Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Des délits et des peines/Chapitre XXX

Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 200-201).

CHAPITRE XXX.

DU VOL.


Un vol commis sans violence ne devrait être puni que d’une peine pécuniaire. Il est juste que celui qui dérobe le bien d’autrui soit dépouillé du sien.

Mais si le vol est ordinairement le crime de la misère et du désespoir, si ce délit n’est commis que par cette classe d’hommes infortunés, à qui le droit de propriété (droit terrible, et qui n’est peut-être pas nécessaire) n’a laissé pour tout bien que l’existence, les peines pécuniaires ne contribueront qu’à multiplier les vols, en augmentant le nombre des indigens, en ravissant à une famille innocente le pain qu’elles donneront à un riche peut-être criminel.

La peine la plus naturelle du vol sera donc cette sorte d’esclavage, qui est la seule qu’on puisse appeler juste, c’est-à-dire, l’esclavage temporaire, qui rend la société maîtresse absolue de la personne et du travail du coupable, pour lui faire expier, par cette dépendance, le dommage qu’il a causé, et la violation du pacte social.

Mais si le vol est accompagné de violence, il est juste d’ajouter à la servitude les peines corporelles.

D’autres écrivains ont montré avant moi les inconvéniens graves qui résultent de l’usage d’appliquer les mêmes peines contre les vols commis avec violence, et contre ceux où le voleur n’a employé que l’adresse. On a fait voir combien il est absurde de mettre dans la même balance une certaine somme d’argent avec la vie d’un homme. Le vol avec violence et le vol d’adresse sont des délits absolument différens ; et la saine politique doit admettre, encore plus que les mathématiques, cet axiome certain, qu’entre deux objets hétérogènes il y a une distance infinie.

Ces choses ont été dites ; mais il est toujours utile de répéter des vérités qui n’ont presque jamais été mises en pratique. Les corps politiques conservent long-temps le mouvement qu’on leur a une fois donné ; mais il est lent et difficile de leur en imprimer un nouveau.