De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/03

III.

Quelques années après parut un autre tyran aussi cruel que Néron (an 81). Ce tyran était Domitien. Quelque odieuse que fût sa domination, il régna tranquillement et opprima ses sujets impunément jusqu’à ce qu’il eût osé attaquer le Seigneur lui-même.

En effet, ayant suivi l’impression du démon qui l’animait contre les justes, il fut livré entre les mains de ses ennemis pour être puni de ses crimes (an 95). La punition ne se borna pas à une mort violente ; on en vint jusqu’à tâcher d’exterminer sa mémoire. Car, quoiqu’il eût fait construire des ouvrages merveilleux, qu’il eût rétabli le Capitole et érigé plusieurs autres monuments dignes de la magnificence romaine, le sénat jura tellement la perte de son nom, qu’il ordonna de briser toutes ses statues, d’effacer toutes les inscriptions gravées en son honneur et qu’il rendit des décrets sévères pour imprimer à sa mémoire une flétrissure éternelle. Les actes de ce tyran ayant été abolis, non-seulement l’Église recouvra son ancienne splendeur, mais elle brilla d’un nouveau lustre ; et durant le règne de plusieurs bons princes qui gouvernèrent ensuite l’empire romain et qui ne la persécutèrent pas[1], elle se répandit dans l’Orient et dans l’Occident : en sorte qu’il n’y eut point de contrée si reculée où la véritable religion ne pénétrât ; point de nation si féroce dont la prédication de l’Évangile n’adoucit les mœurs. Mais cette longue paix fut enfin troublée.


  1. Il y eut cependant des persécutions sous le règne des successeurs de Domitien. Mais Lactance les passe sous silence parce que jusqu’au règne de Dèce, les chrétiens eurent toute liberté de professer leur religion et même de l’étendre.