De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/44
XLIV.
La guerre civile était allumée entre Maxence et Constantin. Le premier restait à Rome, l’oracle lui ayant prédit qu’il périrait s’il sortait de cette ville. Mais il faisait la guerre par d’habiles généraux. Il était plus fort que son ennemi, parce qu’indépendamment de l’armée de son père qu’il avait détachée du parti de Sévère, il y en avait joint une autre composée de Maures et d’Italiens. On en vint souvent aux mains, et l’avantage était toujours du côté de Maxence. Mais Constantin, plein de courage et préparé à tout événement, s’approche de Rome et campe vis-à-vis du pont Milvius[1]. On touchait au jour où Maxence avait pris la pourpre, c’est-à-dire, au sixième des calendes de novembre (27 octobre), et où finissaient les Quinquennales[2]. Constantin est averti en songe de faire peindre le signe adorable de la croix sur le bouclier de ses soldats et d’engager ensuite le combat. Il obéit ; il fait former sur les boucliers un X surmonté d’un accent circonflexe, ce qui signifiait Christ[3]. Ses troupes, armées de ce signe céleste, se préparent à la bataille. L’ennemi en l’absence de l’empereur passe le pont. On se choque de part et d’autre avec une égale vigueur ; personne ne lâche le pied. Tout à coup il se fait une émeute dans la ville ; on reproche à Maxence de trahir la cause publique ; on dit de toutes parts que Constantin ne peut être vaincu.
Maxence, épouvanté de ce tumulte, fait assembler quelques sénateurs. On consulte le livre des Sybilles, et l’on trouve que ce jour l’ennemi du peuple romain devait périr. Maxence interprète l’oracle à son avantage, et, comme sûr de la victoire, il court au combat. Il fait rompre le pont après lui, afin que la nécessité de vaincre inspirât plus de courage aux troupes. Le combat devient plus vif que jamais. Mais Dieu favorisait Constantin ; Maxence est vaincu ; il veut se sauver, le pont était rompu. Emporté par la multitude des fuyards, il est précipité dans le Tibre. Après une victoire aussi importante, Constantin est reçu dans Rome aux applaudissements du sénat et du peuple. Là il connut la perfidie de Maximin en découvrant ses lettres et en voyant ses images et ses statues. Le sénat accorda à Constantin la prérogative d’honneur dont il était digne par son courage et que Maximin s’attribuait. La nouvelle de ce grand événement étant parvenue à Maximin, il se regarda dès-lors comme vaincu. Le décret du sénat le mit en fureur ; il ne faisait plus mystère de sa haine contre Constantin, et il lui échappait souvent des railleries mêlées d’injures contre ce prince.
- ↑ Ponte-Mole, pont sur le Tibre, près de Rome.
- ↑ La cinquième année du règne de Maxence.
- ↑ Sur la croix miraculeuse qui apparut à Constantin et qui donna lieu au Labarum, voyez la nouvelle édit. de Butler, tom. V p. 94, not. 1. Sur la conversion de Constantin et la protection qu’il accorda au christianisme, voyer le Nouv. Conserv. Belge, tom. III p. 354.