De la génération des vers dans le corps de l’homme (1741)/Chapitre 11

Veuve Alix ; Lambert et Durand (Tome IIp. 573-624).
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CHAPITRE XI.

Sur la maniere dont agissent les remèdes antivermineux.



De ces remedes, les uns agissent par une vertu manifeste, les autres par une vertu cachée, dont on ne peut découvrir la raison. Entre les premiers, on compte toutes les huiles, parce qu’elles bouchent les pores des Vers, & qu’il est visible que si elles tuent ces Insectes, comme elles font, c’est parce qu’en bouchant leurs pores, ou leurs trachées, dont toute leur peau est parsemée, elles empêchent ces Animaux de tirer l’air au-dedans de leur corps, ce qui les doit étouffer.

Ces trachées, comme nous l’avons remarqué plus haut, & que le remarque Mr le Clerc dans son Histoire des Vers plats, ont été observées & décrites par Mr Malpighi, dans sa Dissertation sur le Ver à soie. Ce dernier a en même temps découvert par plusieurs expériences, que l’huile étoit un poison pour les Vers. Ayant touché, dit-il, avec un pinceau trempé d’huile, les trachées de quelques Vers à soie, je les vis tomber sur le champ en convulsion, & expirer. Pour mieux m’assurer de cette propriété de l’huile, j’oignis d’huile, les trachées supérieures d’un Ver à soie, depuis la tête jusqu’au milieu du corps, & alors il devint paralytique de cette partie, remuant seulement l’autre moitié du corps, que je n’avois pas touchée d’huile. Il demeura une nuit en cet état, mais le matin il reprit son mouvement entier. Je lui donnai de la pâture, & il fabriqua sa coque. Je fis la même expérience sur d’autres Vers à soie, & la même chose arriva.

Comme j’avois frotté d’huile les parties supérieures de ces Vers, je frottai à d’autres, les parties inférieures jusqu’au même endroit, & je vis alors ces Vers à soie remuer la moitié supérieure de leur corps, sans pouvoir remuer l’inférieure, celle-ci étant devenue toute paralytique. Une circonstance bien digne de remarque, c’est que dans ceux-ci que j’avois oints d’huile par en bas, la moitié supérieure du corps tiroit l’autre à soi, au lieu que dans les premiers l’inférieure ne tiroit point la supérieure. Au reste le battement du cœur se faisoit très-rarement sentir dans les parties d’en-bas. Quelques-uns de ces Vers, après avoir demeuré deux heures ainsi perclus de la moitié inférieure de leurs corps, commencerent à manger, & se mirent à faire leur coque, qu’ils achevèrent dans le temps ordinaire. Deux d’entre eux moururent plusieurs jours après, & un autre ayant vécu long-temps au-delà, jetta sa soie, & puis mourut.

Je touchai avec de l’huile tout le côté droit de quelques autres Vers à soie, & tout le côté gauche de quelques autres : ils devinrent tous engourdis, & à peine pouvoient-ils se mouvoir lorsqu’on les excitoit. Enfin le haut de leurs corps ayant repris vigueur, car le bas étoit toujours sans mouvement, ils commencerent à manger, & acheverent leur ouvrage.

Pour avoir là-dessus un éclaircissement entier, je me contentai de leur mettre de l’huile seulement à la tête, à la queue, & au dos, sans toucher aux trachées ; il n’en mourut aucun, & rien d’extraordinaire ne leur arriva ; ce qui m’a fait conclure que s’ils mouroient lorsque leurs trachées étoient couvertes d’huile, c’est parce qu’elles ne pouvoient plus recevoir l’air, ce qui causoit une suffocation. Mais pour m’assurer davantage de la chose, j’oignis avec du beurre tous les orifices des trachées, & ces Insectes moururent sur le champ. Le même effet arriva par l’usage du lard, du suif, & autres graisses.

Le miel liquide, quand on en frotte ces Vers, les tue tout de même. Je tentai sur des Sauterelles, sur des Grillons, & sur d’autres Insectes semblables, les mêmes expériences de l’huile, du beurre, & du miel, & elles rendirent de la même maniere.

Voilà ce que rapporte Mr Malpighi ; plusieurs autres expériences de même nature ont été faites par le célébré Mr Rédi[1] sur des Vers de terre, & elles ont eu le même succès ; avec cette différence néanmoins qu’ils ont résisté un peu plus long-temps à l’huile que les Vers à soie.

Voici comme s’explique là-dessus ce sçavant Auteur. J’oignis plusieurs fois d’huile d’olive, quatre Vers de terre ; puis je les mis dans une phiole de verre, avec un peu de terre, & ils y vécurent plus de quinze jours. Je ne m’en tins pas à cette épreuve, je remplis d’huile d’olive deux autres vases de verre, dans lesquels je jettai deux gros Vers de terre bien vigoureux : Ils y devinrent vingt-quatres heures après, tout engourdis, mais ils ne laisserent pas d’y vivre. Voyant cela, je les tirai de l’huile, & les mis dans un autre vase avec de la terre fraîche ; l’un y mourut au bout de trois jours, & l’autre en vécut six, mais très-languissant. Il est donc certain, conclud Mr Rédi, que l’huile est contraire aux Vers de terre, mais qu’elle ne leur est pas un poison aussi présent qu’elle l’est aux Mouches, par exemple, aux Guêpres, aux Abeilles, aux Scorpions, aux Grillons, aux Limaces, aux Vers à soie, à toutes les sortes de Chenilles, aux Scolopendres marines, aux Sangsues, & à plusieurs autres Insectes semblables.

Au reste, ainsi que le remarque fort à propos Mr le Clerc, il faut bien distinguer d’avec l’huile d’olive toutes celles qui sont composées de particules âcres & pénétrantes ; parce que celles-là agissent moins par leur onctuosité, que par leurs particules salines, bitumineuses, qui sont très-actives. Telle est l’huile de pétrole, laquelle par les pointes de ses sels, perce tout d’un coup le corps tendre du Ver ; ensorte que si vous versez seulement deux ou trois gouttes de cette huile dans le fond d’une phiole, & que vous jettiez ensuite dans cette phiole plusieurs Vers, vous les voyez périr presque sur le champ. Toutes les huiles tirées par le feu, produisent le même effet ; telles sont par exemple, les huiles de succin, de bois & de bayes de geniévre, de coudrier, & toutes les huiles extraites d’aromates, & de plantes aromatiques.

C’est par la même cause que le sel commun, le sel gemme, & plusieurs eaux minérales, soit froides, soit chaudes, dans lesquelles regne un sel fixe, sont si contraires aux Vers. Mais il faut écouter encore là-dessus le sçavant Mr Rédi, cité fort à propos à ce sujet par le même Mr le Clerc.

Si, dit-il, l’on fait fondre dans de l’eau de fontaine, autant de sel qu’elle en peut dissoudre, & que dans cette dissolution, l’on jette des Vers de terre, ils y meurent à l’instant. Si à cette même eau salée, l’on ajoûte une égale quantité d’autre eau, où il n’y ait point de sel, les Vers qu’on y jette, y meurent en aussi peu de temps. Si l’on y ajoûte pour la troisième fois autant d’eau nouvelle, ils meurent en un quart-d’heure. Si l’on réitére une quatriéme fois, ils demeurent deux heures sans mourir. Le sel gemme, le vitriol de Chypre, l’alum, le nitre, font le même effet ; mais la dissolution de sel commun, celle de sel gemme, celle de nitre, a plus de force ; le vitriol en a un peu moins, & l’alum un peu moins encore. On voit par là, conclud Mr Rédi, pourquoi certaines eaux minérales, telles par exemple, que les eaux de Tectucium, Aquæ Tectucii, les eaux de Bagnols, del Bagnuolo, étant bues, tuent si puissamment les Vers du corps humain ; étant facile de comprendre que cette vertu leur vient du sel fixe qu’elles contiennent : sel, au reste qui les rend en même temps purgatives, ce qui est cause qu’elles chassent aussi les Vers qu’elles tuent. Ces expériences que Mr Rédi a faites sur la vertu antivermineuse des sels fixes naturels, ont porté Mr le Clerc à en faire de semblables sur la vertu des sels fixes préparés par le feu, & il a trouvé qu’ils avoient contre les Vers, la même vertu ; sur quoi il cite le sel de tartre[2]. Il a trouvé de plus que l’esprit volatil de sel de Vipére, & autres volatils semblables, ne sont pas moins efficaces contre ces Insectes.

Si l’on jette dans de l’esprit de vin, des Vers de terre, ils y meurent tout d’un coup ; ils vivent très-peu dans le vin soit rouge ou blanc, soit doux ou non ; ils ne s’accommodent pas mieux du vinaigre. Plongés dans de l’eau poivrée, ils n’ont guère qu’une quart d’heure de vie, si l’eau est bien chargée de poivre ; mais si elle l’est peu, ils y durent quelques heures selon le plus ou le moins de poivre qu’on y a mis.

Ils meurent très-vite, lorsqu’on leur jette dessus de la poudre de poivre, ou de canelle, ou de tabac ; celle de tabac leur est plus contraire. Dans le jus de limon aigre, ils vivent quelque peu de temps ; mais ce qu’il y a de surprenant, ils périssent beaucoup plutôt, dans le jus de limon doux, & dans celui d’orange de Portugal.

L’eau de vif-argent est fort contraire aux Vers, comme l’on sçait, mais comment agit-elle sur ces Insectes ? C’est ce qu’il n’est pas facile d’expliquer, non plus que la raison pourquoi le jus de limon doux & d’orange douce, leur est plus contraire que celui du limon aigre & de l’orange aigre. Que l’eau de mercure soit ennemie des Vers, voici là-dessus des expériences qui ne permettent pas d’en douter, sur-tout à l’égard des Vers de terre ; car pour ceux du corps, on ne peut pas s’en convaincre aussi certainement par les mêmes expériences ; ces Vers ne vivant pas tous aussi long-temps hors du corps, que vivent hors de terre les Vers de terre, & n’ayant pas la même vigueur. Ensorte qu’on peut les comparer en cela aux Poissons de mer, dont la plupart meurent dès qu’ils sont hors de la mer. Quoi qu’il en soit, voici les expériences qu’on peut faire sur les Vers de terre avec l’eau de mercure, & qu’a faites Mr Rédi.

Je jettai, dit-il, une grande quantité de mercure, dans une bouteille de verre pleine d’eau commune, presque bouillante ; j’y laissai le mercure infuser pendant douze heures. Après quoi, l’eau étant froide, j’y mis quatre gros Vers de terre, sans ôter le mercure, ils y vécurent vingt heures.

Je mis dans un autre vaisseau de verre une quantité beaucoup plus considérable de mercure ; ensorte que tout le fond du vaisseau en étoit couvert, puis je glissai doucement sur ce mercure un gros Ver de terre ; l’Insecte commença aussi-tôt à s’agiter avec force, rendant beaucoup d’écume & d’eau épaisse ; enfin au bout de 24. heures, il mourut en convulsion.

Ce qu’on peut dire de plus probable pour expliquer l’action du mercure sur les Vers, est qu’étant composé comme il l’est, de particules extrêmement fines & pénétrantes, ces particules fines s’accrochent avec les sucs épais & visqueux dont le Ver est composé, & y font une division, qui rompant toute la liaison des parties du Ver, ne permet plus par conséquent à l’insecte de vivre.

La raison pourquoi la plûpart des amers tuent ou chassent les Vers, est bien plus facile à rendre ; la mordacité de ces amers parle d’elle-même sur ce sujet, sans qu’il soit besoin de faire là-dessus de grands raisonnemens ; mais ils ne sont pas tous également lumbricides[3] ou lumbrifuges ; c’est ce qu’on va voir par les expériences suivantes. Je délayai, dit Mr Rédi, une assez grande quantité d’aloës dans de l’eau, pour la rendre bien amere. Je jettai dans cette eau quatre Vers de terre ; ils en parurent d’abord très-contrariés, mais ils ne laisserent pas d’y vivre assez tranquillement pendant 24. heures. L’un d’eux commença à se dépouiller de sa peau depuis la queue jusqu’au milieu du dos & du ventre ; là cette peau se renversa & se ramassa, de maniére qu’elle entoura comme un cercle tout le corps du Ver : autres vingt-quatre heures s’étant passées, je tirai de cette eau amère les Vers en question, & les mis dans un vaisseau de verre, avec un peu de terre fraîche, où j’avois mêlé quelque peu d’aloës pilé : ils vécurent plusieurs jours dans cette phiole. Je réitérai la première expérience sur autres quatre Vers de terre, & ils vécurent dans l’eau amere quatre jours entiers. Qui croira après cela, dit Mr Rédi, que l’aloës soit aussi contraire aux Vers du corps, que l’ont écrit quelques Auteurs ? Mais si ce suc, tout amer qu’il est, est si foible contre les Vers, lors même qu’il les touche, quel effet, demande le même Mr Rédi, doit-on attendre, lorsqu’on l’applique en cataplasme sur le ventre, ou qu’on y applique des amers encore moins forts, tels que les feuilles de pêcher broyées avec du vinaigre, & autres remedes semblables, si fort vantés parmi le Vulgaire. La décoction de lupins, qui est si amere, n’est pas plus ennemie des Vers ; ceux de terre qu’on y jette y vivent plusieurs jours.

Dans une forte décoction d’absynthe, ces Vers vivent quelquefois des vingt-quatre & des trente heures. Dans une infusion de pomme de coloquinte, ils vivent un peu moins, & ne passent guère quatorze heures.

Dans de l’eau où l’on a laissé tremper un jour ou deux, du semen contra, autrement dit, Barbotine, ils ne vivent guère plus de sept ou huit heures.

Dans de l’eau où l’on a fait infuser du senné ou de la rhubarbe, les Vers de terre meurent en quinze ou vingt heures.

Dans une infusion de quinquina, ils vont quelquefois jusqu’à quarante-six heures.

On voit par-là 1o. que les amers, n’ont pas tous la même vertu contre les Vers. 2o. Que ce n’est pas précisément à leur amertume qu’il faut attribuer cette propriété, puisque l’aloës beaucoup plus amer que le semen contra, leur est cependant moins contraire, que le semen contra. On dira peut-être que la force de ce dernier, vient de son odeur, qui est fort pénétrante ; au lieu que celle de l’aloës est fort foible : mais l’absynthe, qui n’a pas moins d’amertume que le semen contra, & qui n’a pas non plus une odeur moins sensible, est cependant, comme le remarque Mr Rédi, moins bonne contre les Vers, que le semen contra. Bien plus, le trifolium fibrinum, qui n’a presque point d’odeur, & qui est très-amer, épargne beaucoup moins les Vers de terre, que ne fait le semen contra, ni l’absynthe. C’est de quoi s’est convaincu Mr Rédi par plusieurs expériences, en jettant dans une forte décoction de cette herbe même desséchée, un certain nombre de Vers de terre ; car ils y sont tous morts en deux, trois, ou au plus vingt-quatre heures, & cela après de violentes convulsions, & un dépouillement entier de leur peau, en sorte qu’ils paroissoient tout écorchés.

La racine d’énula campana, qui a beaucoup d’odeur, & encore plus d’amertume, est si contraire aux Vers dont il s’agit, que dans une décoction de cette racine, ils meurent en quatre ou cinq heures de temps, & se dépouillent tout de même de leur peau. Ces sortes d’amers agissent donc violemment contre les Vers. Il faut avouer cependant, que dans d’autres amers absolument dénués d’odeur, on ne trouve pas la même propriété ; c’est dequoi Mr Rédi s’est aussi convaincu par plusieurs expériences.

La petite centaurée, qu’à cause de son extrême amertume, quelques Auteurs ont appellée Fiel de terre, n’a pas plus de force sur les Vers en question, que l’aloës dont nous avons parlé. Car si on en met quelques-uns dans une décoction de cette plante, on les y trouve encore vivans trois jours après, quoique cependant peu après qu’on les y a jettés, leur peau se sépare presque toute, comme Mr Rédi a observé qu’elle se sépare dans l’infusion d’aloës. Cette Observation est de Mr le Clerc[4].

Si les amers en tant qu’amers, sont si différens entre eux, par rapport à leur vertu anthelmintique, ceux qui se distinguent particulierement par leur odeur, soit qu’à cette odeur il y ait peu d’amertume mêlée, ou qu’il y en ait beaucoup, ne sont pas moins différens entre eux, par rapport à la même vertu contre les Vers. Nous avons là-dessus, parlé de l’absynthe & du semen contra, qui sont de ce genre ; quant aux autres amers[5], qui comme ceux-là, frappent fortement l’odorat, les personnes qui ont lu Dioscoride, & les autres anciens Auteurs, sçavent combien la menthe, qui est du nombre de ces amers odorans, est recommandée contre les Vers. Mais sa vertu en cela est telle, qu’on peut seulement la comparer à celle de l’absynthe ; car si dans une décoction de feuilles de menthe desséchées, l’on jette des Vers de terre, ils y vivent environ vingt heures. La même chose arrive dans une décoction de feuilles séches d’auronne, soit mâle ou femelle : la décoction de fleurs de camomille, a une vertu semblable ; mais de toutes les herbes de ce genre, la tanaisie est celle qui a le plus de vertu contre les Vers, aussi-bien que le marrube blanc & la matricaire, dont la décoction, lors même qu’elle est faite de ces herbes seches, tue les Vers de terre en cinq ou six heures, après les avoir auparavant dépouillés de leur peau.

Le scordium desséché perd son odeur, & la décoction de cette herbe ainsi desséchée, & sans odeur, ne produit aucun effet sur les Vers, si ce n’est qu’elle les dépouille de leur peau.

La décoction de rhue fraîche tue les Vers en cinq ou six heures. Cette herbe cependant perd toute son odeur, en même temps la plus grande partie de son amertume par l’ébullition. La même perte lui arrive par le desséchement ; en quoi elle differe bien du marrube blanc, & de la tanaisie, qui étant secs, ne laissent pas de conserver toute leur amertume, & toute leur odeur.

Il sembleroit par tout ce qui a été dit ci-dessus, que les feuilles de sabine qui ont une odeur & une amertume très-considérable que la décoction ne leur ôte point, devroient avoir une grande force contre les Vers ; cependant les Vers de terre jettés dans l’eau où cette herbe broyée toute fraîche a bouilli, y vivent environ douze heures[6].

On peut mettre au rang des amers propres contre les Vers, la décoction de caffé ; les Vers de terre y vivent cependant environ vingt-quatre heures, mais auparavant ils y quittent leur peau, & deviennent mols & flasques, comme tous les autres dont il a été fait mention jusqu’ici.

Quoique l’infusion de thé ne soit pas amère, nous suivrons ici l’exemple de Mr le Cler, qui croit en devoir parler à l’occasion du caffé ; les Vers de terre y vivent quinze à vingt heures, quelque forte que soit l’infusion, mais ils n’y quittent point leur peau comme dans la décoction de caffé ; ils y deviennent seulement très-lisses & très-resplendissans ; ils y prennent de plus comme une couleur d’amétiste[7], & au lieu de tomber mols & flasques au fond du vaisseau, ils acquierent au contraire plus de dureté ; d’où il est à juger, selon Mr le Clerc, qu’aux particules détersives du thé, sont jointes des particules astringentes qui resserrent les trachées de l’Insecte, & les empêchant de recevoir l’air, le font mourir faute de respiration.

La décoction de fœnu-grec a beaucoup d’amertume & d’odeur ; elle fait mourir en douze heures au plus tard les Vers de terre qu’on y jette, & les rend mols & flasques. La graine de cette plante bouillie dans de l’eau, rend la décoction mucilagineuse ; mais ce mucilage n’est pas fort contraire aux Vers, & généralement parlant, on peut dire que les liqueurs mucilagineuses ne nuisent pas beaucoup d’elles-mêmes aux Vers de terre, & c’est ce qu’a éprouvé Mr le Clerc par diverses expériences qu’il a faites à ce sujet, & dont nous aurons plus bas occasion de parler, aussi-bien que de plusieurs que Mr Rédi a faites sur la coraline, qui est si amere, & d’une odeur si pénétrante.

Tous ces amers sont plus ou moins contraires aux Vers, selon qu’ils abondent plus ou moins en particules abstersives, autrement dites savonneuses, lesquelles dépendent d’un sel fixe mêlé dans une matière grasse & sulphureuse.

Quant à l’ail, dont la saveur âcre semble plus pencher du côté de l’acide, que de celui de l’amer, & dont l’odeur fétide, peut être regardée comme la peste du nez : voici comme s’en explique M. Rédi.

Je fis frotter d’ail tout le dedans d’un pot de terre, & jetter au fond du vaisseau les morceaux d’ail qui étoient restés, puis je mis dans ce pot, six Vers de terre, dont trois étoient fort gros, & trois plus petits. Sitôt qu’ils y furent, ils parurent frappés de l’odeur & de l’attouchement de l’ail, puis ils devinrent engourdis. Je les couvris alors de bonne terre, où j’avais mêlé plusieurs morceaux d’ail bien broyés & écrasés. Je les tirai de là vingt jours après tout vivans ; il y a apparence qu’ils auroient vécu encore un grand nombre de jours, si je les avois laissés dans le vase, car ils étoient très-vifs.

On voit par cette expérience, que l’ail n’est pas si contraire aux Vers de terre, qu’on se l’imagineroit d’abord ; & que si on leur laisse de la terre qui est leur nourriture, ils éludent par le moyen de cette terre, les coups mortels que l’ail leur pourroit porter ; en quoi ils ressemblent, dit Mr le Clerc, à ce Géant Antéé, fils de la Terre, qui attaqué par Hercule, reprenoit les forces sitôt qu’il touchoit la terre ; c’est la comparaison de Mr le Clerc. Il conclud de-là, que c’est se tromper, de croire qu’en frottant avec de l’ail le nombril des enfans qui ont des Vers, on les guérit de cette maladie ; mais cette conséquence ne doit pas être regardée comme bien certaine, les Vers de terre & les Vers du corps étant de différente nature ; en sorte que ce qui est peu contraire aux Vers de terre, peut bien l’être davantage aux Vers du corps, qui sont plus foibles & plus tendres ; joint à cela que l’ail appliquée sur le nombril, fait faire aux muscles du bas-ventre, des mouvemens qui peuvent beaucoup aider l’action de l’ail pour chasser les Vers.

Quoi qu’il en soit, pour bien s’assurer de la force ou de la foiblesse de l’ail contre les Vers de terre, il faut faire bouillir légèrement quelques gousses d’ail dans de l’eau, & quand la décoction est froide, y plonger deux ou trois de ces Vers, on verra qu’ils y vivent plusieurs heures, les uns plus, les autres moins. Mais selon une expérience que rapporte là-dessus Mr le Clerc, & qu’il a faite, ils y vivent environ six heures, & demeurent roides après la mort.

Dans la décoction de racines de bistorte pulvérisées, ils vivent environ vingt-quatre heures, & dans celle de racine de tormentille, aussi pulvérisée, ils vont jusqu’à trente heures. Mais, soit dans l’une, soit dans l’autre, ils se durcissent & se roidissent en mourant, ce que Mr le Clerc attribue avec raison, à la qualité astringente de ces racines[8].

On voit aisément pourquoi les choses huileuses, salées, âcres, acides, astringentes, tuent les Vers ; mais on ne conçoit pas de même d’où vient que les choses douces, telles que le miel, le sucre, & autres semblables, produisent cet effet, & le produisent même plus efficacement que la plupart des amers.

Ayant délayé du miel d’Espagne dans un peu d’eau, dit Mr Rédi, & dans cette eau miellée, ayant jetté quatre Vers, je les y ai vu mourir tous quatre en moins d’un quart d’heure. J’ai réitéré l’expérience un grand nombre d’autres fois, & je l’ai vu réussir de même pour l’espace de temps. L’eau sucrée produit le même effet, comme le remarque cet Auteur ; il conclud de-là, qu’au lieu de tourmenter les enfans comme l’on fait, par des remedes amers qui les révoltent, il vaudrait bien mieux leur donner du miel, du sucre, & autres choses semblables, qu’ils avaleroient avec plaisir, & qui les délivreroient plus surement de leurs Vers. Nous avons touché cet Article p. 465. on y peut recourir.

Mr Rédi conseille de même contre les Vers des enfans, les sucs qui se tirent des fruits doux ; il faut l’entendre sur ce sujet.

Je pris, dit-il, des raisins que j’avois fait suspendre depuis longtemps au plancher, & qui étoient très-doux ; j’en exprimai le jus, & dans ce jus je jettai quelques Vers ; je les y vis mourir en une demi-heure, & ils devinrent durs & secs. « Croyons après cela, ajoûte-t’il, que les fruits doux, produisent des Vers dans le corps des enfans ! bien loin de-là : Si l’on mâche des pommes, des poires, des abricots, des pêches, que l’on tire de sa bouche ce qui aura été ainsi mâché, & que dans cette bouillie, on mette des Vers vivans, j’atteste qu’on les y verra mourir en peu de temps ».

Comme ces expériences ne regardent que les Vers de terre, & que ces Vers sont d’une nature différente de celle des Vers du corps, Mr Rédi ne s’en est pas tenu aux épreuves que nous venons de rapporter. Il en a faites sur les Vers du corps, & voici ce que ces dernieres nous apprennent.

Si l’on prend des Vers récemment sortis du corps, qu’on les mette dans un lieu où il n’y ait point d’humidité, ils y meurent en peu de temps ; mais si on les met dans de l’eau, & de l’eau qui soit bien pure, ils y vivent des soixante, & quelquefois des soixante & dix heures. Nous rappellerons sur cela ce que nous avons rapporté ci-devant, au sujet de ce Ver qui fut rendu par une Pensionnaire de l’Assomption, lequel vécut pendant près d’un mois dans une cuvette d’eau sur une fenêtre, c’est bien plus que de vivre soixante & dix heures.

Dans l’eau où l’on a mêlé de la terre sigillée, qui passe pour être si contraire aux Vers du corps, ils vivent environ ce nombre d’heures. Dans celle où l’on a mêlé de la coraline, qui passe tout de même pour être un si bon remede contre les Vers, ils vivent jusqu’à des six & sept jours ; & dans l’eau où l’on a dissout de l’aloës, ils ne passent guère trente heures.

La poudre de corne de Cerf mise dans de l’eau, ne fait rien à ces Vers, non plus que celle de l’ongle de pied d’Elan, ni celle d’yvoire ; le Bézoar, soit Occidental, soit Oriental, est également inutile contre ces Vers ; mais ils meurent promptement dans l’eau salée, & plus promptement encore dans l’eau-de-vie, ce qui arrive de même aux Vers de terre, avec cette différence, que les Vers du corps résistent plus à l’action des médicamens, que ne font les Vers de terre ; ce qui paroîtroit incroyable, si des expériences, certaines & constantes n’en étoient la preuve ; vu qu’il est certain aussi par l’expérience, que les Vers de terre, ont un mouvement plus fort, sont plus vigoureux & plus agiles, & que les Vers sortis du corps, sont au contraire lents, engourdis, & presque sans action, en comparaison de ceux qu’on tire de terre.

Nous avons remarqué que ces Vers sortis de terre, mouroient promptement dans le vin ; il n’en est pas de même des Vers sortis du corps : Mr Rédi observe qu’ils vivent dans le vin, les uns vingt-quatre heures, les autres quarante, les autres soixante, plus ou moins.

Mais il y a ici une circonstance à examiner, qui est que les Vers sortis du corps, viennent d’un lieu où ils ont pu s’accoûtumer au vin, y ayant peu de personnes qui n’en boivent ; au lieu que les Vers de terre, n’ont que l’eau & la terre pour nourriture.

Il faudroit pour pouvoir raisonner juste là-dessus, mettre dans un verre de vin, des Vers rendus par de petits enfans, & dans un autre verre de vin, des Vers rendus par des personnes qui bussent du vin, on verroit alors lesquels de ces Vers vivroient plus long-temps dans la liqueur dont il s’agit ; & encore ne faudroit-il pas s’en tenir à une seule expérience, il faudroit réitérer la chose plusieurs fois.

Les Vers ronds & longs du corps humain, vivent au plus dix heures dans l’eau rose, dans celle de fleurs d’orange, dans celle de myrte, mais les ronds & courts, qui sont les Ascarides, y meurent sur le champ.

Dans l’eau sucrée en consistance de julep, les Vers du corps vivent environ trois heures, ou au plus, quatre ; c’est ce que Mr Rédi assure avoir éprouvé un grand nombre de fois. Au reste quand on fait les expériences dont nous avons parlé jusqu’ici, il faut prendre garde de noyer les Vers dans les liqueurs où on les jette ; car alors, comme ils ne peuvent manquer d’y étouffer par la trop grande abondance de la liqueur qui les couvre, on n’a pas lieu d’attribuer leur mort à la qualité de la liqueur, & tout ce qu’on peut juger, c’est que ces Vers étouffent plûtôt les uns que les autres dans les liqueurs où on les noye ; ce qui ne sert de rien pour se régler dans le choix des remedes qu’on doit employer contre les Vers ; ces remedes ne se prenant pas, & ne devant pas non plus se prendre dans la quantité qu’il faudroit pour noyer ces Vers dans le corps.

Quoi qu’il en soit, comme il y a très-peu de différence entre l’effet que certains médicamens produisent sur les Vers de terre, & celui que ces mêmes médicamens produisent sur les Vers du corps, nonobstant la différence qu’il y a entre la structure intérieure des Vers de terre, & celle des Vers du corps ; on peut sans erreur, regarder en général comme contraire aux Vers du corps, ce qui est contraire aux Vers de terre. La différence qu’il peut y avoir là-dessus, consistant en peu de chose.

L’eau où l’on a fait bouillir de la guimauve, est bonne contre les Vers ; mais comme elle agit foiblement, (car si dans cette décoction on met des Vers de terre, ils y vivent quelquefois jusqu’à trente & trente-six heures) il est bon d’y mêler du vin ; la guimauve en acquiert alors plus de force : on peut même faire infuser la guimauve dans du vin pur, elle sera alors un puissant remede contre les Vers. Ce que je dis de la guimauve, se doit entendre aussi de la mauve ; & ce vin de mauve aura pour le moins autant de vertu, que celui de malvoisie.

Quelques Critiques, faute de sçavoir, & je puis dire même, faute de soupçonner que la mauve fût bonne contre les Vers, se sont à ce sujet répandus en déclamations contre moi, après s’être instruits par l’errata de la première édition de mon Livre, qu’au lieu de vin de mauve, qui s’y étoit glissé par erreur d’impression, il falloit lire vin de malvoisie ; ne s’imaginant pas que le vin préparé avec la mauve, pût être en fait de contre-Vers, l’équivalent du vin de malvoisie ; en sorte qu’ils ont cru que la faute en question, dont ils ne se sont instruits que dans mon errata, choquoit non-seulement la Grammaire, mais la Médecine. Au reste, c’est une voye bien facile pour critiquer les livres, de visiter les errata, d’exposer ensuite les fautes qu’on y a vues, & de faire semblant de ne les y avoir pas vues.

On prépare un excellent vin de mauve contre les Vers avec la graine de cette plante : on fait bouillir légèrement la graine dans du vin rouge, & on donne quelques cuillerées de ce vin. Il a outre cela la propriété d’être bon contre les nausées, & contre un nombre considérable de maladies. Les Anciens ont regardé la mauve comme un remede presque universel[9], ce qui est cause qu’ils l’ont appellée, Omni-morbie.

Dans la décoction de polypode, les Vers de terre ne vivent guère plus de huit ou neuf heures. Dans celle de sébestes, ils vivent aussi très-peu ; & voici là-dessus une expérience de Mr le Clerc. Je mis, dit-il, dans une livre d’eau bouillante, trois onces de sébestes avec les noyaux, dont j’avois seulement détaché la pulpe ; je laissai réduire la décoction à moitié, puis l’ayant laissé refroidir, j’en pris une suffisante quantité, où je jettai quelques Vers de terre, ils y moururent environ six heures après.

Je fis ensuite une semblable décoction, mais plus forte, & dans la colature quand elle fut froide, je jettai cinq Vers ; ils n’y vécurent pas au plus, quatre heures.

Dans une forte infusion de réguelisse, fraîchement tirée de terre, ils vivent plusieurs jours, & tout autant que si c’étoit dans de l’eau simple, avec cette différence que dans la décoction dont il s’agit, toute leur peau s’enleve. Mais dans la décoction de réguelisse seche, ils ne vivent guère au-delà de quinze ou seize heures, quelquefois cependant ils vont jusqu’à vingt heures, mais c’est tout le plus ; leur peau se détache de même de dessus tout leur corps.

Nous avons souvent parlé jusqu’ici de cette séparation de peau ; mais une réfléxion que nous n’avons point encore faite là-dessus, non plus que Mr le Clerc, & qui paroît assez importante, c’est que certaines pellicules que rendent dans leurs déjections la plupart de ceux qui ont des Vers, pourroient bien venir de ce que les Vers du corps, par l’action de certains remedes sur ces Vers se dépouilleroient de leur peau, comme se dépouillent de la leur, les Vers de terre : la chose paroît assez vraisemblable, & quand on voit de ces pellicules & espèces de membranes dans les déjections, il n’y a pas d’apparence que ce fût se tromper, de les regarder comme des signes certains de Vers.

Mais en fait de réguelisse, il n’y a rien de plus contraire aux Vers de terre, que la poudre de cette racine. Elle les tue en un quart d’heure lorsqu’on en asperse leur corps. On pourroit croire que cet effet viendroit de ce que la poudre en question bouche les pores de leurs corps, & empêche par ce moyen, l’air d’entrer dans les trachées ; mais voici une expérience de Mr le Clerc, laquelle ôte tout lieu de le penser. Il prit de la poudre de bouis extrêmement fine, il en couvrit toute la superficie du corps de quelques Vers, & ces Vers bien loin de mourir en un quart d’heure, vécurent les uns six heures, les autres sept ; d’où il faut conclure que la cause pourquoi la réguelisse en poudre jettée sur ces Vers, a tant de vertu, est autre que le bouchement des pores.

Si l’on demande pourquoi le miel, le sucre, la réguelisse, la mauve, le polypode, & autres choses douces, dont les particules qui s’en détachent sur la langue, picotent & ébranlent vivement les papilles nerveuses de cet organe, sont contraires aux Vers ; je réponds avec Mr le Clerc, que cela provient d’un sel particulier, renfermé dans les substances dont il s’agit, lequel s’introduit par les pointes dans le corps tendre & délicat des Vers, & y produit des déchiremens.

Le sucre, par exemple, qui est si doux, n’est autre chose, qu’un suc épaissi qu’on peut regarder comme le sel essentiel de la plante d’où on le tire, & comme très-peu différent du suc que les Abeilles tirent des fleurs. Or, le miel, ainsi qu’on sçait, est une substance saline sulphureuse, qui fermente aisément, qui fournit un esprit ardent, ce qu’on découvre de même dans le sucre. Quant à la réguelisse, on y sent au milieu de sa douceur dominante, une saveur détersive, qui ne peut procéder que d’un principe salin & oléagineux, dont les particules venant à se répandre sur les Vers, dérangent nécessairement la tissure de leur corps.

Cette propriété de la réguelisse est sur-tout indiquée par une amertume secrette qui s’y dévelope, lorsque la racine est seche.

La mauve ou guimauve a tout de même, des particules abstersives très-propres à déranger la tissure tendre & délicate du corps des Vers. Mais le polypode l’emporte en cela sur la mauve & sur la réguelisse ; aussi renferme-t’il dans sa douceur, une amertume assez sensible.

Le sucre étoit inconnu aux Anciens. Aldrovandus passe pour le premier des Modernes, qui l’ait recommandé contre les Vers[10].

Il n’y a guère de maladies contre lesquelles la Médecine se soit mise plus en peine de chercher des remedes, que contre ces Insectes. Il est étonnant à quel nombre on a fait monter les remedes dont il s’agit : c’est ce qui se va voir par la liste suivante[11].


Liste des Remedes contre les Vers.



Ces remedes se tirent ou des plantes, ou des Animaux, ou des minéraux. Les uns & les autres sont ou simples, ou composés. Les simples que fournissent les plantes sont ou racines, ou feuilles, ou fleurs, ou fruits, ou suc de ces fruits, ou graines, ou bois, ou écorces, ou gommes, ou résines, ou gommes-résines, ou huiles : nous les allons exposer par ordre.


REMEDES ANTIVERMINEUX
tirés des Racines.

Racines de
Ache.
Acorus.
Ail.
Androsæmum.
Angélique.
Anthora.
Aristoloche.
Arum.
Asphodele.
Azarum.
Barbe de bouc.
Bistorte.
Brione.
Racines de
Calamus aromatique.
Carline.
Chicorée sauvage.
Contra-yerva.
Croisette.
Cyclamen.
Daucus de Crete.
Enula-campana.
Esule.
Fougere femelle.
Fraxinelle.
Fumeterre.
Galanga.
Garance.
Gentiane.
Gingembre.
Gramen.
Gratiole.
Hyssope.
Ieble.
Impératoire.
Ipecacuanha.
Iris.
Méchoacan.
Murier.
Oignon.
Ozeille.
Patience.
Petasites.
Polypode.
Porreau.
Prime-verre.
Pyretre.
Raifort.
Réponce.
Romarin.
Sanicle.
Scorsonaire.
Scrophulaire.
Souchet.
Succise.
Terre-mérite.
Tormentille.


REMEDES ANTIVERMINEUX
qui se tirent des feuilles.

Feuilles de
Absynthe.
Agripaume. cuite dans de l’huile d’absynthe, & appliqué sur le nombril.
Alliaria.
Apiastrum.
Armoise.
Arnoglosse.
Artichaux.
Auricula muris.
Aurone, mâle.
Bete blanche.
Bétoine
Feuilles de
Betule, dont on fait un extrait.
Buglosse.
Buis, dont on fait un extrait & une huile.
Calamenthe.
Calega.
Cataputia Cataria.
Chamœdris.
Chamœpitis.
Chardon benit
Chicorée sauvage.
Conisa.
Coralline.
Feuilles de
Costus hortensis.
Cresson.
Dent de Lion.
Estragon.
Eupatoire.
Fumeterre.
Garance.
Gingembre.
Gui.
Héliotrope.
Hyssope.
Iéble.
Joubarbe.
Laitue sauvage.
Lavende.
Laurier.
Linaire.
Marjolaine.
Marrube.
Matricaire.
Melisse.
Menthe.
Mercuriale.
Millepertuis.
Myrthe.
Noyer.
Origan.
Ortie.
Persicaire.
Pêcher.
Plantain.
Polium montanum.
Pouliot.
Pourpier.
Reine des prés.
Rue.
Sabine.
Sariette.
Scabieuse.
Scordium.
Seneçon.
Senné.
Tabac.
Tanaisie.
Thym.
Trefle.
Vervéne.


REMEDES ANTIVERMINEUX
qui se tirent des Fleurs.

Fleurs de
Camomille.
Centaurée. (petite)
Houblon.
Jacinthe.
Fleurs de
Mille Pertuis.
Oranges.
Pêcher.
Safran.


REMEDES ANTIVERMINEUX
qui se tirent des fruits

Fruits de
Amandes douces.
Amandes ameres.
Amande de Pêche.
Citrons.
Coins.
Coloquinte.
Concombre sauvage.
Dattes.
Epine vinette.
Figues seches.
Gérofles.
Grénades.
Mures ordinaires,
Fruits de
celles de buisson.
Myrobolans.
Noisettes.
Olives & leur huile.
Oranges aigres & douces.
Pignons.
Pistaches.
Poivre.
Prunes sauvages.
Raisins & leur vin.
Sebestes.
Tamarins.


REMEDES ANTIVERMINEUX
qui se tirent des graines.

Graines de
Ache.
Ammi.
Anet.
Arroche.
Basilic.
Chanvre.
Chou.
Citron.
Concombre.
Coriandre.
Graines de
Courge.
Cresson.
Cubebes.
Cumin.
Epine vinette.
Eupatoire.
Fenouil.
Fœnugrec.
Galega.
Genest.
Geniévre.
Herbes aux poux.
Herbes aux puces.
Houblon, la cendre de son sarment bue dans du lait.
Laurier.
Lin.
Lupin.
Maniguette.
Mauve & Guimauve.
Melon.
Mille-pertuis.
Moutarde.
Myrthe.
Navet.
Orange.
Ortie.
Ozeille.
Persil.
Plantain.
Pois rouges, en décoction.
Porreau.
Pourpier.
Queuë de pourceau.
Ricin, son huile mise sur le nombril & sur l’estomac, tue les vers.
Roquette.
Rue.
Santoline.
Seigle, en décoction.
Sumac.
Tanaisie.
Vesse, en décoction.


REMEDES ANTIVERMINEUX
tirés des bois & écorces.

Bois, écorces.
Aloës.
Caprier, écorce de sa racine.
Chêne.
Citronier.
Coulevrée.
Frêne.
Genevrier.
Grenadier.
Guaïac.
Lierre,en décoct. dans du lait, son écorce.
Bois, écorces.
Oranger.
Picea.
Quinquina, sa moyenne écorce.
Santal.
Sapin, ses branches tendres, & son écorce, en décoction
Sassafras.
Tremble, son écorce
moyenne
.
Turbith.


REMEDES ANTIVERMINEUX
qui se tirent des Gommes, des Resines, & des gommes-resines.

Gommes et Resines,
Acacia.
Aloës.
Ammoniac.
Assa fœtida, à deux ou trois grains, dissouts dans de l’eau.
Baumes, tous les baumes naturels.
Bdellium.
Camphre.
Cedria, resine.
Gommes et Resines
Cerisier, gomme.
Euphorbe, gomme resineuse.
Genièvre, gomme.
Lierre, gomme.
Mastich.
Myrrhe.
Scammonée.
Suye de cheminée.
Térébenthine.


REMEDES ANTIVERMINEUX
tirés des huiles.

Huiles de
Amandes douces &
ameres
.
Buis.
Genièvre, tirée des
bayes.
Huiles de
Noix.
Noyaux de pêche.
Ricin.
Succin.
Thym.

Fin des Remedes antivermineux, tirés des plantes.

REMEDES ANTIVERMINEUX
composés, qui se tirent des plantes.

Remedes composés, qui se tirent des plantes principalement.

Confection hamech.
Diacurthami.
Diaphenix.
Diascordium.
Diaturbith, cum Rhaharbaro.
Elixir de propriété.
Hiere picre.
Opiat de salomon.
Orviétan.
Philonium.
Syrop de chicorée, comp. de Rh.
Syrop de fleur de Pêcher.
Thériaque.
Vin d’absynthe.


REMEDES ANTIVERMINEUX
tirés des animaux.

Beure frais.
Bézoard.
Castoreum.
Corne de cerf.
Fiel de Bœuf.
Fiente de chevre séchée.
Graisse d’oye.
Ivoire râpée.
Miel.
Ongle d’élan.
Poudre de vipéres.


REMEDES ANTIVERMINEUX
tirés des minéraux.

Bol d’Armenie.
Corail.
Eau de chaux.
Limaille de fer.
Pétrole.
Sel.
Souphre.
Vitriol, sur tout le blanc.


MEDICAMENS ANTIVERMINEUX
composés, qui se tirent des minéraux.

Eau où l’on a jetté de l’étaim & du Plomb fondus.
Saphran de mars.
Tartre stybié.


RÉFLÉXIONS-PRATIQUES
sur la quantité extraordinaire des remedes contre les vers.



Nous venons de donner une grande liste de remedes ; mais cette liste demande beaucoup de choix. Voici sur cela quelques réfléxions.

La coralline est un des plus puissans & des plus innocens remedes qui s’offrent dans la liste dont il s’agit. Brassavolus, Mathiole, Mercurial, & les plus fameux Auteurs de Médecine, regardent avec raison, cette herbe comme une des plus souveraines contre les Vers, ainsi que le remarque Mr le Clerc[12]. Mathiole[13] parle d’un petit enfant, qui pour avoir pris une dragme de coralline, rendit jusqu’à cent Vers ; & Brassavolus fait mention d’un vieillard de 82. ans[14], réduit à l’extrémité, lequel rendit cinq cens Vers par l’effet d’un médicament composé de scordium & de coralline.

Mr Rédi dit, qu’ayant mis quatre Vers dans une forte infusion de coralline, ils y vécurent jusqu’à six jours ; d’où il conclud que la vertu de cette herbe n’est pas aussi souveraine contre les Vers qu’on se l’imagine. Mr le Clerc fait à cela une réponse qui paroît bien juste, sçavoir, que la coralline en poudre & prise en substance, peut avoir beaucoup plus de vertu contre les Vers, qu’étant prise en infusion, ou en décoction ; aussi les Auteurs qui conseillent cette herbe contre les Vers, ne conseillent jamais de la prendre en infusion, mais toujours en substance. En effet, comme l’observe le même Mr le Clerc, & que nous l’avons aussi observé ailleurs dans ce Livre page 463. il y a une grande différence entre les dissolvans de l’estomac, & l’eau commune ; celle-ci ne peut tirer qu’une légére teinture des mixtes, au lieu que la liqueur stomachale agit sur les principes les plus intimes de ces mixtes & les sépare. Les principes de la coralline ainsi détachés, & rendus à eux-mêmes, sont portés du ventricule dans tout le conduit intestinal, où ils ne peuvent manquer de contrarier les Vers qu’ils rencontrent, ces principes étant dégagés de tout ce qui pourroit retarder leur action.

Le semen contra, & autres simples d’une amertume & d’une odeur très forte, sont d’une nature différente de celle de la coralline ; leur décoction ou infusion agit autant que si on les prenoit en substance, parce que l’amertume dont ils sont remplis, & l’odeur qu’ils répandent, qui est ce qui les rend contraires aux Vers, se communiquent facilement aux liqueurs où on les fait infuser ou bouillir.

La tanaisie tient le premier rang après la coralline, ce qui lui a fait donner avec raison, comme à la Coralline, le nom d’Herbe aux Vers.

La rhue, le marrube blanc, l’énula campana, approchent de la vertu de ces herbes, aussi bien que les autres amers dont les noms sont rapportés dans la liste précédente ; ce qui leur vient de leur qualité amere.

Quant aux médicamens doux & huileux, nous avons suffisamment marqué plus haut, d’où vient qu’ils sont contraires aux Vers ; c’est pourquoi nous n’en dirons rien davantage ici, non plus que de ceux qui sont âcres, acides, ou salés, dont nous avons fait voir que les pointes s’insinuoient aisément dans le corps tendre des Vers, & en dérangeoient la tissure.

Mais il y en a d’autres dans le catalogue ci-devant, qui ne paroissent agir contre les Vers par aucune qualité manifeste. De ce genre est le pourpier, qui étant presque insipide, ne semble pas devoir être fort contraire aux Vers, & qui cependant est un des remedes les plus efficaces contre ces Insectes ; ce qui lui vient des particules de mercure qu’il contient, comme nous l’avons remarqué plus haut page 518. où nous renvoyons.

Cette herbe cependant renferme quelque chose d’austere, qui pourroit bien aussi contribuer à sa qualité antivermineuse.

Le gramen, ou chiendent n’a non plus aucune saveur marquée, & cependant il ne laisse pas d’être contraire aux Vers ; son eau même distillée est fort bonne contre ces Insectes. Elle les fait mourir quand on les en arrose ; ce que ne font pas bien des eaux amères.

Nous passons pour la briéveté, plusieurs autres plantes marquées, dans le catalogue ci-dessus, & nous venons aux remedes tirés des Animaux.

Ces remedes sont en petit nombre ; car nous en excluons la poudre de Vers desséchés, soit de Vers de terre, ou de Vers sortis du corps ; cette poudre, comme nous en avons averti page 445. ne pouvant introduire que des semences de Vers dans le corps. Nous en excluons les cornes & les os tant de Cerf, que des autres Animaux, comme d’un fort petit secours, à moins que ces cornes & ces os ne soient brûlés ; ce qui les rend un peu plus propres contre les Vers, mais assez cependant, pour qu’on doive les mettre au rang de véritables remedes antivermineux ; quoique l’action du feu leur ait donné un peu de pointe & d’âcreté.

Nous en excluons les cantharides, comme capables de produire dans les viscéres des érosions très-dangereuses, & de nuire encore plus aux Malades qu’aux Vers.

Le castoreum est presque le seul des remedes tirés des Animaux, qui puisse être employé utilement contre les Vers.

Quant aux minéraux, le mercure est un bon remede contre les Vers ; on en fait bouillir une certaine quantité dans de l’eau, & on donne à boire cette eau ; mais il faut le faire bouillir long-temps, & en mettre beaucoup ; sans quoi, cette décoction n’a pas beaucoup de vertu.

Il faut au reste prendre garde de donner de cette eau de mercure aux enfans ; nous en avons dit la ration dans le Chapitre des remedes qu’il faut éviter, nous y renvoyons.

Le mercure doux, autrement dit, aquila alba, est bon aussi contre les Vers ; mais il faut y apporter des précautions ; nous les avons marquées dans le même Chapitre, nous y renvoyons tout de même, c’est page 444.

Les médicamens qui évacuent, fournissent un grand nombre de remedes contre les Vers, mais il faut bien de la prudence pour choisir ceux qui conviennent. Il y en a de dangereux, tels que sont parmi les plantes, l’hellebore, l’épurge, la coloquinte, le concombre sauvage, l’ésule, l’euphorbe, la gratiole, le ricin, &c.

Tous les violens évacuans, soit par haut, sort par bas, tant ceux qui sont tirés des plantes, que ceux qui sont tirés des minéraux, doivent être évités ici, de peur qu’en voulant tuer les Vers, on ne tue les Malades mêmes. Mais pour les évacuans doux & modérés, tels que le senné, la rhubarbe, le syrop de fleurs de pêcher, celui de rose, celui de chicorée composé de rhubarbe, & autres remedes semblables, on peut s’en servir sans crainte, pourvu qu’on n’excede pas dans les doses.

Il y a des remedes évacuant si forts & si vifs, qu’ils produisent même leur effet, étant seulement appliqués sur le ventre : tels sont la bryone, le concombre sauvage, la gratiole, l’iris, le cyclamen, ou pain de pourceau, l’épurge, l’ieble, la lauréole, l’euphorbe, la coloquinte, le ricin.

On fait avec ces remedes diverses sortes d’onguens, & entre autres celui de Atharnita, qui étant mis sur le ventre, purge abondamment ; mais ces purgatifs extérieurs qui paroissent d’ailleurs si commodes, en épargnant la peine de rien prendre par la bouche, sont très-dangereux, & on ne sçauroit trop approuver ce que dit là-dessus Jacques Sylvius, qui, en parlant de ce dernier, dit que c’est un remède peu sur pour les tempéramens qui ne sont pas extrêmement robustes. Parum tutum nisi in robusto corpore. Mais ce qu’il y a encore de fâcheux dans ces remedes, c’est 1o. qu’ils causent quelquefois des superpurgations, comme l’observe Mr le Clerc ; 2o. qu’ils causent souvent de rudes tranchées, de violens tenesmes sans évacuer aucune matiere ; ainsi il vaut mieux s’en tenir aux purgatifs doux qui se prennent par la bouche.

Il y a d’autres remedes, qui, appliqués sur le ventre, ne causent aucun accident, & qui chassent les Vers ; ceux-la se peuvent employer en toute occasion, & à l’égard de tous les tempéramens ; telles sont toutes les espéces d’absynthe & de menthe, la tanaisie, l’aurone, la rue, les feuilles d’artichaud, l’ail, l’oignon, le fiel de bœuf, la suye de cheminée, le souphre, le sel ammoniac, la myrrhe, l’assa fœtida, les huiles de pétrole, de coudrier, de genièvre, le vinaigre, l’esprit de vin.


  1. De gli animali viventi negli animali viventi.
  2. Quod autem de salibus fixis naturalibus observavit vir celeberrimus, comperi & ipse salia fixa vi ignis parata sal tartari puta, adhibens.
  3. Lumbricides, c’est-à-dire, qui tuent les Vers. Lumbrifuges, c’est-à-dire, qui les chassent.
  4. Daniel. Clerici Historia, lator. lumbr. Cap. XV.
  5. Daniel. Cler. ibid.
  6. Daniel. Cleric. ibid.
  7. Daniel. Cleric. ibid.
  8. Daniel. Cleric. ibid.
  9. Mathiol. Comment. in Lib. secundum Dioscoridis, Cap. CXI.

    Semen malvæ ex vino rubro potum nauseam tollit. Malva ad multa utilis est, ideoque non immeritò antiqui malvam omni-morbiam appellarunt.

  10. Aldrov. de Insect. Lib. VI. Dan. Cleric. Histor. Lat. Lumbr. Cap. XV.
  11. Dan. Cleric. Hist. lator. Lumbric.
  12. Daniel. Cleric. Historia Lator.
  13. Mathiol. in simplic. examine.
  14. Brassav. in simplic. examine.