De la baguette divinatoire/Partie 4/Chapitre 6

CHAPITRE VI.

APPLICATION DU PRINCIPE DU PENDULE EXPLORATEUR AU MOUVEMENT DES TABLES FRAPPANTES OU PARLANTES.

264.J’ai fait remarquer, en parlant des tables frappantes (IIIe partie), qu’un grand nombre des questions auxquelles elles répondent, dit-on, sont absolument semblables à celles que citent les pères Ménestrier et Lebrun dans des ouvrages datés de 1694 et de 1702, comme ayant été adressées à la baguette divinatoire, et j’ai fait remarquer, de plus, que l’analogie des questions se retrouve dans les réponses.

Or, parce que je ne doute pas que la cause du mouvement du pendule explorateur intervienne dans le mouvement de la baguette interrogée avec l’intention de connaître des choses du domaine du monde moral concernant un passé plus ou moins éloigné, le présent et l’avenir, je crois que, parmi les faits dont j’ai parlé, il en est qui se rapportent à des hommes de bonne foi, conformément à ce que j’ai dit de mes expériences sur le pendule explorateur.

Par le même motif, des faits analogues découlant de la même cause peuvent, selon moi, se manifester quand on interroge, non plus une baguette, mais une table ; une table non isolée, mais qu’on touche avec une émotion qu’il faut avoir éprouvée soi-même pour la connaître, et savoir les illusions auxquelles se laisse aller l’esprit qui, affranchi de l’observation du monde visible, passe à la contemplation exclusive du monde invisible.

265.Lorsqu’une table répond aux questions qu’on lui adresse, c’est donc par l’intermédiaire d’une personne. Or, que cette personne soit de bonne foi, et les réponses auront, en général, les rapports les plus intimes avec l’esprit, les sentiments, les connaissances de cette personne ; en un mot, il y aura une parfaite harmonie entre les réponses et la personnalité. Or, cette remarque est absolument applicable aux cas que j’ai cités des réponses d’une baguette aux questions qu’on lui adresse.

266.Je me résume, en disant que mon principe peut trouver son application aussi bien pour les tables frappantes que pour la baguette employée comme moyen de divination, et je dis, en conséquence, que la faculté de faire frapper une table d’un pied ou d’un autre[1] une fois acquise, ainsi que la foi en l’intelligence de cette table, je conçois comment une question adressée à la table éveille en la personne qui agit sur elle, sans qu’elle s’en rende compte, une pensée dont la conséquence est le mouvement musculaire capable de faire frapper un des pieds de la table conformément au sens de la réponse qui paraît la plus vraisemblable à cette personne.

267.Voilà ce qui me parait vraisemblable dans le phénomène des tables frappantes ; mais eu égard aux réserves faites précédemment (24, 51, 176, 183), je dis, quelle que soit à mes yeux cette vraisemblance, que je ne la présente pas comme la vérité, et avec l’assurance que j’ai mise à exposer la théorie des phénomènes du pendule explorateur, déduite de mes expériences et de mes observations personnelles.

Que l’on ait recours à des esprits pour faire tourner des tables, compter les bougies ou les lampes d’un salon et des pièces de monnaie ; pour leur demander les heures, le jour du mois, l’âge des personnes, la conduite à tenir ou le parti à prendre dans une circonstance donnée, le régime le plus favorable à un malade ; qu’on les consulte sur les sciences, les arts, la politique, l’économie des sociétés et la théologie ce sont des choses hors de notre domaine que je dois m’abstenir de discuter.

Mais, comme ami de la vérité et de l’humanité, j’adjure les hommes de bonne foi qui se croient la puissance d’agir sur les esprits, d’user de leur influence autrement qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici. Au lieu de questions oiseuses sur des choses qu’on sait et qui témoignent du peu d’estime que l’interrogateur a pour l’intelligence de l’esprit auquel il s’adresse ; au lieu de questions dictées par l’égoïsme le plus naïf dans l’intérêt de l’individu, proposez des questions vraiment dignes de ces intelligences qui, délivrées des infirmités d’un corps matériel, obéissent à votre voix ; demandez-leur les moyens d’échapper au choléra, à la fièvre jaune, et quand vous aurez obtenu des réponses vraies à ces hautes questions, vous pourrez alors exalter avec raison la sublimité de votre science et montrer la vanité de la philosophie naturelle.


  1. Ayant entendu parler de l’impossibilité qu’une table à plusieurs pieds lève indifféremment un d’entre eux, lorsque les mains d’une personne restent appliquées à une même place ou à peu près, je déclare qu’une jeune dame, fort adroite à faire tourner les tables et douée d’un assez bon sens pour croire qu’elle les fait tourner sans recourir à un autre esprit que le sien, m’a rendu témoin de ce fait, qu’on m’avait dit être impossible.