De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/05
V.
L’empereur Valérien se laissa entraîner par une semblable fureur contre les serviteurs du vrai Dieu (an 255). Il y eut beaucoup de sang chrétien répandu sous son règne, quoique de courte durée. Mais Dieu lui fit subir un genre de châtiment tout nouveau, afin que la postérité apprît qu’enfin les méchants reçoivent la peine que méritent leurs crimes. Valérien fut pris par les Perses, et non-seulement il perdit l’empire dont il avait si insolemment abusé, mais encore la liberté qu’il avait ôtée aux autres, et il passa le reste de sa vie dans une honteuse servitude. Car toutes les fois que Sapor, roi de Perse, voulait monter à cheval ou dans son char, il commandait à son prisonnier de se courber, et il mettait le pied sur son dos. Il lui disait avec un rire moqueur que c’était là un vrai triomphe, bien différent de celui que l’on faisait peindre à Rome. Valérien vécut quelque temps encore, afin que le nom romain fût plus longtemps le jouet des Barbares. Ce qui mit le comble à ses maux, ce fut d’avoir un fils empereur et de ne point avoir de vengeur ; personne en effet ne pensa à le délivrer d’une si cruelle captivité. Au reste, lorsqu’il eut fini sa vie au milieu de tant d’indignités, les Barbares lui ôtèrent la peau, la peignirent en rouge et la pendirent dans un temple comme un monument de leur victoire et pour apprendre à nos ambassadeurs que les Romains ne devaient pas avoir trop de confiance dans leurs forces, quand ils verraient dans un temple des dieux de Perse les dépouilles d’un empereur romain qu’ils avaient fait prisonnier. Le Seigneur ayant tiré une vengeance si éclatante de ses sacriléges ennemis, n’est-il pas étonnant que quelqu’un ait eu encore l’audace non-seulement d’outrager, mais de penser même à outrager la majesté du Modérateur suprême de l’univers ?