De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/21

Traduction par Abbé Godescard.
Chanoine de Ram (p. 17-18).

XXI.

Galère, étant parvenu à la puissance souveraine, ne s’en servit que pour le malheur de l’univers. Après sa victoire sur les Perses, peuples accoutumés à obéir à leurs rois en esclaves, il voulut introduire parmi les Romains la même coutume dont il avait l’impudence de faire l’éloge. Cependant, comme il ne pouvait l’établir par une loi, il faisait entendre par sa conduite que son projet était de priver les Romains de la liberté. Il commença par leur ôter leurs priviléges. On appliquait à la question non-seulement les Décurions, mais même les personnes les plus distinguées de la ville, et cela pour des affaires purement civiles et de peu d’importance. Si les accusés étaient jugés dignes mort, on dressait des croix ; on avait des chaînes préparées pour les autres ; on traînait les femmes de qualité dans le gynécé[1]. Si quelqu’un devait être frappé de verges, on fichait quatre pieux en terre, quoiqu’on n’y attachât pas même les esclaves. Parlerai-je des jeux et divertissements de Galère ? Il avait fait venir de toutes parts des ours d’une grandeur prodigieuse et d’une férocité pareille à la sienne. Lorsqu’il voulait s’amuser, il faisait apporter quelques-uns de ces animaux, qui avaient chacun leur nom, et leur donnait des hommes plutôt à engloutir qu’à dévorer ; et quand il voyait déchirer les membres de ces malheureux, il se mettait à rire. Sa table était toujours abreuvée de sang humain. Le feu était le supplice de ceux qui n’étaient pas constitués en dignité ; non-seulement il y avait condamné les chrétiens, il avait de plus ordonné qu’ils seraient brûlés lentement. Lorsqu’ils étaient au poteau, on leur mettait un feu modéré sous la plante des pieds, et on l’y laissait jusqu’à ce qu’elle fût détachée des os. On appliquait ensuite des torches ardentes sur tous leurs membres, afin qu’il n’y eût aucune partie de leur corps qui n’eût son supplice particulier[2]. Durant cette effroyable torture, on leur jetait de l’eau sur le visage et on leur en faisait boire, de peur que l’ardeur de la fièvre ne hâtât leur mort, qui pourtant ne pouvait être différée longtemps. Car quand le feu avait consumé toute leur chair, il pénétrait jusqu’au fond de leurs entrailles. Alors on les jetait dans un grand brasier pour achever de brûler ce qui restait encore de leur corps. Enfin on réduisait leurs os en poudre, et on les jetait dans la rivière ou dans la mer.


  1. Gynæceum. Lieu de peine et de honte pour les femmes.
  2. Voyez Gallenius de Martyrum cruciatibus, Cologne, 1602, р. 201.