De la ligne de séparation d’ombre et de lumière, sur les filets d’une vis triangulaire

Application de la théorie des Ombres au dessin des Machines ; par M. Hachette.

Les filets d’une vis triangulaire sont terminés par deux surfaces qui ont pour génératrices la ligne droite ; on les suppose éclairés par des rayons de lumières parallèles entr’eux, et on propose de construire la ligne de séparation d’ombre et de lumière sur chacune des surfaces des filets.

La solution de ce problême dépend d’une proposition que j’ai publiée en supplément aux Leçons de Géométrie descriptive que M. Monge a données aux écoles normales en 1795), et que j’ai fait imprimer en 1799, pour l’usage de l’Ecole Polytechnique. Voici l’énoncé de cette proposition :

Une surface courbe quelconque, engendrée par une ligne droite mobile, quelles que soient d’ailleurs les directrices de cette droite, peut être touchée suivant la génératrice considérée dans une position quelconque, par une autre surface qui a aussi pour génératrice une ligne droite, et pour directrices trois autres lignes droites ; cette dernière surface, que nous nommons surface gauche du second degré, est l’hyperboloïde à une nappe, que nous avons fait connoître dans notre application de l’Algèbre à la Géométrie (page 32). Dans ce même ouvrage (page 50), j’ai donné une démonstration analytique de la proposition qu’on vient d’énoncer, et qui est importante par les nombreuses applications qu’on en fait dans les arts graphiques.

Il résulte de cette proposition que, lorsque deux surfaces réglées, c’est-à-dire sur lesquelles on peut appliquer l’arête d’une règle dans le sens de la génératrice, ont trois plans tangens communs suivant la même génératrice, elles sont tan gentes l’une à l’autre, de telle manière que le plan tangent à L’une suivant la génératrice qui leur est commune, est aussi tangent à l’autre. J’ai fait voir dans mon Cours de Coupe des Pierres, comment on pouvoit, d’après cette conséquence, raccorder les deux surfaces réglées de l’arrière voussure de Marseille.

Nous allons faire une autre application de ce théorême, pour déterminer sur la surface d’une vis à Gilets triangulaires, la ligne de séparation d’ombre et de lumière, dans l’hypothèse où les rayons de lumière sont parallèles entr’eux. J’ai fait construire cette courbe par M. Girard ; la planche ci-jointe est exécutée d’après son dessin.

La droite mobile qui engendre la surface du filet d’une vis triangulaire, passe constamment par l’axe d’un cylindre droit à basse circulaire ; elle fait avec cet axe un angle constant, et s’appuie sur une hélice tracée sur le cylindre droit ; tous les points de la droite mobile décrivent des hélices tracées sur des cylindres droits qui ont un axe commun et dont les rayons vont en décroissant jusqu’à cet axe, qui est lui-même une des helices ; or, les tangentes à ces helices menées de tous les points d’une même génératrice, appartiennent évidemment à une sur face réglée, qui touche la surface du filet suivant la droite qui leur est commune : deux quelconques de ces tangentes, et l’axe, sont les directrices de la droite qui engendre la surface tangente au filet ; de plus, toutes les tangentes aux hélices sont parallèles à un même plan ; donc la surface tangente au filet est un paraboloïde hyperbolique. (Voyez page 45 de notre application d’Algèbre à la Géométrie.)

Si on conçoit pour chaque position de la génératrice de la surface du filet, la paraboloïde tangent à cette surface, le plan mené par la génératrice parallèlement au rayon de lumière, touchera le paraboloïde et la surface du filet au même point ; donc, le point du contact sur le paraboloïde sera un des points de la ligne de séparation d’ombre et de lumière ; mais on a vu que le paraboloïde est engendré par une droite mobile qui s’appuie sur l’axe de la vis et sur les tangentes à deux hélices ; considérant cette droite mobile dans deux positions différentes, elle sera coupée par le plan parallèle au rayon de lumière en deux points ; la droite qui joint ces deux points rencontrera la génératrice commune à la surface du filet et au paraboloïde, un point qui appartiendra à la séparation d’ombre et de lumière : on en trouveroit de même tous les autres points, mais ce moyen quoique simple en théorie n’est pas d’une exécution facile, et dans la pratique on préférera la construction que nous allons indiquer.

Tous les paraboloïdes tangens à la surface du filet sont égaux entr’eux ; si on les coupe par des plans perpendiculaires à l’axe de la vis, et équidistans des points ou les génératrices du filet rencontrent à cet axe, toutes ces sections sont égales ; chacune de ces sections est une parabole. Projetant sur le plan de la parabole la portion de la génératrice du filet, comprise entre l’axe et ce plan de la parabole, la perpendiculaire élevée sur le milieu de cette projection sera la direction du grand axe de la parabole. (Fig. 1, planch. 2) et étant les projections de la génératrice, le plan de la parabole, le sommet de la parabole est sur une droite, perpendiculaire sur le milieu de  ; on construit ce point en menant par le point la tangente à l’hélice tracée sur le cylindre, qui a pour base le cercle du rayon  ; l’hélice décrite par le point de la génératrice du filet, donne le rapport de l’arc de rotation de ce point sur le cercle du rayon , à la hauteur dont il s’élève pendant qu’il décrit cet arc. Si on nomme ce rapport, et la distance DE du point où la génératrice du filet coupe l’axe de la vis au plan , sera l’expression de la sous-tangente .

Le paraboloïde tangent au filet de la vis, suivant la droite , étant coupé par le plan , suivant une parabole , un autre plan parallèle à , et placé à même distance du point , coupe le paraboloïde, suivant la même parabole  ; faisant mouvoir cette parabole en même temps que la génératrice du filet de la vis, on construira facilement la courbe de séparation d’ombre et de lumière.

Supposons le rayon de lumière fig. 2, parallèle au plan vertical de projection, et soient et la génératrice de la surface du filet ; il est évident que le point appartient à la courbe cherchée ; car le plan vertical est parallèle au rayon de lumière, et il touche la surface du filet au point  ; menant par ce point une parallèle au rayon de lumière qui coupe le plan au point , et par le point une droite quelconque , les droites seront les deux projections de la génératrice, et la parabole correspondante à cette position de la génératrice ; or, la droite coupe cette parabole au point  ; donc le plan parallèle au rayon de lumière coupe le paraboloïde tangent, suivant la droite , perpendiculaire à , donc le point ( en projection horizontale, et en projection verticale) appartient à la courbe cherchée. La génératrice continuant à tourner dans le sens , arrive dans une position , telle que la parabole , qui lui correspond, soit touchée par la droite  ; alors le point est évidemment un point de la courbe ; on construit ce point, en observant que la droite est le troisième côté d’un triangle dont on a le côté , le côté , et l’angle que fait la tangente de la parabole au point donné avec son ordonnée. est la projection verticale du point de la ligne de séparation d’ombre et de lumière, dont est la projection horizontale. La génératrice partant de la position , arrive dans la position , telle que est perpendiculaire à , et par conséquent parallèle à l’axe de la parabole correspondante à cette nouvelle position de la génératrice ; la droite ne pourra donc couper la parallèle qu’en un point infiniment éloigné, ainsi la grandeur des rayons vecteurs , , etc., croissante de en , devient infinie suivant le rayon . La branche de courbe dont est la projection horizontale, est en projection verticale. Pour continuer cette branche, il faut supposer que la génératrice qui a déjà parcouru l’arc , continue à se mouvoir dans le même sens  ; étant perpendiculaire à , le rayon vecteur du point de la courbe sur cette droite sera infini, et on trouve sur le prolongement de la surface de la vis la portion de courbe , pour le prolongement de la portion , et la branche entière a pour projection verticale . La courbe de séparation d’ombre et de lumière a une seconde branche dont on trouve les points, en faisant toujours mouvoir, la génératrice dans le même sens . Lorsque la génératrice a pour projection , la droite est tangente à la parabole qui correspond à cette position, et le point est un point de la courbe.

De la position , on arrive à la position , et le point est commun et à la première branche et à la seconde ; mais il a deux projections verticales et . Enfin, allant de en , en parcourant l’arc , on trouve sur le prolongement de la surface de la vis la portion de courbe , dont le rayon recteur suivant le prolongement de la droite est infini ; la seconde branche de la ligne cherchée a donc pour projection horizontale la courbe à nœud , et pour projection verticale .

Pour ne pas être obligé de répéter la construction de la parabole contenue dans le plan ou , on peut, comme l’a fait M. Girard, découper le papier suivant le contour de cette parabole, et transporter ce patron sur toutes les positions de la génératrice.

Conclusion.

La ligne de séparation d’ombre et de lumière sur un des filets de la surface de la vis, est formée de deux branches infinies ; deux portions de cette ligne , , existent sur la partie réelle de la surface, et les deux autres portions , , appartiennent au prolongement de cette surface.

Dans le dessin de la vis triangulaire, il faut avoir égard aux deux surfaces supérieure et inferieure du filet, et les deux branches qu’on vient de construire serviront pour l’une ou pour l’autre surface ; la surface supérieure portera ombre sur le plan horizontal, et la surface intérieure portera ombre sur les filets mêmes de la vis (Voyez une autre solution de ce problème, pag. 69 de ce volume, 2e. calier, et pag. 447, 5e. cahier.)