De la manière de négocier avec les souverains/XI

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Chapitre XI
DES LETTRES
DE CREANCE,
DES PLEINS POUVOIRS
ET DES
PASSEPORTS.



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LOrsqu’un Prince ou un État envoye un Negociateur vers un autre Souverain, il le çharge de lui rendre une Lettre par laquelle il le prie d’ajoûter foi à ce que ſon Ambaſſadeur ou Envoyé lui dira de ſa par & c’eſt cette Lettre qu’on appelle de creance qui établit la qualité de celui qui la rend, laquelle par cette raiſon y doit être ſpecifiée.

Il y a en France de deux ſortes de Lettres de creance, l’une qu’on apelle Lettre de cachet expediée & contreſignée par le Secretaire d’État des affaires étrangeres & qu’on nomme ailleurs Lettre de la Chancellerie, l’autre qu’on nomme Lettre de la main écrite par un des Secretaires du Cabinet & ſignée de la main du Roi, qui n’eſt point contreſignèe, on rend d’ordinaire cette derniere à la premiere Audiance particuliere qu’on a du Prince à qui elle s’adreſſe & on rend la premiere à la premiere Audiance publique.

Quand un Negociateur va de la part d’un Prince ou d’un État libre à une Asſemblée de Miniſtres dont on eſt convenu pour y traiter entr’eux au nom de leurs Maîtres ; il n’eſt point chargé de Lettes de creance & c’eſt dans le plein pouvoir qu’on lui donne, que doit être ſa qualité, en laquelle il ſe fait reconnoître par la communication qui ſe fait entre ces Miniſtres de leurs pouvoirs.

Les pleins pouvoirs ſont d’amples procurations qu’un Prince ou un État donne à un ou à pluſieurs Miniſtres pour traiter ſes affaires, par leſquels il promet d’agréer & de ratifier tout ce qu’ils auront conclu en ſon nom, outre ces termes generaux ; il faut encore que l’affaire dont il s’agit y ſoit ſpécifiée pour les autoriſer ſuffiſamment à ſigner un traité comme ſont ceux de Paix, de Treve, de Ligue, d’Alliance, de Commerce, &c.

Il y a de deux ſortes de pouvoirs, les uns partent immediatement du Souverain & les autres de celui qui a un plein pouvoir general avec faculté de ſubſtituer des Plenipotentiaires en ſon abſence, & cette maniere a ſouvent été miſe en uſage à l’égard des Miniſtres d’Eſpagne qui ſe trouvaient dans des conférences pour traiter avec d’autres Miniſtres ce que les Eſpagnols pratiquoient tant par une grandeur faſtueuſe qu’à cauſe de l’éloignement de la Cour de Madrid qui faiſoit qu’elle envoyoit d’ordinaire un plein pouvoir general au Gouverneur des Pays-bas pour les affaires du Nord, & un autre plein pouvoir au Gouverneur du Milanois pour : celles qui regardoient les Princes d’Italie, les Suiſſes & les Griſons ; ces Gouverneurs Eſpagnols députoient ſouvent des Envoyez qui étoient reconnus pour Miniſtres publics par les Princes & les Etats auſquels ils les envoyoient, & l’Ambaſſadeur d’Eſpagne qui était en Suiſſe recevoit d’ordinaire ſa commiſſion du Gouvernement du Milanois, auquel il rendait compte de ſes negociations, il y a auſſi pluſieurs Princes & Etats qui avoient des Miniſtres auprès de ces Gouverneurs Eſpagnols, & le Pape donne la qualité de Nonce Apoſtolique au Miniſtre qu’il tient auprès du Viceroi de Naples.

Les Paſſeports ſont des Lettres ſur la foi deſquelles ceux à qui elles ſont accordées peuvent & doivent paſſer en toute ſûreté par les terres des princes ou des États qui les leur ont fait expedier ; quoiqu’ils ſoient en guerre actuelle avec leurs Souverains, ils s’en accordent reciproquement pour la ſûreré des Miniſtres qu’ils envoyent pour traiter dans les lieux deſtinez aux conferences ; les qualitez de ces Miniſtres ſoit d’Ambaſſadeur ou d’Envoyé doivent alors être inſerées dans ces paſſeports qui ſont d’ordinaire remîs aux Miniſtres des Princes reconnus Mediareurs pour être envoyez aux parties intereſſées. On ne peut contrevenir à ces paſſeports ſans violer le droit des gens.