De la Génération et de la Corruption/Livre I/Chapitre V

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CHAPITRE V


Théorie de l’accroissement ; ses différences avec la production et l’altération, soit dans le sujet de l’accroissement, soit dans la manière dont l’accroissement se produit ; déplacement insensible de l’objet accru. Difficulté de comprendre d’où vient l’accroissement dans les corps ; toutes les parties du corps s’accroissent à la fois. Conditions essentielles de l’accroissement, au nombre de trois. Comparaison de l’accroissement et de l’altération. — Théorie nouvelle de l’accroissement ; distinction de l’acte et de la puissance ; il faut que la puissance se réalise pour qu’il y ait accroissement ; rapport de l’élément nouveau qui fait croître le corps, au corps qui est accru.


§ 1.[1] Nous avons encore à parler de l’accroissement, et à dire en quoi l’accroissement diffère de la production et de l’altération, et comment les choses qui s’accroissent peuvent croître, et les choses qui diminuent, diminuer.

§ 2.[2] Il faut donc examiner d’abord si la différence de ces phénomènes, les uns aux autres, consiste uniquement dans le sujet auquel ils se rapportent. Un changement qui se fait de tel être à tel autre être, et par exemple, de la substance en simple puissance à la substance en réalité, en entéléchie, est-il une production, une génération ? Le changement qui a lieu en grandeur, est-il accroissement et diminution ? Ou enfin, celui qui a lieu en qualité est-il une altération ? Mais les deux derniers phénomènes dont on vient de parler, ne sont-ils pas toujours des changements de choses qui, de la puissance, passent à la réalité, à l’entéléchie ? Ou bien aussi, n’est-ce pas le mode du changement qui diffère ? Ainsi l’objet qui est altéré, non plus que l’objet qui naît et devient ne paraissent pas nécessairement devoir changer de lieu. Mais ce qui croit, et ce qui décroît ; doit en changer, tout en en changeant autrement que l’objet qui se meut dans l’espace.

§ 3.[3] Car l’objet mu dans l’espace change tout entier de place, tandis que ce qui s’accroît ne change que comme une chose qui glisse et s’étend ; le sujet demeurant en place, ses parties seules changent de lieu. Mais ce n’est pas comme celles de la sphère, tournant sur elle même ; car celles-là changent de place le corps tout entier ; la sphère demeurant dans le même lieu. Au contraire, les parties de l’objet qui s’accroît tiennent toujours de plus en plus de place, de même que celles de l’objet qui décroît en tiennent de moins en moins.

§ 4.[4] On le voit donc : le changement dans un objet qui naît, dans celui qui s’altère et dans celui qui s’accroît, diffère non pas seulement par l’objet qui subit le changement, mais aussi par la manière dont le changement se fait. Mais quant à l’objet propre auquel s’applique le changement de l’accroissement et du décroissement, croître et décroître paraissant ne s’appliquer qu’à une grandeur, comment doit-on concevoir qu’il s’accroît ? Doit-on comprendre qu’il se forme, dans ce cas, corps et grandeur réelle de ce qui n’est corps et grandeur qu’en simple puissance, et qui en réalité, en entéléchie, n’a ni corps ni grandeur véritable ? Mais cette explication même peut se prendre en un double sens ; et l’on peut, encore se demander de laquelle des deux façons l’accroissement doit avoir lieu. Vient-il de la matière qui serait isolée et séparée en elle-même ? Ou vient-il de la matière qui serait dans un autre corps ? Mais ces deux manières de comprendre l’accroissement, ne sont-elles pas également impossibles ? Si en effet la matière de l’accroissement est isolée, ou elle n’occupera aucune portion de l’espace, ou elle sera comme un point, ou bien elle ne sera que du vide ; et ce sera un corps non-perceptible à nos sens. Dans l’une de ces deux suppositions, elle ne peut pas être ; et dans l’autre, elle doit exister nécessairement dans un lieu ; car ce qui en provient doit toujours être quelque part, de telle sorte que ce corps y est aussi, ou par lui-même, ou indirectement.

§ 5.[5] Mais si l’on suppose que la matière est dans un corps, et qu’elle y soit séparée, de manière qu’elle ne fasse point partie de ce corps, ni par elle-même, ni par accident, il résultera de cette hypothèse une foule d’impossibilités manifestes. Je m’explique : par exemple, s’il se forme de l’air, venant de l’eau, ce ne sera pas parce que l’eau change, mais parce que la matière de l’air sera renfermée dans l’eau, qui le produit, comme dans une espèce de vase ; car rien n’empêche que les matières ne soient en nombre infini, de façon qu’elles puissent aussi se produire en réalité et en entéléchie. Il faut ajouter de plus que ce n’est pas même ainsi que l’air paraît venir de l’eau, comme s’il sortait d’un corps qui resterait toujours ce qu’il était. Il vaut donc mieux supposer que la matière est inséparable dans tous les corps, une et identique, numériquement parlant, bien qu’elle ne soit pas une et identique au point de vue de la raison.

§ 6.[6] C’est par les mêmes motifs qu’il ne faut pas supposer que la matière du corps n’est que des points ou des lignes ; car la matière est précisément ce dont les points et les lignes sont les extrémités ; elle ne peut jamais exister sans quelque propriété, ni sans forme. Ainsi donc, une chose vient toujours d’une autre chose absolument, ainsi qu’on l’a déjà dit ailleurs ; et elle vient d’une chose qui existe en réalité, en entéléchie, soit de même genre, soit de même forme. Par exemple, le feu est produit par le feu ; l’homme est produit par l’homme ; c’est-à-dire par une réalité, une entéléchie ; car le dur ne peut venir de la simple qualité de dur ; la matière est la matière d’une substance corporelle, c’est-à-dire d’un corps spécial et déterminé, puisque le corps ne peut jamais être quelque chose de commun. Elle est la même, soit pour la grandeur, soit pour la propriété de cette grandeur, séparable aux yeux de la raison, mais non séparable dans l’espace, à moins qu’on ne suppose que les propriétés puissent être séparées des corps qui les possèdent.

§ 7.[7] Il est donc évident, d’après cette discussion, que l’accroissement dans les choses n’est pas un changement qui viendrait d’une grandeur en simple puissance, mais sans aucune dimension en réalité, en entéléchie ; car alors la qualité commune serait séparable ; et l’on a dit, anté rieurement ailleurs, que c’était là une chose impossible. De plus, un changement de ce genre s’applique spécialement, non pas à l’accroissement, mais à la production ; car l’accroissement n’est que le développement d’une grandeur préexistante, de même que la diminution n’est que son amoindrissement. Voilà pourquoi il faut que l’objet qui s’accroît ait d’abord une certaine grandeur. Par conséquent, il ne se peut pas que l’accroissement, qui passe à l’entéléchie de la grandeur, vienne d’une matière dénuée de toute grandeur ; car ce serait là bien plutôt une production, et ce ne serait pas un véritable accroissement.

§ 8.[8] Il est donc préférable de reprendre cette étude entière, comme si nous en étions tout à fait au début, et de rechercher quelles peuvent être les causes de l’accroissement et de la diminution des choses, après avoir constaté ce qu’on entend par s’accroître ou diminuer. Dans un objet qui croit, il semble donc que toutes les parties, sans exception, s’accroissent. De même, dans la diminution, toutes les parties de l’objet semblent devenir de plus en plus petites. De plus, l’accroissement paraît avoir lieu, parce que quelque chose se joint au corps ; et le décroissement, parce que quelque chose en sort. Mais l’accroissement ne peut se faire nécessairement que par quelque chose qui est incorporel ou corporel. Si c’est par l’incorporel, alors la partie commune serait séparable ; or il est impossible qu’il y ait une matière séparée de toute grandeur, ainsi qu’on vient de le dire. Si c’est par quelque chose de corporel que l’accroissement a lieu, il en résulte alors qu’il y aura deux corps dans un seul et même lieu, à savoir celui qui s’accroît et celui qui fait croître. Or c’est là encore une impossibilité.

§ 9.[9] On ne peut pas même dire que l’accroissement et la diminution des choses puissent avoir lieu de la même façon que quand, par exemple, l’air vient de l’eau, puisque alors le volume de l’air est devenu plus considérable. Ce n’est donc plus là un simple accroissement de l’eau ; c’est la production d’un corps nouveau, dans lequel le premier corps a changé ; et c’est la destruction de son contraire. Ce n’est là l’accroissement ni de l’un ni de l’autre. Mais, ou ce n’est même l’accroissement de rien, ou bien c’est l’accroissement de ce qui est commun aux deux objets, celui qui est produit, aussi bien que celui qui est détruit ; et cette partie commune est un corps aussi. L’eau non plus que l’air ne s’est pas accrue ; seulement l’un a disparu et péri, tandis que l’autre s’est produit ; et il faut qu’il y ait un corps, puis qu’il y a eu accroissement.

§ 10.[10] Mais il y a là encore une impossibilité nouvelle ; car il faut rationnellement conserver les conditions indispensables sans lesquelles on ne peut concevoir le corps qui s’accroît, ou celui qui diminue. Or, il y en a trois : l’une, c’est que toute partie quelconque devient plus grande dais une grandeur qui s’accroît : par exemple, si c’est de la chair, une partie quelconque de la chair s’accroît. La seconde condition, c’est que l’accroissement a lieu par une certaine adjonction au corps ; et troisièmement enfin, il faut tout à la fois que l’objet s’accroisse et qu’il persiste. En effet, lorsqu’une chose se produit ou disparaît absolument, elle ne persiste point ; mais quand elle subit une altération, ou un accroissement, ou une réduction, cette chose, tout en étant accrue ou altérée, demeure et subsiste la même. Ici, c’est la qualité de la chose qui seule cesse d’être la même ; là, c’est la grandeur même qui ne reste pas identique. Si donc l’accroissement était bien ce qu’on a prétendu, la chose accrue pourrait alors s’accroître sans que rien vînt s’y adjoindre, ni que cette chose persistât, de même qu’elle pourrait dépérir, sans que rien en sortît, et sans que la chose accrue subsistât davantage. Mais il faut absolument conserver ces conditions, puisqu’on a supposé que c’était là, en effet, l’accroissement.

§ 11.[11] On pourrait encore demander : Qu’est-ce qui s’accroît précisément ? Est-ce le corps auquel vient s’ajouter quelque chose ? Par exemple, lorsque telle cause fait accroître la cuisse dans le corps d’un homme, est-ce bien la cuisse elle-même qui devient plus grosse ? Et pourquoi ce qui fait grossir la cuisse, c’est-à-dire la nourriture, ne s’accroit-il pas aussi ? Pourquoi donc, en effet, les deux ne s’accroissent-ils pas à la fois ? Car ce qui s’accroît et ce qui accroît sont plus grands ; comme en mêlant de l’eau et du vin, la quantité de l’un et de l’autre devient plus grande également. Ne peut-on pas dire que cela tient à ce que, dans un cas, la substance demeure et subsiste, tandis que la substance, et c’est ici la substance de la nourriture, disparaît dans l’autre cas ? Ici encore c’est l’élément dominant, qui donne son nom au mélange, comme quand on dit que le mélange est du vin, parce que le mélange entier fera l’effet de vin et non pas d’eau.

§ 12.[12] Il en est de même aussi pour l’altération. Si, par exemple, la chair subsiste et reste toujours ce qu’elle est, et s’il survient à la chair une qualité essentielle qui n’y était pas antérieurement, la chair alors a été simplement altérée. Mais parfois, ce qui altère la chose, ou ne souffre rien lui-même dans sa propre substance, qui n’a pas été altérée ; ou quelquefois il est altéré aussi. Mais ce qui altère, ainsi que le principe du mouvement, est dans l’objet accru et dans l’objet altéré ; car c’est en eux que se trouve le principe moteur. Or il se peut aussi que ce qui entre dans le corps y devienne plus grand, en même temps que le corps qui le reçoit et en profite ; par exemple, si l’élément qui entre y devient de l’air. Mais en souffrant cette transformation, il est détruit ; et le principe moteur n’est plus en lui.

§ 13.[13] Après avoir suffisamment exposé ces difficultés, il faut essayer de découvrir la solution de ce problème, en admettant toujours les conditions suivantes : que l’accroissement n’est possible qu’autant que le corps accru demeure. et persiste, et que rien ne peut s’accroître sans que quelque chose ne vienne s’y ajouter, ni diminuer sans que quelque chose n’en sorte ; que de plus tout point sensible quelconque du corps accru ou diminué est devenu ou plus grand ou plus petit ; que le corps n’est pas vide ; que deux corps ne peuvent jamais être dans le même lieu ; et enfin que le corps où l’accroissement se produit, ne peut pas s’accroître par de l’incorporel.

§ 14.[14] Nous arriverons à la solution cherchée, en admettant d’abord que les corps à parties non-similaires peuvent s’accroître, parce que ce sont les corps à parties similaires qui s’accroissent ; car les premiers ne sont composés que des seconds. Il faut ensuite remarquer que, quand on parle de la chair et de l’os, et de toute autre partie analogue des corps, ceci peut se prendre en un double sens, comme pour toutes les autres choses qui ont leur espèce et leur forme dans la matière ; car la matière et la forme sont également appelées de la chair et de l’os. Dire que toute partie quelconque d’un corps s’accroît, et que quelque élément nouveau vient s’y adjoindre, c’est là une assertion qui est possible selon la forme ; mais elle ne l’est pas selon la matière. Il faut penser qu’il en est ici comme lorsqu’on mesure de l’eau avec une mesure qui reste la même ; l’eau qui survient est autre, et toujours autre. C’est également ainsi que s’accroît la matière de la chair, et il n’y a pas addition à toute partie quelconque ; mais telle partie s’écoule et telle autre s’agrège ; et l’adjonction n’a lieu qu’à toute partie quelconque de la figure et de l’espèce.

§15.[15] Mais pour les corps composés de parties non-similaires, par exemple, pour la main, il est plus évident que tout s’accroît d’une manière proportionnelle ; car, dans ce cas, la matière de l’espèce étant différente, elle est plus facile à distinguer que pour la chair et pour les corps à parties similaires. Voilà pourquoi, même sur un mort, il semble qu’on reconnaîtrait encore de la chair et des os plus aisément qu’on n’y retrouve la main et le bras. Ainsi, en un sens on peut dire que toute partie quelconque de la chair s’accroît ; et en un autre sens, on ne peut pas dire que toute partie s’accroisse. Selon la forme, il s’est joint quelque chose à toute partie quelconque, mais non pas suivant la matière. Cependant le tout est devenu plus grand, parce que quelque chose est venu s’y ajouter, qu’on appelle la nourriture et qu’on appelle aussi le contraire. Mais ce quelque chose ne fait que changer dans la même espèce ; comme par exemple, lorsque l’humide vient s’adjoindre au sec, et qu’en s’adjoignant, il change en devenant sec lui-même. En effet, il se peut tout à la fois que le semblable s’accroisse par le semblable, et, dans un autre sens, que ce soit par le dissemblable.

§ 16.[16] On pourrait encore demander ce que doit être exactement la chose qui produit l’accroissement. Il est clair que ce nouvel élément doit être le corps en puissance. Par exemple, si c’est de la chair qu’il accroît, il doit être chair en puissance, tout en étant en réalité et en entéléchie une autre chose ; et cette autre chose a dû se détruire pour devenir de la chair. Ainsi donc, elle n’est pas en soi ce qu’elle devient ; car alors il y aurait production et non pas simple accroissement. Mais la chose qui s’accroît est précisément dans celle-là. Qu’a donc éprouvé le corps par cet élément nouveau, pour qu’il se soit ainsi accru ? A-t-il subi un mélange, comme lorsqu’on verse de l’eau dans du vin, de manière à ce que le mélange entier puisse faire encore du vin ? Ou bien, de même que le feu brûle quand il touche quelque chose de combustible, de même dans le corps qui s’accroît et qui, en réalité et en entéléchie, est de la chair, la substance intérieure, qui a la force d’accroître, fait-elle de la chair réelle et en entéléchie de la chair en puissance qui s’est approchée d’elle ? Il faut donc que cet élément nouveau coexiste et soit avec l’autre ; car s’il était à part, ce serait une production réelle. C’est ainsi que l’on peut faire du feu avec du feu, qui existe préalablement, en jetant du bois dessus ; de cette façon, ce n’est bien qu’un accroissement, tandis que, quand les bois eux-mêmes viennent à brûler, il y a production véritable.

§17.[17] Mais la quantité, prise dans son sens universel, ne se produit pas plus ici que ne pourrait se produire l’animal, lequel ne serait ni homme, ni aucun animal particulier. De fait, il en est ici de la quantité, comme là il en est de l’universel. Ainsi donc, la chair et l’os nu la main, ou les nerfs et les parties similaires de ces organes, s’accroissent, parce qu’une certaine quantité de matière vient sans doute s’y ajouter, mais sans que cette matière soit une quantité appréciable de chair. En tant donc que l’élément nouveau est l’un et l’autre en puissance, et par exemple une certaine quantité de chair, en ce sens, cet élément accroit le corps ; car il faut qu’il devienne de la chair, et de la chair en une certaine quantité. Mais c’est en tant seulement qu’il est de la chair, que l’élément ajouté peut nourrir le corps. C’est par là que, rationnellement, la nourriture et l’accroissement diffèrent l’un de l’autre. Voilà aussi pourquoi le corps est nourri tout le temps qu’il vit et dure, et même qu’il dépérit ; mais il ne s’ accroît pas sans cesse. Au fond, la nutrition est identique et se confond avec l’accroissement ; mais leur être est différent. Ainsi donc, en tant que l’élément qui vient s’ajouter est en puissance, une certaine quantité de chair peut accroître la chair ; mais c’est seulement en tant qu’il est chair en puissance, qu’il peut être nourriture.

§ 18.[18] Cette forme, ou cette espèce sans matière est dans la matière, comme une puissance immatérielle ; mais s’il vient s’ajouter au corps quelque matière qui, en puissance, est immatérielle, tout en ayant aussi en puissance la quantité ces corps immatériels seront alors plus grands. Mais si cette matière ajoutée en arrive à ne pouvoir plus rien produire, et si, de même que l’eau en se mêlant de plus en plus au vin arrive à le rendre de plus en plus aqueux, et à le convertir enfin tout à fait en eau, alors elle pourra amener la destruction de la quantité ; mais la forme et l’espèce n’en demeureront pas moins.

  1. Ch. V, § 1. De l’accroissement, sous-entendu : « et de la diminution, » qui est le contraire de l’accroissement, de même qu’il a parlé de la destruction après la production. Il n’y a pas de terme opposé à l’altération, parce qu’elle peut avoir lieu dans les deux sens. La fin du § prouve d’ailleurs qu’Aristote entend traiter de la diminution aussi bien que de l’accroissement.
  2. § 2. Dans le sujet auquel ils se rapportent, l’expression est un peu vague, comme celle du texte. On pourrait traduire aussi : « Dans le sujet où ils se passent. » - De la substance en simple puissance, de la substance qui n’est pas, à la substance réelle et existante actuellement, de même qu’un animal sort d’un animal qui le procrée. — Est-il une production, une génération, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui a lieu en grandeur, dans un sens ou dans l’autre. — Les deux derniers phénomènes, j’ai ajouté le mot de Derniers, pour que la pensée fût plus claire. — A la réalité, à l’entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; des deux mots que j’ai mis, l’un n’est que la traduction de l’autre. — Qui diffère, de la production et de l’altération à l’accroissement et à la diminution. — Naît et devient, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Doit en changer, en tenant plus ou moins de place, selon qu’il s’accroît ou qu’il diminue. — Qui se meut dans l’espace, ou « qui éprouve une translation. »
  3. § 3. — Tout entier de place, les commentateurs distinguent ici deux nuances : ou le corps se déplace dans sa totalité, passant d’un lieu à un autre ; ou ce sont ses parties qui changent de place, comme celles d’une sphère, qui tournerait sur elle-même, sans changer de place, ainsi qu’il est dit un peu plus bas. — Qui glisse et s’étend, il n’y a qu’un seul mot dans le texte, qui n’est pas aussi précis. — Ses parties seules, j’ai ajouté ce dernier mot. — Tournant sur elle-même, voir la Physique, Livre VIII, ch. 14, § 1, page 554 de ma traduction. — Tout entier, de la sphère, j’ai ajouté les trois derniers mots. — De plus en plus de place, sans changer précisément de lieu.
  4. § 4. Dans un objet qui naît qui s’altère,…. qui s’accroît, ce sont les trois espèces de changement possibles. — Par la manière dont le changement se fait, ainsi qu’il a été expliqué dans le § précédant. — Quant à l’objet propre, j’ai ajouté ce dernier mot. — Qu’il s’accroît, j’ai ajouté ces mots, qui m’ont paru indispensables pour compléter la pensée. Mais il faudrait peut-être ajouter encore : « Et décroît, » ainsi que l’ont fait plusieurs commentateurs. — En réalité, en entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Véritable, j’ai ajouté ces mots. — Peut se prendre en un double sens, cette analyse est peut-être poussée un peu trop loin ; et elle doit sembler un peu subtile. — Isolée et séparée, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. On ne voit pas bien d’ailleurs comment la matière peut être isolée et séparée, sans former un corps. — De comprendre l’accroissement, j’ai ajouté ces mots, pour compléter la pensée. — Aucune portion de l’espace, ou « aucun lieu. » - Elle ne peut pas être, le texte n’est pas aussi formel. — Quelque sorte, même observation. — Ce qui en provient, l’expression est bien vague ; mais celle du texte ne l’est pas moins. — De telle sorte que ce corps, ou plutôt « cette matière » isolée, d’où le corps réel devra sortir. — Ou indirectement, le texte dit précisément. « Ou par accident. » Il faut toujours se rappeler qu’il s’agit ici de la matière de l’accroissement, et non de la matière en général.
  5. § 5. Dans un corps, l’expression du texte est indéterminée, et dit seulement : « dans quelque chose. » On doit sous-entendre, d’ailleurs, que la matière est dans un corps qui s’accroît, comme le prouve l’exemple qui suit, où l’air se forme en sortant de l’eau. — Parce que l’eau change, ce qui est l’explication vulgaire et toute naturelle. — Comme dans une espèce de vase, d’où elle n’a plus qu’à sortir toute faite, sans avoir à subir de modification nouvelle. — Les matières, qui peuvent produire l’accroissement. — En nombre infini, ou simplement : « infinies, » comme le dit le texte. — En réalité, et en entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le grec. — Que l’air paraît venir de l’eau, c’est-à-dire, qu’il y a un changement réel de l’eau en air, et que l’air ne sort pas tout à fait de l’eau. — Que la matière, de l’accroissement, sous-entendu. — Dans tous les corps, peut-être vaudrait-il mieux restreindre la pensée et dire : « dans les deux corps dont il vient d’être question. » - Numériquement parlant… Au point de vue de la raison, distinctions habituelles dans Aristote.
  6. § 6. N’est que des points ou des lignes, ce qui la réduirait à n’avoir pas plus de réalité que les êtres mathématiques. — Les extrémités, les points étant les extrémités de la ligne, les lignes étant les extrémités des surfaces. — Sans quelque propriété, qui la rende perceptible à nos sens et en fasse un corps réel. — Ni sans forme, encore plus facile à percevoir qu’une simple propriété. — Une chose, ou « un être ». — Ainsi qu’on l’a dit ailleurs, Philopon renvoie au Ier livre de la Physique, où, selon lui, ce sujet a été traité. On peut voir, en effet, une discussion analogue dans la Physique, livre I, ch. 8, § 9, page 478 de ma traduction. — En réalité, en entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — De même forme, ou « de même espèce. » - De la simple qualité de dur, le texte n’est pas aussi formel. La dureté appartient à un corps réel ; et par elle-même, elle ne peut rien produire. — Quelque chose de commun, comme les Idées Platoniciennes, qui sont communes à tous les êtres qui en participent. — A moins qu’on ne suppose, comme Aristote prétend que le fait Platon, dans sa théorie des Idées. — Les propriétés, ou affections.
  7. § 7. D’une grandeur en simple puissance, voir, plus haut, la fin du § 2. — La qualité commune, Philopon atteste qu’il y avait ici une variante, et que, par le changement d’une seule lettre, quelques manuscrits donnaient : « le vide, » au lieu de : « la qualité commune ». Philopon essaie de justifier les deux leçons ; celle que j’ai conservée me paraît bien préférable. « La qualité commune » doit s’entendre ici dans le sens d’Idées. L’autre leçon pourrait s’appuyer aussi sur la fin § suivant. — Ailleurs, Philopon indique le IVe livre de la Physique ; je n’ai pas retrouvé de passage applicable dans le IVe livre ; mais il y en a un de ce genre dans le 1er livre, ch. 5, § 12, page 460 de ma traduction. — Un changement de ce genre, c’est-à-dire, qui passerait de la puissance à l’acte, de la simple possibilité à l’existence réelle. Ce serait en effet une production et non un accroissement ; la chose naîtrait ; elle ne se développerait pas. — D’abord, j’ai ajouté ce mot, qui complète la pensée. — A l’entéléchie de la grandeur, c’est-à-dire, qui pousse la grandeur de l’objet aussi loin qu’elle peut aller, dans l’ordre naturel des choses. — Bien plutôt une production, répétition de ce qui vient d’être dit un peu plus haut.
  8. § 8. Il est donc préférable, il semble que la discussion a été assez sérieuse, jusqu’à présent, pour qu’il n’y ait pas à la recommencer, et qu’il suffise de la poursuivre. — Après avoir constaté ce qu’on entend, le texte n’est pas tout à fait aussi formel ; mais la traduction que je donne s’appuie sur le commentaire de Philopon. — Il semble donc, cette tournure confirme l’interprétation indiquée par le commentateur grec, pour le § précédent. — La partie commune, voir plus haut, § 7, et plus loin, § 9.« La partie commune » ne peut signifier ici que la matière dénuée de toute forme, et commune, par conséquent, à tous les corps ; c’est une pure abstraction. Ici encore il y a des manuscrits qui, par la modification d’une seule lettre, lisent : « le vide », au lieu de : « la partie commune ». Je me suis décidé pour cette dernière leçon, comme plus haut. Philopon essaie de les expliquer l’une et l’autre, bien que, dans le texte qu’il a sous les yeux, il semble qu’il y ait : « le vide » et non : « la partie commune ». — Ainsi qu’on vient de le dire, au § précédent. Ce détail semble confirmer l’interprétation que j’ai adoptée. — Deux corps dans un seul et même lieu, principe qu’Aristote a plusieurs fois soutenu dans sa Physique, et que la physique moderne a conservé dans sa théorie de l’impénétrabilité des corps.
  9. § 9. Que quand l’air vient de l’eau, c’est-à-dire, quand l’eau, par une cause quelconque, vient à se vaporiser et à se changer en air. Voir la Météorologie, livre 1, ch. 9, § 2, page 55 de ma traduction. — Le volume de l’air, le fait est exact ; mais il ne semble pas que les anciens eussent aucun moyen de le vérifier. — D’un corps nouveau, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — De son contraire, l’eau étant supposée le contraire de l’air. — De ce qui est commun, ceci confirme l’interprétation que j’ai cru devoir adopter plus haut, §§ 1 et 8. — Cette partie commune…. j’ai un peu développé le texte, pour le rendre plus clair. — Mais l’eau…. ne s’est pas accrue, parce qu’en effet elle a dû disparaître, pour se transformer en air. — Et il faut qu’il y ait un corps, et c’est alors cette « partie commune », cette matière abstraite, qui n’est pas cependant un corps réel.
  10. § 10. Une impossibilité nouvelle, j’ai ajouté ce dernier mot, puisqu’il a été : déjà signalé plus haut d’autres impossibilités. — Rationnellement, le texte dit précisément : « à la raison, pour la raison. » - Les conditions indispensables, l’expression du texte n’est pas tout à fait aussi précise. — Le corps qui s’accroît, le texte dit d’une manière plus indéterminée : « ce qui s’accroît » - Il y en a trois, ces trois conditions sent très réelles, et l’on ne pourrait guère mieux dire aujourd’hui. — Et qu’il persiste, en restant ce qu’il était, sauf les dimensions qui s’accroissent, ou qui diminuent. — Se produit ou disparaît, c’est le mouvement de production et de destruction, c’est-à-dire, le passage du non-être à l’être, ou de l’être au non-être. — Demeure et subsiste, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Conserver ces conditions, la répétition n’est pas tout à fait aussi complète dans le texte.
  11. § 11. Qu’est-ce qui s’accroît précisément, il semble qu’ici il n’y a pas de doute possible, et que c’est le corps lui-même qui s’accroît par l’absorption de ce qui vient s’y joindre. — Dans le corps d’un homme, j’ai ajouté ces mots. — Ne s’accroît-il pas aussi, on pourrait ne pas donner la forme interrogative à cette partie de la phrase et dire : « tandis que ce qui fait ne s’accroît pas. » - Sont plut grands, l’expression est équivoque ; car le mélange des deux est certainement plus grand que l’un ou l’autre pris à part ; mais chacun d’eux séparément ne l’est pas, si ce n’est dans le sens détourné de l’exemple qui suit. — La quantité de l’un et de l’autre, ceci n’est pas exact ; la quantité de vin et celle de l’eau restent les mêmes ; mais c’est leur combinaison seule qui est plis considérable ; et si l’on dit qu’il y a plus d’eau ou plus de vin, c’est un simple abus de langage. C’est l’élément dominant qui donne son nom au mélange, ceci même n’est pas fort exact ; et l’on ne dit pas du mélange qu’il soit de l’eau ou du vin ; on dit plutôt qu’il est de l’eau rougie.
  12. § 12. Il en est de même aussi pour l’altération, c’est-à-dire que, dans le phénomène de l’altération, on retrouve aussi les mêmes conditions que dans le phénomène de l’accroissement. — Simplement altérée, c’est le sens véritable de l’altération ; la qualité seule a changé ; mais le corps est resté le même. — Dans sa propre substance, qui n’a pas été altérée, il y a des manuscrits qui n’ont pas cette phrase, et Philopon dans son commentaire ne l’a pas ; mais il me semble qu’on peut accepter le sens que je donne dans ma traduction. — Ce qui ou en d’autres termes un peu plus précis : « la cause de l’altération ». — Ainsi que le principe du mouvement, qui fait que la chose croît ou diminue. — Dans l’objet accru et dans l’objet altéré, c’est une conformité de plus entre l’accroissement et l’altération. — Le principe moteur, ici du mouvement, et là de l’altération. Les commentateurs grecs n’ont pas admis complètement cette théorie ; et d’après Philopon, Alexandre d’Aphrodisée contestait que le principe de l’altération, ou de l’accroissement, fût toujours dans le corps qui s’altère ou qui s’accroît ; ce principe est souvent dans le corps étranger qui apporte à l’autre l’accroissement ou l’altération. — Y devient de l’air, ceci est trop concis et reste obscur : il faudrait ajouter qu’en devenant de l’air, l’eau, par exemple, se dilate, et qu’en devenant plus grande elle cesse d’être aussi ce qu’elle était auparavant. — En souffrant cette transformation, pour que ceci fût plus clair, il aurait fallu citer un exemple spécial, qui n’aurait pas laissé le moindre doute. — Et le principe moteur n’est plus en lui, il est dans ce qui cause la transformation qu’il subit.altère,
  13. § 13. Après avoir suffisamment exposé ces difficultés, Philopon pense qu’Aristote n’a exposé jusqu’à présent que les opinions vulgaires sur les causes de l’accroissement et du décroissement, et qu’il va maintenant exposer son propre système. — Découvrir la solution de ce problème, tel qu’Aristote le comprend. — Les conditions suivantes, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. Ces conditions ont d’ailleurs été déjà énumérées un peu plus haut, § 10. - Sensible, c’est-à-dire, matériel. Philopon insiste sur l’importance de ce mot, sans lequel la pensée ne serait pas assez juste, selon lui. — Que le cops n’est pas vide, il ne paraît pas qu’il y ait ici de variantes, comme plus haut, au § 7. — Deux corps ne peuvent jamais être dans le même lieu, c’est ce que nous appelons aujourd’hui l’impénétrabilité des corps. — Par de l’incorporel, j’ai conservé la généralité de l’expression grecque, qui se comprend assez.
  14. § 14. Les corps à parties non similaires, les commentateurs grecs citent en exemples, le visage, la main, etc., qui s’accroissent, parce que la chair, le sang, les os, corps à parties similaires viennent à s’accroître, et non pas parce qu’un visage ou une main viendraient s’y joindre de toutes pièces ; voir plus bas, § 15. — Car les premiers ne sont composés que des seconds, on sait que c’est là le système d’Anaxagore sur les Homoeméries. On peut voir aussi le début de l’Histoire des animaux. Les corps à parties similaires sont ceux où les parties sont toujours les mêmes, et où elles sont identiques au tout. Ainsi, une particule de sang est toujours du sang ; une partie d’os est toujours de l’os ; mais la partie de la main n’est pas une main ; la partie du visage n’est pas un visage ; et voilà pourquoi ces corps-là sont composés de parties non-similaires. — En un double sens, qui sera expliqué plus bas. On peut entendre à la fois, et que c’est la matière qui s’accroît, ou que c’est simplement la forme. — Leur espèce et leur forme, il n’y a qu’un seul mot dans le texte grec. La matière et la forme sont également appelées, il semble que c’est plutôt la matière que la forme, qui est ainsi dénommée. — Selon la forme, il est vrai que la forme spécifique subsiste ; mais il faut aussi que la matière s’accroisse. — Selon la matière, ceci paraît plus subtil qu’exact. — Avec une mesure qui reste la même, l’eau qui passe successivement dans cette mesure peut varier ; mais la forme de la mesure ne varie pas. Ceci est vrai ; mais l’exemple n’est pas bien choisi, puisque la mesure ne peut pas s’accroître, et qu’il s’agit d’expliquer l’accroissement. — L’eau qui survient, le texte dit simplement : ce qui survient. » J’ai cru devoir préciser un peu davantage la pensée, tout en ôtant un peu de généralité à l’expression. — Que s’accroît la matière de la chair, il semble que ceci contredit ce qui vient d’être affirmé un peu plus haut, à savoir que l’accroissement ne se fait que selon la forme, et non selon la matière. — Il n’y a pas addition à toute partie quelconque, malgré ce qu’on eu croit vulgairement. — Telle partie s’écoule, les corps vivants en effet sont dans un perpétuel écoulement de particules, qu’ils perdent, et d’éléments nouveaux, qu’ils reçoivent sans cesse. — Qu’à toute partie quelconque de la figure, j’ai mis « figure » et non « forme », parce que l’expression même du texte varie aussi.
  15. § 15. Composés de parties non-similaires, l’exemple donné dans le texte est suffisamment clair. La main ne se compose pas de mains, comme le sang se compose de particules de sang. — D’une manière proportionnelle, ceci n’est pas d’une exactitude rigoureuse. — La matière de l’espèce, ou « de la forme. » La matière de la main est très complexe : peau, tendons, sang, os, ligaments, muscles, etc. — Plus facile à distinguer, le texte n’est pas aussi formel. — La main et le bras, voir un passage analogue dans le Traité de l’âme, l, II, ch. 1, § 9, page 167 de ma traduction. — La main et le bras, parce que la main et le bras sont des organes d’action, et que, du moment qu’ils n’agissent plus, ils ne sont plus, pour ainsi dire. — Mais non pas suivant la matière, par la raison qui a été donnée un peu plus haut, 4 la fin du § 14. — Le tout, composé tout à la fois de forme et de matière. — Le contraire, cette expression n’est pas très claire ; et c’est plutôt par le semblable que les choses s’accroissent, ainsi qu’il est expliqué un peu plus bas. — L’humide vient s’adjoindre au sec, par exemple, quand de l’eau tombe sur une surface sèche, et qu’elle s’y vaporise. — Que le sembable le semblable s’accroisse par le semblable, c’est presqu’un axiome dans la philosophie ancienne ; mais cette généralité est un peu vague ; et bien qu’il soit vrai que les choses s’accroissent par l’assimilation d’éléments nouveaux, ce n’est pas une explication très satisfaisante du phénomène complexe de l’accroissement.
  16. § 16. La chose, l’expression du texte est encore plus indéterminée. Ce qui fait croître le corps doit avoir certaine qualité spéciale, par laquelle il peut être assimilé au corps, et se changer en sa substance. — Ce nouvel élément, le texte n’est pas aussi précis. — Le corps en puissance, c’est-à-dire, en d’autres termes, qu’il peut devenir le corps, en s’assimilant à lui. — Si c’est de la chair qu’il accroît, comme les aliments que nous prenons qui se changent en sang et en chair, pour soutenir notre vie, et développer notre corps. — En réalité, en entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Se détruire, ou « disparaître. » Ainsi, le pain que nous mangeons est, en puissance, du sang et de la chair ; mais, dans sa réalité spéciale, il n’est encore ni l’un ni l’autre. — Il y aurait production, ou « génération. » - Dans celle-là, c’est l’expression même du texte ; mais elle semble exagérée ; car on ne peut pas dire que le sang soit dans le pain, quoique, par suite de la digestion, le pain se change substantiellement et devienne du sang. J’ai d’ailleurs ajouté le mot de : « précisément. » - Par cet élément nouveau, le texte n’est pas aussi formel. — A-t-il subi un mélange, j’ai dû ici développer un peu le texte. — Puisse faire encore du vin, ceci peut être en effet, si la quantité d’eau versée est assez petite pour ne pas dénaturer sensiblement le mélange. — Ou bien, le texte dit simplement : « Et » - De même que le feu brûle, la comparaison est fort ingénieuse ; elle est même plus exacte que ne pouvait le croire Aristote, et la physiologie de nos jours a trouvé dans l’assimilation des aliments une espèce de combustion. La force vitale est une sorte de feu, qui transforme les aliments ingérés en nous. — En réalité et en entéléchie, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — La substance intérieure qui a la force d’accroître, les expressions du texte sont très vagues, et j’ai dû les préciser davantage dans ma traduction. — Réelle et en entéléchie, ici encore il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Cet élément nouveau, le texte n’est pas aussi précis. — Coexiste et soit avec l’autre, j’ai dû développer et presque paraphraser le texte, qui est ici d’une extrême concision. Mais je ne trouve pas que la pensée soit fort claire. « Coexister et être ensemble » peut s’entendre du lieu, mais aussi de la substance ; et dans ce dernier sens, ce serait une simple assimilation. — Une production réelle, j’ai ajouté ce dernier mot. — Avec du feu qui existe préalablement, le texte n’est pas aussi développé. — Quand les bois eux-mêmes viennent à brûler, l’expression n’est pas assez nette ; car les bois ne bullent pas tout seuls, et il faut toujours qu’on les approche du feu. — Il y a production véritable, j’ai ajouté encore ce dernier mot. Cette production est simplement celle d’un nouveau phénomène.
  17. § 17. Prise dans son sens universel, l’expression du texte est plus indéterminée, et la nuance est très difficile à rendre. On pourrait traduire aussi : « Mais ce n’est pas l’universel, qui devient ici une certaine quantité. » - L’animal, d’une manière vague et non spéciale. L’animal, compris universellement, n’existe pas ; mais il existe tel ou tel animal particulier, dans lequel se retrouve l’idée générale d’animal. — De la quantité, prise au sens universel. — De l’universel, c’est-à-dire de l’Idée ; la quantité comprise abstraitement n’existe pas plus que l’animal abstrait. — Les parties similaires, c’est-à-dire, les parties élémentaires, qui n’ont plus entr’elles aucune différence, et qui sont toutes pareilles. — Une certaine quantité de matière, toutes ces distinctions peuvent paraître bien fines et même bien subtiles ; mais elles sont exactes ; et les phénomènes sont eux-mêmes si délicats qu’il ne faut pas trop s’étonner, s’il y a tant de peine à les décrire. — Une quantité appréciable, j’ai ajouté ce dernier mot, pour éclaircir la pensée. En appliquant ceci aux aliments dont nous nous nourrissons, il est bien vrai que le pain est une quantité qui vient s’ajouter à notre chair ; mais il est également vrai qu’il n’est pas encore de la chair précisément. — L’élément nouveau, le texte n’est pas aussi précis. — L’un et l’autre en puissance, c’est-à-dire, d’après le commentaire de Philopon, de la chair en puissance d’une manière générale, et aussi une certaine quantité de chair en puissance également. En d’autres termes, il faut que l’élément nouveau puisse, à la fois, devenir de la chair, et une certaine quantité de chair, qui, en se joignant au corps, puisse lui donner l’accroissement qu’il prend. — L’élément ajouté, le texte n’est pas aussi formel. — Qu’il peut nourrir le corps, le texte dit simplement : « qu’il nourrit. » - Rationnellement, ou peut-être : « par leur définition. » - Et même qu’il dépérit, ou peut traduire aussi : « et même jusqu’à ce qu’il se détruise. » - Au fond, j’ai ajouté ces mots. — Mais leur être est différent, distinction bien connue, et souvent employée, dans le système d’Aristote. — Ainsi donc, résumé de la théorie précédente, qui peut sembler à la fois très délicate et très vraie.
  18. § 18. Tout ce paragraphe est fort obscur ; et il paraît probable que le texte est ici altéré. Il semble cependant que Philopon l’avait déjà tel que nous l’avons aujourd’hui, et qu’il n’y trouvait aucune difficulté. Aussi son commentaire ne nous donne-t-il aucune lumière spéciale. — Sans matière… dans la matière immatérielle, toutes ces répétitions sont dans l’original. — La quantité… Les points que j’ai mis ici, à l’imitation de quelques éditeurs, doivent servir à indiquer qu’il y a probablement une lacune ; mais ce n’est qu’une simple conjecture, que n’appuie aucun document. — Ces corps immatériels, le texte a un pronom démonstratif, au masculin pluriel, qui ne semble se rapporter à rien, et qui peut faire croire à la lacune que j’ai signalée. Les Coïmbrois ont supposé une variante, qui consisterait en un accent sur une voyelle ; mais cette variante ne servirait guère à éclaircir le texte. A les en croire, il s’agirait ici de l’exemple de la flûte (aûlos pour aülos), où l’on pourrait distinguer, comme dans tout autre instrument, la forme outre la matière. Cette hypothèse ne dissipe pas du tout l’obscurité de ce passage, et il faut le laisser tel qu’il est, en reconnaissant qu’on ne peut le rectifier. — Cette matière ajoutée, l’expression du texte est tout à fait indéterminée ; j’ai cru devoir être plus précis dans la traduction. — Rien produire, ici j’ai conservé au contraire l’expression du texte dans toute sa généralité ; parce que j’aurais craint de l’altérer, en essayant de la rendre moins vague. « Ne rien produire » signifie sans doute que la matière ajoutée ne peut plus être assimilée à la substance du corps auquel elle se joint. — La destruction de la quantité, il semble que ce serait plutôt « de la qualité ; » mais il n’y a pas de variante. — La forme et l’espèce, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — N’en demeureront pas moins, il semble au contraire, d’après l’exemple même qui vient d’être cité, que la forme et l’espèce disparaissent, puisque le vin se change définitivement en eau par l’addition du liquide qui y est versé.