De la mort des persécuteurs de l’Église/Traité/02
II.
Voici ce que nous lisons dans l’histoire. Sur la fin de l’empire de Tibère, après le 14 des calendes d’avril (an 29 ou 33), sous le consulat des deux Geminus, notre Seigneur Jésus-Christ fut crucifié par les juifs. Étant sorti du tombeau le troisième jour après sa mort, il assembla ses disciples que la crainte avait fait fuir lorsqu’il eut été arrêté. Il resta quarante jours avec eux, et pendant ce temps-là il ouvrit leurs yeux à la lumière et leur expliqua les Écritures, qui jusque-là avaient été pour eux obscures et couvertes d’un voile. Il leur donna des lois, les forma à la prédication de son Évangile et leur traça ce plan de discipline du nouveau Testament. Ensuite une nuée le déroba à leurs yeux et l’enleva dans le ciel. Les disciples se trouvaient alors réduits à onze ; ils élurent saint Matthias à la place du traître Judas et s’associèrent encore saint Paul. Après quoi ils se dispersèrent par toute la terre pour prêcher l’Évangile, selon l’ordre qu’ils en avaient reçu de leur divin Maître. Durant les vingt-cinq ans qui s’écoulèrent jusqu’au commencement du règne de Néron, ils jetèrent les fondements de l’Église dans toutes les provinces et toutes les villes de l’empire romain. Néron étant sur le trône, saint Pierre vint à Rome [1](an 54 ou 58). Cet apôtre, par la vertu des miracles que Dieu lui donnait le pouvoir d’opérer, fit de nombreuses conversions et éleva au Seigneur un temple fidèle et durable. Néron, instruit qu’à Rome et dans les provinces on abandonnait de toutes parts le culte des idoles, et qu’au mépris de l’ancienne religion on embrassait la nouvelle, ce tyran, ce monstre exécrable forma le projet de renverser le temple céleste et de détruire le règne de la justice ; il fit crucifier saint Pierre et décapiter saint Paul[2]. Mais ce ne fut pas impunément ; car le Seigneur jeta les yeux sur la désolation de son peuple. Néron, précipité du faîte de la grandeur, disparut tout-à-coup, et il ne fut pas même possible de découvrir le lieu de sa sépulture. Quelques personnes crédules s’imaginent qu’il est encore en vie, suivant la prédiction de la Sybille, qui dit que le meurtrier fugitif de sa mère viendra des extrémités du monde, afin qu’ayant été le premier persécuteur de l’Église, il en soit aussi le dernier, et qu’il devienne le précurseur de l’antéchrist…[3]
- ↑ Voyez Butler sous le 29 juin, tom. III p. 550, et l’excellent ouvrage de P. F. Foggini : De Romano Divi Petri itinere et episcopatu, ejusque antiquissimis imaginibus exercitationes historico-criticæ, Florence 1741, in-4o.
- ↑ Voyez la nouvelle édition de Butler, t. III p.555 et 570.
- ↑ Dans le passage qui suit jusqu’à la fin du chapitre le texte est tellement corrompu, qu’il est difficile d’en deviner le sens, et plus difficile encore d’en donner la traduction. Le Brun des Marettes, dans son édition de Lactance, a tâché de le corriger, en suppléant les mots-effacés dans le manuscrit. Voici comment il lit : Itaque fas est credere, sicut deos prophetas vivos esse translatos in ultima tempora, atque initium Christi Sanctum ac sempiternum, cum descendere cœperit, quod Sibyllæ futurum prænuntiant : eodem modo etiam Neronem venturum putant, ut præcursor diaboli ac prævius sit venientis advastationem terræ, et humanig eneris eversionem.