De la mort des persécuteurs de l’Église/Dissertation/3.3

Traduction par Abbé Godescard.
Chanoine de Ram (p. 78).

3. honneurs rendus aux martyrs.

Mais avant de finir cette dissertation, nous croyons devoir dire quelque chose des honneurs que l’Église rendait aux martyrs. De leur vivant même ils jouissaient de plusieurs prérogatives. On rendait, à leur prière, la communion à ceux qui étaient tombés durant les persécutions. On nommait des diacres pour avoir un soin particulier d’eux et pour leur fournir les choses nécessaires à leur entretien. Si quelquefois les autres fidèles pouvaient obtenir la permission d’entrer dans les prisons, c’était à qui baiserait leurs chaînes[1]. Chacun s’empressait à leur procurer quelque soulagement, à panser leurs plaies, à leur rendre de petits services, à leur donner des marques de vénération et de respect. Mais après que leur martyre était consommé, ce respect et cette vénération s’augmentaient de beaucoup, et on les regardait pour lors comme étant assis avec Jésus-Christ, pour juger tous les hommes[2]. C’est ce qui leur attira le culte et la dévotion des peuples. Cette dévotion passa jusqu’à leurs reliques ; on les enferma dans de riches chasses ; on les coucha sur l’or et sur la soie, et parmi les parfums les plus exquis. On fit plus ; on érigea des autels sur leurs tombeaux, et les conciles d’Afrique défendirent qu’on en dressât aucun, sans y mettre des reliques de martyrs[3]. On commença à lire leurs actes dans les assemblées de l’Église ; l’on récita leurs noms dans la célébration des saints mystères ; mais on ne priait pas pour eux comme pour les autres fidèles dont on faisait aussi mémoire, parce que, dit saint Augustin[4], c’eût été faire injure à un martyr que de prier pour lui dans le moment qu’on était obligé d’avoir recours à ses prières. Tout cela s’observa dès les premiers siècles de l’Église : « et l’on sait que les disciples de saint Ignace reportèrent dans une châsse à Antioche les reliques de leur maître, comme un trésor inestimable, et que les chrétiens de Smyrne recueillirent celles de saint Polycarpe, avec autant de soin qu’on ramasserait de l’or et des perles[5].

  1. Apud S. Cypr.
  2. SS. Clem. et Dionys. Alexandr.
  3. Can. 85 Cod. Afric.
  4. Serm. 159.
  5. Acta SS. Ignatii et Policarpi.