De la mort des persécuteurs de l’Église/Dissertation/2.11
11. persécution sous maximin.
Après qu’Alexandre eût été tué, Maximin, qui lui succéda, renouvela la persécution contre les chrétiens, en haine de son prédécesseur, dont presque toute la maison, au rapport d’Eusèbe[1], avait embrassé le christianisme. Capitolin dit que Maximin fit mourir en diverses manières les officiers et les domestiques d’Alexandre, et par conséquent plusieurs chrétiens. Cette persécution enleva à Origène deux de ses amis, Ambroise et Protectus, prêtres de Césarée : dès qu’il eût appris qu’ils avaient été arrêtés, il leur adressa le livre qui a pour titre : Exhortation au martyre, qu’il écrivit exprès pour eux. Au reste, quoique Maximin, si l’on en croit Eusèbe, n’en voulût qu’aux chefs des Églises, la persécution ne laissa pas, dans quelques provinces, de s’étendre jusqu’aux simples fidèles. Nous apprenons d’une lettre de saint Firmilien[2], que Sérénien, gouverneur de Cappadoce, exerçait de grandes cruautés sur les chrétiens de sa province. Le pape saint Poncien, dont le calendrier de Buchérius fait mémoire aux ides d’août[3], fut emporté par cet horrible tourbillon, quoique, à la vérité, le catalogue des papes, qui fut dressé sous le pontificat de Libère, fasse reléguer saint Poncien en Sardaigne, avec saint Hypolite, prêtre du clergé de Rome, et marque sa mort dans cette île le 4 des calendes d’octobre[4]. Anthère, successeur de Poncien, ne tint le siége qu’un mois ; mais nous n’avons rien de certain touchant son martyre.
Cette persécution dura trois ans, c’est-à-dire tout le règne de Maximin, selon le témoignage de deux célèbres historiens[5] : Dodwel, au contraire, ne la fait durer qu’un an, mais sans aucun fondement, comme le prouve très-bien le savant père Pagi[6].
Cet empereur, au reste, a été si cruel, qu’on l’a nommé un Cyclope, un Busiris, un Sciron, un Phalaris, un Gygès, un Thyphon : Rome et le sénat firent des prières publiques pour demander au ciel que ce détestable tyran ne revît jamais le capitole[7]. « Le bruit de ses cruautés inouïes venait sans cesse frapper les oreilles ; on n’entendait autre chose, par toute la ville, que le récit funeste des exécutions qu’il ordonnait : il faisait crucifier les uns, enfermer les autres dans le ventre des bêtes tuées fraîchement : ceux-ci étaient exposés aux lions et aux ours ; ceux-là étaient assommés à coups de bâton, sans que ce monstre eût aucun égard, ni à rang, ni à mérite ; car il tenait pour maxime, que pour affermir un trône il fallait le cimenter avec du sang. Les Romains ne pouvaient plus porter la pesanteur de ce joug tyrannique, ni voir sans horreur qu’il suscitait lui-même les délateurs, qu’il supposait des crimes, qu’il faisait périr l’innocence… » Hérodien en parle à peu près dans les mêmes termes[8]. Mais c’en est assez, et il faut maintenant exposer aux yeux des lecteurs l’affreuse peinture de la persécution de l’empereur Dèce. Car, à l’égard de ce qui se passa à Alexandrie, sous le règne des deux Philippes, on doit plutôt l’attribuer à une émotion populaire, qu’à une persécution ouverte, quoiqu’on puisse connaître par-là le peu de sûreté qu’il y a toujours eu pour les chrétiens, tant qu’ils ont été parmi les Gentils.