De la baguette divinatoire/Avertissement

AVERTISSEMENT.


J’ai toujours eu peu de disposition à composer des écrits de circonstance ; aussi dois-je dire au lecteur les motifs qui m’ont engagé à faire le livre que je publie aujourd’hui. J’adressai, il y a plus de vingt ans, une Lettre à mon ami M. Ampère, sur une classe particulière de mouvements musculaires, que nous exécutons sans en avoir la conscience[1], et je cherchai dès lors à montrer la généralité de la cause à laquelle je rattachais ces mouvements. Il m’a semblé que les savants avaient donné peu d’attention aux opinions énoncées dans cette Lettre, jusqu’en 1853, que des journaux français et étrangers la reproduisirent avec l’intention de combattre le merveilleux que certaines personnes attribuaient aux tables dites tournantes.

L’approbation donnée à mes vues ayant éveillé la critique de personnes tout à fait étrangères à la méthode expérimentale, quelque honorables qu’elles puissent être d’ailleurs, j’ai repris le sujet de ma Lettre pour le développer plus que je ne l’avais fait d’abord, et y ajouter de nouvelles preuves à l’appui des interprétations de mes anciennes expériences. Les développements dans lesquels je vais entrer ont deux origines différentes ; les uns, puisés à l’histoire de l’esprit humain, sont du domaine de l’érudition, et il appartient à la critique de les coordonner ; les autres, fruits de mes observations et de mes expériences, sont originaux et du ressort de la philosophie naturelle. Cet ouvrage tire donc de la diversité des deux sources où les matières qui le composent ont été puisées, le double caractère d’une œuvre d’érudition et d’une œuvre originale.

Certes, si, depuis dix ans, je n’avais pas acquis la conviction qu’une histoire de la chimie exige de son auteur une étude assez approfondie des sciences occultes, étude à laquelle je me suis livré pour composer des Considérations sur l’histoire de la Chimie et de l’Alchimie, dont le premier volume paraîtra bientôt, l’œuvre d’érudition du livre que je publie aujourd’hui eût été de ma part impossible à composer. D’un autre côté, si les différents points que j’ai passés en revue, dans ma Lettre à M. Ampère, eussent cessé un jour d’occuper ma pensée, je serais incapable de publier l’ensemble des recherches originales que renferme ce livre ; conséquemment, il ne peut avoir rien de commun avec les écrits de circonstance.

Enfin, il ne s’adresse point aux auteurs des critiques dont mes opinions, publiées en 1833, furent l’objet en 1853 ; la distance qui sépare nos manières de voir respectives étant trop grande pour qu’une discussion ait la moindre utilité. Mais, convaincu de la vérité de la thèse que je soutiens, je la présente avec de nouveaux arguments à l’appui, espérant de mettre à même de la juger les esprits qui n’ont de prévention ni contre elle, ni contre la méthode à laquelle les sciences du domaine de la philosophie naturelle doivent les progrès qu’elles ont faits depuis trois siècles environ.



  1. Revue des Deux-Mondes, livraison de mai 1833.