De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/19
XIX.
Les choses étant arrangées, on en vint à l’exécution, aux calendes de mai (an 305). Tout le monde jetait les yeux sur Constantin, et personne ne doutait de son élévation. Les soldats, les officiers, invités à cette grande action, ne pensaient qu’à Constantin ; tous les désirs, tous les vœux étaient pour lui. Environ à trois milles de Nicomédie était une éminence, au haut de laquelle Galère avait été honoré de la pourpre, et l’on y avait élevé une colonne avec la statue de Jupiter. Ce fut là que l’on se rendit et que s’assemblèrent les troupes. Dioclétien, les larmes aux yeux, dit aux soldats qu’il est infirme ; qu’après tant de fatigues il a besoin de repos ; qu’il remet l’empire entre des mains plus robustes que les siennes, et qu’il a choisi d’autres Césars. On attendait avec impatience, quand tout-à-coup il nomme Césars, Sévère et Maximien. Chacun reste interdit. Constantin était debout un peu plus haut. On se demande si l’on ne s’est pas trompé de nom. Alors Galère, en présence de l’assemblée, repousse Constantin et fait paraître Daïa, après lui avoir ôté l’habit d’homme privé. On ne peut revenir de son étonnement ; on demande ce que c’est que Daïa. Toutefois personne n’ose réclamer, tant on était étourdi d’un choix auquel on n’avait pas lieu de s’attendre. Dioclétien revêt Daïa de la pourpre dont il se dépouille et redevint Dioclès. Après quoi on descend de la montagne. Le vieux prince monte ensuite dans son char, part de Nicomédie et retourne dans sa patrie. Daïa, sorti de ses bois et d’auprès de ses troupeaux, devenu simple soldat, puis garde-du-corps, tribun, et enfin César, voit l’Orient soumis à son empire, ou plutôt à sa tyrannie. Qu’attendre en effet d’un bouvier qui, sans connaissance du gouvernement et de la guerre, se trouvait tout-à-coup à la tête des armées ?