mission dont nous parlerons.

Ce fut, enfin, pendant cette même année 1691 que du Guay Trouin, le héros naval populaire, âgé de 18 ans, reçut pour la première fois un commandement.

Il s’était distingué, l’année précédente, pendant un combat sur la Manche, où le choc d’un abordage l’ayant fait tomber à la mer, il fût assez heureux pour être sauvé par quelques gens de son équipage, « qui[7], » dit-il, « me tirèrent par les pieds à bord de nôtre vaisseau. Etourdi de cette chute, et mouillé par dessus la tête, je ne laissai pas de sauter à bord de l’ennemi, et de contribuer à nous en rendre maîtres… Cette aventure me fit tant d’honneur que, malgré ma grande jeunesse, ma famille me jugea digne d’un petit commandement ».

On lui confia donc, une flûte de 14 canons avec laquelle il fut jeté, par un coup de vent, dans la rivière de Limérick.

« J’y fis descente », dit-il, « je m’emparai du château de lord Clare, et brûlai deux vaisseaux marchands, échoués à terre, malgré un détachement de la garnison de Limerick qui voulait s’y opposer ».

« Mais, comme la flûte que je montais n’allait pas bien, et que ce défaut m’avait fait manquer de bonnes occasions, on me donna, quand je fus de retour à Saint-Malo, le commandement d’une meilleure frégate de 18 canons, le Coëtquen ».

Avant de suivre du Guay Trouin pendant cette nouvelle croisière, en 1692, nous citerons une relation faite par le sieur de Souquetière, un corsaire moins célèbre, mais dont la carrière présente, néanmoins, quelques pages brillantes.

À la fin de 1691, André Levêsque, sieur de la Souquetière, commandait le Jean-de-Grâce, de 200 tonneaux, avec 22 canons, et 150 hommes d’équipage. Il avait, comme second, Nicolas Perrée[8], frère aîné de du Coudray Perrée.

Après avoir croisé, quelque temps, dans la Manche, le Jean de Grâce avait capturé un bâtiment hollandais, les Armes du Roi, de 180 tonneaux. Il l’avait ramené à Granville, et avait repris sa course en se dirigeant sur Brest.

Puis, la Souquetière sort de la rade de Brest, sur le Jean de Grâce. Il prend un bâtiment espagnol qui venait de Saint-Sébastien, et il le fait conduire au port.

Huit jours après, il rencontre à 30 lieues à l’ouest des îles Sorlingues, quatre navires anglais ; il les poursuit, et en prend un de 160 tonneaux, après lui avoir envoyé une volée de coups de canon. C’est un navire chargé de soie, allant à Londres, et appelé le Neptune.

Le sieur de la Souquetière le fait suivre, après avoir mis un officier et quinze hommes à son bord, puis il se lance à la poursuite des trois autres bâtiments, les rejoint, sattaque à l’un d’eux, lui livre un combat de quatre heures et lui abat deux mâts.

Le navire ennemi est obligé d’amener, mais le combat l’a mis dans un tel état, qu’on est forcé de le couler, après avoir pris la cargaison et fait monter l’équipage à bord du Jean de Grâce.

Survient alors un ouragan, qui oblige la Souquetière à relâcher, avec sa prise, sur la côte de Bretagne. Pendant ce temps d’arrêt, dix-huit hommes désertent avant le retour à Saint-Malo.

Ce dernier fait n’était pas rare. Il s’était produit, peu de temps avant, sur le Coëtquen, qui était rentré à Saint-Malo le 14 août de la même année 1692.


Le rapport que fit du Guay Trouin, comme commandant du Coëtquen, est intéressant parce qu’il est unique à Saint-Malo.

Si l’on parcourt, en effet, tous les registres contenant les déclarations des corsaires, on est surpris, d’abord, de n’y trouver qu’une seule fois la signature de du Guay Trouin, c’est à la fin du susdit rapport[9].

En réalité, ce fait n’est pas aussi étrange qu’il paraît, car parmi les corsaires se trouvaient des hommes comme du Guay Trouin, plus ambitieux de gloire et d’honneurs, que de réalités lucratives.

Ceux-là entrèrent dans la marine royale, malgré son joug et ses servitudes ; et l’on peut dire que du Guay Trouin fut du nombre. Car, à 20 ans, il commandait déjà le vaisseau le Profond ; à 21 ans, il commandait la Diligente ; à 22 ans, le François ; tous étaient des vaisseaux du Roi, et, par la suite, il en fut de même.

Il dirigeait, il est vrai, presque tous ses armements lui-même, mais à Brest, en utilisant les ressources de l’État.

Il fut, successivement, capitaine de frégate, capitaine de vaisseau, chef d’escadre, lieutenant général, et ses opérations se faisaient, presque toujours, en escadre, d’après des instructions reçues de Versailles.

D’autres corsaires, tout en étant fidèles serviteurs du Roi, tout en prêtant leur concours, en toutes circonstances, à la marine de l’État, préféraient l’imprévu des voyages et des aventures, et, surtout, leur indépendance.

Ces derniers, comme plus tard Surcouf, restèrent corsaires, sans qu’on puisse donner à ce terme un sens péjoratif, qui ne serait applicable à aucun des Malouins dont s’honore la marine française.

Le rapport sur les opérations du Coëtquen, doit être donné intégralement, parce que les faits, qu’il relate, ne sont pas absolument conformes à ceux qui se sont produits, à la même époque, d’après la narration des mémoires de du Guay Trouin. Il est ainsi conçu :

« René Trouin, sieur du Gué, capitaine du navire le Coëtquen, 18 pièces de canon, 140 hommes d’équipage, est sorti du port de St-Malo, le 4 juin 1692 ».

« Le déclarant a croisé sur la côte d’Angleterre ; donné la chasse à un navire anglais, jusque dans la rade de Monsbée, lequel vaisseau ennemi ayant échoué, le déclarant ayant mouillé sa frégate à la portée de canon, et son câble ayant cassé, fut obligé de laisser l’ennemi à l’ancre, et d’appareiller pour éviter son naufrage. »

« Le 9e du même mois, il a pris un navire anglais chargé de tabac, dans lequel il a mis un équipage suffisant pour le conduire dans ce port[10], où il est arrivé ».

« Et ayant, après, rencontré un navire danois, auquel il a pris une barrique d’eau de vie, qui était à demi vide, et une douzaine de petits avirons dont il avait besoin ; et continuant sa course, il a rencontré le navire Saint-Aaron, en compagnie duquel ils ont fait cinq prises de vaisseaux anglais, sur lesquels, ayant mis des équipages, pour les conduire en ce port, et dont il est arrivé quatre, l’autre ayant été repris par les Anglais. »

« Après lesquelles prises, le déclarant étant venu les convoyer, fût obligé de relâcher à Erqui, le 24 juin dernier, et d’y demeurer jusqu’au 12 juillet, qu’il en sortit ; et le lendemain, fut obligé d’y relâcher encore, étant observé par les navires ennemis, et de n’en sortir que le 25 juillet. »

« Le 30 juillet, étant proche de Kinsale, côte d’Irlande, il a fait une prise qu’il a envoyée à Brest».

« Le 4e de ce mois, étant dans le détroit de Saint-Georges, a pris un navire anglais qu’il a envoyé à Brest. »

« Le 9, il a encore pris une flûte anglaise, chargée de sucre et de coton, qu’il a été forcé d’abandonner à six gros navires qu’il a trouvés à environ 25 lieues du cap d’Ouessant ».

« Ensuite de quoi, n’ayant plus que fort peu de vivres, il a été obligé de relâcher en ce port de Saint-Malo, où il est entré le 14 de ce mois.»

« Ajoute, qu’aux relâches qu’il a faites, tant à Erqui qu’à Bréhat, il lui a déserté le nombre de 37 hommes ».

« Signé : René TROUIN. »

Tandis que du Guay Trouin relâchait à Erqui, à la fin de juin 1692, le Saint-Antoine, commandé par du Coudray Perrée, se rendait de Saint-Malo à Bertheaume, à l’ouest de Brest, pour y embarquer l’abbé d’Estrées, ambassadeur du Roi en Portugal.

Celui-ci a donné des détails, à ce sujet, dans sa correspondance, conservée aux archives des affaires étrangères.

Il raconte, notamment, qu’il était arrivé à Saint-Malo, avec l’ordre du Roi de s’ embarquer sur une galère gênoise, neutre par conséquent, qui lui aurait permis d’arriver sans risques, à Lisbonne.

Mais, d’après les avis qu’il eut à Saint-Malo, il préféra se confier, avec son nombreux personnel, et tout son matériel, qu’il énumère, à un des corsaires en rade.

Après avoir obtenu l’autorisation du comte de Pontchartrain, secrétaire d’État de la marine, il s’entendit avec le capitaine du Saint-Antoine, dont la marche était très rapide, et qui, par son fort tonnage, se prêtait au transport de personnages nombreux et d’importance.

Mais, pour diminuer la longueur du voyage, et, par conséquent, ses risques, il fut décidé que le départ aurait lieu de Bertheaume, où le Saint-Antoine retrouva ses passagers.

Après une traversée très rapide, et sans incidents, malgré les nombreux vaisseaux de guerre ennemis aperçus en route, le débarquement eut lieu, avec le cérémonial habituel, devant la tour de Bélem, à Lisbonne.

Le Saint-Antoine rallia, ensuite, le port de Saint-Malo, où du Coudray Perrée reçut, de l’abbé d’Estrées, des témoignages de reconnaissance assez flatteurs pour lui être sensibles.[11]

Au retour du Saint-Antoine à Saint-Malo, Luc de la Villestreux en reprit le commandement pour préparer une croisière dans l’Océan, et sur les côtes de la péninsule ibérique.

Quant à du Coudray Perrée, il s’était mis en rapport avec l’armateur Nicolas Piednoir, sieur du Prez, pour armer en guerre le Beaulieu (250 tonneaux, 30 canons, 185 hommes d’équipage).

Une partie de l’hiver se passa donc, pour eux, en préparatifs.


Dès le mois de janvier, le commandant du Saint-Antoine eût hâte d’atteindre les côtes du Portugal pour s’y trouver au début du printemps, et se rendre, de là, dans les parages du détroit de Gibraltar, passage obligé pour les bâtiments ennemis.

Il mit donc à la voile le 18 janvier 1693[12], fit la traversée par une mer très calme, et doubla l’embouchure du Tage avant la fin du même mois. Arrivé à la hauteur du cap Saint-Vincent, il donna la chasse à un gros navire anglais, qui se rendit sans résistance, et qui s’appelait le Saint-François, de Londres, capitaine Nicolas Osmond, en route pour Livourne.

A peine les dispositions étaient-elles prises pour emmener le Saint-François, qu’apparurent à l’horizon, vers l’ouest, trois forts bâtiments.

Le sieur de la Villestreux s’étant vite rendu compte, « à l’aide de sa lunette d’approche », que c’étaient des vaisseaux de guerre anglais, il abandonna sa prise, et se dirigea à toutes voiles, vers Faro, en longeant la côte pour mettre le cap Saint-Vincent entre lui et ses ennemis.

Il comptait rayonner, dans ces parages, en prenant, comme base, la ville de Faro, qui, siège d’un évêché, peuplée de près de 10.000 habitants, possédant des établissements de crédit, des ressources de toutes sortes, et un port bien abrité, lui offrait toutes facilités nécessaires pour la suite des opérations.

Peu de jours après[13], il rencontra un bâtiment armé de 30 canons, l’Anne-Elisabeth, qu’il rejoignit, et qui se rendit, sans résistance, à la première sommation.

Ce bâtiment, commandé par le capitaine Charles Keint, de Londres, avait une magnifique cargaison d’étoffes, dont la partie la plus importante fut placée à bord du Saint-Antoine. L’Anne-Elisabeth fût ensuite coulée. Quant au capitaine, on le déposa à terre, avec son équipage, après l’avoir rançonné.

Reprenant sa course, le Saint-Antoine se trouvait, le 5 février, à environ 15 lieues au sud de Faro, où il prit deux bâtiments anglais sans grande valeur, qui furent brûlés, après prélèvements sur les cargaisons.

Une partie des équipages fût mise à terre, en chaloupes ; on en retint le reste, comme ôtages, avec les capitaines, qui signèrent deux traites de 3.460 livres chacune, et qui ne furent rendus à la liberté qu’après paiement de la rançon par le consul anglais, à Faro.

A peine cette opération était-elle terminée, qu’apparût un autre bâtiment anglais.

Le Saint-Antoine le poursuivit et s’en empara, à la première sommation.

C’était le Prince Edouard. Il venait de Santa Cruz des Canaries, avec une très belle cargaison qui fut vendue par les soins du consul français à Faro.

A la suite de ces prises successives, le Saint- Antoine, sur lequel on avait entreposé le numéraire saisi, et les objets les plus précieux, était tellement encombré de marchandises d’une grande valeur que son commandant résolut de rentrer à Saint-Malo.

Il fit donc voile vers l’ouest, puis vers le nord, et se trouvait, au commencement du printemps[14], à 30 lieues environ à l’ouest de la rade de Brest, lorsqu’il rencontra un navire hollandais, le Port en Port, chargé de denrées coloniales et de plumes de barbarie.

Après un engagement de courte durée, le pavillon ennemi fut amené ; les mesures venaient d’être prises pour prendre possession de l’importante cargaison, et pour ramener le capitaine hollandais Florez Martin, avec son équipage prisonnier, à bord du Saint-Antoine, lorsqu’on aperçut deux vaisseaux de guerre anglais.

Le sieur de la Villestreux voulut alors rentrer dans la rade de Brest ; mais, entouré d’une forte brume, il y renonça ; il reprit la pleine mer, et se dirigea, avec sa prise, sur la Rochelle.

Cinq lieues avant d’y arriver, il se trouva en présence d’une frégate de 40 canons, portant pavillon anglais.

Après un instant d’hésitation, se sentant favorisé par le vent, il mit le cap sur l’ennemi, et après avoir jeté la terreur et la mort, dans ce gros bâtiment, par plusieurs salves de coups de canon, de mousqueterie, et de grenades, il le vit tournoyer pour essayer d’échapper à un abordage menaçant.

Bien que privé de son mât de misaine, qui venait d’être abattu dans le combat, le Saint-Antoine poursuivit son adversaire jusqu’à la nuit, en lui tirant plus de 200 coups de canon.[15]

Mais alors, Luc de la Villestreux jugea inutile de pousser plus loin ; il abandonna la lutte, et rentra dans le port de la Rochelle, pour s’y ravitailler et pour y faire réparer les avaries de sa frégate.

Peu après, le 13 avril, il arrivait à Saint-Malo, avec sa dernière prise.

Peu d’expéditions de ce genre surpassent, par la rapidité, et par l’importance du succès, celle que venait de faire le Saint-Antoine sur les côtes du Portugal.

On comprend donc que du Guay Trouin, en parlant du sieur de la Villestreux, l’ait qualifié de « capitaine de réputation ».

On conçoit, aussi, l’effet que produisaient, sur l’ennemi, de pareils exploits, renouvelés par des hommes tels que Saudrais Dufresne, Claude Raoul, de la Fontaine Legoux, Etienne Piednoir, de Maupertuis, le Fer, de la Moinerie Miniac, Boscher des Aulnois, de Beaubriant Lévesque, Jehan et Alain Porée, de Bélisle Pépin, du Fresne Potier, du Tertre, Tréhouart, que l’on citait alors à Saint-Malo parmi bien d’autres.


Il n’est pas douteux qu’après avoir débarqué à Saint-Malo, Luc de la Villestreux ait rencontré du Coudray Perrée, et qu’en lui faisant part de ses prouesses, il lui ait donné le désir de les égaler.

Mais, comme il arrive parfois, ce fut le contraire qui se produisit.

Cette campagne qui allait s’ouvrir sous les meilleurs auspices ; que du Coudray Perrée allait entreprendre, sur le Beaulieu, de compagnie avec une frégate de même force, le Saint-François-d’Assise, commandé par le sieur de la Touche Porée, camarade d’une haute valeur, devait se terminer par un grand déboire.

Les lettres de marque lui furent accordées le 4 mai 1693, et il mit à la voile trois semaines après[16], avec le Saint-François d’Assise, pour se diriger vers les côtes d’Irlande.

Dès le commencement de juin[17], les deux frégates rencontrèrent deux navires hollandais, richement chargés, qu’elles prirent sans difficultés, et qui furent conduits à Brest, par le lieutenant de la Vallée, du Beaulieu.

Puis le 12 juin, à la pointe du jour, elles donnèrent la chasse à une flûte qui ne fut rejointe qu’après une course longue et mouvementée, par une forte mer, et qui arbora alors, le papillon suédois.

Ce premier insuccès rappelle un contretemps analogue, arrivé à du Guay Trouin dans les premiers mois de la même année et qu’il raconte ainsi. : « Cette campagne fut des plus malheureuses. Je croisai trois mois, sans faire aucune prise, et j’essuyai un assez fâcheux combat de nuit, avec un vaisseau de guerre suédois, qui, me prenant pour un Turc, me combattit le premier, et s’y opiniâtra jusqu’au jour, qui lui fit connaître son erreur. Pour comble de malheur, la fièvre jaune se mit dans mon équipage, etc. »

Dans l’ardeur de la poursuite, et à cause du mauvais temps, le Beaulieu et le Saint-François d’Assise avaient sérieusement souffert dans leurs voiles.

Après avoir partiellement réparé ces avaries, les deux capitaines convinrent de se rendre isolément à Lisbonne, de s’y rejoindre, et d’y faire caréner et ravitailler leurs navires.

Cette funeste habitude, des corsaires malouins, de se séparer en cours d’opérations, n’avait pas échappé à la vigilance des autorités navales, car le chevalier de St-Maure, adjoint au gouverneur de Saint-Malo, écrivait à la même époque au secrétaire d’État de la marine : « J’ai vu M. de Gastines[18], au sujet des corsaires de cette ville, et je lui ai communiqué vos intentions afin de pouvoir les résoudre à naviguer plus ensemble qu’ils ne le font, et à éviter, par là, à être tant exposés. Je crois qu’il sera cependant difficile de les obliger à suivre cet ordre, à moins que vous ne donniez un ordre absolu, qu’ils ne puissent faire autrement sans quelque peine.[19] »

Quoi qu’il en soit, cette séparation du Beaulieu et du Saint-François d’Assise, dans des parages sillonnés par des vaisseaux de guerre ennemis, devait être fatale.

Deux jours après sa rencontre avec la flûte suédoise, par temps très brumeux, en latitude de 48° nord, non loin d’Ouessant, et vers 8 heures du matin, du Coudray Perrée aperçut un gros vaisseau qui se rapprochait de lui, à quelques portées de canon, sous pavillon français.

Il prit, néanmoins, ses dispositions de combat ; et presqu’aussitôt, reconnaissant qu’il avait devant lui une force très supérieure, il voulut, en manœuvrant, reprendre l’avantage sur son adversaire, qui était sous le vent, et qui s’avançait à toutes voiles.

Mais, pour le Beaulieu privé de ses voiles d’avant, cette manœuvre était lente et difficile ; aussi, pendant qu’il l’exécutait, le capitaine du navire opposé s’étant rapproché, arbora le pavillon anglais, et en même temps, tira un coup de mousquet, immédiatement suivi d’une volée de coups de canon, qui dégréa le Beaulieu de son grand hunier.

Le sieur du Coudray Perrée riposta, alors, vigoureusement de toute son artillerie, et son équipage combattit « généreusement », suivant les termes de son rapport, pendant quatre heures.

Mais, le Beaulieu qui ne pouvait manœuvrer, était également hors d’état de tenir tête à un adversaire comme le Douvres, de 52 canons, de la marine royale d’Angleterre, auquel il avait à faire.

Il y aurait eu un moyen de salut, l’abordage ; mais il était inexécutable, par suite de la disproportion des deux vaisseaux, et de la différence de niveau entre leurs ponts.

Bientôt les débris des voiles, des mâts abattus, les morts et les blessés encombraient les gaillards, et les ponts ; une grande partie, de l’artillerie était réduite au silence avant midi.

Alors, le commandant du Beaulieu, estimant sans doute que « démesure n’était pas prouesse », fut dans la « nécessité »[20] de faire cesser le feu, et d’engager des pourparlers avec l’ennemi, comme devait le faire du Guay Trouin l’année suivante, sur la Diligente ; comme l’avaient fait, quatre ans auparavant, Jean Bart et Forbin, après une résistance qui leur avait valu le grade de capitaine de vaisseau, avec une gratification de 400 écus.

Un officier anglais vint donc à bord du Beaulieu, et fit transporter l’équipage sur le Douvres, qui le conduisit à Kinsale, sur la côte sud d’Irlande, où il arriva le 18 juin, à 8 heures du soir.

Kinsale était une ville de moins de 10.000 habitants, dont le commerce avait été autrefois très actif avec l’Espagne, comme le témoignait le style de ses maisons. Jacques II y avait débarqué en 1689, car il comptait de nombreux partisans, mais la ville avait été reprise, l’année suivante, par Marlborough.

Dans ce port de mer, où les facilités pour s’enfuir étaient grandes, tout l’équipage du Beaulieu fut néanmoins laissé en liberté relative, et très bien traité, contrairement aux habitudes existant, à cette époque, en Angleterre.

A Plymouth, notamment, où furent détenus Forbin, Jean Bart et du Guay Trouin, les officiers avaient la même prison que les matelots. Ils ne pouvaient acheter ni vivres, ni denrées. On retenait leurs lettres ; ils ne pouvaient recevoir aucune visite. Le géolier trafiquait sur l’argent qu’on lui donnait pour les nourrir, et s’arrogeait le droit de mettre les officiers aux fers, pour des fautes légères, pour avoir fait du bruit, ou pour avoir désapprouvé le traitement qu’on leur infligeait.[21]

Et voici ce qui était arrivé à Forbin :

« Quand je fus pris », dit-il dans ses mémoires, « ils me dépouillèrent nu comme la main, l’équipage s’accommoda de mes hardes. On me donna, en place, une camisole, et une grosse culotte, avec un trou sur la fesse gauche. Un matelot me donna ses souliers, et un autre me fit présent d’un mauvais bonnet. Dans le bel état où j’étais, je fus mené à Plymouth, chez le gouverneur. »[22].

Quant à du Coudray Perrée, il n’eut pas à se plaindre, sous ce rapport ; il fut bien logé ; on lui laissa tous ses effets ; mais comme Forbin, il fut conduit, le lendemain de son arrivée, chez le gouverneur qui l’interrogea longuement. Puis, quinze jours après il fut rembarqué, avec tout son équipage, sur un vaisseau anglais, qui le reconduisit en rade de Rance, devant Saint-Malo, où il fut remis en liberté, après qu’il eut rencontré, dit-il « plusieurs navires de guerre anglais dans la « Manche. ».

Cette mesure bizarre fut-elle dictée par la déloyauté du commandant du Douvres, qui n’avait arboré le pavillon anglais qu’au moment où il tirait sa première salve sur le Beaulieu, ou par un accord réciproque, à la suite de l’action ? Du Coudray Perrée n’en fait pas mention ; car son rapport est empreint de simplicité, de franchise, à l’exclusion de toute forfanterie, de tous commentaires, et de toute critique.

Ce rapport, établi le 9 juillet, le lendemain de l’arrivée de du Coudray Perrée à St-Malo, est contresigné par le sieur du Tertre, second capitaine du Beaulieu ; par le sieur de la Chapelle, premier lieutenant ; par René Poulain, sieur du Clos ; Pierre Perrée, sieur du Rocher[23], lieutenants de vaisseau ; par les sieurs de la Maisonneuve et de l’Espine, enseignes.

Non seulement, on ne tint pas rigueur à du Coudray Perrée de ce fâcheux incident, mais on lui sut gré de sa belle défense, car il fut nommé peu de temps après, comme nous le verrons, au commandement du fort de la Conchée, l’un des plus importants de Saint-Malo, dès que celui-ci fut en état de contribuer à la défense de la ville, et au moment où une attaque des Anglais était imminente.

  1. Archives de famille.
  2. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Nouvelles acquisitions françaises. 9353.
  3. Nombre des prises rentrées dans le port de Saint-Malo (Archives de Saint-Malo, Registre des Prises) :
    Années : 1688 (octobre à décembre), 6 prises ; 1689 (janvier à septembre), 13 prises ; 1690, 55 prises ; 1691, 60 prises ; 1692, 75 prises ; 1693, 41 prises ; 1694, 30 prises ; 1695, 31 prises ; 1696, 24 prises ; 1697, 45 prises.
  4. Le 17 décembre.
  5. Rapport du 26 décembre 1689, de Luc de La Villestreux. Archives de l’Amirauté, Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  6. Rapport du commandant du Saint-Antoine, le 14 avril 1690. Archives de l’Amirauté, Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  7. Vie de Monsieur du Guay-Trouin, avec une introduction par Henri Malo. Paris, 1922.
  8. Rapport du sieur de la Souquetière. Arch. de l’Amirauté, Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  9. Sans parler des Mémoires de du Guay-Trouin, dont le manuscrit est déposé à la Bibliothèque municipale de Saint-Malo.
  10. Le port de Saint-Malo.
  11. Archives de famille.
  12. Rapport de Luc de La Villestreux. Archives de l’Amirauté, Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  13. Le 31 janvier.
  14. Le 2 avril.
  15. Rapport du sieur de La Villestreux. Archives de l’Amirauté. Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  16. Le 24 mai 1693.
  17. Le 4 et le 9 juin 1693.
  18. M. de Gastines était commissaire ordonnateur de la Marine, à Saint-Malo.
  19. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Nouvelles acquisitions françaises, 9392.
  20. Rapport de du Coudray-Perrée, du 9 juillet 1693. Archives de l’Amirauté. Mairie de Saint-Malo, C. 4.
  21. Lettre de M. de Gastines, Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Nouvelles acquisitions, 9392.
  22. Cité par l’Abbé Poulain. Vie de du Guay-Trouin.
  23. Pierre Perrée, sieur du Rocher, était cousin germain de du Coudray Perrée ; né en 1652, il avait épousé Agnès Gaffonay, en 1686.