Des épicycloïdes sphériques

Des Epicycloïdes sphériques (Pl. 3) ;

Par M. Hachette.

M. Camus a donné, vers 1760, un Mémoire sur les engrenages, qui se trouve dans son Traité de Statique, à l’usage des ingénieurs. La première partie de ce Mémoire, traite des engrenages plans et cylindriques qui, en général, présentent peu de difficultés ; la seconde partie est relative aux roues d’angle. L’objet de ces roues est de transformer un mouvement continu de rotation autour d’un axe, en un autre mouvement de rotation autour d’un autre axe, qui fait avec le premier un angle donné. On peut résoudre ce problême ou par deux roues d’angles, ou par une de ces roues, et une lanterne à fuseaux coniques ; les dents de cette espèce de roues sont terminées par des surfaces coniques qui ont pour bases des épicycloïdes sphériques. J’ai ajouté au mémoire de Camus, la construction géométrique de la tangente à l’épicycloïde sphérique, et l’application des méthodes de la géométrie descriptive au tracé des roues d’angles et des roues qui mènent des lanternes à fuseaux coniques (Voyez le Traité des Machines, chap. 2, pag. 161). La théorie des engrenages coniques, que j’ai exposée dans ce traité, a pour base les propriétés des courbes qu’on nomme épicycloïdes.


De l’Epicycloïde plane.

Lorsque deux cercles qui se touchent sont dans un même plan, et que l’un des deux roule sur l’autre, un point quelconque du cercle mobile décrit une courbé qu’on nomme épicycloïde plane ; si le cercle mobile pour diamètre un rayon du cercle fixe, l’épicycloïde devient une ligne droite, et cette droite est le rayon même du cercle fixe. En effet, soit (planch. 3. fig. 1.) le rayon du cercle fixe ; le cercle mobile qui touche le cercle fixe d’abord au point , le touche en suite en un point quelconque  ; donc si l’arc , sur le cercle mobile, est égal en longueur à l’arc sur le cercle fixe, le point sera un des points de l’épicycloïde décrit par le point  ; or les deux arcs et ne peuvent être égaux en longueur que lorsque le point sera sur le rayon  ; car la moitie de l’arc , qui est d’un nombre de degrés double de celui de l’arc , mesure, ainsi que ce dernier arc entier, l’angle  ; donc les trois points , , sont en ligne droite.

Fig. 2. étant l’épicycloïde plane décrite par un point du cercle mobile , il sera facile de trouver la tan gente à cette courbe en un point quelconque . En effet, la position du cercle mobile qui correspond au point étant connue, ce cercle touche le cercle fixe en un point  ; or le point tend à décrire un cercle dont le point de contact est le centre ; donc, la droite est une normale à l’épicycloïde ; d’où il suit qu’après avoir déterminé la position du cercle mobile qui correspond au point quelconque d’une épicycloïde, la tangente en ce point, passe toujours par l’extrémité du diamètre du cercle mobile mené par le point de contact de ce cercle mobile et du cercle fixe.


Des Epicycloïdes sphériques.

Deux cônes droits, qui ont même sommet et qui se touchent, étant coupés par une sphère dont le centre seroit à leur soin met commun, auroient pour bases sur cette sphère deux cercles dont les plans feroient entr’eux le même angle que celui des axes des cônes ; si l’on conçoit que l’un de ces cônes roule sur la surface de l’autre, en la touchant continuellement, un point quelconque de la base circulaire du cône mobile décrira dans l’espace une courbe à laquelle on a donné le nom d’épicycloïde sphérique, parce qu’elle est tracée sur une sphère qui a pour rayon la distance constante du point générateur de la courbe au sommet commun des cônes droits.

Si le cône fixe devenoit un plan, et le cône mobile un cylindre droit tangent à ce plan, la courbe seroit un cycloïde ordinaire : lorsque les deux cônes droits deviendront des cylindres droits à axes parallèles, la courbe sera l’épicycloïde plane.

Jean Bernouilli a donné dans ses Œuvres (t. III, p.216, édit. de Lausane, 1742) un Mémoire sur les épicycloïdes sphériques, dans lequel il examine les cas particuliers où ces courbes sont rectifiables, et il a trouvé que cette rectification n’étoit possible que lorsque la projection orthogonale du rayon du cercle mobile sur le plan du cercle fixe, étoit égale au rayon de ce dernier cercle, quelle que fût d’ailleurs l’inclinaison des plans de ces cercles.

De la Description de l’Epicycloïde sphérique.

Le rapport connu de la circonférence à son rayon, dé termine les longueurs absolues des circonférences du cercle fixe et du cercle mobile dont l’un des points décrit l’épicycloïde ; ayant donc divisé la circonférence mobile en un certain nombre de parties égales, chaque partie de cette division correspondra à une partie égale sur le cercle fixe ; considérant le cercle mobile dans sa première position, on abaissera de chacun de ses points deux perpendiculaires, l’une sur sa tangente qui est commune au cercle fixe, l’autre sur son diamètre perpendiculaire à cette tangente ; lorsque le point de contact des deux cercles changera, la tangente commune et le diamètre qui lui est perpendiculaire changeront aussi de position, et deviendront des axes mobiles, dont la position à chaque instant sera connue ; les projections des deux perpendiculaires abaissées d’un point du cercle mobile sur ses axes se couperont en un point qui appartiendra à la projection de l’épicycloïde ; au lieu de considérer chaque point du cercle mobile comme l’intersection de deux coordonnées rectangulaires, si on le regardoit comme l’intersection de l’une de ces coordonnées et d’un rayon, les projections de ces deux dernières droites détermineroient encore un point de l’épicycloïde : or, la projection d’un rayon du cercle mobile se construit facilement, en observant que son centre décrit un cercle qui se projette suivant un cercle égal, et que le rayon prolongé coupe la tangente commune aux deux cercles, en un point qui est le plan même de projection.

De la Tangente à l’Epicycloïde sphérique.
Théorême.

Si pour un point quelconque d’une épicycloïde sphérique on conçoit le cercle mobile auquel il appartient, la droite qui toucheroit l’épicycloïde qu’on obtiendroit, dans le cas où les deux cercles, l’un fixe et l’autre mobile, seroient dans le même plan, est la projection de la tangente à l’épicycloïde sphérique sur le plan du cercle mobile, quelle que soit d’ailleurs l’inclinaison du plan de ce dernier cercle par rapport — au premier.

Corollaire.

Ayant prouvé (fig. 2) que la tangente à l’épicycloïde plane , en un point quelconque placé sur le cercle mobile , passoit par l’extrémité du diamètre de ce cercle, perpendiculaire à la tangente commune , il s’ensuit que la même droite est la projection de la tangente à l’épicycloïde sphérique, au point , sur le plan du cercle mobile .

Pour démontrer le Théorême, il faut observer que si le point d’une épicycloïde plane tend à décrire un arc de cercle dont le point est le centre, et la droite le rayon, le même point considéré comme appartenant à une épicycloïde sphérique tend à décrire une sphère dont le point est le centre, et la droite le rayon ; donc le plan tangent à cette sphère contient la tangente à l’épicycloïde ; or ce plan se projette sur celui du cercle mobile suivant la droite perpendiculaire à , donc est la projection de la tangente à l’épicycloïde sphérique.


Construction de la Tangente à l’Epicycloïde sphérique.

On a vu que le rayon de la sphère sur laquelle l’épicycloïde est tracée, est égal à la distance d’un point quelconque de cette courbe au point de rencontre des perpendiculaires aux plans des cercles fixe et mobile, élevées par les centres de ces cercles ; d’où il suit qu’en menant par le point de l’épicycloïde un plan perpendiculaire à ce rayon, ce plan contiendra la tangente à l’épicycloïde ; de plus on vient de démontrer que le plan tangent à la sphère qui a pour rayon la distance du point de l’épicycloïde au point de contact des cercles fixe et mobile, contenoit la même tangente ; donc cette tangente est l’intersection de deux plans connus de position, donc elle est déterminée.

Soit (fig 3) le cercle fixe tracé sur le plan horizontal ; , le cercle mobile dans une position quelconque, et recouché sur le plan horizontal ; , l’angle du plan de ce dernier cercle par rapport au premier, le point de l’épicycloïde sur le cercle mobile, et ce point projeté sur le plan du cercle fixe ; il s’agit de construire la tangente à la projection de l’épicycloïde : ayant mené perpendiculaire à , et prolongé jusqu’au point , intersection de cette droite , et de la tangente commune , la droite est la trace horizontale du plan tangent à la sphère qui a pour centre le point , et pour rayon la droite .

Mais la tangente demandée se trouve sur un autre plan tangent à la sphère qui a pour centre le point , intersection des deux droites , perpendiculaires sur au point , et sur le milieu de  ; or, ce plan passe par la tangente du cercle mobile, qui coupe le plan horizontal au point de la trace horizontale  ; donc, si de ce point on abaisse une perpendiculaire sur la projection du rayon qui correspond au point du contact de la sphère et du plan, le point intersection des traces et , sera un point de la tangente à la projection horizontale de l’épicycloïde ; donc sera cette tangente ; menant perpendiculaire à , la droite sera la tangente à la projection de la courbe sur le plan vertical .

En supposant le cercle horizontal , transporté en , et le plan incliné en , la nouvelle figure qui en résulte est tout-à-fait semblable à la première ; d’où il suit que le cône, qui a son sommet en et pour base l’épicycloïde décrite par un point du cercle mobile , peut être regardé comme le lieu d’une suite d’épicycloïdes semblables et décroissantes, et les tangentes aux épicycloïdes menées par les différens points d’une même arête, telle que celle qui passe par le point et le sommet , sont parallèles entr’elles, et passent toutes par la même droite .


De la tangente aux Epicycloïdes plane et sphérique, déterminée par la méthode de Roberval ; par M. Gaultier.

M. Gaultier, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, s’est proposé de trouver la tangente de l’épicycloïde sphérique par la méthode de Roberval, et de faire voir que cette tangente est l’intersection de deux plans connus de position. La solution qu’il a donnée est très-élégante ; comme elle est en partie analytique, je la ferai connoitre dans le prochain Numéro, où je donnerai en même temps l’équation différentielle de l’épicycloïde sphérique.

M. Gaultier a observé que le point générateur de l’épicycloïde sphérique étoit animé de deux vitesses, l’une suivant la tangente au cercle mobile, l’autre suivant la tangente au cercle qui a son centre sur la perpendiculaire , et pour rayon la distance du point de l’épicycloide à cette perpendiculaire, et que ces deux vitesses pour un point tel que , dont la projection horizontale est , étoient dans le rapport du rayon au rayon ou de la tangente à la tangente  ; d’où il suit qu’en traçant sur le cercle mobile , un parallélogramme , dont les côtés , soient égaux à et à la projection de sur le plan du cercle mobile, la diagonale est la projection de la tangente sur le même plan ; on prouve par un calcul simple que cette droite doit passer par le point .

En construisant sur le plan horizontal un parallélogramme , dont le côté est la projection de la droite sur le plan horizontal, la diagonale est la tangente à la projection horizontale de l’épicycloïde.


De la tangente à l’Epicycloïde plane

En appliquant la méthode de Roberval, M. Gaultier construit la tangente à l’épicycloïde plane, de la manière suivante : il mène (fig. 1) deux droites et , perpendiculaires, l’une au rayon , l’autre au rayon du cercle mobile. Les vitesses du point , dans les directions perpendiculaires à ces rayons, sont dans le rapport de à , ou de à  ; mais est parallèle à , parce que les deux triangles et sont isocèles ; donc, le triangle est semblable au triangle  ; donc,  ; donc, est le parallélogramme des vitesses et , l’une suivant la tangente du cercle au rayon , l’autre suivant la tangente du cercle qui a pour rayon , et par conséquent la droite est la tangente demandée.