De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/16

XVI.

Toute la terre, excepté les Gaules, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, était livrée en proie à la fureur de trois monstres barbares. Eussé-je cent langues et cent bouches, avec une voix de fer, je ne pourrais raconter les divers tourments qu’on fit souffrir aux fidèles[1], tout innocents qu’ils étaient. Mais qu’est-il besoin de les rapporter, à vous surtout, mon cher Donat, qui avez senti plus que personne les secousses de cette horrible tempête ? Car, étant tombé entre les mains du préfet Flaccin, ce meurtrier fameux, ensuite entre celles du président Hiéroclès, auteur et promoteur de tant de cruautés, et enfin entre celles de Priscillien, son successeur, vous leur avez donné à tous les preuves d’un courage invincible. Neuf fois exposé à diverses tortures, neuf fois par une confession glorieuse vous avez triomphé de vos ennemis. Vous avez livré neuf combats au démon et à ses ministres, et toutes les fois vous avez vaincu le siècle avec ses terreurs.

Quel agréable spectacle n’était-ce pas pour le Ciel de voir attachés à votre char, non des chevaux blancs ou des éléphants monstrueux, mais ceux mêmes qui se donnent pour les triomphateurs de l’univers ? Le vrai triomphe, c’est de vaincre les vainqueurs des nations. Or, comment douter de votre victoire, puisqu’en méprisant leurs ordonnances impies, vous avez, par la fermeté de votre foi et par votre courage, mis en défaut les appareils et les menaces d’une puissance tyrannique ? Les fouets, les ongles de fer, le feu, les tourments de toute espèce, rien n’a pu ébranler votre constance. Nulle violence n’a été capable de vous ravir votre foi et votre piété. Voilà ce qui vous a mérité le titre de disciple du Dieu vivant et de soldat de Jésus-Christ, qui ne redoute aucun ennemi, qu’on ne peut enlever du camp du Seigneur, qui est en garde contre les embûches, qui se montre supérieur à tout sentiment de crainte et de douleur. Aussi, après tant de glorieuses victoires, le démon vous sachant invincible, n’osa-t-il plus entrer en lice avec vous ; et, comme la couronne vous était assurée, il cessa de vous défier, pour ne pas contribuer lui-même à votre triomphe. Quoique vous n’en jouissiez pas encore, Dieu vous la réserve dans l’éternité pour la récompense de vos vertus et de vos mérites. Revenons à notre histoire.


  1. Virg. Æn. VI, 624.