De la mort des persécuteurs de l’Église/Dissertation/1.4

Traduction par Abbé Godescard.
Chanoine de Ram (p. 45-46).

4. chaque église avait son calendrier.

De tous les calendriers qui ont précédé les martyrologes ordinaires, il n’y en a que deux qui soient venus jusqu’à nous. Le premier est celui de Buchérius, qui a été fait à Rome, au quatrième siècle, sous le pontificat de Libère. Le second est celui de Carthage, qui fut dressé et rendu public au cinquième siècle. Or, il est évident que ni l’un ni l’autre n’a été écrit pour toute l’Église d’Occident. Car, pour celui de Buchérius, il est tellement propre à l’Église de Rome, que lorsqu’il fait mention de saint Cyprien, il ajoute aussitôt l’endroit de Rome où la fête de ce saint évêque se célébrait : d’où il est aisé de conclure que ce calendrier ne contenait que les noms des martyrs dont la solennité se faisait dans les églises et les titres de cette ville. Mais ce qui doit mettre la chose hors de doute, c’est que ce même calendrier ne contient que le nom des évêques de Rome, et ne dit pas un mot des évêques des villes voisines et des églises qui sont, pour ainsi dire, sous les murs de Rome. À l’égard du calendrier de l’Église de Carthage, le seul titre décide d’abord en notre faveur : dans ce livre-ci est marqué le jour de la mort des martyrs et des évêques dont l’Église de Carthage fait l’anniversaire. Il n’y est parlé que des évêques de Carthage. Car, hors le nom de saint Augustin, si célèbre en tous lieux, et celui de quelques martyrs des plus fameux, on n’y en remarque aucun, ni d’évêque, ni de martyr qui ne soit de cette Église. Une preuve d’ailleurs que ce calendrier n’était pas commun à toutes les Églises de l’Afrique, c’est qu’on n’y trouve point plusieurs solennités de celle d’Hippone : par exemple, on n’y trouve point saint Fructueux et ses compagnons, à l’honneur de qui saint Augustin a fait un discours[1]. On n’y fait aucune mention des vingt martyrs dont ce saint docteur a prononcé le panégyrique[2] ; on n’y parle point non plus de saint Félix et de saint Gennade, anciens martyrs d’Usale, et loués dans le livre des miracles de saint Étienne.

Au reste, qu’il y eût pour chaque Église un calendrier particulier, c’est ce que Sozomène nous apprend par occasion au cinquième livre de son histoire, où, parlant de deux villes de la Palestine[3], il observe que, quoiqu’il n’y eût que quatre lieues de distance entre ces deux villes, qu’elles fussent soumises à une même juridiction temporelle, qu’elles eussent les mêmes magistrats, les mêmes officiers de police, en un mot les mêmes lois et les mêmes coutumes civiles, elles n’avaient cependant rien de commun pour le spirituel et pour la juridiction ecclésiastique. « Car, dit cet historien, chacune avait son évêque, son clergé, ses jours de fètes particuliers, consacrés à la mémoire de ses propres martyrs et des évêques qui l’avaient gouvernée, » et par conséquent un calendrier particulier, où ni évêque, ni martyr étranger n’était inscrit. Il est vrai que dans les Églises patriarcales on récitait, durant les saints mystères, les noms de quelques évêques des autres Églises ; mais comme cela ne se pratiquait que pour marquer la communion des Églises et des évêques, on voit assez que cela ne fait rien au sujet que nous traitons.

  1. Serm. 273.
  2. Serm. 325.
  3. Gaze ou Ascalon et Constance.